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FINA Rapport du Comité

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Des témoins ont fait des remarques sur les améliorations que l’on pourrait apporter aux mesures de collecte de renseignement et d’exécution de la loi concernant entre autres :

  • les poursuites et les normes juridiques;
  • la monnaie en vrac et les actions au porteur;
  • les ordonnances de ciblage géographique;
  • les unités de transparence commerciale;
  • les mesures de conformité et d’application de la loi.

A.  Poursuites et normes juridiques

(i) Contexte

Le blanchiment d’argent est une infraction selon le paragraphe 462.31(1) du Code criminel. Il faut donc prouver hors de tout doute raisonnable que la personne accusée avait bien l’intention de cacher ou de convertir des biens ou des produits qu’elle sait ou croit découler d’une infraction criminelle désignée[20], ou qu’elle a délibérément ignoré ce fait. Dans les circonstances, la « connaissance » est la conscience subjective d’un fait objectivement vrai, à savoir que la personne accusée serait reconnue coupable si, dans les faits, elle recycle les produits de la criminalité et qu’elle en est subjectivement consciente. « L’aveuglement volontaire » tient à la conscience subjective de circonstances qui devraient mettre quiconque en garde contre la véracité d’un fait, à laquelle s’ajoute le refus délibéré d’en confirmer l’existence. D’autre part, la « croyance » est la conscience subjective de la véracité d’un fait, qui est objectivement vrai ou non.

L’« aveuglement volontaire » se distingue de la « négligence » et l’« insouciance », comme en fait état de la décision dans l’affaire R. c. Sansregret :

La négligence s’apprécie selon le critère objectif de la personne raisonnable. La dérogation à sa conduite pondérée habituelle, sous la forme d’un acte ou d’une omission qui démontre un niveau de diligence inférieur à ce qui est raisonnable […] Conformément aux principes bien établis en matière de détermination de la responsabilité criminelle, l’insouciance […] se trouve dans l’attitude de celui qui, conscient que sa conduite risque d’engendrer le résultat prohibé par le droit criminel, persiste néanmoins malgré ce risque. En d’autres termes, il s’agit de la conduite de celui qui voit le risque et prend une chance. [Les auteurs mettent en gras.]

Depuis l’affaire R v Anwoir [2008], qui a été entendue au Royaume-Uni, la Couronne n’a plus besoin, pour une infraction de blanchiment d’argent, de prouver que l’acte criminel ayant généré les produits était une infraction ou une catégorie d’infractions en particulier (comme les infractions désignées au Canada). Au lieu de cela, elle peut avoir recours à la « conclusion nécessaire » d’après les circonstances où seule la criminalité peut générer ces produits. Citons en exemple une personne accusée de mener un grand train de vie sans pouvoir fournir les sources légales de ses fonds. La Couronne peut alors avancer que les circonstances justifient une telle conclusion nécessaire et n’a pas à prouver que les fonds découlent d’une infraction ou d’une catégorie d’infractions en particulier.

(ii) Témoignages

La GRC a indiqué lors de son témoignage devant le Comité que les blanchisseurs d’argent professionnels savent devoir être associés à l’infraction principale pour être reconnus coupables de blanchiment. Ces personnes montent donc leur organisation criminelle de manière à se distancer des infractions principales et compliquent beaucoup la tâche de la GRC, qui souhaite enquêter sur elles et les poursuivre devant les tribunaux. Pour remédier au problème, la GRC a recommandé de ramener la norme juridique de l’aveuglement volontaire à l’insouciance en ce qui a trait au fait que la personne accusée a conscience de la nature criminelle des fonds.

