Passer au contenu
;

INDU Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

INNOVATION ET TECHNOLOGIE : UN ÉCHANGE D’IDÉES

CHAPITRE UN : INTRODUCTION

Le 7 février 2017, le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes (le Comité) a convenu de se rendre à Washington, D.C., du 1er au 3 mai 2017 inclusivement.

Le premier objectif du voyage était de rencontrer des élus américains ainsi que des représentants d’associations et d’entreprises s’intéressant aux mêmes questions que le Comité. En particulier, il s’agissait d’échanger à propos de pratiques exemplaires et de discuter de possibilités de collaboration entre le Canada et les États-Unis en matière d’innovation. Le second objectif était de prendre connaissance des politiques, défis et solutions touchant deux questions qui feront l’objet d’études par le Comité : la propriété intellectuelle et les transferts de technologie, et l’accès à la connectivité à large bande dans les régions rurales et éloignées. Les échanges concernant les possibilités de collaboration sur l’innovation ont été assez limités, alors que les prochains sujets à l’étude du Comité ont pris le dessus dans les réunions. D’autres questions ont parfois été abordées, comme celle du commerce.

Durant son voyage, le Comité a, entre autres[1] :

  • Reçu une séance d’information sur la situation politique et économique qui prévaut aux États-Unis par l’ambassadeur du Canada aux États-Unis, David MacNaughton, et son personnel;
  • Organisé quatre tables rondes avec des associations américaines universitaires, technologiques, scientifiques et innovatrices, de même que des entreprises, d’une durée de 45 minutes chacune environ;
  • Rencontré individuellement huit membres de la Chambre des représentants (six démocrates, trois républicains), lors de réunions de 20  à 30 minutes chacune;
  • Discuté avec trois membres républicains de la Chambre des représentants, membres du Sous-comité du commerce du Comité des voies et moyens, en compagnie de membres de la Chambre de commerce des États-Unis, pendant 30 minutes;
  • Rencontré 13 sénateurs (6 républicains, 7 démocrates), membres du Comité sénatorial sur le commerce, les sciences et le transport, avant d’assister à une réunion de ce comité qui portait sur le développement de la connectivité à large bande dans les régions rurales ou éloignées;
  • Visité la « maison de l’innovation » de la Consumer Technology Association et les installations de Google, Amazon et 1776 (un incubateur d’entreprises) et discuté avec leur personnel lors de rencontres d’une durée d’une heure;
  • Assisté à une conférence du lauréat du prix Nobel de physique de 2015, le canadien Arthur Bruce McDonald.

Ce rapport est divisé de la manière suivante : le chapitre deux résume les discussions ayant eu lieu au sujet de la connectivité à large bande dans les régions rurales et éloignées. Le chapitre trois fait de même au sujet de la propriété intellectuelle et des transferts de technologie. Enfin, le chapitre quatre relate brièvement les autres sujets abordés.

Le Comité tient à remercier le personnel de l’ambassade du Canada aux États-Unis, qui a rendu possibles la plupart des rencontres que les membres du Comité ont faites, de même que tous les témoins et élus américains qui ont pris le temps de discuter avec les membres du Comité.

2.1 Définition de la connectivité à large bande

Il n’existe pas de définition commune pour la connectivité à large bande. Au Canada, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), dans sa déclaration visant le service universel, parle d’une vitesse de téléchargement d’au moins 50 mégabits par seconde (Mbps) et de téléversement d’au moins 10 Mbps. Aux États-Unis, la Federal Communications Commission (FCC) définit la connectivité à large bande comme une vitesse de téléchargement d’au moins 25 Mbps et de téléversement d’au moins 3 Mbps. Certains intervenants américains ont indiqué qu’une vitesse de téléchargement de 20 à 25 Mbps était suffisante pour combler la plupart des besoins des utilisateurs.

