HUMA Rapport du Comité
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Rapport dissident du Nouveau Parti démocratique « [N]ous croyons dans l’immigration, pas dans l’exploitation. » – Barbara Byers, secrétaire-trésorière, Congrès du travail du Canada « Enfin, les travailleurs migrants sont physiquement séparés de leurs familles et de leurs proches. Leur famille étant disloquée, ils se retrouvent dans le cercle vicieux de la pauvreté et d’autres fléaux sociaux. Il est plus important pour nous de passer du temps avec nos familles que de leur envoyer de l’argent. Or, nous ne pouvons pas faire venir nos familles au Canada. Il est très clair que toutes ces conditions ne reflètent pas le Canada du XXIe siècle. Elles ne donnent pas une idée exacte des bons emplois ni des bonnes conditions de travail, mais reflètent plutôt un système rétrograde et artificiel qui ne fait que perpétuer les conditions de travail du XVIIIe siècle. » – Gabriel Allahdua, Coalition pour les droits des travailleurs et travailleuses migrantes du Canada « Songez à l’histoire du Canada : des gens de divers pays ont immigré ici pour bâtir une nation. Ils travaillaient dans les maisons, les magasins, les usines, les fermes, et sur les chemins de fer. Si ces gens étaient arrivés au Canada de nos jours, ils seraient des travailleurs étrangers temporaires. Je vous demande, chers membres du Comité, de ne pas perdre de vue ce fait quand vous envisagez de changer les politiques. » – Ethel Tungohan, Université York L’étude du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) réalisée par le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées est opaque et sème la confusion. Elle est totalement inadéquate. L’étude ne s’est déroulée que sur cinq séances, dont plusieurs ont été écourtées. Au cours de cette très brève période, nous devions examiner des programmes liés aux travailleurs migrants, dont le PTET, le Programme des travailleurs agricoles saisonniers et le Programme des aides familiaux. Nous craignons que cette étude, compte tenu de sa portée limitée, se voulût davantage un exercice de relations publiques qu’une occasion de recommander des changements judicieux. Nous sommes également préoccupés par le manque de volonté du gouvernement de poursuivre les consultations auprès des intervenants alors qu’il entreprend des réformes du programme. Ce manque de volonté est particulièrement préoccupant compte tenu du nombre limité de témoins qui ont été entendus. En effet, le Comité aurait dû accorder la priorité aux travailleurs, mais il a principalement entendu les témoignages d’employeurs et d’organisations d’employeurs. Les possibilités d’entendre directement des travailleurs migrants n’étaient pas suffisantes. Les travailleurs canadiens étaient également très peu représentés, et ce, même si le recours abusif au PTET par les employeurs entraîne des licenciements et a pour effet d’augmenter le taux de chômage et d’abaisser les salaires des Canadiens. Il est impératif que les travailleurs puissent faire entendre leur version des faits. L’étude ne pourrait être adéquate sans la perspective des travailleurs et des employeurs. Compte tenu du caractère précipité et inadéquat de l’étude du Comité, nous ne croyons pas que ce programme a été examiné avec toute l’attention qu’il méritait. C’est pourquoi les néo‑démocrates prient instamment le gouvernement du Canada de mener un audit en bonne et due forme, indépendant et transparent du programme afin de faire état de tous les problèmes, des abus et de la mauvaise gestion généralisée du programme. Exploitation des travailleurs Avec beaucoup de courage, des témoins ont raconté au Comité des histoires d’abus dont ils ont été eux-mêmes victimes au travail. Ils ont témoigné des conditions de vie épouvantables, de la peur constante de se faire expulser, des problèmes graves de santé mentale, des agressions verbales et physiques et de l’absence totale d’autonomie au quotidien. Le témoignage de Pinky Paglingayen était typique à cet égard : « Je suis arrivée ici en 2004 des Philippines dans le cadre du programme des aides familiaux résidants. J’ai travaillé dans une famille de quatre personnes à Thornhill, en Ontario. Les membres de cette famille exigeaient que je leur verse 3 000 $ pour m’avoir aidée à venir au Canada. Je pensais que je n’avais pas le choix que de payer. Quelques jours plus tard, ils m’ont mise à la porte. Je me suis sentie volée, abandonnée et complètement seule. » – Pinky