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JUST Rapport du Comité

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RAPPORT COMPLÉMENTAIRE

NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE DU CANADA

Le NPD remercie les membres du Comité de la justice, le personnel, les analystes et les témoins qui ont participé à l’étude sur les répercussions de la propagande haineuse en ligne. Les Canadiens sont témoins d’un accroissement du nombre de crimes motivés par la haine depuis 2009, y compris une augmentation de 47 % de ce nombre en 2017 par rapport à 2016. Il faut donc prendre des mesures publiques pour lutter contre le discours haineux en ligne. Récemment, les crimes non violents, comme l’incitation à la haine dans une tribune publique, ont joué un rôle plus important, à l’égard de cette augmentation, que les crimes violents motivés par la haine. Le NPD reconnaît donc la nécessité de protéger les citoyens contre les commentaires haineux en ligne.

Pour mettre fin aux propos haineux sur Internet, il est essentiel que le gouvernement normalise leur définition et l’interprétation qu’en font les organismes d’application des lois en utilisant les définitions existantes, dont la définition de travail de l’antisémitisme que propose l’Alliance internationale pour la mémoire de l’holocauste et celle du terme « haine » que donne le juge Rothstein dans l’arrêt Saskatchewan Human Rights Commission c. Whatcott. Étant donné que le nombre de crimes haineux motivés par la race, l’appartenance ethnique, la religion, le sexe et l’orientation sexuelle déclarés par la police est à la hausse, il est indispensable que la définition de « discours haineux » reconnaisse que des populations particulières sont ciblées de façon disproportionnée. Il faut que cette définition tienne compte du racisme systémique, de la discrimination religieuse, des Autochtones, des femmes et de la communauté LGBTQ+. 

Nous réclamons une stratégie nationale de suivi et de signalement de la propagande haineuse en ligne, en particulier une base de données nationale permettant de conserver et d’analyser les incidents motivés par la haine qui se produisent sur Internet. En accord avec la recommandation de Shimon Koffler Fogel, président-directeur général du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, nous appuyons les partenariats entre le gouvernement et les entreprises de technologie qui utilisent comme modèle l’initiative Tech Against Terrorism (TAT). 

Nombre de témoins ont souligné que les groupes de personnes marginalisées hésitent à dénoncer directement les propos haineux auprès des forces de l’ordre. Souvent, les victimes de discours haineux sont plus à l’aise de parler à des organisations de la société civile affiliées à leur communauté plutôt qu’à des agents de police. Or, pour faciliter le signalement des propos haineux sur Internet, il est essentiel que les organes d’exécution de la loi à tous les niveaux (municipal, provincial et fédéral) reflètent la diversité du Canada, et que des ressources soient affectées aux organismes gouvernementaux et aux ONG. L’amélioration des mécanismes servant à signaler les discours haineux permettrait d’obtenir plus de données sur les discours haineux en ligne, et favoriserait donc une meilleure compréhension globale de ces derniers. 

Mis à part le problème de l’absence de signalement des discours haineux sur Internet, les témoins ont été nombreux à affirmer qu’il fallait mettre au point de solides initiatives éducatives visant à les prévenir. Il faut octroyer plus de ressources pour les programmes d’éducation aux médias, non seulement en dernière année du secondaire, mais également pour les Canadiens de plus de 18 ans, et lancer des campagnes d’information démontrant les répercussions réelles des propos haineux en ligne. La propagande haineuse en ligne est une épidémie dans notre société, ce qui est grave, et il faut que cela soit connu de la population. Celle-ci doit comprendre que ceux qui font de la propagande haineuse peuvent être poursuivis au criminel, et disposer de stratégies lui permettant d’accroître sa résilience à l’égard des discours haineux et de les dénoncer. Le gouvernement doit affecter des ressources aux organismes qui apprennent à la population à mieux connaître les médias et qui font la promotion des capacités de réflexion critique nécessaires pour permettre de faire la distinction entre les vrais reportages et la désinformation. 

