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HESA Rapport du Comité

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Rapport complémentaire du Nouveau Parti démocratique du Canada

Le Nouveau Parti démocratique du Canada tient à saluer l’appui unanime du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes à l’égard de notre motion visant à lancer de toute urgence une étude sur la crise des opioïdes au Canada.

L’étude du Comité constitue un premier pas important. Il est clair cependant que le gouvernement fédéral doit maintenant faire montre de leadership en travaillant avec les provinces et les territoires pour mettre en place une stratégie nationale complète contre la dépendance aux opioïdes et les surdoses qui leur sont attribuables.

Durant cette étude, le Comité a reçu des témoignages clairs et cohérents sur l’ampleur et les origines de cette crise de santé publique de portée nationale. En 2015, environ 2 000 Canadiens sont morts d’une surdose attribuable aux opioïdes; beaucoup de provinces enregistrent un nombre étonnamment élevé de victimes en 2016[1]. Au cours des 20 dernières années, plus de 10 000 Canadiens sont morts à cause des opioïdes, et un nombre indéterminé en est aujourd’hui dépendant[2].

Louablement, le Comité a su se hisser au-dessus des lignes de parti et formulé 38 recommandations en prévision du Sommet sur les opioïdes de la ministre de la Santé le 19 novembre 2016. Toutefois, le Nouveau Parti démocratique craint que le rapport intérimaire du Comité ne tienne pas suffisamment compte de plusieurs aspects cruciaux des témoignages qui ont été présentés durant l’étude et plusieurs recommandations clés ont été omises.

C’est pourquoi le Nouveau Parti démocratique du Canada propose les recommandations ci-après en complément de celles que contient déjà le rapport du Comité.

RECOMMANDATIONS

A. Divulgation des relations financières

D’après Dr Evan Wood, professeur de médecine à l’Université de la Colombie‑Britannique, les sociétés pharmaceutiques ont historiquement su exploiter le manque de connaissances et de formation des médecins relativement au traitement médical de la toxicomanie, ce qui a eu pour effet de mener à des pratiques d’ordonnance non sécuritaires[3].

Dr David Juurlink, chef de la Division de pharmacologie clinique et de toxicologie au Centre des sciences de la santé Sunnybrook de Toronto, a decrit ainsi certaines des tactiques de commercialisation problématique de l'industrie pharmaceutique[4] :

Ces compagnies envoyaient des représentants pharmaceutiques aux cabinets des médecins, mais il y avait plus encore. Des leaders d’opinion dans le domaine du traitement de la douleur de partout en Amérique du Nord donnaient des conférences dans le cadre de la formation médicale continue, dans de grands restaurants. J’ai moi-même assisté à certaines de ces conférences, où on nous disait non seulement que nous devrions prescrire ces médicaments, mais aussi que, si nous ne les prescrivions pas, nous serions perçus comme étant des médecins allergiques aux opioïdes qui privaient leurs patients d’un traitement éprouvé. On a vanté les vertus de ces médicaments. Les compagnies pharmaceutiques se sont infiltrées dans des institutions, notamment ma propre école de médecine. Des personnes à la solde de ces compagnies ont enseigné à des étudiants en médecine pendant des années sans dévoiler leur conflit d’intérêts et ils ont exagéré l’utilité de ces médicaments.

Les sociétés pharmaceutiques canadiennes ont annoncé récemment le lancement d’une initiative de divulgation volontaire de renseignements financiers[5]. Toutefois, dans le cadre de l’initiative, les sociétés participantes feront état uniquement du total des sommes consacrées à la formation médicale plutôt que des paiements versés à chacun des professionnels de la santé[6]. Par conséquent, le Nouveau Parti démocratique recommande :

RECOMMANDATION 1

Que le gouvernement du Canada travaille avec les organismes de réglementation médicale afin d’élaborer une loi semblable à la Physician Payments Sunshine Act des États-Unis qui oblige les sociétés pharmaceutiques à divulguer, comme la loi l’exige, tous les paiements ou transferts de valeurs versés aux professionnels de la santé relativement aux opioïdes.

B. Ordonnance de formulations puissantes d’opioïdes

D’après Dr Juurlink, « [u]ne étude menée en 2015 a démontré très clairement que les personnes qui prennent des doses élevées d’opioïdes sont plus susceptibles de mourir à cause de leur médication que quoi que ce soit d’autre[7] ».