Paglingayen Gina Bahiwal a apporté un point de vue important en abordant le programme des travailleurs étrangers temporaires sous l’angle de la différence entre les sexes et de la vulnérabilité à laquelle sont particulièrement exposées les femmes : L’accès aux soins de santé est un problème pour les femmes migrantes et les employés blessés. Les migrantes qui perdent leur emploi parce qu’elles sont enceintes n’ont pas accès aux soins de santé. Les travailleurs blessés sont renvoyés dans leur pays parce qu’ils n’ont pas accès aux soins de santé ici au Canada. – Gina Bahiwal, membre de la Coalition pour les droits des travailleurs et travailleuses migrantes du Canada Ericson Santos De Leon a livré un témoignage sur les différents types d’abus dont lui et sa famille ont été victimes, dont le rejet de sa demande de résidence permanente en raison des antécédents médicaux de son fils. M. Santos De Leon a également parlé du contrôle excessif qu’exercent les agences de recrutement sur les travailleurs migrants : « En arrivant à Montréal, je me suis retrouvé sans emploi. Mon agence avait payé quelqu’un qui a fait semblant d’être mon employeur pour les documents seulement. J’ai vécu de mes économies pendant trois mois, puis j’ai commencé à perdre espoir. Je suis retourné à l’agence pour dire qu’il fallait vraiment me trouver du travail. On m’a bien trouvé un emploi chez une famille, mais au noir. » – M. Ericson Santos De Leon Barbara Byers, la secrétaire-trésorière du Congrès du travail du Canada, a fait part au Comité des abus dont sont victimes les participants au Programme des aides familiaux et des pressions exercées sur eux pour les empêcher de signaler les abus s’ils veulent rester au Canada : « L’aide qui doit chercher un autre employeur disposé à demander et à obtenir une étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) positive et un permis de travail pour un employeur précis n’a pas de filet de sécurité ni de recours d’appel. » – Barbara Byers, Congrès du travail du Canada Gabriel Allahdua a parlé de façon enflammée des abus dont sont victimes les travailleurs agricoles : « Nous avons beaucoup de difficulté à nous faire entendre lorsque nous tombons sur un mauvais employeur ou si nous ne recevons pas notre plein salaire. Imaginez à quel point c’est encore plus difficile lorsque vous risquez non seulement de perdre votre emploi, mais d’être envoyés de force dans votre pays. Imaginez combien c’est difficile lorsque c’est l’employeur qui vous fournit votre logement et que votre contrat n’est pas exécutoire. » « Dès que vous ouvrez la bouche, on vous menace de vous faire perdre votre emploi ou de vous renvoyer chez vous. Personne n’est permanent dans le cadre de ce programme. C’est la réalité. À la fin des huit mois, quand vous rentrez au pays, il n’y a aucune garantie que vous puissiez revenir au Canada. L’employeur se réserve le droit de faire appel à vous ou de vous garder à la maison. Rien que cela suffit pour vous faire travailler trois fois plus fort. Imaginez aussi qu’on vous rappelle tous les jours qu’il y a une centaine de personnes qui font la queue pour prendre votre travail. » – Gabriel Allahdua, Coalition pour les droits des travailleurs et travailleuses migrantes du Canada Des chercheurs universitaires ont également soulevé le fait que les nouvelles mesures politiques adoptées ne suffisent pas pour éviter les abus et les conséquences sur les travailleurs : « [L]es mesures prises pour réduire les cas d’abus, comme les inspections en milieu de travail et la création d’une ligne anti-crime pour que les travailleurs étrangers signalent les abus, ont échoué. Peu importe la sévérité des amendes et la rigueur d’application des règles, si le résultat final est que les travailleurs perdent leur emploi et doivent quitter le pays puisqu’on interdit à leur employeur d’embaucher des travailleurs étrangers, les chances que les employés signalent les abus sont minces. » « Je dirais que les cas d’abus sont très fréquents. Souvent les recruteurs d’ici sont de mèche avec ceux d’autres pays, lesquels exigent des aides familiaux des frais de placement illégaux, mais le gouvernement canadien ne peut rien contre les politiques adoptées dans d’autres pays. Voilà pour un premier problème. Un autre problème, comme en témoigne la mésaventure de M. De Leon, ce sont les frais carrément illégaux exigés des travailleurs en dépit de l’interdiction légale d’imposer de tels frais de