Passer au contenu

FINA Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

Le Document de travail recense un certain nombre de domaines liés à l’échange de renseignements entre diverses parties afin de faciliter l’administration du Régime. Des témoins ont abordé la question de la communication des renseignements, sous les angles suivants :

  • la communication et la conservation des renseignements au sein du gouvernement;
  • la communication et la conservation des renseignements entre le gouvernement et le secteur privé;
  • la communication et la conservation des renseignements au sein du secteur privé; et
  • le désengagement financier.

A.  Communication et conservation des renseignements au sein du gouvernement

(i) Contexte

Constitué par la Loi et son règlement d’application, le CANAFE est la cellule canadienne du renseignement financier et relève du ministère des Finances Canada. Il recueille le renseignement de nature financière et veille à ce que les entités déclarantes respectent les lois et les règlements. À titre d’agence du renseignement financier, le CANAFE agit de façon autonome et indépendante des organismes d’application de la loi et ne possède aucun pouvoir d’enquête. Il n’est autorisé en vertu de la Loi qu’à communiquer les « renseignements désignés » définis par les paragraphes 55(7), 55.1(3) et 56.1(5), selon la nature de la communication[14].

Comme l’explique le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, la Loi sur la protection des renseignements personnels définit le droit des Canadiens à la vie privée dans leurs rapports avec le gouvernement fédéral. Elle oblige les institutions fédérales à respecter la vie privée des personnes en encadrant la collecte, l’utilisation, la communication, la conservation et l’élimination des renseignements personnels recueillis[15]. Le paragraphe 8(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels précise qu’il n’est possible de communiquer les renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale, à défaut du consentement de l’individu qu’ils concernent, que conformément aux paragraphes 8(2)–(8). En outre, les provinces et les territoires ont des lois qui dictent comment les organismes du gouvernement provincial ou territorial doivent traiter les renseignements personnels.

En vertu de l'alinéa 8(2)m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, les institutions gouvernementales peuvent notamment communiquer des renseignements sur les Canadiens dans les cas où « des raisons d’intérêt public justifieraient nettement une éventuelle violation de la vie privée » ou que « l’individu concerné en tirerait un avantage certain ». Avant de faire une telle divulgation, l'institution fédérale doit en informer le commissaire à la protection de la vie privée. De plus, selon le paragraphe 5(1) de la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada, certaines institutions fédérales désignées, notamment le CANAFE, peuvent, de leur propre initiative ou sur demande, fournir des renseignements à une autre institution fédérale désignée si ces renseignements se rapportent à la compétence de l'institution destinataire ou ont trait à des « activités portant atteinte à la sécurité du Canada, notamment en ce qui touche la détection, l’identification, l’analyse, la prévention ou la perturbation de ces activités ou une enquête sur celles-ci ». En outre, cette institution ne peut être poursuivie en justice en cas de divulgation effectuée de bonne foi en application de cette loi. Cependant, le paragraphe 5(1) est « assujetti aux dispositions de toute autre loi fédérale », c’est-à-dire que les institutions fédérales désignées doivent tout de même se conformer aux autres obligations législatives en matière de divulgation, comme celles qui sont plus rigoureuses, si jamais elles désirent faire une déclaration en vertu du paragraphe 5(1).

Aux États-Unis, aucune loi fédérale particulière ne régit la collecte et l'utilisation de données personnelles;[16] le pays est plutôt doté d’un système disparate de lois fédérales et de lois d’État ainsi que de règlements qui pourraient se chevaucher. De plus, il existe de nombreuses lignes directrices élaborées par des organismes gouvernementaux et des groupes de l’industrie qui n'ont pas force de loi, mais qui font partie de lignes directrices et de cadres en matière d'autoréglementation, et qui sont considérées comme des « pratiques exemplaires ». L'une de ces pratiques fait notamment allusion à la « règle de la tierce partie ».

Aux États-Unis, le Department of Justice définit la « third agency rule » [règle de la tierce partie] comme étant une restriction de l’échange de renseignements entre les différents organes du gouvernement. Ainsi, un département ou un organisme ne peut communiquer des renseignements à un autre département ou organisme qu’à la condition que ce dernier s’abstienne de les transmettre à un autre département ou organisme.

