PACP Rapport du Comité
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
RAPPORT 5, ÉQUIPER LES AGENTES ET AGENTS DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA, DES RAPPORTS DU PRINTEMPS 2019 DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU CANADA
INTRODUCTION
Selon le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG), la Gendarmerie royale du Canada (GRC), qui comptait plus de 18 000 agents en 2018, est le corps policier le plus important du Canada[1]. La GRC fournit des services de police à tous les ordres de gouvernement et aux collectivités autochtones du Canada; elle assure également des services dans le cadre de contrats passés avec les provinces (sauf le Québec et l’Ontario) et avec plus de 150 municipalités[2].
La GRC est structurée en 15 divisions : « une dans chaque province et chaque territoire, une autre réservée à la formation du personnel à Regina, en Saskatchewan [Division Dépôt], et une division nationale à Ottawa, en Ontario[3] ». Elle compte aussi environ 700 détachements locaux qui fournissent des services de police dans la majorité des régions rurales du pays, dans tout le Grand Nord et dans certains centres urbains, comme Moncton, au Nouveau‑Brunswick, et Surrey, en Colombie‑Britannique. La taille de ces détachements est variable, allant de 2 à 750 agents[4].
Les agents de la GRC remplissent leurs fonctions dans des environnements de travail souvent dangereux, et ils doivent à l’occasion composer avec des situations potentiellement mortelles. Depuis 2001, 15 agents de la GRC au total sont décédés lors de 9 fusillades[5].
Au printemps 2019, le BVG a publié les résultats d’un audit de performance qui visait à « déterminer si la GRC avait doté ses agents de gilets pare‑balles rigides et d’armes semi‑automatiques appelées carabines. Cet équipement permet essentiellement de protéger les agents qui doivent neutraliser un tireur actif. L’audit a aussi porté sur la formation des agents au maniement des carabines et des pistolets, ainsi que sur l’entretien de ces armes à feu[6]. » La pièce 1 montre différents types d’armes à feu utilisées par la GRC.
Pièce 1 – Quelques armes à feu utilisées par les agents de la Gendarmerie royale du Canada
Source : Bureau du vérificateur général du Canada, Équiper les agentes et agents de la Gendarmerie royale du Canada, Rapport 5 des rapports du printemps 2019 du vérificateur général du Canada, pièce 5.1.
Le 16 mai 2019, le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes (le Comité) a tenu une audience sur l’audit du BVG. Les personnes suivantes étaient présentes : du BVG, Sylvain Ricard, vérificateur général par intérim du Canada, et Nicholas Swales, directeur principal; de la GRC, Brenda Lucki, commissaire, et Brian Brennan, sous‑commissaire, Services de police contractuels et autochtones[7].
CONSTATATIONS ET RECOMMANDATIONS
Comme l’a rappelé le BVG, le « 4 juin 2014, un homme lourdement armé a abattu trois agents de la GRC à Moncton, et en a blessé deux autres ». À la suite du drame, « le commissaire de la GRC a demandé un examen indépendant de l’incident ». Le rapport qui en a découlé, appelé le rapport MacNeil[8], a révélé que « les agents avaient une puissance de feu inférieure à celle de l’agresseur et ne disposaient pas de gilets pare‑balles rigides pour se protéger contre des armes de grande puissance. Le rapport contenait 64 recommandations, dont beaucoup concernaient des lacunes dans l’équipement et la formation des agents. La GRC s’est engagée à mettre en œuvre toutes les recommandations », notamment à veiller à ce que ses agents aient accès à des gilets pare‑balles rigides et à accélérer le déploiement d’armes semi‑automatiques appelées carabines[9].
En 2017, « la Cour provinciale du Nouveau‑Brunswick a reconnu la GRC coupable d’une infraction au Code canadien du travail pour avoir omis de fournir de l’équipement adéquat aux agents qui sont intervenus lors de l’incident de Moncton, plus particulièrement des carabines et des gilets pare‑balles rigides. La Cour a souligné que le plan pour le déploiement initial de carabines de 2012 à 2014 manquait de ressources, était mal géré, n’avait pas obtenu une priorité convenable et ne traduisait aucun sentiment d’urgence ». Selon la Cour, la GRC ne s’est pas préoccupée suffisamment de « la santé et [de] la sécurité des membres de première ligne[10] ».
À l’audience du Comité, Brenda Lucki, commissaire, a décrit le stock actuel d’armes d’épaule de la GRC :
Nous avons trois types d’armes d’épaule : les fusils de chasse, les fusils et les carabines. En fait, nous menons une étude pour déterminer si nous avons besoin des trois. Chacune de ces armes a une utilité différente, selon le type de service de police et le contexte rural. Avons‑nous un nombre suffisant de chacune de ces armes? C’est ce que nous étudions, mais pour l’instant, certaines divisions ont décidé de ne pas obtenir une requalification pour les fusils, par exemple, et de garder les fusils de chasse. Cela dépend de la dynamique au sein de la division, et nous laissons à chaque commandant le soin d’en décider[11].
A. Nombre de carabines nécessaires
Le BVG a constaté que « la GRC n’avait pas établi de norme nationale pour la distribution des carabines définissant le nombre de carabines nécessaires pour équiper adéquatement les agents afin qu’ils puissent neutraliser un tireur actif », et que ses divisions « n’ont pas non plus défini de façon cohérente les personnes qui étaient les plus à risque[12] ». La GRC ne savait donc pas si elle avait fourni des carabines à tous les agents qui en avaient besoin et elle ne connaissait pas le nombre de carabines supplémentaires dont elle avait besoin[13].
