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PACP Rapport du Comité

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INTRODUCTION

Selon le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG), en 2009, « le gouvernement du Canada a amorcé la transformation des processus d’administration de la paye de ses 290 000 employés. Services publics et Approvisionnement Canada [SPAC] était chargé de piloter cette initiative de transformation de l’administration de la paye. Celle-ci s’articulait autour de deux projets : la centralisation des services de la paye pour 46 ministères et organismes employant près de 70 % des fonctionnaires fédéraux; et le remplacement du système de paye datant de plus de 40 ans, utilisé par 101 ministères et organismes[1] ». Cette initiative a mis sept années à être réalisée et a coûté 310 millions de dollars. De plus, le gouvernement « prévoyait ainsi réaliser des économies d’environ 70 millions de dollars par année à compter de l’exercice 2016-2017[2] ».

Auparavant, « chaque ministère et organisme traitait la paye de ses propres employés par l’entremise de ses propres conseillers en rémunération. Ces spécialistes traitaient la paye, conseillaient les employés et corrigeaient les erreurs. Il y avait environ 2 000 conseillers répartis au sein des 101 ministères et organismes[3] ».

Le BVG ajoute qu’en mai 2012, SPAC « a commencé à regrouper les conseillers en rémunération de 46 ministères et organismes dans le nouveau Centre des services de paye de la fonction publique, à Miramichi, au Nouveau-Brunswick. Quelque 1 200 conseillers au sein de ces 46 ministères et organismes ont perdu leur poste au début de 2016 et ont été remplacés par 460 conseillers et 90 employés de soutien au Centre de Miramichi[4] ».

Le système choisi pour remplacer l’ancien système de paye de l’administration fédérale a été nommé Phénix, un système de paye commercial appelé PeopleSoft, mais adapté pour la fonction fédérale par IBM, qui devait aussi veiller à sa mise en œuvre, son intégration et son déploiement[5].

Phénix a été lancé en deux étapes : une première, pour 34 organismes fédéraux, en février 2016, et une seconde, en avril 2016, pour les 67 organismes restants. Selon le BVG, on s’attendait à ce qu’une fois Phénix mis en place, « les 460 conseillers en rémunération du Centre des services de paye de Miramichi soient en mesure de faire le travail des 1 200 conseillers qui travaillaient auparavant dans les 46 ministères et organismes devenus des clients du Centre[6] ».

Le développement de Phénix s’est avéré complexe, avec plus de 80 000 règles provenant de 105 conventions collectives à intégrer au système. De plus, les « 34 systèmes de ressources humaines au sein du gouvernement du Canada devaient donc être munis d’une interface pour partager avec Phénix les données nécessaires. Par conséquent, pour assurer la gestion des règles relatives à la rémunération et celle des interfaces avec les systèmes de ressources humaines, [SPAC] a intégré à Phénix plus de 200 programmes personnalisés[7] ».

Selon le BVG, le rôle des différents organismes fédéraux dans l’administration de la rémunération des employés fédéraux est le suivant :

  • Services publics et Approvisionnement Canada :
    • met au point et exploite le système Phénix, assure la maintenance du système et communique des instructions aux utilisateurs;
    • gère la rémunération des fonctionnaires fédéraux;
    • saisit directement dans Phénix des données nécessaires, afin d’amorcer, de modifier ou d’interrompre la paye des employés, en fonction des demandes et des informations fournies par les entités des 46 entités dont les services de rémunération ont été centralisés à Miramichi[8].
  • Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT) :
    • appuie le Conseil du Trésor dans son rôle d’employeur de la fonction publique en l’aidant à déterminer et à réglementer la rémunération des fonctionnaires, les heures de travail et les autres conditions d’emploi;
    • négocie les conventions collectives avec les syndicats;
    • communique aux ministères et organismes des directives et des indications sur les modalités de mise en œuvre des politiques de rémunération du Conseil du Trésor;
    • favorise l’échange d’information et de pratiques exemplaires sur l’administration de la paye dans l’ensemble de l’administration publique;
    • établit des processus opérationnels documentés à l’intention des ressources humaines[9].
  • Ministères et organismes :
    • veillent à ce que leurs systèmes de gestion des ressources humaines et les processus de soutien connexes soient compatibles avec Phénix et s’y intègrent;
    • communiquent à Phénix, en temps opportun, les renseignements complets et exacts qui sont nécessaires pour rémunérer leurs employés, indirectement, via le centre de Miramichi pour les 46 entités dont la rémunération y est centralisée, ou directement pour les 55 autres entités, en utilisant le système Phénix[10].

