HUMA Rapport du Comité
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Opinion complémentaire du Nouveau Parti Démocratique (NPD) Le rapport présenté par le comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées est le fruit de plusieurs mois d’étude sur le rôle que doit jouer le gouvernement fédéral dans une stratégie de réduction de la pauvreté au Canada. Nous avons clairement indiqué dès le début de l’étude que nous ne voulions pas nous contenter de produire un autre d’une longue série de rapports sur l’ampleur de la pauvreté au Canada et qu’à la fin celui-ci soit tabletté. Grâce aux témoins que nous avons entendus et des mémoires présentés par des municipalités ainsi que par des organismes nationaux, régionaux, locaux et des individus, nous pouvons présenter dans ce rapport, le profil actuel du visage de la pauvreté au Canada. À noter que plusieurs témoins sont venus nous dire à quel point les déterminants sociaux de la santé ont un impact sur la pauvreté. Ce rapport doit être la fondation d’un plan directeur pour bâtir un pays juste et inclusif. Recommandations Bien que nous soyons d’accord avec l’ensemble du rapport, le NPD estime que les formulations des recommandations devraient appeler à l’action de la part du gouvernement, car nous pensons que nous avons passé le temps des réflexions et des consultations sur ce sujet. Nous avons consacré suffisamment de temps sur des réflexions. Il y a urgence d’agir afin d’obtenir des impacts positifs dans le quotidien des gens étant dans une situation précaire. Le NPD croit que le comité aurait pu faire plus au niveau des recommandations. Nous aurions souhaité retrouver les recommandations suivantes : Sécurité du revenu
Éducation, formation professionnelle et emploi
Santé mentale
Logement, collectivités et quartiers Le NPD croit qu’une partie importante est manquante au rapport et aurait dû se retrouver dans le chapitre 5 (logement), soit les engagements internationaux du Canada relativement au droit à un logement convenable : PRINCIPAUX TRAITÉS INTERNATIONAUX LIÉS AU DROIT À UN LOGEMENT CONVENABLE Deux traités des Nations Unies ratifiés par le Canada traitent explicitement du droit à un logement convenable : ¸ Le paragraphe 25(1) de la Déclaration universelle des droits de l’homme se lit comme suit : 1. Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. Le paragraphe 11(1) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels énonce ce qui suit : 1. Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence. Les États parties prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit et ils reconnaissent à cet effet l’importance essentielle d’une coopération internationale librement consentie. En 2007, dans son rapport final de mission au Canada, l’ancien rapporteur spécial de l’ONU sur le logement, Miloon Kothari, soulignait que le Canada était l’un des seuls pays dépourvus d’une stratégie nationale en matière de logement, et recommandait notamment :
Le rapporteur spécial y souligne aussi qu’il n’existe aucune reconnaissance du droit à un logement convenable dans la législation canadienne, que ce soit dans la Charte canadienne des droits et libertés, dans les lois fédérales ou provinciales en matière de droit de la personne ou dans les lois sur le logement. Le rapport énonce d’ailleurs ce qui suit : « Les droits contenus dans les traits internationaux relatifs aux droits de la personne ratifiés par le Canada ne sont pas directement exécutoires par les tribunaux canadiens, à moins d’avoir été inclus dans les lois canadiennes par le Parlement ou une assemblée législative provinciale. Ainsi, le droit à un logement convenable conféré au paragraphe 11(1) du [Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels] ne peut pas être revendiqué seul. » D’autres renseignements sur le droit à un logement convenable et sur les obligations des gouvernements se trouvent dans le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, intitulé Le droit à un logement convenable. Le NPD recommande que le Canada se conforme à ses engagements internationaux et aux recommandations du Rapporteur spécial de l’ONU sur le logement, en incluant le droit à un logement dans la législation canadienne, notamment dans la loi mettant en place une stratégie pancanadienne sur le logement et dans sa législation des droits de la personne, de façon à rendre ce droit justiciable. Les recommandations du NPD relatives au logement et à la lutte contre l’itinérance traduisent une volonté de mettre immédiatement en place les mesures nécessaires pour le respect de ce droit fondamental auquel s’est engagé le Canada sur le plan international. Selon le NPD, le logement social et communautaire doit être au centre d’une stratégie de lutte contre la pauvreté. Nous croyons qu’il faut à la fois prendre des mesures pour maintenir l’offre actuelle de logements sociaux et communautaires et pour augmenter l’offre de ce type de logements, pour réduire les listes d’attente partout au pays, en construisant de nouvelles unités. Pour ce faire nous recommandons :
Recommandations qui vont trop loin ou pas assez loin Par contre, selon le NPD, il y a des recommandations du rapport qui vont trop loin en s’ingérant dans les compétences des provinces et des territoires. Ces recommandations devraient être modifiées pour que ce ne soit pas le cas:
