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LANG Rapport du Comité

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LISTE DES ACRONYMES

Association canadienne des employés professionnels : ACEP

Association de l'industrie de la langue : AILIA

Bureau de la traduction : BT

Fédération des communautés francophones et acadienne : FCFA

Centre de recherche en technologies langagières : CRTL

Charte canadienne des droits et libertés : Charte

Organisme de service spécial : OSS

Loi sur les langues officielles : LLO

Services publics et Approvisionnement Canada : SPAC

Travaux publics et Services gouvernementaux Canada : TPSGC

ÉTUDE SUR LE BUREAU DE LA TRADUCTION

1. INTRODUCTION

A. Contexte de l’étude du Comité

Le 22 février 2016, il a été convenu que le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes (ci-après le « Comité ») entreprenne une étude sur le Bureau de la traduction (ci-après le « BT »)[1]. Le Comité a consacré 6 réunions à cette étude et a recueilli les témoignages de 18 témoins.

Le Comité a entrepris cette étude à la lumière de la situation préoccupante au BT relatée dans les médias, notamment en ce qui a trait à la réduction de son effectif, ainsi que l’annonce de l’introduction par le BT d’un outil de traduction automatique à la fonction publique fédérale. Cet outil, le système Portage, constitue un logiciel de traduction automatique qui s’appuie sur une analyse statistique. Ainsi, le Comité a entrepris cette étude dans l’optique d’examiner l’impact de la situation au BT sur les langues officielles au Canada dans l’appareil gouvernemental.

B. Aperçu du rapport du Comité

Dans un premier temps, le rapport dresse un portrait du mandat et de la mission du BT et présente l’historique de cette organisation. Dans un deuxième temps, il aborde les principaux enjeux et défis soulevés par les divers témoins qui ont comparu devant le Comité. Finalement, le Comité propose ses recommandations.

Le Comité remercie les participants à l’étude qui ont pris le temps de faire leurs soumissions pour promouvoir l’importance de la traduction au Canada, la dualité linguistique canadienne, le respect de l’égalité des deux langues officielles au pays ainsi que pour renseigner le Comité en ce qui a trait aux technologies langagières.

2. DESCRIPTION DU BUREAU DE LA TRADUCTION

A. Mandat et mission du Bureau de la traduction

Le BT est un organisme spécial de Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) anciennement Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) et est constitué en vertu de la Loi sur le Bureau de la traduction[2]. Le paragraphe 4(1) de cette Loi établit la mission du BT :

4 (1) Le Bureau a pour mission de servir les ministères et autres organismes institués par une loi fédérale ou par un décret en conseil, ainsi que les deux Chambres du Parlement, pour tout ce qui concerne la traduction et la révision de leurs documents : notamment rapports, débats, projets de loi, lois, procès-verbaux ou comptes rendus, et correspondance, ainsi que l’interprétation, l’interprétation gestuelle et la terminologie.

Le BT est « chargé d’appuyer le gouvernement du Canada dans ses efforts visant à fournir des services aux Canadiens et aux Canadiennes et à communiquer avec eux dans la langue officielle de leur choix[3] ». Il est le « centre d’expertise fédéral en traduction et en services linguistiques[4] » et « est l’une des principales organisations de traduction du monde et le plus important employeur de langagiers professionnels au Canada[5] ». Le BT est le « seul fournisseur interne de services linguistiques au gouvernement[6] » et « offre des services de traduction, de révision et d’interprétation et d’autres services linguistiques au Parlement, aux tribunaux ainsi qu’aux ministères et organismes fédéraux[7] ». Il est à noter que le BT « est le fournisseur exclusif de services de traduction, de révision et d’interprétation du Parlement[8] ».

Lors de sa comparution devant le Comité, Mme Donna Achimov présidente-directrice générale du BT a indiqué que ce dernier traduit environ 354 millions de mots par année, dont 44 millions pour le Parlement du Canada[9]. Le BT fournit également des services d’interprétation pour « plus de 2 000 réunions parlementaires, 1 800 conférences en langues officielles et 500 conférences en langues étrangères[10] ».

Le BT « est aussi l’autorité du gouvernement fédéral en matière de terminologie et a reçu le mandat d’élaborer des normes terminologiques pour garantir des communications claires, uniformes et de qualité au sein du gouvernement[11] ». Le BT travaille également à la normalisation du vocabulaire utilisé dans les activités du gouvernement. Ainsi, le BT a mis sur pied TERMIUM Plus ®, principale base de données linguistiques du Canada, et le Portail linguistique du Canada qui comprend des outils visant, notamment à aider les Canadiens et Canadiennes à communiquer dans les deux langues officielles.

Plus précisément, tel que décrit dans le Rapport sur les plans et priorités 2015-2016 de SPAC, les activités du BT se divisent en quatre sous-programmes:

  • Programme de normalisation terminologique : À titre d’autorité de l’administration fédérale en matière de normalisation terminologique et des services linguistiques, le Bureau de la traduction a le mandat d’établir, de normaliser et de diffuser la terminologie pour l’ensemble de la fonction publique. À ce titre, ce sous-programme a pour objectif d’établir des normes terminologiques et linguistiques de façon à favoriser l’uniformité et la qualité des communications du gouvernement avec la population canadienne, à optimiser la gestion de l’expertise terminologique de l’appareil gouvernemental, à consolider la place du gouvernement sur les scènes nationale et internationale dans le domaine langagier et à démontrer la richesse collective du savoir linguistique et terminologique au Canada.
  • Traduction et autres services linguistiques : Ce sous-programme vise à offrir une gamme complète et intégrée de solutions langagières dans les deux langues officielles et les langues autochtones du Canada ainsi que dans une centaine de langues étrangères. Il assure la prestation de services de traduction, de révision, de correction d’épreuves et de conseils linguistiques de qualité, de façon efficace et efficiente et à un prix raisonnable aux tribunaux ainsi qu’aux ministères et aux organismes fédéraux, selon le principe du recouvrement des coûts.
  • Traduction et interprétation au Parlement : Ce sous-programme vise à assurer, en temps opportun, la prestation de services de traduction et d’interprétation et d’autres services linguistiques au Parlement, permettant à celui-ci de fonctionner dans les deux langues officielles et dans toute autre langue requise. Plus précisément, le Bureau traduit et révise les documents émanant de la Chambre des communes, du Sénat, des comités du Sénat et de la Chambre des communes, des bureaux des députés et des sénateurs, des services administratifs des deux chambres, de la Bibliothèque du Parlement, du Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique et du Bureau du conseiller sénatorial en éthique. De plus, il assure l’interprétation en langues officielles des débats de la Chambre des communes, du Sénat, du Cabinet et de ses comités, des conférences de presse et des travaux des associations parlementaires. De plus, les interprètes accompagnent régulièrement les députés et sénateurs membres de comités parlementaires à l’occasion de leurs déplacements au Canada et à l’étranger.
  • Interprétation des conférences : Ce sous-programme vise à assurer la prestation de services d’interprétation des conférences dans les deux langues officielles, en langues autochtones du Canada, en langues étrangères et en langues visuelles à tous les ministères et organismes fédéraux. Les interprètes de conférences offrent des services d’interprétation lors d’événements comme des sommets internationaux, des échanges bilatéraux ou multilatéraux entre chefs d’État ou de gouvernement, des conférences intraministérielles ou interministérielles, et des rencontres entre ministres fédéraux et leurs homologues provinciaux ou territoriaux[12].

B. Historique du Bureau de la traduction

Le BT a été créé en 1934 par l’adoption de la Loi sur le Bureau de la traduction. À ce moment, le BT relevait du Secrétariat d’État, qui est aujourd’hui Patrimoine Canadien[13].

Devant le Comité, le Centre de recherche en technologies langagières (CRTL) représenté par deux membres dont M. Barabé qui a travaillé pendant 35 ans au BT, a expliqué que « lorsqu'il a été créé, le Bureau était un organisme auquel les ministères devaient obligatoirement recourir. En vertu de la Loi et des règlements, il devait effectuer toutes les traductions demandées par les ministères et par le Parlement[14] ». Le BT était financé au moyen de crédits parlementaires entre 1934 et 1995. Conséquemment, pendant ces années, la traduction était un service gratuit pour les ministères fédéraux et il s’agissait d’un service obligatoire[15].

En 1993, la majorité des services communs du gouvernement ont été regroupés dans un seul portefeuille et, c’est à ce moment que le BT est passé sous l’égide de TPSGC, maintenant appelé SPAC[16]. Mme Achimov a indiqué que le raisonnement derrière ce changement était le que le BT « s'occupe beaucoup de passation de marchés avec le secteur privé et qu'il doit donc être hébergé avec le reste des activités d'approvisionnement du gouvernement[17] ».

En 1995, le Conseil du Trésor a accordé au BT le statut d’organisme de service spécial (OSS). Cela signifie que les services du BT sont devenus facultatifs et que celui-ci devait maintenant fonctionner selon le principe de recouvrement des coûts[18]. En d’autres mots, « le Bureau [BT] a dû commencer à facturer tous ses coûts[19] ». De plus, les ministères n’étaient plus obligés d’avoir recours au BT et ont alors eu le choix de faire affaire soit avec le secteur privé ou le BT[20]. Il est à noter que le BT reçoit encore aujourd’hui des crédits parlementaires pour plusieurs de ses services, tel que son sous-programme de Traduction et interprétation au Parlement.

En 2004, le Conseil du Trésor a fait du BT le seul employeur de traducteurs à la fonction publique[21]. Cette politique du Conseil du Trésor stipule que l’embauche de traducteurs ne peut se faire à l’intérieur des institutions fédérales. Il en est question plus loin dans le présent rapport.

3. LE RÔLE DE LA TRADUCTION POUR LA DUALITÉ LINGUISTIQUE CANADIENNE

La dualité linguistique constitue une composante fondamentale de l’identité canadienne et sert à l’unité du pays[22]. La dualité linguistique, au fédéral, fait référence, notamment au concept de bilinguisme et aux deux langues officielles du Canada, le français et l’anglais[23].

Dans le cadre de l’étude, plusieurs témoins, dont M. Michel Doucet, expert en droits linguistiques; le professeur émérite Jean Delisle de l’Université d’Ottawa, spécialisé en traduction et le CRTL, ont réitéré que la traduction joue un rôle essentiel pour la dualité linguistique canadienne[24]. M. Delisle l’a expliqué comme suit :

Nous savons tous que le Canada est un grand pays traducteur. La traduction est inscrite, pour ainsi dire, dans l’ADN du pays, même si bon nombre de Canadiens la considèrent comme le mal nécessaire de la Confédération. Si c’est le cas, il faut en dire autant du bilinguisme officiel, car traduction et bilinguisme officiel sont indissociables. Loin d'être un sous-produit du bilinguisme, la traduction en est une manifestation concrète[25].