Marc Tassé a convenu de la difficulté des procureurs à déposer des accusations de blanchiment d’argent, car il est complexe d’établir les liens entre le blanchiment et les infractions principales. Il a expliqué que la réputation du Canada est compromise, car des termes comme « snow washing » (rendre l’argent sale blanc comme neige) et « modèle de Vancouver » utilisés pour le blanchiment d'argent sont maintenant associés au Canada, et, par conséquent, il recommandait que le gouvernement propose des modifications au Code criminel visant à faciliter les enquêtes et les poursuites dans les cas de blanchiment d’argent. En outre, il a suggéré que les forces de l’ordre et les procureurs obtiennent d’autres ressources pour s’occuper des infractions de blanchiment d’argent. Les Canadiens pour l'équité fiscale ont aussi parlé de « snow washing », à savoir que des criminels recourent à des investissements canadiens légitimes, entre autres dans l'immobilier, pour « blanchir » les produits de la criminalité, et ils défendaient ardemment l’adoption de peines plus sévères et l’accroissement de la transparence pour appuyer le système de lutte contre le blanchiment d'argent et le recyclage des produits de la criminalité. Peter German, qui témoignait à titre personnel, a indiqué que, dans le sillage des attentats du 11 septembre 2001, la GRC avait largement abandonné la lutte contre le blanchiment d'argent pour se concentrer sur le terrorisme et qu'elle venait à peine de réintégrer cette lutte.

Lors des déplacements du Comité, des témoins ont avancé que le Régime n’est pas à la hauteur pour enrayer les opérations de blanchiment d’argent sophistiqué, même s’il obtient de meilleurs résultats pour les opérations criminelles de moindre envergure. D’après certains témoins, il semble que le Canada ne prenne pas le blanchiment d’argent au sérieux. Le rajout de cellules des poursuites judiciaires, des experts témoins ainsi que des juges et tribunaux spécialisés donnerait cependant une force perçue et un atout réel pour le Régime.

Les témoins ont par ailleurs affirmé au Comité que le Royaume-Uni poursuit devant les tribunaux environ 1 500 personnes pour blanchiment d’argent tous les ans et a récupéré plus de 2 milliards de dollars depuis 2002. Ils ont ajouté que ce pays a déclaré le blanchiment professionnel le plus grand problème pour le Régime en 2015, qui l’est d’ailleurs encore de nos jours.

En ce qui a trait aux personnes accusées de financer les activités terroristes, les témoins estimaient que le Royaume-Uni traduit en justice cinq personnes par an et que l’idée générale qu’on se fait du financement des activités terroristes n’a rien à voir avec la réalité d’aujourd’hui. En particulier, les cinq derniers attentats terroristes au Royaume-Uni, qui ont coûté moins de 4 000 £, ne nécessitaient pas de fortes sommes ni de transferts internationaux. Il s’agissait d’opérations peu coûteuses comme la location d’un véhicule utilisée comme arme. Les témoins ont fait valoir que la lutte au financement des activités terroristes grâce à la finance devrait maintenant passer par un logiciel d’analyse des comportements, qui aurait accès aux informations financières du suspect. D’autres ont avancé que l’analyse des risques en matière de lutte contre le blanchiment d’argent favoriserait la mise en place d’une analyse des comportements au lieu des seules habitudes financières.

B.  Monnaie en vrac et effets au porteur

(i) Contexte

La possession d’actions, de certificats et de certificats d’action au porteur – dont le fonctionnement ressemble à celle d’actions ordinaires – n’est pas enregistrée auprès d’une société associée, car les effets existent seulement sur le papier que le porteur a en main. Le Groupe d’action financière et le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales ont défini les effets aux porteurs comme des moyens utilisés pour blanchir l’argent et financer des activités terroristes.

Le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions, la Loi canadienne sur les coopératives, la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif et la Loi sur la concurrence, a reçu la sanction royale le 1er mai 2018. Il apporte une précision à la Loi canadienne sur les sociétés par actions et à la Loi canadienne sur les coopératives : il est désormais interdit d’émettre des actions, certificats et certificats d’action au porteur. Les actionnaires ou les membres de coopérative qui sont détenteurs de tels effets peuvent les convertir en titre nominatif, comme une action ordinaire. De plus, en décembre 2017, les ministres des Finances fédéral, provinciaux et territoriaux ont conclu un accord de principe visant à apporter des modifications aux lois fédérales, provinciales et territoriales sur les sociétés afin d'éliminer l'utilisation des actions au porteur et des certificats ou des options d'actions au porteur, et de remplacer ceux en vigueur par des instruments enregistrés.