Enfin, tous les organismes, y compris SPAC et le SCT, ont l’obligation de « verser aux employés le montant exact de leur paye en temps opportun[11] ».

Le BVG a mené un audit, publié à l’automne 2017, ayant pour but de déterminer si SPAC, « en collaboration avec les ministères et organismes retenus, avait réglé les problèmes de paye des fonctionnaires fédéraux de manière durable pour veiller à ce que ceux-ci reçoivent systématiquement le montant exact de leur paye en temps opportun[12] ». Au cours de ce processus, douze organismes ou entités ont été audités[13].

Le 28 novembre 2017, le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes (le Comité) s’est réuni pour étudier cet audit. Les témoins suivants étaient présents : du BVG, Michael Ferguson, vérificateur général du Canada (VG), et Jean Goulet, directeur principal; du SCT, Yaprak Baltacioğlu, secrétaire du Conseil du Trésor du Canada et Cécile Cléroux, sous-ministre adjointe, Secteur de la transformation de la gestion des ressources humaines, Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines; et de SPAC, Marie Lemay, sous-ministre, et Les Linklater, sous-ministre délégué[14].

Il est à noter que le BVG n’a pas « examiné les événements ou les décisions qui ont abouti à la mise en œuvre de l’initiative de transformation de l’administration de la paye, notamment la centralisation des conseillers en rémunération et le lancement du système Phénix. Un audit ultérieur sera consacré à la mise en œuvre de Phénix[15] ».

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

A.         Les opérations de la paye

1.         Problèmes de paye et compréhension de leurs causes

Le BVG a constaté « qu’un an et demi après le lancement du système de paye Phénix, le nombre de fonctionnaires dans les ministères et organismes ayant recours au Centre des services de paye de Miramichi qui avaient des demandes d’intervention de paye en attente avait quadruplé et dépassait les 150 000. Les ministères et organismes sont aux prises avec des problèmes de paye depuis le lancement de Phénix. Il a cependant fallu quatre mois à [SPAC] pour reconnaître l’existence de graves problèmes de paye, et il a fallu ensuite environ un an au Ministère pour mieux comprendre l’ensemble des problèmes[16] ».

De plus, le problème « s’est tellement aggravé que le 30 juin 2017, les erreurs non corrigées dans la rémunération des fonctionnaires avoisinaient plus d’un demi-milliard de dollars. Ce montant comprenait les sommes dues à des fonctionnaires qui ont été sous-payés, auxquelles s’ajoutaient les sommes dues à l’État par des fonctionnaires qui ont été trop payés[17] ». Du total de 523 millions de dollars en erreurs, 295 millions de dollars étaient dus au gouvernement par 59 000 fonctionnaires, et 228 millions étaient dus à 51 000 fonctionnaires par le gouvernement[18].

Selon le BVG, « les ministères et organismes peinaient à s’acquitter des tâches qui leur incombaient dans Phénix à l’égard de la rémunération de leurs employés. [SPAC] n’a pas fourni des renseignements et des rapports suffisants pour aider les ministères et organismes à comprendre et à régler les problèmes de paye de leurs employés[19] ».

Le BVG a constaté qu’environ « 51 % des chèques de paye émis aux employés le 19 avril 2017 comportaient des erreurs, alors que ce chiffre s’élevait à 30 % pour la paye versée le 6 avril 2016 »[20]. De plus, en juin 2017, 152 517 fonctionnaires avaient 494 534 demandes d’intervention de paye en attente[21].

Au sujet des opérations en attente, Marie Lemay, sous-ministre de SPAC, a indiqué la chose suivante :

Nous pensons donc que, tant que nous n'aurons pas terminé les transactions liées aux conventions collectives, l'inventaire de transactions ne diminuera pas. Ensuite, il reste la saison des impôts pour l'année 2017. Nous savons que cette période sera plus difficile, mais nous prévoyons que, aussitôt que nous aurons franchi ces deux étapes, nous serons en mesure de mettre beaucoup plus de capacités sur les transactions et de faire diminuer l'inventaire[22].

Selon le BVG, les conditions d’emploi du gouvernement fédéral exigent que « la plupart des changements dans la rémunération d’un fonctionnaire doivent être apportés au cours de la deuxième période de paye qui suit celle où le changement a été demandé. Cela signifie que le changement dans la rémunération devrait être obtenu environ 30 jours plus tard ». À la fin de l’examen du BVG, ce dernier a « constaté que les employés avaient dû attendre en moyenne plus de trois mois pour que soit traitée leur demande d’intervention de paye[23] ».

