FINA Rapport du Comité
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Rapport complémentaire du NPD : « Les efforts de l’Agence du revenu du Canada afin de combattre l’évitement fiscal et l’évasion fiscale »
Introduction Les paradis fiscaux sont une menace sérieuse pour notre économie et la confiance qu’ont les Canadiens dans notre système. Au cours des huit dernières années, nous avons été témoins de scandales impliquant KPMG et l'Île de Man, les Bahamas Papers, les Panama Papers, le mécanisme d'évasion fiscale de la banque suisse UBS, l'affaire du Liechtenstein, la fuite du Luxembourg et bien d'autres. Il est estimé que l’évitement fiscal agressif et l’évasion fiscale font disparaitre chaque année 8 milliards de dollars des comptes publics. Le Nouveau Parti démocratique se réjouit que le Comité permanent des finances de la Chambre des communes ait entrepris l’étude « Les efforts de l’Agence de revenu du Canada afin de combattre l’évitement fiscal et l’évasion fiscale ». Cette étude était nécessaire afin de mettre en lumière ces fléaux de l’ère moderne. Elle était d’autant plus importante compte tenu des récentes révélations de l’affaire KPMG. Nous jugeons que le rapport principal préparé par les analystes du comité inclut l’essence des témoignages d’une manière juste et complète. Le rapport complémentaire du NPD ne traitera donc pas de la substance des témoignages et des informations entendues, mais plutôt du processus par lequel cette étude a été menée. Survol de l’affaire KPMG L'Agence de revenu du Canada (ARC) fait enquête depuis 2012 sur des clients de KPMG qui auraient participé à des mécanismes d’évitement fiscal. Par un stratagème bien ficelé de la firme de consultation, des sociétés-écrans ont été conçues à l’Île de Man. Quinze plans, impliquant 25 Canadiens qui ont fait des «dons» non imposables à ces compagnies offshore, ont été mis en œuvre. Selon des documents présentés à la Cour canadienne de l’impôt, l’ARC affirme que ces transferts de fonds avaient pour but de la tromper et que la structure fiscale élaborée par KPMG était un « leurre » créé à cette fin. KPMG fait tout en son pouvoir pour retarder les processus judiciaires. En mars 2016, un nouveau scandale dans l’affaire KPMG vient maintenant entacher l’ARC : l’Agence aurait offert des amnisties à ces riches clients qui ont caché des millions de dollars à l’Île de Man. L'émission Enquête et CBC ont obtenu une copie de l'offre confidentielle de neuf pages, datée du 1er mai 2015 et signée par Stéphanie Henderson, la gestionnaire de l'Agence du revenu responsable des enquêtes outremer. Ce nouveau scandale a fait les manchettes et la confiance des Canadiens a été sérieusement ébranlée. Le rôle du NPD Suivant ces nouvelles révélations de lettre d’amnistie aux clients fraudeurs de la firme KPMG, le NPD a posé une question à la ministre du Revenu national à la Chambre des communes. La réponse de la Ministre a semé une grande confusion : elle affirmait qu’aucune amnistie n’avait été accordée. Le NPD a reconnu l’urgence d’étudier la question. Le 14 avril 2016, le NPD a donc soumis et fait adopter une première motion au comité afin de faire comparaitre la ministre du Revenu national, des fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada, dont Mme Stephanie Henderson, ainsi que des représentants de KPMG. Suite aux trois audiences relatives à cette motion, le NPD a déposé une nouvelle motion connexe afin d’entendre des témoins supplémentaires. Deux autres rencontres ont été possibles. Au total, le NPD a fait adopter quatre motions visant à étudier plus spécifiquement le mécanisme fiscal de KPMG à l’Île de Man. Cinq rencontres ont été tenues et neuf groupes ou particuliers ont témoigné, provenant de la firme KPMG, de l’Agence du Revenu du Canada, du groupe des Canadiens pour une fiscalité équitable, du Réseau pour la Justice fiscale, des Comptables agréés professionnels et à titre individuel. Malheureusement, les efforts du NPD ont été grandement dilués. À chaque occasion, les députés libéraux siégeant sur le comité ont tenté de diluer les motions du NPD, ainsi :
Plus encore, les témoignages de certains invités ont clairement démontré un manque de coopération et de bonne volonté. Il a été pratiquement impossible d'obtenir des réponses substantielles de la part des représentants de KPMG (qui se sont cachés derrière le privilège liant le client à son avocat) ou de l'ARC (qui ont prétexté la protection de la vie privée). Un réel discours de sourds a pris place entre le député néodémocrate Pierre-Luc Dusseault et Mme Stéphanie Henderson, gestionnaire à l’ARC – section de l’observation à l’étranger.