Dans sa dernière évaluation mutuelle du Canada [disponible en anglais seulement], le GAFI a dit s’inquiéter de la circulation de monnaie en vrac pour ce qui est du blanchiment d’argent, car il y a peu, voire pas du tout, de titres de propriété qu’il peut vérifier. Il avance d’ailleurs que les entreprises s’occupant de fortes sommes en espèces sont très exposées au blanchiment d’argent et au financement d’activités terroristes, par exemple les casinos, les débits de boisson, les restaurants, les détaillants de pierres et métaux précieux ainsi que le secteur immobilier.

(ii) Témoignages

André Lareau, qui a témoigné à titre personnel, a déclaré que les actions au porteur sont chose courante en évasion fiscale. Il ajoute que, malgré les modifications apportées au projet de loi C‑25, les actions au porteur déjà émises demeurent légales et que leurs détenteurs ne sont pas tenus de les convertir en titres nominatifs. À son avis, le gouvernement aurait tout lieu de suivre l’exemple des Pays‑Bas, qui accorde deux ans aux détenteurs pour convertir leurs actions au porteur, désormais interdites, sinon elles seront réputées nulles. Transparency International Canada et Christian Leuprecht, qui a témoigné à titre personnel, ont également recommandé une élimination des effets au porteur plus poussée que celle préconisée dans le projet de loi C-25.

Le Comité a entendu des témoignages sur l’entente en vue de renforcer la transparence de la propriété effective, en particulier du deuxième point dont voici le libellé : « [l]es ministres se sont entendus, en principe, pour poursuivre des modifications aux lois sur les sociétés fédérales, provinciales et territoriales, qui interdiront l’utilisation d’actions au porteur et de certificats d’actions au porteur ou d’options de souscription d’actions, et pour remplacer ceux qui existent par des instruments enregistrés ». Christian Leuprecht s’est dit lui aussi favorable aux modifications des lois fédérales, provinciales et territoriales sur les sociétés afin de mettre fin à l’utilisation des effets au porteur et de remplacer ceux-ci par des titres nominatifs.

Pour ce qui est des fortes sommes en espèces, Christian Leuprecht a proposé que seul le réel titulaire d’un compte soit autorisé à faire des dépôts d’argent dans un compte et qu’il les fera en personne au‑delà d’une certaine limite après vérification de son identité. Il a suggéré aussi le retrait de la circulation des billets de 50 et de 100 $, car la plupart des Canadiens ne s’en servent pas pour la majorité de leurs opérations et que ces billets demeurent le moyen le plus facile de blanchir l’argent. L’Association canadienne des bijoutiers a proposé que les détaillants de produits de luxe (automobiles, bateaux, œuvres d’art) soient tenus de signaler au CANAFE les opérations impliquant de fortes sommes en espèces. Le gouvernement de la Colombie-Britannique partageait ce point de vue. De plus, il a laissé entendre que les produits de luxe intéressent vivement les blanchisseurs d’argent, car le gouvernement ne surveille pas leur acquisition en espèces, et que, en ce qui concerne l’argent en espèces, environ cinq millions de dollars par mois d’« opérations douteuses » entraient dans le système financier par le biais des casinos de la Colombie-Britannique.

«  Monsieur le président, je suis effectivement tombé de ma chaise. On m’a présenté de nombreux éléments de preuve accablants des importantes opérations de blanchiment d’argent dans les casinos de la vallée du bas Fraser. On m’a montré des vidéos et des photos de personnes transportant de grandes mallettes remplies de billets de 20 $ et d’autres, de personnes apportant des piles d’argent dans les cages des casinos. J’ai été sidéré par l’audace dont ces personnes faisaient preuve. D’un point de vue purement pragmatique, 800 000 $ en billets de 20, c’est très lourd. Les gens avaient l’air d’aider quelqu'un à déménager des boîtes de livres. »

L’hon. David Eby, procureur général de la Colombie-Britannique, Gouvernement de la Colombie-Britannique.

