PACP Rapport du Comité
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INTRODUCTIONLe Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) a expliqué que la Défense nationale « exploite le Collège militaire royal du Canada. Cette institution, financée par le gouvernement fédéral, instruit et forme des élèves-officiers et des officiers brevetés pour qu’ils puissent servir efficacement dans les forces armées[1]. » Au‑delà de son mandat, qui consiste à « assurer une instruction complète dans tous les domaines de la tactique militaire, de la fortification et du génie, et [à] dispenser un enseignement scientifique général dans des matières liées à la profession militaire, et nécessaires à une connaissance approfondie de celle-ci », depuis 2001, le Collège a aussi « pour objectifs de préparer et de motiver les élèves-officiers à faire carrière et à servir efficacement dans les Forces armées canadiennes en tant qu’officiers brevetés, et d’améliorer le niveau d’instruction de ces derniers[2] ». Le Programme de formation des officiers de la Force régulière (PFOR) est le programme de formation principal, et le plus important, du Collège militaire royal du Canada (CMR); une fois le programme complété, les élèves‑officiers « obtiennent un diplôme universitaire et un brevet d’officier. Ils peuvent alors occuper un poste d’officier subalterne dans les Forces armées canadiennes[3]. » À l’automne 2017, le BVG a publié un audit de gestion dont les objectifs consistaient à déterminer « si le [CMR] avait formé à un coût raisonnable les officiers de qualité dont les Forces armées canadiennes avaient besoin[4] ». Le 1er mars 2018, le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes (le Comité) a tenu une audience sur cet audit[5]. Il a reçu, du BVG, Michael Ferguson, vérificateur général du Canada, et Gordon Stock, directeur principal; et, du ministère de la Défense nationale, Jody Thomas, sous‑ministre, ainsi que le Cam Luc Cassivi, commandant de l’Académie canadienne de la Défense[6]. CONSTATATIONS ET RECOMMANDATIONSA. Enseignement universitaire et instruction militaireAu cours de son audit, le BVG a examiné les rapports suivants au sujet de l’instruction et de l’enseignement offerts aux élèves‑officiers par le CMR :
Ces rapports ont tous conclu que le CMR devait mettre davantage l’accent sur l’instruction militaire[8]. Plus précisément, le BVG a souligné les constatations suivantes du rapport de la VAEM spéciale :
Dans l’ensemble, le BVG a observé que « le Collège n’avait pas maintenu un équilibre suffisant entre l’instruction militaire et l’enseignement universitaire, ni intégré ces deux types de formation. L’instruction militaire est donc passée au deuxième rang, supplantée par la culture et les exigences des études universitaires. Au cours de l’été, les élèves-officiers du Collège et les candidats d’autres programmes d’enrôlement des officiers suivent des cours de développement du leadership et une formation professionnelle ailleurs au sein des Forces armées canadiennes, notamment dans des unités opérationnelles. [Le BVG n’a] pas audité la formation suivie pendant l’été; cependant, la Défense nationale a noté que cette formation n’était pas toujours pratique ni pertinente[10]. » En outre, le BVG a remarqué que, bien que le CMR soit un établissement universitaire militaire, « bon nombre de membres du corps enseignant étaient des civils qui n’étaient pas tenus d’inculquer des qualités militaires aux élèves-officiers dans le cadre de leurs cours ». Ainsi, « le milieu universitaire du Collège n’a pas toujours favorisé l’enseignement de la discipline militaire et des valeurs des Forces armées canadiennes[11] ». Par conséquent, le BVG a recommandé à « [l]a Défense nationale [de] définir clairement […] et [de] renforcer l’instruction militaire dispensée aux élèves-officiers du Collège militaire royal du Canada afin que cette instruction soit pertinente, pratique et utile pour les unités opérationnelles. Le Collège devrait ensuite intégrer le programme d’instruction militaire amélioré aux programmes d’études universitaires destinés aux élèves-officiers[12]. » Dans son Plan d’action détaillé, la Défense nationale a indiqué qu’elle acceptait cette recommandation et elle s’est engagée à entreprendre un « examen de toutes les activités liées à l’instruction militaire, y compris le leadership et l’éthique, offertes aux aspirants de la marine et aux élèves‑officiers […] tout au long de l’année universitaire et de la période d’instruction estivale […] dans le but d’accroître le type et le nombre des activités qui sont pertinentes, pratiques et utiles pour les unités opérationnelles, et qui assurent un équilibre raisonnable entre les études et