Les traducteurs, en tant que professionnels, jouent également un rôle important au sein de la société canadienne. M. Delisle l’a rappelé en affirmant que les traducteurs exercent « une profession à forte valeur symbolique[26] », ceux-ci étant considérés « par beaucoup de députés, ministres, sénateurs, comme le ciment de l'unité nationale[27] ». Similairement, M. Doucet a indiqué que « [l]e traducteur joue un rôle très important à la fois pour les personnes unilingues, pour les personnes bilingues et pour la population canadienne en entier. Les citoyens peuvent avoir confiance dans le fait que les textes qu'ils reçoivent sont de très haute qualité[28] ».

L’Association canadienne des employés professionnels (ACEP), qui représente « tous les traducteurs, interprètes et terminologues du gouvernement qui sont tous employés par[29] » le BT, a signalé que le BT joue un rôle culturel important au sein de la société canadienne. Selon l’ACEP, contrairement au secteur privé langagier, le BT est un défenseur de la dualité linguistique, fait la promotion de la langue et « joue un rôle dans la normalisation de la langue par l'intermédiaire de ses terminologues[30] ». Ainsi, l’ACEP recommande que le BT « relève dorénavant de Patrimoine canadien plutôt que de Services publics et Approvisionnement Canada, parce que ce dernier ministère fournit des services uniquement utilitaires, tandis que Patrimoine canadien a un rôle culturel à jouer[31] ».

A. Le respect des droits inscrits dans la Charte canadienne des droits et libertés et de la Loi sur les langues officielles

Les articles 16 à 23 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte) traitent des droits linguistiques. Ces articles font du français et de l’anglais les langues officielles du Canada et étendent leur égalité de statut, de droits et de privilèges quant à leur usage aux législatures, tribunaux et lois ainsi qu’aux institutions du gouvernement du Canada. La Loi sur les langues officielles (LLO), loi quasi constitutionnelle[32], traite notamment, à sa partie IV des communications avec le public et la prestation de services et, à sa partie V, de la langue de travail.

Plusieurs témoins ont abordé les enjeux soulevés au niveau du BT et de l’introduction de l’outil de traduction automatique Portage au sein de la fonction publique sous l’angle du respect des droits inscrits dans la Charte et du respect de la LLO.

Dans cette optique, M. Doucet a rappelé que « le principe de base ou le fondement de la Loi sur les langues officielles et des dispositions constitutionnelles comme l'article 16 de la Charte, c'est l'égalité des deux langues[33] » et que cette égalité consiste à traiter les deux groupes linguistiques du Canada sur un pied d’égalité :

Le concept de l'égalité des langues officielles qui est inhérent aux droits linguistiques reconnus par le Canada nous apprend que l'exercice de ces droits ne doit pas être considéré comme une simple réponse à une demande d'accommodement. On doit plutôt viser à assurer que les deux communautés de langue officielle reçoivent un service de qualité égale dans la langue officielle qu'ils auront choisie. En effet, les obligations linguistiques et constitutionnelles du gouvernement canadien comportent l'obligation de mettre à la disposition du public des services de qualité égale dans les deux langues officielles[34].

Ainsi, en ce qui concerne la traduction, « [o]n doit s'assurer que les textes sont de qualité égale dans les deux langues, afin de respecter le principe de l'égalité[35] », de sorte qu’un groupe linguistique ne soit pas désavantagé.

De même, plusieurs témoins, dont Mme Linda Cardinal, professeure à l’Université d’Ottawa, l’ACEP, M. Doucet et la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), ont avancé que certaines décisions récentes du BT, dont la réduction de son effectif ainsi que l’introduction de l’outil de traduction Portage au sein de la fonction publique, suscitaient des questionnements quant au respect de la LLO[36]. D’autre part, la FCFA ainsi que Mme Cardinal sont d’avis qu’une plus grande réflexion serait requise afin d’évaluer si les politiques adoptées par le BT, dont l’introduction de l’outil de traduction Portage, respectent la LLO :

Je dis qu'il faut voir l'interaction entre les politiques qu'on adopte et la Loi sur les langues officielles. […] Il faut essayer d'analyser une proposition, comme l'outil Portage, à la lumière de son interaction avec la Loi sur les langues officielles. Je n'ai pas l'impression que c'est un exercice qui a été fait et, s'il a été fait, il faudrait le refaire[37].

B. La situation des langues officielles au Canada

Devant le Comité, la FCFA a abordé les enjeux au BT d’une manière plus générale, en indiquant que les problèmes soulevés s’inscrivent « dans un contexte beaucoup plus large, soit celui d'une érosion généralisée des capacités des institutions fédérales en matière de communications dans les deux langues officielles[38] ». La FCFA a appuyé cette affirmation par le fait qu’elle a reçu des communications rédigées uniquement en anglais ou des traductions qu’elle juge inacceptables de la part du gouvernement fédéral, et par les exemples suivants :

  • le commissaire aux langues officielles a lui-même déclaré, en janvier, que dans le cadre de l'exercice de lutte au déficit en 2011-2012, le Secrétariat du Conseil du Trésor n'a fourni aucune orientation aux institutions fédérales sur leur obligation d'analyser et d'atténuer les répercussions négatives potentielles sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire[39].
  • En 2013-2014, le commissaire a présenté une allocution devant un comité sénatorial dans laquelle il a parlé de cette érosion. Il a mentionné une érosion subtile du bilinguisme dans la fonction publique à cause du transfert de bureaux fédéraux à partir de régions bilingues vers des régions unilingues. Il a parlé de la réduction des niveaux de compétences linguistiques requis pour les postes bilingues. Il a mentionné la pression exercée sur les fonctionnaires pour produire des documents uniquement en anglais et de la tendance à offrir un nombre insuffisant de programmes de formation en français[40].

Selon la FCFA, cette érosion des langues officielles au Canada s’explique par les compressions budgétaires, notamment dans le cadre de la lutte au déficit, par le manque de compréhension des obligations et des droits linguistiques ainsi que par l’absence d’une coordination centrale en ce qui a trait aux langues officielles[41]. La FCFA a donc recommandé au Comité la mise en place d’une coordination centrale pour les langues officielles au Canada :

En l'absence d'une coordination centrale qui viserait une compréhension et une application cohérentes de la loi d'un bout à l'autre de l'appareil fédéral, les institutions fédérales sont souvent laissées à elles-mêmes pour déterminer comment elles s'acquitteront de leurs obligations linguistiques[42].
Nous pourrions aussi être mieux en mesure de vérifier ce qui est fait ou non. Nous disons depuis longtemps qu'il serait important qu'une autorité fédérale, peut-être le Conseil du Trésor, obtienne un mandat clair à cet égard[43].

En ce qui concerne la traduction, plusieurs témoins ont affirmé qu’il existait une érosion des langues officielles au sein de la fonction publique, notamment une asymétrie en ce qui concerne l’utilisation de l’anglais par rapport à l’utilisation du français. En effet, plusieurs témoins ont affirmé que la principale langue de travail à la fonction publique était l’anglais[44]. Selon M. Doucet, l’utilisation de l’anglais au travail constitue une culture au sein de la fonction publique[45]. En conséquence, le français constitue une langue de traduction à la fonction publique : « 85 % des documents en français sont des documents traduits[46] ».

M. Delisle a affirmé qu’ « il y a eu 325 millions de mots traduits vers le français contre à peine 23 millions vers l'anglais au cours du dernier exercice[47] ». Ainsi, « la première langue qui risque de subir les effets néfastes des traductions machines est le français[48] » étant donné que c’est principalement vers cette langue que l’on traduit. M. Doucet a donc réitéré l’importance de la traduction faite par des professionnels dans le contexte où le français est une langue de traduction : « [L]e traducteur est souvent le seul qui puisse assurer la qualité du texte en français. […]Le traducteur permet ainsi à la langue française d'être une langue de création, et non seulement une langue outil[49] ».

Afin de contrer cette asymétrie, Mme Cardinal et M. Delisle ont recommandé que « l’on favorise la rédaction de textes originaux en français, afin de contrer l’asymétrie des textes soumis à la traduction » et qu’ « un plus grand nombre de fonctionnaires francophones puissent avoir la possibilité de rédiger en français[50] ». De plus, la FCFA est d’avis que les fonctionnaires devraient recevoir de la formation à ce sujet :

[…] nous pensons que tous les fonctionnaires devraient suivre une formation concernant les obligations du gouvernement fédéral en matière de langues officielles. Ils pourront ainsi comprendre ce que cela veut dire pour leur ministère, ce que cela veut dire pour eux, ce que cela veut dire pour leurs collègues et développer ainsi des comportements ou des façons de travailler harmonieuses et respectueuses qui permettent de solutionner des problèmes au jour le jour plus facilement[51].

La FCFA a aussi recommandé qu’il y ait une « une révision complète des outils et des pratiques en matière de traduction au sein de l'appareil fédéral, y compris tout ce qui se fait sur le plan de la sensibilisation et de la formation sur les obligations linguistiques et les communications dans les deux langues officielles[52] ».

4. LA SITUATION ACTUELLE AU BUREAU DE LA TRADUCTION

A. Le volume de travail au Bureau de la traduction et l’effet des compressions budgétaires au gouvernement fédéral au fil des ans

Au cours des dernières années, une diminution a été observée au BT en ce qui concerne son chiffre d’affaires, son nombre de mots traduits par année et ses revenus[53]. De 2008 à 2010, le BT traduisait plus de 400 millions de mots par année. Toutefois, depuis quelques années, le BT traduit entre 308 millions et 310 millions de mots par année[54]. Le BT explique de la manière suivante cette diminution :

Ces dernières années, deux éléments ont eu un effet sur le volume d'activité du Bureau. Les fournisseurs canadiens de services linguistiques auxquels les ministères peuvent faire appel en tout temps sont de plus en plus compétitifs et novateurs. Les tendances en constante évolution dans les communications gouvernementales et l'arrivée des médias sociaux et du langage simple ont amené une diminution globale du volume de nos activités de traduction. Les changements dans les volumes d'activité et les échéances plus courtes ont poussé le Bureau de la traduction à améliorer sa flexibilité[55].