(ii) Témoignages

Le gouvernement de la Colombie-Britannique a fait observer qu’il est nécessaire d’améliorer la communication des renseignements. Étant donné l’ampleur des informations que le CANAFE tient à sa disposition, le gouvernement de la Colombie-Britannique est d’avis que le CANAFE est le mieux placé pour cerner les tendances émergentes et à long terme, et il aimerait que ce type de renseignements soit communiqué aux instances provinciales appropriées. L’Association des banquiers canadiens a elle aussi recommandé que le Régime soit amélioré au moyen d’une collaboration et d’une communication accrues et grâce à un échange de renseignements plus efficace entre les gouvernements. C’était également l’opinion du gouvernement de la Colombie-Britannique, pour qui un éventuel mécanisme d’échange de renseignements entre les autorités et le CANAFE devrait être réglementé en vertu de la LRPCFAT. L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes a rappelé au Comité que, ces dernières années, des modifications ont été apportées afin que le CANAFE échange des renseignements avec un plus grand nombre de ses partenaires fédéraux et provinciaux, notamment les autorités des marchés financiers et les agences de renseignement nationales.

Le commissaire à la vie privée du Canada a insisté sur la nécessité d’établir des normes juridiques rigoureuses concernant la collecte et la communication de renseignements personnels, d’assurer une surveillance efficace et de réduire au minimum les risques d’atteinte à la vie privée des Canadiens qui respectent les lois, en partie grâce à des pratiques prudentes de conservation et de destruction des renseignements. De l’avis du commissaire, le Régime manque de proportionnalité, car le volume des communications de renseignements aux entités chargées de l’application de la loi et à d’autres organismes d’enquête au cours d’un exercice financier donné n’est pas très élevé, si on les compare à la quantité de renseignements reçus pendant cette même période. De plus, la durée de conservation de dossiers n’ayant fait l’objet d’aucune divulgation par le CANAFE est passée de 5 à 10 ans en 2007. Toujours selon l’avis du commissaire, une fois que ces renseignements sont analysés et qu’ils permettent de conclure qu’une personne ne représente pas une menace, ces données ne devraient plus être conservées; en conséquence, il conviendrait d’adopter une approche de la collecte et de conservation des informations fondée sur le risque. Le commissaire a parlé aussi des pratiques de conservation des informations qui seraient instaurées grâce au projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale, et par lesquelles les informations seraient filtrées dans les 90 jours et conservées uniquement si la Cour fédérale est convaincue qu’elles sont susceptibles de contribuer à l’exécution du mandat du Service canadien du renseignement de sécurité. Enfin, il a recommandé que le Commissariat reçoive le mandat d’entreprendre un examen sur la proportionnalité un an avant la date prévue des examens quinquennaux de la LRPCFAT par le Parlement.

Le gouvernement de la Colombie-Britannique a avancé que les autorités ne travaillent pas dans les bureaux du CANAFE pour des questions de respect des renseignements personnels; selon le gouvernement, il serait tout à l’avantage du Régime d’instaurer une telle pratique.

Dans le cadre de ses déplacements, le Comité a appris que la conservation à long terme des informations est un aspect important du Régime. En effet, il faut savoir que les criminels étaient auparavant moins bien outillés pour masquer le côté financier de leurs crimes, et que, ensuite, dès qu’un individu fait l’objet d’une enquête, l’accès des autorités aux données plus anciennes sur sa « carrière criminelle » s’avère très utile pour étoffer le dossier de la poursuite. Le CANAFE a expliqué que les rapports qu'il reçoit sont éliminés au bout de 10 ans s’ils ne sont pas divulgués aux organismes d'application de la loi, et le commissaire à la protection de la vie privée a noté que cette limite de conservation des données avait été prolongée par rapport à la limite précédente de 5 ans en vigueur en 2007.

Par ailleurs, bon nombre de ces témoins étaient d’avis qu’une meilleure communication entre les organes gouvernementaux se traduirait par une meilleure efficacité du Régime.

B.  Communication et conservation des renseignements entre le gouvernement et le secteur privé

(i) Contexte

La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) du Canada décrit de quelle façon les organismes du secteur privé collectent, utilisent et divulguent les renseignements personnels dans le cadre d’activités commerciales sans but lucratif au Canada. La LPRPDE s’applique aussi aux renseignements personnels des employés des entreprises sous réglementation fédérale comme les banques, les compagnies aériennes et les entreprises de télécommunication. L’Alberta, la Colombie-Britannique et le Québec ont des lois régissant les renseignements personnels dans le secteur privé jugées « essentiellement similaires » à la LPRPDE, qui s’appliquent parfois en place et lieu de la LPRPDE.

