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NDDN Rapport du Comité

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L’AIDE DU CANADA À L’UKRAINE EN PÉRIODE DE CRISE ET DE CONFLIT ARMÉ

INTRODUCTION

L’Ukraine est engagée dans un conflit armé contre la Fédération de Russie depuis près de quatre ans. Ce qui a commencé par une invasion et une occupation illégale par la Russie de la péninsule de Crimée en Ukraine, en mars 2014, s’est transformé depuis en un conflit d’usure brutal et complexe opposant les forces armées ukrainiennes et les groupes séparatistes prorusses, armés, ravitaillés, dirigés et appuyés par la Russie, dans la région du Donbass (oblasts de Donetsk et de Louhansk), dans l’est de l’Ukraine. Ce conflit est caractérisé par des flambées de violence sporadiques et la conclusion de cessez-le-feu qui sont violés les uns après les autres. Jusqu’à présent, plus de 10 000 personnes ont perdu la vie et près de trois fois plus de personnes ont été blessées[1] dans ce conflit que M. Lubomyr Luciuk, professeur au département de sciences politiques du Collège militaire royal du Canada, qualifie de « guerre d’agression que mène la Russie contre l’Ukraine[2] ».

Depuis le déclenchement des hostilités en 2014, le Canada a toujours soutenu l’Ukraine dans sa lutte contre la Russie. De concert avec ses alliés de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), ses partenaires de l’Union européenne (UE) et d’autres membres de la communauté internationale, le Canada a vivement dénoncé l’annexion illégale de la Crimée par la Russie et ses actes d’agressions envers l’Ukraine dans la région du Donbass et ailleurs. En réaction à la crise en Ukraine, le Canada a non-seulement imposé des sanctions économiques et diplomatiques contre 123 Russes et plus de 60 organismes russes[3], mais il procure aussi un soutien direct au gouvernement ukrainien et à son armée par divers moyens. À titre d’exemple, plus de 200 militaires des Forces armées canadiennes (FAC) sont actuellement déployés en Ukraine pour dispenser une formation militaire aux forces armées de l’Ukraine dans le cadre de l’opération UNIFIER. Cette opération, en cours depuis 2015, devrait se poursuivre jusqu’en 2019[4]. De plus, depuis le début du conflit en 2014, le Canada a versé à l’Ukraine plus de 700 millions de dollars sous la forme d’aide financière, d’aide au développement, d’aide humanitaire et d’aide militaire non létale, et il prévoit continuer d’apporter son assistance à ce pays au cours des prochaines années[5].

La détermination du Canada à soutenir l’Ukraine témoigne de la relation de longue date qui unit les deux pays. Le Canada a été le premier pays occidental à reconnaître officiellement l’indépendance de l’Ukraine en 1991, et, depuis, les deux pays ont toujours entretenu des relations diplomatiques étroites[6]. Les liens diplomatiques entre le Canada et l’Ukraine sont renforcés par la dynamique communauté canado-ukrainienne qui compte environ 1,3 million de personnes et qui représente, selon Paul Grod, président du Congrès des Ukrainiens-Canadiens, « l’une des plus importantes communautés ethnoculturelles du Canada[7] ».

La crise en Ukraine préoccupe le Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes (le Comité) depuis un certain temps, ce qui l’a incité à mener une étude sur le sujet. Des membres du Comité se sont donc rendus en Ukraine du 23 au 26 septembre 2017 afin de mieux comprendre la situation sur le terrain et de déterminer ce que le Canada pourrait faire de plus pour offrir une aide militaire à l’Ukraine. Les membres du Comité ont rencontré à Kyiv un certain nombre de hauts responsables gouvernementaux et militaires ukrainiens et plusieurs universitaires et experts en matière de défense. Ils ont aussi visité le Centre international du maintien de la paix et de la sécurité à Yavoriv, où le personnel des FAC déployé dans le cadre de l’opération UNIFIER forme des membres de l’armée ukrainienne. Il a été enrichissant de voir en personne les hommes et les femmes en uniforme former et aider leurs homologues ukrainiens et de constater ce qu’ils apprennent en retour grâce à leurs expériences communes.

Le gouvernement ukrainien et les autorités militaires ont exprimé à maintes reprises leur gratitude pour l’appui militaire et politique que leur procure le Canada et les façons dont ce soutien aide leur pays à progresser sur la voie de la paix et à atteindre son objectif de se joindre éventuellement à l’UE et à l’OTAN. Comme Ivanna Klympush-Tsintsadze, vice-première ministre de l’Ukraine pour l’intégration européenne et euroatlantique, l’a indiqué au Comité, l’Ukraine a deux grands objectifs en matière de politique étrangère : « son intégration à l’espace politique, économique et juridique européen » en devenant membre de l’UE et « son intégration à la communauté transatlantique de sécurité » en se joignant à l’OTAN[8]. Plus particulièrement, les Ukrainiens ont exprimé maintes fois leur gratitude au Canada pour l’instruction prodiguée par les membres des FAC à leurs forces armées par l’intermédiaire de l’opération UNIFIER, en plus de souligner leur grand professionnalisme et leur expertise ainsi que la qualité de la formation qu’ils offrent[9]. Selon Mme Klympush‑Tsintsadze, l’Ukraine est « très heureu[se] que le programme de formation ait été prolongé » jusqu’en 2019. Elle a aussi affirmé que « le Canada a joué un rôle essentiel dans la reconstruction [des] forces armées » ukrainiennes[10].

À la suite de son voyage en Ukraine, le Comité a tenu cinq réunions à Ottawa entre le 16 et le 25 octobre 2017 sur la situation en Ukraine. Il a entendu de nombreux témoins, y compris des représentants du gouvernement du Canada et de l’Ukraine, ainsi que divers universitaires et intervenants. De plus, le 31 octobre 2017, le Comité a tenu une réunion avec le Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes pour accueillir Son Excellence Volodymyr Groysman, premier ministre de l’Ukraine. Lors de ces réunions, les membres du Comité ont abordé de nombreuses questions, dont l’évolution du conflit armé en Ukraine, la menace posée par la Russie et ses méthodes de guerre hybride, ses cyberattaques et ses campagnes de désinformation, la violation des accords de Minsk et des cessez-le-feu, le chemin de la paix et l’établissement éventuel d’une mission de maintien de la paix des Nations Unies en Ukraine, les efforts déployés pour développer et transformer l’armée ukrainienne grâce à l’aide du Canada et de la communauté internationale, l’ambition de l’Ukraine de faire partie de l’UE et de l’OTAN, le problème de la corruption interne, les efforts menés pour réformer l’Ukraine et l’aide militaire que le Canada apportera à l’Ukraine dans l’avenir.

Le présent rapport porte principalement sur l’aide militaire canadienne en Ukraine et les moyens de la renforcer dans un avenir rapproché. Le rapport se divise en cinq parties. La première donne un aperçu de la crise en Ukraine. Elle se penche sur l’origine du conflit et son évolution depuis 2014. La deuxième partie porte sur la façon dont le Canada aide actuellement l’Ukraine à former, rééquiper et réformer son armée. La troisième partie traite des solutions possibles pour mettre fin au conflit en Ukraine et des façons dont le Canada pourrait contribuer au processus de paix. La quatrième partie met en lumière les éléments qui pourraient être améliorés pour solidifier les liens en matière de défense entre le Canada et l’Ukraine. La dernière partie présente les conclusions et les recommandations du Comité à l’intention du gouvernement du Canada.

À la lumière des témoignages entendus durant son étude et de l’information accessible au public, le Comité présente les conclusions et les recommandations suivantes à la Chambre des communes.

APERÇU DE LA CRISE EN UKRAINE

Historiquement, la Russie a considéré l’Ukraine comme faisant partie de sa sphère d’influence. Depuis la fin de la Guerre froide, la Russie s’est toujours montrée hostile à l’idée que d’anciennes républiques de l’Union soviétique, désormais des États indépendants, se joignent à l’UE ou à l’OTAN. Depuis la déclaration d’indépendance de l’Ukraine en 1991, la Russie a exprimé à maintes reprises son mécontentement et son intolérance à l’égard de tout effort du gouvernement ukrainien visant à se distancer de l’influence de Moscou. Par exemple, au cours des dernières années, la Russie a tenté de dissuader l’Ukraine de resserrer ses liens avec l’UE en faisant pression pour que ce pays joigne plutôt l’Union économique eurasiatique (dominée par les Russes), un mécanisme visant à intégrer des États indépendants de l’ex-Union soviétique dans une zone de libre‑échange. Selon M. Taras Kuzio, associé non résidant au Centre for Transatlantic Relations de l’Université John Hopkins, « le problème vient du fait que les dirigeants russes n’acceptent pas que les Ukrainiens forment un peuple qui a le droit de décider de sa propre destinée géopolitique[11] ». La Russie a aussi tendance à considérer l’Ukraine comme une zone tampon entre elle et le reste de l’Europe, particulièrement les États membres de l’OTAN, et comme un moyen d’exercer son influence et un contrôle dans la région de la mer Noire. Pour des raisons de sécurité, la Russie a donc intérêt à empêcher l’Ukraine de se joindre à l’UE et à l’OTAN[12].

À la suite de la « Révolution de la dignité » (révolution du mouvement Euromaïdan) en Ukraine en février 2014, qui a provoqué la chute du président ukrainien corrompu et prorusse Viktor Ianoukovitch et l’établissement d’un nouveau gouvernement pro‑occidental déterminé à diminuer l’influence de la Russie et à tisser des liens plus étroits avec l’Europe et l’Amérique du Nord, la Russie décide de répondre par la force. En mars 2014, la Russie réagit au changement de gouvernement en Ukraine en envahissant et en annexant la péninsule de Crimée, sous prétexte de protéger les intérêts russes dans la région. Simultanément, des manifestations prorusses ont lieu dans le sud-est de l’Ukraine. En avril 2014, des groupes séparatistes prorusses armés, soutenus par la Russie, prennent le contrôle de certaines parties de la région du Donbass dans l’est de l’Ukraine et établissent les Républiques populaires non reconnues de Donetsk et de Louhansk. Pendant l’été 2014, l’armée ukrainienne prend progressivement le dessus sur les rebelles grâce à son intervention militaire, appelée « opération antiterroriste ». Cette intervention lui permet d’avancer sur les villes rebelles de Donetsk et de Louhansk. Cependant, à la fin du mois d’août 2014, la Russie décide d’intervenir. Ses troupes franchissent la frontière moins bien défendue entre les territoires rebelles et la Russie, encerclent les forces ukrainiennes à l’est de Donetsk et saisissent, avec l’aide des rebelles, le plein contrôle de la région en plus de mettre fin au siège de Donetsk et de Louhansk[13].

En septembre 2014, un accord de cessez-le-feu (le Protocole de Minsk, connu sous le nom d’accord de Minsk I) est négocié à Minsk, au Bélarus, mais il est transgressé quelques jours plus tard. La reprise des combats au cours de l’hiver 2014-2015 atteint son apogée en janvier 2015. Conscients que l’accord de Minsk I ne parvient pas à mettre un terme à la violence et à résoudre la crise dans le Donbass par des moyens politiques, les dirigeants de la France, de l’Allemagne, de l’Ukraine et de la Russie conviennent d’un deuxième cessez-le-feu, appelé accord de Minsk II[14].

L’accord de Minsk II est signé le 12 février 2015. Même si cet accord réduit l’intensité globale des combats dans l’est de l’Ukraine, les troupes rebelles violent, avec l’aide de dirigeants militaires et d’armes russes, le nouvel accord de cessez-le-feu le lendemain de son entrée en vigueur. Depuis, on assiste à un cercle sans fin d’accords de cessez-le-feu et de violations de ceux-ci[15]. Lors de son témoignage devant le Comité, Mme Klympush-Tsintsadze a donné trois exemples récents de violations des cessez-le-feu. En juin 2017, le cessez-le-feu convenu à l’occasion de la Journée mondiale de l’enfance a été violé dès le jour suivant. Les tentatives visant à conclure une trêve pour les récoltes pendant l’été ont aussi échoué, tout comme le cessez-le-feu pour la rentrée scolaire qui a commencé le 31 août 2017 et qui a aussi été rompu ouvertement par des militants prorusses[16].

1. Violations des cessez-le-feu et victimes

La question des violations des cessez-le-feu a été abordée au cours de la rencontre des membres du Comité avec des représentants de la mission spéciale d’observation (MSO) de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), à Kyiv. Les membres du Comité ont appris que les accords de cessez-le-feu sont violés presque tous les jours. Les représentants de la MSO ont d’ailleurs affirmé que, pendant la semaine ayant précédé la rencontre, 1  200 violations de cessez-le-feu avaient été signalées, dont 850 dans une période de 24 heures[17]. En tout, on estime que 9 000 personnes ont perdu la vie dans la région du Donbass en raison des violations des cessez-le-feu commises depuis l’entrée en vigueur de l’accord de Minsk II en 2015[18]. Comme l’ont affirmé les représentants de la MSO et les témoins entendus par le Comité à Ottawa, le conflit armé dans la région du Donbass n’est pas un conflit latent[19].

Le conflit a des répercussions négatives en Ukraine. Selon Mme Klympush-Tsintsadze, « pendant ces trois années de guerre, les combats contre la Fédération de Russie qui se sont déroulés exclusivement sur notre territoire ont entraîné la mort de plus de 10 000 civils et militaires, fait plus de 25 000 blessés et plus de 1,5 million de déplacés à l’intérieur du pays ». Elle a ajouté que 7 % du territoire est actuellement « occupé » par des forces ennemies et que le pays a perdu environ 20 % de son économie et de sa production industrielle. Elle a également souligné que de nombreuses usines se trouvant dans les territoires occupés en Ukraine ont « cessé » leurs activités, ont été « détruites » ou se sont fait « voler » de l’équipement. De plus, le conflit armé a causé une destruction massive, ayant touché des centaines d’édifices résidentiels, d’installations culturelles, de santé et d’enseignements, des réseaux d’alimentation en électricité et en eau potable, des routes et d’autres infrastructures. Elle a indiqué que le ministère ukrainien de la Défense estime à 50 milliards de dollars le coût des dommages causés par le conflit armé dans l’est de l’Ukraine[20].

2. Violations des droits de la personne

En plus de son lourd bilan de victimes et des violations des cessez-le-feu qui le caractérisent, le conflit en Ukraine est le théâtre de violations des droits de la personne. D’ailleurs, plusieurs témoins du Comité ont rapporté les abus subis par les Ukrainiens et les autres groupes minoritaires dans la Crimée sous occupation russe. Mme Klympush‑Tsintsadze a expliqué la situation comme suit :

L’occupant favorise l’intolérance envers les dissidents. Il impose des règles illégales en exerçant des pressions, pratiquant des persécutions, des détentions et des enlèvements. Dans le rapport le plus récent du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, qui vient d’être publié le 23 septembre [2017], celui-ci souligne, et je tiens à insister sur ce point, les violations multiples et graves des droits de la personne par la Russie agissant comme puissance occupante. Il relève entre autres des nationalisations à grande échelle de biens privés, communaux et publics, des détentions illégales et arbitraires et des enlèvements, des exécutions sommaires et d’autres violations des droits et des libertés fondamentaux de la personne, ainsi que la modification de la composition ethnique de la Crimée par l’imposition, sous la contrainte, de la citoyenneté russe[21].

Parmi les violations des droits de la personne commises, figurent la suspension des droits individuels garantissant la liberté de réunion pacifique dans la Crimée occupée, les actes de discrimination à l’encontre des Tatars de Crimée et la fermeture des écoles ukrainiennes. Selon Mme Klympush-Tsintsadze, la Russie « mène actuellement une politique très rigoureuse de désukrainisation » de la Crimée[22]. Selon M. Grod, les autorités d’occupation russes ont instauré « un régime de terreur contre le peuple tatar, les Ukrainiens de souche, et contre tous ceux qui s’opposent à l’occupation de la Crimée[23] ».

Des préoccupations d’ordres humanitaires viennent compliquer encore la situation sur le plan de la sécurité dans la région du Donbass. Mme Klympush-Tsintsadze a informé le Comité que l’Ukraine compte actuellement 405 noms sur la liste des personnes manquantes dans les territoires occupés de la région du Donbass, et que la Russie ne semble pas vouloir aider les Ukrainiens à trouver ces personnes, ni montrer d’intérêt à cet égard. Elle a ajouté que la Russie et ses « hommes de main » dans la région du Donbass « continuent de bloquer le processus de libération des otages et des personnes détenues de façon illégale » malgré leurs obligations en vertu de l’accord de Minsk II. Selon elle, les militants prorusses détiennent 152 otages, tandis que la Russie garde sur son territoire au moins 15 prisonniers politiques ukrainiens et 29 autres dans la république autonome de Crimée occupée par la Russie[24].

3. La menace russe

De nombreux témoins entendus par le Comité sont d’avis que le conflit armé en Ukraine ne prendra pas fin sur une note pacifique dans un avenir rapproché. Ihor Kozak, un officier des FAC à la retraite qui travaille maintenant comme consultant militaire et industriel, a dit que « la guerre de la Russie dans le centre géopolitique de l’Europe en est maintenant à sa quatrième année et rien n’indique qu’elle prendra fin bientôt[25] ». Bon nombre de témoins ont l’impression que le conflit armé sera long en raison des questions d’identité nationale entre les Russes et les Ukrainiens. Comme Taras Kuzio l’a expliqué, « je pense que le conflit est très profond et durera très longtemps, car les choses mettent du temps à changer lorsque des questions d’identité nationale sont soulevées dans des régions données[26] ». Les Russes et les Ukrainiens ont des points de vue différents sur leur identité nationale et leur avenir respectif. Alors que de nombreux Ukrainiens considèrent la Russie et son président, Vladimir Poutine, comme des agresseurs déterminés à garder l’Ukraine et son peuple dans la sphère d’influence de la Russie, les Russes ont de la difficulté à accepter que les Ukrainiens forment une nation distincte et voient les aspirations de l’Ukraine de se joindre à l’UE et à l’OTAN comme une menace pour leur sécurité et comme faisant partie d’une conspiration occidentale pour limiter le statut de puissance mondiale de la Russie[27].

Cela étant dit, un certain nombre de témoins croient que l’intervention militaire de la Russie en Crimée et dans la région du Donbass vise à déstabiliser, à diviser et à fragmenter l’Ukraine afin de prévenir son occidentalisation et de l’empêcher de se joindre éventuellement à l’UE et à l’OTAN[28]. M. Kuzio a qualifié la crise en Ukraine de « bras de fer géopolitique » entre l’Occident (l’UE et l’OTAN) et la Russie[29]. D’autres témoins décrivent le conflit armé en Ukraine comme le front de bataille d’une nouvelle guerre froide entre l’Occident et la Russie[30].