2.2 Importance générale de la connectivité à large bande pour les régions rurales et éloignées

La connectivité à large bande apporte des bénéfices importants aux régions rurales et éloignées. Les différents domaines où la connectivité à large bande est en demande dans les régions rurales et éloignées ont été mentionnés, comme : l’éducation et les soins de santé à distance, de l’ensemencement de précision en agriculture ou encore de l’information sur le marché du travail (en développement par Google). Cependant, il est souvent peu ou pas rentable pour les fournisseurs d’accès Internet d’offrir la connectivité à large bande dans des régions éloignées et faiblement peuplées. Des représentants américains ont indiqué que certains des défis auxquels fait face le Canada rural concernant l’accès à la connectivité à large bande étaient aussi présents dans les régions rurales des États-Unis.

2.3 Technologies utilisées

Les différents intervenants ont parlé des technologies utilisées :

  • Le câble est une technologie de transmission de données par câble coaxial.
  • Une ligne d’abonné numérique est une technologie de transmission de données par la boucle locale de cuivre du réseau téléphonique.
  • La fibre optique est une technologie utilisant des fibres de verre ou de plastique pour la transmission des données sous forme d’impulsions de lumière.
  • Le sans-fil fixe est un réseau sans fil utilisant des fréquences du spectre avec ou sans licence pour offrir des services de communications (voix et données) sous la forme d’un service à destination d’un emplacement fixe.
  • La technologie d’évolution à long terme (service mobile LTE) est un protocole ou une norme utilisé pour les communications entre un téléphone mobile et des tours cellulaires dans les réseaux mobiles[2]. Ce service est aussi appelé 4G (4e génération). Une 5e génération (5G) est en développement; on s’attend à ce qu’elle offre une plus grande capacité que la 4G, qui permettrait davantage de trafic, pourrait accueillir plus d’appareils et soutenir une plus forte consommation de données.  
  • Des intervenants ont aussi parlé des communications par satellite géostationnaire, c.-à-d en orbite à haute altitude au-dessus d’un même point de l’équateur, ce qui fait que les régions les plus éloignées de l’équateur sont moins bien desservies. Il existe aussi des satellites en orbite terrestre basse, pas nécessairement au-dessus de l’équateur.

Le représentant d’une des associations, l’Information Technology and Innovation Foundation, a parlé d’un rapport publié par l’association en avril 2017, portant sur les meilleurs conseils à donner aux décideurs de politiques concernant la connectivité à large bande dans les régions rurales. Tout comme dans ce rapport, il y avait unanimité parmi les autres représentants pour dire que le gouvernement ne devait pas favoriser l’une ou l’autre des technologies, mais s’attarder à la technologie la plus efficace et économique compte tenu des circonstances et des besoins spécifiques. L’accès par fibre optique était souvent vu comme trop coûteux pour les régions très éloignées et devrait être réservé à certains points communautaires, comme les écoles et les hôpitaux. Pour les régions plus reculées, de nouvelles technologies existent, comme les satellites en orbite terrestre basse. La technologie par satellite a été toutefois critiquée, puisque son efficacité dépend fortement de la température. La technologie mobile LTE, ou 4G, était vue comme étant solide et pouvant rester pertinente pour encore plusieurs années. Il a aussi été question du fait que les États-Unis étaient en avance sur le Canada dans le développement de la technologie 5G.

2.4 Mise en place et financement

Plusieurs représentants d’associations ont parlé d’améliorer la connectivité à large bande de manière graduelle, en commençant par les régions les plus accessibles. Cette question ramène la question de l’arbitrage entre l’accessibilité et la qualité. Certains intervenants affirmaient qu’offrir un certain accès était « mieux que rien », mais d’autres pensaient plutôt qu’une très faible vitesse n’aiderait en rien les entreprises des régions rurales et éloignées, et se trouverait vite dépassée.

L’approche de la FCC pour financer l’élargissement de la connectivité à large bande aux régions rurales et éloignées a été citée en exemple. Elle consiste à proposer à un fournisseur d’étendre sa couverture à des régions n’ayant pas d’accès Internet à large bande. Ce fournisseur a le droit de refuser, auquel cas on passera ensuite à un système d’enchères. Il a aussi été question de la politique de facturer des frais mensuels de 1,50 $ aux utilisateurs de services Internet pour financer l’entretien du réseau existant ou son élargissement. Une représentante a indiqué que le secteur public ne devrait pas prendre en charge l’aménagement et l’opération d’infrastructures de télécommunications, puisqu’il tend à négliger leur entretien. Elle a également indiqué que des coopératives locales pourraient administrer l’accès au réseau.