recrutement, mais ces lois ne sont simplement pas appliquées. » – M. Ethel Tungohan, Université York Les néo-démocrates croient catégoriquement que tous les abus des travailleurs doivent cesser. Ils croient également que les recommandations du Comité sont insuffisantes pour mettre fin aux abus. Jusqu’à maintenant, les inspections sur place se font rares et sont inefficaces pour éliminer les abus. Nous croyons que le gouvernement doit accroître considérablement le nombre d’inspections sur place, de même qu’adopter une approche plus globale afin de mettre fin aux abus, une approche qui apporte davantage d’autonomie aux travailleurs eux-mêmes. Pour ce faire, les organisations en première ligne qui fournissent des services aux travailleurs migrants doivent bénéficier d’un financement adéquat. Par conséquent, les néo‑démocrates recommandent que le gouvernement alloue des ressources supplémentaires aux organisations qui viennent en aide aux travailleurs migrants et aux fournisseurs de services de première ligne afin d’aider les travailleurs migrants à préserver et à défendre leurs droits. Le Comité a également appris qu’il serait avantageux pour les travailleurs de pouvoir négocier collectivement leurs conditions de travail. Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce Canada (TUAC) et Aliments Maple Leaf ont tous deux parlé au Comité des avantages dont ils tirent de leur partenariat. D’autres témoins ont également parlé des avantages que procurent l’autonomie et la protection que leur apporte la représentation de leur syndicat : « Je suis entré au Canada en 2012 dans le cadre du programme de migration circulaire en tant que journalier pour la compagnie Olymel, dans un abattoir à Saint-Esprit, qui se trouve à 45 minutes de Montréal. Après un an d’expérience de travail syndiqué, j’ai pu, grâce à mon ancienneté, postuler à un poste de boucher industriel dans l’entreprise. » – Francisco Mootoo, Association des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires « J’étais déterminée à vivre au Canada, alors j’ai suivi les cours d’anglais offerts le soir par mon syndicat. Après être devenue résidente permanente, j’ai travaillé dans un bureau de services d’établissement. J’ai le privilège d’aider d’autres personnes à s’installer au Canada. » « Je ne sais pas comment j’aurais pu franchir toutes les étapes de ce processus sans l’aide précieuse de mon syndicat, la section locale 832 des TUAC, et de mon employeur, Aliments Maple Leaf. Ils m’ont offert les services d’établissement auxquels la grande majorité des travailleurs migrants n’ont pas accès. Mon assurance-maladie n’a pas été interrompue. Je bénéficiais de conditions de travail et d’un salaire convenables et je faisais partie d’une grande famille. Grâce à la chance que j’ai eue d’être embauchée dans un milieu syndiqué, j’ai pu profiter du Programme des candidats des provinces du Manitoba. » – Claudia Colocho, Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce Nous sommes conscients que les lois du travail relèvent à la fois de la compétence fédérale et provinciale, mais nous croyons que le gouvernement fédéral peut faire preuve de leadership et ouvrir un dialogue sur l’importance d’assurer à tous les travailleurs la protection d’un syndicat. Les néo‑démocrates prient instamment le gouvernement de travailler de concert avec les provinces et les territoires afin que les lois du travail permettent la syndicalisation des travailleurs étrangers temporaires, quels que soient le secteur ou l’industrie où ils travaillent. Rapatriement pour des raisons médicales À l’heure actuelle, les travailleurs migrants n’ont droit de recevoir des soins de santé que pour des blessures subies au travail considérées comme étant suffisamment urgentes pour que soient prodigués des soins immédiats. Résultat : l’accès aux soins de santé des travailleurs migrants est insuffisant, et la protection pour les problèmes de santé et de sécurité en milieu de travail, telle l’exposition à long terme à des menaces environnementales, est inadéquate. Nous croyons que les travailleurs méritent une protection médicale complète et adéquate. Comme l’indique une étude publiée dans le Journal de l’Association médicale canadienne (JAMC), il s’agit là d’un problème particulièrement important pour les travailleurs agricoles saisonniers. Selon l’Association : « De 2001 à 2011, 787 rapatriements ont été effectués parmi 170 315 travailleurs agricoles migrants arrivés en Ontario (soit 