C.  Ordonnances de ciblage géographique

(i) Contexte

Aux États-Unis, l’article 5326 de la Bank Secrecy Act autorise le FinCEN à imposer aux institutions financières et aux commerces ou entreprises non financières des exigences quant à la déclaration et à la tenue de dossiers pour un temps limité. Le FinCEN les impose par la voie d’une ordonnance de ciblage géographique où les entités et les régions géographiques visées figurent. Il peut en prendre une de son propre chef ou à la demande d’une force de l’ordre. Par exemple, il a pris une ordonnance en 2016 visant les marchés immobiliers haut de gamme, puis a fourni des données détaillées [disponible en anglais seulement] pour qu’ils puissent s’y conformer plus facilement. Au Canada, la Loi ne prévoit pas de telles ordonnances.

(ii) Témoignages

Le gouvernement de la Colombie-Britannique a recommandé la modification de la Loi afin que les forces de l’ordre se servent d’ordonnances de ciblage géographique similaires à celles des États-Unis. Dans son mémoire, il fait valoir qu’elles sont utiles pour les secteurs à risque élevé dans une région donnée. Du même avis, l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes estimait aussi qu’elles peuvent se révéler un ajout précieux au Régime et fournir des renseignements utiles aux entités déclarantes. Transparency International Canada, également favorable aux ordonnances de ciblage géographique, explique aussi que le gouvernement fédéral aurait ainsi la latitude nécessaire pour établir, à titre temporaire, l’obligation de cibler des personnes et entités visées en des lieux précis, pour cause de risque élevé de blanchiment d’argent et de financement d’activités terroristes.

Lors de ses déplacements, le Comité a entendu plusieurs témoins pour qui les ordonnances de ciblage géographique sont des outils très précieux au régime américain de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et de financement des activités terroristes.

D.  Unités de transparence commerciale

(i) Contexte

Pour lutter contre le blanchiment au moyen du commerce, par lequel on fait des échanges commerciaux internationaux pour transférer des fonds, les États-Unis ont mis sur pied la Trade Transparency Unit. Celle-ci est chargée de comparer les données sur les échanges commerciaux du marché intérieur et les échanges commerciaux internationaux correspondants, puis d’enquêter sur les anomalies qui pourraient découler du blanchiment au moyen du commerce. Le U.S. Immigration and Customs Enforcement a d’abord créé son unité à Washington en 2004, puis a conclu des partenariats avec plusieurs unités de transparence commerciale de l’étranger[21].

(ii) Témoignages

Dans son mémoire, Transparency International Canada conseille des moyens pour détecter plus facilement le blanchiment au moyen du commerce : désigner le système d’enregistrement des importations et des exportations de l’Agence des services frontaliers du Canada comme une base de données exploitée à des fins de répression du crime, puis en offrir l’accès au CANAFE, qui pourra ainsi recueillir et produire des renseignements financiers sur de possibles opérations de blanchiment d’argent et de financement d’activités terroristes au moyen du commerce. Transparency International Canada a d’ailleurs indiqué que le Canada et les États‑Unis devraient harmoniser leurs méthodes de collecte et de déclaration des effets à la frontière.

Lors des déplacements du Comité, des témoins ont relevé la rapide évolution de la typologie criminelle et la nature de plus en plus internationale de la criminalité sophistiquée. Les unités nationales du renseignement financier ont besoin de s’adapter à cette typologie pour établir des approches de collaboration internationale dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement d’activités terroristes. Des témoins ont averti que les fonds entrant au Canada de manière à contourner les contrôles de devises d’autres pays ne sont pas nécessairement des produits de la criminalité.

E.  Mesures de conformité et d’application de la loi

(i) Contexte

Le CANAFE et le FinCEN relèvent respectivement du ministère des Finances et du Department of the Treasury, qui sont responsables des finances fédérales. Néanmoins, la USA Patriot Act autorise FinCEN à entreprendre certaines activités, décrites au Chapitre deux, que CANAFE n’est pas autorisé à exécuter. Quant à lui, l’UKFIU (United Kingdom Financial Intelligence Unit), au Royaume-Uni, relève du Home Office, le ministère responsable de la sécurité, du contre-terrorisme, de l’immigration et du maintien de l’ordre.