Le BVG a aussi constaté qu’environ « 30 % des employés étaient touchés par au moins une erreur dans la première paye de l’exercice 2016-2017. Cette proportion a augmenté, atteignant 51 % pour la dernière paye versée durant ce même exercice[24] ».

Selon le BVG, « [SPAC] n’avait pas une bonne compréhension de l’ampleur et des causes des problèmes de paye. Un an environ après le lancement de Phénix, le Ministère était toujours en train de réagir aux problèmes de paye à mesure qu’ils survenaient. Puis, le Ministère a commencé à proposer une feuille de route comportant plusieurs projets afin de commencer à résoudre les problèmes. Ces projets se fondaient sur des travaux accomplis par un expert-conseil externe. Toutefois, à la fin de la période d’audit en juin 2017, cette feuille de route était encore en voie d’être finalisée[25] ».

Toujours selon le BVG, SPAC « avait pris plusieurs mesures pour détecter et comprendre les problèmes de paye[26] » et « avait fait le suivi des problèmes de paye au moyen de plusieurs systèmes informatiques, feuilles de calcul et listes, et qu’il récupérait les données de ces sources quand il produisait des rapports d’étape sur les problèmes de paye[27] ». Cependant, le ministère « avait seulement réalisé une analyse limitée pour déterminer les causes sous-jacentes des problèmes de paye[28] ».

Après le lancement de Phénix, SPAC a découvert « que la saisie de certains types de données dans le système pendant le calcul de la paye par le système entraînait des erreurs. Par conséquent, le Ministère a restreint l’accès des utilisateurs au système pendant le calcul de la paye. Ainsi, les conseillers en rémunération ne pouvaient pas accéder à certaines parties de Phénix pendant environ 5 jours durant chaque cycle de paye de 10 jours ouvrables ». Selon le BVG, cela « entraînait des problèmes additionnels[29] ».

Le BVG a envoyé un sondage à des conseillers en rémunération à Miramichi et dans les ministères et organismes fédéraux. Les répondants ont indiqué « que la formation reçue n’était pas suffisante pour qu’ils puissent accomplir leur travail, que leur charge de travail était très lourde et qu’ils devaient souvent saisir de nouveau les demandes d’intervention de paye rejetées par Phénix sans toujours connaître la cause de ces rejets. De plus, les conseillers en rémunération devaient composer avec des changements de priorités, ce qui a augmenté leur niveau de stress[30] ».

Par conséquent, le BVG a formulé les deux recommandations suivantes :

Services publics et Approvisionnement Canada, en partenariat avec le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et les ministères et organismes, devrait effectuer une analyse approfondie des causes des problèmes de paye afin de déterminer les solutions qui s’imposent pour les résoudre[31].
Services publics et Approvisionnement Canada, avec l’appui du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et en partenariat avec les ministères et organismes, devrait élaborer une solution durable aux problèmes de paye, notamment :
  • réaliser une analyse approfondie des options possibles afin de trouver une solution durable, comprenant des renseignements détaillés sur les coûts de chaque option;
  • élaborer un plan complet et exhaustif pour la mise en œuvre de l’option retenue, comprenant l’harmonisation avec les systèmes et les processus des ressources humaines, et prévoyant un calendrier, une attribution des responsabilités et les coûts[32].

En réponse à ces deux recommandations, SPAC prépare un plan de travail préliminaire intégré des ressources humaines (RH) à la paye. Selon SPAC, la phase I de ce plan comprend une série de 22 mesures qui ont été publiées en novembre 2017. De plus, ce plan comprend une « analyse approfondie des causes des problèmes, ainsi que les solutions intégrales et efficaces nécessaires pour les résoudre[33] ».

À cet effet, Les Linklater, sous-ministre délégué de SPAC, a affirmé, le 28 novembre 2017 :

Nous travaillons également à l'échelle du gouvernement, en plus de collaborer avec le syndicat et les fournisseurs, pour déterminer les causes profondes au sein du système en ce qui concerne les difficultés et les problèmes épineux liés au traitement des transactions, et ce, du point de vue du processus des RH à la paye. Nous attendons un rapport final au cours de la semaine prochaine sur ce que nous appelons une « analyse des causes profondes », qui s'ajoutera à l'ensemble des mesures que nous envisageons.