4,62 rapatriements par 1 000 travailleurs). Plus des deux tiers des travailleurs rapatriés étaient âgés de 30 à 49 ans. Les travailleurs agricoles migrants ont été rapatriés le plus souvent pour des raisons médicales ou chirurgicales (41,3 %) et des blessures externes, y compris l’empoisonnement (25,5 %) [traduction]. » - JMAC, Rapatriement médical des travailleurs agricoles migrants en Ontario [traduction] En plus des mesures pour réduire les blessures en milieu de travail, nous devons nous assurer que les travailleurs qui se blessent ont accès aux mêmes protections et aux mêmes soins de santé que tous les travailleurs canadiens. Certains témoins ont parlé de l’épouvantable réalité que vivent les travailleurs dont les besoins médicaux ne sont pas pris en compte : « [L]es travailleuses migrantes qui tombent enceintes tout en travaillant ici au Canada sont virées et elles n’ont donc pas accès aux soins de santé. Une travailleuse avec laquelle je parlais le mois dernier a perdu son bébé. Elle a dû camoufler son ventre et porter une gaine pour que l’employeur ne se doute de rien, car elle avait peur d’être licenciée. Et ce qui est arrivé, c’est qu’elle a perdu son bébé. – Gina Bahiwal, membre de la Coalition pour les droits des travailleurs et travailleuses migrantes du Canada Le Comité a également entendu le témoignage de Marcia Barret, qui représentait le Caregiver’s Action Centre. Marcia est la cousine de Sheldon McKenzie. Sheldon, travailleur agricole migrant, s’est blessé au travail le 26 janvier 2015 à l’âge de 39 ans. Il est mort huit mois plus tard. Marcia a parlé de son cousin en ces mots : « Sheldon était le père aimant et dévoué de deux adolescentes. Il est arrivé au Canada comme travailleur migrant il y a 13 ans, pour subvenir aux besoins de sa famille. Sheldon aimait jouer au soccer, il adorait la musique et était même entraîneur. » - Marcia Barret Mme Barret a fait part au Comité du traumatisme qu’a vécu sa famille après que M. McKenzie s’est blessé au travail : « Il est mort le 17 septembre 2015, le jour de l’anniversaire de sa fille cadette. C’est pendant la période qui s’est écoulée entre la blessure et la mort de Sheldon que j’ai pris conscience de la frustration et des conditions difficiles qu’endurent les travailleurs agricoles migrants. En plus de la blessure et du décès qui ont traumatisé notre famille, les politiques en place ont été une source de frustration pendant tout ce temps. » - Marcia Barret Sans les efforts de Mme Barret, M. McKenzie aurait été renvoyé chez lui malgré la gravité de ses blessures. Les néo‑démocrates prient instamment le gouvernement de veiller à la mise en place de règles adéquates en matière de santé et de sécurité pour les travailleurs migrants et d’exiger que des soins de santé soient prodigués au Canada aux travailleurs migrants lorsqu’ils subissent des blessures ou des accidents au travail. L’accès à la citoyenneté Les néo-démocrates croient que l’immigration fait partie intégrante de notre société et que nos programmes en la matière doivent être conçus dans une optique de construction de la nation. Par conséquent, nos programmes doivent mettre l’accent sur l’accès à la résidence permanente et à la citoyenneté, et non, comme les programmes de travail temporaire, placer les gens dans des situations précaires, sans droits et sans options. Comme l’a dit Barbara Byers, du Congrès du travail du Canada, « si vous êtes assez bons pour travailler ici, vous êtes assez bons pour vivre ici ». Selon les néo-démocrates, les pénuries de main-d’œuvre doivent être comblées avant tout par le recours à des travailleurs étrangers accueillis comme résidents permanents. En cas de pénurie de nature réellement temporaire, les travailleurs migrants devraient toujours avoir la possibilité de devenir résidents permanents et, à terme, citoyens. C’est une question d’équité et de justice, et aussi un moyen de protéger les droits et la sécurité de ces travailleurs. En effet, ceux-ci sont plus vulnérables à l’exploitation s’ils n’ont pas de droits et s’ils craignent d’être expulsés du pays. Nous croyons aussi que les travailleurs ne doivent pas être punis par la déportation parce que leurs employeurs ont commis des abus. De fait, nous estimons que tous les travailleurs étrangers temporaires, quel que soit le programme qui préside à leur venue, devraient avoir la possibilité d’obtenir la résidence permanente. Les libéraux aussi ont promis par le passé de donner