[...] il existe deux types de contenu en ligne qui peuvent entraîner beaucoup de violence. Le premier est la haine réelle, et l’autre est la désinformation. Nous croyons que le gouvernement du Canada peut soutenir et financer des initiatives communautaires de compétences relatives aux médias numériques pour aider les jeunes et les adultes à faire la distinction entre de la désinformation et des renseignements crédibles comme méthode pour réagir à la haine. Il existe une diversité de programmes qui enseignent avec succès aux deux générations comment distinguer les vraies des fausses nouvelles, les rendant moins susceptibles d’être influencées par des messages haineux. C’est essentiel, étant donné l’industrie de la haine et des fausses nouvelles. De plus, l’enseignement des compétences relatives aux médias numériques habilite les jeunes à prendre le contrôle de leur propre récit identitaire et à réagir aux messages négatifs en les remplaçant par des messages positifs.

– Mme Lina Chaker, du Windsor Islamic Council

Une intervenante a signalé que le travail qu’effectuent déjà HabiloMédias et Sécurité publique Canada sur le plan des compétences relatives aux nouveaux médias est remarquable, et a recommandé que ces organisations reçoivent davantage de financement. Nous cherchons également à favoriser la diversité et l’inclusion en finançant les groupes communautaires (religieux, ethnoculturels, autochtones, linguistiques et LGBTQ2S+), ainsi qu’en favorisant de plus grandes interactions entre ces groupes. 

Nous devons aussi accroître la capacité des communautés à résister à la haine en favorisant la diversité et l’inclusion. Cela comprend l’établissement de meilleures relations avec les communautés, que ces relations reposent sur des dimensions religieuses, ethnoculturelles, autochtones, linguistiques, LGBTQ2S+, etc.; des relations qui favoriseront une meilleure sensibilisation et compréhension interculturelles, qui aboliront la crainte des autres et qui aideront les membres des différentes communautés à percevoir les similarités entre leurs expériences. Ces relations renforcent nos communautés, afin que nous puissions nous tenir debout et forger des alliances dans notre lutte contre la haine.

– Mme Queenie Choo, présidente et directrice générale, S.U.C.C.E.S.S.

Afin de permettre de mieux réagir aux discours haineux sur Internet, nous militons en faveur de l’établissement par le gouvernement d’unités qui se consacrent aux crimes en ligne motivés par la haine aux niveaux municipal, provincial et fédéral. Les témoins craignent qu’à la fois les petites organisations et les organismes d’application de la loi n’aient pas les ressources nécessaires pour enquêter à fond sur la propagande haineuse en ligne. 

Notre organisation est petite, toutes proportions gardées, et elle a des ressources modestes. Nous ne pouvons donc pas nécessairement nous occuper de plaintes individuelles. Nous avons un service téléphonique ouvert 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. C’est ainsi que nous recueillons une grande partie de nos données, sans oublier nos démarches auprès des corps policiers de partout au pays lorsque nous préparons l’audit.

– M. Brian Herman, directeur, Relations gouvernementales, B’nai Brith Canada

Quand la police est mise au courant, c’est aussi un problème d’expertise et de temps.

– M. David Matas, conseiller juridique principal, B’nai Brith Canada

Nous sommes d’accord avec la plupart des témoins et appuyons des poursuites pour ceux qui tiennent des propos haineux en ligne ou des recours civils pour ceux qui estiment que leurs droits ont été violés. Depuis l’abrogation de l’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP), en 2013, le Canada n’a toujours pas adopté les lois nécessaires pour punir les personnes qui font de la propagande haineuse en ligne. De nombreux témoins ont proposé de rétablir l’article 13, visant à criminaliser les discours haineux spécifiquement par téléphone ou encore sur Internet, et ont mentionné que celui-ci était essentiel. Certains ont recommandé de rouvrir et de réexaminer l’ensemble de la Loi en gardant à l’esprit les avancées technologiques et les moyens utilisés pour répandre l’information sur Internet, et désirent voir l’article 13 non seulement rétabli, mais en outre réorganisé et mis à jour. Mme Morgane Oger, fondatrice de la Fondation Morgane Oger, a abordé les changements technologiques et les discours haineux en ces termes : « Étant donné que l’affichage sur écran est l’équivalent moderne du papier, lorsqu’ils recherchent de l’information entreposée sur un média dans le but de l’afficher, cela devrait être traité comme une publication. »

Même si nous avons actuellement les outils pour le faire, comme l’article 319 du Code criminel, notre communauté estime qu’ils ne sont pas adéquatement utilisés et qu’ils ne peuvent donc pas couvrir les crimes haineux en ligne.