Les représentants du BT ont également confirmé que leur volume de travail a été influencé par les compressions budgétaires, de manière générale, au gouvernement fédéral :

On peut probablement établir un lien entre les pressions budgétaires et la quantité de traductions et notre charge de travail. Il y a trois ans, il y a eu plus de compressions budgétaires. Je pense que les ministères sont devenus plus stricts et ont restreint le nombre de documents qui sont envoyés à la traduction. Cela ne veut pas dire qu'il y a moins de respect pour les langues officielles. Cependant, nous remarquons des changements dans le nombre de demandes que nous recevons s'il y a plus de pressions budgétaires[56].

Plusieurs témoins ont également indiqué que les compressions budgétaires au gouvernement fédéral au fil des ans avaient eu un impact sur la traduction. Notamment l’ACEP a affirmé qu’ « un autre enjeu important qui a frappé de plein fouet le Bureau de la traduction découle de toutes les coupes budgétaires qui ont été imposées aux différents ministères. Pour beaucoup d'entre eux, le premier poste budgétaire éliminé est la traduction. Ils réduisent alors le nombre de documents à faire traduire[57]». La FCFA a également exprimé des inquiétudes en ce qui a trait à « l'impact cumulatif des compressions budgétaires sur les capacités de l'appareil fédéral de s'acquitter de ses obligations linguistiques[58] ».

B. Le recours au secteur privé par le Bureau de la traduction

Afin de s’adapter aux nouvelles réalités, telles que l’arrivée des médias sociaux, les changements en ce qui concerne la communication du gouvernement fédéral et la compétition du secteur privé, le BT a été poussé à améliorer sa flexibilité et est en processus de modernisation. Le BT désire, notamment accroître sa collaboration avec le secteur privé[59]. Mme Achimov a également souligné l’importance d’une certaine flexibilité au niveau du BT et que son partenariat avec le secteur privé l’aide à gérer les fluctuations dans la demande :

[…] il est important pour nous d'être flexibles et de travailler avec nos professionnels pour respecter nos obligations fédérales. J'ai dit aussi qu'il était important d'être flexibles et de travailler étroitement avec le secteur privé. J'ai parlé des fluctuations dans la demande. Nous avons beaucoup de travail à certaines périodes de l'année. En cette fin d'exercice financier et en raison des nouveaux processus, nous sommes extrêmement occupés. C'est une bonne chose qu'il y ait un secteur langagier canadien pour gérer de telles fluctuations. En vertu de notre mandat, nous pouvons avoir cette flexibilité. Comme je l'ai mentionné, il y a un bon partenariat avec le secteur langagier canadien[60].

Le CRTL est également d’avis que, le recours à la sous-traitance constitue une « nécessité absolue[61] » en raison de la fluctuation de la demande : « Doter des postes pour tout faire à l'interne lorsqu'il y a des périodes de pointe coûterait très cher aux contribuables et ne serait pas efficace. Il est donc important de recourir au secteur privé[62] ». Néanmoins, celui-ci est d’avis que le BT ne doit pas avoir recours au secteur privé pour certains documents tels que les « textes sur lesquels le gouvernement s'appuie pour prendre des décisions[63] » et « l'ensemble des textes qui portent une côte de sécurité[64] ». Lors de son témoignage, Mme Achimov a indiqué que le BT évalue attentivement les documents ne pouvant être envoyés à l’externe, tels « les documents relatifs à la sécurité, les documents très secrets et les documents classifiés[65] » et que le BT conserve suffisamment de personnel à cet effet[66]. Le CRTL a aussi recommandé que le BT traduise les textes que le secteur privé ne veut pas traduire, notamment ceux qui sont moins rentables tels que de courts textes ou des textes ultras spécialisés[67].

Pour l’ACEP, le recours au secteur privé par le BT est désavantageux pour ce dernier et pour ses employés:

Depuis 2000, la population canadienne a augmenté de près de 17 % : elle est passée de 30 millions à 36 millions de personnes. Les ministères ont donc des demandes accrues. Au lieu de répondre à cela par des emplois de bonne qualité et en embauchant des traducteurs et des interprètes reconnus pour leur grande expertise et leur grand professionnalisme, ils recourent davantage à des pigistes et au secteur privé. […] la qualité inégale des pigistes fait en sorte qu'il revient à nos membres de réparer les gaffes de l'externe. Cela finit par coûter cher au Bureau et force nos membres à sauver la face de l'institution en effectuant des révisions pour lesquelles ils ne sont souvent pas rémunérés à leur juste valeur[68].

C. La gestion du Bureau de la traduction en tant qu’organisme de service spécial au regard de sa mission et de son mandat

Tel que mentionné plus haut dans la sous-section intitulée Historique du Bureau de la traduction, ce dernier est passé, en 1995, du statut d’organisme de service commun au statut d’OSS. Basé sur le principe de recouvrement des coûts, le BT est axé sur les principes commerciaux et fonctionne comme une entreprise privée.

1. Le point de vue du Bureau de la traduction

Du point de vue du BT, cette décision du Conseil du Trésor a permis au BT de rendre ses « activités plus efficientes et concurrentielles tout en autorisant les ministères et organismes à faire appel directement au secteur privé pour des services de traduction[69] ». Mme Achimov a aussi affirmé que le BT répond aux engagements de Destination 2020[70], c’est-à-dire une meilleure gestion de l’argent des contribuables, l’embauche d’employés compétents et le respect des valeurs et l’éthique constituant des éléments centraux de la fonction publique[71].

Depuis 1995, les ministères doivent payer pour obtenir des services de traduction du BT et ont le choix d’avoir recours au secteur privé; 80 % des ministères ont recours aux services du BT. Le choix des ministères d’avoir recours ou non au BT pour la traduction de leurs documents ne repose pas uniquement sur les coûts : « Ils peuvent avoir recours aux services d'une organisation qui offre un service spécialisé ou qui fonctionne un peu différemment[72] ». De plus, selon le BT, le choix d’un ministère d’avoir recours au secteur privé n’est pas attribuable à des problèmes relatifs à leur niveau de service, à leur capacité de répondre aux besoins des clients ou à la diminution de leur effectif[73]. Néanmoins, le BT a affirmé que les coûts constituent un facteur important dans la décision d’un ministère de faire affaire avec le secteur privé plutôt qu’avec le BT :

[…] nous n'avons pas tendance à perdre des clients, selon ce que j'ai constaté, mais il y a eu quelques cas importants. Nous savons que certains ministères ont choisi d'avoir recours uniquement au secteur privé sans passer par le Bureau. Dans de tels cas, nous discutons avec eux pour essayer de cerner les raisons pour lesquelles ils ont pris cette décision. C'est souvent une question de prix. C'est évidemment un facteur. Tout le monde a des budgets à respecter. Dans de tels cas, nous discutons avec eux pour déterminer si nous pouvons utiliser notre pouvoir d'achat pour les faire rentrer dans le giron du Bureau de la traduction ou leur offrir d'autres services. Nous pouvons trouver des solutions, et nous y sommes arrivés dans certains cas. […] Je ne dirais pas que nous avons tendance à perdre des clients, mais c'est un risque continu que nous gérons[74].

Ainsi, étant en concurrence constante avec le secteur privé, le BT tente d’augmenter sa productivité ainsi que son efficacité afin de diminuer son tarif au mot :

Notre tarif au mot est à la baisse. Comme l'a déjà mentionné notre PDG, nous essayons constamment de trouver des façons d'être plus efficaces et efficients. Nos nouveaux outils technologiques visent à appuyer nos traducteurs et nos langagiers professionnels afin qu'ils soient plus efficaces. Nous faisons des gains de productivité. Chaque année, notre tarif diminue. Il est effectivement de 39 ¢ du mot dans le présent exercice. Pour l'exercice 2019-2020, nous prévoyons avoir un tarif de 34 ¢ du mot, ce qui est comparable au tarif du secteur privé[75].

Malgré que leur tarif au mot soit élevé, les représentants du BT ont mentionné que plusieurs éléments les rendaient concurrentiels sur le marché langagier au Canada, notamment leur expertise, leurs infrastructures sécurisées pour les documents classifiés et les documents désignés « Protégé B » et le fait qu’ils offrent des services 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24[76].

Le nombre d’institutions clientes du BT qui ont fait affaire avec le BT au cours de l’année est passé de 149 en 2013-2014 à 143 en 2014-2015 et à 128 en 2015-2016[77].

2. Les conséquences de la gestion du Bureau de la traduction en tant qu’organisme de service spécial au regard de sa mission et de son mandat

La majorité des témoins qui ont comparu dans le cadre de cette étude étaient d’avis que la transformation du BT d’organisme de service commun à OSS a créé certains problèmes auxquels il faudrait remédier.

Tout d’abord, plusieurs témoins ont évoqué le fait que le statut d’OSS, qui, comme une entreprise, doit tenir compte des coûts et faire des économies, allait à l’encontre de sa mission initiale axée sur la dualité linguistique et de « son histoire intimement liée à l’évolution du Canada bilingue[78] ». Selon l’ACEP, en 1995, lorsque le BT est devenu un OSS, il y a eu « un déchirement entre son mandat de protéger la dualité linguistique canadienne et la nécessité de recouvrer les coûts[79] ». De la même manière, M. Delisle a indiqué que « le statut d'organisme de service spécial — ou OSS — du Bureau, qui date de 1995, l’empêche d’accomplir pleinement la mission qu’on attend d’un organisme public en matière d’innovation, de formation et de terminologie[80] ». Depuis quelques années, le BT tente de réduire ses dépenses : « Au cours des trois dernières années seulement, on a cherché à réaliser des économies de 50 millions de dollars, notamment grâce aux nouvelles technologies[81] ». Certains témoins ont indiqué que la volonté de réduire les coûts au BT a engendré une perte d’expertise. À titre d’exemple, l’ACEP a indiqué que le BT, pour faire des économies, s’était réorganisé en groupes affinitaires, alors qu’auparavant le BT travaillait par ministère ou organisme fédéral, ce qui entrainait le développement d’une expertise. Néanmoins, « maintenant, avec les groupes affinitaires, c'est un regroupement de différents domaines, donc de différents ministères[82] » et il est plus difficile de développer cette expertise. M. Delisle a affirmé qu’il y avait une perte d’expertise également au niveau de la terminologie au BT où le nombre de terminologues a grandement diminué[83].