l’instruction militaire[13] ». Cette tâche doit être terminée d’ici août 2019 et un rapport d’étape sera produit d’ici septembre 2018[14]. Par ailleurs, la sous‑ministre de la Défense nationale, Jody Thomas, a déclaré au cours de son témoignage devant le Comité qu’en « menant cette étude, [la Défense nationale s’assure] de mieux intégrer les études théoriques et l’instruction militaire des élèves‑officiers[15] ». Par conséquent, pour contribuer à la réussite de cette démarche, le Comité recommande ce qui suit : Recommandation 1 – En ce qui concerne l’intégration de l’instruction militaire et de l’enseignement universitaire : Que, d’ici septembre 2018, la Défense nationale présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport donnant des détails sur les progrès réalisés pour : 1) définir clairement et renforcer l’instruction militaire des élèves‑officiers au Collège militaire royal du Canada afin de la rendre pertinente, pratique et utile pour les unités opérationnelles; 2) intégrer ce programme d’instruction militaire amélioré aux programmes d’études universitaires destinés aux élèves‑officiers. Un rapport final doit aussi être présenté d’ici le 31 août 2019. B. Rentabilité du fonctionnementDans l’ensemble, le BVG a constaté que « même si le Collège avait offert un enseignement universitaire de qualité aux élèves-officiers, le coût de fonctionnement par étudiant de cet enseignement était deux fois plus élevé que le coût moyen dans d’autres petites universités. Divers facteurs ont fait augmenter les coûts par étudiant, notamment le nombre de programmes offerts, les salaires versés aux membres du personnel militaire non enseignant et le très faible ratio entre le nombre d’étudiants et le nombre d’enseignants[16]. » Selon le BVG, « [l]e Collège est une petite université qui offre un grand nombre de programmes d’études : 22 programmes de premier cycle en arts, en sciences et en génie et 13 programmes des deuxième et troisième cycles[17] »; il offre aussi plusieurs programmes spécialisés ne menant pas à un diplôme. En outre, au cours de l’année scolaire 2014–2015, le Collège comptait 1 312 étudiants à temps plein et 1 248 étudiants à temps partiel. Environ 1 000 élèves-officiers étaient inscrits au PFOR[18]. En ce qui concerne la qualité des programmes d’études universitaires offerts au CMR, le BVG a signalé que tous les programmes menant à un diplôme « sont périodiquement passés en revue à l’interne et à l’externe, conformément aux exigences du Conseil d’assurance de la qualité des universités de l’Ontario. Selon les examens menés, la qualité générale des programmes d’études du Collège était bonne. Cependant, les examinateurs ont noté que certains programmes offraient un nombre limité de cours et disposaient de ressources documentaires et pédagogiques restreintes[19]. » Par ailleurs, d’après l’« analyse des publications érudites [effectuée par le BVG], les enseignants du Collège ont publié autant d’articles spécialisés que les enseignants de programmes comparables dans des universités de taille similaire. La publication d’articles dans des revues spécialisées, avec comité de lecture ou non, est un indicateur de la qualité des recherches menées dans les universités canadiennes[20]. » Le BVG a également constaté que, « [p]lus particulièrement, les facultés de génie civil et d’histoire du Collège ont vu leurs travaux publiés ou cités dans des revues plus souvent que ceux des mêmes facultés dans les universités similaires qui ont été utilisées aux fins de l’analyse comparative[21] ». En dernier lieu, en ce qui concerne les coûts d’exploitation du CMR, le BVG a remarqué que les « dépenses de fonctionnement du Collège avaient avoisiné les 91,9 millions de dollars pour l’exercice 2014-2015 », ce qui revient approximativement à « 55 000 $ par étudiant équivalent temps plein, soit le coût par étudiant le plus élevé de tout le pays[22] ». Cela représente le double du coût moyen par étudiant dans des universités de taille comparable et, selon le BVG, « le nombre de programmes offerts menant à un diplôme et le faible ratio étudiants-enseignants constituent des facteurs importants qui ont contribué à ce coût élevé[23] ». Par conséquent, le BVG a recommandé à « [l]a Défense nationale [de] se pencher sur des façons de réduire le coût de fonctionnement par étudiant du Collège militaire royal du Canada et [d’]envisager de réduire le nombre de programmes d’études offerts[24] ». Dans son Plan d’action détaillé, la Défense nationale a indiqué qu’elle acceptait cette recommandation et qu’elle s’engageait à procéder « à un examen et à une analyse pour vérifier si le coût de fonctionnement du CMR par étudiant est raisonnable par rapport à des