– M. Sinan Yasarlar, du Windsor Islamic Council

Nous estimons que les personnes qui font de la propagande haineuse en ligne ou hors ligne doivent répondre de leurs actes. Ainsi, l’État devrait rouvrir et moderniser la LCDP en tenant compte de la technologie actuelle et, de même, rétablir une version à jour de l’article 13.

Dans le cadre de la présente étude, nous en sommes aussi venus à la conclusion que le gouvernement doit imposer des normes et des sanctions sévères aux entreprises de médias sociaux lorsqu’il s’agit d’intenter des poursuites dans les cas de propos haineux en ligne. Comme beaucoup de témoins l’ont fait valoir, d’autres pays ont mis au point des stratégies pour imposer des règlements et des protocoles aux entreprises concernées afin de les aider à traiter le contenu haineux de leurs sites. L’Australie et l’Allemagne pénalisent maintenant les médias sociaux qui n’enlèvent pas un tel contenu en leur imposant des amendes ou des peines d’emprisonnement. Nous savons bien qu’il est difficile d’imposer des règles pour le contenu en ligne. Cependant, le Canada réglemente déjà ce contenu sous d’autres formes, par exemple la pornographie juvénile, et a instauré la Loi antipourriel. De plus, de nombreux médias sociaux innovent en mettant au point des solutions efficaces au problème du contenu terroriste, et elles doivent donc aussi réglementer les discours haineux en ligne sous peine de faire face à des poursuites judiciaires au Canada.

Dans le contexte actuel, où, selon Statistique Canada, la grande majorité des Canadiens de moins de 45 ans utilisent Internet tous les jours, et compte tenu des liens entre les propos haineux en ligne et les crimes violents et réels motivés par la haine, nous remercions tous les membres du Comité, le personnel, les analystes et particulièrement les témoins qui ont participé à cette importante étude. De nombreuses personnes ayant été personnellement victimes d’un discours haineux (des mots qui menaçaient leur vie, leur famille et leur collectivité) ont pris de leur temps précieux pour nous faire connaître leur expérience bien souvent traumatisante et ont formulé d’excellentes recommandations sur la façon dont nous pouvons travailler ensemble, en tant que nation, à réduire le nombre de propos haineux sur Internet et, en fin de compte, à les éliminer complètement.

Nous croyons que le Canada doit se doter de lois concernant en particulier la propagande haineuse dans Internet. Une loi définit déjà clairement les discours haineux, et, comme nous l’avons déjà mentionné dans le présent rapport, bien des organisations ont mis au point des définitions de ces discours qui permettent de lutter contre les crimes motivés par la haine. Les arguments sur le droit qu’ont les Canadiens de s’exprimer librement ont souvent fait dérailler des réunions de comité en faisant prédominer des discussions théoriques et pédantes plutôt que les expériences vécues par les victimes des répercussions réelles des discours haineux sur Internet et des crimes motivés par la haine. 

En conclusion, les membres du Comité ont eu le privilège d’entendre des témoins leur parler de l’effet de la propagande haineuse en ligne sur leur vie et sur celle d’autres personnes de leur communauté et formuler un grand nombre d’excellentes recommandations en matière de définition, de suivi, de signalement et de sensibilisation de la population à une telle propagande, ainsi que de lutte contre celle-ci. Cependant, notre message clé face aux manifestations de haine sur Internet est que celles-ci peuvent être clairement définies. Il est malheureux que d’autres partis se soient servis de cette étude pour fournir à ceux qui répandent des messages nuisibles la possibilité de promouvoir leurs idées insidieuses. Selon nous, les membres du Comité auraient mieux fait de consacrer leur temps à ceux qui sont touchés par le discours haineux, à savoir les victimes de racisme systématique, de persécution religieuse ou de préjugés à cause de leur orientation ou de leur identité sexuelles, à défaut de quoi on risque de minimiser leur expérience et leur perte.