Cet échange a été suivi d’une autre discussion surréelle entre le porte-parole néodémocrate en matière de finances, Guy Caron et la ministre du Revenu national, madame Lebouthillier.
On a donc une lettre dont on ne reconnaît pas l'authenticité, mais on admet que 15 personnes l'ont signée. Plus encore, KPMG, par l’entremise de la firme d’avocats Osler, Hoskin & Harcourt LLP, a réussi à paralyser l’étude et à minimiser sa portée en faisant parvenir deux lettres à l’intention du comité pour exprimer leur préoccupation sur le respect de la convention du sub judice. Dans les lettres, on indique que toutes discussions qui traitent spécifiquement de KPMG seraient à éviter, puisqu’elle pourrait nuire à des causes se trouvant devant les tribunaux. La question du sub judice a donc été étudiée à huis clos. Lorsque la rencontre a repris, un légiste de la Chambre des communes a été appelé afin d’assister le président du comité. Les témoins et les membres du comité se sont vus contraints à limiter leurs interventions, ce qui a causé des malaises palpables. Après s’être fait avertir par le Président du comité, M. André Lareau a dit s’être fait inviter par le comité pour parler de KPMG, mais qu’il tenterait de se tenir à des observations plus générales. Plus encore, M. Michael C. Hamersley, qui avait tout d’abord accepté de comparaitre en tant que témoins, a décliné l’invitation, une perte considérable pour l’étude. Sa lettre fait état de la situation : Étant donné les mesures prises par le Comité le 7 juin 2016, notamment les importantes contraintes qu’il a placées sur la portée des déclarations des témoins et sur l’ensemble de leur témoignage par égard pour la convention relative aux affaires en instance, je dois maintenant respectueusement refuser l’invitation du Comité et demander à ce dernier de retirer mon nom de la liste des témoins experts qui prennent part à l’étude du Comité. Il est donc juste de dire que cette étude du comité a ouvert la porte à plus de nouvelles questions qu’elle n’a offert de réponses. Les recommandations qui ont été incluses dans le rapport sont faibles et ne parviendront pas à mettre en lumière le fléau qu’est l’évitement fiscal et l’évasion fiscale. Encore pire, cette étude n’a pas permis de comprendre les problèmes systémiques qui font rage à l’ARC et ainsi trouver des pistes de solutions. Les choses auraient pu être différentes. La Chambre de Communes et ses comités ont en fait de grands pouvoirs, la Chambre des Communes assume le rôle de « grand enquêteur de la nation ». Ces pouvoirs surpassent même ceux du privilège liant avocats et leurs clients. Ce sont des pouvoirs à utiliser avec grande précaution, mais ils appartiennent aux représentants élus par les Canadiennes et Canadiens et doivent être utilisés lorsque nécessaire. La création d’un comité spécial Le manque de réponse, les affirmations parfois contradictoires, les réponses imprécises ainsi que les recommandations insatisfaisantes nous laissent croire que cette étude était incomplète, tout comme l’a été la plus récente en 2013. L’évasion fiscale et l’évitement fiscal agressif ne peuvent être étudiés à temps partiel ou perdu entre les nombreuses études du comité des Finances. Des études de cinq rencontres ne mènent nulle part. Le NPD recommande un engagement complet et sans compromis du Parlement, qui passerait par la création d’un comité spécial, avec toutes les ressources requises (incluant une équipe de conseillers juridiques et fiscaux). Le comité travaillerait exclusivement sur cet enjeu pendant deux, voire trois ans et présenterait un rapport dont les recommandations ne pourront plus être ignorées par le gouvernement. La recommandation numéro 14 du NPD est ainsi la suivante : Que le gouvernement mette sur pied un Comité spécial parlementaire multipartite sur l’évasion fiscale, les paradis fiscaux et l’évitement fiscal agressif afin de : a) d’analyser l’ampleur de cette problématique, incluant des questions connexes tels le prix de transfert, le blanchiment fiscal, les conventions fiscales, les accords d’échange de renseignements fiscaux; b) étudie les possibilités d’action du gouvernement fédéral sur la scène internationale; c) fasse rapport de ses constatations et recommandations à la Chambre des Communes au plus tard le 1er décembre 2018. Tant que les politiciens se montreront aussi timides et craindront d'utiliser leurs pouvoirs, il n'y aura aucun moyen d'attaquer efficacement les fléaux que sont l'évasion fiscale et la planification fiscale abusive. Le NPD souhaite que le gouvernement mette sur pied sans tarder un Comité spécial multipartite sur l’évasion fiscale, les