LANG Rapport du Comité
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RAPPORT COMPLÉMENTAIRE NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE DU CANADA « Pour que justice soit rendue dans les deux langues officielles » Introduction Le Nouveau Parti démocratique souhaite remercier tous ceux et celles qui ont comparu devant le Comité permanent des langues officielles, ou lui ont soumis un mémoire, dans le cadre de l’étude sur l’accès à la justice dans les deux langues officielles. Le NPD appuie la majorité des recommandations contenues dans le rapport du Comité, bien que nous désirons, entre autres, apporter quelques éléments de réflexion sur l’accès à la justice au sein des cours supérieures et de la Cour suprême. À l’instar des membres du Comité, cette démarche s’inscrit dans une volonté de mettre en place des mesures qui contribueront à améliorer la capacité bilingue du système judiciaire. Cour suprême du Canada L’accès à la justice est important pour tous les Canadiens et Canadiennes, en particulier, pour les membres des communautés de langue officielle en situation minoritaire au Canada. Le gouvernement libéral a mis en place une nouvelle politique de nomination des juges à la Cour suprême qui exige que tous les nouveaux juges devront maîtriser les deux langues officielles. D’ailleurs, le NPD salue la nomination des juges Malcom Rowe et Sheila L. Martin à la Cour suprême. Nul doute qu’ils ont su démontrer leur maîtrise du français et de l’anglais. Or, le problème avec cette nouvelle politique, c’est qu’elle n’a aucune garantie de pérennité, car elle n’est pas inscrite dans une loi. Par exemple, cette politique pourrait être changée par l’entremise d’un nouveau gouvernement ou même lors d’un changement d’idéologie au sein de ce même gouvernement libéral. Il est donc impératif d’inscrire l’exigence du bilinguisme des juges de la Cour suprême dans une loi afin de garantir aux justiciables le droit d’être compris dans la langue officielle de son choix. Aussi, c’est ce qu’ont recommandé la majorité des témoins: « Dans le processus qui a conduit à la nomination du juge Malcolm Rowe l'été dernier, le premier ministre a annoncé qu'il ne choisirait que des candidats bilingues. Étant donné qu'une telle politique pourrait être changée par un futur gouvernement, à mon avis, il serait préférable de l'inscrire dans la loi. » [1] Et: « Le meilleur moyen de s’assurer que les juristes nommés au plus haut tribunal du pays sont en mesure de comprendre les deux langues officielles sans l’aide d’un interprète est sans aucun doute l’adoption d’une loi par le Parlement fédéral qui modifierait la Loi sur la Cour suprême ou la Loi sur les langues officielles. » [2] À cet égard, depuis 2008, le Nouveau Parti démocratique a déposé à quatre reprises des initiatives législatives visant à assurer l’accès à la justice dans les deux langues officielles au Canada. François Choquette défend depuis 2015 le projet de loi C-203, Loi modifiant la Loi sur la Cour suprême (compréhension des langues officielles). Son prédécesseur Yvon Godin a tenté à trois reprises de faire adopter un projet de loi similaire afin d’améliorer l’accès à la justice au sein du plus haut tribunal au pays. Par ailleurs, il est à noter que les libéraux ont voté à trois reprises en faveur des projets de loi déposés par Yvon Godin. Toutefois, le gouvernement libéral a défait le 27 octobre 2017 le projet de loi C-203, Loi modifiant la Loi sur la Cour suprême (compréhension des langues officielles) déposé par le NPD à la Chambre des communes. Le gouvernement libéral a invoqué le risque que ce projet de loi demande un amendement constitutionnel pour justifier son rejet. Pourtant, les témoignages de nombreux experts entendus lors des travaux du Comité permanent des langues officielles nous permettent de conclure que le projet de loi C-203 n’allait pas à l’encontre de la Constitution ou des limites imposées par celle-ci: « À mon avis, l'exigence de bilinguisme des juges de la Cour suprême ne fait pas partie des domaines qui auraient été soustraits à la compétence du Parlement par la formule de modification de la Constitution. Aujourd'hui, le Parlement pourrait toujours adopter une loi établissant une telle exigence. J'ajouterais que, même pour ceux qui estiment que les articles 4, 5 et 6 de la Loi sur la Cour suprême ont