En outre, un rapport récent du Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) suggère une utilisation plus prudente des ordonnances de formulations puissantes d’opioïdes[8]. Le rapport endosse le plan du gouvernement de l’Ontario de retirer les formulations puissantes d’opioïdes du Formulaire de médicaments de l’Ontario, sauf dans le cas des soins palliatifs et du soutien aux patients qui doivent diminuer progressivement leur dose ou changer de médicament[9]. Par conséquent, le Nouveau Parti démocratique recommande :

RECOMMANDATION 2

Que Santé Canada revoie les critères de prescriptiondes opioïdes les plus puissants, comme les timbres de fentanyl dont les doses vont jusqu’à 75 et 100 microgrammes, l’OxyNEOmd 80 et les formulations les plus élevées de Dilaudidmd.

C. Transfert de compétences et de pouvoirs aux communautés autochtones

Représentant l’Assemblée des Premières Nations, Isadore Day, chef régional de l’Ontario, a informé le Comité que la « solution de très haut niveau » aux surdoses d’opioïdes et à la dépendance à ces derniers dans les communautés autochtones repose sur un transfert de compétences en matière de santé, car « compétence veut dire autorité et […] autorité veut dire responsabilité[10] ».

Selon lui, « [p]our les Premières Nations, une fois que nous avons un endroit pour configurer nos solutions et une fois que nous avons ce pouvoir, nous commençons ensuite à mettre de l’avant les véritables coûts de traitement et de prévention, et nous obtenons des résultats. Certainement, la compétence des Premières Nations en matière de santé est essentielle[11] ». Par conséquent, le Nouveau Parti démocratique recommande :

RECOMMANDATION 3

Que le gouvernement du Canada accélérer le transfert à communautés autochtones désireuse et prêtes les compétences et les pouvoirs relatifs aux programmes, aux services et aux responsabilités qui sont actuellement gérés par Santé Canada.

D. Absence des policiers lors des appels au service 911 liés aux surdoses

Lisa Lapointe, coroner en chef du Coroners Service de la Colombie‑Britannique, a exprimé le bien-fondé d’adopter, dans les services de police, une politique consistant à ne pas répondre aux appels au service 911 dans les cas de surdoses où une telle présence n'est pas requise[12]. Dre Jane Buxton, épidémiologiste et responsable de la réduction des méfaits au Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique, avait déclaré lors de sa comparution qu’environ 82 % des gens à Vancouver appellent le service 911 lors d’une surdose, mais que ce taux tombe sous les 60 % dans les régions en périphérie, principalement là où la Gendarmerie royale du Canada (GRC) assure les services de police[13]. Selon Dre Buxton, cet écart est attribuable en grande partie à la politique du Service de police de Vancouver de ne pas répondre aux appels au service 911 liés à des surdoses[14]. Todd G. Shean, commissaire adjoint à la GRC, a déclaré au Comité que, à sa connaissance, la GRC n’a pas envisagé d’adopter une politique semblable[15]. Par conséquent, le Nouveau Parti démocratique recommande :

RECOMMANDATION 4

Que la GRC revoie sa politique concernant sa présence lors des appels au service 911 liés à des surdoses.

E. Vérification des drogues illicites

Dre Bonnie Henry a informé le Comité des efforts de l’administrateur de la santé publique de la Colombie-Britannique pour rendre plus accessible la vérification des drogues afin que les gens puissent vérifier si leurs drogues illicites contiennent des opioïdes puissants comme le fentanyl[16]. Selon elle, « [c]'est encore difficile, parce que si les tests servant à vérifier les drogues sont accessibles, nous ne connaissons pas les paramètres. Ils ne sont pas conçus pour les drogues, mais pour les tests d’urine. Nous n’avons pas encore de bonnes capacités de vérification des drogues, mais nous y travaillons[17] ». Par conséquent, le Nouveau Parti démocratique recommande :

RECOMMANDATION 5

Que le gouvernement du Canada accorde des fonds pour la recherche sur les tests efficaces de détection de la présence de fentanyl et d’autres opioïdes puissants dans les drogues illicites.

F. Intervention diplomatique

Le Comité a appris que la GRC a établi des liens avec ses homologues de la Chine pour renforcer leur collaboration en vue de perturber les réseaux internationaux de trafic de stupéfiants. Selon Todd G. Shean, commissaire adjoint à la GRC[18] :

En octobre 2015, le gouvernement chinois a mis la touche finale à ses modifications réglementaires afin de régir 116 nouvelles substances incluant certains analogues du fentanyl. Cependant, les drogues qui atteignent le Canada ne sont pas réglementées en Chine. Il existe en outre des disparités entre ce que le Canada et la Chine considèrent comme constituant des crises de santé publique du simple fait de l’écart entre la population des deux pays. En outre, l’abus de fentanyl n’est pas encore présent en Chine. Le gouvernement chinois se concentre plutôt sur l’abus d’autres drogues, telles que la méthamphétamine et la kétamine.