À la lumière des réponses de SPAC et de son plan d’action, le Comité recommande :

Recommandation 1 – Sur les causes profondes des problèmes du système de paye Phénix et les mesures pour les solutionner

Que, d’ici le 30 avril 2018, Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport faisant état : 1) de l’évaluation des causes profondes des problèmes du système de paye Phénix, tel que présenté dans le plan d’action de SPAC remis au Comité; 2) des mesures prises à court terme pour réduire le nombre de demandes d’intervention de paye en attente; 3) des mesures supplémentaires qui seront prises pour régler les problèmes du système à long terme, comprenant un échéancier et les résultats attendus.

Recommandation 2 – Sur les coûts et bénéfices des différentes options pour solutionner les problèmes du système de paye Phénix

Que, d’ici le 30 avril 2018, Services publics et Approvisionnement Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport faisant état des coûts, résultats attendus et échéances des différentes options envisagées pour solutionner les problèmes du système de paye Phénix.

2.         Transmission des informations sur la paye

Selon le BVG, « souvent, les ministères et organismes n’arrivaient pas à respecter les délais de traitement imposés par le système Phénix, ce qui a entraîné des erreurs de paye ». De plus, SPAC « n’avait pas toujours donné aux ministères et organismes suffisamment de temps dans le système de paye pour vérifier les chèques de paye avant leur émission » et n’avait pas non plus « communiqué en temps opportun des informations exactes pour qu’ils puissent aider leurs employés à résoudre leurs problèmes de paye[34] ».

Les sept entités examinées par le BVG « ont toutes éprouvé d’importantes difficultés à transmettre des informations exactes et en temps opportun à Phénix, et elles n’ont pas surveillé leur rendement à cet égard[35] ». Le SCT s’est engagé, « en avril 2017, à mettre sur pied de nouvelles normes de service pour les ministères et organismes[36] ».

Le BVG a « constaté que puisque leur accès à Phénix était limité, les ministères et organismes ne pouvaient pas toujours vérifier les chèques de paye avant leur émission pour s’assurer que des paiements exacts étaient versés aux employés[37] ». De plus, pour « résoudre les problèmes de paye, les ministères et organismes ont besoin d’informations sur la paye qui ne peuvent être obtenues qu’auprès de [SPAC], à titre d’administrateur du système Phénix. [SPAC] a fourni cette information aux ministères et organismes de diverses façons, mais l’information n’était pas toujours suffisante ou communiquée à temps[38] ». Pour résoudre ces problèmes de paye, « les ministères et organismes ont pris eux-mêmes des mesures[39] ».

Par conséquent, le BVG a formulé les deux recommandations suivantes :

Le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada devrait :
  • établir, en collaboration avec Services publics et Approvisionnement Canada, des échéanciers que les ministères et organismes devraient respecter pour soumettre des informations exactes sur la paye, échéanciers qui permettront de respecter les conditions d’emploi des fonctionnaires;
  • appuyer Services publics et Approvisionnement Canada ainsi que les ministères et organismes dans l’élaboration de mesures du rendement en vue de vérifier si les employés reçoivent une paye exacte et en temps opportun, et faire rapport à cet égard[40].
Services publics et Approvisionnement Canada devrait :
  • collaborer avec les ministères et organismes pour établir et fournir en temps opportun des informations et des rapports exacts et pertinents, pour qu’ils puissent évaluer correctement les problèmes de paye dont ils sont responsables;
  • assurer un accès suffisant, fiable et en temps opportun au système de paye afin de permettre aux ministères et organismes de traiter les demandes d’intervention de paye et d’effectuer les vérifications et les approbations qui leur incombent[41].

En réponse à ces recommandations, les deux ministères entendent collaborer au Plan intégré des RH à la paye. Le Comité reconnaît l’importance d’une meilleure compréhension par SPAC et les organismes fédéraux des échéances requises pour transmettre les informations touchant la paye. Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 3 – Sur la transmission des données des organismes fédéraux à Services publics et Approvisionnement Canada

Que, d’ici le 30 juin 2018, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport d’étape faisant état : 1) du plan de travail à propos des données que les organismes fédéraux doivent fournir sur la paye à Services publics et Approvisionnement Canada et l’échéance de la transmission de ces données, les mesures de rendement et les normes de service; 2) de la mise en œuvre de ce plan de travail et des mesures concrètes prises jusque-là au sein des organismes fédéraux.

B.         Prochaines étapes

1.         Structure de gouvernance globale

Selon le BVG, « [SPAC] et le [SCT] ont tardé à admettre qu’ils devaient se doter d’une structure de gouvernance globale pour résoudre les problèmes de paye et trouver une solution durable. [SPAC] a d’abord décidé de gérer les problèmes de manière indépendante et n’a pas sollicité la pleine participation des ministères et organismes lors de l’établissement d’un plan visant à résoudre les problèmes de paye[42] ».