Le fait que le CANAFE relève du ministère des Finances renforce les liens qui existent entre le CANAFE et les institutions financières canadiennes; cette structure garantit également la communication rapide des nouveautés des systèmes financiers au CANAFE. Cela dit, cette structure pourrait entraîner une certaine distance entre le CANAFE et les organismes d’application de la loi.

Les parties 4.1 à 6 de la Loi décrivent les infractions ainsi que les amendes pécuniaires et autres types de sanctions que le CANAFE peut imposer aux entités en contravention de la Loi. L’article 73.22 de la Loi confère au CANAFE le pouvoir discrétionnaire de rendre publics certains renseignements sur une sanction administrative pécuniaire à la fin des procédures pour une infraction, dont les possibilités d’appel.

Dans l’affaire de Kabul Farms Inc. de 2016, la Cour d’appel fédéral a conclu que le CANAFE a manqué de transparence dans la sanction administrative pécuniaire imposée, contrairement à ses obligations quant à l’équité procédurale. La Cour a annulé les sanctions et renvoyé la question au CANAFE afin que celui-ci décide d’imposer une sanction ou non et son montant, s’il y a lieu.

Aux États-Unis, le sous-chapitre II de la Bank Secrecy Act et ses règlements afférents autorisent le FinCEN à imposer des sanctions pécuniaires civiles pour toute violation de la loi et de ses règlements. Pour toute omission de fournir un rapport, le FinCEN en impose une égale au montant de l’opération évaluée entre 25 000 et 100 000 dollars américains. Il peut en imposer une autre de 25 000 dollars par jour qu’une institution financière ne met pas en place un programme de lutte contre le blanchiment d’argent raisonnablement appliqué.

L’article 311 de la U.S. Patriot Act, qui confère au secrétaire du Trésor le pouvoir, s’il y a motif raisonnable de conclure qu’une autorité ou institution ou encore une classe d’opération ou sorte de compte est un « risque majeur en matière de blanchiment d’argent », d’exiger que les institutions et organismes financiers prennent des « mesures spéciales » visant l’entité afin de restreindre son accès au système financier américain[22].

Qui plus est, l’alinéa 319b) de la U.S. Patriot Act permet au gouvernement de saisir les fonds illicites à l’étranger et autorise le procureur général ou le secrétaire du Trésor à délivrer une citation à comparaître à l’ordre d’une banque étrangère qui détient un compte correspondant en sol américain pour obtenir des archives de ces comptes. L’article 352 de la même loi oblige les institutions financières à mettre en place des programmes de lutte contre le blanchiment d’argent, qui doit à tout le moins comprendre l’élaboration de politiques, de procédures et de contrôles internes, la désignation d’un responsable de la conformité, un programme de formation continue des employés et une fonction d’audit indépendant pour mettre leur programmes à l’épreuve[23].

(ii) Témoignages

L’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières, Transparency International Canada et Christian Leuprecht, qui a témoigné à titre personnel, ont conseillé de rendre public le nom des personnes reconnues coupables de ne pas s’acquitter des obligations prescrites par la Loi. L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes a ajouté que les autorités de réglementation doivent attendre l’issue des poursuites avant de divulguer le nom des contrevenants. Elle appuyait aussi la publication de critères pour décider de nommer une entité contrevenante, qui s’appliqueront également au calcul du montant de la sanction administrative pécuniaire. Transparency International Canada a cependant fait savoir que les sanctions en cas de non-conformité devraient être suffisant pour dissuader les entités de simplement les prendre en compte dans leurs coûts de fonctionnement. L’organisme Canadiens pour une fiscalité équitable a proposé l’imposition de pénalités beaucoup plus sévères afin d’accroître la transparence.

Pour ce qui est du point de vue des autorités de réglementation, le ministère des Finances a indiqué que les entités déclarantes représentent elles aussi des partenaires du Régime et qu’il favorise ce partenariat par le recours au pouvoir discrétionnaire quant à la divulgation des entités qui enfreignent leurs obligations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes. De l’avis du CANAFE, le gouvernement doit envisager d’ajouter le calcul des sanctions directement dans le règlement de la Loi. Le CANAFE a justement entamé une évaluation de son programme de sanctions administratives pécuniaires dans la foulée de la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire de Kabul Farms. Il a par ailleurs mentionné sa collaboration avec le ministère de la Justice dans le cadre de l’évaluation, qu’il espère conclure à l’été 2018.

