Passer au contenu

HUMA Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

CHAPITRE 2 : LE PROCESSUS D’ÉTUDE D’IMPACT SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL

Les témoins qui ont comparu devant le Comité ont souligné un certain nombre de préoccupations, largement partagées, quant aux exigences du processus d’EIMT, telles que les frais, le traitement des demandes et les échéanciers, qui ont des répercussions sur tous les volets du PTET.

A. Frais d’étude d’impact sur le marché du travail

À plus d’une occasion, les témoins ont qualifié les frais d’EIMT, qui s’élèvent à 1 000 $ par demande depuis 2014, de « prohibitifs » pour les entreprises. Val Litwin, président et chef de la direction de la Whistler Chamber of Commerce, par exemple, a expliqué que ces frais élevés ne couvraient qu’une année d’emploi pour un seul poste de travailleur étranger temporaire, sans aucune garantie que le poste sera pourvu. M. Litwin a indiqué que cela constitue un fardeau financier, surtout pour les petites entreprises, qui fait qu’il est difficile pour ces dernières de demeurer « compétitives et viables[20] ». De même, Jatinder Sidhu, vice-président exécutif, Coast Spas Manufacturing Inc., s’est dit préoccupé du fait que les frais d’EIMT sont non remboursables. Si une entreprise soumet une demande pour 50 travailleurs étrangers temporaires, a-t-il expliqué, le coût des demandes d’EIMT s’élèvera à 50 000 $, et ce, que les demandes soient approuvées ou rejetées. M. Sidhu a expliqué qu’un rejet a deux conséquences : la perte des frais de demande et le fait que l’entreprise est incapable de recruter la main-d’œuvre étrangère temporaire qui lui est nécessaire pour produire et demeurer compétitive[21].

De plus, le Comité a appris que l’augmentation des frais d’EIMT avait eu des répercussions sur les familles qui doivent embaucher des travailleurs étrangers temporaires en tant qu’aides familiaux pour leurs nourrissons, enfants, aînés ou parents handicapés. Donalda Madsen, une mère qui recourt à des aides familiaux étrangers temporaires pour s’occuper de son fils handicapé depuis 1989, a indiqué que le coût croissant du programme fait qu’il devient très difficile, pour des familles comme la sienne, de se permettre d’embaucher des aides familiaux. Elle a souligné que les familles, qui doivent déjà payer le voyage en avion, l’assurance-santé et d’autres frais accessoires, doivent désormais, chaque année, payer des frais de demande d’EIMT afin de prolonger le permis de travail de l’aide familial. Si les familles perdent la possibilité d’embaucher des aides familiaux, a-t-elle averti, le fardeau des soins retombera sur des institutions telles que les centres d’hébergement et de soins de longue durée et les organismes d’intégration communautaire[22].

Des témoins ont affirmé que les frais d’EIMT avaient également des répercussions sur les travailleurs étrangers temporaires eux-mêmes. Selon le Migrant Mothers Project, l’augmentation des frais d’EIMT a amené certains employeurs à imputer ces frais aux travailleurs étrangers temporaires, tandis que d’autres sont moins enclins à embaucher une main-d’œuvre temporaire étrangère[23].

De façon générale, les témoins ont demandé à ce que ces frais d’EIMT soient abolis, ou du moins réduits, pour un certain nombre de secteurs et, notamment, pour les petites entreprises du secteur de l’hébergement, pour le secteur manufacturier, de même que pour les familles embauchant des aides familiaux. Les témoins ont demandé, si les frais d’EIMT doivent cependant persister, à ce qu’ils soient remboursables lorsque la demande d’EIMT est rejetée. Une autre des recommandations était de prolonger la durée des permis de travail pour les travailleurs étrangers temporaires dans des postes à bas salaire, réduisant ainsi les coûts associés aux demandes d’EIMT.

B. Traitement des demandes d’études d’impact sur le marché du travail

Tous les témoins ne se sont pas déclarés préoccupés par l’augmentation des frais d’EIMT. Un témoin en particulier, Jayson Hilchie, président et chef de la direction de l’Association canadienne du logiciel de divertissement, a indiqué que les entreprises du secteur canadien des jeux vidéo étaient originellement favorables à une augmentation des frais d’EIMT, car elles pensaient que des frais plus élevés allaient réduire le nombre de demandes et se traduire par un « processus de demande plus efficace[24] ».