Plusieurs témoins sont d’avis que la Russie ne menace pas seulement l’Ukraine, mais bien l’ensemble de l’Occident[31]. Mme Klympush-Tsintsadze a expliqué que les stratégies russes consistent à « déstabiliser le monde occidental[32] », comme l’illustre la présumée ingérence russe dans l’élection présidentielle américaine de 2016, la tentative de coup d’État au Monténégro et le référendum aux Pays-Bas sur la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine. Elle a déclaré ce qui suit :

Aujourd’hui, la Russie constitue non seulement une menace existentielle pour des pays comme l’Ukraine, la Moldavie ou la Géorgie, mais également une menace bien réelle pour l’Union européenne, en vérité pour l’ensemble de l’Europe, pour l’OTAN et pour des pays d’Amérique du Nord. Il faut bien réaliser qu’elle s’attaque à toutes les valeurs sur lesquelles la civilisation occidentale s’est appuyée au cours des 70 dernières années pour assurer sa prospérité[33].

Selon Mme Klympush-Tsintsadze, « [l]a communauté internationale doit bien réaliser que venir aujourd’hui en aide à l’Ukraine est un investissement dans sa propre sécurité. La pierre [d’assise] de l’approche occidentale face aux problèmes de l’Ukraine doit être une stratégie tenace et cohérente, s’inspirant de valeurs démocratiques courantes. Il faut donc une approche unifiée de chaque État démocratique qui s’oppose à l’agression de la Russie[34] ». D’autres témoins ont un point de vue similaire. Par exemple, M. Kozak a affirmé que « l’Ukraine demeure la seule vraie force qui sépare les agresseurs russes de la sécurité et de la stabilité de l’Europe[35] ».

4. Méthodes de guerre hybride

D’après certains témoins, les méthodes de guerre hybride employées dans une grande mesure par la Russie en Ukraine démontrent clairement la menace que la Russie représente pour l’Occident. Alan Bell, président de Globe Risk International inc., a défini la guerre hybride comme « une stratégie militaire qui allie de manière simultanée la guerre conventionnelle, la guerre irrégulière et la cyberguerre pour arriver à ses fins ». Selon lui, « le concept russe d’un conflit non linéaire » appliqué lors de l’invasion et de l’annexion de la Crimée et dans le conflit armé en cours dans la région du Donbass en Ukraine « illustre bien une stratégie typique d’une guerre hybride ». Il a affirmé ce qui suit :

Une guerre non linéaire est livrée lorsqu’un État emploie des forces militaires inhabituelles, conventionnelles et irrégulières de concert avec des attaques psychologiques, économiques, politiques et cybernétiques. Une guerre hybride peut se décrire comme l’utilisation d’une dynamique complexe et flexible du champ de bataille, ce qui à son tour nécessite une capacité d’intervention hautement adaptable, bien préparée et résiliente […] La confusion et le chaos s’ensuivent lorsque l’information est utilisée comme arme pour exacerber la perception d’insécurité au sein d’une population et dresser des groupes culturels, sociaux et politiques les uns contre les autres et qu’il y a de nombreux responsables probables[36].

M. Bell est d’avis que les experts militaires et du renseignement russe « ont réussi à déterminer avec précision et à exploiter les cadres juridiques internationaux régissant le recours à la force contre un autre État souverain » de par leur utilisation de méthodes de guerre hybrides en Ukraine, et plus particulièrement en Crimée. Il a précisé ce qui suit :

Dès le début de l’engagement russe dans la guerre hybride en Crimée, les gens se sont énormément appliqués à garder un certain niveau de démenti plausible. Le drapeau russe a été hissé par des habitants de la Crimée et non des militaires russes. Les forces russes n’arboraient aucun insigne ou marque pouvant les identifier. Des cyberattaques ont été lancées contre des installations et des systèmes liés aux infrastructures essentielles en Ukraine et ont été structurées de manière à tenter de camoufler l’implication russe[37].

M. Bell croit que, même s’il était généralement entendu que la Russie était responsable de la violation de la souveraineté de l’Ukraine, « la confusion qu’ont entraînée les campagnes de désinformation, les cyberattaques, les forces spéciales russes sans insigne et les événements qui ont suivi dans l’Est de l’Ukraine » a fait hésiter l’Occident. Les Russes ont ainsi eu le temps « de consolider et de normaliser » leur annexion de la Crimée[38].

Une situation analogue s’est produite dans la région du Donbass. Plusieurs témoins ont affirmé qu’il n’existait aucun groupe séparatiste prorusse en Ukraine avant 2014[39]. M. Grod a précisé « [qu’]il n’y a jamais eu de mouvement séparatiste en Ukraine moderne » jusqu’à ce qu’un tel mouvement soit « fabriqué, financé, exploité et organisé par la Fédération de Russie. En réalité, ceux qui ont dirigé ces mouvements sont des citoyens russes et des agents du renseignement russes[40] ». Même si la Russie nie publiquement toute implication dans le conflit armé qui sévit dans la région du Donbass en Ukraine, elle a été une alliée stratégique, a fourni des armes et de l’équipement militaire aux forces rebelles et a fait des diverses milices dans la région du Donbass l’une des plus importantes armées d’Europe. Aujourd’hui, les groupes séparatistes, ou les forces agissant pour le compte de la Russie, comptent environ 35 000 membres. De plus, on estime que 5 000 membres des forces armées russes seraient aussi présents sur le théâtre des opérations. Ensemble, les forces prorusses dans la région du Donbass s’élèvent à plus de 40 000 soldats, ce qui correspond, selon M. Kuzio, à « plus de la moitié de l’armée de l’OTAN[41] ».

Dans la partie occupée du Donbass, la Russie veille à ce que ses « hommes de main » soient alimentés régulièrement en armes de haute technologie et en équipement militaire[42]. M. Kozak a donné l’exemple des chars d’assaut pour illustrer cette réalité : « il y a près de 500 chars d’assaut russes dans la région du Donbass, ce qui représente un contingent plus important que le corps blindé de l’armée allemande actuelle ». Il a aussi ajouté que « des groupements tactiques offensifs se trouvent sur le territoire russe, tout près des frontières de l’Ukraine » et que selon lui, l’armée ukrainienne est « grandement désavantagée » et « aurait du mal à bloquer l’offensive russe, surtout si l’on utilisait des armes et technologies modernes[43] ». La possession par les forces séparatistes prorusses d’un nombre si élevé de chars d’assaut dans la région du Donbass, en plus des armes et de la technologie militaire modernes dont elles disposent, est largement attribuable au soutien de la Russie. Comme les membres du Comité en ont été informés par des représentants de la MSO de l’OSCE à Kyiv, plus de 400 kilomètres de la frontière terrestre russo-ukrainienne et environ 100 kilomètres de la frontière maritime sont actuellement contrôlés par des forces séparatistes prorusses et ne sont donc pas surveillés par l’Ukraine. C’est donc en grande partie par ces endroits que la Russie a transféré des armes et de l’équipement militaire à la zone de conflit en Ukraine[44].

5. Campagnes de désinformation et cyberattaques

Parallèlement au conflit armé dans la région du Donbass, la Russie participe activement à une guerre hybride visant à déstabiliser l’Ukraine de l’intérieur. Cette situation s’observe notamment par les campagnes de désinformation et les cyberattaques menées par la Russie contre l’ensemble de la société ukrainienne. Comme Mme Klympush-Tsintsadze l’a expliqué au Comité, l’Ukraine fait face à un « vent de désinformation » et de « fausses nouvelles » visant à isoler le pays de ses « partenaires et de [ses] alliés de la communauté internationale et de présenter au reste du monde une image fausse de ce qui se passe dans notre pays en prétendant qu’il s’agit s’une guerre civile interne et non pas d’une agression réelle de la Fédération de Russie sur notre territoire[45] ». M. Kozak a affirmé ce qui suit :

L’ampleur des efforts déployés par le Kremlin pour nuire au gouvernement ukrainien, pour aggraver les désaccords politiques au Parlement, pour entraîner l’agitation sociale, pour créer des conflits entre les groupes ethniques et religieux, pour encourager la désinformation et pour terroriser les gens est sans précédent[46].

Selon des témoins, la campagne de désinformation russe, largement diffusée par l’entremise de la télévision, des médias sociaux et d’autres sources médiatiques, recourt à des techniques très avancées et ne doit pas être qualifiée de simple propagande. Selon eux, cette campagne est beaucoup plus subtile et déforme la vérité à un point tel que les gens ont de la difficulté à distinguer le vrai du faux. Plusieurs témoins ont souligné que les efforts de désinformation russes insistent sur le fait que l’Ukraine est un État en déroute corrompu par l’Occident et sur la soi-disant persécution des minorités russes, tout en tentant de discréditer l’Ukraine et de justifier l’intervention militaire de la Russie. La question de la corruption en Ukraine a notamment été exploitée à de nombreuses reprises pour essayer de susciter « une nouvelle Révolution de la dignité ou un nouveau mouvement EuroMaïdan » de façon à « causer la chute » du gouvernement ukrainien[47]. Les habitants de l’Ukraine sont exposés à la désinformation russe quotidiennement, particulièrement ceux qui habitent dans les régions de la Crimée et du Donbass. Mme Klympush‑Tsintsadze a d’ailleurs ajouté que « les gens qui vivent dans les territoires occupés sont malheureusement continuellement la cible d’attaques dans le domaine de l’information par ce que l’on appelle les médias russes », comme Russia Today et Sputnik[48].

La campagne de désinformation russe fait des victimes et des morts puisqu’elle incite le peuple à la violence. Selon M. Kuzio, « la raison pour laquelle les manifestations contre la révolution EuroMaïdan » en 2014 dans la région du Donbass « se sont transformées en insurrections violentes était en partie à cause de la guerre d’information ». Les gens regardaient la télévision russe, les médias sociaux et autres, qui qualifiaient les « Ukrainiens qui ont appuyé EuroMaïdan » de dangereux « fascistes » qui souhaitaient intégrer l’Ukraine au monde occidental et qui étaient déterminés à persécuter les minorités russes. Par conséquent, les minorités russes dans la région du Donbass ont pris les armes contre le gouvernement ukrainien et ont ensuite été appuyées par « les petits hommes verts » (les forces spéciales russes) en avril 2014. Selon M. Kuzio, la désinformation russe a entraîné des morts et des traitements inhumains, notamment envers des soldats ukrainiens[49].

L’Ukraine est aussi victime des cyberattaques russes contre des réseaux d’infrastructure et de communication essentiels. Ces attaques « étaient principalement dirigées contre des services collectifs et [visaient] à recueillir de l’information en piratant divers comptes Web du gouvernement[50] ». Une de ces attaques, survenue en décembre 2015, a perturbé le réseau électrique, causant d’importantes pannes et laissant plus de 225 000 usagers dans le noir[51]. Plus récemment, en octobre 2017, la Russie a lancé des cyberattaques contre l’aéroport ukrainien d’Odessa et contre le système de métro de Kyiv[52]. Selon M. Bell, les « cyberattaques s’intensifient de plus en plus ». Il a ajouté que « la Russie avance » et qu’« elle s’améliore dans le domaine de la cybernétique[53] ». Le colonel Viktor Siromakha, attaché de la défense, de la marine et de l’aviation à l’ambassade d’Ukraine au Canada, a affirmé que plus de 7 000 cyberattaques ont eu lieu en Ukraine depuis 2014[54]. Certains témoins soutiennent que l’Ukraine est devenue une zone d’essai de cyberguerre et un endroit où la Russie met à l’essai ses nouvelles capacités de cyberattaque. Selon eux, le Canada et ses alliés devraient suivre très attentivement les cyberattaques menées en Ukraine, car, si ce n’est pas déjà le cas, la Russie et d’autres acteurs étatiques et non étatiques pourraient utiliser des techniques similaires pour attaquer des intérêts occidentaux[55].

SOUTIEN APPORTÉ PAR LE CANADA À L’UKRAINE

Le conflit armé en Ukraine a forcé le gouvernement de ce pays à prendre des mesures pour renforcer et réformer son armée. Au cours des quatre dernières années, la taille de l’armée ukrainienne a presque triplé. Le gouvernement a aussi fait l’acquisition de systèmes d’armes et d’équipement à la fine pointe de la technologie de sources internes et étrangères, bonifié l’instruction militaire de ses officiers et de ses militaires du rang et lancé des réformes visant à éliminer la corruption interne, à augmenter le contrôle civil de l’armée ainsi qu’à moderniser, transformer et consolider ses forces armées et leurs capacités.

Même si le conflit armé a précipité l’adoption d’une bonne partie de ces réformes, elles ont aussi été adoptées pour appuyer l’objectif de l’Ukraine de se joindre à l’UE et à l’OTAN. À cette fin, l’Ukraine a notamment l’intention de réformer le ministère de la Défense et d’en confier le contrôle à des civils d’ici la fin de 2018, et de parvenir à une interopérabilité militaire complète avec les membres de l’OTAN d’ici 2020. Le Canada est l’un des partenaires internationaux qui aident activement l’Ukraine à réformer ses forces armées. Tout au long de son étude, le Comité a entendu à quel point ces efforts portent leurs fruits.

1. Réforme de l’armée ukrainienne

Depuis le début du conflit armé contre la Russie en 2014, l’Ukraine a investi massivement dans le développement de ses forces armées, ce qui a permis de grandement renforcer ces dernières et leurs capacités, ainsi que de moderniser l’armement et l’équipement utilisés. Selon Mme Klympush-Tsintsadze, « [p]our assurer la survie de notre pays, il nous a fallu reconstruire nos forces militaires dans l’urgence ». Elle a affirmé que les forces armées ukrainiennes avaient pour l’essentiel été « délibérément détruites » et « infiltrées par des agents russes » avant 2014, ce qui a forcé le pays à reconstruire ses forces armées à partir de rien pour « renforcer [ses] capacités à [se] protéger contre la Fédération de Russie ». Même si beaucoup de travail a été accompli depuis 2014, l’Ukraine a besoin de l’aide du Canada et d’autres pays occidentaux[56]. Le Comité a appris que le processus de reconstruction et de réforme de l’armée ukrainienne s’échelonnerait sur plusieurs années.

Cela étant dit, des progrès importants ont été réalisés au cours des trois dernières années. Par exemple, entre 2014 et 2017, le nombre de militaires des forces armées ukrainiennes (armée, marine, aviation et forces aéroportées) est passé de 129 950 à plus de 204 000. Les forces paramilitaires du pays ont aussi augmenté, passant de plus de 84 000 membres en 2014 à plus de 88 000 en 2017, dont environ 46 000 dans la garde nationale et 42 000 dans le service de gardes-frontières[57]. Dans l’ensemble, l’armée ukrainienne est aujourd’hui « l’une des plus puissantes en Europe », et compte environ 300 000 membres[58]. Il s’agit d’une réalisation remarquable compte tenu du temps écoulé et des conditions dans lesquelles ces efforts ont été déployés. Aujourd’hui, l’Ukraine consacre chaque année plus de 5 % de son produit intérieur brut (PIB) à la défense et à la sécurité. Pour la plupart des pays de l’OTAN, y compris le Canada, moins de 2 % du PIB est affecté aux dépenses militaires[59].

L’Ukraine a aussi modernisé et réformé ses forces armées dans le but de parvenir à l’interopérabilité avec l’OTAN d’ici 2020. Pour arriver, l’Ukraine a transformé son armée, qui suivait une structure inspirée de l’époque soviétique, pour adopter une structure correspondant à celle des pays occidentaux de l’OTAN. Cette transformation s’est effectuée sur une période très courte et pendant que le pays se trouvait en conflit armé contre l’une des puissances militaires les plus redoutables au monde : la Russie[60].

Jill Sinclair, représentante du Canada au Conseil consultatif sur la réforme de la défense (CCRD) de l’Ukraine, a informé le Comité que toutes ces réformes prennent du temps, affirmant que « [n]ous devons nous rappeler que ce projet n’en sera bientôt qu’à sa quatrième année; il faut donc du temps ». Selon elle, il est primordial que le Canada et la communauté internationale fassent preuve de « patience stratégique » et « [maintiennent] le cap[61] ». Elle a d’ailleurs donné l’explication suivante :

La réforme est un processus long et complexe, surtout dans le domaine de la défense et surtout en plein conflit […] dans l’Est, qui représentent une partie majeure des défis que l’Ukraine affronte actuellement. C’est le contexte dans lequel elle doit mettre en œuvre son programme de réforme. Malgré les nombreux obstacles et l’ampleur de ce qu’il reste à accomplir, l’Ukraine a réalisé des progrès et continue à en faire[62].

2. Le Canada et le Conseil consultatif sur la réforme de la défense

Le Canada est l’un des pays qui participent activement au Conseil consultatif sur la réforme de la défense (CCRD) de l’Ukraine. En janvier 2017, le Canada a nommé une représentante du ministère de la Défense nationale (MDN), Mme Jill Sinclair, au CCRD de l’Ukraine, à l’invitation du gouvernement ukrainien. Le CCRD prodigue une expertise de haut niveau et des recommandations aux hauts dirigeants politiques et militaires ukrainiens concernant les réformes institutionnelles des forces armées ukrainiennes[63]. Le CCRD a été créé en 2016 par le ministre ukrainien de la Défense, Stepan Poltorak, pour aider l’Ukraine à mener ses réformes militaires. Le ministre Poltorak a demandé à six pays (le Canada, l’Allemagne, la Lituanie, la Pologne, le Royaume-Uni et les États-Unis) de nommer des experts de haut niveau pour former un petit conseil consultatif chargé de donner au ministre, au chef d’état-major général, aux hauts fonctionnaires du gouvernement ukrainien et aux membres du Verkhovna Rada (le Parlement ukrainien) des conseils pour aider l’Ukraine à mener ses réformes et à atteindre les normes euro‑atlantiques. Le Canada est l’un des premiers pays à avoir répondu à l’appel. Mme Sinclair a présenté la question de la réforme comme étant le principal objectif du CCRD[64], et a expliqué que les travaux du Conseil :

sont centrés sur la feuille de route minutieusement élaborée par l’Ukraine pour sa réforme dans le domaine de la sécurité et de la défense, le Bulletin de défense stratégique. Le BDS est un document exhaustif, tant par sa portée que par son ampleur, visant à réformer entièrement le ministère de la Défense, les forces armées ukrainiennes et d’autres éléments du secteur de la sécurité, sur les plans de la planification, du budget et de la gestion du personnel, ainsi que par la création d’un poste de ministre de la Défense occupé par un civil et la mise en place d’un contrôle civil des forces armées[65].

Le Bulletin de défense stratégique (BDS) porte sur la réforme non seulement des forces armées ukrainiennes et du ministère de la Défense, mais aussi de la garde nationale et du service de gardes-frontières. Le BDS s’applique jusqu’en 2020, année où l’Ukraine espère parvenir à l’interopérabilité avec les membres de l’OTAN. D’ici là, il y a de nombreuses « échéances » à respecter. L’Ukraine souhaite par exemple nommer un civil au poste de ministre de la Défense d’ici la fin de 2018, et souhaite que les forces armées ukrainiennes soient entièrement contrôlées et surveillées par les autorités civiles d’ici 2020. Mme Sinclair a précisé qu’« [i]l y a un échéancier pour chacun des objectifs[66] ».

