PACP Rapport du Comité
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RAPPORT 5, LES ÉCARTS SOCIO-ÉCONOMIQUES DANS LES RÉSERVES DES PREMIÈRES NATIONS — SERVICES AUX AUTOCHTONES CANADA, DES RAPPORTS DU PRINTEMPS 2018 DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU CANADA
Introduction
Au printemps 2018, le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) a publié un audit de performance, ayant pour but de déterminer si « Services aux Autochtones Canada [SAC ou le Ministère] avait mesuré de manière satisfaisante les progrès globaux accomplis par le Canada en vue de combler les écarts socio-économiques entre les membres des Premières Nations vivant dans les réserves et les autres Canadiens, et en avait fait dûment rapport. Il visait aussi à déterminer si le Ministère avait utilisé adéquatement les données à sa disposition pour améliorer les programmes d’enseignement afin de combler les écarts en matière d’éducation et d’améliorer le bien‑être socio-économique[1]. »
Dans le Message du vérificateur général, au printemps 2018, le vérificateur général (VG) a émis l’opinion que le manque de progrès dans le dossier autochtone est un « échec incompréhensible[2] ». En réponse, le Comité tient à ce que tous les Canadiens sachent qu’il prend cette opinion au sérieux; espérons que les recommandations de ce rapport soient un pas dans la bonne direction.
Selon le BVG, en 2008, « le Ministère a proposé d’élaborer un système de collecte des données sur les programmes d’enseignement des Premières Nations, que ces dernières pourraient également consulter[3] ». Cet engagement a été pris à nouveau en 2010, mais l’accès aux données par les Premières Nations semble avoir été limité[4].
Selon le BVG, le « gouvernement fédéral a pris de nombreux engagements pour s’acquitter des obligations du Canada envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Affaires autochtones et du Nord Canada était l’entité chargée de donner suite à ces engagements[5]. » En août 2017, il « a annoncé la dissolution d’Affaires autochtones et du Nord Canada et la création de deux ministères : Services aux Autochtones Canada et Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord. [Le BVG] a audité Affaires autochtones et du Nord Canada avant août 2017 et, par la suite, le ministère nouvellement formé, [SAC], qui est maintenant le ministère responsable[6]. » La présente note utilise la nouvelle appellation, SAC, pour désigner l’un ou l’autre des ministères.
Selon SAC, en décembre 2017, il y avait environ un million de personnes inscrites en vertu de la Loi sur les Indiens, dont la moitié vivait dans les réserves ou sur les terres de la Couronne. Dans ce rapport, le terme « Premières Nations » désigne « les membres des Premières Nations vivant dans des réserves[7] ».
SAC « demande aux Premières Nations de lui fournir un volume considérable de données sur les populations vivant dans les réserves. Le Ministère obtient également des données de Statistique Canada, ainsi que d’autres ministères fédéraux, d’organisations autochtones et d’autres sources[8]. »
De plus, la « Commission de vérité et réconciliation du Canada, créée en 2008, s’est vu confier le mandat d’informer les Canadiens de ce qui s’est produit dans les pensionnats indiens. Le rapport définitif de la Commission de 2015 contenait 94 appels à l’action », dont celles de « cerner, mesurer et combler les écarts dans les résultats en matière de santé entre les Premières Nations et les autres collectivités canadiennes ; et de préparer et publier des rapports annuels sur ces questions et sur d’autres[9] ».
Le 17 octobre 2018, le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes (le Comité) a organisé une réunion sur cet audit. Les témoins suivants étaient présents : du BVG, Michael Ferguson, vérificateur général du Canada (VG), et Joe Martire, directeur principal; de SAC, Jean-François Tremblay, sous-ministre, Paul Thoppil, dirigeant principal des finances, des résultats et de l’exécution, et Shelie Laforest, directrice principale intérimaire, Direction des programmes[10].