été « constitutionnalisés », il n'y a rien qui empêche d'ajouter des critères, si ceux qui existent actuellement ne sont pas modifiés. »[3] Et: « Il y a deux choses. Premièrement, si quelqu'un vient soutenir devant vous que le bilinguisme obligatoire affecterait une caractéristique essentielle de la Cour suprême, demandez-lui à l'inverse si l'unilinguisme est une caractéristique essentielle de la Cour suprême. (...) Alors, lorsque vous vous demandez, dans le fond, quelle situation serait modifiée, c'est celle de l'unilinguisme. Jamais on ne me convaincra que l'unilinguisme est une caractéristique essentielle de la Cour suprême du Canada. Je vous le dis: jamais on ne convaincra un juge de la Cour suprême, non plus, que c'est le cas. »[4] À cet égard, le NPD appuie en partie la recommandation 1 qui affirme qu’au cours du 42e Parlement, le gouvernement du Canada dépose un projet de loi qui garantirait la nomination de juges bilingues à la Cour suprême du Canada. Cependant, le NPD est d’avis que le gouvernement libéral a eu suffisamment de temps pour trouver une alternative au projet de loi C-203 Loi modifiant la Loi sur la Cour suprême (compréhension des langues officielles) puisque ce projet de loi a été déposé en décembre 2015. De plus, nous croyons qu’un délai de 120 jours suivant le dépôt du présent rapport est suffisant pour que le gouvernement démontre son sérieux dans sa volonté d’encadrer dans une loi la nomiation de juges à la Cour surpême qui maîtrisent les deux langues officielles. RECOMMANDATION DU NPD 1 Que le gouvernement du Canada dépose un projet de loi qui garantirait la nomination de juges maîtrisant les deux langues officielles à la Cour suprême du Canada au plus tard 120 jours après le dépôt de ce rapport. MODIFICATION DE LA LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES La recommandation 2 propose une modification au paragraphe 16 (1) de la Loi sur les langues officielles qui exclut la Cour suprême des obligations linguistiques auxquelles sont soumis les autres tribunaux fédéraux: 16 (1) Il incombe aux tribunaux fédéraux autres que la Cour suprême du Canada de veiller à ce que celui qui entend l’affaire : a) comprenne l’anglais sans l’aide d’un interprète lorsque les parties ont opté pour que l’affaire ait lieu en anglais ; b) comprenne le français sans l’aide d’un interprète lorsque les parties ont opté pour que l’affaire ait lieu en français ; c) comprenne l’anglais et le français sans l’aide d’un interprète lorsque les parties ont opté pour que l’affaire ait lieu dans les deux langues. Loi sur les langues officielles (L.R.C. (1985), ch. 31 (4e suppl.)) Plusieurs témoins ont suggéré de retirer cette exclusion qui n’a plus sa raison d’être étant donné que le gouvernement a décidé de ne nommer que des juges qui maîtrisent les deux langues officielles: « C'est pour cela que j'appuie fortement l'idée d'apporter une modification à la Loi sur les langues officielles, c'est-à-dire une modification visant à retirer de l'article 16 l'exception relative aux juges de la Cour suprême. La Loi sur les langues officielles prévoit que tous les juges fédéraux doivent être en mesure d'entendre les débats dans la langue officielle utilisée par les parties sans l'aide de l'interprétation, et c'est la même chose au Nouveau-Brunswick. Or, on a fait une exception pour la Cour suprême, et je crois que cette exception devrait être enlevée. »[5] Le NPD appuie la deuxième recommandation qui demande, qu’en fonction de la recommandation 1, le gouvernement modifie le paragraphe 16 (1) de la Loi sur les langues officielles afin que l’obligation relative à la compréhension des deux langues officielles s’applique également aux juges de la Cour suprême du Canada. À cet égard, François Choquette a déjà déposé le projet de loi C-382, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (Cour suprême du Canada) le 31 octobre 2017 qui permettrait de modifier le paragraphe 16 (1) comme l’exige la recommandation 2. COURS SUPÉRIEURES Le 25 septembre 2017, l’honorable Jody Wilson-Raybould, ministre de la Justice et procureur général du Canada, a annoncé l’adoption par le gouvernement du Plan d’action pour améliorer la capacité bilingue des cours supérieures. Ce plan vise à répondre au rapport du Commissariat aux langues officielles: L'accès à la justice dans les deux langues