En ce qui concerne la façon dont le CCRD et le gouvernement ukrainien mesurent les progrès relatifs aux réformes de la défense de l’Ukraine, Mme Sinclair a souligné que le BDS compte quelques 162 objectifs articulés autour de cinq piliers. Pour évaluer les progrès réalisés à l’égard de chacun de ces objectifs et de ces piliers, le gouvernement ukrainien a établi un comité de réforme appuyé par des groupes de travail supervisant chaque pilier. Cependant, selon Mme Sinclair, certains de ces groupes « sont extrêmement efficaces, tandis que d’autres ne le sont pas ». Elle a précisé que le Canada et ses partenaires internationaux tentent toujours de « fixer des paramètres » qui aideraient les Ukrainiens à mesurer les « résultats quantitatifs », mais aussi à évaluer les « changements qualitatifs », ce qui peut prendre un certain temps. Selon elle, « [l]e Canada […] et d’autres pays essaient d’aider l’Ukraine à mettre en place une bonne gestion de programme et à employer des données analytiques adéquates ». Parallèlement, le CCRD mesure les progrès liés à la réforme du ministère de la Défense. Mme Sinclair a affirmé que chacun des six membres du CCRD se sont « réparti les piliers du [BDS] » et ont commencé à « creuser très systématiquement ». Elle a aussi mentionné que les membres du CCRD se penchent sur les « indicateurs de rendement clés » des progrès et les points à améliorer[67].

Toujours selon Mme Sinclair, des progrès sont réalisés et « [l]la population ukrainienne sent elle aussi que la situation s’améliore ». Elle a affirmé que la réforme du ministère de la Défense est maintenant perçue publiquement en Ukraine comme « un des aspects les plus visibles et les plus positifs de la réforme » et que cette initiative va « extrêmement bien compte tenu du contexte et de l’ampleur des défis ». Elle a aussi ajouté que l’Ukraine est un « pays qui a décidé de tout réformer, tout : l’économie, le territoire, le système judiciaire, les soins de santé, l’éducation[68] ». Les réformes dans le domaine militaire ne constituent qu’un volet des vastes efforts en cours en Ukraine.

Cela dit, Mme Sinclair affirme que malgré les progrès réalisés, il « reste beaucoup à faire ». Les principaux défis liés aux réformes sont liés à la gouvernance, au renforcement des capacités et surtout au patrimoine culturel. Selon elle, « [i]l reste des traces de l’époque soviétique et des gouvernements ukrainiens corrompus. Nous devons venir à bout de ces anciens systèmes, et la culture joue un rôle très important ». Elle a aussi constaté que la gouvernance est un grand obstacle dans l’ensemble de l’Ukraine, affirmant que « [t]out le monde tente d’aller dans la même direction, mais les systèmes de gouvernance, pour des raisons de connaissances et tout simplement de capacités ne sont pas encore à point ». Elle a ajouté que « [l]a gouvernance doit commencer à l’échelon supérieur, dans le cadre juridique, dans un Parlement doté de pouvoirs[, m]ais c’est aussi les habitudes et les pratiques du gouvernement, qui sont tout simplement inexistantes [à cause des anciens systèmes]. Ce n’est pas une question de manque de volonté. C’est tout simplement la réalité, il faudra donc du temps pour y arriver ». En ce qui concerne le renforcement des capacités, elle a déclaré qu’« [i]l faut renforcer les capacités, et ce aux bons niveaux. Il faut le faire aux échelons supérieurs, mais aussi aux échelons inférieurs, comme beaucoup d’autres l’ont déjà dit, afin de mettre à profit la vaste expérience et le dynamisme de la société civile ukrainienne[69] ».

Selon Mme Sinclair, la réforme militaire doit viser en priorité la corruption interne et « les anciennes façons de diriger l’armée au sein de l’Union soviétique », qui empêchent l’Ukraine d’implanter des réformes militaires plus radicales. Indiquant que le problème de corruption prend racine en haut de la chaîne de commandement et qu’il découle dans une certaine mesure d’un phénomène générationnel, Mme Sinclair a pointé du doigt les « mentalités enracinées » de certains cadres supérieurs plus âgés, ce qu’elle a comparé à une « croûte » :

Il y a une croûte dans le système qui doit être perforée. Elle est là pour toutes sortes de raisons. Certaines de ces personnes restent en poste pour empêcher les choses d’évoluer. Certaines ont peur du changement. Certaines ne connaissent rien d’autre que ce qu’elles font […] [Puis vous avez des] personnes extraordinairement bien formés. Ces personnes extraordinaires reviennent de l’opération antiterroriste avec des façons de faire novatrices, créatives et nouvelles. Elles reviennent au quartier général ou à leur unité, puis elles frappent un mur. Elles se heurtent à un obstacle[70].

Selon Mme Sinclair, une décision politique doit être prise par les dirigeants concernant le problème lié à l’échelon supérieur de la chaîne de commandement. Elle croit que les politiciens ukrainiens doivent donner le choix aux officiers militaires supérieurs : ou bien ils acceptent les réformes militaires proposées par le gouvernement ukrainien et conservent leurs postes, ou bien ils quittent l’armée. Elle souligne que, pour des raisons nébuleuses, on ne leur a pas demandé de faire ce choix. Elle se pose diverses questions à ce sujet : « Est-ce parce qu’ils sont en pleine guerre? Se passe-t-il autre chose[71]? »

Mme Sinclair a aussi déterminé que la relation des forces militaires avec le Parlement ukrainien est un autre aspect à améliorer, et a déclaré qu’« [à] l’heure actuelle, les choses ne se passent pas aussi bien qu’elles le devraient ». Elle soutient aussi qu’il faut renforcer la capacité du Parlement ukrainien de superviser les activités du ministère de la Défense ukrainien, car « renforcer la capacité de surveillance du Parlement est crucial pour inciter le ministère et l’organisation à assumer ses responsabilités, à faire ce qu’il faut et à participer adéquatement. Il faut donc renforcer les capacités[72] ».

3. Aide militaire canadienne à l’Ukraine et à ses forces armées

Pendant cette étude, le Comité a été informé des façons dont le Canada aide l’Ukraine dans le conflit armé qui l’oppose à la Russie, ainsi que des résultats de ces efforts. Sans exception, les représentants de l’armée et du gouvernement ukrainien que les membres du Comité ont rencontrés au cours de leur visite en Ukraine ont remercié le Canada de son soutien et de l’aide qu’il offre depuis l’éclatement du conflit armé en 2014. Selon eux, le Canada joue un rôle particulièrement important en aidant l’Ukraine à réformer son armée, ainsi qu’à former et à équiper celle-ci. Depuis 2014, le Canada a envoyé pour plusieurs millions de dollars de matériel militaire non létal en Ukraine et y a déployé des centaines de membres des FAC.

Actuellement, la principale contribution militaire du Canada à l’Ukraine est l’opération UNIFIER, la mission d’instruction menée par les FAC pour soutenir les forces armées ukrainiennes. Environ 200 membres des FAC sont présentement déployés en Ukraine. Lancée en 2015 à la demande du gouvernement de l’Ukraine, l’opération UNIFIER vise principalement à offrir de l’instruction militaire aux forces armées ukrainiennes[73]. La mission d’instruction relève de la Commission mixte multinationale sur la coopération militaire et la réforme de la défense, qui comprend le Canada, la Lituanie, l’Ukraine, le Royaume-Uni et les États-Unis[74]. Les FAC se concentrent avant tout sur l’instruction tactique des militaires (instruction en petites équipes) et offrent un entraînement individuel sur le maniement des armes, le tir de précision, les déplacements dans des zones de conflit potentiel, la reconnaissance des menaces d’explosion, la survie de combat, l’éthique, la communication lors des mouvements des troupes ainsi que le commandement et le contrôle. La formation porte aussi sur le perfectionnement des compétences en reconnaissance, en ingénierie et en leadership. En plus de l’instruction en petites équipes, les FAC offrent une formation de lutte contre les engins explosifs improvisés, une formation à l’intention de la police militaire, une formation médicale et une formation sur la modernisation des systèmes logistiques[75].

L’instruction se déroule principalement au Centre international de sécurité et de maintien de la paix (CISMP) à Yavoriv, en Ukraine. Les participants s’entraînent également au centre de déminage du ministère de la Défense ukrainien à Kamyanets-Podilsky et à d’autres endroits dans l’ouest de l’Ukraine[76]. En date du 1er septembre 2017, le contingent des FAC en Ukraine, appelé Force opérationnelle interarmées – Ukraine (FOI-U), avait formé plus de 5 580 soldats ukrainiens[77].

En mars 2017, peu de temps avant la date d’échéance, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il prolongeait l’opération UNIFIER jusqu’à la fin de mars 2019 et qu’il continuerait de déployer environ 200 militaires des FAC en Ukraine jusqu’à la fin de l’opération[78]. En plus de l’opération UNIFIER, les FAC offrent de la formation aux soldats ukrainiens par l’entremise du Programme d’instruction et de coopération militaires (PICM), qui porte entre autres sur les opérations de soutien de la paix, le renforcement des capacités militaires, le perfectionnement professionnel et l’interopérabilité avec d’autres forces armées[79].

Plusieurs témoins ont souligné l’importance de l’instruction militaire offerte par les FAC aux forces armées ukrainiennes. Selon M. Grod, « [l]a mission d’entraînement militaire du Canada en Ukraine, l’opération UNIFIER, ainsi que les missions des pays alliés ont grandement contribué à accroître la capacité militaire de l’Ukraine […] Ces efforts doivent être poursuivis et étendus[80] ». De même, M. Luciuk a décrit l’opération UNIFIER comme une « grande réussite[81] ».

Selon M. Kozak, la contribution militaire du Canada ne se limite pas à former des soldats et des officiers ukrainiens, elle favorise aussi la réforme de la structure de l’armée ukrainienne, ce qu’il considère comme essentiel pour réduire la corruption et accroître la reddition de comptes et la transparence[82]. Mme Sinclair a souligné que le Canada prêche par l’exemple dans sa mission d’instruction, notamment sur le plan de l’égalité entre les sexes. Elle a fait remarquer qu’« [i]l y a des femmes dans l’armée ukrainienne », mais « [qu’elles] se trouvent généralement dans les services traditionnels ». Selon elle, « le fait d’avoir des femmes dans nos équipes [des FAC] » à titre de mentors et de formatrices montre à l’armée ukrainienne « qu’il est possible d’avoir des femmes dans n’importe quelle fonction ». Cela étant dit, elle a reconnu qu’en raison du changement de culture majeur requis au sein des forces armées ukrainiennes, il faudra du temps pour y parvenir. Toutefois, les FAC contribuent à changer les choses en faisant la promotion de l’égalité entre les sexes[83].

Le Comité a aussi appris que le personnel des FAC en Ukraine bénéficie des expériences communes et des leçons apprises en travaillant avec le personnel des forces armées ukrainiennes, qui est composé en grande partie de vétérans qui ont combattu les forces armées russes dans la région du Donbass. Plus particulièrement, en côtoyant les troupes ukrainiennes qui ont combattu au front l’armée russe et ses milices, les Canadiens en apprennent sur les nouvelles armes et tactiques, la guerre hybride, la cyberguerre et les diverses autres approches utilisées par l’armée russe[84]. Le personnel des FAC transmet ensuite ces renseignements au Canada. Cependant, M. Bell a indiqué que l’« [u]ne des choses que le Canada ne fournit pas à l’Ukraine, ce sont des experts des questions cybernétiques. Nous ne faisons rien sur ce plan, mais nous le devrions, car nous devons découvrir ce que les gens ont appris afin que nous en tirions nos propres conclusions[85] ».

En outre, le Comité a appris que, en raison de son succès sur le terrain, le Canada passe maintenant à une nouvelle étape de l’instruction militaire : la formation des formateurs. Pour illustrer l’importance de cette évolution, Mme Sinclair a déclaré ce qui suit :

Former les recrues, c’est très bien, mais ce qu’on veut faire, c’est former le prochain niveau, et ensuite on veut se rendre aux institutions, ce qui a une plus grande portée. Cela ne fait pas partie de la mission de formation des États-Unis, et les Britanniques ne le font pas non plus. Le Canada le fait; nous passons donc d’une formation ordinaire à des rôles de mentor et de conseiller […] Concernant la formation, nous progressons dans la chaîne de valeur[86].

D’autres témoins ont aussi souligné l’importance de la formation des formateurs. M. Leuprecht a affirmé ce qui suit :

Nous devons former les formateurs afin qu’ils puissent former le reste des troupes. C’est l’un des secteurs où il serait très utile de renforcer les liens entre les Forces armées canadiennes et les forces armées ukrainiennes […] Je crois que c’est à ce niveau que nous aurons les meilleures retombées. Nous devons travailler avec les soldats qui occuperont, dans cinq ans, des postes d’autorité[87].

Les témoins croient que la formation des formateurs aidera l’armée ukrainienne à se doter d’un corps solide de sous-officiers. Puisque l’armée ukrainienne est fondée sur une structure militaire de style soviétique où les commandes et le contrôle sont centralisés et axés sur les officiers, les sous‑officiers ont joué jusqu’ici un rôle limité. La faiblesse du corps des sous-officiers de l’armée ukrainienne est problématique, car les jeunes soldats n’ont pas le soutien des sous-officiers. De même, les officiers subalternes ne peuvent pas tirer profit de l’expérience des sous-officiers. Par conséquent, les soldats ukrainiens sont surtout dirigés par des officiers. Les forces armées ukrainiennes ne bénéficient pas de l’expérience de cadres intermédiaires habituellement offerte par un corps solide de sous-officiers. Un plus grand nombre de sous-officiers est donc requis. Les membres du Comité ont été avisés que la situation en Ukraine est différente du système de l’OTAN, qui mise sur le corps des officiers, tout en accordant un rôle important aux sous-officiers, comme les sergents et les adjudants, qui sont chargés de former et de diriger les soldats[88]. Selon M. Kozak, la formation des formateurs contribue au changement de culture dans l’armée ukrainienne relativement au rôle des sous-officiers et peut contribuer à jeter les bases de l’établissement d’un corps solide de sous‑officiers au sein des forces armées ukrainiennes[89].

Cela dit, certains témoins ont affirmé que le Canada doit continuer d’investir dans la formation du corps d’officiers ukrainien afin d’éliminer la corruption interne et de s’assurer que les réformes militaires en cours donnent les résultats escomptés. M. Leuprecht a d’ailleurs déclaré ceci :

[Le Canada] doit [s’]engager à poursuivre les efforts auprès des officiers de niveau intermédiaire, à former les officiers, à les professionnaliser et à leur enseigner comment interagir avec les communautés locales. Nous devrons nous assurer que l’armée ukrainienne ne commette pas d’atrocités qui nuiraient à sa légitimité […] Ce qu’il faut faire en Ukraine, c’est de tenter de transformer l’armée qui, auparavant, défendait les intérêts de l’élite et du régime en une armée qui assure le maintien de l’ordre et qui défend les intérêts du peuple. C’est à cet égard que la transformation du corps d’officiers est absolument essentielle[90].

Comme il a déjà été mentionné, l’opération UNIFIER n’est pas la seule contribution militaire du Canada en Ukraine. Le Canada offre de l’aide militaire à ce pays de diverses façons. Par exemple, en avril 2017, le Canada a signé un Accord de coopération en matière de défense avec l’Ukraine, qui cerne les domaines de coopération mutuelle, notamment la politique de défense, l’instruction militaire ainsi que la recherche, le développement et la production en matière de défense[91]. De plus, depuis 2014, le Canada a fourni pour plus de 16 millions de dollars de matériel militaire non létal aux forces armées ukrainiennes, et il prévoit consacrer une somme additionnelle de 7,25 millions de dollars à cette fin au cours des deux prochaines années[92].

4. Le Canada et la lutte contre la corruption en Ukraine

Tout au long de cette étude, le Comité a entendu parler de la corruption en Ukraine. Depuis que le pays a obtenu son indépendance en 1991, il a été dominé par des « oligarques », des hommes d’affaires puissants provenant de l’élite et ayant des liens politiques étroits avec les têtes dirigeantes, qui contrôlent et manipulent le gouvernement ukrainien à leur avantage. Dans une large mesure, la Révolution de la dignité de 2014 était une réaction populaire contre le pouvoir et la corruption de ces oligarques. Lorsque Petro Porochenko a été élu président de l’Ukraine en 2014, son gouvernement s’est engagé à lancer des réformes sur les plans politique, économique et judiciaire afin d’éliminer la corruption dans le pays. Ces promesses ont été faites pour assurer à la population ukrainienne que les choses étaient en train de changer au sein du gouvernement et pour préparer l’Ukraine à des relations plus étroites avec l’Occident[93]. Depuis, malgré les nombreuses réformes amorcées, il reste des progrès à faire, et la corruption liée aux oligarques demeure un problème qui pourrait empêcher l’Ukraine de devenir membre de l’UE et de l’OTAN. Mme Sinclair a qualifié la corruption de « problème qui persiste » en Ukraine[94].

Cela dit, le Comité a été informé qu’au cours des trois dernières années, l’Ukraine a apporté des réformes touchant le gouvernement, l’économie et la société, et que ces réformes ont engendré des changements positifs[95]. M. Kozak a affirmé ce qui suit :

On a tout de même réalisé plus de choses au cours des trois dernières années qu’au cours des 23 premières années d’indépendance de l’Ukraine : la transparence des processus d’approvisionnement gouvernementaux, la déclaration électronique obligatoire par les dirigeants du gouvernement et l’adoption du modèle occidental pour les forces policières – avec l’aide du Canada, bien sûr –, pour n’en nommer que quelques-unes. De façon similaire, on s’attaque à la réforme de l’éducation, de la retraite et des soins de santé de façon simultanée en période de guerre et de conditions économiques difficiles, tandis que la Russie utilise des méthodes hybrides pour manipuler la gent politique et dépeindre ces efforts de la manière la plus négative possible[96].

Des témoins ont affirmé que les réformes gouvernementales, notamment dans le secteur de l’approvisionnement public, ont des résultats bénéfiques. À titre d’exemple, Mme Klympush‑Tsintsadze a noté que l’adoption de nouvelles règles transparentes en matière d’approvisionnement public et la mise en place d’un nouveau système d’approvisionnement électronique l’an dernier contribuent à éliminer la corruption et à réaliser des économies. Elle a aussi avancé que les réformes apportées aux frontières ont porté leurs fruits, particulièrement en ce qui a trait à la formation des gardes-frontières et à la mise en œuvre d’un plan d’action en matière de libéralisation des visas, et a mentionné les « excellents résultats » dans le domaine de la réforme des pensions, de l’éducation et des soins médicaux[97].