Constatations et recommandations
Tel que rapporté par le VG au Comité, la question de la collecte et de l’utilisation inadéquate des données est un problème récurrent auquel font face les organismes fédéraux. Étant donné l’importance de données fiables pour l’exécution et l’évaluation de l’efficacité des programmes, le Comité a fait de cette question une de ses priorités fondamentales et constantes.
A. Mesurer le bien-être dans les réserves des Premières Nations
1. La mesure inadéquate du bien-être
Selon le BVG, l’Indice du bien-être des collectivités du Ministère, « est son seul outil public pour mesurer globalement le bien-être socio-économique des collectivités des Premières Nations par rapport à celui des autres collectivités du Canada[11] ». Il repose sur les données des recensements et mesure quatre composantes, soit la scolarité, la participation au marché du travail, le revenu par habitant et le logement (surpeuplement et logements nécessitant des réparations majeures).
Le BVG a « constaté que le Ministère n’avait pas mesuré adéquatement le bien-être des membres des Premières Nations vivant dans les réserves. L’Indice du bien-être des collectivités ne mesurait que quatre composantes du bien-être ». Même si ce sont des aspects importants du bien-être, « l’Indice ne tenait pas compte de variables essentielles telles que la santé, l’environnement, la langue et la culture. Or, les Premières Nations considèrent la langue et la culture, en particulier, comme des éléments essentiels à leur bien-être[12]. »
Selon le BVG, même si le Ministère a « admis que l’Indice était incomplet, il ne l’a pas modifié pour l’étoffer ou pour établir un outil ou un ensemble d’outils de mesure plus complets en vue d’évaluer le bien-être des membres des Premières Nations vivant dans les réserves[13] ».
Selon Jean-François Tremblay, sous-ministre, « il nous faut un indice plus complet. Nous collaborons avec les Premières Nations et sommes en train de l’élaborer[14] ».
2. L’utilisation des données disponibles
Le BVG a constaté que Le BVG a constaté que « le Ministère aurait pu utiliser les grandes quantités de données provenant de multiples sources à sa disposition pour comparer de façon plus approfondie le bien-être des Premières Nations d’une collectivité à l’autre et avec le bien-être des autres Canadiens, mais qu’il ne l’avait pas fait. Le Ministère disposait de données et pouvait accéder à des données venant de sources publiques, d’autres ministères et des Premières Nations, mais il n’en a tenu compte ni dans l’Indice du bien-être des collectivités ni dans un autre outil ou ensemble d’outils de mesure complet[15]. » Parmi elles :
- les profils internes des communautés des Premières Nations du Ministère;
- des données au sujet des programmes de formation professionnelle provenant d’Emploi et Développement social Canada;
- de l’information sur la santé des Premières Nations, provenant de Santé Canada;
- des données provenant d’agence de santé provinciales;
- des données provinciales sur le nombre d’enfants autochtones placés dans des familles d’accueil;
- l’Enquête régionale sur la santé des Premières Nations[16].
Selon le BVG, « le Ministère devrait mieux utiliser ces données pour évaluer de manière plus complète et mieux comprendre le bien-être des Premières Nations par rapport à celui des autres collectivités canadiennes, et pour mesurer si des progrès sont réalisés[17] ».
Par exemple, le BVG a « calculé, à partir des données de programme de recensement, le taux d’obtention d’un diplôme d’études secondaires, ou l’équivalent, pour les personnes vivant dans les réserves et pour l’ensemble des Canadiens de 2001 à 2016[18] ». Même si « les résultats obtenus par les Premières Nations s’étaient améliorés, ceux de l’ensemble des Canadiens s’étaient améliorés davantage : en 2001, l’écart était de 30 point[s] de pourcentage, en 2016, il était de 33 point[s] de pourcentage[19] ». Selon le BVG, « cette façon de mesurer les résultats en matière d’éducation et de faire rapport à cet égard est plus claire et pourrait aider à dresser un portrait plus significatif du bien-être des Premières Nations[20] ».