Les renseignements que reçoit et analyse le CANAFE peuvent être communiqués sous la forme d’études, de méthodes et de tendances en vue de sensibiliser le public – y compris les entités déclarantes – aux questions de blanchiment d’argent et de financement des activités terroristes. Par exemple, le projet PROTECT, lancé en janvier 2016, est un partenariat public‑privé entre les entités déclarantes et le CANAFE qui cible la traite de personnes à des fins d’exploitation sexuelle en mettant l’accent sur le blanchiment d’argent. À la suite d’un dialogue avec les entités déclarantes, les autorités et les décideurs, le CANAFE a publié une alerte opérationnelle, intitulée Indicateurs : Recyclage de produits illicites provenant de la traite de personnes à des fins d’exploitation sexuelle. L’alerte porte sur les types d’opérations financières, les tendances financières et les activités dans des comptes qui pourraient éveiller des soupçons de recyclage des produits de la criminalité et déclencher la nécessité d’envoyer une déclaration d’opérations suspectes au CANAFE.

La USA Patriot Act comporte des dispositions sur la prévention et la détection du blanchiment d’argent et du financement des activités terroristes ainsi que sur les poursuites judiciaires pour ces crimes[17]. En particulier, l’alinéa 314(a) autorise à fournir aux institutions financières une « liste au titre de l’alinéa 314(a) » des personnes ou entités soupçonnées d’activité criminelle et à forcer les institutions financières à donner des renseignements sur elles. Les autorités de l’administration fédérale, des États, des régions et de l’étranger qui enquêtent sur le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes peuvent demander que le FinCEN obtienne certains renseignements auprès des institutions financières. Pour cela, les autorités doivent fournir un certificat déclarant que les personnes, entités ou organisations visées par la demande exercent, ou sont raisonnablement soupçonnées d’exercer, des activités de blanchiment d’argent ou de financement d’activités terroristes. À la réception d’une demande envoyée par le FinCEN, une institution financière est tenue de vérifier si elle tient les comptes de la personne, de l’entité ou de l’organisation visée par l’enquête ou si elle entretient des liens d’affaires avec celle-ci, puis de faire rapport de ses constatations au FinCEN.

Au Royaume‑Uni, le Joint Money Laundering Intelligence Taskforce (JMLIT) est un partenariat conclu en mai 2016 entre le gouvernement britannique et le monde de la finance en vue de combattre le blanchiment d’argent sophistiqué. Le partenariat se compose de la British Bankers Association, des autorités et de plus de 40 grandes banques britanniques et étrangères sous la gouverne du  Financial Sector Forum. Les membres des divers échelons au JMLIT se rencontrent tous les mois ou trimestres afin de faire progresser les ententes sur l’échange du renseignement convenues entre les organisations, de resserrer les liens entre les organismes publics et privés et de discuter des améliorations possibles et des bonnes pratiques dans le Régime[18].

Les membres du JMLIT se réunissent pour partager leur information et leurs expériences afin de mieux comprendre le financement lié à la fraude et à la corruption, le blanchiment d'argent par voies commerciales, le financement lié au crime organisé en matière d’immigration, le blanchiment d'argent par le biais des marchés des capitaux, et les méthodes de financement des activités terroristes. D’après la National Crime Agency du Royaume-Uni [disponible en anglais seulement], le JMLIT a produit de nouvelles interventions ciblées et coordonnées efficaces en matière de blanchiment d’argent et de financement des activités terroristes pour les agents d'exécution de la loi et le secteur financier, ce qui a permis, entre autres, d’arrêter 63 personnes soupçonnées de recyclage de produits de la criminalité et de gel de sept millions de livres sterling de fonds présumés être de nature criminelle.

(ii) Témoignages

L’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières a proposé que le CANAFE travaille de pair avec d’autres autorités de réglementation pour réduire les dédoublements et les chevauchements dans les règles et procédures. Selon Vanessa Iafolla, qui a témoigné à titre personnel, il est nécessaire d’améliorer l’orientation et la rétroaction offerte par les autorités de surveillance comme le Bureau du surintendant des institutions financières et le CANAFE, aux organisations visées par la réglementation pour une déclaration facilitée en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes.