Christian Leuprecht a suggéré que le mandat du CANAFE soit élargi afin que, au lieu de se contenter de réaliser des analyses passives, l’organisme ait l’autorisation légale de mener des enquêtes.

Durant les déplacements du Comité, des témoins l’ont informé que la Financial Conduct Authority au Royaume‑Uni exige que les sociétés nomment parmi les membres de la haute direction un responsable de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes. Cette autorité de réglementation divulgue aussi le nom des entreprises qui reçoivent des sanctions pour violation en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. Les témoins ont également signalé que Her Majesty’s Revenue and Customs et l’Office for Professional Body Anti-Money Laundering Supervision du Royaume-Uni ainsi que le Trésor américain rendent également public le nom des entités reconnues coupables de violations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.

Certains témoins ont également spéculé que le mandat du CANAFE pourrait être élargi pour conférer une autorité légale de mener des enquêtes, mais a noté que la structure du régime de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes d’un pays doit correspondre à ses besoins.

Recommandations du chapitre 3

Recommandation 20

Convenant de la difficulté des procureurs à déposer des accusations de blanchiment d’argent en raison de la complexité d’établir les liens entre le blanchiment et les infractions principales, le Comité recommande au gouvernement du Canada :

  • de présenter des modifications au Code criminel et à la Loi sur la protection des renseignements personnels de manière à mieux faciliter les enquêtes sur le blanchiment d’argent;
  • d’affecter les ressources nécessaires aux forces de l’ordre et aux procureurs pour qu’ils déposent les poursuites dans les affaires de blanchiment d’argent et de financement des activités terroristes.

Recommandation 21

Que le gouvernement du Canada élargisse la surveillance exercée par le CANAFE de façon à ce que les exploitants de casinos, les employés et le personnel de première ligne reçoivent une formation sur les lois sur le blanchiment d’argent.

Recommandation 22

Que le gouvernement du Canada mette sur pied un régime de communication des renseignements par le biais du CANAFE et des autorités provinciales responsables des jeux de hasard et d’argent pour un signalement plus rapide et plus précis.

Recommandation 23

Que le gouvernement du Canada modifie la LRPCFAT afin que les autorités se servent d’ordonnances de ciblage géographique analogues à ceux employés aux États-Unis.

  • Le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires devraient collaborer pour mettre fin à l’échappatoire concernant les ventes entre parties non assujetties aux exigences de la LRPCFAT en matière de rapports, échappatoire qui ouvre la voie au blanchiment d’argent.

Recommandation 24

Que le gouvernement du Canada suive l’exemple des Pays-Bas et accorde aux détenteurs d’actions au porteur, désormais interdites, un temps limité pour les convertir en instruments enregistrés sinon elles seront réputées nulles.


[20]            Aux termes du paragraphe 462.3(1) du Code criminel, une « infraction désignée » est « a) [s]oit toute infraction prévue par la présente loi ou une autre loi fédérale et pouvant être poursuivie par mise en accusation, à l’exception de tout acte criminel désigné par règlement; b) soit le complot ou la tentative en vue de commettre une telle infraction ou le fait d’en être complice après le fait ou d’en conseiller la perpétration ».

[21]            Pour un complément d’information sur la Trade Transparency Unit des États-Unis, voir : Département d’État des États-Unis, Trade Transparency Units, mars 2005 [disponible en anglais seulement].

[22]            Voir par exemple : Département d’État des États-Unis, Fact Sheet: Overview of Section 311 of the USA PATRIOT Act, consulté le 27 juin 2018 [disponible en anglais seulement].

[23]            Le FinCEN utilise d’autres dispositions de la Patriot Act. Voir : Financial Crimes Enforcement Network, USA PATRIOT Act, consulté le 27 juin 2018 [disponible en anglais seulement].