Le BVG a constaté que, « 16 mois après les premiers problèmes liés à la paye, une structure de gouvernance globale n’avait toujours pas été mise en place pour résoudre les causes sous-jacentes des problèmes. À titre de comparaison, Queensland Health, un ministère du gouvernement de [l’état] du Queensland, en Australie, qui était aux prises avec des problèmes semblables liés à un système de paye, a mis en place une structure de gouvernance globale dans les quatre mois qui ont suivi le début des problèmes de paye[43] ».

De plus, la priorité de SPAC « était de payer les fonctionnaires; le Ministère a donc essayé de régler lui-même les problèmes pressants. Même s’il a réalisé des progrès jusqu’en juin 2017 dans deux secteurs ciblés, soit les prestations d’invalidité et les congés de maternité et parentaux, le Ministère n’a pas réduit la hausse du nombre de demandes d’intervention de paye en attente[44] ». Au cours de la première année qui a suivi le début des problèmes, le SCT « n’a pas joué activement son rôle d’appui à [SPAC] afin d’assurer la collaboration de tous les ministères et organismes et d’obtenir leur assentiment pour résoudre les problèmes de paye[45] ».

Le BVG a constaté « qu’au cours des 16 mois qui ont suivi le début des problèmes de paye dans la fonction publique, aucune structure globale de gouvernance et de surveillance des efforts déployés n’avait été établie pour répondre à ces problèmes. [SPAC] n’a pas collaboré avec les ministères et organismes pour définir d’un commun accord les obligations redditionnelles et les responsabilités de chacun et pour les mettre en œuvre[46] ».

Selon le BVG, le « plan le plus récent de [SPAC] pour résoudre les problèmes liés à la paye, élaboré en avril 2017, prévoyait l’amélioration du système et des processus, et la collaboration avec le [SCT] et les ministères et organismes pour harmoniser les systèmes de gestion des ressources humaines de ces derniers avec Phénix d’ici avril 2019. Cependant, [le BVG s’inquiète] du fait que [SPAC] a mené des consultations limitées auprès des ministères et organismes lors de l’élaboration de son plan[47] ».

Le BVG a aussi « constaté qu’à la fin de la période d’audit, le nombre de problèmes et d’employés touchés avait continué à augmenter. Cela indique que le Ministère ne comprenait pas bien les causes des problèmes de paye et ne savait pas quelle était la meilleure façon de les résoudre[48] ».

C’est pourquoi le BVG a formulé la recommandation suivante :

Services publics et Approvisionnement Canada, avec l’appui des ministères et organismes, devrait régler les demandes d’intervention de paye en attente dès que possible en prenant les mesures suivantes :
  • examiner toutes les demandes d’intervention de paye qui sont en attente;
  • établir des priorités et définir des cibles pour traiter toutes les demandes d’intervention de paye en attente, surveiller les progrès et faire régulièrement rapport à cet égard[49].

En réponse à cette recommandation, SPAC s’en est remis à l’élaboration de son Plan de travail intégré des RH à la paye, qui est évolutif et « incorporera de l’analyse additionnelle au fur et à mesure que l’information deviendra disponible. La surveillance du progrès et des résultats de la mise en œuvre du Plan intégré sera effectuée à travers le cadre de gouvernance à l’échelle gouvernementale[50] ». Le plan d’action de SPAC précise aussi que les employés devraient recevoir une paye exacte en temps opportun et que le nombre de demandes de paye en attente diminue d’ici la fin de 2018.

Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 4 – Sur le nombre de demandes d’intervention de paye

Qu’au début de chaque mois à partir du 1er mai 2018 jusqu’au 1er janvier 2019, Services publics et Approvisionnement Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport présentant le nombre de demandes d’intervention de paye en attente, le nombre de nouvelles demandes d’intervention de paye, le nombre de demandes d’intervention de paye traitées, les sommes dues au gouvernement fédéral par ses employés et aux employés par le gouvernement fédéral.

2.         Solutions durables et coûts

Selon le BVG, « il n’y avait pas de mécanisme centralisé pour déterminer ce qu’il en coûterait à l’État pour régler les problèmes de paye actuels. Seul SPAC était tenu officiellement de faire le suivi des coûts engagés et de faire rapport à ce sujet[51] ». Le BVG a donc envoyé un sondage à des ministères et organismes « en vue de déterminer les dépenses qu’ils avaient engagées durant l’exercice 2016-2017 ou celles qu’ils prévoyaient engager au cours des deux prochains exercices pour régler les problèmes de paye causés par Phénix[52] ».