officielle : Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures. Ce nouveau Plan d’action est généralement bien reçu par le NPD. Cependant, nous déplorons encore une fois le fait qu’aucune mesure législative n’encadre ce plan afin de lui donner force de loi. Dans le plan, on mentionne: « Le commissaire à la magistrature fédérale (CMF) sera autorisé et encouragé à effectuer des évaluations linguistiques et/ou des vérifications ponctuelles. »[6] Le NPD évoque que cette partie du plan qui autorise le CMF à évaluer les compétences linguistiques, plutôt que d’exécuter des évaluations systémique, indépendante et objective, ne répond pas à la recommandation 5 du rapport du Commissariat aux langues officielles: 5. Le commissaire aux langues officielles recommande que le ministre de la Justice du Canada, d'ici au 1er septembre 2014, accorde au Commissariat à la magistrature fédérale le mandat de : 5.1. Mettre en place un processus visant à évaluer de façon systématique, indépendante et objective les compétences linguistiques de tous les candidats qui ont précisé leur niveau de capacité linguistique dans leur fiche de candidature.[7] C’est pourquoi le NPD est d’accord avec la recommandation 3 du rapport: Que le gouvernement modifie la Loi sur les juges par adjonction, après l’article 3, de ce qui suit : Bilinguisme — désignation de postes 4 (1) Le poste désigné bilingue par le procureur général de la province doit être pourvu par une personne qui, en plus de respecter les critères prévus à l’article 3, parle et comprend les deux langues officielles selon les standards qui seront élaborés par le Commissariat à la magistrature fédérale. Bilinguisme — nomination de juges bilingues (2) Le juge en chef de la juridiction supérieure de la province peut demander qu’un poste donné soit pourvu par une personne qui, en plus de respecter les critères prévus à l’article 3, parle et comprend les deux langues officielles. Mandat (3) Le Commissariat à la magistrature fédérale évalue le niveau de compétence de la personne dans les deux langues officielles. Cette modification à la Loi sur les juges et les mesures du Plan d’action pour améliorer la capacité bilingue des cours supérieures permettraient d’améliorer l’accès à ces cours. Aussi, étant donné que le député François Choquette a déjà déposé un projet de loi similaire à celui de la recommandation, soit le projet de loi C-381, Loi modifiant la Loi sur les juges (bilinguisme), le NPD recommande que le gouvernement applique la recommandation 3 dans les 120 jours suivant le dépôt de ce rapport. RECOMMANDATION DU NPD 2 Que le gouvernement applique la recommandation 3 dans les 120 jours suivant le dépôt de ce rapport. THÈMES À APPROFONDIR Il est à souligner que lors de cette étude, certains éléments n’ont pu être étudiés par le Comité malgré leur importance. En voici deux : BUREAU DE LA TRADUCTION Tout d’abord, des inquiétudes nous sont parvenues quant au retard manifeste dans la traduction des jugements des cours fédérales. En effet, depuis que le Service administratif des tribunaux judiciaires (créé en 2003 pour superviser l’administration de la Cour fédérale, de la Cour d’appel fédérale, de la Cour canadienne de l’impôt et de la Cour d’appel de la cour martiale) a en grande partie cessé d’avoir recours aux services du Bureau de la traduction, un arriéré croissant de jugements non traduits (tant en français qu’en anglais) s’est accumulé. Le Service administratif des tribunaux judiciaires a décidé de retenir les services de Legitech, une multinationale américaine qui ne se spécialise même pas en traduction juridique, ce qui explique le ralentissement considérable au chapitre de la traduction des jugements. Le NPD croit que l’obtention de jugements traduits exacts et en temps opportun est essentielle, car ceux-ci font jurisprudence, et la plupart des juges francophones citent leurs collègues anglophones, et inversement. Pour ces raisons, le NPD recommande que le Service administratif des tribunaux judiciaires recourt uniquement aux services du Bureau de la traduction afin d’assurer la qualité et l’efficacité de la traduction des jugements. RECOMMANDATION DU NPD 3 Que le Service administratif des tribunaux judiciaires recourt uniquement aux services du Bureau de la traduction afin d’assurer la qualité et l’efficacité de la traduction des