Par ailleurs, les deux premières recommandations du rapport, tel que formulé, n’engagent en rien le gouvernement à apporter les changements nécessaires pour venir en aide aux travailleurs se retrouvant dans une situation difficile à la suite d’une perte d’emploi. Par exemple, à la recommandation 1, il aurait été primordial de demander au gouvernement fédéral d’étendre la couverture, l’admissibilité et la durée des prestations d’assurance-emploi, pour s’adapter à la réalité des Canadiens et non d’examiner. Inutile d’examiner, car nous connaissons tous la réalité : Nous savons déjà que plus de 60% des travailleurs qui perdent leur emploi n’ont pas accès aux prestations de l’assurance emploi. Nous savons qu’il est important d’abaisser le nombre d’heures travaillées afin que plus de travailleurs perdant leur emploi puissent se qualifier à l’assurance emploi. Il est aussi important que le gouvernement agisse dès maintenant pour venir en aide aux travailleurs qui se retrouvent dans le trou noir de l’assurance emploi. Il en va ainsi pour la deuxième recommandation : Affaires autochtones et du Nord Canada devrait augmenter, et non seulement examiner, les taux d’aide sociale pour les membres des Premières Nations dans les réserves afin de répondre aux demandes formulées par les témoins que nous avons rencontrés. Leadership et partenariat Avant tout, le rapport devrait traduire les sentiments des Canadiens et Canadiennes d’un bout à l’autre du pays qui réclament un leadership national en vue de réduire la pauvreté. Le gouvernement du Canada doit assumer ce rôle en partenariat avec les provinces, les territoires, les municipalités et les collectivités autochtones. Avant le début de l’étude, la députée néodémocrate de Saint-Hyacinthe-Bagot, Brigitte Sansoucy, a présenté un projet de loi (C-245), la Loi concernant l'élaboration d'une stratégie nationale sur la réduction de la pauvreté au Canada. Le projet de loi prévoyait l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie nationale visant à réduire la pauvreté au Canada et la nomination d’un commissaire indépendant à la réduction de la pauvreté. Aussi, C-245 demandait des modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d’ajouter la condition sociale aux motifs de distinction illicite. Finalement, il modifiait la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social afin de constituer le Conseil national de l’élimination de la pauvreté et de l’inclusion sociale. Malheureusement, la majorité libérale a voté contre le projet de loi en 2e lecture. Le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership en matière de réduction de la pauvreté. Le Canada a signé des traités internationaux sur les droits de la personne qui nous obligent à prendre des engagements très clairs pour assurer à chacun des citoyennes et citoyens canadiens un droit à un niveau de vie satisfaisant. La réduction de la pauvreté est un enjeu non partisan. Chacun des députés de la Chambre représente un comté où se vit la pauvreté. On voit les visages de la pauvreté chez les enfants, chez les familles, chez les personnes qui vivent seules et chez les aînés. Quand on va à la rencontre des organisations qui luttent contre la pauvreté, nous voyons comment elles travaillent sur le terrain pour distribuer de la nourriture ou des vêtements afin de venir en aide à toutes ces familles. En 1989, la Chambre a adopté à l'unanimité une motion pour éliminer la pauvreté des enfants. La Chambre des communes a réaffirmé en 2009 sa volonté de réduire la pauvreté. Or nous sommes maintenant à l'étape où il nous faut plus que des vœux pieux. Nous devons établir une véritable stratégie. Établir une stratégie signifie se donner des objectifs: où voulons-nous en être pour ce qui est de la réduction de la pauvreté dans cinq ans ou dans dix ans? Il faut aussi se doter de mécanismes permettant d'évaluer la pauvreté. Présentement, au Canada, nous n'avons pas encore convenu d'une définition formelle de la pauvreté et nous espérons que le gouvernement se penchera sur ce problème en suivant la recommandation formulée dans le rapport. Nous n'avons pas encore établi quelles mesures de la pauvreté nous allons privilégier. Si nous voulons, d'une année à l'autre, pouvoir mesurer les répercussions des programmes que nous mettons en place, il faut se doter de mécanismes pour les mesurer et pour pouvoir dire, année après année, si la pauvreté a avancé ou reculé. Dotons-nous de mécanismes pour évaluer la pauvreté et pouvoir, année après année, faire des pas vers la réduction de la pauvreté. Nous le savons, la pauvreté est un facteur de discrimination et présentement, ce n'est pas établi dans la liste des conditions de discrimination. Dans nos communautés Cela coûte plus cher de ne rien faire contre la pauvreté que d'agir. Nous pouvons agir pour réduire la pauvreté. Celle-ci nuit beaucoup au développement des personnes, mais aussi au développement de nos communautés. L'écart grandissant entre les riches et les pauvres est préoccupant. Quand la richesse se concentre dans les mains d'un groupe, de plus en plus de citoyens voient leur pouvoir d'achat diminuer. Les commerçants disent qu'ils ont encore de la difficulté à se remettre de la crise économique qui date de 2008, parce que trop de citoyens continuent de