L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes s’est montrée favorable dans l’ensemble aux mesures législatives sur la protection des renseignements personnels et la lutte contre le blanchiment d’argent, qui facilitent l’échange de renseignements entre les secteurs privé et public. Elle a laissé entendre que le Canada gagnerait à adopter les bonnes pratiques utilisées à l’étranger propices à l’échange de renseignements. La Banque HSBC Canada a signalé que le gouvernement fédéral doit prendre d’autres mesures qui optimiseraient l’échange de renseignements et les mécanismes de rétroaction.

Des témoins ont observé que le CANAFE donne une rétroaction insuffisante aux entités déclarantes. En particulier, les représentants du gouvernement de la Colombie-Britannique, de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières, de l’Association canadienne des bijoutiers, de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, de l’Association des banquiers canadiens et de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes ainsi que Shahin Mirkhan, John Jason, Vanessa Iafolla, Christian Leuprecht et Mora Johnson, qui ont comparu à titre personnel, n’estiment pas que le CANAFE communique adéquatement avec les entités déclarantes et croient qu'une augmentation des communications bilatérales serait bénéfique. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a notamment décrit le CANAFE comme une « boîte noire » à laquelle de l'information est transmise et qui ne fournit aucune rétroaction. En revanche, l’organisme Jewellers Vigilance Canada Inc. dit avoir une très bonne communication depuis une dizaine d’années. Le CANAFE a précisé que l’échange de renseignements tient à un juste équilibre entre l’efficacité et la protection des droits des Canadiens et que son travail de sensibilisation auprès des entités déclarantes lui permet d’obtenir des renseignements sur des opérations potentiellement douteuses et des indices pour déceler les tendances dans le blanchiment d’argent.

L’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières estimait elle aussi que le CANAFE doit instaurer un dialogue permanent avec les maisons de courtage de valeurs et les autres acteurs du milieu financier pour améliorer la transparence à l’égard des exigences du CANAFE.

Pour évaluer plus succinctement les conséquences du Régime, Transparency International Canada a souligné qu’il faut faire preuve de plus de transparence et offrir une meilleure rétroaction aux entités déclarantes et à la population. Il avance que le gouvernement doit établir un cadre de mesure de rendement pour les opérations du Régime et rendre ses conclusions publiques tous les ans.

Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada a averti que l’échange accru de renseignements avec le secteur public serait utile à la détermination des menaces, dans la mesure où il doit être assorti de mesures de protection de la vie privée. Faute de quoi, une telle approche aggraverait ses préoccupations sur la proportionnalité du Régime.

Lors des déplacements du Comité, des témoins ont affirmé que des directives lacunaires du CANAFE destinées aux entités déclarantes représentent une grave faille du Régime. En effet, les entités déclarantes ne sont pas en mesure de bien aider le CANAFE à repérer les clients à risque élevé ou les stratagèmes de blanchiment d’argent si elles ignorent la nature des renseignements utiles à l’organisation. Les témoins ont également fait remarquer que le FinCEN et la National Crime Agency sont en mesure de communiquer avec les entités déclarantes de leur pays respectif, soit les États-Unis et le Royaume-Uni, en plus de les mettre au courant des stratagèmes et de demander des informations complémentaires.

Des témoins ont également fait savoir durant les déplacements du Comité que les banques canadiennes bénéficieraient d’un d’échange de renseignements sous les auspices d’un modèle analogue à celui du JMLIT.

C.  Communication et conservation des renseignements au sein du secteur privé

(i) Contexte

La LPRPDE autorise les entreprises à recueillir uniquement les renseignements essentiels à une opération commerciale. Si l’entreprise demande un complément d’information, une personne est en droit d’exiger des explications et de refuser en cas de réponse insatisfaisante, sans que sa décision nuise à l’opération. Comme le dit le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, la LPRPDE énonce dix « principes relatifs à l’équité dans le traitement de l’information » qui représentent collectivement les fondements de cette loi :