Selon M. Hilchie, cependant, les entreprises du secteur des jeux vidéo ont constaté des incohérences dans la façon dont les agents de programme appliquent les règles et traitent les demandes dans différents bureaux de Service Canada. Selon elles, les demandes sont souvent rejetées en raison d’un manque de compréhension des différents types de postes à pourvoir dans ce secteur. Les demandes d’EIMT pour des postes qui ne figurent pas dans la Classification nationale des professions (CNP)[25] sont souvent rejetées[26]. Ces préoccupations ont trouvé écho chez d’autres témoins du secteur de la haute technologie et notamment, de la Vancouver Economic Commission, qui ont souligné que la CNP actuelle ne recense que des emplois traditionnels, et n’inclut donc pas les postes dans les technologies émergentes[27].

D’autres témoins ont fait état de la complexité de l’application de l’EIMT en soi. Bruce Webster et Mme Madsen, par exemple, ont tous deux embauché plusieurs aides familiaux au fil des ans. Ils ont indiqué que la demande d’EIMT et les demandes de permis de travail entraînaient un dédoublement de l’information, et que la demande d’EIMT était en soi longue et difficile à comprendre. Corinne Pohlmann, vice-présidente principale de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, a fait écho aux préoccupations soulevées à cet égard en laissant entendre qu’il s’agissait d’un domaine à améliorer[28].

Des témoins ont aussi fait état des défis liés au traitement des demandes d’EIMT pour lesquelles le principal objectif est d’embaucher un étranger en mesure de contribuer à améliorer le rendement du Canada en matière de recherche et d’innovation et non de combler un manque de main‑d’œuvre. Selon Universités Canada, telle est la situation des professeurs étrangers qui, contrairement aux titulaires d’un permis de travail postdiplôme, ne relèvent pas du Programme de mobilité internationale et ont besoin d’une EIMT. Selon elle, la dispense d’EIMT devrait s’étendre à toutes les formes d’embauche de personnel universitaire, y compris les membres du corps enseignant[29].

C. Échéanciers associés au traitement des demandes d’étude d’impact sur le marché du travail

Une autre difficulté identifiée par les témoins était la durée que prend EDSC/Service Canada pour traiter les demandes d’EIMT provenant de tous les volets et les répercussions possibles sur la productivité des entreprises et leur capacité à générer des revenus. Lorsqu’une demande d’EIMT est positive, il reste à obtenir un permis de travail. En conséquence, tout retard dans la chaîne de traitement peut avoir des répercussions sur le temps qu’il faut pour combler le poste d’un travailleur étranger temporaire.

Pour les représentants de Montréal International, les 10 à 12 semaines qu’il faut compter pour le traitement d’une demande d’EIMT sont perçues comme étant « trop long[ues] » et « freinent le développement de certaines entreprises » qui ne sont pas en mesure de trouver des travailleurs au pays et qui doivent compter sur de la main-d’œuvre étrangère temporaire[30]. De la même façon, des témoins se sont dit préoccupés par le fait qu’il faut parfois compter jusqu’à sept mois pour mener à bien le processus visant à embaucher un ressortissant étranger temporaire, ainsi que par les incohérences concernant la rapidité du traitement selon les différentes régions du Canada[31].

De plus, même si les réformes adoptées en juin 2014 ont établi une norme de service de 10 jours ouvrables pour le traitement des demandes d’EIMT pour ce qui est des emplois à plus forte demande (métiers spécialisés), des emplois les mieux rémunérés (dans la tranche supérieure de 10 %) ou des emplois de courte durée (120 jours ou moins)[32], des représentants de l’Alliance interactive canadienne ont indiqué que la norme de service de 10 jours n’est pas toujours respectée. Selon eux, les longs délais de traitement et les incohérences à l’égard du traitement des demandes d’EIMT font en sorte qu’il est plus difficile pour les entreprises de l’industrie des médias numériques interactifs d’accepter du financement ou des contrats assortis de dates de livraison précises, puisque les employeurs ne savent souvent pas quand le personnel qu’ils ont retenu sera en mesure de commencer à travailler[33]. En outre, selon le mémoire présenté par l’honorable Jeremy Harrison, ministre responsable de l’Immigration, de l’Emploi, des Compétences et de la Formation de la Saskatchewan, l’absence de normes de service à l’égard des demandes n’étant pas jugées prioritaires constitue aussi un « obstacle bureaucratique » pour les employeurs, qui a des répercussions sur la croissance économique[34].