établissements militaires comparables des pays alliés[25] ». Elle s’est aussi engagée à élaborer « un modèle de coûts qui permettra de comparer le CMR aux autres maisons d’enseignement canadiennes de taille comparable, après ajustement de la portée[26] ». Lorsque le Comité lui a posé des questions sur ces coûts, la sous‑ministre a répondu ce qui suit : La réduction du nombre de programmes offerts aidera à réduire les coûts. Les deux programmes dont vous avez parlé qui ont un ratio étudiants-enseignants de 5:1 et de 7:1 proposent des cours pointus de science et d’ingénierie qui sont offerts en français au Collège militaire royal. À l’avenir, on s’attend à ce que le Collège militaire royal de Saint-Jean offre ces programmes, ce qui signifie que nous aurons des programmes en français avec des classes plus nombreuses à Saint-Jean et l’équivalent anglais au Collège militaire royal. Une fois de plus, le nombre d’étudiants sera plus élevé — sans que ce soit déraisonnable — et les coûts seront plus faibles. Le ratio étudiants-enseignants de 7:1 est effectivement très faible. Nous n’avons pas de norme qui indique le taux raisonnable à atteindre. Le nombre de 200 étudiants est certainement trop élevé et nous n’en arriverons jamais là, mais nous comprenons que nous devons réduire le nombre de cours pour augmenter le nombre d’étudiants par classe. Nous devons également revoir le nombre de non-enseignants embauchés par le collège ainsi que le nombre de militaires[27]. À la lumière de ces considérations, le Comité recommande ce qui suit : Recommandation 2 – En ce qui concerne les coûts d’exploitation : Que, d’ici le 31 décembre 2018, la Défense nationale présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport sur les progrès réalisés en matière de coûts d’exploitation, en fonction des mesures présentées dans le Plan d’action détaillé qui a été soumis par le Ministère le 21 novembre 2017. Un rapport final doit aussi être présenté d’ici le 31 juillet 2019. Recommandation 3 – En ce qui concerne la comparaison des coûts : Que, d’ici le 31 décembre 2018, la Défense nationale présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport qui : a) explique la logique suivie par le Ministère pour comparer les coûts d’exploitation du Collège militaire royal du Canada (CMR) et ceux d’établissements militaires alliés, étant donné que l’audit visait à comparer les coûts pour le CMR à ceux d’autres programmes canadiens de développement des officiers; b) compare le coût d’exploitation par étudiant associé à la formation offerte au CMR à celui d’autres établissements d’enseignement canadiens de taille similaire; c) compare les coûts associés au recrutement et au perfectionnement d’officiers par d’autres moyens, comme le Programme de formation des officiers de la Force régulière et le Programme d’enrôlement direct en qualité d’officier. C. Coût par étudiant et rendement militaire des diplômésSelon le BVG, à part le PFOR, « la Défense nationale finance et met en œuvre d’autres programmes d’enrôlement des officiers. On compte notamment le [PFOR] dans les universités civiles et le Programme de formation des officiers – Éducation permanente — Programme d’établissement affilié (Élément air) du Collège Seneca, qui forme des pilotes pour l’Aviation royale canadienne. Les civils qui ont un diplôme pertinent d’une université canadienne ou étrangère peuvent aussi s’enrôler en tant qu’officier grâce au Programme d’enrôlement direct en qualité d’officier[28]. » Le BVG a constaté que les coûts annuels pour subventionner la formation des officiers variaient selon le programme d’enrôlement[29]. Par exemple, les coûts engagés pour former un élève‑officier au CMR comprennent le coût de fonctionnement annuel par étudiant équivalent temps plein (55 000 $) plus le salaire et les avantages sociaux, déduction faite des frais pour l’hébergement et les repas[30]. Le coût dans le cadre du [PFOR] dans les universités civiles et du Programme de formation des officiers – Éducation permanente — Programme d’établissement affilié (Élément air) comprend les frais de scolarité, le coût des manuels et d’autres frais ainsi que les salaires et les avantages sociaux[31]. En revanche, près de « la moitié des nouveaux officiers s’enrôlent dans les Forces armées canadiennes grâce au Programme d’enrôlement direct en qualité d’officier[32] », auquel cas les candidats détiennent déjà un diplôme et leur éducation n’a rien coûté à la Défense nationale. En conséquence, le BVG a conclu que « la formation au Collège militaire royal du Canada était la méthode la plus dispendieuse pour former de futurs officiers militaires, puisqu’elle coûte environ 40 000 $ de plus par année que la formation d’un élève-officier