Les réformes de la police ont aussi été abordées. À Kyiv, les membres du Comité ont rencontré le chef de la patrouille policière, qui leur a donné un aperçu des efforts visant à réformer la police en Ukraine, et a décrit les répercussions de ces réformes sur la corruption au sein des organisations policières. Selon lui, les Ukrainiens ne craignent plus les policiers et ont davantage confiance en eux, et plus de respect à leur égard[98]. En ce qui concerne les réformes judiciaires, Mme Klympush-Tsintsadze a précisé qu’au cours des trois dernières années, l’Ukraine a établi un « système complètement nouveau d’institutions luttant contre la corruption », dont le Bureau national de lutte contre la corruption de l’Ukraine et l’Agence nationale anticorruption. De plus, des discussions sont en cours pour établir un tribunal anticorruption[99]. Pendant leur visite en Ukraine, les membres du Comité ont été informés que le pays réforme aussi ses services de sécurité et de renseignement afin de respecter les normes de l’OTAN[100].

Le Canada a aidé l’Ukraine à réaliser bon nombre des réformes énumérées ci-dessus, notamment dans les secteurs de la justice et des services de police. Selon Mme Klympush-Tsintsadze, « [l]'engagement décisif et concret que le Canada a pris à l’égard de la nouvelle réforme de la police qui est en train de prendre forme et de prendre de l’ampleur en Ukraine a joué un rôle absolument essentiel ». Elle a aussi ajouté que « le Canada a joué un rôle important pour ce qui est de l’appui fourni au système judiciaire et à la présentation de cette nouvelle commission d’enquête[101] ». Mme Sinclair a fait valoir que le Canada a établi « un bon programme de formation des juges » en Ukraine[102]. Durant leur visite en Ukraine, les membres du Comité ont été avisés que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) contribuait aussi aux réformes de la police. Le modèle d’intervention de la GRC a d’ailleurs été adopté par la police de patrouille de Kyiv[103].

Cela dit, M. Grod a avancé que la contribution du Canada à l’égard des réformes ukrainiennes pourrait diminuer dans un avenir rapproché, à moins que le financement prévu à cette fin n’augmente. Il a affirmé que le Congrès des Ukrainiens-Canadiens « a appris [par la ministre du Développement international du Canada] que l’Ukraine ne serait plus destinataire d’un financement prévisible au titre de l’assistance technique internationale » et que « [l]es programmes qui ont été financés, qui arrivent à échéance en 2018-2019, ne devraient faire l’objet d’aucun financement supplémentaire ». Il a qualifié la situation de « très troublant[e] », en ajoutant que « pour un maigre montant de 50 millions de dollars par an, le Canada a fait un travail extraordinaire pour appuyer les réformes en Ukraine, et nous jugeons que c’est un travail très important, parce qu’il faut que l’Ukraine réussisse[104] ».

Par ailleurs, M. Grod a affirmé que même si « [l]e peuple et le gouvernement ukrainiens ont fait d’énormes progrès dans la réforme de leur pays », d’autres réformes sont nécessaires pour lutter contre la corruption[105]. Mme Klympush-Tsintsadze a affirmé que les Ukrainiens « sent[ent] encore l’influence de la bureaucratie soviétique » après plus de 25 ans d’indépendance et que « la corruption était encore présente dans quantité de domaines[106] ». Tout en souscrivant à cette affirmation, M. Leuprecht a souligné que « [m]ême s’il y a eu des changements au sein de l’élite politique principale [en Ukraine] » depuis 2014, « la plus grande partie des effectifs du reste de l’État est toujours en place[107] ». Malgré les nombreuses réformes entreprises, très peu de poursuites liées à la corruption ont été intentées. Pendant leur visite en Ukraine, les membres du Comité ont appris que le Bureau national de lutte contre la corruption de l’Ukraine avait enquêté sur plus de 270 cas de corruption, sans qu’aucune enquête ne mène à une condamnation[108]. M. Kuzio a ajouté que le « problème, c’est envoyer les gens [corrompus] en prison – obtenir des condamnations ». Il estime que « c’est cela que les Ukrainiens veulent : de la justice. Ils veulent que les élites dirigeantes soient obligées de répondre de leurs actions, ce qui n’a jamais été le cas dans cette partie du monde[109] ».

La majorité des témoins soutiennent que le Canada et la communauté internationale ne doivent pas perdre patience, mais plutôt continuer de soutenir l’Ukraine dans ses efforts pour lutter contre la corruption. D’ailleurs, tout en reconnaissant qu’il sera difficile d’éradiquer la corruption et qu’il faudra des années pour mettre en œuvre dans leur intégralité les nombreuses réformes lancées en Ukraine, M. Leuprecht a affirmé que « [n]ous devons continuer de décourager la corruption au sein du pays ». Rappelant que le succès prendra du temps, il a expliqué

[qu’u]ne grande partie des efforts liés à la transformation et à la transparence déployés par le Canada avec l’aide de son partenaire clé, l’Europe, sont très importants, car le régime qui a été établi découle du régime autoritaire de Poutine, qui repose essentiellement sur une élite formée de chercheurs de rentes […] Il faudra un certain temps pour démanteler cette structure en Ukraine. Ce sera pourtant essentiel, non seulement pour transformer l’Ukraine et installer les fondements d’un régime démocratique légitime, mais également pour stimuler le développement économique[110].

Certains témoins croient plutôt que le Canada devrait adopter l’approche « de la carotte et du bâton » avec l’Ukraine. Selon M. Leuprecht, « le soutien fourni par le Canada doit veiller plus explicitement à ce que l’Ukraine fasse les bons choix » en « poursuiv[ant] des gens en justice » pour corruption. Il croit aussi qu’il faut congédier ou envoyer à la retraite les hauts dirigeants corrompus et les remplacer par des Ukrainiens plus jeunes et plus compétents, et qu’il faut déployer des efforts pour former et professionnaliser la fonction publique et l’appareil judiciaire. Selon lui, si l’Ukraine veut vraiment le soutien politique, militaire et financier du Canada, elle doit lui prouver qu’elle est bien décidée à réformer sa structure étatique et à lutter contre la corruption[111].

PRÉVENTION ET RÉSOLUTION DES CONFLITS EN UKRAINE

Le conflit armé en Ukraine demeure une préoccupation majeure pour le Canada et la communauté internationale. La Crimée est toujours occupée par la Russie, et il est peu probable que l’accord de Minsk II puisse être appliqué dans son intégralité tant que les Russes et leurs milices dans la région du Donbass continuent de renforcer leur capacité militaire et de violer les cessez-le-feu. M. Kuzio a d’ailleurs affirmé qu’« [e]ntre l’accord de Minsk I et l’accord de Minsk II, entre 2014 et 2015 », les Russes et leur président Vladimir Poutine « [ont] créé diverses milices [en Ukraine] qui sont devenues l’une des plus grandes armées d’Europe », comptant aujourd’hui environ 35 000 membres[112]. La majorité des violations des cessez-le-feu sont le résultat d’actions de militants prorusses. Le colonel Siromakha a déclaré que des « forces séparatistes russes combinées continuent d’ignorer systématiquement l’[accord de Minsk II] en utilisant abondamment des armes prohibées » et en effectuant « la majorité des provocations armées ». Selon lui, Moscou « continue de faire fi de ses engagements en vertu de l’[accord de Minsk II] » et « ses forces militaires sont toujours présentes sur le territoire de l’Ukraine, en Crimée comme au Donbass[113] ».

M. Grod a souligné que, tant que la Russie n’est pas prête à « trouv[er] une solution et [à mettre] fin au conflit et à son agression militaire », l’accord de Minsk II ne sera jamais mis en œuvre. Il croit aussi que l’accord de Minsk II est « essentiellement désuet » et que la « façon simple » de « ramener la paix et la stabilité » en Ukraine est de « forcer la main des Russes pour qu’ils retirent leurs militaires et leurs équipements et qu’ils cessent de financer les séparatistes » dans la région du Donbass; la Russie doit accepter « [d’]arrêter la guerre en Ukraine[114] ».

Par conséquent, le Canada et la communauté internationale tentent de trouver des solutions pacifiques au conflit en Ukraine. Pour ce faire, ils mettent en œuvre de nombreuses initiatives de prévention et de résolution des conflits, comme la prise de sanctions contre la Russie, la surveillance par l’OSCE de la ligne de contact dans la région du Donbass (la ligne de démarcation de 500 kilomètres qui sépare les groupes séparatistes prorusses des forces armées ukrainiennes), et l’étude de propositions concernant le déploiement éventuel d’une mission de maintien de la paix des Nations Unies en Ukraine.

1. Durcissement des sanctions contre la Russie

Depuis le début du conflit armé en 2014, le Canada et de nombreux pays de partout dans le monde ont dénoncé l’agression russe contre l’Ukraine. Plus précisément, l’OTAN a vivement condamné l’invasion de la Crimée par la Russie et ses actions dans la région du Donbass et a suspendu toute coopération civile et militaire avec la Russie. Au même moment, la coopération entre l’OTAN et l’Ukraine s’est grandement resserrée, surtout en ce qui concerne les réformes des secteurs ukrainiens de la défense et de la sécurité[115]. En parallèle, depuis 2014, le Canada, les États-Unis, l’UE et d’autres partenaires de la communauté internationale ont imposé des sanctions diplomatiques et économiques contre un certain nombre de particuliers et d’entreprises russes. Ces sanctions visent avant tout à exercer une pression sur la Russie en raison de ses agressions en Ukraine et à l’encourager à trouver une solution pacifique au conflit[116]. Dans sa dernière série de sanctions annoncée le 3 novembre 2017, le Canada a imposé des sanctions contre 30 Russes pour violation des droits de la personne en vertu de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski)[117].

Selon la plupart des témoins, l’imposition de sanctions contre la Russie est une politique judicieuse qui donne les résultats escomptés. M. Grod a affirmé qu’« il s’agit de sanctions financières contre la Russie et contre ceux qui appuient les agressions de Poutine dans le monde. Je pense que ces sanctions ont un impact économique important sur la Russie. C’est pour cela que Vladimir Poutine réclame sans cesse au monde d’y mettre un terme […] Voilà où réside la valeur d’une politique de sanctions[118] ».

Cependant, les témoins n’étaient pas tous en faveur des sanctions contre la Russie. Par exemple, Mme Sarah Jane Meharg, professeure auxiliaire, Collège militaire royal du Canada, a fait valoir que les sanctions font plus de torts à la population russe qu’au président russe Vladimir Poutine et à son entourage. « Je n’ai jamais été favorable aux sanctions économiques, a-t-elle dit au Comité, car les personnes qui en souffrent sont les femmes, les enfants et les hommes – les belligérants sont peu touchés, et les dirigeants mégalomanes ne le sont jamais. Dans le cas de la Russie, nous avons une situation où les gens seront plus touchés que les dirigeants en raison des systèmes en place, qu’ils [les dirigeants russes] peuvent contourner et éviter. » À son avis, l’une des « meilleures façons » de travailler avec la Russie « est de tout faire ce qui est en notre pouvoir pour militer en faveur de l’établissement de relations, à de nombreux échelons, mais surtout avec les dirigeants de l’exécutif », ajoutant que « cela donne des résultats plus positifs que les sanctions économiques et la guerre[119] ».

Cela dit, la vaste majorité des témoins ont affirmé que le Canada devrait maintenir ses sanctions contre la Russie et imposer de nouvelles mesures si la situation en Ukraine ne s’améliore pas. À ce sujet, Mme Klympush-Tsintsadze a déclaré ceci :

Les sanctions les plus efficaces contre un agresseur sont les outils et les instruments diplomatiques. Il faut faire explicitement le lien entre ces sanctions et leurs objectifs précis comme le retrait de la Russie de Crimée et de la région du Donbass, le retour à l’intégrité territoriale de l’Ukraine et la réintégration des territoires ukrainiens en un seul État. Concrètement, les sanctions devraient augmenter graduellement en l’absence de progrès et ne pas être levées avant l’atteinte des objectifs […] Si les pays occidentaux devaient lever les sanctions contre la Russie, il se peut que quelques-uns d’entre eux enregistrent à court terme une certaine augmentation de leurs échanges bilatéraux, mais l’abandon des sanctions risquerait de signifier pour la Russie que la déstabilisation de la politique étrangère, la violation du droit international, et des règles et des procédures internationales sont parfaitement acceptables. Toute tentative d’apaisement des relations avec la Russie ne ferait qu’inciter celle-ci à poursuivre sur la même voie pour miner les démocraties et les normes internationales[120].

Selon M. Grod, le Canada devrait « renforcer les sanctions » jusqu’à ce que le « comportement [agressif de la Russie] cesse » et « continuer de renforcer les sanctions imposées à la Russie », particulièrement les « sanctions économiques sectorielles et individuelles[121] » à l’égard des dirigeants russes responsables des agressions et des violations des droits de la personne reconnus à l’échelle internationale menées par la Russie. M. Luciuk, qui abondait dans le même sens, a avancé que le Canada devrait « maintenir, voire accroître, les sanctions économiques que nous avons imposées aux responsables de la guerre actuelle en Ukraine[122] ».

2. Soutien à la mission spéciale d’observation en Ukraine de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

Par l’intermédiaire de sa MSO en Ukraine, l’OSCE a grandement participé à la surveillance des cessez-le-feu tout au long du conflit dans la région de Donbass. Au 3 novembre 2017, la MSO comptait un effectif de 1 096 personnes sur le terrain en Ukraine, soit 619 observateurs (dont 13 Canadiens) et 477 employés de soutien[123]. Toutefois, le nombre d’observateurs affectés à la MSO pourrait atteindre 1 000 personnes, au besoin. Les membres du Comité ont appris, lors de leur rencontre avec les représentants de la MSO à Kyiv pendant leur visite en Ukraine, que le nombre d’observateurs sur place en Ukraine devrait passer à près de 800 d’ici la fin de 2017[124].

En Ukraine, les membres du Comité ont appris que la MSO fait face à de sérieux défis. Par exemple, la violence persistante empêche le personnel d’assurer une surveillance dans certains secteurs de la région du Donbass, et des territoires sous le contrôle de groupes séparatistes prorusses sont interdits d’accès à la MSO, notamment le long des 400 kilomètres de la frontière entre la Russie et l’Ukraine contrôlés par les rebelles[125]. Selon certains témoins, il est inadmissible que des militants prorusses interdisent à la MSO l’accès au territoire occupé et aux portions de la frontière sous leur contrôle, en contravention de l’accord de Minsk II[126].

Toutefois, ces entraves n’empêchent pas la MSO de surveiller le déroulement du conflit armé en Ukraine et de continuer à signaler les violations aux cessez-le-feu. En Ukraine, des représentants de le MSO ont indiqué aux membres du Comité que la situation ne s’améliore pas; en fait, on constate une recrudescence de la violence cette année[127]. Le colonel Siromakha a confirmé cette tendance, indiquant que plus de 13 000 violations du régime de cessez-le-feu ont été observées depuis le début de 2017[128]. La situation semble se détériorer : la MSO a fait état de plus de 5 000 violations des cessez-le-feu entre le 23 et le 29 octobre 2017, soit 80 % de plus que la semaine précédente[129]. En outre, les représentants de la MSO ont indiqué aux membres du Comité que les conditions le long de la ligne de contact sont très difficiles pour les civils, y compris les quelque 40 000 Ukrainiens qui la traversent chaque jour[130]. Le secteur est privé d’électricité, d’eau et de gaz, les denrées sont rares et pratiquement aucune nouvelle ne filtre de l’extérieur; les gens sont isolés et contraints de vivre dans des conditions pénibles[131], et de lourdes pertes sont à déplorer : plus de 400 civils ukrainiens ont été tués depuis le début de l’année 2017[132].

L’observation du conflit armé en Ukraine comporte de nombreux risques. Au cours de leur visite dans ce pays, les membres du Comité ont appris que le personnel de la MSO œuvre dans un environnement dangereux et qu’il est victime de harcèlement et d’enlèvement, souvent sous la menace d’armes à feu. La majorité de ces incidents impliquent les forces séparatistes prorusses. En outre, la MSO a subi des pertes, déplorant des morts et des blessés. Au début de 2017, par exemple, un observateur de la MSO a été tué par une mine antichar[133].

Malgré ces risques, la MSO accomplit un travail important en Ukraine. Les membres du Comité ont appris que les observateurs de la MSO sont essentiellement « les yeux et les oreilles » de la communauté internationale dans la zone de conflit et offrent au Canada et aux autres États des renseignements fiables sur la situation dans l’est de l’Ukraine. Le Comité a par ailleurs appris que l’OSCE est pour l’heure la principale source d’information sur le conflit armé en Ukraine. En outre, le Comité a appris que la présence d’observateurs et de membres du personnel de la MSO en Ukraine a, à l’occasion, dissuadé les parties au conflit de s’attaquer et empêché des violations des droits de la personne[134].

Au cours de leur visite en Ukraine, les membres du Comité ont appris que la MSO serait heureuse d’accueillir plus d’observateurs du Canada, notamment parce qu’elle compte augmenter le nombre d’observateurs en Ukraine d’environ 200 personnes d’ici la fin de l’année 2017. De plus, la MSO a indiqué aux membres du Comité qu’il y a un besoin criant d’observatrices, d’une part pour aider l’OSCE à remplir son mandat d’égalité entre les sexes et, d’autre part, parce que la présence de femmes tend à atténuer les tensions dans les théâtres d’opérations[135]. On a donc encouragé le Canada à déployer davantage d’observatrices en Ukraine. Des 619 observateurs de la MSO en Ukraine en novembre 2017, 88 étaient des femmes[136].

Certains témoins sont d’avis que le Canada devrait exercer plus de pressions sur la Russie pour qu’elle permette à la MSO de surveiller les zones frontalières entre la Russie et l’Ukraine sous le contrôle des militants prorusses. Selon M. Grod, la Russie devrait respecter son engagement de « permettre à l’OSCE de contrôler la frontière russo-ukrainienne ». En ne respectant pas cet engagement, la Russie permet l’introduction sans entrave d’armes et d’équipement militaire en Ukraine. De l’avis de Mr. Grod, le Canada et la communauté internationale devraient exhorter la Russie à changer sa position sur cette question[137].

3. Contribution à une mission de maintien de la paix des Nations Unies en Ukraine

L’Ukraine et la Russie ont toutes deux présenté au Conseil de sécurité des Nations Unies des propositions pour le déploiement d’une force de maintien de la paix des Nations Unies dans la région du Donbass. La proposition de l’Ukraine, qui a été présentée au printemps 2015, prévoit le déploiement d’une force de maintien de la paix partout dans la région du Donbass et le long de la frontière russo-ukrainienne. La délégation ukrainienne aux Nations Unies a demandé qu’une mission d’évaluation soit d’abord menée en Ukraine pour étudier la situation sur le terrain en vue d’en faire rapport au Conseil de sécurité des Nations Unies. La Russie, qui est l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité[138], a exprimé sa « farouche opposition » à la proposition de l’Ukraine, affirmant que « ce genre de mission ira à l’encontre de l’Accord de [Minsk II][139] ». En septembre 2017, la Russie a présenté sa propre proposition de mission de maintien de la paix des Nations Unies, laquelle comprendrait le déploiement d’une force de maintien de la paix le long de la ligne de contact entre les forces ukrainiennes et les forces séparatistes prorusses dans la région du Donbass, essentiellement dans le but de protéger les observateurs de la MSO. La Russie a en outre proposé que ses propres troupes participent à la mission de maintien de la paix[140].