En réponse à ce sondage, les « ministères et organismes ont estimé qu’ils avaient besoin de recruter au moins 820 employés de plus, réaffectés ou nouvellement embauchés, pour régler les problèmes de paye. Cela vient s’ajouter aux employés que [SPAC] a déjà recrutés ou prévoit recruter pour traiter les demandes d’intervention de paye. En comptant le personnel supplémentaire que [SPAC] ainsi que les ministères et organismes ont recruté ou prévoient recruter ou réaffecter, c’est près de 1 400 employés qui se seront ajoutés aux 550 employés de la rémunération du Centre des services de paye de Miramichi pour régler les problèmes de paye, du moins provisoirement. Cela représente bien plus que les 1 200 conseillers en rémunération dont le poste avait été supprimé dans le cadre de l’initiative de transformation de l’administration de la paye[53] ».

Selon le BVG, au 31 mars 2017, SPAC « ainsi que les ministères et organismes avaient déjà dépensé au moins 145 millions de dollars pour régler les problèmes de paye, et ils comptaient débourser encore au moins 395 millions de dollars de plus au cours des deux prochains exercices, pour une facture totale de 540 millions de dollars. C’est donc dire que [SPAC] ainsi que les ministères et organismes ne réaliseront pas les économies de 210 millions de dollars prévues au cours des exercices 2016-2017 à 2018-2019, et qu’ils devront trouver 330 millions de dollars de plus pour résoudre les problèmes de paye[54] ». Selon les estimations du BVG, « il faudra débourser beaucoup plus pour disposer d’un système viable à long terme qui sera susceptible d’atteindre ses objectifs initiaux, à savoir automatiser les opérations de la paye et ainsi réaliser des gains d’efficience[55] ».

À ce sujet, le VG a déclaré ce qui suit :

À notre avis, il faudra des années pour régler les problèmes de paye causés par Phénix et plus que les 540 millions de dollars que les organismes publics ont jusqu'ici prévu de dépenser. Nous avons constaté que le ministère de la Santé de de [l’état] du Queensland, en Australie, avait été aux prises avec une situation similaire. Or, il a dû consacrer plus de 1,2 milliard de dollars, sur huit ans, pour régler la plupart de ses problèmes de paye[56].

Par conséquent, le BVG a formulé la recommandation suivante :

Le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, avec l’appui de Services publics et Approvisionnement Canada et en partenariat avec les ministères et organismes, devrait faire un suivi et présenter des rapports sur le budget qui sera nécessaire pour :
  • régler les problèmes de paye;
  • mettre en œuvre une solution durable dans l’ensemble des ministères et organismes[57].

Yaprak Baltacioğlu, secrétaire du Conseil du Trésor du Canada, a expliqué ce que le SCT comptait faire à ce sujet :

Nous rendrons compte des sommes qui ont été initialement affectées au système Phénix, non seulement pour la consolidation, mais aussi pour le système. Nous allons décomposer ces coûts. Nous vous communiquerons les sommes qui ont été transférées des ministères à SPAC pour le fonctionnement de la paye, ainsi que les économies non réalisées, parce que les fonds que le gouvernement s’attendait à économiser ont été réinjectés dans le système. Nous vous indiquerons combien d’argent, depuis que le problème est devenu clair, a été affecté au projet et quel pourcentage de cet argent a été dépensé. Nous disposons de ces chiffres. Les 540 millions de dollars mentionnés par le vérificateur général ne constituent pas un chiffre concret. Comme il l’a expliqué, il s’agit d’une estimation. Nous devons consulter chaque ministère et obtenir les chiffres réels. Ce processus reposera essentiellement sur une feuille de calcul Excel, parce que tous les ministères utilisent des systèmes différents[58].

Selon son plan d’action, le SCT compte arriver à fournir cette liste de coûts en mai 2018, et comprendra les frais encourus jusqu’en septembre 2017, de même que les coûts supplémentaires pour résoudre les problèmes du système de paye[59].

Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 5 – Sur les coûts passés et futurs du système de paye Phénix

Que, d’ici le 31 mai 2018, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport détaillé sur les montants affectés au système de paye Phénix jusqu’en septembre 2017, y compris les montants transférés des organismes fédéraux à Services publics et Approvisionnement Canada et les économies prévues non réalisées, de même que les coûts prévus pour résoudre les problèmes du système de paye Phénix.