Puis, le fait que les ministères n’ont pas d’obligation de faire affaire avec le BT crée certaines difficultés pour ce dernier. Selon le CRTL, le BT « doit continuer de répondre à la demande », mais « les ministères ne sont pas obligés de l'alimenter. Même s'ils décident de le faire, il arrive assez souvent qu'ils changent d'idée au cours de l'année[84] ». L’ACEP a fait des constats semblables en indiquant que les ministères pouvaient décider à tout moment de ne plus faire affaire avec le BT et que cette situation « empêche le Bureau de planifier à moyen et à long terme[85] ». Ceci crée donc une certaine incertitude au niveau de la demande et, tel que mentionné par le BT, la perte de clients constitue un risque qu’ils doivent gérer continuellement.

Ensuite, le CRTL a affirmé que certaines règles imposées au BT amenaient aussi des conséquences indésirables : « [L]es règles qui sont imposées au Bureau sont telles que si un ministère décide de recourir aux services du secteur privé et de lancer un appel d'offres, le Bureau n'a pas le droit de soumissionner en réponse à ces appels d'offres[86] ». Puis, les pouvoirs contractuels des ministères en matière de traduction sont supérieurs à ceux du BT : « Les pouvoirs contractuels en traduction du Bureau sont de 25 000 $, tandis que ceux des ministères sont de 2 millions de dollars[87] ». Or, ceci aurait engendré plusieurs conséquences dont le report ou l’annulation de traduction[88].

Finalement, des témoins ont souligné que l’on demandait au BT de fonctionner comme une entreprise privée, de concurrencer avec le secteur privé, malgré que ses coûts de fonctionnement soient différents de ceux du secteur privé : « N'ayant pas les mêmes coûts de fonctionnement, il a dû embrasser une logique mercantile qui l'a éloigné de son mandat de base[89] ». Puisque le BT fonctionne selon le plein recouvrement des coûts, celui-ci doit « facturer des coûts pour lesquels les ministères ne sont pas financés », tels que les loyers de ministères et les assurances pour les employés qui sont financés de façon centrale[90]. Selon le CRTL et la FCFA, la facturation de ce genre de coûts aux ministères crée une « pression indue » sur ceux-ci et amène des conséquences non souhaitables, telle que la création de bureaux de traduction à l’interne, souvent appelés « boîtes de traduction fantômes[91] ».

(i) La création de boîtes de traduction « fantômes » au sein des ministères

Plusieurs témoins ont confirmé que certains ministères créent leur propre bureau de traduction à l’interne[92], bien que cela contrevienne « à la directive du Conseil du Trésor qui a accordé au Bureau le monopole de la traduction au gouvernement fédéral[93] ». En effet, selon les règles établies par le Conseil du Trésor, « les ministères et organismes fédéraux peuvent faire affaire entièrement avec le secteur privé ou avec le Bureau de la traduction, mais ils ne peuvent pas créer de service de traduction interne[94] ». L’ACEP a expliqué que les employés occupant les postes créés dans ces bureaux de traduction fantômes accomplissaient des tâches de traducteurs bien que leur poste ait un titre différent[95]. Le CRTL a expliqué la problématique de la façon suivante :

Étant donné que les ministères n'ont pas tous l'argent pour payer les coûts de traduction, certains ont décidé de créer leur propre service de traduction en pensant que cela leur coûterait moins cher. Des études indépendantes réalisées ont montré que c'était parfois trois fois plus cher. Cela a entraîné une conséquence pour l'industrie. Il faut savoir que le gouvernement du Canada est le plus important donneur d'ouvrage en traduction au Canada et l'un des plus importants au monde. La façon dont il donne du travail joue sur le développement de l'industrie. En donnant aux ministères le pouvoir de conclure les contrats, on a fragmenté le pouvoir d'achat du fédéral en traduction. Cela a contribué à fragmenter l'industrie et à la rendre vulnérable[96].

3. Les recommandations des témoins

Afin de trouver des solutions aux problèmes actuels au BT, plusieurs témoins ont indiqué qu’il serait approprié d’étudier le statut du BT :

  • Mme Cardinal a affirmé qu’ « il faut aussi revoir le Bureau de la traduction, afin de lui donner les moyens de ses ambitions et de renverser la tendance à la déqualification des professionnels de la traduction[97] ».
  • Le CRTL a recommandé de réexaminer la place que le BT occupe au sein de l’administration fédérale et de corriger les difficultés et les conséquences imprévues qui résultent de son statut d’OSS[98.
  • La FCFA a affirmé que les témoignages devant le Comité ont illustré que le BT était en crise et que, sachant que plusieurs ministères font affaire avec le secteur privé pour la traduction, elle recommande que « le gouvernement mène une étude sur l'efficience et l'efficacité des deux modèles, soit celui du secteur public et celui du secteur privé[99] ».

D’autres témoins, dont l’ACEP et M. Delisle, ont recommandé de « redonner au Bureau de la traduction le contrôle de l'ensemble de la traduction au sein de la fonction publique fédérale, en conformité avec la loi qui le régit depuis 1934[100] » et qu’il reprenne son rôle de coordination et de supervision de la traduction au gouvernement fédéral. Précisément, M. Delisle a recommandé que l’évolution du BT « ne soit pas tributaire uniquement de considérations d’ordre financier » et que « l’on abandonne la politique de recouvrement des coûts qui soumet les aspects linguistiques de la traduction aux impératifs économiques liés à la gestion de l’État[101] ».

L’ACEP a précisé que la mise en œuvre de cette recommandation[102] permettrait au BT de « planifier à moyen et à long terme, ce qu'il ne peut pas faire actuellement en raison de l'incertitude permanente », de recommencer à embaucher des employés, de « réduire les frais administratifs liés à l’attribution des contrats de traduction et d’assurer le maintien de l’expertise linguistique » et d’ « éliminer les boîtes de traduction fantômes ou les postes de TR [traducteurs] fantômes[103] ».

En ce qui a trait à la place que jouent les traducteurs au sein du BT, M. Delisle a recommandé « que les orientations du Bureau relèvent d’une administration où participent pleinement traducteurs, terminologues et interprètes. Sa haute direction devrait être composée pour moitié de personnes issues du milieu de la traduction[104] ». Il a également recommandé « que les traducteurs soient remis au centre des opérations de traduction. Étant les premiers concernés, ils doivent avoir leur mot à dire dans l’exécution du travail. Leur statut professionnel l’exige[105] ».

Finalement, le CRTL a affirmé qu’« il faudrait aussi miser sur l'expertise du Bureau pour consolider le pouvoir d'achat du gouvernement fédéral en traduction, de façon à assurer le développement de l'industrie de la traduction au Canada[106] ».

D. La réduction du nombre de traducteurs au sein du Bureau de la traduction

1. La modernisation du Bureau de la traduction, la réduction d’effectif et le besoin de flexibilité

D’une part, les représentants du BT ont indiqué que le nombre de postes au sein du BT a été réduit uniquement par l’attrition, c’est-à-dire par des départs volontaires et, principalement, par des départs à la retraite. De plus, les besoins en matière d’effectifs ont diminué au sein du BT, notamment en raison d’outils technologiques[107] : « Notre organisation est plus petite aujourd’hui, car nous n'avons plus besoin d'un effectif aussi important pour faire le même travail[108] ».

Afin de se moderniser, le BT a souligné qu’il a étudié, à l’aide de la firme PricewaterhouseCoopers, les grandes tendances dans les organisations d’ici et d’ailleurs dans le monde. Le BT a constaté que certaines pratiques et processus leur faisaient défaut et a donc adopté de nouvelles pratiques, notamment dans l’optique d’une meilleure efficacité et productivité :

Nous avons constaté que tous ces organismes avaient certains avantages par rapport à nous. Ils étaient flexibles. Ils n'étaient pas restreints par un grand nombre d'employés permanents. Ils avaient une équipe de base de spécialistes dans leur domaine. Ils avaient la capacité d'utiliser la technologie pour en fait améliorer leurs processus opérationnels et non remplacer les gens. […] Certains de ces processus nous faisaient défaut ou, pour le dire bien honnêtement, nous ne suivions pas les pratiques de l'industrie quant à la manière de les utiliser. Nous avons étudié très attentivement les pratiques exemplaires de l'industrie, et nous avons été en mesure de les adopter au Bureau de la traduction[109].

Les représentants du BT ont également réitéré le besoin de flexibilité au sein du BT :

Le grand défi auquel fait face le Bureau de la traduction a trait aux fluctuations dans la demande de traduction. Sans flexibilité, il est vraiment très difficile de gérer nos activités. […] En faisant appel à nos experts traducteurs et à ceux du secteur privé, de même qu'en utilisant nos outils, nous avons réussi à atteindre un bon équilibre[110].

2. Les conséquences de la réduction de l’effectif au sein du Bureau de la traduction

D’autre part, l’ACEP a affirmé qu’aucune embauche de traducteurs n’avait eu lieu depuis 2011, engendrant la disparition de 33 à 34 % des traducteurs du BT[111]. Il y a quatre ou cinq ans, le BT « comptait plus de 1 200 postes de TR [traducteurs], alors que maintenant, il y en a environ 800[112] » et cette réduction de l’effectif est toujours en cours[113].

Le tableau 1 présente le nombre d’employés qui occupent des postes du secteur langagier au BT de 2011-2012 à 2015-2016 :

Tableau 1 : Nombre de traducteurs, d’interprètes, de terminologues et de traducteurs-conseils au Bureau de la traduction de 2011-2012 à 2015-2016 et nombre d’institutions clientes de 2011-2012 à 2015-2016

(i) Nombre de traducteurs1

(i) Nombre d’interprètes

(i) Nombre de terminologues

(i) Nombre de traducteurs-conseils2

(ii) Nombre d’institutions clientes3

2011-2012

595

61

61

347

171

2012-2013

568

62

57

321

159

2013-2014

549

65

51

301

149

2014-2015

515

65

46

282

143

2015-2016 (en date de janvier 2016)

509

69

45

264

128

Le tableau préparé à partir des réponses (document parlementaire no 8555-421-53) de SPAC (auparavant TPSGC) à la Question Q-53 de M. Choquette.

1    Les données fournies pour (i) comprennent le personnel actuel et non les postes de l’organigramme (qui pourraient inclure des postes vacants).

2    Les postes de « réviseur » au Bureau de la traduction sont nommés « traducteurs-conseils »; il est important de noter que les traducteurs-conseils ne font pas que de la révision, ils font également de la traduction, participent aux projets spéciaux, etc.