3. Les rapports incomplets sur le bien-être
Le BVG a constaté que SAC « n’avait pas publié de rapport complet sur le bien-être socio‑économique global des membres des Premières Nations vivant dans les réserves. [Le BVG a] remarqué en revanche que le premier ministre de l’Australie publie depuis 2009 un rapport annuel, intitulé Closing the Gap ([traduction] « Combler l’écart »), présentant les progrès réalisés pour améliorer le bien-être des peuples autochtones australiens. Ces rapports montrent où des efforts restent à faire[21]. »
4. L’absence de mobilisation significative
Selon le BVG, SAC « n’a pas collaboré avec les Premières Nations à l’élaboration de l’Indice du bien-être des collectivités, publié la première fois en 2004. [Le BVG a] constaté que depuis cette date, le Ministère n’avait pas révisé l’Indice pour y inclure la langue et la culture ou mis au point un autre ensemble complet d’outils de mesure pour évaluer le bien-être des Premières Nations[22] ». Le BVG a aussi constaté qu’il faut « en faire davantage pour mesurer le bien-être général des membres des Premières Nations vivant dans les réserves comparativement à celui des autres Canadiens, et pour faire rapport à cet égard[23] ».
Tel que constaté par Jean-François Tremblay, selon les données, « l’Atlantique et la Colombie-Britannique font un peu mieux, et […] l’éducation est gérée à l’échelle régionale par les Premières Nations. […] Il y a un plus grand engagement[24]. » Cela semble indiquer que quand les Premières Nations sont parties prenantes de l’élaboration et de la gestion de tels programmes, les résultats semblent meilleurs.
Par conséquent, le BVG a formulé la recommandation suivante :
Avec la participation des Premières Nations et d’autres partenaires, Services aux Autochtones Canada devrait utiliser des données pertinentes pour mesurer de manière exhaustive le bien-être socio-économique général des membres des Premières Nations vivant dans les réserves comparativement à celui des autres Canadiens, et pour faire rapport à cet égard. Le Ministère devrait aussi mesurer les autres aspects du bien-être socio-économique jugés prioritaires par les Premières Nations, comme la langue et la culture, qui ne seraient peut-être pas directement comparables aux priorités des autres Canadiens, et faire rapport à cet égard[25].
Dans son Plan d’action détaillé, SAC a statué être en train de préparer un cadre national axé sur les résultats, dont une version préliminaire a été remise aux membres du Comité, et qui n’a pas encore été validée par les Premières Nations. Le cadre sera développé davantage en collaboration avec l’Assemblée des Premières Nations et le Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations, et une deuxième ébauche « devrait être terminé[e] d’ici mars 2019 ». Par la suite, « un engagement subséquent avec les Premières Nations dans le cadre national axé sur les résultats » devrait être pris, et mener à cadre final, qui devrait « être terminé d’ici mars 2020 » et mener à un premier « rapport de référence sur les écarts socioéconomiques entre les Premières Nations et les non-Autochtones, qui devrait être terminé en mars 2021[26] ». Selon Jean-François Tremblay, SAC vise « à élaborer conjointement des données de référence sur les écarts socioéconomiques d’ici trois ans afin de commencer à mesurer systématiquement les progrès réalisés en vue de combler ces écarts et d’en faire rapport[27] ».
Par conséquent, le Comité recommande :
Recommandation 1 – Sur les mesures du bien-être dans les réserves des Premières Nations
Que Services aux Autochtones Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes : 1) un premier rapport d’étape sur les consultations menées et les décisions prises concernant le cadre national axé sur les résultats, d’ici au 30 avril 2019. Ce cadre devrait avoir été développé en collaboration avec les membres des Premières Nations et comprendre des mesures des aspects du bien-être socioéconomique jugés prioritaires par les Premières Nations, comme la langue et la culture; 2) un rapport final sur ce cadre, d’ici au 30 avril 2020; 3) un rapport de référence sur les écarts socio-économiques entre les membres des Premières Nations et les Canadiens non-Autochtones, d’ici au 30 avril 2021; et 4) à partir de 2023, un rapport annuel sur les écarts socio-économiques, au plus tard le 30 juin de chaque année.