Certains intervenants ont évoqué des réglementations limitant les possibilités de développer davantage les régions rurales et éloignées, mais peu d’information a été donnée à ce sujet. Un témoin comparaissant devant le Comité sénatorial sur le commerce, les sciences et le transport a affirmé par exemple que la réglementation sur les satellites en orbite terrestre basse devrait être modernisée. Il pourrait aussi s’agir de questions de zonage ou autres réglementations locales qui compliquent la construction de nouvelles infrastructures.

L’harmonisation des normes pertinentes entre le Canada et les États-Unis fut aussi mentionnée comme étant d’importance primordiale. Par exemple, les enchères pour le spectre de 700 Mhz ont d’abord eu lieu aux États-Unis, puis au Canada, permettant que le même spectre de transmission soit alloué dans les deux pays.

3.1 Normes des transferts concernant la propriété intellectuelle

Aux États-Unis comme au Canada, les normes pour transférer la propriété intellectuelle des collèges et universités à l’industrie ne sont pas uniformes et dépendent des institutions. La règle générale veut que la propriété intellectuelle développée par les étudiants qui ne sont pas employés par l’université ou le collège appartienne à l’étudiant, alors que les inventions développées par les professeurs et les autres employés d’une université appartiennent à celle-ci. Les universités et les employés-inventeurs se partagent en revanche les recettes dérivant de l’exploitation des inventions. Il est estimé que 30 à 50 % des recettes reviennent à l’inventeur.

La loi Bayh-Dole de 1980 a été évoquée comme produisant un fort incitatif à l’innovation et aux transferts de propriété intellectuelle aux États-Unis. Cette loi prévoit que les universités peuvent réclamer les droits sur les inventions découlant de recherches subventionnées par le gouvernement fédéral, ce qui inciterait ces institutions à les commercialiser. Cependant, il est difficile d’établir un lien de causalité entre la mise en place de cette loi et la hausse des transferts de technologie, car cette loi a été adoptée en même temps que plusieurs développements technologiques importants. Un autre intervenant a aussi mentionné brièvement la America Invents Act de 2010 comme ayant été bénéfique aux transferts de technologie.

3.2 Défis et solutions concernant le transfert de technologie

Le principal défi lié à l’exploitation de la propriété intellectuelle et le transfert de technologie est la traversée de la « vallée de la mort », qui désigne la période entre la création d’une invention et son exploitation commerciale. Alors qu’il suffisait autrefois d’obtenir un brevet pour attirer l’attention et les investissements du secteur privé, les firmes hésitent désormais à prendre elles-mêmes le risque d’exploiter une invention qui n’a pas encore fait ses preuves. Les universités titulaires de brevets doivent donc investir de plus en plus d’efforts et d’argent afin d’amener une invention au stade de la commercialisation; par exemple en développant des prototypes, en démontrant l’efficacité technique de l’invention et en effectuant des études de marché. Certains intervenants ont indiqué offrir de la formation aux nouveaux entrepreneurs à cette fin.

À cet effet, plusieurs étudiants souhaitent exploiter les inventions qu’ils développent dans les universités pour lancer leurs propres entreprises, mais ils ne possèdent pas les connaissances et compétences appropriées. Pour aider les étudiants à faire le saut vers le secteur privé et exploiter une invention développée à l’université, une intervenante a vanté les mérites des « centres d’entrepreneurs ». Un centre d’entrepreneur agit comme une forme de pré-incubateur et se concentre sur la formation pratique de jeunes entrepreneurs en facilitant le mentorat et en offrant des séminaires sur l’argumentaire de vente.

Plusieurs intervenants ont également insisté sur l’importance de continuer à appuyer la recherche fondamentale, car elle constitue à long terme une source importante d’innovations. Par ailleurs, certaines universités parviennent à attirer un haut volume d’investissements privés en faisant une promotion efficace de leurs activités de recherche, mais sans nécessairement pratiquer le transfert de technologie.