3    Le nombre d’institutions clientes représente le nombre de clients qui ont fait affaire avec le Bureau de la traduction au cours de l’année (c.-à-d. des « clients actifs »).

Selon l’ACEP, la conséquence de cette réduction de l’effectif au sein du BT est une perte d’expertise : « Au fil des années, le Bureau a accumulé une très grande expertise en matière de traduction scientifique et technique. Malheureusement, cette expertise s'étiole au fil des départs à la retraite. Quant à la traduction multilingue, le Bureau construit une expertise, mais à l'externe et à rabais[114] ». Bien que l’effectif au sein du BT ait grandement diminué, la qualité du travail a été maintenue[115]. Néanmoins, selon l’ACEP, « ce ne sera pas le cas indéfiniment[116] » si la situation ne change pas :

La vérité, c'est que les gens, autant du côté du personnel administratif que des traducteurs, sont extrêmement stressés. Pour leur faire faire le travail qu'ils ont à accomplir, on les pousse à bout. L'organisation elle-même est stressée. Si vous parlez aux employés du Bureau de la traduction, vous constaterez qu'ils se plaignent constamment d'être poussés à bout et d'être soumis à des délais trop serrés. Pour ce qui est du personnel administratif, on lui demande de faire des miracles. Étant donné que l'attrition continue d'être appliquée, la situation va se détériorer. De moins en moins de gens travaillent au Bureau. Un sondage mené auprès des fonctionnaires fédéraux en 2014 a révélé que le Bureau affichait le pire résultat quant à la satisfaction au travail[117].

L’ACEP a donc recommandé « que l'on attribue au Bureau de la traduction toutes les ressources financières et humaines nécessaires pour qu'il puisse réaliser son mandat. Il faut mettre fin à la politique d'attrition du Bureau, lui confier les ressources qui lui permettront d'assurer son mandat de soutien de la dualité linguistique et arrêter de lui faire porter le poids de compressions budgétaires incessantes[118] ». En ce qui a trait à la perte d’expertise, l’ACEP a recommandé que le BT recommence à embaucher et qu’il mette « sur pied un programme pour rétablir l'expertise perdue en matière de traduction technique et scientifique ainsi qu'en traduction multilingue[119] ».

E. La formation de la relève : futurs traducteurs et interprètes

Plusieurs témoins, dont Mme Brunette, professeure à l’Université du Québec en Outaouais, qui a près de 50 ans d’expérience en traduction; l’ACEP; la FCFA et M. Delisle ont affirmé que la formation d’une relève pour le BT constituait un enjeu important, notamment dans l’optique où le gouvernement doit communiquer dans les deux langues officielles avec les Canadiens[120]. Dans cet ordre d’idées, plusieurs témoins ont indiqué que la fin du programme Traduca limite la formation d’une relève compétente et limite les opportunités d’emploi des étudiants dans le domaine de la traduction. La FCFA l’a expliqué de la manière suivante :

[…] les compressions budgétaires de 2011-2012 ont aussi eu pour effet de réduire la capacité du Bureau de la traduction d'offrir des stages. La fin du programme Traduca, survenu presque au même moment, a d'ailleurs limité encore plus les possibilités de stages en traduction. Traduca, qui était financé à même la feuille de route pour la dualité linguistique 2008-2013 et géré par la Fédération de la jeunesse canadienne-française, a permis de créer 344 stages en trois ans. L'impact de cela pour les étudiants, c'est la disparition de débouchés, et l'impact pour le Bureau de la traduction, c'est la disparition d'une relève[121].

En ce sens, l’ACEP a recommandé la mise en œuvre d’« un plan de relève qui permettra aux employés d'expérience de contribuer à former les nouveaux collègues afin d'assurer la transmission de l'expertise[122] ». De la même manière, M. Delisle a recommandé « que l’accueil des stagiaires en traduction fasse partie du mandat du Bureau[123] » et a affirmé que la vision d’entreprise du BT l’empêche maintenant d’accomplir ce mandat :

On sait que le Bureau n'offre plus de stages aux étudiants depuis au moins quatre ans. En tant qu'entreprise privée, son objectif est de réaliser la traduction au meilleur coût possible. Qu'est-ce que le Bureau a fait pour y arriver? Il a réduit le recrutement, comme le fait n'importe quelle grande entreprise qui veut rationaliser sa productivité[124].

5. LE NOUVEL OUTIL DE TRADUCTION AUTOMATIQUE PORTAGE DU BUREAU DE LA TRADUCTION

Depuis les années 1970, le BT étudie les façons dont la technologie pourrait appuyer ses activités, la fonction publique et la population canadienne[125]. De plus, « la fonction publique fédérale et les gouvernements provinciaux ont demandé au Bureau de mettre à leur disposition ses bases de données terminologiques et ses glossaires[126] ». En 1999, le BT a donc lancé TERMIUM Plus ®, son premier outil langagier informatisé, qui est aujourd’hui « un répertoire en ligne contenant plus de 4 millions de termes en anglais et en français » et est accessible gratuitement pour tous sur le Portail linguistique du Canada[127].

Le BT a récemment annoncé l’implantation d’un outil de traduction automatique, l’outil Portage, dans l’appareil fédéral. Portage a été conçu en partenariat avec le Conseil national de recherches Canada dans le contexte de la Feuille de route pour les langues officielles du Canada[128]. Le BT a indiqué que l’outil de traduction automatique Portage a été développé, notamment pour favoriser le bilinguisme à l’échelle de la fonction publique[129]. Selon SPAC, « la recherche et l’analyse menées par le Conseil national de recherches, de spécialistes de la traduction automatique comme Translation Automation Uber Society, et des spécialistes de l’industrie langagière comme Common Sense Advisory ont indiqué que la traduction automatique est largement utilisée et qu’elle contribue à l’amélioration de l’utilisation de la langue seconde[130] ». Selon Mme Achimov, l’outil Portage, qui contient « des millions de termes et de textes propres au gouvernement et traduits par des langagiers[131] », vise à « aider les employés de la fonction publique à mieux travailler dans la deuxième langue officielle[132] » et « permet aussi aux fonctionnaires de se servir plus souvent de leur langue seconde avec plus d'assurance[133] ». Mme Achimov a précisé que « le but premier de cet outil est de faciliter la compréhension, et non de traduire des documents officiels[134] ». Selon SPAC, le but de l’outil Portage est « d’être utilisé seulement pour traduire de courts textes internes non officiels (p. ex. courriels et notes de service)[135] ». Lors de sa comparution devant le Comité, l’hon. Mélanie Joly a indiqué que :

L'idée derrière l'outil Portage était d'ajouter un outil à l'éventail de ceux qui étaient déjà disponibles, et ce, afin d'améliorer les communications internes au sein de la fonction publique. On voulait que les fonctionnaires puissent vraiment être à l'aise d'envoyer des courriels à l'interne dans la langue de leur choix et que leurs collègues puissent leur répondre également dans la langue de leur choix.
Le but n'était certainement pas de réduire les ressources du Bureau de la traduction et certainement pas de nous défiler de nos obligations en matière de langues officielles[136].

Selon le BT, il existait une demande à ce niveau de la part de ministères :

Nous avons décidé que nous, du Bureau de la traduction, avions une obligation. Nous sommes les experts des langues officielles et nous recevons très souvent des commentaires et des questions des ministères afin de mieux utiliser certains outils, comme la traduction automatique. Ils veulent savoir comment s'en servir pour améliorer leur compréhension[137].

Le BT, de même que certains témoins[138], ont souligné que ce type d’outil de traduction est déjà utilisé de façon courante par la fonction publique et que la prochaine génération de fonctionnaires, qui utilisent abondamment ce genre d’outils, s’attendent à pouvoir y avoir recours dans leur milieu de travail :

Aujourd'hui, dans la fonction publique fédérale, il se fait environ un million de requêtes dans Google Traduction chaque semaine. De plus, tous les postes de travail des fonctionnaires sont dotés de l'application Microsoft Translator que chacun peut utiliser en cliquant simplement sur le bouton droit de sa souris pour obtenir gratuitement une traduction à toute heure de la journée[139].

Mme Achimov a fourni au Comité les conditions d’utilisation apparaissant sur l’avis d’utilisation de l’outil de traduction Portage :

Le présent outil ne peut être utilisé que pour les textes de niveau Non classifié ou Protégé A. Puisqu’il s’agit d’un outil en réseau, la traduction automatique ne doit jamais être utilisée pour les textes cotés Protégé B ou plus. L’outil ne devrait jamais être utilisé pour des publications officielles.
La traduction automatique permet d’avoir une idée générale du contenu et ne remplace pas un traducteur professionnel. Le Bureau de la traduction recommande d’utiliser cet outil à des fins d’amélioration de la compréhension et de traduction de courtes communications simples et non officielles.
Chaque ministère est chargé de respecter la Loi sur les langues officielles et d’assurer l’utilisation appropriée des langues officielles entre ses employés et auprès des intervenants. L’outil de traduction automatique fourni par le Bureau de la traduction ne modifie pas ces responsabilités.
Pour obtenir une traduction de qualité professionnelle, envoyez une demande à GC Traduction ou communiquez avec le Bureau de la traduction.
En utilisant l’outil de traduction automatique, l’utilisateur s’engage à en respecter les objectifs et les limites et dégage le Bureau de la traduction de toute responsabilité pouvant découler d’une mauvaise utilisation des résultats produits par cet outil.

Finalement, le BT a mené un projet pilote auprès de 300 fonctionnaires à l’été 2015. Notamment le Conseil du réseau des champions des langues officielles de la fonction publique a aidé le BT à tester l’outil Portage. Le constat qui a émané du projet pilote est le suivant :

Nous avons remarqué que la plupart des communications étaient constituées de courts textes de politesse, de courriels entre collègues ou d'avis concernant une absence du bureau. Pour nous, il est important de faire traduire un texte officiel par un traducteur afin d'en assurer la qualité[140].

A. Le fonctionnement de l’outil Portage

Plusieurs témoins ont expliqué le fonctionnement de l’outil de traduction automatique Portage du BT, ce qui a eu pour effet d’éclaircir les limites de cet outil. Avant tout, la professeure Louise Brunette et l’Association de l'industrie de la langue (AILIA), qui agit comme porte-parole pour l’industrie langagière, ont tenu à mentionner que l’outil de traduction automatique Portage « ne fait intervenir aucune activité de traduction ou de communication réelle[141] ». Il s’agit en fait de mathématiques[142]. L’outil Portage « repose uniquement sur la correspondance statistique[143] » et « fonctionne selon un codage binaire: 1, 0, 1, 0, 1, 0[144] ».