  • 1) Responsabilité : Les organisations doivent désigner un responsable des questions relatives à la protection de la vie privée. Elles doivent également mettre à la disposition des clients de l’information sur leurs politiques et leurs procédures en matière de protection des renseignements personnels.
  • 2) Détermination du but de la collecte de renseignements : Les organisations doivent préciser les motifs de la collecte de renseignements personnels, avant ou pendant cette collecte.
  • 3) Consentement : Les organisations doivent vous informer clairement des fins auxquelles les renseignements personnels qui vous concernent sont recueillis, utilisés ou communiqués.
  • 4) Limitation de la collecte : Les organisations doivent restreindre la quantité et la nature des renseignements recueillis à ceux qui sont nécessaires.
  • 5) Limitation de l’utilisation, de la communication et de la conservation : En règle générale, les organisations doivent utiliser ou communiquer les renseignements personnels vous concernant uniquement aux fins pour lesquelles ils ont été recueillis, à moins d’avoir obtenu votre consentement. Elles ne doivent conserver vos renseignements personnels qu’aussi longtemps que nécessaire.
  • 6) Rigueur : Les organisations doivent s’assurer que vos renseignements personnels sont aussi exacts, complets et à jour que nécessaire.
  • 7) Mesures de sécurité : Les organisations doivent adopter les mesures de sécurité qui s’imposent pour protéger vos renseignements personnels contre la perte ou le vol.
  • 8) Transparence : Les organisations doivent faire en sorte que leurs politiques et leurs pratiques en matière de protection des renseignements personnels soient compréhensibles et facilement accessibles.
  • 9) Accès aux renseignements personnels : En règle générale, vous avez le droit d’avoir accès aux renseignements personnels qu’une organisation détient à votre sujet.
  • 10) Recours (possibilité de porter plainte à l’égard du non-respect des principes) : Les organisations doivent mettre en place des procédures simples et facilement accessibles pour le dépôt de plaintes. Lorsque vous communiquez avec une organisation pour lui faire part de vos préoccupations concernant la protection des renseignements personnels, elle doit vous informer des différents recours qui s’offrent à vous.

Au sein de l’Union européenne, le Règlement général sur la protection des données, entré en vigueur en mai 2018, impose de nouvelles obligations pour protéger la vie privée aux entreprises qui traitent et détiennent les renseignements personnels des résidents de l’Union européenne, sans égard pour l’emplacement de l’entreprise. Ces entreprises sont désormais tenues d’obtenir l’accord explicite et univoque de leurs clients pour traiter et détenir leurs « données à caractère personnel » à des fins précises pour une durée déterminée. Lesdites « données » comprennent, en règle générale, le nom d’une personne, son numéro d’identification, ses données de localisation et son identifiant en ligne. Cette énumération fait état de l’évolution de la technologie et des méthodes utilisées par les entreprises pour recueillir les données.

Au titre du Règlement général sur la protection des données, les particuliers sont en droit de demander une copie des données qu’une entreprise détient sur eux et une explication sur leur utilisation. Ils peuvent aussi demander si des tiers y ont accès, en plus de réclamer leur suppression et une indemnité pour tout dommage causé par une violation au Règlement. Les entreprises s’exposent à des amendes pouvant s’élever jusqu’à 4 % de leur chiffre d’affaires annuel mondial ou 20 millions d’euros si elles violent le Règlement.

Aux États-Unis, l’alinéa 314b) de la USA Patriot Act autorise les institutions financières à échanger entre elles volontairement – à condition d’en avertir le FinCEN – les renseignements au moyen d’une « liste au titre de l’alinéa 314b) » et leur garantit l’immunité contre des poursuites civiles découlant des divulgations respectueuses de la Bank Secrecy Act. Les institutions financières sont tenues d’établir et de maintenir une marche à suivre, qui protège la sécurité et la confidentialité des renseignements échangés, et de faire part de données uniquement aux fins suivantes :

  • repérer et, s’il y a lieu, signaler les activités potentiellement associées au financement d’activités terroristes ou au blanchiment d’argent;
  • déterminer s’il faut créer ou conserver un compte ou encore exécuter une opération;
  • aider de manière conforme aux exigences sur la lutte contre le blanchiment d’argent.

(ii) Témoignages

L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes s’est elle aussi montrée favorable aux modifications proposées concernant la protection des renseignements personnels et la lutte contre le blanchiment d’argent qui auront pour effet de faciliter l’échange de renseignements. À son avis, le gouvernement gagnerait à adopter de bonnes pratiques utilisées à l’étranger. L’Association des banquiers canadiens a appuyé la recommandation du comité de l’éthique voulant que la LPRPDE soit modifiée pour ajouter bien d’autres circonstances, comme les situations de blanchiment d’argent et de financement d’activités terroristes, où les institutions financières puissent échanger des renseignements. L’Association se dit pourtant consciente que toute mesure prise pour faciliter l’échange de renseignements doit être contrebalancée par la protection de la vie privée.