Dans la même veine, des intervenants ont mis l’accent sur la formation et le placement d’étudiants, de même que le personnel et les activités de recherche comme garantissant davantage la réussite en matière de transfert de technologie que la robustesse des droits de propriété intellectuelle.

Un témoin a expliqué qu’il était important que le Canada se dote de bureaux de transferts de technologie pour accroître le nombre de ces transferts et ne pas laisser inutilisés des brevets détenus pas les universités.

4.1 Commerce international

L’établissement de liens avec les élus américains était l’un des objectifs de ce voyage. Les membres du Comité ont donc rencontré des membres de la Chambre des représentants et des sénateurs. Le Comité a réitéré l’importance de la relation canado-américaine et des exportations américaines vers le Canada, avec sa conséquence de créer des emplois aux États-Unis. Les changements à venir à l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) ont été abordés en surface, mais tous les représentants américains, peu importe le parti politique qu’ils représentaient, étaient d’accord pour dire qu’il s’agissait pour eux de mettre à jour certains éléments de l’ALENA, sans qu’il y ait de contentieux majeur entre les États-Unis et le Canada. Des représentants du Sous-comité du commerce ont évoqué la possibilité de solidifier et de moderniser l’accord pour faire face en bloc à la concurrence étrangère.

Par ailleurs, un représentant de Google a mentionné être en faveur de moderniser l’ALENA. Il s’agirait ici d’inclure des mesures formulées dans l’Accord de partenariat transpacifique, notamment en ce qui a trait aux droits d’auteur, à la contrefaçon et à la protection des données.

4.2 Collaboration entre le Canada et les États-Unis sur l’innovation

La question de la collaboration canado-américaine est sensible, puisque chaque pays espère stimuler une forte croissance économique et de l’emploi dans son pays, notamment en augmentant ses exportations et en innovant davantage. Par conséquent,  la concurrence entre les deux pays peut miner les efforts de collaboration. Cependant, certains représentants semblaient ouverts à l’idée d’une collaboration qui bénéficierait aux deux pays, en finançant conjointement des projets, notamment dans le domaine spatial, qui est déjà un domaine où la collaboration internationale est extrêmement forte.

Le voyage du Comité à Washington a d’abord permis de tisser des liens avec des élus et représentants de compagnies ou d’associations américaines partageant les intérêts du Comité à propos de l’innovation, de la propriété intellectuelle et de la connectivité dans les régions rurales et éloignées. D’autres sujets ont aussi été abordés, comme les défis et possibilités de collaboration entre des institutions canadiennes et américaines, et les relations commerciales entre les États-Unis et le Canada.

Ce voyage a également permis aux membres du Comité d’avoir une idée plus précise des enjeux liés à deux études qu’il compte entreprendre et de rencontrer des témoins potentiels qui pourraient leur apporter leurs connaissances en la matière : l’une examinera l’accès à l’Internet à large bande dans les régions rurales et éloignées; l’autre s’intéressera à la propriété intellectuelle et les transferts de technologie vers l’industrie.

En ce qui concerne l’accès à la connectivité à large bande dans les régions rurales et éloignées, on retiendra que la plupart des intervenants rencontrés étaient d’accord avec deux approches générales : 1) un élargissement graduel de l’accès; et 2) que les gouvernements évitent de favoriser par défaut une technologie plutôt qu’une autre. Les différentes technologies peuvent être complémentaires et plusieurs modèles d’implantation existent, comme des enchères ou des approches plus locales, comme celles administrées par des coopératives.

En ce qui concerne la propriété intellectuelle et les transferts technologiques, une approche législative pourrait faciliter ces transferts, mais les champs de compétences des différents gouvernements touchant les universités ne sont pas les mêmes au Canada et aux États-Unis. Les difficultés des universités à investir davantage dans les étapes de pré-commercialisation ont aussi été abordées. Enfin, l’importance de la formation des chercheurs dans les domaines de la vente et de la commercialisation a aussi été soulignée.


[1]              Une liste complète des témoins est disponible en annexe.

[2]              Les définitions des technologies proviennent du Conseil de radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, Couverture des services Internet à large bande au Canada.