dans une université civile dans le cadre du [PFOR][33] ». Étant donné que les Forces armées canadiennes sont actuellement aux prises avec une pénurie d’officiers[34], « la Défense nationale a la possibilité d’accroître le nombre total de ses officiers à moindre coût en augmentant l’enrôlement dans le cadre du [PFOR] dans les universités civiles ou le recrutement dans le cadre du Programme d’enrôlement direct en qualité d’officier[35] ». De plus, le BVG a constaté que « les normes de rendement relatives aux programmes d’études universitaires, aux compétences linguistiques et à la condition physique auxquelles devaient satisfaire les diplômés du Collège étaient plus élevées que les exigences des Forces armées canadiennes visant les élèves-officiers qui terminent les autres programmes d’enrôlement », ce qui « contribue à alourdir les coûts de formation des élèves-officiers du Collège. Le rapport de la visite d’aide d’état-major spéciale a reconnu que les normes élevées du Collège ne se rattachaient pas à des exigences claires énoncées dans les politiques[36]. » Enfin, le BVG a observé qu’« [u]ne analyse de la Défense nationale sur l’évolution professionnelle des officiers a permis de constater qu’il n’y avait pas de différence majeure entre les élèves-officiers diplômés du Collège militaire royal du Canada et les officiers qui s’enrôlaient dans les Forces par le truchement d’autres programmes. En moyenne, les diplômés du [PFOR] du Collège n’étaient pas promus plus rapidement. L’analyse a aussi permis de constater qu’il y avait une différence de moins de 10 % entre les taux de maintien en poste des diplômés du Collège et ceux des officiers enrôlés dans le cadre d’autres programmes[37]. » Le BVG a donc recommandé à « [l]a Défense nationale [de] démontrer et [de] s’assurer que les normes élevées du [PFOR] du Collège militaire royal du Canada sont nécessaires, qu’elles permettent de former des officiers mieux qualifiés et que les coûts engagés pour ce faire sont raisonnables[38] ». Étude de cas 1 En dépit de normes plus strictes et de coûts plus élevés, la Défense nationale n’a pas pu démontrer que le Collège formait des officiers plus efficaces que les officiers formés dans le cadre d’autres programmes d’enrôlement. Les Forces armées canadiennes ont un système de perfectionnement professionnel qui permet de former progressivement les officiers tout au long de leur carrière. Après avoir obtenu leur diplôme ou s’être enrôlés directement, tous les officiers subalternes suivent une formation adaptée à leur poste. À la fin de cette formation, ils sont tous aussi qualifiés les uns que les autres pour devenir des officiers efficaces. Selon une étude menée en 2014 sur le système de perfectionnement professionnel des Forces armées canadiennes, il n’y avait aucune différence perceptible, à la fin du processus de perfectionnement professionnel, entre les officiers issus des divers programmes d’enrôlement. L’étude a aussi indiqué que rien ne prouvait que les diplômés du Collège maîtrisaient mieux les aptitudes liées au leadership militaire ou à la bonne conduite. Source : Bureau du vérificateur général du Canada, Le Collège militaire royal du Canada – Défense nationale, Rapport 6 des rapports de l’automne 2017 du vérificateur général du Canada, paragr. 6. La Défense nationale a accepté cette recommandation et, dans son Plan d’action détaillé, elle s’est engagée à effectuer « une analyse détaillée du taux de diplomation et d’avancement professionnel des collèges militaires pour démontrer le bien‑fondé du PFOR et du CMR. Cette analyse insistera sur la comparaison des coûts entre le CMR et les écoles de service militaire de pays alliés[39] » et doit être terminée d’ici le 15 juillet 2019. À cet égard, la sous‑ministre a déclaré ce qui suit au Comité : [L]es résultats de la vérification soulèvent des questions clés auxquelles nous devons trouver des réponses afin de garantir que le CMR produise des élèves-officiers de grande qualité à un coût raisonnable. Quelles sont nos attentes particulières envers le CMR et ses diplômés? En quoi le CMR doit-il être similaire aux autres institutions académiques? De façon encore plus importante, en quoi doit-il être différent pour accomplir ce que nous attendons de lui? Et quel est le coût approprié de cette différence? Les études que nous prévoyons mener nous aideront à répondre à ces questions et à mettre en œuvre de manière plus efficace les recommandations du vérificateur général[40]. Pour veiller à ce que le CMR réponde à ces préoccupations, le Comité recommande ce qui suit : Recommandation 4 – En ce qui concerne l’objectif, le coût et la valeur des normes élevées appliquées au Collège militaire royal du