Le commissaire à la vie privée du Canada a insisté sur le fait que tout échange de renseignements entre le gouvernement et le secteur privé doit se faire de manière conforme à la LPRPDE. Il a recommandé aussi que le ministère des Finances soit tenu par la loi de consulter le Commissariat avant de déposer des projets de loi et de règlement ayant des répercussions sur la protection de la vie privée.

Lors des déplacements du Comité, des témoins ont fait observer que les entités déclarantes d’ici et d’ailleurs sont en train de développer une intelligence artificielle avancée et de mettre au point des modélisations informatiques pour évaluer les risques que représentent leurs clients sur le plan du blanchiment d’argent et du financement des activités terroristes. Certains ont noté que ces technologies peuvent mettre à contribution les données publiques – notamment celles sur les médias sociaux – et que cette utilisation par le secteur privé n’est à peu près pas réglementée.

D’après ces témoins, les institutions financières sont mieux capables de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes si elles échangent des renseignements entre elles. Cet argument est particulièrement vrai vu le degré de sophistication du crime organisé : ils éparpillent leurs actifs financiers et effectuent leurs opérations financières dans de nombreuses banques pour empêcher celles-ci de détecter la nature criminelle de leurs activités.

D.  Communication de renseignements et désengagement financier

(i) Contexte

Le désengagement financier renvoie à la pratique des institutions financières qui clôturent les comptes d’un client et cessent toute relation d’affaires avec lui, car elles le considèrent comme étant à risque élevé.

(ii) Témoignages

En ce qui a trait aux entreprises de services monétaires, le gouvernement de la Colombie-Britannique a indiqué que la volatilité du secteur a été mise en lumière aux États‑Unis. En effet, de nombreuses institutions financières ont mis fin à leurs relations avec ces entreprises dans le cadre d’un processus de désengagement financier afin d’éviter d’autres risques liés à la lutte contre le blanchiment d’argent. Dans son mémoire au Comité, la Dominion Bitcoin Mining Company, qui s’est penchée sur la question du désengagement financier, souligne que les entreprises de services monétaires, dont celles évoluant dans l’espace de la cryptomonnaie, ont éprouvé de grandes difficultés à établir des relations bancaires en raison du risque perçu de blanchiment. La société soulève un autre point : les institutions financières désignent automatiquement les entreprises de services monétaires comme étant à risque élevé lorsque le CANAFE les examine. La société propose par conséquent que le CANAFE invite les institutions financières à activer ses mécanismes de vigilance améliorés au lieu de carrément refuser d’offrir des services bancaires aux entreprises de services monétaires.

Lors des déplacements du Comité, les témoins ont expliqué que les banques canadiennes mettent fin à leurs relations avec une dizaine de clients tous les jours. Ceux‑ci ont cependant le droit d’en appeler auprès de l’ombudsman de l’institution. Les témoins ont averti qu’un échange de renseignements optimisé entre les entités déclarantes – les banques surtout – donnerait lieu à un accroissement considérable du désengagement financier, car les entités déclarantes privilégient leurs intérêts financiers à l’accès des consommateurs à leurs services. Ils ont souligné par exemple la « règle des trois prises ». Selon cette règle, une banque étrangère mettra un terme à sa relation avec un client après trois demandes d’information complémentaire sur celui-ci d’une unité des renseignements financiers même si elle n’a aucune preuve de méfait. Les témoins ont averti que, par suite de désengagement financier, on pourrait invoquer les lois sur le « droit à des services bancaires » dans certains pays. Or, il faut prendre des mesures pour empêcher que les criminels ne déplacent leurs actifs vers des comptes protégés par ces lois.

Des témoins ont expliqué que le désengagement financier pose un autre problème aux autorités, car celles-ci ont tout intérêt à ce que la personne visée par une enquête poursuive ses activités bancaires comme d’habitude sans soupçonner qu'elle en fait l’objet. Ils ont fait valoir que les organismes d’application de la loi peuvent être plus efficaces lorsque les criminels se servent de téléphones cellulaires et de comptes bancaires. Aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Canada, les autorités peuvent d’ailleurs demander de manière officielle ou non aux banques de mettre un terme aux relations d’affaires avec des clients qui font l’objet d’une enquête. Les banques rechignent à accepter à moins d’être indemnisées pour de quelconques perte et dette[19].