jugements. De surcroît, nous aimerions insister sur cette déclaration de l’ancienne ministre des Services publics et de l'Approvisionnement, l’honorable Judy Foote, lors de sa comparution devant le Comité permanent des langues officielles: « J'ai écrit au ministre Brison pour lui demander d'appuyer le rétablissement du modèle de prestation de services obligatoire pour le Bureau de la traduction, en complément d'autres initiatives en matière de langues officielles. »[8] Nous attendons bien sûr avec impatience une réponse à cette demande de la part du ministre du Conseil du trésor, l’honorable Scott Brison. DÉTOURNEMENT DES FONDS DE LA FEUILLE DE ROUTE Un rapport interne du ministère de la justice intitulé « Évaluation du Programme pour l’application de la Loi sur les contraventions » révèle que plus de 40 millions de dollars du programme pour l'application de la Loi sur les contraventions ont été détournés de la Feuille de route sur les langues officielles entre 2008 et 2018. Cet argent aurait dû être investi pour améliorer l’accès à la justice dans les deux langues officielles. Les besoins sont criants pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire comme le mentionne le président de la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA), Jean Johnson: « Pour plusieurs organismes et institutions de nos communautés, il est minuit moins une. Si on veut donner un nouvel élan à la francophonie en milieu minoritaire, freiner le déclin démographique et ralentir l’assimilation, il faut 575 millions de dollars en investissements additionnels pour nos communautés dans le prochain plan d’action pour les langues officielles ». [9] Aussi, le NPD demande au gouvernement libéral et au ministère de la Justice d’élaborer une solution pour combler ce manque à gagner dans le prochain plan pour les langues officielles 2018-2023 afin d’assurer un plus grand accès à la justice dans les deux langues officielles. RECOMMANDATION DU NPD 4 Que le gouvernement et le ministère de la Justice élaborent une solution afin de combler le manque à gagner de plus de 40 millions de dollars qui auraient dû être investis pour l’accès à la justice dans les deux langues officielles. CONCLUSION Le 150e anniversaire du Canada, le 50e anniversaire de la Loi sur les langues officielles conjugué au renouvellement du plan d’action pour les langues officielles devraient être des jalons importants en matière d’accès à la justice dans les deux langues officielles au Canada. Le gouvernement fédéral doit marquer l’histoire en posant des gestes concrets dans le but de favoriser l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Nous devons travailler collectivement à l’atteinte d’une réelle égalité du français et de l’anglais pour les justiciables. Par conséquent, le gouvernement actuel doit mettre en place des mesures qui garantiront la capacité bilingue de notre système judiciaire. [1] LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2017, 1205 (Sébastien Grammond, professeur titulaire, Section de droit civil, Université d’Ottawa, à titre personnel). [2] Mark Power et Marc-André Roy, De la possibilité d’être compris directement par les tribunaux canadiens, à l’oral comme à l’écrit, sans l’entremise de services d’interprétation ou de traduction, Revue générale de droit, vol. 45, n° 2, 2015, p. 403-441. [3] LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 7 mars 2017, 1210 (Sébastien Grammond, professeur titulaire, Section de droit civil, Université d’Ottawa, à titre personnel). [4] LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 mai 2017, 1245 (Benoit Pelletier, professeur, Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, à titre personnel). [5] LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 11 avril 2017, 1215 (Michel Doucet, professeur titulaire et directeur de l’Observatoire des droits linguistiques, Université de Moncton, à titre personnel). [6] Ministère de la justice, Plan d’action : améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures [7] Commissariat aux langues officielles, L'accès à la justice dans les deux langues officielle : Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures, Ottawa, 2013, p.3. [8] LANG, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 février 2017, 1105 (Judy Foote, ministre des services publics et de l’approvisionnement). |