cette chance à tous les travailleurs migrants. C’est pourquoi il est très décevant que le Comité, dans son rapport, ne recommande pas vigoureusement que TOUS les travailleurs étrangers aient la possibilité d’obtenir la résidence permanente. Les néo-démocrates s’opposent à ce que recommande le Comité, qui veut que seulement les travailleurs qui répondent à une pénurie de main-d’œuvre permanente aient cette chance. Nous croyons que tous les travailleurs qui viennent soutenir notre économie méritent d’avoir la possibilité de rester. Les néo-démocrates recommandent que le chemin de la citoyenneté soit ouvert immédiatement à tous les travailleurs migrants. Nous appelons le gouvernement à s’assurer que des mesures adéquates empêchent les employeurs d’utiliser la possibilité d’obtenir la résidence permanente pour manipuler et contrôler les travailleurs. Le Comité doit écouter les travailleurs et les organisations qui travaillent chaque jour avec eux sur le terrain : À l’origine de la précarité et de la vulnérabilité qui sont le lot des travailleurs migrants est le fait que leur statut au Canada est précaire. Même si la délivrance de permis de TET ouverts pour favoriser la mobilité de la main-d’œuvre permettra d’améliorer grandement la situation, l’accès à la résidence permanente est la seule mesure qui éliminera vraiment la vulnérabilité qui est l’une des caractéristiques intrinsèques du PTET, car cela mettra les travailleurs migrants peu qualifiés sur un pied d’égalité avec le reste de la société canadienne. – Conseil canadien pour les réfugiés Refus des prestations d’assurance-emploi Les néo-démocrates espéraient que le gouvernement libéral rétablirait l’accès des travailleurs étrangers temporaires aux prestations d’assurance-emploi. Des travailleurs et des organismes ont fait valoir au Comité que le gouvernement devrait permettre aux travailleurs migrants de recevoir des prestations d’assurance-emploi, surtout qu’ils en paient les cotisations. Même s’ils cotisent à l’assurance-emploi, ils n’ont pas droit aux prestations. Ils avaient ce droit avant 2012, tout au moins un accès à des prestations spéciales. Pourtant, c’est ce même programme des travailleurs agricoles saisonniers qui exige qu’ils partent avant la mi-décembre chaque année, invalidant l’assurance sociale et leur retirant leur droit à l’assurance-emploi. – Barbara Byers, Congrès du travail du Canada Chaque semaine, les travailleurs migrants cotisent au régime d’assurance-emploi, mais nous n’avons pas droit aux prestations. Celle à laquelle nous avons droit a été révisée à la baisse, de sorte que nous ne touchons presque rien. – Gabriel Allahdua, Coalition pour les Droits des travailleurs et travailleuses migrantes du Canada Il faudrait faire en sorte que lorsqu’ils deviennent malades au travail ou qu’ils se blessent au travail ici, ils puissent être pris en charge immédiatement par le système de soins de santé. Quelle que soit la formule, indemnité ou autre, ils doivent recevoir des soins immédiats. Ils contribuent à l’assurance-emploi, mais beaucoup ne touchent aucune prestation. Cela doit changer. – Marcia Barret Les néo-démocrates recommandent au gouvernement du Canada de restaurer l’accès des travailleurs aux prestations d’assurance-emploi, y compris les prestations parentales, de maternité et de soignant. Programme des travailleurs agricoles saisonniers Comme le Comité l’indique dans son rapport, le nombre d’approbations de travailleurs étrangers temporaires a passé de 163 035 en 2013 à 90 211 en 2015. En 2013, le Programme des travailleurs agricoles saisonniers fournissait 28 % de tous les travailleurs étrangers temporaires, contre 59 % en 2015. Mais malgré l’importance de ce programme, le Comité n’a entendu qu’une poignée de travailleurs agricoles saisonniers. Les travailleurs agricoles saisonniers jouent un rôle actif dans la vie économique et sociale des collectivités où ils vivent. Mais lorsque la main-d’œuvre est saisonnière, l’économie est saisonnière, et pour les petites collectivités, la période hors saison peut alors s’avérer très difficile. Par contre, si on donne aux travailleurs migrants la possibilité de rester, de nombreux avantages peuvent en découler. Notamment, en faisant venir leur famille et en s’installant définitivement sur place, les migrants peuvent atténuer les périodes hors saison difficiles, et contribuer à renforcer les petites collectivités. C’est ce qu’a dit Francisco Mootoo : Nous avons beaucoup