Recommandations du chapitre 2

Recommandation 14

Que le gouvernement du Canada examine la « règle de la tierce partie » du gouvernement des États-Unis sur la communication de renseignements et détermine si elle contribuera à la tenue d’enquêtes sur le blanchiment d’argent et le financement d’activités terroristes et à leur détection au Canada.

Recommandation 15

Que le gouvernement du Canada élargisse le mandat du CANAFE afin :

  • de se consacrer davantage à l’obtention de renseignements utilisables sur le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes à l’exemple du FinCEN aux États-Unis et affecter au CANAFE les ressources nécessaires pour bien mener les analyses correspondantes;
  • d’assurer la conservation des renseignements pendant 15 ans;
  • de mettre en place un modèle opérationnel propice à la communication bidirectionnelle des renseignements (au lieu d’un simple système de collecte de données);
    • d’aider le CANAFE à faire part de rétroaction, de bonnes pratiques et de tendances à long terme de sorte que les entités déclarantes l’appuient correctement.
  • de réclamer davantage de renseignements aux organismes déclarants pour préciser la déclaration d’activités suspectes ou de monter un dossier plus solide avant de transmettre celui-ci aux autorités;
  • de publier des données cumulatives, sous réserve des lois canadiennes, sur un groupe d’organismes déclarants précis ou un secteur pour des travaux de statistiques ou de recherche ou encore pour les besoins des pouvoirs publics.

Recommandation 16

Que le gouvernement du Canada forme un partenariat et une table ronde avec les ténors de l’industrie qui investissent fortement dans des technologies plus pointues de détection des activités et opérations suspectes afin de favoriser les bonnes pratiques dans l’industrie.

Recommandation 17

Que le gouvernement du Canada prenne les mesures nécessaires pour reproduire au Canada le modèle du groupe de travail britannique appelé le Joint Money Laundering Intelligence Taskforce.

Recommandation 18

Que le gouvernement du Canada envisage de déposer un projet de loi, qui favorise la communication de renseignements uniquement liés à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes entre les institutions financières sous réglementation fédérale, comme les banques et les sociétés de fiducie, à condition que le CANAFE en soit toujours avisé.

Recommandation 19

Que le gouvernement du Canada impose les conditions nécessaires aux banques pour déterminer un « seuil de risque faible » et établisse les exemptions de manière à ce qu’elles ne refusent pas d’ouvrir un compte bancaire aux Canadiens les plus vulnérables, faute de pièces d’identité.


[14]            Le paragraphe 55(7) porte sur la communication de renseignements aux ministères et organismes canadiens relativement à une enquête ou à des poursuites pour une infraction de recyclage des produits de la criminalité ou de financement des activités terroristes; le paragraphe 55.1(3) porte sur la communication aux ministères et organismes canadiens relativement aux renseignements ayant trait aux menaces contre la sécurité du pays; le paragraphe 56.1(5) porte quant à lui sur la communication de renseignements à une institution ou à un organisme de l’étranger ou à une organisation internationale dotée de pouvoirs et d’un mandat similaires à ceux du CANAFE.

[15]            La Loi sur la protection des renseignements personnels définit les « renseignements personnels » comme étant les renseignements consignés qui concernent « un individu identifiable ». Il peut s’agir de renseignements sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la religion, l’âge, la situation de famille ou le groupe sanguin; des empreintes digitales; de renseignements relatifs au dossier médical, au casier judiciaire ou aux antécédents professionnels ou à des opérations financières; de l’adresse domiciliaire; du numéro d’assurance sociale, du permis de conduire ou de tout autre numéro d’identification attribué à un individu.

[16]            Parmi les lois fédérales américaines couvrant la protection des renseignements personnels se trouvent notamment la Privacy Act of 1974 (loi de 1974 sur la protection des renseignements personnels), la E-Government Act of 2002 (loi de 2002 sur le cybergouvernement) et la Federal Records Act (loi sur les dossiers fédéraux).

[17]            Le titre intégral de la USA Patriot Act est « Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism (USA PATRIOT) Act of 2001 ».

[18]            Voir : Agence nationale de lutte contre la criminalité, JMLIT Toolkit, consulté le 27 juin 2018 [disponible en anglais seulement].

[19]            Aux États-Unis, ces indemnités s’appellent « lettres d’exonération de responsabilité ».