Le Comité a également appris que les homologues américains de la GRC ont déterminé que le Mexique est leur principale source de distribution d’opioïdes de synthèse illicites. Toutefois, le commissaire adjoint, Todd G. Shean, a fait observer que les drogues qui entrent au Canada depuis la Chine sont également présentes aux États-Unis[19]. Par conséquent, le Nouveau Parti démocratique recommande :

RECOMMANDATION 6

Que le gouvernement du Canada intervienne diplomatiquement auprès des pays exportateurs d’opioïdes dans le but de freiner l’importation des opioïdes illicites au Canada.

LISTE DES RECOMMANDATIONS

RECOMMANDATION 1

Que le gouvernement du Canada travaille avec les organismes de réglementation médicale afin d’élaborer une loi semblable à la Physician Payments Sunshine Act des États-Unis qui oblige les sociétés pharmaceutiques à divulguer, comme la loi l’exige, tous les paiements ou transferts de valeurs versés aux professionnels de la santé relativement aux opioïdes.

RECOMMANDATION 2

Que Santé Canada revoie l’autorisation de mise en marché des opioïdes les plus puissants, comme les timbres de fentanyl dont les doses vont jusqu’à 75 et 100 microgrammes, l’OxyNEOmd 80 et les formulations les plus élevées de Dilaudidmd.

OMMANDATION 3

Que le gouvernement du Canada accélérer le transfert à communautés autochtones désireuse et prêtes les compétences et les pouvoirs relatifs aux programmes, aux services et aux responsabilités qui sont actuellement gérés par Santé Canada.

RECOMMANDATION 4

Que la GRC revoie sa politique concernant sa présence lors des appels au service 911 liés à des surdoses.

RECOMMANDATION 5

Que le gouvernement du Canada accorde des fonds pour la recherche sur les tests efficaces de détection de la présence de fentanyl et d’autres opioïdes puissants dans les drogues illicites.

RECOMMANDATION 6

Que le gouvernement du Canada intervienne diplomatiquement auprès des pays exportateurs d’opioïdes dans le but de freiner l’importation des opioïdes illicites au Canada.


[1] Sheryl Ubelacker, « Addiction experts call for national opioid strategy as overdose deaths rise », The Canadian Press, 7 novembre 2016.

[2] Ibid.

[3] HESA, Témoignages, 20 octobre 2016, 0900 (Dr Evan Wood, professeur de médecine, Université de la Colombie-Britannique, directeur par intérim, Centre d’excellence de la Colombie-Britannique pour la lutte contre le VIH/sida, Centre de la Colombie‑Britannique sur la consommation de substance).

[4] HESA, Témoignages, 6 octobre 2016, 0915 (Dr David Juurlink, chef, Division de la pharmacologie clinique et de la toxicologie, Centre des sciences de la santé Sunnybrook).

[5] Matthew Herder et David Juurlink, « Let the sun shine on doctors' ties to pharma », The Toronto Star, 9 mai 2016.

[6] Ibid.

[7] HESA, Témoignages, 6 octobre 2016, 0915 (Juurlink).

[8] Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), « Prescription Opioid Policy Framework », octobre 2016.

[9] Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), « Prescription Opioid Policy Framework », octobre 2016.

[10] HESA, Témoignages, 25 octobre 2016, 0915 (chef Isadore Day, chef régional de l’Ontario, Assemblée des Premières Nations).

[11] Ibid.

[12] HESA, Témoignages, 6 octobre 2016, 0850 (Lisa Lapointe, coroner en chef, Coroners Service de la Colombie-Britannique).

[13] HESA, Témoignages, 20 septembre 2016, 0935 (Dre Jane Buxton, épidémiologiste et responsable de la réduction des méfaits, Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique).

[14] Ibid.

[15] HESA, Témoignages, 4 octobre 2016, 0900 (Todd G. Shean, commissaire adjoint, Services spéciaux de la police fédérale, Gendarmerie royale du Canada).

[16] HESA, Témoignages, 6 octobre 2016, 0900 (Dre Bonnie Henry, administratrice adjointe de la santé provinciale de la Colombie‑Britannique, Bureau du médecin-hygiéniste provincial).

[17] HESA, Témoignages, 6 octobre 2016, 0900 (Henry).

[18] HESA, Témoignages, 4 octobre 2016, 0900 (Shean).

[19] HESA, Témoignages, 4 octobre 2016, 0900 (Shean).