B. Recueillir, utiliser et partager les données sur l’éducation des Premières Nations
1. Le défaut de collecte de données pertinentes
Selon le BVG, en 2010, SAC « a élaboré la Stratégie de mesure du rendement en matière d’éducation pour mesurer les résultats des élèves et des écoles des Premières Nations, et pour déterminer si ces élèves obtenaient des résultats en matière d’éducation comparables à ceux des autres élèves canadiens[28] ».
Le BVG a constaté que :
- le Ministère n’avait pas recueilli l’information nécessaire pour comparer les résultats en matière d’éducation des élèves des Premières Nations à ceux des autres élèves canadiens »;
- le Ministère n’avait pas recueilli certaines données importantes auprès des Premières Nations sur les programmes d’enseignement primaire et secondaire »;
- le Ministère ne disposait pas de données sur les taux d’obtention d’un diplôme postsecondaire pour les étudiants des Premières Nations dans les réserves. Il n’a pas non plus recueilli de données complètes sur les élèves des Premières Nations qui voulaient poursuivre des études postsecondaires, mais qui n’avaient pas accès aux fonds nécessaires. Bien que le Ministère se soit engagé à examiner ces questions en 2004, il ne pouvait toujours pas rendre compte de la mesure dans laquelle le soutien aux études postsecondaires pour les membres des Premières Nations avait contribué à améliorer les résultats en matière d’éducation. Le Ministère ne pouvait pas non plus confirmer si son modèle de prestation donnait aux étudiants admissibles un accès équitable au soutien financier pour les études postsecondaires[29]. »
2. Le défaut d’évaluation des données pertinentes
Le BVG a aussi « constaté que le Ministère n’avait pas fait de distinction entre les diplômes d’études secondaires et les certificats de fin d’études secondaires. Selon le Ministère, les certificats pourraient ne pas être reconnus par les établissements postsecondaires[30] ».
Selon le BVG, « en ne distinguant pas les diplômes officiels d’études secondaires des certificats de fin d’études secondaires, le Ministère et les Premières Nations ne pouvaient pas déterminer combien d’élèves diplômés des Premières Nations pourraient ne pas être admissibles à des études postsecondaires[31] ».
3. L’utilisation inadéquate des données pour améliorer les programmes d’enseignement
En 2008, « Services aux Autochtones Canada a fait de l’alphabétisation une priorité nationale[32] ». Or, le BVG a constaté que, « même si le Ministère avait recueilli des renseignements auprès des Premières Nations sur les élèves vivant dans les réserves qui avaient participé aux tests standardisés, il n’avait pas analysé les niveaux d’alphabétisation des élèves pour déterminer si son soutien avait amélioré les résultats ». De plus, « le Ministère n’avait pas comparé les niveaux d’alphabétisation des Premières Nations aux données d’autres administrations canadiennes, et […] ne s’était pas non plus servi de ces données pour déterminer le soutien à accorder aux programmes d’alphabétisation[33] ».
Le BVG a aussi relevé « d’autres exemples où le Ministère n’avait pas utilisé adéquatement les données pour modifier ses programmes », par exemple pour son Programme préparatoire au collège et à l’université, et pour son Programme d’enseignement primaire et secondaire; ce dernier s’adressait aux élèves âgés de 4 à 21 ans, mais comptait 17 % d’élèves âgés de plus de 21 ans[34]. Au sujet du programme préparatoire, Jean-François Tremblay a indiqué que ce n’était pas un programme conçu par SAC « pour améliorer les résultats. Il visait à faire en sorte que les élèves aient accès aux services offerts par l'institution[35]. » De plus, les résultats du programme « indiquent seulement qu'il faut faire plus[36] ». SAC examine présentement ses « programmes d'éducation postsecondaire, en collaboration avec les Premières Nations[37] ».