REMARQUES ADDITIONNELLES

Lors de l’audience du Comité du 28 novembre 2017, le Comité a entendu des commentaires sur le rôle d’IBM pour ce qui est du système de paye Phénix. Marie Lemay, sous-ministre de SPAC, a indiqué que le contrat avec IBM « était fait de telle façon que nous donnions une tâche à accomplir à IBM et qu'il nous revenait lorsqu'elle était accomplie. S'il y avait des problèmes, cela se passait comme pour les autres contrats, et on pouvait retenir le paiement, mais quand la tâche était terminée, on les payait ». De plus, tout au long du projet, « IBM a fait ce qu'on lui demandait de faire. C'est nous qui étions le gestionnaire de projet. Ce n'était pas eux. Ils étaient l'intégrateur, ce qui est différent de certains autres projets[60] ».

CONCLUSION

Le Comité est d’avis que le développement du nouveau système de paye Phénix a été complexe. En date du 18 octobre 2017, 520 000 demandes d’intervention de paye demeuraient en attente[61]. En juin 2017, il existait un total de 523 millions de dollars en erreurs de paye, dont 295 millions de dollars dus au gouvernement par 59 000 fonctionnaires, et 228 millions dus à 51 000 fonctionnaires par le gouvernement[62]. Le BVG a constaté que les « ministères et organismes sont aux prises avec des problèmes de paye depuis le lancement de Phénix. Il a cependant fallu quatre mois à [SPAC] pour reconnaître l’existence de graves problèmes de paye, et il a fallu ensuite environ un an au Ministère pour mieux comprendre l’ensemble des problèmes[63] ».

Le Comité compatit avec les fonctionnaires qui ont subi ces erreurs et formule donc cinq recommandations, dont trois sont dirigées vers SPAC et deux vers le SCT, afin que le système de paye Phénix soit rapidement efficace et répare ses erreurs passées. Le Comité tient à assurer les employés du gouvernement fédéral qu’il fera un suivi très serré auprès de ces deux organismes afin qu’ils résolvent ces problèmes le plus rapidement possible.

De plus, le Comité convoquera à nouveau SPAC et le SCT au moment du dépôt au Parlement du second audit du BVG sur la transformation de la paye au sein du gouvernement fédéral, portant sur les événements ou les décisions qui ont mené à la mise en œuvre du système de paye Phénix, et qui devrait être déposé en mai 2018. La seconde partie de ce rapport pourrait être préparée pour faire le suivi des résultats des mesures correctives mises en place par ces deux organismes et sur les résultats de ces mesures; un autre rapport distinct se consacrerait alors uniquement au rapport du printemps 2018 du BVG portant sur les décisions ayant mené à la mise en œuvre du système de paye Phénix.


SOMMAIRE DES MESURES RECOMMANDÉES ET ÉCHÉANCE

Tableau 1 – Sommaire des mesures recommandées et échéance

Recommandation

Mesure recommandée

Échéance

Recommandation 1

Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) doit présenter au Comité un rapport faisant état : 1) de l’évaluation des causes profondes des problèmes du système de paye Phénix, tel que présenté dans le plan d’action de SPAC remis au Comité; 2) des mesures prises à court terme pour réduire le nombre de demandes d’intervention de paye en attente; 3) des mesures supplémentaires qui seront prises pour régler les problèmes du système à long terme, comprenant un échéancier et les résultats attendus.

30 avril 2018

Recommandation 2

SPAC doit présenter au Comité un rapport faisant état des coûts, résultats attendus et échéances des différentes options envisagées pour solutionner les problèmes du système de paye Phénix.

30 avril 2018

Recommandation 3

Le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT) doit présenter un rapport d’étape faisant état : 1) du plan de travail à propos des données que les organismes fédéraux doivent fournir sur la paye à SPAC et l’échéance de la transmission de ces données, les mesures de rendement et les normes de service; 2) de la mise en œuvre de ce plan de travail et des mesures concrètes prises jusque-là au sein des organismes fédéraux.

30 juin 2018

Recommandation 4

SPAC doit présenter au Comité un rapport présentant le nombre de demandes d’intervention de paye en attente, le nombre de nouvelles demandes d’intervention de paye, le nombre de demandes d’intervention de paye traitées, les sommes dues au gouvernement fédéral par ses employés et aux employés par le gouvernement fédéral.

Au début de chaque mois, du 1er mai 2018 au 1er janvier 2019.