L’Ukraine s’oppose à la proposition de la Russie. Le colonel Siromakha a résumé comme suit les motifs de cette opposition :

[L]e projet proposé par la Russie ne peut pas servir de fondement à la discussion sur l’évaluation préalable au Conseil de sécurité. Les principaux éléments de la position ukrainienne sont les suivants. Toute mission future de l’ONU devra être déployée sur toute l’étendue du territoire temporairement occupé, y compris dans la partie incontrôlée de la frontière nationale entre l’Ukraine et la Russie. Le déploiement d’une mission de l’ONU devrait mener immédiatement à un cessez-le-feu permanent, de même qu’au retrait complet de toutes les troupes, formations et militaires étrangers armés, ainsi que de leurs armes et de leur équipement, du territoire de l’Ukraine. Toute mission de l’ONU doit respecter les principes directeurs de la mise en œuvre d’opérations de maintien de la paix de l’ONU, qui excluent la participation de représentants du pays agresseurs et d’autres parties au conflit. Par conséquent, l’Ukraine rejette l’idée d’une coordination des paramètres futurs d’une mission de l’ONU avec les séparatistes pro-russes. Une future mission de l’ONU ne devrait en aucun cas nuire au travail de l’OSCE ni aux autres organisations internationales présentes [dans la région du] Donbass en les empêchant d’accomplir leur mandat ou en restreignant leur liberté de mouvement[141].

Mme Klympush-Tsintsadze a fait écho à cet argument, ajoutant que la proposition de la Russie déclenche des « alertes rouges » chez le gouvernement ukrainien. Comme elle l’a expliqué, de l’avis de l’Ukraine,

la mission de maintien de la paix de l’ONU doit viser l’ensemble du territoire occupé. Cette mission doit contrôler la frontière incontrôlée entre la Fédération russe et l’Ukraine, et non pas être stationnée dans cette région pour protéger la mission [spéciale d’observation] de l’OSCE. En fait, pour viser la réintégration des territoires, il faut que cette mission s’effectue dans le territoire non contrôlé […] Nous ne pouvons pas non plus accepter que des ressortissants russes participent à cette mission de maintien de la paix[142].

Cela dit, elle a indiqué que l’Ukraine est « disposé[e] à explorer toutes les possibilités dans le cadre d’un dialogue » avec la Russie, ajoutant que le gouvernement ukrainien tient « à garantir la paix en Ukraine et à restaurer [son] intégrité territoriale par des moyens politiques et diplomatiques » et qu’il demeure prêt « à mettre en œuvre un cessez-le-feu complet et durable ». À son avis, « [c]ela constitue une condition absolument essentielle pour que les forces de maintien de la paix puissent être stationnées » en Ukraine[143].

Peggy Mason, présidente de l’Institut Rideau, considère que les propositions de maintien de la paix de l’Ukraine et de la Russie représentent un pas dans la bonne direction même si elles « sont très différentes l’une de l’autre » et a fait valoir qu’elles « ouvrent […] la porte au dialogue afin d’appuyer [l’accord de Minsk II] ». À son avis, comme « il n’existe pas de solution de rechange à l’accord de [Minsk II] », les deux États doivent en faire « beaucoup plus pour organiser et mettre en œuvre un cessez-le-feu » et trouver une solution pacifique au conflit, qui cause une crise humanitaire « terrible sur place ». Selon Mme Mason, une mission de maintien de la paix des Nations Unies améliorerait considérablement la vie des civils dans la zone de conflit et constituerait un grand pas vers une paix durable et solide en Ukraine[144]. Partageant cet avis, M. Luciuk a affirmé que « les deux parties ont fait appel à la paix; les deux parties ont réclamé des observateurs; les deux parties ont demandé la présence d’une force internationale quelconque. Reste à concilier l’orientation qu’elles veulent prendre[145] ».

Certains témoins ont abordé la question de la participation ou du rôle de direction que le Canada devrait assumer ou non dans le cadre d’une éventuelle mission de maintien de la paix des Nations Unies en Ukraine. En septembre 2017, le président ukrainien Petro Porochenko a demandé au Canada d’appuyer une mission de maintien de la paix des Nations Unies en Ukraine et d’y prendre part[146]. Selon le colonel Siromakha, une telle mission de maintien de la paix « marquerait un tournant dans l’histoire de l’Europe moderne. Si le Canada et ses partenaires de l’OTAN pouvaient tous jouer un rôle essentiel dans cette future mission, cela permettrait de régler la situation[147] ».

La plupart des témoins ont affirmé que le Canada devrait appuyer la proposition de l’Ukraine visant la tenue d’une mission de maintien de la paix des Nations Unies dans la région du Donbass et qu’il devrait accepter que du personnel des FAC participe à la mission tant au niveau du commandement qu’à titre de participants. Selon M. Kozak, dans le domaine du maintien de la paix, le Canada est « très crédibl[e]. Nous avons les connaissances nécessaires, nous savons comment procéder et comment travailler avec nos alliés, comme les Nations Unies ». À son avis, grâce à son expérience en maintien de la paix, le Canada est bien placé pour diriger une mission de maintien de la paix en Ukraine[148] :

Le Canada […] a donné naissance au concept du maintien de la paix et depuis les années 1950, il a participé à plus de missions de maintien de la paix que tout autre pays du monde. À ce titre, notre pays est dans une position unique pour mener une mission de maintien de la paix dans la région de Donbass. Il faut toutefois pour ce faire que l’ONU établisse des conditions justes et équitables, dont l’objectif principal sera de restaurer l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Ukraine, ce qui comprend le contrôle ukrainien sur la frontière russe[149].

Certains témoins ont fait valoir que le rôle du Canada ne devrait pas se limiter à la participation à une mission de maintien de la paix des Nations Unies en Ukraine : selon eux, le Canada devrait diriger cette mission. Dans un mémoire présenté au Comité, le Congrès des Ukrainiens-Canadiens a recommandé que le Canada « jou[e] un rôle de premier plan en établissant une mission de maintien de la paix de l’ONU le long de la frontière entre l’Ukraine et la Russie et dans les territoires de Donetsk et de Louhansk occupés par la Russie[150] ». M. Grod a indiqué que le « Canada a maintenant l’occasion de prendre la tête de la communauté internationale dans l’instauration de la paix en Ukraine, pour mettre un terme au carnage quotidien qui se déroule là-bas [e]n dirigeant une mission de maintien de la paix de l’ONU en Ukraine[151] ». M. Bell était du même avis, indiquant lui aussi que le Canada devrait diriger une mission de maintien de la paix en Ukraine. Qualifiant cette mission d’essentielle, il a indiqué qu’il s’agit « probablement [d]’une des missions les plus importantes auxquelles nous pouvons participer en ce moment[152] ». M. Luciuk, qui partageait cet avis, a indiqué que le Canada doit « déployer des soldats canadiens le long de la frontière internationale qui sépare la Russie de l’Ukraine pour empêcher les forces armées russes de faire d’autres incursions en territoire ukrainien et de ravitailler des groupes criminels et terroristes qui pourraient demeurer actifs en Ukraine une fois que les forces russes se seront retirées[153] ».

M. Bell a toutefois fait valoir que « [l]e gouvernement [canadien] actuel pourrait trouver attrayante, en surface, l’idée de contribuer à une intervention menée par les Nations Unies en Ukraine ou dans les districts sécessionnistes de l’Est qui sont en difficulté, étant donné que cette mesure cadrerait avec son mantra “le Canada est de retour” et lui permettrait, en même temps, d’honorer l’engagement qu’il a pris de fournir 600 soldats et 150 agents de police pour les opérations de soutien au maintien de la paix que l’ONU mène à l’étranger ». Cependant, il a fait observer que la Russie détient un droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU et qu’elle « pourrait approuver ou non une telle mission ». Qui plus est, à son avis, même si la Russie ne s’oppose pas à une mission de maintien de la paix des Nations Unies en Ukraine au Conseil de sécurité de l’ONU, elle pourrait utiliser son droit de veto pour s’opposer à ce que le Canada participe à la mission ou à ce qu’il la dirige en raison du soutien militaire qu’il offre à l’Ukraine et du déploiement de troupes canadiennes en Ukraine aux fins de formation des forces armées ukrainiennes[154].

Certains témoins ont indiqué que la participation du Canada à une mission de maintien de la paix de l’ONU en Ukraine n’est pas une possibilité pour l’instant. Par exemple, selon Mme Mason, le Canada ne peut pas« participer à une opération de maintien de la paix potentielle des Nations Unies en raison du rôle militaire qu’il joue en Ukraine dans le cadre de l’OTAN. Ce rôle ne lui permet pas de respecter l’exigence d’impartialité[155] ».

De l’avis de M. Leuprecht, il est trop tôt pour envisager le déploiement d’une mission de maintien de la paix des Nations Unies en Ukraine. Il a affirmé « qu’il est trop tôt pour parler d’une mission de maintien de la paix. Concentrons-nous sur le régime de surveillance que nous avons mis en place et sur ce que nous pouvons faire pour renforcer ce régime ainsi que l’OSCE[156] ».

RENFORCEMENT DES RELATIONS ENTRE LE CANADA ET L’UKRAINE EN MATIÈRE DE DÉFENSE

De nombreux témoins étaient d’avis que la diplomatie et les mesures de prévention et de gestion des conflits sont essentielles à l’établissement d’une paix durable en Ukraine, mais plusieurs ont précisé qu’il faut souvent du temps pour mettre en œuvre ces solutions. À titre d’exemple, M. Bell a affirmé que « [l]e temps requis pour discuter d’une force de maintien de la paix de l’ONU, puis l’organiser et la déployer pourrait être considérable et osciller entre deux et trois ans[157] ». De point de vue similaire, M. Grod a indiqué que, « avant d’en venir à une solution diplomatique, il faut que les parties qui désirent une telle solution soient consentantes. En ce moment, Vladimir Poutine n’est pas intéressé par une solution diplomatique en Ukraine. Il n’a pas cherché à en obtenir une[158] ». Entretemps, le conflit armé en Ukraine se poursuit, causant une destruction délibérée et faisant beaucoup de blessés et de morts sur le territoire ukrainien. Puisque les initiatives de prévention et de gestion des conflits ne semblent pas parvenir à mettre fin au conflit armé en Ukraine, certains témoins ont indiqué que le Canada et la communauté internationale devraient continuer d’appuyer l’Ukraine et l’aider à se défendre contre l’agression russe[159].

Des représentants gouvernementaux et militaires du Canada et de l’Ukraine, ainsi que des spécialistes de la défense et des universitaires, ont formulé plusieurs suggestions sur la manière dont le Canada pourrait offrir une aide supplémentaire à l’Ukraine. Par exemple, ils ont proposé que le Canada fournisse à l’Ukraine des armes létales et de l’équipement militaire de défense, que l’on ajoute l’Ukraine à la Liste des pays désignés (armes automatiques), que l’on lui transmette des renseignements et des images captées par satellites, que l’on renforce la collaboration entre les industries de la défense du Canada et de l’Ukraine et que l’on offre à l’Ukraine une aide en matière de cybersécurité. La plupart des témoins étaient d’avis que ce type de soutien serait précieux pour l’Ukraine, qui se défend contre la Fédération de Russie, et que cette aide pourrait contribuer à mettre fin au conflit armé dans la région du Donbass plus rapidement que prévu.

1. Fourniture d’armes létales et d’équipement militaire de défense

Comme il a déjà été mentionné, depuis 2014, le Canada a fourni aux forces armées de l’Ukraine pour plusieurs millions de dollars d’équipement militaire non létal, et de l’équipement supplémentaire devrait leur être fourni au cours des prochaines années[160]. Cependant, certains témoins ont indiqué que le temps est venu pour le Canada d’envisager sérieusement la possibilité de fournir des armes létales et du matériel militaire de défense à l’Ukraine.

Les représentants du gouvernement ukrainien ont formulé cette recommandation à plusieurs reprises au cours de la visite des membres du Comité en Ukraine[161]. En outre, Mme Klympush-Tsintsadze a décrit comme suit la position de l’Ukraine sur cette question :

[M]ême si nous avons reconstruit nos forces armées à partir de zéro et, malgré le fait que nous avons aujourd’hui une armée permanente qui vient au deuxième rang en importance en Europe, notre personnel a encore besoin d’équipement, de formation, de postes de commandement modernes, de contrôle et de procédures de communication, ainsi que de conseils pour ce qui est d’adapter notre armée aux normes de l’OTAN et, enfin, d’armes létales. Il s’agit pour nous d’être mieux en mesure de nous défendre et de veiller à réduire le nombre de victimes que nous avons en raison […] des violations du cessez-le-feu qui viennent des territoires non contrôlés[162].

Des hauts responsables du ministère de la Défense de l’Ukraine ont indiqué aux membres du Comité, lors de leur visite dans ce pays, que la fourniture d’armes létales et d’équipement militaire de défense par le Canada viendrait augmenter le taux de survie des soldats sur le terrain, stopper la progression des Russes, contribuer à la protection du territoire de l’Ukraine et, plus important encore, aider à renforcer les forces armées de l’Ukraine et à dissuader la Russie de mener d’autres agressions[163]. Selon Mme Klympush-Tsintsadze, ces armes permettraient en outre de sauver des vies. Par exemple, elle a noté que la proportion de victimes causées par les tirs de mortier a grandement diminué en Ukraine une fois que les États-Unis ont fourni au pays des radars de contre-batterie de moyenne portée[164].

Selon certains témoins, l’Ukraine a le droit de se défendre, et il lui faut disposer de systèmes d’armement létal et de l’équipement militaire de défense avancés et à la fin pointe de la technologie ainsi que les dernières technologies militaires. Si elle en disposait, l’Ukraine pourrait être en mesure de lutter contre la Russie et ses milices, qui sont dotées d’armement de pointe. M. Kozak a expliqué que, à juger les armes et l’équipement militaire que détient l’Ukraine à l’heure actuelle, le pays aurait du mal à résister à une attaque d’envergure de la Russie dans la région du Donbass[165]. M. Luciuk a fait observer que l’Ukraine n’est pas celle qui a provoqué ce conflit armé, ajoutant que l’armée ukrainienne ne fait que défendre le pays contre l’agression de la Russie, comme n’importe quel pays le ferait dans cette situation. À son avis, « ce dont l’Ukraine a vraiment besoin aujourd’hui, ce sont des armes défensives pour lutter contre les armes offensives que la Fédération de Russie a déjà déployées contre eux […] Nous devons fournir des armes défensives à l’Ukraine ». Selon lui, cette contribution « rendr[ait] l’armée ukrainienne plus apte à combattre les envahisseurs », ce qui causerait « plus de morts russes » et, partant, aurait un effet dissuasif et permettrait de prévenir d’autres attaques[166]. Sur ce point, il a affirmé ce qui suit :

La fourniture d’armes défensives aiderait les Ukrainiens à faire de l’incursion russe une opération coûteuse et dispendieuse, à la fois au chapitre du matériel et de l’effectif. Je ne crois pas que la Fédération de Russie soit prête à pénétrer plus loin en territoire ukrainien. Elle souhaiterait plutôt maintenir un conflit gelé et déstabilisé de façon à ce que l’Ukraine chancelle entre la stabilité et l’instabilité. En ce qui a trait aux prétendus séparatistes […] ces individus, qui disposent de beaucoup d’armes que n’ont pas les membres de l’armée ukrainienne, ont été recrutés par la Fédération de Russie pour exacerber ce conflit. À mon avis, si les troupes ukrainiennes disposaient des armes défensives dont [elles ont] besoin […], elles pourraient vaincre ces armées mandataires sur le terrain et rendraient très coûteuses pour ces armées la poursuite de leurs activités. Cela pousserait peut-être la Russie à se retirer du territoire[167].

Faisant écho au point de vue de M. Luciuk, M. Grod a indiqué que, vu l’incertitude des perspectives de paix et des discussions sur une mission de maintien de la paix des Nations Unies qui ne se concrétiseront pas avant des mois, sinon des années, l’Ukraine a surtout besoin d’armes létales et d’équipement militaire de défense pour défendre son territoire et sa population contre l’agression de la Russie. Selon lui, « il est important que le Canada s’engage, ne serait-ce que symboliquement, à fournir du matériel militaire défensif au peuple ukrainien pour lui permettre de se défendre. La Russie comprend une chose : l’effet de dissuasion; devoir payer un prix très élevé pour quelques avancées ». À son avis, on pourrait atteindre cet objectif en fournissant des armes létales et de l’équipement militaire de défense à l’armée ukrainienne[168].

Des témoins ont également mentionné l’aspect symbolique que revêtirait la fourniture, par le Canada, d’armes létales et d’équipement militaire de défense à l’Ukraine. M. Kuzio a fait valoir que « cela enverrait un message […] à Moscou selon lequel, au besoin, l’Occident apportera son soutien à l’Ukraine […] Il est tout aussi important, à mon avis, d’envoyer ce message que d’accroître l’arsenal de défense[169] ». M. Kozak a fait écho à ce point de vue, affirmant que « l’approvisionnement d’un nombre limité d’armes défensives constituerait un geste très symbolique […] [U]n tel geste montrerait à M. Poutine que notre soutien envers l’Ukraine, c’est plus que des mots[170] ».

En outre, des témoins ont indiqué que le gouvernement ukrainien a fourni au gouvernement du Canada une longue liste d’armes et d’équipement militaire dont il a besoin et qu’il aimerait obtenir du Canada[171]. Le Comité n’a pas obtenu cette liste, mais les témoins ont mentionné certains des articles qui y figurent. Pendant la visite du Comité en Ukraine, des hauts responsables du ministère de la Défense ukrainien ont affirmé aux membres du Comité que l’Ukraine cherche à obtenir des systèmes de missiles antichars pour se défendre contre la menace que représentent les centaines de chars russes déployés dans la région du Donbass, de même qu’un système de défense aérienne qui protégerait l’espace aérien de l’Ukraine contre l’aviation militaire russe. Selon ces hauts responsables, l’Ukraine aimerait également faire l’acquisition de radios militaires et des systèmes de guerre électronique. Ils ont expliqué au Comité que leur équipement de tir d’élite est désuet et qu’il doit être remplacé. Par conséquent, en partie pour changer la donne dans l’est de l’Ukraine, l’armée aimerait obtenir du Canada de l’équipement de tir d’élite – des fusils, des télescopes et des articles connexes – ainsi que de la formation étant donné que les tireurs d’élite canadiens et leur équipement seraient, selon les représentants ukrainiens, les meilleurs au monde[172]. Certains témoins ont en outre appuyé la proposition faite par le Secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, dans un article du 16 octobre 2017, selon laquelle le Canada et d’autres pays occidentaux devraient fournir à l’Ukraine de l’équipement défensif, comme des lunettes de vision nocturne, des dispositifs de brouillage et des radars anti-batterie qui permettent de localiser la position de tir de l’ennemi[173].