Canada : Que, d’ici le 30 juillet 2019, la Défense nationale présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport donnant des détails sur les progrès réalisés afin de démontrer et d’assurer que les normes plus élevées du Programme de formation des officiers de la Force régulière offert au Collège militaire royal du Canada sont nécessaires, qu’elles permettent de former des officiers plus qualifiés et que leur coût est raisonnable par rapport à d’autres programmes de développement des officiers. D. Gouvernance du Collège militaire royal du CanadaDans l’ensemble, le BVG a constaté que « la structure de gouvernance du Collège militaire royal du Canada n’était pas efficace et que l’institution n’avait pas réussi à concilier ses objectifs militaires et éducatifs[41] ». Selon le BVG, « [l]a structure de gouvernance du Collège diffère de celle d’une université typique parce que le Collège fonctionne comme une unité militaire et comme une université financée par le gouvernement fédéral[42] » et que les Ordonnances et règlements royaux désignent le ministre de la Défense nationale à la fois comme chancelier et président de l’établissement. Le dirigeant principal du Collège est le commandant, dont relève le recteur. Ce dernier « est responsable des programmes d’études et de la coordination des activités de recherche. Il assure aussi le lien entre les études universitaires et la culture militaire[43]. » Le CMR compte également un « Conseil des gouverneurs, [qui] présente au ministre des recommandations sur toutes les questions touchant le Collège[44] ». Le BVG a signalé que des examens antérieurs au sujet du CMR ont révélé l’existence de dissensions entre les dirigeants militaires et universitaires, surtout en ce qui concerne les divergences entre les visions universitaire et militaire et la confusion qu’elles suscitent[45]. En outre, le BVG a observé qu’un « facteur qui aggrave cette confusion est le fait que les enseignants sont nommés à des postes permanents, alors que les instructeurs militaires, y compris le commandant, occupent normalement leur poste au Collège par rotation pendant une période de deux ou trois ans. Ce roulement parmi le personnel militaire ne favorise pas l’établissement à long terme d’un programme d’instruction militaire cohérent. Il fait aussi en sorte qu’il est plus difficile de coordonner les activités de planification visant à atteindre à la fois les objectifs militaires et ceux des programmes d’études universitaires[46]. » Enfin, le BVG (tout comme le rapport de la VAEM spéciale) a constaté que « même si le Conseil des gouverneurs était habilité à revoir et à approuver les programmes d’études universitaires au nom du ministre, il ne s’acquittait pas de ces fonctions[47] ». En conséquence, le BVG a recommandé à « [l]a Défense nationale [de] clairement définir le rôle du commandant à titre de dirigeant principal responsable des activités quotidiennes et de la planification à long terme de tous les aspects des activités du Collège militaire royal du Canada, et spécialement [de] l’habiliter à superviser et à intégrer les programmes d’instruction militaire et les programmes d’études universitaires[48] ». La Défense nationale a accepté cette recommandation dans son Plan d’action détaillé et elle a expliqué que le chef d’état‑major de la défense a ordonné que la durée des affectations de commandement du commandant soit portée à trois ans, en commençant par le commandant actuel, pour créer une continuité stratégique et permettre la gestion de la direction et des programmes selon la nature unique et complexe des collèges militaires canadiens[49]. De plus, le ministère procédera à une analyse détaillée du cadre de gouvernance[50]. Par ailleurs, la sous‑ministre a expliqué ce qui suit au sujet de cette recommandation : Le vérificateur général nous a recommandé de définir plus clairement le rôle du commandant à titre d’unique dirigeant des activités quotidiennes du collège. Conformément au rapport de la VAEM, nous avons déjà prolongé à trois ans la durée de l’affectation du commandant. Cela permettra une planification à plus longue échéance et une meilleure continuité pour chaque cohorte d’étudiants[51]. Malgré ces changements, le Comité recommande ce qui suit : Recommandation 5 – En ce qui concerne le rôle du commandant : Que, d’ici le 31 décembre 2018, la Défense nationale présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport donnant des détails sur les progrès réalisés afin de mieux définir le rôle du commandant à titre de dirigeant principal responsable des activités quotidiennes et de la planification à long terme de tous les aspects des activités du Collège militaire royal du Canada, et spécialement