Recommandation 5

Le SCT doit présenter au Comité un rapport détaillé sur les montants affectés au système de paye Phénix jusqu’en septembre 2017, y compris les montants transférés des organismes fédéraux à SPAC et les économies prévues non réalisées, de même que les coûts prévus pour résoudre les problèmes du système de paye Phénix.

31 mai 2018


[1]              Bureau du vérificateur général du Canada (BVG), Les problèmes liés au système de paye Phénix, rapport 1 des Rapports de l’automne 2017 du vérificateur général du Canada, paragr. 1.1. De plus, le chapitre 1 du rapport du printemps 2010 de la vérificatrice générale du Canada précisait qu’en ce qui concerne les systèmes de technologies de l’information (TI) du gouvernement fédéral, « le vieillissement des systèmes de TI pose un risque important [et que] les systèmes pourraient ne plus répondre aux besoins opérationnels et futurs ».

[2]              Ibid., paragr. 1.2.

[3]              Ibid., paragr. 1.3.

[4]              Ibid., paragr. 1.5.

[5]              Ibid., paragr. 1.6.

[6]              Ibid.

[7]              Ibid., paragr. 1.7.

[8]              Ibid., paragr. 1.8.

[9]              Ibid., paragr. 1.9.

[10]            Ibid., paragr. 1.10.

[11]            Ibid., paragr. 1.11.

[12]            Ibid., paragr. 1.12.

[13]            Ibid., paragr. 1.13.

[14]            Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 novembre 2017, réunion no 81.

[15]            BVG, Les problèmes liés au système de paye Phénix, rapport 1 des Rapports de l’automne 2017 du vérificateur général du Canada, paragr. 1.15.

[16]            Ibid., paragr. 1.17.

[17]            Ibid., paragr. 1.18.

[18]            Ibid., paragr. 1.41.

[19]            Ibid., paragr. 1.19.

[20]            Ibid., paragr. 1.23.

[21]            Ibid., paragr. 1.29.

[22]            Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 novembre 2017, réunion no 81, 0910.

[23]            BVG, Les problèmes liés au système de paye Phénix, rapport 1 des Rapports de l’automne 2017 du vérificateur général du Canada, paragr. 1.35.

[24]            Ibid., paragr. 1.40.

[25]            Ibid., paragr. 1.42.

[26]            Ibid., paragr. 1.48.

[27]            Ibid., paragr. 1.49.

[28]            Ibid., paragr. 1.50.

[29]            Ibid., paragr. 1.54.

[30]            Ibid., paragr. 1.56.

[31]            Ibid., paragr. 1.59.

[32]            Ibid., paragr. 1.60.

[33]            Ibid., paragr. 1.59.

[34]            Ibid., paragr. 1.61.

[35]            Ibid., paragr. 1.67.

[36]            Ibid., paragr. 1.68.

[37]            Ibid., paragr. 1.69.

[38]            Ibid., paragr. 1.70.

[39]            Ibid., paragr. 1.71.

[40]            Ibid., paragr. 1.73.

[41]            Ibid., paragr. 1.74.

[42]            Ibid., paragr. 1.75.

[43]            Ibid., paragr. 1.78.

[44]            Ibid., paragr. 1.84.

[45]            Ibid., paragr. 1.85.

[46]            Ibid., paragr. 1.86.

[47]            Ibid., paragr. 1.94.

[48]            Ibid., paragr. 1.97.

[49]            Ibid., paragr. 1.98.

[50]            Services publics et Approvisionnement Canada, Plan d’action de gestion, p. 3.

[51]            BVG, Les problèmes liés au système de paye Phénix, rapport 1 des Rapports de l’automne 2017 du vérificateur général du Canada, paragr. 1.105.

[52]            Ibid.

[53]            Ibid., paragr. 1.106 et 1.107.

[54]            Ibid., paragr. 1.110.

[55]            Ibid., paragr. 1.111.

[56]            Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 novembre 2017, réunion no 81, 0850.

[57]            BVG, Les problèmes liés au système de paye Phénix, rapport 1 des Rapports de l’automne 2017 du vérificateur général du Canada, paragr.1.112.

[58]            Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 novembre 2017, réunion no 81, 1025.

[59]            Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Plan détaillé.

[60]            Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 novembre 2017, réunion no 81, 0925.

[61]            Ibid., 0930.

[62]            BVG, Les problèmes liés au système de paye Phénix, rapport 1 des Rapports de l’automne 2017 du vérificateur général du Canada, paragr. 1.41.

[63]            Ibid., paragr. 1.17.