contribué à la société canadienne et à notre communauté, et nous continuons de le faire. Nous étions établis en région et nous y sommes toujours, parce que nous nous sommes quand même bien intégrés dans l’endroit où nous vivons. – Francisco Mootoo, Association des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires. Les néo-démocrates croient que tous les travailleurs étrangers temporaires, y compris les travailleurs saisonniers et peu spécialisés, doivent avoir le même accès à la citoyenneté, à la sécurité et aux soins de santé, et recevoir la même protection contre les abus et l’exploitation. Nous ne pouvons pas faire fi de cette majorité réduite au silence, de ces participants au PTET qui, malgré tous les risques, parlent des abus qu’ils supportent. Nous devons honorer leur courage et mettre un terme à l’exploitation à laquelle ils s’exposent. Programme des aides familiaux Le Comité n’a eu que très peu de temps pour étudier les complexités du Programme des aides familiaux et l’expérience des travailleurs qui y participent. Les recommandations de réforme du Programme sont donc entièrement inadéquates. Les néo-démocrates demandent au gouvernement de supprimer immédiatement le plafond qu’ont imposé récemment le précédent gouvernement conservateur aux demandes de résidence permanente. En effet, il est injuste de dire aux aides familiaux qu’ils pourront demander la résidence permanente s’ils viennent dans notre pays, travaillent fort et respectent les règles, pour ensuite les laisser à la merci d’un plafond annuel qui réduit essentiellement le processus de traitement des demandes à une loterie. Au lieu d’imposer un plafond aux demandes, le gouvernement devrait fournir au ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté suffisamment de ressources pour traiter toutes les demandes rapidement et équitablement. Réunification des familles Les rares travailleurs migrants qui ont pu participer aux audiences ont dit à maintes reprises que la séparation à long terme avait eu un lourd impact sur leur famille et eux-mêmes : « L’obtention de la résidence permanente à l’arrivée réglerait également d’autres difficultés auxquelles font face les travailleurs migrants à faible revenu, notamment la séparation de leur famille. Contrairement aux travailleurs hautement rémunérés, qui arrivent à titre de résidents permanents, les travailleurs à faible revenu ne peuvent être accompagnés de ceux qu’ils aiment et doivent supporter des années de séparation, ce qui peut affecter considérablement leur santé et leur bien-être. » – Community Legal Assistance Society Vous ne pouvez pas imaginer à quel point cela est difficile, non seulement pour moi, mais surtout pour les travailleuses. Elles élèvent vos enfants ici au Canada, et la plupart d’entre elles ne voient leurs propres enfants que par Skype. C’est tellement difficile, vous savez, qu’elles ne puissent même pas toucher leurs enfants. C’est très difficile. Je suis une mère moi-même, alors je ressens chacune de leurs émotions quand elles se vident le cœur devant moi. C’est très difficile. – Pinky Paglingayen Je veux seulement avoir mes papiers et emmener ma famille. Je rêve d’avoir mes papiers et d’être avec ma famille; d’améliorer les choses pour ma famille. Je veux juste être avec ma famille tout le temps sans avoir à la quitter. – Manuel, Migrant Worker Solidarity Network Manitoba Ericson Santos De Leon a dit au Comité que la présence de sa famille à ses côtés au Canada serait un plus non seulement pour lui mais aussi pour tout le pays, puisque son épouse et lui sont jeunes et prêts à partager leurs connaissances et leurs talents avec la société canadienne. Ethel Tungohan, pour sa part, a expliqué que des projets pilotes ont montré les avantages de la venue simultanée des aides familiaux et de leurs familles, et que les conjoints qui accompagnent les aides familiaux constituent une source de main-d’œuvre potentielle pour l’économie canadienne. Les néo-démocrates sont fermement d’avis que les travailleurs migrants devraient être autorisés à emmener leur famille immédiate pendant leur période de travail au Canada. Nous espérions que la possibilité d’emmener sa famille serait intégrée aux mécanismes d’obtention de la résidence permanente, mais le rapport du Comité néglige cette question. Impact sur les travailleurs canadiens Le Comité n’a pratiquement pas entendu de témoignages de travailleurs canadiens sur l’impact qu’a le PTET dans leur vie. De