afin de l’habiliter à superviser et à intégrer les programmes d’instruction militaire et les programmes d’études universitaires. E. Leadership militaire et bonne conduiteÉtude de cas 2 [L]a Défense nationale exige que les soldats se présentent pour leur service à moins d’avoir fait approuver leur absence. C’est donc dire que les élèves-officiers sont tenus d’assister à tous leurs cours universitaires. Le fait de ne pas se présenter à un cours sans autorisation préalable est donc considéré comme une absence sans permission, ce qui est considéré comme une inconduite militaire. Or, [le BVG a] examiné des cas où des élèves-officiers qui n’avaient pas assisté à des cours avaient demandé à d’autres élèves-officiers d’imiter leur signature sur le registre des présences. [Il a] aussi relevé un cas où un professeur avait demandé à un instructeur militaire de quitter la salle de classe alors que ce dernier tentait d’identifier les élèves-officiers absents. Source : Bureau du vérificateur général du Canada, Le Collège militaire royal du Canada – Défense nationale, Rapport 6 des rapports de l’automne 2017 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.23. Selon le BVG, la conduite des élèves‑officiers du CMR « est régie par les Instructions à l’Escadre des élèves-officiers, par les lois, règlements et ordonnances de la Défense nationale et par le Code de discipline militaire. La formation en leadership au sein des Forces armées canadiennes vise à favoriser une bonne conduite, notamment la responsabilité de se conformer aux lois, de faire respecter la discipline militaire et de maintenir les normes professionnelles et déontologiques de service, de loyauté, d’intégrité et de courage[52]. » Puisque le CMR est considéré comme un milieu d’instruction, « [l]es cas mineurs de conduite militaire insatisfaisante, notamment une tenue et un maintien inadéquats, sont traités par les instructeurs militaires et les élèves-officiers de troisième et de quatrième année occupant des fonctions de leadership. Ces personnes peuvent offrir des conseils, un accompagnement ou de l’instruction corrective et imposer des sanctions à d’autres élèves-officiers, notamment des exigences en matière de tenue vestimentaire et des restrictions en matière de congé[53]. » En revanche, les cas « d’inconduite militaire, comme l’ivresse et l’insubordination, peuvent faire l’objet d’une enquête par le commandant du Collège. Les incidents plus graves, comme les agressions, sont soumis à la police militaire. Celle-ci peut renvoyer les cas au Collège pour qu’il y donne suite, notamment en imposant des sanctions ou en amorçant des procédures disciplinaires. Les cas d’agressions sexuelles ou de mort subite sont transférés au Service national des enquêtes des Forces canadiennes, une unité spécialisée chargée des affaires criminelles. Les forces de l’ordre civiles peuvent également intervenir dans le cas d’incidents mettant en cause des élèves-officiers et mener des enquêtes[54]. » Le BVG a observé que « le Collège n’avait donné ni une formation efficace en leadership militaire, ni un encadrement et un mentorat en la matière aux élèves-officiers. Selon [le BVG], cela pourrait avoir contribué au nombre élevé de cas d’inconduite parmi les élèves-officiers supérieurs[55]. » En outre, le BVG a indiqué que le rapport de la VAEM spéciale a révélé ce qui suit :
Enfin, le BVG a conclu « qu’il n’était pas bien fondé de s’attendre à ce que les élèves-officiers de troisième et de quatrième année adoptent systématiquement une bonne conduite, fassent respecter la discipline militaire en tout temps et inculquent les valeurs militaires canadiennes aux élèves-officiers de première et de deuxième année[61] ». En conséquence, le BVG a recommandé au CMR de « s’assurer que les élèves-officiers supérieurs respectent des normes élevées de bonne conduite et font preuve d’un comportement conforme à l’éthique avant de les nommer à des fonctions de leadership[62] ». La Défense nationale a accepté cette recommandation et elle a indiqué dans son Plan d’action détaillé que « le processus de sélection des élèves‑officiers pour les postes de leadership supérieur » a déjà été revu en septembre 2017 et que des « investissements de ressources visant le personnel ont été faits pour doter le CMR de dirigeants et de mentors expérimentés. Il s’agit notamment du Directeur des élèves‑officiers et du personnel de l’escadre d’entraînement. Chaque poste de commandement/direction et chaque poste de responsabilité ont leur propre mentor, qui est membre des FAC ou employé du ministère de la Défense nationale[63] »; ce nouveau système devait être pleinement mis en œuvre d’ici le 31 janvier 2018. Lorsque le Comité lui a posé des