Mme Brunette a indiqué que l’outil de traduction automatique Portage est un « système statistique à apprentissage machine[145] ». Le corpus de l’outil correspond à ce que le logiciel a appris. En l’espèce, le corpus de l’outil Portage contient le langage de la fonction publique étant donné que c’est ce qu’on lui a appris[146]. Ainsi, l’outil de traduction automatique Portage « ne fera pas la même erreur si c'est adéquatement corrigé[147] ». Le CRTL a donc affirmé que « [p]our éviter que le système ne se contamine et qu'une traduction erronée ne soit remise dans le système, il fallait réviser ces traductions à des intervalles assez rapprochés et assez réguliers[148] ».

Mme Brunette a aussi souligné l’importance d’investir dans les corpus : « Investir dans la création des corpus, c'est nourrir le logiciel avec des textes à comparer qui sont de qualité[149] ». Ainsi, afin d’avoir le meilleur logiciel possible, il est essentiel que des humains travaillent en amont de l’outil Portage sur les corpus[150]. Mme Achimov a effectivement affirmé qu’il s’agit d’un outil qui s’améliorera avec le temps puisqu’il « contiendra de plus en plus de termes et de textes traduits qui sont propres au gouvernement et dont la qualité aura été vérifiée par les langagiers du Bureau de la traduction[151] ».

Dans le même ordre d’idée, Mme Brunette et Mme Achimov ont précisé que l’outil Portage « ne sert pas à traduire des expressions familières comme « it's raining cats and dogs[152] » étant donné que ce genre d’expression ne fait pas partie du vocabulaire de la fonction publique[153]. Puis, le CRTL a indiqué qu’un outil de traduction automatique produit un texte de meilleure qualité lorsque l’apprentissage de l’outil est circonscrit à un domaine précis, tel que la météo : « Plus on augmente la variance, plus vastes sont les champs touchés, plus il devient difficile d'avoir le même niveau de qualité[154] ».

Finalement, plusieurs témoins ont mentionné que le texte obtenu par l’outil de traduction automatique Portage requiert de la postédition, donc des humains travaillant en aval de l’outil. Comme expliqué par Mme Brunette, le texte obtenu « doit être aussi passé à la moulinette des humains par un procédé qu'on appelle la correction des textes machine ou, plus généralement, la postédition[155] ». Tel qu’expliqué par l’AILIA, « [d]ans les activités de postédition, des gens révisent et tentent d'améliorer le produit brut livré par l'outil de traduction automatique, une tâche extrêmement complexe en raison des erreurs imprévues et des traductions qui n'ont aucun sens, ce qu'on ne verrait jamais dans le travail d'un traducteur humain[156] ». L’AILIA ainsi que Mme Brunette ont aussi précisé qu’il est erroné de croire que « la traduction automatique avec postédition produit des résultats comparables à ceux des traducteurs professionnels[157] ». L’AILIA a affirmé que « les demandes de postédition qui se trouvent sur le marché nécessitent souvent une retraduction complète[158] ».

B. Avantages, risques et limites de l’outil Portage

1. Une question de sécurité et de confidentialité

Le BT a souligné que l’introduction de son nouvel outil de traduction automatique Portage permet de diminuer certains risques que présente l’utilisation d’outils de traduction tels que Google Traduction étant donné que « [t]out le contenu reste derrière le pare-feu du gouvernement du Canada[159] ». M. Delisle et le CRTL ont également affirmé que l’utilisation de Google Traduction comportait des risques puisque « [c]haque fois qu'un fonctionnaire met un texte du gouvernement dans Google Traduction, ce texte devient la propriété de Google, qu'il ait une cote de sécurité ou non[160] ». Le CRTL a également avancé l’idée que l’outil Portage pourrait être rendu disponible pour tous les Canadiens et que cela « pourrait éviter que des secrets industriels du Canada ne soient dévoilés[161] ».

2. Utilité et efficacité

D’une part, plusieurs témoins ont affirmé que l’outil de traduction automatique Portage était utile bien qu’il soit imparfait[162]. Lorsqu’il est utilisé à bon escient, l’outil Portage procure des avantages, notamment des « gains de productivité[163] ». Il a été soulevé que l’outil Portage présentait des avantages au niveau de la compréhension, donnant la possibilité aux utilisateurs de comprendre un texte dans une autre langue[164]. Aussi, l’outil de traduction peut « encourager l'utilisation des deux langues officielles tant qu'on s'en tient à la compréhension, et non pas à la communication, et tant que cela reste destiné à un usage personnel[165] ». L’ACEP a d’ailleurs affirmé que les outils technologiques sont très utiles pour les traducteurs dans certaines circonstances :

Dans notre métier, nous utilisons de plus en plus des outils informatiques, ce qui n'est pas un problème en soi. Par contre, il faut bien comprendre que ces outils doivent être confiés à des professionnels, des gens qui connaissent le domaine, et non à n'importe qui, comme c'est le cas présentement. La traduction automatique ne fonctionne pas du tout dans le cas de certains textes. Elle ne donne alors que du charabia. Pour d'autres textes, cependant, elle aide les traducteurs à travailler beaucoup plus vite. Quoi qu'il en soit, cet outil doit être confié à des professionnels, et non à des gens qui ne sont pas traducteurs[166].

D’autre part, l’AILIA était d’avis que lorsqu’un client a besoin d’une vraie traduction, la traduction automatique présente un risque élevé et « offre peu de gains en efficacité[167] » puisque la postédition prend beaucoup de temps[168].

Pour ces raisons, le Comité croit fortement que l’on devrait référer à l’outil Portage du BT comme étant un outil de compréhension langagière et non pas un outil de traduction.

3. Risques associés à l’utilisation de l’outil Portage

Pour plusieurs témoins, dont l’AILIA, Mme Cardinal et M. Doucet, l’implantation de l’outil de traduction automatique Portage constitue un « précédent inquiétant[169] » et ce geste du gouvernement fédéral pourrait être perçu comme une acceptation de ce type de traduction. La FCFA a affirmé qu’il « y a de fortes chances que l'implantation de l'outil Portage soit perçue, au sein de la fonction publique, comme une légitimation des systèmes de traduction automatisée comme moyens parfaitement acceptables d'assurer des communications dans les deux langues officielles[170] ». M. Doucet a également affirmé que l’implantation de l’outil Portage « pourrait avoir des répercussions sur les obligations légales et constitutionnelles qu'ont les institutions fédérales en matière de langues officielles[171] ».

4. La qualité de la traduction

La majorité des témoins ayant comparu devant le Comité ont affirmé que l’outil de traduction automatique Portage du BT ne pouvait assurer la qualité du texte traduit[172] . Mme Brunette, le CRTL et l’AILIA ont tous indiqué que la traduction obtenue à partir de l’outil Portage serait nécessairement de qualité inférieure à la qualité du texte orignal, et cela, même avec de la postédition et même si le logiciel est doté d’un excellent corpus[173]. En vertu du « concept de l'égalité des langues officielles qui est inhérent aux droits linguistiques reconnus par le Canada[174] », les deux communautés de langue officielle doivent recevoir un service de qualité égale dans la langue officielle de leur choix. Ainsi, l’outil de traduction automatique Portage, ne pouvant pas produire une traduction de qualité égale au document original, compromet l’égalité des langues officielles[175].

La FCFA et Mme Cardinal ont également soulevé des inquiétudes quant au respect de la LLO si l’outil Portage est effectivement déployé à la fonction publique. Notamment, « si, tel que le Bureau de la traduction l'indique, cet outil doit servir uniquement à des échanges informels entre fonctionnaires, il y a un risque de porter atteinte à la partie V de la Loi sur les langues officielles et au droit des fonctionnaires de travailler dans la langue officielle de leur choix[176] ». La FCFA a également évoqué un risque d’atteinte à la partie IV de la LLO dans le cas où l’outil Portage serait utilisé à plus grande échelle[177]. Tel que mentionné plus tôt dans le rapport, Mme Cardinal est d’avis qu’il « faut voir comment une politique dans ce domaine interagit avec la Loi sur les langues officielles[178] ».

5. L’utilisation potentielle de l’outil Portage

La FCFA a affirmé que l’utilisation envisagée pour l’outil Portage était floue et qu’il était difficile de savoir comment celui-ci va être utilisé : « Le logiciel ne sera peut-être pas seulement utilisé pour des communications non officielles dans le futur[179] ». Selon plusieurs témoins, dont le CRTL, M. Doucet et M. Delisle, l’outil de traduction automatique Portage ne devrait être utilisé que pour la compréhension[180]. Donc, selon ces témoins, aucune forme de communication, même informelle, ne devrait avoir lieu avec le produit de l’outil de traduction automatique Portage. En effet, tel que mentionné plus haut, l’utilisation de l’outil Portage pour des communications informelles entre fonctionnaires pourrait violer la partie V de la LLO[181]. Ainsi, l’AILIA recommande que l’outil Portage ainsi que la postédition ne soient pas utilisés lorsqu’un texte doit être communiqué et que ce type de communication passe par les traducteurs dès le début du processus[182].

Plusieurs témoins ont affirmé que l’outil Portage devrait être réservé aux traducteurs, ceux-ci étant compétents pour déterminer si le texte obtenu par cet outil est de qualité[183].

6. Paramètres entourant l’utilisation de l’outil Portage

Tel que mentionné précédemment, Mme Achimov a mentionné que le but premier de l’outil de traduction automatique Portage n’était pas de traduire des documents officiels, mais bien de faciliter la compréhension. Ainsi, lors de l’utilisation de l’outil Portage, il y aura l’émission d’un avis comportant plusieurs conditions d’utilisation, notamment que « s'il s'agit d'un document plus officiel, il faut que les gens utilisent les services du Bureau de la traduction[184] ». Un lien est donc placé directement dans l’outil Portage et les utilisateurs peuvent décider d’avoir recours aux services d’un traducteur du BT[185].