4. L’utilisation inadéquate des données pour éclairer les décisions de financement
Selon le BVG, par l’entremise « de programmes de base et complémentaires, Services aux Autochtones Canada a appuyé financièrement les élèves admissibles des Premières Nations vivant dans les réserves pour qu’ils fréquentent des écoles des Premières Nations ou encore des écoles fédérales, provinciales ou privées. En 2000, le Ministère s’était engagé à élaborer et à utiliser des données comparatives sur les coûts[38] ». Le BVG a aussi constaté qu’en 2017, « il restait encore du travail à faire, et […] le Ministère n’était toujours pas en mesure de présenter une analyse comparative des fonds fédéraux affectés à l’éducation dans les réserves et des fonds affectés à d’autres systèmes d’éducation canadiens[39] ».
De plus, le BVG a rapporté « qu’il était difficile d’établir clairement dans quelle mesure le Ministère tenait compte des besoins uniques des élèves des Premières Nations au moment de décider du financement de base à accorder ». Ces besoins peuvent influencer les coûts, qui sont eux-mêmes influencés par des facteurs comme la langue maternelle des élèves (qui n’est pas toujours l’anglais ou le français), la difficulté d’attirer des enseignants et l’isolement géographique des communautés[40].
Le BVG a aussi noté que, comme « complément à son budget de financement de l’éducation de base, le Ministère a reçu une somme additionnelle de 2,6 milliards de dollars sur cinq exercices, de 2016-2017 à 2020-2021 ». Selon le BVG, « l’analyse du Ministère à l’appui de ce montant avait été insuffisante[41] ».
5. L’accès limité des Premières Nations au Système d’information sur l’éducation du Ministère
Le BVG a rapporté que selon « les constatations d’un audit interne du système réalisé en décembre 2015, les Premières Nations n’avaient qu’un accès limité aux outils de déclaration pour pouvoir comparer, par exemple, les résultats des élèves de leurs collectivités à ceux d’autres régions. De plus, les Premières Nations ont reçu peu de formation sur le fonctionnement du système[42]. »
À ce sujet, Jean-François Tremblay a expliqué au Comité que SAC était « en train de mener des projets pilotes, dans le cadre desquels des Premières Nations ont directement accès aux données, [et] que plus de 45 % des Premières Nations sont maintenant intégrées à ce système[43] », ce qui en laisse encore plus de la moitié n’y ayant pas accès.
6. Le lourd fardeau administratif imposé aux Premières Nations
Des représentants des Premières Nations ont fait savoir au BVG « que les données exigées au sujet des programmes d’enseignement leur imposaient un lourd fardeau. [Le BVG a] constaté qu’au cours de l’exercice 2017-2018, jusqu’à 13 formulaires comportant 920 champs de données devaient être remplis au titre des exigences du Ministère en matière de rapports[44] ». De plus, SAC a « cerné la nécessité de réduire le fardeau administratif des Premières Nations, qui devaient produire 20 rapports annuels au moyen de données provenant d’environ 1 500 sources[45] ».
À ce sujet, Jean-François Tremblay a dit que SAC négociait « des ententes régionales dans lesquelles [SAC s’entend] avec les Premières Nations sur la structure et les données à recueillir[46] ».
Par conséquent, le BVG a formulé la recommandation suivante :
Avec la participation des Premières Nations et d’autres partenaires, Services aux Autochtones Canada devrait recueillir et utiliser les données et les communiquer aux Premières Nations de manière appropriée afin d’améliorer les résultats en matière d’éducation des membres des Premières Nations vivant dans les réserves[47].
Dans ses remarques préliminaires, Jean-François Tremblay a mentionné qu’il « n'y aura jamais "une" solution universelle pour l'éducation des Premières Nations. C'est pourquoi [SAC travaille] à renforcer les approches régionales. Un exemple récent et audacieux à cet égard est l'Accord tripartite en matière d'éducation en Colombie-Britannique », que SAC considère comme son « point de repère initial pour ce genre de travail de collaboration régionale, car il est très complet[48] ».