En outre, les autorités militaires ukrainiennes ont manifesté aux membres du Comité leur désir d’obtenir du Canada des pièces de rechange ainsi que de l’équipement et des technologies de pointe afin d’améliorer l’efficacité des systèmes de défense et de l’équipement militaire que produit l’Ukraine[174]. Le secteur industriel de la défense en Ukraine est relativement solide et produit une vaste gamme d’armes et d’équipement militaire, comme des armes légères et des munitions et même des chars, des systèmes de missiles et des avions de transport militaires[175]. En règle générale, une bonne partie de ces articles étaient construits à l’aide de pièces et de composantes russes. En Ukraine, les membres du Comité ont appris que, étant donné que l’Ukraine est en conflit armé contre la Russie et que son armée compte devenir interopérable avec les forces de l’OTAN d’ici 2020, les autorités militaires ukrainiennes sont déterminées à remplacer les pièces et les composantes russes par l’équipement provenant de l’Occident, qui est plus moderne et perfectionné. Par exemple, l’Ukraine produit son propre char de combat principal, le T-84, à Kharkiv, mais les Ukrainiens souhaitent améliorer son efficacité en l’équipant de matériel optique et électronique moderne provenant de l’Occident[176].

Toutefois, ce ne sont pas tous les témoins qui recommandaient la fourniture par le Canada d’armes létales à l’Ukraine. Certains estiment que cette aide risque d’aggraver la crise en Ukraine et de miner les perspectives de paix ainsi que les probabilités de succès d’une mission de maintien de la paix des Nations Unies en Ukraine. Par exemple, Mme Mason était d’avis que la fourniture d’armes – même des armes défensives – à l’Ukraine pourrait « envenimer les choses » dans le camp des groupes séparatistes prorusses, « car les deux côtés auraient l’impression qu’ils doivent réagir à la démonstration de force de l’autre[177] ». Elle a ajouté que, « en raison de la dynamique sur le terrain [selon laquelle] chaque partie doit répondre à une action militaire perçue par l’autre », les armes létales et l’équipement militaire de défense n’engendreraient « aucun avantage militaire important ». Selon elle, l’utilisation d’armes létales et d’équipement militaire de défense par l’Ukraine pourrait être perçue comme une menace militaire par les forces séparatistes prorusses, qui réagiraient en introduisant de nouveaux systèmes d’armes encore plus létales dans le théâtre des opérations, ce qui causerait une montée de la violence. À son avis, le Canada prendrait une mauvaise décision s’il fournissait des armes létales à l’Ukraine, même s’il s’agit d’armes défensives[178].

2. Ajout de l’Ukraine à la Liste des pays désignés (armes automatiques)

La question des contrôles à l’exportation des armes est intimement liée aux discussions sur la fourniture par le Canada d’armes létales et d’équipement de défense à l’Ukraine. Conformément à la Loi sur les licences d’exportation et d’importation, le gouvernement fédéral du Canada contrôle les exportations canadiennes de systèmes d’armes et de produits de défense[179]. La Loi donne au gouvernement fédéral le pouvoir de dresser la Liste des marchandises et technologies d’exportation contrôlée[180]pour contrôler, entre autres choses, les exportations de marchandises et de technologies militaires et d’importance stratégique, notamment « des armes, des munitions, du matériel ou des armements de guerre, et des articles présentant une nature ou une valeur stratégique dont l’utilisation pourrait être préjudiciable à la sécurité du Canada[181] ». En outre, la Loi oblige toute entreprise ou personne qui désire exporter, à partir du Canada, des produits figurant sur la Liste des marchandises et technologies d’exportation contrôlée à « obtenir, préalablement à l’expédition, une licence d’exportation délivrée par Affaires mondiales Canada[182] ». Cela dit, le Canada dresse également la Liste des pays désignés (armes automatiques) en application de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation. Cette liste énumère les États avec lesquels le Canada a conclu « un arrangement intergouvernemental en matière de défense, de recherche-développement et de production et vers lesquels [le gouverneur en conseil] estime justifié de permettre l’exportation[183] » de « certaines armes à feu, de certaines armes et de certains dispositifs prohibés ou de quelque élément ou pièce de tels objets inscrits sur la Liste des marchandises et technologies d’exportation contrôlée[184] ». À l’heure actuelle, la Liste des pays désignés (armes automatiques) comporte 39 États[185]. L’Ukraine n’en fait pas partie.

Au cours de la visite du Comité en Ukraine, les représentants du gouvernement et de l’armée de l’Ukraine ont indiqué à plusieurs reprises que leur pays devrait être ajouté à la Liste des pays désignés (armes automatiques)[186]. À cet égard, le colonel Siromakha a affirmé ce qui suit :

[L’Ukraine] att[end] impatiemment une décision positive du gouvernement canadien concernant l’ajout de l’Ukraine à la liste des pays désignés pour ce qui est des armes automatiques. C’est une initiative cruciale […] pour l’Ukraine. L’Ukraine a besoin d’avoir accès à des armes létales défensives à l’aube de sa quatrième année de combat dans une guerre très réelle et brutale[187].

D’autres témoins étaient aussi d’avis qu’il convient d’ajouter l’Ukraine à la Liste des pays désignés (armes automatiques). Le Congrès des Ukrainiens-Canadiens, par exemple, estime qu’on devrait procéder à cet ajout « afin de permettre l’exportation de certains équipements de défense vers l’Ukraine[188] ». Dans le même ordre d’idées, M. Kozak a affirmé que le gouvernement du Canada devrait travailler « à finaliser le processus visant à ajouter l’Ukraine à la [Liste des pays désignés (armes automatiques)]» de manière à ce que le pays puisse faire l’acquisition d’armes létales et d’équipement militaire du Canada. À son avis, cet ajout devrait être suivi de la fourniture « aux forces ukrainiennes [de] l’équipement militaire non létal dont elles ont grandement besoin[189] ». Selon M. Kozak, l’ajout de l’Ukraine à la liste est une mesure mineure qui coûterait « très peu » au Canada, mais qui aiderait grandement l’Ukraine à se défendre contre l’agression de la Russie. Il a expliqué que « l’ajout de l’Ukraine à la [Liste des pays désignés (armes automatiques)] permettrait au pays d’acheter du Canada l’équipement moderne de pointe dont elle a besoin [pour protéger ses citoyens] sans qu’il en coûte un sou aux contribuables canadiens[190] ».

Cela dit, certains témoins ont exhorté le gouvernement canadien à surveiller de près les armes et l’équipement militaire exporté en Ukraine advenant l’ajout de ce pays à la Liste des pays désignés (armes automatiques). Matt Schroeder, chercheur en chef, Small Arms Survey, a fait valoir que « l’Ukraine est devenue une plaque tournante de la prolifération des armes illégales » depuis l’éclatement des hostilités en 2014[191]. Il a expliqué ce qui suit :

[L]es autorités ukrainiennes saisissent régulièrement des caches d’armes qui contiennent des douzaines d’armes légères et de petit calibre, des cartouches pour armes légères et des centaines de cartouches pour armes de petit calibre. Parmi ces armes, on trouve de tout, des armes à feu historiques aux missiles portatifs de troisième génération. Parmi ces armes les plus importantes, on trouve des systèmes portatifs de défense antiaérienne, ou SPDAA. Ces dernières années, des douzaines d’armes de ce type ont été saisies par les autorités ukrainiennes ou ont été aperçues entre les mains de militants prorusses […] Toutefois, les SPDAA ne sont pas les seules armes illicites qui soulèvent l’inquiétude en Ukraine. En effet, les autorités ont notamment saisi de grandes quantités de mines terrestres antipersonnel, de missiles guidés antichars, de roquettes tirées à l’épaule et de grenade à main – ces dernières se trouvent maintenant partout en Ukraine […] Ces saisies se produisent partout en Ukraine, et pas seulement dans l’Est du pays […] Les armes illégales en Ukraine représentent également une préoccupation pour les autorités d’autres pays […] Ces craintes sont validées par de récents rapports de tentatives contrées de trafic d’armes à feu, de munitions et d’autres armes vers les pays européens […] Les responsables de la sécurité ont également intercepté des envois d’armes transcontinentaux[192].

M. Schroeder a indiqué que, même si le contrôle du trafic illégal d’armes légères est une « tâche colossale » pour n’importe quel gouvernement, le « gouvernement ukrainien travaille activement à lutter contre les armes illicites ». Il a ajouté ce qui suit :

[Le gouvernement] effectue des saisies quotidiennement […] Il fait preuve de professionnalisme. Il documente ce qu’il fait. Il note les numéros de série et les renseignements nécessaires pour les services de renseignement. Il détruit sur place certaines des armes les plus dangereuses. Il est évident qu’il prend ce problème très au sérieux[193].

En outre, M. Schroeder a fait valoir que les dirigeants ukrainiens sont « très bons » pour rendre des comptes sur l’exportation légale d’armes, indiquant que les renseignements à cet égard sont disponibles par l’entremise du Registre des armes classiques des Nations Unies et dans d’autres sources. Il a affirmé qu’« [i]l y a eu une baisse marquée des exportations [d’armes ukrainiennes] depuis le début de la guerre » en 2014, « ce qui n’est pas surprenant » puisque l’Ukraine a probablement besoin de la majorité des armes qu’elle produit pour se défendre contre la Russie[194].

Selon M. Schroeder, si le Canada ajoute l’Ukraine à la Liste des pays désignés (armes automatiques) et que ce pays est autorisé à acheter du Canada des armes létales et de l’équipement militaire, le gouvernement du Canada devrait s’assurer que des « mesures de contrôle […] sont mises en place pour ces exportations » pour garantir que les marchandises sont livrées aux destinataires prévus et pour empêcher qu’elles ne soient réexportées ailleurs[195]. Au sujet de ces mesures de contrôle, il a indiqué ce qui suit :

Il faut les licences adéquates, et on ne peut pas procéder à des réacheminements sans l’autorisation expresse du gouvernement canadien. Puis il y a la surveillance de l’utilisation finale après l’expédition, qui est une mesure que moins de gouvernements ont adoptée, mais c’est la façon la plus efficace de s’assurer que les armes ne sont pas détournées[196].

M. Schroeder a fait valoir que le Canada devrait « emboîte[r] le pas aux États-Unis » en ce qui concerne les mesures de contrôles après l’exportation et a utilisé comme exemple l’exportation de missiles surface-air tirés à l’épaule Stinger. Chaque année, le gouvernement américain procède à « un inventaire complet par numéro de série de chaque missile exporté ». À son avis, l’approche adoptée par les États-Unis constituerait une « pratique exemplaire » dont devrait s’inspirer le Canada s’il en venait à autoriser l’exportation d’armes létales à l’Ukraine[197].

3. Transmission de renseignements et d’images captées par satellite

Le Canada et l’Ukraine pourraient également coopérer dans le domaine du partage du renseignement. Certains témoins sont d’avis que le Canada pourrait fournir des renseignements utiles aux forces armées ukrainiennes sur le terrain. Selon M. Kuzio, « ce serait […] très important de fournir des renseignements aux forces ukrainiennes de première ligne ». Il considère que ce serait « une bonne idée » d’« échanger des renseignements et de l’information entre le Canada et l’Ukraine[198] ». Dans la même veine, M. Luciuk a affirmé que « [n]ous devons continuer de communiquer avec l’Ukraine tous les renseignements politiques ou militaires possibles pour lui permettre de continuer à se défendre contre la Russie[199] ». Au sujet du « manque » de renseignement stratégique en Ukraine, M. Leuprecht a souligné qu’il faut tenir des discussions sur le partage de ce type de renseignement avec les Ukrainiens[200].

Plus précisément, des témoins ont mentionné la transmission d’images captées à l’aide du satellite RADARSAT-2 à l’armée ukrainienne. Entre mars 2015 et mai 2016, le Canada a fourni ce type d’images à l’Ukraine pour l’aider à renforcer sa connaissance des menaces à l’intégrité de son territoire dans la région du Donbass. Ces renseignements partagés ont été utilisés à des fins de défense, et non pour cibler les forces ennemies lors d’opérations offensives[201]. Dans un mémoire qu’il a présenté au cours des consultations publiques sur l’examen de la politique de défense du Canada en 2016, le Congrès des Ukrainiens-Canadiens a recommandé que l’on tire parti des capacités de renseignement du Canada pour soutenir l’Ukraine dans ses effort pour réformer son service du renseignement et améliorer l’échange de renseignements avec les États membres de l’OTAN[202]. Au cours de sa visite au Canada en septembre 2017, le président ukrainien, Petro Porochenko, a demandé au gouvernement du Canada de relancer un programme dans le cadre duquel l’armée ukrainienne avait accès à des images satellites lui permettant de suivre les mouvements des troupes russes et des troupes séparatistes rebelles[203].

Plusieurs représentants du gouvernement ukrainien ont manifesté leur intérêt pour les images captées par le satellite RADARSAT-2. Par exemple, selon Mme Klympush-Tsintsadze, les gouvernements de l’Ukraine et du Canada examinent la possibilité de rétablir la transmission d’images captées par le satellite RADARSAT-2. Elle a fait valoir que le fait « d’obtenir des images claires à haute résolution […] pourrai[t] [les] aider à mieux défendre [l’Ukraine][204] ». Du même avis, le colonel Siromakha a affirmé que le partage des images captées à l’aide du satellite RADARSAT-2 « procurerait une meilleure vue d’ensemble de la situation. Nous avons vraiment besoin de cette information pour mieux comprendre ce qui se passe sur le territoire temporairement non contrôlé de l’Ukraine et le long de la frontière temporairement non contrôlée entre ce pays et la Russie […] de quelque 400 kilomètres ». À son avis, il est particulièrement important pour l’Ukraine de surveiller la manière dont les Russes font subrepticement passer des troupes ainsi que des armes, des munitions, du carburant et d’autres denrées essentielles à la frontière pour soutenir les forces rebelles dans la région du Donbass[205].

De nombreux universitaires et spécialistes de la défense entendus au cours de l’étude ont dit appuyer le rétablissement de la transmission d’images captées à l’aide du satellite RADARSAT-2[206]. M. Kozak, par exemple, a affirmé au Comité que « [l]e gouvernement ukrainien […] a demandé au Canada de recommencer à lui fournir des images satellites de calibre militaire. Le Canada devrait répondre aux demandes du gouvernement ukrainien[207] ».

4. Renforcement de la collaboration entre les industries de la défense du Canada et de l’Ukraine

Selon certains témoins, y compris des représentants du gouvernement de l’Ukraine et des spécialistes de la défense, le Canada et l’Ukraine sont tous deux dotés de secteurs industriels de la défense relativement solides, et il existe des possibilités de resserrer la collaboration entre les deux États dans le domaine militaro-industriel; les liens qui unissent le secteur industriel de la défense du Canada et celui de l’Ukraine devraient être renforcés. Soulignant que les capacités industrielles de l’Ukraine en matière de défense ont historiquement toujours été reliées à celles de la Russie, M. Kuzio a indiqué qu’« [i]l y a eu de la coopération entre différentes branches des complexes militaro-industriels [de la Russie et de l’Ukraine]. L’Ukraine produisait certaines parties; la Russie en produisait d’autres ». Plus particulièrement, les deux États participaient à la production d’aéronefs, de chars et d’autres types de systèmes d’armes et d’équipement militaire[208]. Mentionnons, par exemple, le cas de la production d’aéronefs en Ukraine. La plus grande société du secteur ukrainien de l’aérospatiale est Antonov, qui produit des avions de transport stratégiques et tactiques de grande et de moyenne taille, ainsi que des aéronefs de passagers et des aéronefs pour missions spéciales. On compte parmi ces aéronefs certains des plus grands avions-transporteurs de cargaison lourde au monde, comme l’Antonov AN-124 Ruslan et le gigantesque Antonov AN-225 Mriya. Bien que les aéronefs d’Antonov aient été produits en Ukraine, ils étaient habituellement équipés de réacteurs, de pièces, de composantes et de systèmes provenant de la Russie[209].

Toutefois, depuis le début du conflit armé en 2014, l’Ukraine s’est efforcée de réduire sa dépendance à l’égard de la Russie dans la sphère militaro-industrielle pour plutôt renforcer sa collaboration industrielle en matière de défense avec des sociétés de l’Europe, de l’Amérique du Nord et d’ailleurs dans le monde[210]. Par conséquent, des sociétés comme Antonov ont établi des liens avec des sociétés aérospatiales de l’Occident et remplacent les technologies russes par des technologies occidentales dans leurs nouveaux aéronefs. Par exemple, l’un des aéronefs que produit la société – l’aéronef bimoteur Antonov AN-132 de transport et de mission spéciale, qui a fait son vol inaugural le 31 mars 2017 – est équipé de systèmes occidentaux et est propulsé par des turbopropulseurs PW150A de Pratt & Whitney Canada, fabriqués au Canada[211]. Mme Klympush-Tsintsadze a souligné que l’Ukraine « utilis[e] déjà dans [ses] avions certaines composantes fabriquées au Canada. [Elle] utilis[e] ces composantes pour remplacer celles que l’Ukraine importait auparavant de la Fédération russe[212] ». Cela dit, soulignant qu’il faut en faire davantage pour réduire la dépendance de l’Ukraine à l’égard de la Russie dans certains domaines, et que, même après près de quatre années de conflit, plus de 30 % du commerce de l’Ukraine s’effectue encore avec la Fédération de Russie, elle a conclu qu’« [i]l faut changer tout ceci[213] ».

Selon les universitaires et les spécialistes de la défense qu’ont rencontrés les membres du Comité en Ukraine, les liens militaro-industriels de l’Ukraine avec l’Occident devraient se multiplier au cours des prochaines années. Ils ont fait valoir que, bien que l’industrie de la défense en Ukraine soit solide, elle comporte certaines faiblesses et, donc, elle nécessite un appui externe[214]. De hauts responsables du ministère de la Défense de l’Ukraine ont indiqué aux membres du Comité qu’ils aimeraient solliciter l’industrie de la défense du Canada pour certains projets d’approvisionnement et de production dans le domaine de la défense. L’un de ces projets portait sur l’établissement possible d’une usine de production de munitions en Ukraine avec le soutien du Canada; l’équipement de l’usine serait acheté au Canada. Selon les hauts responsables, des projets conjoints similaires sont envisagés à l’heure actuelle, et ceux-ci pourraient constituer des occasions d’affaires pour les sociétés canadiennes du secteur de la défense[215].