RECOMMANDATIONS DU NPD

Recommandation 1 — Définition de la propagande haineuse en ligne

Que le gouvernement du Canada établisse des lignes directrices et des normes pancanadiennes uniformes pour la collecte et le traitement des données sur les crimes haineux et les incidents motivés par la haine; cela comprendrait des efforts pour uniformiser la définition et l’interprétation, par les forces de l’ordre, des crimes haineux. Il est indispensable que cette définition tienne compte des personnes ciblées de manière disproportionnée par le discours haineux, notamment les groupes raciaux, autochtones, ethniques, linguistiques et religieux, ainsi que ceux d’orientation et d’identité sexuelles.

Recommandation 2 — Suivi et signalement de la propagande haineuse en ligne

  • Que le gouvernement du Canada crée une base de données nationale pour conserver et analyser les données sur les crimes haineux et les incidents motivés par la haine.
  • Que les ministères fédéraux concernés créent un mécanisme grâce auquel les organisations et les collectivités pourraient échanger avec le gouvernement fédéral leurs pratiques exemplaires sur la manière dont elles s’acquittent du suivi et de la communication de la propagande haineuse en ligne.
  • Que le gouvernement du Canada investisse dans une étude pour évaluer les effets de la désinformation et des renseignements erronés en ligne.

Recommandation 3 — Prévention de la propagande haineuse en ligne

  • Que le gouvernement du Canada augmente ses investissements dans les initiatives d’alphabétisation numérique, en sensibilisant les Canadiens afin que ceux-ci puissent interpréter de manière critique les médias et les risques liés à la désinformation en ligne.

Recommandation 4 — Réponse à la propagande haineuse en ligne

  • Que le gouvernement du Canada conçoive de nouvelles réactions stratégiques à la propagande haineuse en ligne, et qu’il permette aux organismes d’application de la loi d’y réagir efficacement (en créant des unités spécialisées dans les crimes motivés par la haine dans les grandes villes, en mettant au point des stratégies claires en la matière, en fournissant une formation et des ressources supplémentaires aux entités chargées de l’application de la loi).
  • Que le gouvernement du Canada mandate les ministères pertinents et encourage ses partenaires aux niveaux provincial et municipal et au sein de la société civile à créer d’autres options de signalement pour les victimes d’incidents en ligne motivés par la haine, en plus du signalement aux forces de l’ordre.
  • Que le gouvernement du Canada travaille de concert avec l’Association canadienne des chefs de police pour offrir une formation sur la sensibilisation à la diversité raciale et aux réalités culturelles ainsi qu’une formation particulière sur le traitement des cas de crimes haineux en ligne aux policiers et aux autres membres des forces de l’ordre
  • Que le gouvernement du Canada augmente le financement accordé aux forces de l’ordre et aux organismes de sécurité pour leur permettre d’enquêter sur les discours haineux sur Internet et de faire appliquer les lois existantes.
  • Que le gouvernement du Canada adopte une loi contraignant les médias sociaux à éliminer en temps opportun le contenu manifestement illégal, y compris les discours haineux, le harcèlement et la désinformation, sous peine de faire l’objet de sanctions pécuniaires correspondant à la dominance et à l’importance du média social, et prévoyant un mécanisme de surveillance judiciaire des décisions de retrait ainsi que le droit de faire appel.

Recommandation 5 — Réponse à la propagande haineuse en ligne

Que le gouvernement du Canada effectue un examen législatif de la Loi canadienne sur les droits de la personne en portant une attention particulière à l’article 13.