Un autre exemple a été expliqué par Shelie Laforest, directrice principale intérimaire, concernant le choix des meilleurs indicateurs sur l’éducation :
Je peux parler de l'accord avec la Colombie-Britannique qui a été signé. Dans l'accord, il y a des indicateurs à propos de la connectivité et de la littératie selon les niveaux scolaires. Il prévoit aussi le calcul des taux d'assiduité et des rapports enseignants-étudiants. Cet accord avec la Colombie-Britannique comporte une série d'indicateurs. Ce sont là des exemples d'indicateurs, que je vous donne de mémoire, qui ont été jugés des mesures appropriées des résultats du point de vue de la Colombie-Britannique[49].
Selon le Plan d’action détaillé de SAC, la première entente « devrait être achevée en décembre 2018[50] ». Ensuite, SAC « prévoit réaliser 10 à 20 accords régionaux d’éducation […] initiés d’ici décembre 2019[51] ». De plus, les « cibles nationales sur l’éducation de la maternelle à la 12e année, développées conjointement avec les Premières Nations, devraient être achevées d’ici mars 2021[52] ». Le cadre de résultats mis à jour devrait être approuvé d’ici juin 2021[53].
Par conséquent, le Comité recommande :
Recommandation 2 – Sur la collecte, le partage et l’utilisation des données portant sur les résultats en éducation des Premières Nations vivant dans les réserves
Que Services aux Autochtones Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes : 1) un premier rapport d’étape sur les accords régionaux d’éducation conclus ou en voie d’être conclus et leur contenu, d’ici au 15 juin 2019; 2) un second report d’étape sur le même sujet, d’ici au 30 juin 2020; 3) un rapport final comprenant tous les accords régionaux d’éducation conclus, ainsi que les cibles nationales sur l’éducation de la maternelle à la 12e année, d’ici au 30 juin 2021.
C. Rapports sur les résultats des Premières Nations en matière d’éducation
1. La présentation de rapports incomplets
Selon le BVG, en « 2010 et en 2014, le Ministère a établi une stratégie de mesure du rendement en matière d’éducation comportant des mesures de rendement précises[54] ». Le BVG a « constaté que le Ministère n’avait pas fait rapport sur les résultats concernant la plupart des mesures. Plus particulièrement, sa stratégie de 2014 prévoyait 23 mesures précises, mais nous avons constaté que le Ministère n’avait jamais communiqué les résultats de 17 d’entre elles. Par exemple, il n’a pas fait rapport sur l’assiduité scolaire ni sur l’enseignement des langues autochtones[55]. »
Sur le sujet, Jean-François Tremblay a réitéré que ces données n’avaient pas été communiquées, parce que SAC n’a pas « toutes les données ou […] leur qualité laisse à désirer[56] ». Il s’agit du problème au cœur de l’audit, soit le manque de données fiables sur lesquelles se fier pour élaborer des programmes et vérifier les résultats de ces programmes. Tel qu’indiqué par le VG, « pour combler les écarts socioéconomiques et augmenter la qualité de vie dans les réserves, les décideurs fédéraux et les Premières Nations doivent avoir de l'information sur les conditions socioéconomiques des membres des Premières Nations et des données de programmes fiables, pertinentes et à jour[57] ».
De plus, le BVG a constaté que « le taux d’obtention du diplôme d’études secondaires des élèves des Premières Nations vivant dans les réserves communiqué par le Ministère était inexact. Le taux présenté tenait uniquement compte des élèves inscrits à la dernière année d’études secondaires. Il était donc surévalué puisque les élèves ayant décroché en 9e, 10e ou 11e année étaient exclus du calcul du Ministère[58]. » Il était inférieur de 10 à 29 points de pourcentage, selon les années[59]. En dépit des difficultés inhérentes à faire le suivi des étudiants à l’intérieur d’une juridiction ou de l’une à l’autre d’entre elles, le Comité a été préoccupé par la présentation de résultats inexacts au Parlement.