Plusieurs témoins ont invoqué que des balises claires et qu’une sensibilisation auprès des utilisateurs de l’outil Portage étaient requises afin que ceux-ci comprennent son utilité et ses limites. L’AILIA recommande d’éduquer et d’informer la population, les fonctionnaires, les parlementaires au sujet de l’outil de traduction automatique Portage et sur la profession de traducteurs[186]. M. Delisle a recommandé « qu’un Guide du bon usage des technologies en matière de traduction et de bilinguisme soit conçu par un comité d’experts. Il faudra prévoir un mécanisme permettant de faire respecter ces consignes[187] ». De plus, M. Doucet a évoqué l’importance « d'avoir des directives et des lignes directrices très claires pour que les gens comprennent très bien qu'on ne devrait pas utiliser cet outil pour des communications avec le public ou des communications même à l'interne[188] ». Puis, le CRTL a affirmé que l’outil devrait comprendre un avis « indiquant qu'il n'est émis qu'à des fins de compréhension, et non de communication[189] ».

C. Les recommandations des témoins

En plus des suggestions des témoins relatées ci-haut, de nombreuses recommandations ont été faites au Comité au sujet de l’outil de traduction automatique Portage du BT.

D’une part, Mme Cardinal a demandé l’annulation de la décision de déployer l’outil Portage. Celle-ci réclame un renversement de la situation en se basant, notamment sur le fait que « l'outil proposé l'est dans une approche utilitaire des langues officielles, qui vise à graduellement se défaire des traducteurs, remplacer les traducteurs[190] ». D’autre part, M. Delisle recommande « que l’on suspende jusqu’à nouvel ordre le projet d’implantation du logiciel Portage à l’ensemble des postes de travail des fonctionnaires fédéraux tant que des balises claires n’encadreront pas son utilisation[191] ».

Puis, le CRTL a recommandé ce qui suit :

En ce qui a trait à la traduction automatique, il faut veiller à l'application des quatre conditions de succès pour l'implantation du logiciel de traduction automatique. Il faut sensibiliser les ministères aux avantages de la traduction automatique, car il y en a, mais aussi et surtout aux limites de la traduction automatique et aux effets que cela peut avoir sur le respect de la Loi sur les langues officielles[192].

Les quatre conditions mentionnées ci-haut sont les suivantes :

  • 1) ne pas mettre dans le logiciel des textes qui avaient des cotes de sécurité;
  • 2) que ce soit à usage personnel et pour information personnelle;
  • 3) si jamais il devait y avoir une diffusion, il devait y avoir une révision professionnelle préalable, c'est-à-dire une révision par un traducteur professionnel, et non pas par une adjointe bilingue;
  • 4) pour éviter que le système ne se contamine et qu'une traduction erronée ne soit remise dans le système, il fallait réviser ces traductions à des intervalles assez rapprochés et assez réguliers[193].

Pour Mme Brunette, professeure à l’Université du Québec en Outaouais,

[…] il faudrait faire de la traduction automatique un projet pilote de longue durée sous la surveillance de traducteurs professionnels agréés, par exemple en provenance du Bureau de la traduction. Ensuite, il faudrait créer des ateliers de postédition, parce que peu de gens savent faire de la postédition, mon université étant la seule à l'enseigner. Il faudrait également investir dans la création de corpus et, surtout, consulter d'autres experts que les concepteurs du logiciel, qui sont quand même un peu orientés. […] Enfin, il faudrait favoriser les contacts entre les concepteurs de logiciels et les utilisateurs de la traduction automatique, c'est-à-dire les traducteurs, et non le public[194].

Pour conclure, Mme Cardinal et M. Doucet ont recommandé la mise en place d’un groupe de travail afin d’étudier la question des droits linguistiques, l’égalité linguistique, la situation des langues officielles au sein de la fonction publique, la traduction, la privatisation des services de traduction et de l’utilisation des technologies langagières au sein de la fonction publique fédérale. Mme Cardinal a recommandé ce qui suit :

[…] que le gouvernement du Canada mette en place un groupe de travail sur la situation des langues officielles au sein de la fonction publique et que ce groupe de travail accorde une attention particulière au rôle des technologies langagières dans la promotion de la dualité linguistique, à la situation au Bureau de la traduction et à l’incidence de la privatisation des services, comme les cours de français, sur les langues officielles[195].

M. Doucet a ajouté que l’objectif de ce groupe de travail serait de « chercher à mettre en place un système qui garantira en tout temps aux citoyens canadiens un service de qualité égale dans les deux langues officielles, dans le respect des obligations constitutionnelles et législatives prises par le Canada[196] ». De manière plus générale, celui-ci a souligné que ce groupe de travail pourrait également se pencher sur « les obligations du gouvernement fédéral ainsi que sur les moyens que celui-ci peut utiliser pour s'assurer que ses communications avec le grand public respectent intégralement les obligations constitutionnelles et législatives[197] ». Enfin, il a mentionné que ce groupe de travail devrait comprendre le commissaire aux langues officielles, mais aussi d’autres experts[198].

6. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

À la lumière de l’ensemble des témoignages entendus au cours de l’étude sur le BT provenant de spécialistes en matière de technologie langagières, des représentants des traducteurs du BT, de traducteurs et chercheurs spécialisés en matière de traduction, de communautés de langue officielle en situation minoritaire et de droits linguistiques, le Comité formule les recommandations suivantes :

Recommandation 1

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada donne à une autorité fédérale existante le mandat de s’assurer de la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles, entre autres en ce qui concerne le Bureau de la traduction. Notamment, cette autorité veillerait à coordonner l’application et le respect des dispositions de la Loi sur les langues officielles par les institutions fédérales.

Recommandation 2

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada offre une formation à tous les fonctionnaires fédéraux relativement au rôle du Bureau de la traduction ainsi qu’aux obligations du gouvernement du Canada en matière de traduction, conformément à la Loi sur les langues officielles.

Recommandation 3

Le Comité recommande que :

a)  le gouvernement du Canada reconnaisse le rôle essentiel que jouent la traduction et la profession de traducteur pour la dualité linguistique canadienne;

b)  le gouvernement du Canada détermine de quel ministère doit relever le Bureau de la traduction avec les traducteurs, interprètes et terminologues participant pleinement à la gestion du Bureau de la traduction.

Recommandation 4

Le Comité recommande que :

a)   le gouvernement du Canada attribue toutes les ressources financières nécessaires au Bureau de la traduction afin que celui-ci puisse offrir des services de traduction de qualité supérieure;

b)  le gouvernement du Canada mette sur pied un programme afin de rétablir l’expertise perdue en matière de traduction technique, scientifique et multilingue;

c)  le gouvernement du Canada mette en place un plan pour s’assurer que la relève en matière de traduction et que la formation de la relève et l’accueil de stagiaires du milieu langagier fassent clairement partie du mandat du Bureau de la traduction.

Recommandation 5

Le Comité recommande au gouvernement du Canada que l’outil de compréhension langagière Portage soit uniquement utilisé par les fonctionnaires fédéraux à des fins de compréhension et non pour des fins de diffusion de documents ou d’information publics ou internes.

Recommandation 6

Le Comité recommande au gouvernement du Canada que :

a)  les utilisateurs de l’outil de compréhension langagière Portage reçoivent un avis indiquant, notamment que l’outil doit être utilisé uniquement à des fins de compréhension et non de communication;

b)  des lignes directrices claires soient élaborées en ce qui a trait à l’utilisation de l’outil de compréhension langagière Portage avant sa mise en place dans les institutions fédérales et qu’un mécanisme de vérification soit prévu afin de s’assurer que ces lignes directrices sont respectées.

Recommandation 7

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada :

a)  fournisse le financement nécessaire à la création de corpus de qualité pour le logiciel de compréhension langagière Portage et consulte des experts autres que les concepteurs de l’outil;

b)  s’assure que la qualité des traductions produites par l’outil soit révisée sur une base régulière;

c)  favorise les contacts entre les concepteurs de l’outil et les traducteurs;

d)  crée des ateliers de formation en postédition pour les traducteurs.

Recommandation 8

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada se penche sur le statut du Bureau de la traduction en tant qu’organisme de service spécial et les conséquences de la privatisation de certains services de traduction sur la capacité des institutions fédérales à respecter leurs obligations linguistiques en matière de communication avec le public et de prestation des services.


[1]             Chambre des communes, Comité permanent des langues officielles (LANG), Procès-verbal, 1re session, 42e législature, réunion no 2, 22 février 2016.

[2]                 Loi sur le Bureau de la traduction, L.R.C. (1985), ch. T-16.

[3]                 Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC), Traduction, terminologie et interprétation.

[4]                 SPAC, À propos du Bureau de la traduction.

[5]             Ibid.

[6]                 SPAC, Rapport sur les plans et les priorités 2015-2016.

[7]                 Ibid.

[8]                 SPAC, À propos du Bureau de la traduction.

[9]             LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2016, 1635 (Mme Donna Achimov, présidente-directrice générale du Bureau de la traduction).

[10]           Ibid.

[11]                SPAC, Rapport sur les plans et les priorités 2015-2016.

[12]              Ibid.

[13]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1635 (M. Donald Barabé, président du conseil d'administration, Centre de recherche en technologies langagières).

[14]           Ibid.

[15]           Ibid.

[16]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2016, 1635 (Mme Donna Achimov).

[17]           Ibid.

[18]           Ibid.

[19]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1635 (M. Donald Barabé).

[20]           Ibid.

[21]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2016, 1635 (Mme Donna Achimov).

[22]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1610 (Mme Linda Cardinal, professeure titulaire à l'École d'études politiques de l'Université d'Ottawa).

[23]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 avril 2016, 1605 (M. Michel Doucet, professeur titulaire, directeur, Observatoire international des droits linguistiques, Université de Moncton).

[24]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1635 (M. Donald Barabé); LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1550 (M. Jean Delisle, professeur émérite de l’Université d’Ottawa, à titre personnel); LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 avril 2016, 1605 et 1625 (M. Michel Doucet).

[25]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1550 (M. Jean Delisle).

[26]           Ibid., 1555.

[27]           Ibid.

[28]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 avril 2016, 1625 (M. Michel Doucet).

[29]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1540 (Mme Emmanuelle Tremblay, présidente nationale, Association canadienne des employés professionnels).

[30]           Ibid., 1605 (M. André Picotte, vice-président, Association canadienne des employés professionnels).

[31]           Ibid., 1550.

[32]           Thibodeau c. Air Canada, [2014] 3 R.C.S. 340; Lavigne c. Canada (Commissariat aux langues officielles), [2002] 2 R.C.S. 773.

[33]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 avril 2016, 1605 (M. Michel Doucet).

[34]           Ibid.,1545.

[35]           Ibid.,1605.

[36]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1615 (Mme Emmanuelle Tremblay); LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1605 et 1630 (Mme Linda Cardinal) et 1715 (Mme Sylviane Lanthier, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada); LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 avril 2016, 1630 (M. Michel Doucet).