questions sur cette situation, le Cam Luc Cassivi, commandant de l’Académie canadienne de la Défense, a expliqué les difficultés entourant ce processus de sélection, ainsi que certains des changements qui ont déjà été apportés : [C]ertains postes ont été octroyés selon le mérite dans le passé. C’est la méthode prédominante. Cependant, il faut aussi donner des défis à nos élèves-officiers. Ils doivent tous occuper un poste de commandement pour que nous puissions évaluer leur comportement, les guider et leur offrir du mentorat durant cette période. Sinon, ils n’auront pas l’expérience et l’apprentissage nécessaires pour que nous puissions évaluer leurs capacités de leadership à la fin du programme. Il s’agit d’un équilibre. Les étudiants assignés à un poste de commandement auront un dossier de bonne conduite. C’est l’un des critères que nous avons établi depuis la publication du rapport. Nous avons fait ces changements […] pour nous assurer que ces situations ne se reproduiront pas. À chaque session, lorsqu’il y aura un changement d’élèves-officiers supérieurs, nous verrons s’il y a eu des erreurs. Nous apprendrons de ces erreurs et corrigerons le processus comme on nous l’a demandé[64]. Vu l’importance de garantir la discipline ainsi que le leadership moral parmi les élèves‑officiers du CMR, le Comité recommande ce qui suit : Recommandation 6 – En ce qui concerne les normes de conduite parmi les élèves‑officiers : Que, d’ici le 31 décembre 2018, la Défense nationale présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport donnant des détails sur les progrès réalisés pour s’assurer que les élèves‑officiers supérieurs du Collège militaire royal du Canada respectent des normes élevées en matière de bonne conduite et de comportement éthique avant leur nomination à un poste de commandement. F. Mentorat des élèves‑officiersSelon le BVG, « les instructeurs militaires et les élèves-officiers supérieurs servent de mentors aux autres. Le mentorat vise à développer le jugement et l’aptitude au leadership des élèves-officiers ainsi encadrés. Les mentors sont censés donner des conseils et transmettre leur expérience dans le but d’aider les personnes moins expérimentées à se perfectionner sur le plan professionnel[65]. » Toutefois, le BVG a constaté que « les instructeurs militaires devaient avoir des aptitudes au leadership et un ensemble précis de compétences pour encadrer efficacement les élèves-officiers » et « qu’il n’y avait pas d’exigences officielles indiquant que les instructeurs militaires devaient suivre une formation sur le mentorat des élèves‑officiers[66] ». En conséquence, le BVG a recommandé au « Collège militaire royal du Canada [de] s’assurer que les instructeurs militaires ont les compétences et la formation requises pour contribuer au perfectionnement des aptitudes au leadership des élèves-officiers[67] ». La Défense nationale a accepté cette recommandation et a indiqué ce qui suit dans son Plan d’action détaillé :
Les trois premiers changements doivent être pleinement mis en œuvre d’ici le 31 août 2020, tandis que le quatrième a été apporté en novembre 2017. À propos de cette recommandation, la sous‑ministre a déclaré ce qui suit : À la suite d’une recommandation de même nature figurant dans le rapport de la VAEM, nous nous sommes assurés que le personnel militaire affecté au CMR ait le grade voulu et l’expérience nécessaire en matière de leadership afin de soutenir les élèves-officiers. Nous améliorons aussi l’orientation et la formation du personnel pour nous assurer qu’il est muni de tout ce qu’il faut pour accomplir les tâches qui sont les siennes[69]. Pour assurer la réussite de cette démarche, le Comité recommande ce qui suit : Recommandation 7 – En ce qui concerne le mentorat des élèves‑officiers : Que, d’ici le 31 décembre 2018, la Défense nationale présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport donnant des détails sur les progrès réalisés pour s’assurer que les instructeurs militaires ont les compétences et la formation requises pour contribuer au perfectionnement des aptitudes au leadership des élèves‑officiers au Collège militaire royal du Canada. AUTRES OBSERVATIONSPour ce qui est des cas graves, il convient de signaler que le BVG a constaté que « le Collège militaire royal du Canada avait offert un soutien et pris des mesures disciplinaires lorsque des incidents graves avaient été signalés[70] ». C’est pourquoi le BVG n’a présenté aucune recommandation à ce sujet[71]. CONCLUSIONLe Comité conclut que le Collège militaire royal du Canada n’a pas démontré qu’il formait des officiers à un coût raisonnable, surtout compte tenu du fait que le BVG n’a trouvé aucune différence notable entre l’évolution