Par conséquent, le BVG a formulé la recommandation suivante :
Services aux Autochtones Canada devrait s’assurer que les données qu’il communique sur les résultats des Premières Nations en matière d’éducation sont complètes et exactes[60].
Selon son Plan d’action, SAC va approuver le « cadre de résultats mis à jour d’ici juin 2021[61] » (voir sa réponse à la recommandation 5.83 du BVG). Par la suite, les « ajustements à apporter au système d’information sur l’éducation (ou à son successeur) doivent être achevés d’ici juin 2022[62] ».
Les ajustements à apporter au système d’information sur l’éducation dépendent de l’approbation du cadre de résultats mis à jour d’ici juin 2021, qui doit être présenté au Comité au plus tard le 30 juin 2021, d’après la recommandation 2 du présent rapport. Par conséquent, le Comité recommande :
Recommandation 3 – Sur les rapports sur les résultats des Premières Nations en éducation
Que Services aux Autochtones Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport final sur les ajustements apportés à son système d’information sur l’éducation, d’ici au 30 juin 2022.
Conclusion
Le Comité conclut que Services aux Autochtones Canada n’avait pas mesuré de manière satisfaisante les progrès accomplis par le Canada en vue de combler les écarts socio-économiques entre les membres des Premières Nations vivant dans les réserves et les autres Canadiens; qu’il n’en avait pas fait dûment rapport; et qu’il n’avait pas utilisé adéquatement les données à sa disposition pour améliorer les programmes d’enseignement.
Le Comité a formulé trois recommandations à Services aux Autochtones Canada, pour que le Ministère puisse mesurer adéquatement l’impact des programmes sur la vie réelle des Autochtones en se servant des bons indicateurs, plutôt que de mettre l’accent sur le nombre de dollars dépensés dans des programmes. Le but ultime est d’avoir des programmes qui permettront de réduire, voire d’éliminer les écarts socioéconomiques existant entre les membres des Premières Nations et les non-Autochtones.
Sommaire des mesures recommandées et échéance
Tableau 1—Sommaire des mesures recommandées et échéance
Recommandation |
Mesure recommandée |
Échéance |
Recommandation 1 |
Services aux Autochtones Canada (SAC) doit présenter au Comité : 1) un rapport d’étape sur les consultations menées et les décisions prises concernant le cadre national axé sur les résultats; 2) un rapport final sur ce cadre; 3) un rapport de référence sur les écarts socio-économiques entre les membres des Premières Nations et les Canadiens non-Autochtones; et 4) un rapport annuel sur ses écarts socio-économiques. |
30 avril 2019 30 avril 2020 30 avril 2021 30 juin 2023, 2024, etc. |
Recommandation 2 |
SAC doit présenter au Comité : 1) un premier rapport d’étape sur les accords régionaux d’éducation conclus ou en voie d’être conclus et leur contenu; 2) un second report d’étape sur le même sujet; 3) un rapport final comprenant tous les accords régionaux d’éducation conclus, ainsi que les cibles nationales sur l’éducation de la maternelle à la 12e année. |
15 juin 2019 30 juin 2020 30 juin 2021 |
Recommandation 3 |
SAC doit présenter au Comité un rapport final sur les ajustements apportés à son système d’information sur l’éducation. |
30 juin 2022 |
[1] Bureau du vérificateur général du Canada (BVG), Les écarts socio-économiques dans les réserves des Premières Nations – Services aux Autochtones Canada, rapport 5 des Rapports du printemps 2018 du vérificateur général du Canada, paragr. 5.12.
[2] BVG, Message du vérificateur général du Canada, des Rapports du printemps 2018 du vérificateur général du Canada, cinquante-deuxième rapport.
[3] BVG, Les écarts socio-économiques dans les réserves des Premières Nations – Services aux Autochtones Canada, rapport 5 des Rapports du printemps 2018 du vérificateur général du Canada, paragr. 5.77.