Si certains universitaires et spécialistes de la défense ukrainiens ont mentionné une éventuelle collaboration entre le Canada et l’Ukraine aux fins de la production d’aéronefs, d’autres ont mis en lumière des occasions de collaboration dans le secteur de la construction navale. La marine ukrainienne a vu la taille et la capacité de sa flotte fortement diminuer à la suite de l’invasion et de l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, et elle a perdu de nombreux navires de guerre et marins. Aujourd’hui, la marine ukrainienne est essentiellement réduite à des opérations de défense côtière sur la mer Noire et aux patrouilles fluviales. En Ukraine, les membres du Comité ont appris que l’Ukraine compte reconstruire sa marine et a lancé la construction d’une flotte de petits bâtiments blindés destinés à la navigation fluviale. Cependant, la flotte navale ukrainienne doit également se doter de corvettes et de frégates, d’où les possibilités de collaboration avec le secteur de la construction navale du Canada, bien que l’Ukraine préfère que la construction des navires de guerre ait lieu sur son territoire, comme il a été indiqué aux membres du Comité. Compte tenu du désir de l’Ukraine d’adhérer à l’OTAN et de parvenir à l’interopérabilité avec les forces de l’OTAN d’ici 2020, les nouveaux navires de guerre de l’Ukraine devront probablement être équipés de la technologie navale occidentale (plutôt que russe), ce qui pourrait offrir des débouchés à l’exportation pour les sociétés canadiennes[216].

Comme le Comité en a fait état dans son rapport de juin 2017 intitulé La disponibilité opérationnelle des forces navales du Canada, le secteur de la construction navale du Canada est solide et possède des capacités considérables dans la conception et la construction de navires, de systèmes navals embarqués, de structures et de composants de navires militaires, de technologies de simulation, ainsi que dans le domaine de l’entretien, de la réparation et de la révision des navires militaires. En outre, plusieurs sociétés canadiennes sont reconnues mondialement pour la vente de systèmes navals, de pièces et de composants de navires et d’autres technologies à des forces navales partout dans le monde[217]. Au cours de leur visite en Ukraine, les membres du Comité ont appris que les systèmes navals canadiens ainsi que les pièces et composants navals produits par le Canada pourraient être vendus à l’Ukraine en vue d’être intégrés aux nouveaux navires de la marine ukrainienne[218].

Se disant convaincue que le Canada et l’Ukraine peuvent renforcer leurs relations militaro-industrielles au cours des prochaines années, Mme Klympush-Tsintsadze a indiqué que « des collègues d’Ukroboronprom, l’industrie de la défense ukrainienne, ont prévu de visiter le Canada […] pour présenter des suggestions très concrètes et, je l’espère, très intéressantes afin d’établir une collaboration industrielle dans le secteur de la défense, mais également dans le secteur [de l’aérospatiale], qui pourrait […] être mutuellement avantageuse et intéressante pour les deux parties, l’Ukraine et le Canada[219] ».

5. Autres formes que peut prendre l’aide du Canada

Des témoins ont souligné d’autres avenues que pourrait emprunter le Canada pour aider l’armée ukrainienne. Par exemple, le Canada pourrait offrir une aide dans le domaine de la cybersécurité, partager de l’information sur les blessures de stress opérationnel (BSO), fournir de la formation sur la résilience et la santé mentale aux membres des forces armées de l’Ukraine, accorder aux Ukrainiens une dispense de visa pour entrer au Canada et promouvoir les intérêts de l’Ukraine lorsque le Canada assurera la présidence du G7 en 2018.

Les témoins qui ont recommandé au Canada d’offrir de l’aide en matière de cybersécurité à l’Ukraine ont fait valoir que ce pays est un terrain d’expérimentation de capacités cybernétiques nouvelles et avancées. Plus particulièrement, les Russes ont lancé des milliers de cyberattaques contre l’Ukraine depuis 2014. Selon certains témoins, des spécialistes canadiens de la cybersécurité devraient être déployés en Ukraine non seulement pour aider le pays à renforcer sa cyberdéfense, mais aussi pour observer directement ce qui se déroule en matière de cyberguerre sur le terrain. Comme l’a indiqué Mme Sinclair, la situation en Ukraine est telle qu’il faut lutter contre la cybermenace de manière très explicite[220].

Selon M. Kozak, le Canada « devr[ait] consacrer beaucoup de temps et d’efforts à aider l’Ukraine » en matière de cybersécurité, « mais aussi à apprendre et à mettre en œuvre des solutions au Canada et avec nos partenaires de l’OTAN[221] ». Il estime que

nous devrions contribuer, que nous devrions aider les Ukrainiens avec les technologies et les capacités que nous avons. Mais nous devrions aussi joindre ce mouvement et apprendre le plus possible et le plus rapidement possible pour pouvoir prendre des mesures de prévention ici au Canada, mais aussi dans nos pays alliés membres de l’OTAN[222].

Au cours de leur visite en Ukraine, les membres du Comité ont appris que le Canada aurait également l’occasion d’aider l’Ukraine en fournissant des renseignements sur le traitement des blessures de stress opérationnel (BSO) et des formations sur la résilience et la santé mentale au personnel militaire ukrainien. Des milliers de membres des forces armées de l’Ukraine combattent dans la région du Donbass depuis 2014; bon nombre d’entre eux ont subi des blessures physiques et mentales, en tant que témoins directs des tactiques de guerre modernes, et souffrent du trouble de stress post-traumatique (TSPT) ou d’autres BSO. Selon les autorités militaires ukrainiennes que les membres du Comité ont rencontrées, la « préparation mentale » et la « médecine tactique » ont largement été ignorées avant le début du conflit armé en 2014; toutefois, après l’éclatement des hostilités et l’exposition des troupes ukrainiennes aux situations de combat, on a recommencé à y accorder de l’importance. Constatant qu’un grand nombre de soldats revenaient du front et vivaient mal avec leurs BSO, l’armée ukrainienne a conçu et amélioré des programmes de formation sur la préparation mentale et la médecine tactique[223].

Le Comité a quitté l’Ukraine avec l’impression que plus de mesures pourraient être prises pour renforcer la résilience et la santé mentale des membres des forces armées du pays et pour fournit à l’Ukraine des renseignements sur les BSO et les programmes de traitement possibles. En Ukraine, le personnel des FAC a indiqué aux membres du Comité qu’il y a un besoin en matière de traitement du TSPT en Ukraine[224].

Les autorités militaires ukrainiennes ne connaissant pas les efforts que déploie le Canada pour appuyer ses membres actifs et ses anciens combattants souffrant de BSO[225], les membres du Comité ont décrit les réussites du programme En route vers la préparation mentale (RVPM) des FAC, un programme de formation, de sensibilisation et de développement professionnel sur la résilience et la santé mentale intégré au parcours de carrière des membres des FAC. Mis en place en 2009, le programme RVPM vise à faire en sorte que les membres des FAC reçoivent la formation la plus adaptée pour qu’ils soient mentalement prêts à affronter les défis qu’ils pourraient rencontrer au cours de leur carrière militaire et lors de déploiements[226]. Les hauts responsables de l’armée ukrainienne ont indiqué que ce type de programme sur la résilience et la santé mentale aiderait grandement les forces armées de leur pays, tout comme la communication de renseignements sur les BSO et de traitements possibles. En outre, ils ont mentionné la possibilité de créer un ministère des Anciens Combattants en Ukraine et ont effleuré l’idée que le Canada offre son aide dans ce projet[227].

Lors de leur visite en Ukraine, les membres du Comité ont aussi appris que le Canada pourrait renforcer ses liens avec l’Ukraine et améliorer la coopération militaro-industrielle entre les deux pays en accordant aux Ukrainiens une dispense de visa pour entrer au Canada. À l’heure actuelle, le gouvernement ukrainien permet aux Canadiens d’entrer sur son territoire sans visa, mais le gouvernement du Canada, quant à lui, refuse encore d’accorder cette permission aux Ukrainiens qui souhaitent entrer au Canada[228].

Mme Klympush-Tsintsadze a elle aussi souligné que la dispense de visa pourrait servir à renforcer les « rapports entre nos peuples ». Elle a indiqué que le gouvernement de l’Ukraine a entamé des discussions avec le gouvernement du Canada à ce sujet, et a souligné que « les Canadiens n’ont pas besoin d’un visa pour se rendre en Ukraine ». À son avis, le fait d’accorder le même privilège aux Ukrainiens qui se rendent au Canada serait une mesure bien accueillie qui pourrait améliorer les relations entre les deux pays puisqu’elle offre « la possibilité de renforcer les échanges bilatéraux » et « d’augmenter les rapports entre [les] peuples en facilitant les déplacements entre le Canada et l’Ukraine[229] ». D’autres témoins étaient du même avis, notamment M. Grod, qui a indiqué que le Congrès des Ukrainiens-Canadiens est « résolument en faveur d’un régime sans visa ». À son avis, « ce serait un signe très positif qu’enverrait le Canada s’il accordait aux Ukrainiens un accès sans visa[230] ». D’autres témoins ont fait valoir que, depuis juillet 2017, les Ukrainiens peuvent entrer dans les pays de l’UE sans visa[231].

Au cours de leur visite en Ukraine, il a aussi été indiqué aux membres du Comité que le Canada pourrait défendre les intérêts de l’Ukraine lorsqu’il assurera, pour une période d’un an à partir de janvier 2018, la présidence du G7. Les représentants du gouvernement ukrainien ont affirmé qu’ils aimeraient que le Canada utilise sa position pour appuyer et défendre l’Ukraine au sein du G7[232]. Le colonel Siromakha a exprimé un point de vue similaire[233]. Plus particulièrement, le gouvernement ukrainien souhaite que le Canada utilise son mandat à la présidence du G7 pour promouvoir la paix et la sécurité en Ukraine, appuyer la proposition de l’Ukraine sur la tenue d’une mission de maintien de la paix des Nations Unies dans la région du Donbass et exercer des pressions en faveur de la libération des prisonniers politiques en Crimée et dans la région du Donbass[234]. M. Grod a abondé en ce sens, en recommandant que le Canada utilise sa présidence du G7 pour faire du conflit armé en Ukraine un « thème clé » du G7 en 2018 et chercher à « assurer[a] la paix et la sécurité dans cette région ». Plus précisément, il voudrait que le Canada « assume la direction du dialogue » sur la situation en Ukraine et qu’il encourage la tenue de discussions sérieuses sur la manière dont « les pays du G7 peuvent […] s’unir et agir différemment » de façon à trouver une issue pacifique à la crise en Ukraine[235].

CONCLUSION

De toute évidence, l’Ukraine a besoin de l’aide du Canada et de la communauté internationale pour dénouer de façon pacifique le violent conflit fomenté sur son territoire par la Russie et les « milices » qui agissent pour son compte dans la région du Donbass. À ce jour, ce conflit a fait au-delà de 10 000 morts et 25 000 blessés et a entraîné le déplacement de plus de 1,5 million de personnes[236]. Les pertes matérielles sont également considérables. Des routes, des ponts, des résidences, des hôpitaux, des écoles et d’autres formes d’infrastructure ont été détruits, sans compter les vastes zones du territoire ukrainien maintenant truffées de pièges et de mines antipersonnel ou antichars. L’infrastructure essentielle de l’Ukraine a en outre été ciblée par des cyberattaques dévastatrices. Par ailleurs, l’économie de l’Ukraine a aussi été durement ébranlée par les importantes pertes de capacités économiques et industrielles ayant découlé du conflit dans la région du Donbass[237]. M. Grod a rappelé au Comité que cette région était « le cœur industriel de l’Ukraine » et que le conflit a engendré « un coût très élevé » pour l’Ukraine et sa population[238].

Dans le monde, trop peu de gens comprennent que les deux plus grandes armées terrestres de l’Europe – celle de la Russie et celle de l’Ukraine – s’affrontent à l’heure actuelle dans la région du Donbass. L’Ukraine a à elle seule déployé environ 40 000 troupes dans la zone de conflit dans l’est de son territoire (ces troupes sont appuyées par des unités de la Garde nationale et de gardes-frontières); les forces russes et les forces séparatistes prorusses sont en nombre équivalent. Il s’agit d’un conflit armé moderne où l’on a recours à des armes et de l’équipement militaire figurant parmi les plus avancés et perfectionnés au monde, notamment des armes lourdes comme des chars de combat principaux et des systèmes d’artillerie et de missiles. Selon les autorités militaires ukrainiennes, on compte plus de 700 chars de combat principaux, plus de 1 000 véhicules blindés et plus de 1 200 systèmes d’artillerie dans les territoires « occupés » seulement. En outre, le conflit se caractérise par les tactiques de tranchées, les tirs de mortier, le déploiement de tireurs d’élite, les cyberattaques, la guerre électronique et les campagnes de désinformation. Bien que peu d’aéronefs de combat à voilure fixe n’aient pas été déployés jusqu’à maintenant au cours du conflit, quelques aéronefs ont été abattus, y compris un transporteur aérien civil (vol 17 des Malaysia Airlines en 2014), et les deux parties ont utilisé des drones et des hélicoptères dans l’espace de combat[239].

En plus de ces activités dans la région du Donbass, une situation tendue s’est développée en Crimée, où de grandes formations militaires russes sont stationnées et se tiennent prêtes à attaquer l’Ukraine, au besoin. Selon certains témoins, au cours des trois dernières années, la Russie a transformé la péninsule de Crimée en vaste base militaire, ce qui cause des inquiétudes et de l’instabilité dans la région de la mer Noire[240].

La plupart des témoins ne voient pas d’issue au conflit, qui en est maintenant à sa quatrième année. Les régions de la Crimée et du Donbass demeurent « occupées » par les Russes et les rebelles prorusses, et l’Ukraine n’a aucun contrôle sur ces territoires. Des violations des droits de la personne ont été signalées dans les parties de l’Ukraine sous occupation, et la situation dans la zone de conflit continue de se détériorer. Avec plus de 13 000 violations du régime de cessez‑le-feu en 2017 seulement[241], plusieurs témoins jugeaient difficile de qualifier ce conflit de latent. Comme l’a affirmé M. Grod, il s’agit d’une « vraie guerre, une guerre chaude[242] ». Il apparaît évident pour de nombreux témoins que, tant que la Russie et ses milices « occuperont » le territoire de l’Ukraine et mèneront une offensive armée contre ce pays, la paix dans la région a peu de chances de s’établir. Le conflit armé se poursuivra pendant de nombreuses années, les cessez-le-feu continueront d’être violés, et le nombre de morts continuera d’augmenter jour après jour.

Depuis 2014, le Canada offre un soutien à l’Ukraine pour l’aider dans cette période de besoin. L’aide octroyée au gouvernement et à l’armée de l’Ukraine, qui se chiffre en millions de dollars, comprend entre autres la fourniture d’équipement militaire non létal. Le Canada a également déployé des membres des FAC pour aider l’Ukraine dans l’instruction de ses forces armées. En outre, il a aidé ce pays à réformer son armée par sa participation au Conseil consultatif sur la réforme de la défense de l’Ukraine. Par ailleurs, le Canada a appuyé l’Ukraine en imposant des sanctions contre la Russie et en condamnant la Russie pour l’annexion illégale de la Crimée et sa participation à au conflit armé dans la région du Donbass.

Cependant, la reconstruction et la réforme de l’armée ukrainienne ne sont pas une tâche facile. Le Comité a appris de Mme Sinclair que, puisqu’il s’agit d’un long processus qui nécessitera des années avant d’être achevé, le Canada et la communauté internationale ne doivent pas perdre patience. Ils doivent poursuivre leurs efforts et continuer d’appuyer l’Ukraine et d’aider ses forces armées à devenir interopérables avec les forces de l’OTAN d’ici 2020. Mme Sinclair a expliqué que, pour ce faire, il faudra éliminer la corruption interne et d’autres problèmes systémiques, non seulement au sein de l’armée, mais également au sein de la société ukrainienne. C’est là un objectif impératif que doit atteindre l’Ukraine si elle désire véritablement se joindre à l’UE et à l’OTAN[243].

Des témoins ont indiqué au Comité que le Canada et la communauté internationale doivent faire preuve de solidarité pour trouver une solution pacifique au conflit armé en Ukraine. Par ailleurs, des témoins ont affirmé que l’agression de la Russie contre l’Ukraine doit prendre fin, et la Russie doit quitter la Crimée et rendre le contrôle du territoire à l’État qui en détient la souveraineté légitime : l’Ukraine. En outre, la Russie doit se retirer de la région du Donbass et cesser d’appuyer et d’approvisionner les forces rebelles. Tous les territoires occupés doivent être rendus à l’Ukraine, et une mission de maintien de la paix des Nations Unies devrait être déployée dans la région du Donbass pour assurer une paix durable et à long terme entre la Russie et l’Ukraine. De nombreux témoins se sont dits d’avis que le Canada devrait promouvoir la paix et la stabilité dans la région en imposant plus de sanctions contre la Russie, en déployant davantage d’observateurs dans le cadre de la MSO de l’OSCE, et en contribuant à une possible mission de maintien de la paix des Nations Unies dans la région du Donbass.

Certains témoins ont fait valoir que, parallèlement à ces efforts, le Canada devrait continuer d’appuyer l’Ukraine et peut-être renforcer sa relation en matière de défense avec celle-ci. Des représentants du gouvernement et de l’armée de l’Ukraine, ainsi que des universitaires et des spécialistes de la défense, ont indiqué au Comité les domaines dans lesquels le Canada pourrait offrir une aide précieuse à l’Ukraine. Les mesures proposées comprennent notamment ce qui suit : améliorer la formation offerte aux membres des forces armées de l’Ukraine par l’intermédiaire de l’opération UNIFIER, autoriser l’exportation vers l’Ukraine d’armes létales et d’équipement militaire de défense, ajouter l’Ukraine à la Liste des pays désignés (armes automatiques), assurer la transmission de renseignements et d’images captées par satellite, renforcer les liens entre les secteurs militaro‑industriels et les secteurs de l’aéronautique du Canada et de l’Ukraine, fournir de l’aide en matière de cybersécurité, accorder la dispense de visa aux Ukrainiens qui viennent au Canada et faire la promotion des intérêts de l’Ukraine au sein du G7.

À la lumière des témoignages entendus à Ottawa et au cours de sa visite en Ukraine, le Comité formule les recommandations suivantes à l’intention du gouvernement du Canada :

LISTE DE RECOMMANDATIONS

Le Comité recommande :

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada continue d’offrir une instruction militaire solide aux forces armées ukrainiennes et trouve des moyens d’élargir le type d’instruction et de soutien offerts par les Forces armées canadiennes (FAC) dans le cadre de l’opération UNIFIER.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada renforce la contribution du Canada à la formation militaire, à la formation policière, à la formation en justice et à la formation anticorruption après l’expiration des accords de financement actuels.