de la carrière des diplômés du Collège et celle des officiers qui ont participé à d’autres programmes de recrutement et de perfectionnement. En outre, le CMR a présenté des faiblesses au chapitre de l’instruction militaire et de l’intégration de celle‑ci à la formation universitaire. Le Comité conclut également que, même si le CMR « a pris des mesures lorsque de graves incidents avaient été signalés, le nombre d’enquêtes et de cas d’inconduite impliquant des élèves-officiers supérieurs a montré qu’il devait améliorer l’instruction militaire », surtout en ce qui concerne les aptitudes au leadership. Pour remédier à ces problèmes, le Comité a formulé sept recommandations qui aideront le CMR à remplir son mandat, qui consiste à former les leaders de demain des Forces armées canadiennes. RÉSUMÉ DES MESURES RECOMMANDÉES ET ÉCHÉANCES CORRESPONDANTES Tableau 1 – Résumé des mesures recommandées et échéances correspondantes
[1] Bureau du vérificateur général du Canada (BVG), Le Collège militaire royal du Canada – Défense nationale, Rapport 6 des rapports de l’automne 2017 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.1. [2] Ibid., paragr. 6.2. [3] Ibid., paragr. 6.3. [4] Ibid., paragr. 6.5. [5] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er mars 2018, réunion no 88. [6] Ibid. [7] BVG, Le Collège militaire royal du Canada – Défense nationale, Rapport 6 des rapports de l’automne 2017 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.15. [8] Ibid. [9] Ibid., paragr. 6.19. [10] Ibid., paragr. 6.21. [11] Ibid., paragr. 6.23. [12] Ibid., paragr. 6.25. [13] Défense nationale, Plan d’action détaillé, p. 1. [14] Ibid. [15] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er mars 2018, réunion no 88, 1540. [16] BVG, Le Collège militaire royal du Canada – Défense nationale, Rapport 6 des rapports de l’automne 2017 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.30. [17] Ibid., paragr. 6.35. [18] Ibid. [19] Ibid., paragr. 6.39. [20] Ibid., paragr. 6.40. [21] Ibid. [22] Ibid., paragr. 6.42. [23] Ibid. [24] Ibid., paragr. 6.44. [25] Défense nationale, Plan d’action détaillé, p. 2. [26] Ibid. [27] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er mars 2018, réunion no 88, 1630. [28] BVG, Le Collège militaire royal du Canada – Défense nationale, Rapport 6 des rapports de l’automne 2017 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.50. [29] Ibid., paragr. 6.51. [30] Ibid. [31] Ibid. [32] Ibid. [33] Ibid., paragr. 6.52. [34] Pour en savoir davantage à ce sujet, voir BVG, Recrutement et maintien de l’effectif dans les Forces armées canadiennes – Défense nationale, Rapport 6 des rapports de l’automne 2016 du vérificateur général du Canada. [35] BVG, Le Collège militaire royal du Canada – Défense nationale, Rapport 6 des rapports de l’automne 2017 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.52. [36] Ibid., paragr. 6.54. [37] Ibid., paragr. 6.57. [38] Ibid., paragr. 6.59. [39] Défense nationale, Plan d’action détaillé, p. 3. [40] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er mars 2018, réunion no 88, 1540. [41] BVG, Le Collège militaire royal du Canada – Défense nationale, Rapport 6 des rapports de l’automne 2017 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.60. [42] Ibid., paragr. 6.65. [43] Ibid., paragr. 6.66. [44] Ibid., paragr. 6.67. [45] Ibid., paragr. 6.68. [46] Ibid., paragr. 6.69. [47] Ibid., paragr. 6.70. [48] Ibid., paragr. 6.72. [49] Défense nationale, Plan d’action détaillé, p. 4-5. [50] Ibid. [51] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er mars 2018, réunion no 88, 1540. [52] BVG, Le Collège militaire royal du Canada – Défense nationale, Rapport 6 des rapports de l’automne 2017 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.75. [53] Ibid., paragr. 6.77. [54] Ibid., paragr. 6.78. [55] Ibid., paragr. 6.79. [56] Ibid., paragr. 6.85. [57] Ibid. [58] Ibid., paragr. 6.86. [59] Ibid., paragr. 6.88. [60] Ibid., paragr. 6.90. [61] Ibid., paragr. 6.89. [62] Ibid., paragr. 6.92. [63] Défense nationale, Plan d’action détaillé, p. 6. [64] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er mars 2018, réunion no 88, 1630. [65] BVG, Le Collège militaire royal du Canada – Défense nationale, Rapport 6 des rapports de l’automne 2017 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.93. [66] Ibid., paragr. 6.94. [67] Ibid., paragr. 6.95. [68] Défense nationale, Plan d’action détaillé, p. 7-8. [69] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 1er mars 2018, réunion no 88, 1540. [70] BVG, Le Collège militaire royal du Canada – Défense nationale, Rapport 6 des rapports de l’automne 2017 du vérificateur général du Canada, paragr. 6.96. [71] Ibid., paragr. 6.99. |