En ce qui concerne plus particulièrement les effets sur les travailleurs étrangers temporaires, des témoins ont constaté que les délais de traitement des demandes d’EIMT pouvaient contraindre ces travailleurs à des périodes de chômage et d’incertitude. Les travailleurs migrants occupant des postes à bas salaire sont tenus de renouveler leur permis de travail tous les ans, et ce renouvellement dépend de l’obtention d’une EIMT favorable de la part de leur employeur[35].

Afin de régler les problèmes liés aux échéanciers et au traitement des demandes d’EIMT, des témoins ont insisté sur la nécessité de simplifier et de normaliser le processus de demandes d’EIMT. Le Conseil canadien de mutation d’employés a suggéré, par exemple, la mise en œuvre d’un programme « employeur de confiance » pour le volet des postes à haut salaire, qui s’inspirerait de programmes actuellement en vigueur en Australie, en Irlande et au Royaume-Uni. Au titre d’un tel programme, les entreprises jugées fiables dans leur utilisation du PTET auraient accès à un examen du marché du travail accéléré[36]. En outre, Rory McAlpine, vice-président principal des Aliments Maple Leaf inc., a recommandé l’établissement d’un mécanisme d’appel afin de permettre aux employeurs de contester les décisions d’EIMT défavorables[37]. D’autres ont suggéré de mettre à jour la CNP afin qu’elle tienne compte des catégories professionnelles actuelles et d’envoyer plus d’agents de programme dans les régions pour qu’ils y traitent les demandes. Afin d’éviter le dédoublement de l’information et d’accroître la rapidité, des témoins ont aussi laissé entendre que des mesures devaient être mises en place pour améliorer la coordination entre les représentants d’EDSC/Service Canada et d’IRCC.


[20]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2016 (Val Litwin, président et chef de la direction de la Whistler Chamber of Commerce).

[21]           Ibid. (Jatinder Sidhu, vice-président exécutif, Coast Spas Manufacturing Inc.).

[22]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 mai 2016 (Donalda Madsen, à titre personnel).

[23]           Mémoire présenté par Migrant Mothers Project,  « Protection des droits des travailleurs étrangers temporaires », mai 2016.

[24]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2016, 1705 (Jayson Hilchie, président et chef de la direction de l’Association canadienne du logiciel de divertissement).

[25]           La Classification nationale des professions (CNP) donne la liste de toutes les professions que l’on trouve sur le marché canadien du travail. Elle est établie par EDSC, en collaboration avec Statistique Canada, en fonction des cycles quinquennaux de recensement. Pour de plus amples renseignements, consulter Gouvernement du Canada, Bienvenue à la Classification nationale des professions 2011.

[26]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2016 (Jayson Hilchie).

[28]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 mai 2016 (Donalda Madsen et Corinne Pohlmann, vice‑présidente principale, Affaires nationales, Fédération canadienne de l’entreprise indépendante). Voir aussi HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er juin 2016 (Bruce Webster, à titre personnel).

[29]           Mémoire présenté par Universités Canada, juin 2016.

[30]           Mémoire présenté par Montréal International, « Consultation sur le programme des travailleurs étrangers temporaires », 2 juin 2016.

[31]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2016 (Jayson Hilchie et Anthony Cochlan, associé, ACT Immigration and Business Consulting Ltd.). Voir aussi HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 30 mai 2016 (Anthony Pollard, président, Association des hôtels du Canada).

[35]           Mémoire présenté par Migrant Mothers Project, « Protection des droits des travailleurs étrangers temporaires », mai 2016.

[37]           HUMA, Témoignages, 1re session, 42e législature, 30 mai 2016 (Rory McAlpine, vice-président principal, Relations avec le gouvernement et l’industrie, Aliments Maple Leaf inc.).