[37]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1630 (Mme Linda Cardinal).

[38]           Ibid., 1635 (Mme Sylviane Lanthier).

[39]           Ibid.,1640.

[40]           Ibid., 1705.

[41]           Ibid.,1635 et 1640.

[42]           Ibid., 1640.

[43]           Ibid., 1710.

[44]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1615 (Mme Emmanuelle Tremblay); LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 avril 2016, 1555 (M. Michel Doucet).

[45]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 avril 2016, 1555 (M. Michel Doucet).

[46]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1545 (Mme Linda Cardinal).

[47]           Ibid., 1600 (M. Jean Delisle).

[48]           Ibid.

[49]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 avril 2016, 1545 (M. Michel Doucet).

[50]           LANG, mémoire présenté au Comité par M. Jean Delisle; LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1545 (Mme Linda Cardinal).

[51]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1715 (Mme. Sylviane Lanthier).

[52]           Ibid., 1640.

[53]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2016, 1715 (M. David Schwartz, vice-président, Services intégrés, Bureau de la traduction).

[54]           Ibid.

[55]           Ibid.,1635.

[56]           Ibid., 1710 (M. Adam Gibson, vice-président, Services linguistiques, Bureau de la traduction).

[57]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1545 (Mme Emmanuelle Tremblay).

[58]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1635 (Mme Sylviane Lanthier)

[59]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2016, 1710 (Mme Donna Achimov).

[60]           Ibid., 1705.

[61]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1700 (M. Donald Barabé).

[62]           Ibid.

[63]           Ibid.

[64]           Ibid.

[65]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2016, 1650 (Mme Donna Achimov).

[66]           Ibid.

[67]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1700 (M. Donald Barabé).

[68]           Ibid., 1545 (Mme Emmanuelle Tremblay).

[69]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2016, 1635 (Mme Donna Achimov).

[70]           Destination 2020, Greffier du Conseil privé, Gouvernement du Canada.

[71]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2016, 1720 (Mme Donna Achimov).

[72]           Ibid., 1705.

[73]           Ibid., 1705 (M. Adam Gibson).

[74]           Ibid.

[75]           Ibid., 1705 (M. David Schwartz).

[76]           Ibid.

[77]           Réponses (document parlementaire no 8555-421-53) de SPAC (auparavant TPSGC) à la Question Q-53 de M. Choquette.

[78]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1600 (M. Jean Delisle).

[79]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1540 (M. André Picotte).

[80]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1600 (M. Jean Delisle).

[81]           Ibid., 1555.

[82]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1540 (M. André Picotte).

[83]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1600 (M. Jean Delisle).

[84]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1635 (M. Donald Barabé).

[85]           Ibid., 1540 (M. André Picotte).

[86]           Ibid., 1635 (M. Donald Barabé).

[87]           Ibid.

[88]           Ibid.

[89]           Ibid., 1540 (M. André Picotte).

[90]           Ibid., 1635 (M. Donald Barabé).

[91]           Ibid., 1540 (Mme Emmanuelle Tremblay); 1640, 1655 et 1700 (M. Donald Barabé).

[92]           Ibid., 1605 (Mme Louise Brunette, professeure, Université du Québec en Outaouais); LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1600 (M. Jean Delisle).

[93]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1545 (M. André Picotte).

[94]           Ibid., 1615.

[95]           Ibid., 1545 .

[96]           Ibid., 1635 (M. Donald Barabé).

[97]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1540 Mme (Linda Cardinal).

[98]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1640 et 1655 (M. Donald Barabé).

[99]           LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1640 (Mme Sylviane Lanthier).

[100]         Ibid., 1555 (M. Jean Delisle); LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1550 (M. André Picotte).

[101]         LANG, mémoire présenté au Comité par M. Jean Delisle.

[102]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1550 (Mme Emmanuelle Tremblay)

[103]         Ibid., 1550 (M. André Picotte).

[104]         LANG, mémoire présenté au Comité par M. Jean Delisle.

[105]         Ibid.

[106]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1640 (M. Donald Barabé).

[107]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2016, 1640 (Mme Donna Achimov).

[108]         Ibid.

[109]         Ibid., 1640.

[110]         Ibid., 1645.

[111]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1540 (Mme Emmanuelle Tremblay).

[112]         Ibid., 1600.

[113]         Ibid.

[114]         Ibid., 1550 (M. André Picotte).

[115]         Ibid., 1610.

[116]         Ibid.

[117]         Ibid., 1555.

[118]         Ibid., 1550 (Mme Emmanuelle Tremblay). En ce qui concerne cette recommandation, l’ACEP a fait parvenir au Comité l’évaluation des ressources qui sont nécessaires pour que le Bureau de la traduction puisse accomplir son mandat.

[119]         Ibid.

[120]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1710 (Mme Sylviane Lanthier); LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1615 (Mme Emmanuelle Tremblay); LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1555 et 1620 (M. Jean Delisle); LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1610 (Mme Louise Brunette).

[121]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1640 (Mme Sylviane Lanthier).

[122]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1550 (Mme Emmanuelle Tremblay).

[123]         LANG, mémoire présenté au Comité par Jean Delisle.

[124]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1620 (M. Jean Delisle).

[125]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2016, 1635 (Mme Donna Achimov).

[126]         Ibid.

[127]         Ibid.

[128]         Réponses (document parlementaire no 8555-421-53) de SPAC (auparavant TPSGC) à la Question Q-53 de M. Choquette.

[129]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2016, 1640 (Mme Donna Achimov).

[130]         Réponses (document parlementaire no 8555-421-53) de SPAC (auparavant TPSGC)à la Question Q-53 de M. Choquette. Il est à noter que Translation Automation Uber Society, dont l’adresse est au Pays-Bas, est un centre de ressources pour l’industrie de la traduction et le langage universel qui a pour mission d’assurer une meilleure traduction par l’innovation et l’automatisation. Le Common Sense Advisory, dont le siège social est aux États-Unis, est une entreprise d’études de marchés qui se spécialise, notamment dans les meilleures pratiques en matière de traduction.

[131]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2016, 1640 (Mme Donna Achimov).

[132]         Ibid.

[133]         Ibid.

[134]         Ibid., 1645.

[135]         Réponses (document parlementaire no 8555-421-53) de SPAC (auparavant TPSGC)à la Question Q-53 de M. Choquette.

[136]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 20 avril, 1700 (L’hon Mélanie Joly, ministre du Patrimoine canadien).

[137]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2016, 1655 (Mme Donna Achimov).

[138]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1630 (M. Donald Barabé).

[139]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2016, 1640 (Mme Donna Achimov).

[140]         Ibid., 1645.

[141]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1645 (Mme Maryse Benhoff, vice-présidente, Association de l'industrie de la langue).

[142]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1530 (Mme Louise Brunette).

[143]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1645 (Mme Maryse Benhoff); LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1705 (M. Alan Bernardi, président-directeur général, Centre de recherche en technologies langagières).

[144]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1530 (Mme Louise Brunette).

[145]         Ibid., 1600.

[146]         Ibid., 1645 (M. Alan Bernardi).

[147]         Ibid., 1530 (Mme Louise Brunette).

[148]         Ibid., 1635 (M. Donald Barabé).

[149]         Ibid., 1600 (Mme Louise Brunette).

[150]         Ibid., 1530.

[151]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2016, 1640 (Mme Donna Achimov).

[152]         Ibid.

[153]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1530 (Mme Louise Brunette).

[154]         Ibid., 1710 (M. Alan Bernardi).

[155]         Ibid., 1530 (Mme Louise Brunette).

[156]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1645 (Mme Maryse Benhoff).

[157]         Ibid.

[158]         Ibid., 1650. Il est à noter que l’Association de l’industrie de la langue est en processus d’élaboration d’une norme au sujet de la postédition.

[159]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2016, 1640 (Mme Donna Achimov).

[160]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1705 (M. Donald Barabé); LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1625 (M. Jean Delisle).

[161]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1705 (M. Alan Bernardi).

[162]         Ibid., 1640 (M. Donald Barabé) et 1615 Mme (Louise Brunette).

[163]         Ibid., 1650 (M. Donald Barabé) et 1615 (Mme Louise Brunette).

[164]         Ibid., 1650 (M. Donald Barabé).

[165]         Ibid., 1710.

[166]         Ibid., 1555 (M. André Picotte).

[167]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1650 (Mme Maryse Benhoff).

[168]         Ibid.

[169]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 avril 2016, 1545 (M. Michel Doucet).

[170]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1635 (Mme Sylviane Lanthier).

[171]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 avril 2016, 1545 (M. Michel Doucet).

[172]         Ibid.

[173]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1640 (M. Donald Barabé); 1530 et 1615 (Mme Louise Brunette); LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1645 (Mme Maryse Benhoff).

[174]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 avril 2016, 1545 (M. Michel Doucet); LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1550 (M. Jean Delisle).

[175]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 avril 2016, 1545 (M. Michel Doucet).

[176]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1635 (Mme Sylviane Lanthier).

[177]         Ibid.

[178]         Ibid., 1605 (Mme Linda Cardinal).

[179]         Ibid., 1700 (Mme Sylviane Lanthier).

[180]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1650 (M. Donald Barabé); LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1610 (M. Jean Delisle).

[181]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1635 (Mme Sylviane Lanthier).

[182]         Ibid., 1655 (Mme Maryse Benhoff).

[183]         Ibid., 1610 (Mme Linda Cardinal); LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1555 (M. André Picotte); LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1655 (Mme Maryse Benhoff); LANG, mémoire présenté au Comité par M. Jean Delisle.

[184]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2016, 1645 (Mme Donna Achimov).

[185]         Ibid.

[186]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1650 Mme (Maryse Benhoff).

[187]         LANG, mémoire présenté au Comité par M. Jean Delisle.

[188]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 avril 2016, 1625 (M. Michel Doucet).

[189]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1705 (M. Donald Barabé).

[190]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1605 (Mme Linda Cardinal).

[191]         LANG, mémoire présenté au Comité par M. Jean Delisle.

[192]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2016, 1640 (M. Donald Barabé).

[193]         Ibid., 1635.

[194]         Ibid., 1540 (Mme Louise Brunette).

[195]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 avril 2016, 1545 (Mme Linda Cardinal).

[196]         LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 avril 2016, 1550 (M. Michel Doucet).

[197]         Ibid., 1615.

[198]         Ibid., 1610.