même, il n’a pas reçu beaucoup de commentaires concernant les répercussions du Programme sur le marché du travail du Canada. Pourtant, on a beaucoup entendu ces dernières années que des Canadiens perdent leur emploi et sont remplacés par des travailleurs étrangers temporaires, ou que des employeurs préfèrent engager des travailleurs migrants que des Canadiens. En fait, selon une étude de l’Institut C.D. Howe, le PTET aurait augmenté le chômage au Canada[1]. Par ailleurs, des experts ont signalé que ce programme exerce une pression à la baisse sur le salaire des travailleurs canadiens. C’est que, entre autres raisons, le gouvernement n’applique pas les règles sur le salaire courant, ce qui permet aux employeurs d’embaucher les travailleurs étrangers temporaires à un salaire inférieur à celui des travailleurs canadiens[2]. Il est également perturbant que le nouveau gouvernement libéral a assoupli les exigences et facilité, pour certains employeurs, le recrutement de travailleurs étrangers temporaires, et ce, malgré le fait que le ministère de l’Emploi et du Développement social a signalé au ministre que les employeurs des industries concernées n’en font pas assez (p. ex. augmenter les salaires, rendre les emplois plus attrayants) pour attirer les travailleurs canadiens[3]. De nombreux experts, dont le directeur parlementaire du budget, ont mis en doute l’existence de vraies pénuries de main-d’œuvre au Canada, en partie parce que les données sur le marché du travail sont lacunaires et trop peu détaillées pour permettre de cerner les pénuries. Le gouvernement doit améliorer les renseignements qu’il recueille sur le marché du travail, de manière à s’assurer que le Programme des travailleurs étrangers temporaires serve à répondre à des pénuries de main-d’œuvre réelles, et que les emplois ainsi pourvus soient vraiment temporaires et non permanents. Le gouvernement doit aussi s’assurer que les outils nécessaires sont en place pour que les postes permanents soient accordés à des Canadiens ou à des immigrants accueillis comme résidents permanents, avec tous les droits et protections connexes. Pour ce faire, il faut investir dans la formation des Canadiens et Canadiennes, aplanir les obstacles à la mobilité de la main-d’œuvre (p. ex. accorder des crédits d’impôt aux Canadiens qui vont travailler dans une autre province), offrir formation et soutien aux groupes traditionnellement sous-employés (comme les Autochtones et les personnes handicapées), et imposer un plan de transition aux employeurs qui recrutent actuellement des travailleurs étrangers temporaires pour des postes permanents. Programme de mobilité internationale et Partenariat transpacifique Le gouvernement conservateur précédent avait divisé le Programme des travailleurs étrangers temporaires en deux – le Programme lui-même (PTET), qui regroupe les volets d’immigration exigeant une étude d’impact sur le marché du travail, et le Programme de mobilité internationale (PMI), qui n’exige pas d’étude d’impact. Le PMI compte en fait beaucoup plus de participants que le PTET (près du double en 2014), mais le Comité ne lui a porté aucune attention, et ne s’est soucié ni de son rôle dans l’économie canadienne, ni de son impact sur les travailleurs. C’est très décevant. L’omission est d’autant plus préoccupante que le gouvernement libéral cherche à ratifier le Partenariat transpacifique, lequel, en plus d’être nuisible à notre économie, élargira l’accès au PMI et permettra donc aux employeurs de faire venir des travailleurs étrangers sans en déterminer l’impact sur le marché du travail canadien – et ce, même si des Canadiens sont disponibles pour pourvoir le poste. C’est pourquoi certains disent du PTP qu’il est « le Programme des travailleurs étrangers temporaires à la puissance dix[4] ». Comme néo-démocrates, nous réitérons notre condamnation du Partenariat transpacifique. Le gouvernement ne doit pas ratifier cet accord qui nuira à notre économie, sapera les efforts qui seront faits pour que les emplois disponibles soient d’abord offerts aux Canadiens, et perpétuera les conditions qui mènent à l’abus et à l’exploitation des travailleurs migrants. [1] Dominique M. Gross, Temporary Foreign Workers in Canada: Are They Really Filling Labour Shortages? Institut C.D. Howe, 2014, https://www.cdhowe.org/pdf/commentary_407.pdf. [2] http://www.ctvnews.ca/canada/documents-show-feds-allowed-companies-to-underpay-temporary-foreign-workers-union-1.1962306. |