s'appauvrir. Une autre réalité de plus en plus évidente, c'est qu'on peut maintenant travailler 40 heures par semaine et continuer d'être pauvre. L'emploi chez les jeunes est de plus en plus précaire; un tiers des jeunes ont un emploi à temps partiel. Dans leur bilan final, les banques alimentaires le démontrent bien. De plus en plus de travailleurs doivent recourir aux banques alimentaires et ce n’est pas normal. De plus en plus de travailleurs ont besoin d'aide alimentaire. On voit aussi beaucoup d'immigrants recourir à l'aide alimentaire. Le coût de la vie dans certaines communautés canadiennes est élevé, que ce soit pour les loyers ou pour l'épicerie. Nous devons mettre en place un véritable filet de sécurité sociale et économique parce que la pauvreté nuit à tous. Nous devons tous nous sentir concernés par le fait que, dans un pays riche comme le nôtre, les inégalités sont grandissantes et préoccupantes. Travaillons ensemble Comme nous l’ont indiqué plusieurs témoins, il est très important de tous travailler ensemble et non individuellement en tant que personne, organisme ou gouvernement, que ce soit au municipal, provincial ou fédéral. Il faut une collaboration entre les différents paliers gouvernementaux. Au niveau fédéral, la pauvreté n’est pas la responsabilité d’un seul ministère ou d’un seul ministre. Il est primordial que tous les ministères travaillent ensemble s’ils veulent lutter efficacement contre la pauvreté au Canada et ainsi améliorer le quotidien de ces trop nombreux hommes, femmes et enfants vivant dans des situations précaires. Les organismes communautaires de nos circonscriptions ont pris les moyens nécessaires. Ils travaillent aussi aux causes de la pauvreté, parce qu'on ne doit pas seulement s'attaquer à ses conséquences, comme on le fait, mais aussi à ses causes. Il faut donc travailler en collaboration avec ces organismes communautaires et en faire de véritables partenaires. Prenons l’exemple des banques alimentaires et des soupes populaires qui n'arrivent actuellement pas à répondre à la demande, le gouvernement fédéral doit collaborer avec eux pour s’assurer qu’ils ont les ressources nécessaires pour aider tous les gens dans le besoin. Les municipalités doivent aussi être partenaires de cette stratégie de réduction de la pauvreté. Par les services de proximité qu’elles offrent à leurs citoyens, leur travail sur le plan de l’accessibilité au logement social et du financement d’organisme communautaire, les municipalités sont des alliées incontournables à la réduction de la pauvreté au Canada. Nous devons aussi avoir les provinces comme partenaires. Plusieurs provinces, dont le Québec, ont déjà des stratégies d'élimination de la pauvreté. Celle qui a été mise en place par le Québec est un exemple, et d'autres provinces nous le disent. Les provinces qui ne sont pas dotées de stratégie pensent actuellement à le faire. De plus, les provinces réclament que le fédéral ait sa propre stratégie de réduction de la pauvreté pour que nous puissions coordonner nos efforts et mieux travailler ensemble, car il le faudra si l'on veut arriver à réduire la pauvreté. Les provinces sont aussi concernées, puisqu'on ne peut parler de pauvreté sans parler d'éducation. Un enfant qui arrive à l'école le ventre vide, c'est inacceptable, tout comme un enfant qui réussit moins bien à l'école, parce qu'il déménage trop souvent ou parce qu'il est préoccupé du fait qu'un de ses parents vient de perdre son emploi. Ces enfants n'ont pas la même possibilité de terminer leurs études secondaires ou d'aller à l'université que d'autres. Ce sont aussi les conséquences de la pauvreté, et il faut s'attaquer aux causes de la pauvreté de concert avec les provinces. Un enfant qui vit dans la pauvreté aura besoin de plus de soutien, et cela a un coût. Il coûte plus cher de ne pas agir contre la pauvreté et de laisser la situation perdurer que d’agir. La pauvreté, ce sont aussi des coûts en santé. Plusieurs études le démontrent. Les gens vivant en situation de pauvreté sont plus malades et ont de la difficulté à payer leurs médicaments. Conclusion Actuellement, trop de statistiques doivent nous effrayer. Une personne sur sept vit dans la pauvreté au Canada, c'est inacceptable. Nous avons le devoir d'agir. Le taux de pauvreté du Canada est supérieur aux autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Quand on parle du taux de pauvreté, il faut en voir le visage. Par exemple, c'est un enfant autochtone sur deux qui vit dans la pauvreté. De plus, 6 % des aînés vivent dans la pauvreté, et 63 % des personnes âgées à faible revenu qui vivent seules sont des femmes. Au Québec, le revenu disponible médian des aînés est de 20 200 $ pour les 65 à 74 ans, et à partir de 75 ans, il est inférieur à 20 000 $. Enfin, le revenu médian des Autochtones est plus faible. Pour ce qui est des immigrants, ils sont deux fois plus susceptibles de se trouver en situation de pauvreté. Or derrière ces statistiques, il y a des personnes. « Comme l’esclavage ou l’apartheid, la pauvreté n’est pas naturelle. Ce sont les hommes qui la créent, et ce sont des hommes qui la vaincront. Vaincre la pauvreté n'est pas un geste de charité. C'est un acte de justice. C'est la protection d'un droit fondamental, le droit à la dignité et à une vie décente. » - Nelson Mandela |