[4] Ibid., paragr. 5.78 et 5.79.
[5] Ibid., paragr. 5.6.
[6] Ibid., paragr. 5.7.
[7] Ibid., paragr. 5.1.
[8] Ibid., paragr. 5.4.
[9] Ibid., paragr. 5.8.
[10] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018, réunion no 112.
[11] BVG, Les écarts socio-économiques dans les réserves des Premières Nations – Services aux Autochtones Canada, rapport 5 des Rapports du printemps 2018 du vérificateur général du Canada, paragr. 5.21.
[12] Ibid., paragr. 5.25.
[13] Ibid., paragr. 5.26.
[14] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018, réunion no 112, 1605.
[15] BVG, Les écarts socio-économiques dans les réserves des Premières Nations – Services aux Autochtones Canada, rapport 5 des Rapports du printemps 2018 du vérificateur général du Canada, paragr. 5.29.
[16] Ibid.
[17] Ibid., paragr. 5.30.
[18] Ibid., paragr. 5.32.
[19] Ibid.
[20] Ibid.
[21] Ibid., paragr. 5.33.
[22] Ibid., paragr. 5.34.
[23] Ibid., paragr. 5.36.
[24] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018, réunion no 112, 1555.
[25] BVG, Les écarts socio-économiques dans les réserves des Premières Nations – Services aux Autochtones Canada, rapport 5 des Rapports du printemps 2018 du vérificateur général du Canada, paragr. 5.37.
[26] Service aux Autochtones Canada (SAC), Plan d’action détaillé, p. 1.
[27] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018, réunion no 112, 1540.
[28] BVG, Les écarts socio-économiques dans les réserves des Premières Nations – Services aux Autochtones Canada, rapport 5 des Rapports du printemps 2018 du vérificateur général du Canada, paragr. 5.50.
[29] Ibid., paragr. 5.51 à 5.53.
[30] Ibid., paragr. 5.54.
[31] Ibid., paragr. 5.55.
[32] Ibid., paragr. 5.62.
[33] Ibid., paragr. 5.63.
[34] Ibid., paragr. 5.64 et 5.65.
[35] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018, réunion no 112, 1550.
[36] Ibid.
[37] Ibid.
[38] BVG, Les écarts socio-économiques dans les réserves des Premières Nations – Services aux Autochtones Canada, rapport 5 des Rapports du printemps 2018 du vérificateur général du Canada, paragr. 5.68.
[39] Ibid.
[40] Ibid., paragr. 5.69.
[41] Ibid., paragr. 5.70.
[42] Ibid., paragr. 5.79.
[43] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018, réunion no 112, 1550.
[44] BVG, Les écarts socio-économiques dans les réserves des Premières Nations – Services aux Autochtones Canada, rapport 5 des Rapports du printemps 2018 du vérificateur général du Canada, paragr. 5.81.
[45] Ibid., paragr. 5.78.
[46] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018, réunion no 112, 1600.
[47] BVG, Les écarts socio-économiques dans les réserves des Premières Nations – Services aux Autochtones Canada, rapport 5 des Rapports du printemps 2018 du vérificateur général du Canada, paragr. 5.83.
[48] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018, réunion no 112, 1540.
[49] Ibid., 1635.
[50] SAC, Plan d’action détaillé, p. 2.
[51] Ibid.
[52] Ibid.
[53] Ibid.
[54] Ibid., paragr. 5.91.
[55] Ibid., paragr. 5.92.
[56] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018, réunion no 112, 1705.
[57] Ibid., 1530.
[58] BVG, Les écarts socio-économiques dans les réserves des Premières Nations – Services aux Autochtones Canada, rapport 5 des Rapports du printemps 2018 du vérificateur général du Canada, paragr. 5.94.
[59] Ibid., paragr. 5.95.
[60] Ibid., paragr. 5.98.
[61] SAC, Plan d’action détaillé, p. 2.
[62] Ibid.