paradis fiscaux et l’évitement fiscal agressif. Recommandations Les efforts de l’Agence du revenu du Canada afin de combattre l’évitement fiscal et l’évasion fiscale Recommandation 1 Que le gouvernement fédéral réévalue quantitativement et qualitativement l’efficacité de ses accords d’échange de renseignements fiscaux, particulièrement en ce qui a trait à la levée du secret bancaire. Recommandation 2 Que le Vérificateur général entame une étude sur les opérations de l’Agence du revenu du Canada, incluant : (a) l’efficacité du programme de divulgation volontaire; (b) la cohérence du protocole d’établissement des pénalités; (c) l’efficacité des conventions fiscales et des accords d’échange de renseignements fiscaux; (d) les liens entretenus par les vérificateurs de l’Agence et les firmes comptables. Recommandation 3 Que l’Agence du Revenu du Canada instaure le « Programme d’inscription de déclarations de revenus » qui obligera un fiscaliste rémunéré pour préparer la déclaration de revenus d’un particulier ou d’une société à s’inscrire auprès de l’Agence. Recommandation 4 Que le gouvernement fédéral clarifie sa législation visant à responsabiliser les fiscalistes qui créent des stratagèmes de planification fiscale abusive et qu’il s’engage à durcir les pénalités imposées. Recommandation 5 Que la Commissaire à l’information et le Commissaire à la vie privée entame une étude sur les opérations de l’Agence du revenu du Canada, incluant la question du niveau de transparence requis pour assurer l’imputabilité des activités de l’Agence du revenu du Canada, dans le respect de la protection de la vie privée; Recommandation 6 Que le gouvernement fédéral modifie les régimes de divulgation volontaire pour y prévoir des pénalités aujourd’hui inexistantes en s’inspirant des programmes états-uniens Offshore Voluntary Disclosure Initiative (OVDI) et Streamlined Filing Compliance Procedures (SFCP). Recommandation 7 Que le gouvernement fédéral étudie et mesure, le plus exactement possible, les pertes fiscales canadiennes découlant du recours aux paradis fiscaux et à la fraude fiscale internationale, afin de déterminer l’écart fiscal fédéral. Recommandation 8 Que le gouvernement fédéral légifère afin d’exiger des fiscalistes et firmes comptables l’enregistrement de tous leurs produits fiscaux auprès de l’Agence de revenu du Canada, tel qu’il est le cas aux États-Unis avec l’Internal Revenue Service. Recommandation 9 Que le gouvernement s’assure que l’Agence du revenu du Canada cesse la négociation systématique de pénalités réduites pour les contribuables commettant de l’évasion fiscale sous le prétexte de réductions de coûts au système judiciaire, privant ainsi le Canada de jurisprudence et donnant lieu à un régime où l’application de la loi peut faire l’objet d’une sorte de marchandage. Recommandation 10 Que le gouvernement entreprenne une étude indépendante sur les enquêtes lancées par l’Agence de revenu du Canada dans les cas d’évasion fiscale ou d’évitement fiscal, afin de connaître le nombre d’enquêtes qui aboutissent à des condamnations ou à des règlements, ainsi que les pénalités et les taux d’intérêt imposés. Recommandation 11 Que le gouvernement fédéral réexamine le paragraphe 5907(11) du Règlement de l’impôt sur le revenu qui permet aux sociétés canadiennes de transférer des actifs dans un paradis fiscal avant de les rapatrier sans payer d’impôt, dans le cas où le pays en question a conclu un AERF avec le Canada. Recommandation 12 Que le Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique entreprenne une enquête sur les pratiques d’hospitalité inhabituelles des membres de la haute direction de l’Agence de revenu du Canada. Recommandation 13 Que le gouvernement fédéral clarifie le statut du secret professionnel dans les firmes comptables, alors que des mécanismes d’évitement fiscal développés et proposés par des comptables (ne jouissant pas du secret professionnel) tombent sous le coup du secret professionnel dès qu’ils sont examinés par un avocat de cette même firme. Recommandation 14 Que le gouvernement mette sur pied un Comité spécial parlementaire multipartite sur l’évasion fiscale, les paradis fiscaux et l’évitement fiscal agressif afin de : a) d’analyser l’ampleur de cette problématique, incluant des questions connexes telles le prix de transfert, le blanchiment fiscal, les conventions fiscales, les accords d’échange de renseignements fiscaux; b) étudie les possibilités d’action du gouvernement fédéral sur la scène internationale; c) fasse rapport de ses constatations et recommandations à la Chambre des Communes au plus tard le 1er décembre 2018. |