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada facilite l’établissement de relations plus solides entre les deux parlements, notamment en offrant du soutien pour la mise en place de mécanismes, d’institutions et de formation anticorruption, comme l’ont demandé les représentants ukrainiens. Le Comité recommande aussi que le gouvernement du Canada examine différentes façons d’aider l’Ukraine à créer des mécanismes semblables au vérificateur général du Canada ainsi qu’au Comité des comptes publics et au Comité de la défense nationale de la Chambre des communes du Canada.

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada bonifie la contribution du Canada à la mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine et envisage de déployer plus de femmes.

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada fasse la promotion d’une mission de maintien de la paix des Nations Unies en Ukraine qui respecterait l’intégrité territoriale du pays.

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada élargisse le soutien du Canada à la promotion de l’égalité des sexes par l’entremise du Programme canadien de développement en Ukraine, des programmes existants des Nations Unies et des initiatives pour les femmes, la paix et la sécurité.

Recommandation 7

Que le gouvernement du Canada envisage de fournir des armes létales à l’Ukraine pour lui permettre de protéger sa souveraineté contre les agressions de la Russie, pourvu que l’Ukraine démontre qu’elle travaille activement à éliminer la corruption à tous les niveaux de gouvernement.

Recommandation 8

Que le gouvernement du Canada ajoute l’Ukraine à la Liste des pays désignés (armes automatiques).

Recommandation 9

Que le gouvernement du Canada rétablisse la transmission d’images captées à l’aide du satellite RADARSAT-2 et entreprenne d’échanger des capacités de renseignements avec l’Ukraine.

Recommandation 10

Que le gouvernement du Canada encourage la collaboration entre les industries de la défense du Canada et de l’Ukraine.

Recommandation 11

Que le gouvernement du Canada s’engage à appuyer l’Ukraine dans sa résistance aux attaques de guerre hybride, particulièrement en ce qui a trait aux cyberattaques contre des systèmes gouvernementaux et des infrastructures essentielles, et à la diffusion de propagande étrangère et de désinformation par l’entremise des médias.

Recommandation 12

Que le gouvernement du Canada affecte du personnel des FAC qualifié en matière de cybersécurité aux activités de cyberdéfense de l’Ukraine afin d’aider à surveiller et à défendre les infrastructures essentielles du pays contre les cyberattaques et la guerre hybride ainsi que les communications connexes; et afin de participer à des exercices interopérationnels visant à former et à perfectionner les capacités des alliés de l’Ukraine en prévision de nouvelles cybermenaces.

Recommandation 13

Que le gouvernement du Canada annonce un plan pour permettre aux Ukrainiens de se rendre au Canada sans visa.

Recommandation 14

Que le gouvernement du Canada rétablisse l’Accord sur la mobilité des jeunes avec l’Ukraine pour permettre aux Ukrainiens admissibles de venir au Canada et d’y travailler pendant une période maximale d’un an, ce qui permettra de renforcer encore davantage la coopération économique et culturelle entre le Canada et l’Ukraine.

Recommandation 15

Que le gouvernement du Canada envisage de favoriser les intérêts de l’Ukraine au G7.

Recommandation 16

Que le gouvernement du Canada prenne part au développement des relations entre le gouvernement ukrainien et les groupes de la société civile, favorise le dialogue ouvert à cet égard et participe au renforcement des capacités des groupes de la société civile, particulièrement dans la lutte contre la corruption.

Recommandation 17

Que le gouvernement du Canada élargisse la portée des sanctions, notamment en mettant en application la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergeï Magnitski), contre ceux qui ont contribué au conflit armé en Ukraine et qu’il collabore avec ses alliés, dont l’OTAN, afin que ceux‑ci maintiennent leurs régimes de sanctions envers les agents russes.


[1]              Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes [NDDN], Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Ihor Kozak).

[2]              NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Lubomyr Luciuk).

[3]              Le Canada a imposé des sanctions à 93 Russes et à plus de 60 organismes russes par l’adoption du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie, d’abord proposé en mars 2014, puis modifié à quelques reprises depuis. Le nom des personnes et organismes russes visés se trouve dans la section « Entrée en vigueur » du Règlement. Des sanctions contre 30 autres Russes ont été imposées en novembre 2017 au moyen de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski). La liste des personnes visées se trouve dans le Règlement relatif à la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus.

[4]              Ministère de la Défense nationale (MDN), Opération UNIFIER.

[6]              NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Ihor Kozak).

[7]              NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 octobre 2017 (Paul Grod).

[8]              NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[9]              Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[10]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[11]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Taras Kuzio).

[12]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Christian Leuprecht).

[13]            Martin Auger, Katherine Simonds, Natalie Mychajlyszyn, Erin Shaw et Alexandra Smith, Étude générale sur la crise en Ukraine, Document pour diffusion générale, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, Ottawa, 19 octobre 2017, p. 1 à 10.

[14]            Ibid., p. 9 à 14.

[15]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Lubomyr Luciuk).

[16]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[17]            Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[18]            Vincent L. Morelli, Ukraine: Current Issues and U.S. Policy, Service de recherche du Congrès américain, 3 janvier 2017, p. 25.

[19]            Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017; NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 octobre 2017 (Paul Grod).

[20]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[21]            Ibid.

[22]            Ibid.

[23]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 octobre 2017 (Paul Grod).

[24]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[25]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Ihor Kozak).

[26]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Taras Kuzio).

[27]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Taras Kuzio et Lubomyr Luciuk); NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 octobre 2017 (Paul Grod).

[28]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Taras Kuzio et Lubomyr Luciuk); NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 octobre 2017 (Paul Grod).

[29]            NDDN, Témoignage, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Taras Kuzio).

[30]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Peggy Mason).

[31]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[32]            Ibid.

[33]            Ibid.

[34]            Ibid.

[35]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Ihor Kozak).

[36]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2017 (Alan Bell).

[37]            Ibid.

[38]            Ibid.

[39]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Lubomyr Luciuk).

[40]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 octobre 2017 (Paul Grod).

[41]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Taras Kuzio).

[42]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[43]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Ihor Kozak).

[44]            Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[45]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[46]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Ihor Kozak).

[47]            Ibid.

[48]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[49]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Taras Kuzio).

[50]            Ibid.

[51]            Ian Litschko, Lights Out: An Examination of Cyber Attacks in Ukraine and the Baltic States, Mackenzie Institute, 23 octobre 2017.

[52]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2017 (Colonel Viktor Siromakha).

[53]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2017 (Alan Bell).

[54]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2017 (Colonel Viktor Siromakha).

[55]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Ihor Kozak); NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2017 (Alan Bell).

[56]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[57]            Institut international d’études stratégiques, The Military Balance 2014, 2014, p. 194 à 197; Institut international d’études stratégiques, The Military Balance 2017, 2017, p. 227 à 231.

[58]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Taras Kuzio).

[59]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[60]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Christian Leuprecht).

[61]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Jill Sinclair).

[62]            Ibid.

[64]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Jill Sinclair).

[65]            Ibid.

[66]            Ibid.

[67]            Ibid.

[68]            Ibid.

[69]            Ibid.

[70]            Ibid.

[71]            Ibid.

[72]            Ibid.

[73]            MDN, « Opération UNIFIER ».

[74]            Ministère de la Défense (Ukraine), « Partenariats internationaux » [disponible en anglais seulement].

[75]            MDN, « Operation UNIFIER : JTF-U Brief to Standing Committee on National Defence » [disponible en anglais seulement], document distribué aux membres du NDDN lors de leur visite de la Force opérationnelle interarmées – Ukraine (FOI-U), Yavoriv, le 23 septembre 2017; MDN, Opération UNIFIER.

[76]            Ibid.

[77]            MDN, « Operation UNIFIER : JTF-U Brief to Standing Committee on National Defence ».

[78]            MDN, « Le Canada renouvelle son engagement militaire envers l’Ukraine », communiqué, 6 mars 2017.

[79]            MDN, Opération UNIFIER.

[80]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 octobre 2017 (Paul Grod).

[81]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Lubomyr Luciuk).

[82]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Ihor Kozak).

[83]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Jill Sinclair).

[84]            Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017, NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Ihor Kozak).

[85]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2017 (Alan Bell).

[86]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Jill Sinclair).

[87]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Christian Leuprecht).

[88]            Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[89]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Ihor Kozak).

[90]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Christian Leuprecht).

[91]            MDN, « Le gouvernement du Canada signe l'accord de coopération de défense Canada-Ukraine », communiqué, 3 avril 2017.

[93]            Morelli, Ukraine: Current Issues and U.S. Policy, p. 2 à 14.

[94]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Jill Sinclair).

[95]            Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[96]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Ihor Kozak).

[97]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[98]            Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[99]            NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[100]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[101]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[102]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Jill Sinclair).

[103]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[104]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 octobre 2017 (Paul Grod).

[105]          Ibid.

[106]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[107]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Christian Leuprecht).

[108]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[109]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Taras Kuzio).

[110]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Christian Leuprecht).

[111]          Ibid.

[112]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Taras Kuzio).

[113]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2017 (Colonel Viktor Siromakha).

[114]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 octobre 2017 (Paul Grod).

[115]          L’Ukraine fait partie du programme du Partenariat pour la paix de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) depuis 1994. Ce programme vise à renforcer la stabilité et à consolider les relations de sécurité entre les pays de la zone euro-atlantique, qu’ils soient membres de l’OTAN ou non. Voir : OTAN, « Les relations avec l'Ukraine » et « Le Partenariat pour la paix ».

[116]          Morelli, Ukraine: Current Issues and U.S. Policy, p. 33 à 36. Voir aussi : Affaires mondiales Canada (AMC), « Les sanctions canadiennes liées à la Russie » et « Les sanctions canadiennes liées à l'Ukraine ».

[118]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 octobre 2017 (Paul Grod).

[119]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 20 novembre 2017 (Sarah Jane Meharg).

[120]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[121]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 octobre 2017 (Paul Grod).

[122]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Lubomyr Luciuk).

[123]          Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe [OSCE], Mission spécial d’observation [MSO] en Ukraine, Status Report as of 1 November 2017, 3 novembre 2017.

[124]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[125]          Ibid.

[126]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze); NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2017 (Colonel Viktor Siromakha).

[127]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[128]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2017 (Colonel Viktor Siromakha).

[129]          MSO OSCE, Status Report as of 1 November 2017, 3 novembre 2017.

[130]          Right to Protection et Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), Crossing the Line of Contact Monitoring Report, June-July 2017, p. 3; Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), Ukraine: Checkpoints — Humanitarian Snapshot (as of 16 November 2017), 16 novembre 2017.

[131]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[132]          MSO OSCE, Status Report as of 1 November 2017, 3 novembre 2017.

[133]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[134]          Ibid.

[135]          Ibid.

[136]          MSO OSCE, Status Report as of 1 November 2017, 3 novembre 2017.

[137]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 octobre 2017 (Paul Grod).

[138]          Les quatre autres membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies sont la Chine, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis.

[139]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2017 (Colonel Viktor Siromakha).

[140]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[141]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2017 (Colonel Viktor Siromakha).

[142]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[143]          Ibid.

[144]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Peggy Mason).

[145]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Lubomyr Luciuk).

[147]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2017 (Colonel Viktor Siromakha).

[148]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Ihor Kozak).

[149]          Ibid.

[150]          Congrès des Ukrainiens-Canadiens [CUC], Note d’information du Congrès des Ukrainiens-Canadiens au Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes, 23 octobre 2017.

[151]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 octobre 2017 (Paul Grod).

[152]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2017 (Alan Bell).

[153]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Lubomyr Luciuk).

[154]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2017 (Alan Bell).

[155]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Peggy Mason).

[156]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Christian Leuprecht).

[157]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2017 (Alan Bell).

[158]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 octobre 2017 (Paul Grod).

[159]          Ibid.

[161]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[162]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[163]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[164]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[165]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Ihor Kozak).

[166]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Lubomyr Luciuk).

[167]          Ibid.

[168]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 octobre 2017 (Paul Grod).

[169]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Taras Kuzio).

[170]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Ihor Kozak).

[171]          Ibid.

[172]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[173]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Lubomyr Luciuk); NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Ihor Kozak). Voir également Anders Fogh Rasmussen, « Peace in Ukraine Requires a ‘Carrot and Stick’ Approach », Globe and Mail, 16 octobre 2017.

[174]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[175]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017; NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Lubomyr Luciuk).

[176]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[177]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Peggy Mason).

[178]          Ibid.

[179]          Loi sur les licences d'exportation et d'importation, L.R.C. 1985, ch. E-19.

[180]          La Liste des marchandises et technologies d’exportation contrôlée contient sept catégories : Groupe 1 (Double usage); Groupe 2 (Matériel de guerre); Groupe 3 (Non-prolifération nucléaire); Groupe 4 (Double usage dans le secteur nucléaire); Groupe 5 (Marchandises et technologies diverses); Groupe 6 (Régime de contrôle de la technologie des missiles); et Groupe 7 (Non-prolifération des armes chimiques et biologiques). Voir : Liste des marchandises et technologies d'exportation contrôlée, DORS/89-202. Pour connaître les marchandises comprises dans chaque groupe, voir AMC, Guide des contrôles à l'exportation du Canada.

[181]          AMC, Marchandises militaires et d'importance stratégique. Le Groupe 2 (Matériel de guerre) de la Liste des marchandises et technologies d’exportation contrôlée englobe la plupart des systèmes d’armes et de l’équipement militaire. Il comprend les types de marchandises suivants : armes à canon lisse et armes automatiques (canons, obusiers, mortiers, pièces d’artillerie, armes antichars, lance-projectiles, lance-flammes, carabines, armes de poing, mitrailleuse, etc.); munitions et dispositifs de réglage de fusée; bombes, grenades, torpilles, roquettes, missiles et autres dispositifs explosifs; matériel de conduite de tir; véhicules terrestres (chars, véhicules blindés et autres véhicules militaires armés ou non armés); agents chimiques ou biologiques toxiques; substances explosives; navires de guerre (de surface ou sous-marins); aéronefs militaires, véhicules plus légers que l’air et véhicules aériens sans équipage; matériel électronique et engins spatiaux militaires; systèmes d’armes à énergie cinétique à grande vitesse; matériels et constructions blindés ou de protection; matériel spécialisé pour l’entraînement militaire ou les mises en situation militaires; matériel d’imagerie ou de contre-mesures spécialement conçu pour l’usage militaire; systèmes d’armes à énergie dirigée; logiciels, et équipement, technologie et matériel divers utilisés dans la production de tout produit compris dans le Groupe 2. Voir AMC, Guide des contrôles à l'exportation du Canada. AMC publie un rapport annuel sur les exportations de marchandises et de technologies militaires comprises dans le Groupe 2. Pour consulter le rapport le plus récent, voir AMC, Les exportations de marchandises militaires 2016.

[183]          Loi sur les licences d'exportation et d'importation, L.R.C. (1985), ch. E-19, art. 4.1.

[184]          Selon AMC, les « produits suivants et leurs pièces et composantes […] sont soumis à la Liste des pays désignés - Armes automatiques s’ils figurent à la Liste des marchandises et technologies d’exportation contrôlée : (1) arme automatique, qu’elle ait été ou non modifiée pour ne tirer qu’un seul projectile à chaque pression de la détente; (2) arme à feu désignée comme prohibée par règlement; (3) toute arme – qui n’est pas une arme à feu – désignée comme prohibée par règlement; (4) élément ou pièce d’une arme, ou accessoire destiné à être utilisé avec une arme, désigné comme prohibé par règlement; (5) chargeur désigné comme prohibé par règlement » . Voir AMC, Manuel des contrôles à l'exportation, août 2017, p. 22.

[185]          Les 39 États sont les suivantes : Albanie; Allemagne, Arabie saoudite; Australie; Belgique; Botswana; Bulgarie; Chili; Colombie; Croatie; Corée du Sud; Danemark; Espagne; Estonie; États-Unis; Finlande; France; Grèce; Hongrie; Islande; Israël; Italie; Koweït; Lettonie; Lituanie; Luxembourg; Norvège; Nouvelle-Zélande; Pays-Bas; Pérou; Pologne; Portugal; République tchèque; Roumanie; Royaume-Uni; Slovaquie; Slovénie; Suède; Turquie. Voir Liste des pays désignés (armes automatiques), DORS/91-575.

[186]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[187]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2017 (Colonel Viktor Siromakha).

[188]          CUC, Note d’information du Congrès des Ukrainiens-Canadiens au Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes, 23 octobre 2017.

[189]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Ihor Kozak).

[190]          Ibid.

[191]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Matt Schroeder).

[192]          Ibid.

[193]          Ibid.

[194]          Ibid.

[195]          Ibid.

[196]          Ibid.

[197]          Ibid.

[198]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Taras Kuzio).

[199]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Lubomyr Luciuk).

[200]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Christian Leuprecht).

[201]          MDN, Opération UNIFIER du Canada, note d’information distribuée au Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes lors de son voyage en Belgique, en Lettonie et en Ukraine, septembre 2017.

[202]          UCC, Canada’s Defence Policy Review Public Consultation 2016, exposé de principes, juin 2016.

[204]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[205]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2017 (Colonel Viktor Siromakha).

[206]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Lubomyr Luciuk).

[207]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Ihor Kozak).

[208]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Taras Kuzio).

[209]          Antonov, « Aircraft ».

[210]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 octobre 2017 (Lubomyr Luciuk).

[211]          « Antonov’s AN 132 Makes Maiden Flight », Jane’s 360, 3 avril 2017.

[212]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[213]          Ibid.

[214]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[215]          Ibid.

[216]          Ibid.

[217]          NDDN, La disponibilité opérationnelle des forces navales du Canada, 1re session, 42e législature, juin 2017.

[218]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[219]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[220]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Jill Sinclair).

[221]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Ihor Kozak).

[222]          Ibid.

[223]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[224]          Ibid.

[225]          Pour un survol des programmes et services du gouvernement fédéral offerts aux membres actifs et aux anciens combattants des FAC et de la Gendarmerie royale du Canada souffrant de blessures de stress opérationnel, voir Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, Rapport provisoire sur les blessures de stress opérationnel des anciens combattants du Canada, 2e session, 41e législature, juin 2015.

[227]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[228]          Ibid.

[229]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[230]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 octobre 2017 (Paul Grod).

[231]          Ibid.; NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Jill Sinclair).

[232]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[233]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2017 (Colonel Viktor Siromakha).

[234]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[235]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 octobre 2017 (Paul Grod).

[236]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[237]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2017 (Colonel Viktor Siromakha).

[238]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 octobre 2017 (Paul Grod).

[239]          Visite du NDDN en Ukraine, du 23 au 26 septembre 2017.

[240]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2017 (L’hon. Ivanna Klympush-Tsintsadze).

[241]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 25 octobre 2017 (Colonel Viktor Siromakha).

[242]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 23 octobre 2017 (Paul Grod).

[243]          NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 18 octobre 2017 (Jill Sinclair).