Selon le BVG, la GRC a commencé, en 2015, à « fournir des carabines aux détachements à mesure que les agents terminaient leur formation au maniement de ces armes. En liant la distribution des carabines à la formation des agents, la GRC a fait en sorte que la distribution de ces armes dépende de la prise de décision à l’échelle locale et de la disponibilité des ressources. Cette situation a causé des écarts dans la distribution des carabines au sein de la GRC[14]. » Par ailleurs, « certains détachements possédaient un nombre insuffisant de carabines, ce qui signifiait qu’ils n’avaient pas de carabines de rechange pour remplacer celles faisant l’objet d’un entretien[15] ».
Le BVG a observé en outre que, « toutes les carabines ne se trouvaient pas dans les détachements indiqués dans les données de la GRC ». Par conséquent, « la Direction générale de la GRC n’avait pas un portrait global de la répartition géographique réelle des carabines au sein des divisions », et elle « ne pouvait donc pas confirmer si les agents qui avaient besoin de cet équipement y avaient accès[16] ».
Pour cette raison, le BVG a recommandé à la GRC d’« établir une norme nationale afin de veiller à ce que chaque détachement dispose d’un nombre suffisant de carabines[17] ».
En réponse à cette recommandation, la GRC a fait savoir, dans son Plan d’action détaillé, que des « cours de formation tactique comme ceux qui portent sur le DRAI [déploiement rapide pour action immédiate], l’intervention initiale en cas d’incident critique ainsi que l’intervention et le désamorçage en cas de crise apportent un enseignement complémentaire » à l’utilisation des carabines. Tous les membres « sont maintenant tenus de suivre la formation sur le maniement de la carabine et sur le DRAI dès leur sortie de la Division Dépôt ». De plus, depuis octobre 2018, la Direction générale fournit des cartes électroniques interactives aux commandants divisionnaires pour assurer le suivi de la distribution des carabines et la formation des membres de leur détachement. Par ailleurs, les « cartes montrant la répartition des carabines s’accompagneront désormais d’évaluations continues des risques présents dans les divisions et les détachements, ce qui fournira aux commandants divisionnaires les données factuelles dont ils ont besoin pour prendre des décisions judicieuses fondées sur les risques en ce qui concerne la répartition des carabines[18] ».
Le BVG a également recommandé à la GRC de « s’assurer de disposer des renseignements nécessaires concernant le risque et la distribution des carabines à l’échelle nationale pour pouvoir déterminer si elle en possède un nombre suffisant, afin de respecter ses obligations aux termes du Code canadien du travail[19] ».
Dans son plan d’action, la GRC a répondu à cette recommandation en faisant remarquer qu’elle « élaborera une norme nationale qui : 1. contient des définitions claires et uniformes; 2. décrit les processus pour s’assurer que l’équipement et la formation sont distribués en fonction des risques; 3. contient des indicateurs du rendement pour évaluer à l’échelle nationale si les cibles ont été atteintes et si les risques ont été atténués adéquatement[20] ».
À l’audience, Brian Brennan, sous‑commissaire, Services de police contractuels et autochtones, a fourni l’explication suivante en réponse à une question sur la disponibilité des cartes :
Il s’agit d’un système de cartographie accessible sur le Web, qui permet de faire le suivi des carabines fournies aux détachements. Le commandant de la division ou les personnes qui travaillent pour lui peuvent sélectionner un détachement, et la carte leur indiquera le nombre de carabines et d’agents formés qui s’y trouvent. Ensuite, ils pourront utiliser cette information pour déterminer s’il faut distribuer plus de carabines et pour identifier les agents qui ont besoin de formation dans ces détachements précis.
En raison de la nature de la mobilité au sein de la GRC, il est important que nous gardions un œil sur la formation pour nous assurer d’être toujours dotés d’un effectif solide d’agents qui ont reçu la formation nécessaire et qui ont accès à ces armes[21].
Quels que soient les progrès réalisés à cet égard, le Comité formule la recommandation suivante :
Recommandation 1 – sur une norme nationale relative aux carabines et à des données justes
Que, d’ici le 31 décembre 2019, la Gendarmerie royale du Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport faisant le point sur sa norme nationale afin de s’assurer que le commandement de la GRC dispose des meilleures données possible pour veiller à une distribution et à une disponibilité adéquates des carabines.
B. Gilets pare-balles rigides
Selon le BVG, le « gilet pare‑balles rigide » protège les organes vitaux contre les balles tirées par des armes de grande puissance. Il couvre la majeure partie du torse et se porte par‑dessus l’uniforme habituel et le « gilet pare‑balles souple » réglementaire. Cependant, il pèse 7 kilogrammes et peut restreindre les mouvements; c’est pourquoi les agents n’ont pas besoin de le porter dans la plupart des situations[22].
Le BVG a constaté que, « même si la GRC possédait suffisamment de gilets pare‑balles rigides dans l’ensemble du pays pour respecter l’exigence de sa politique, ce ne sont pas toutes les divisions qui respectaient cette exigence[23] ». En 2012, la GRC a fixé son exigence pour les gilets pare‑balles rigides : un gilet par véhicule opérationnel et 10 % de gilets supplémentaires dans l’ensemble des divisions. De plus, les divisions ont été chargées de déterminer leurs besoins et de distribuer les gilets; la GRC n’a toutefois pas défini clairement le terme « véhicule opérationnel[24] ». Par conséquent, pour déterminer si la GRC avait atteint cet objectif, le BVG a considéré que tous les véhicules de police identifiés et banalisés constituaient des véhicules opérationnels. Il a conclu, en s’appuyant sur ces fondements, que la GRC possédait suffisamment de gilets pare‑balles rigides dans l’ensemble du pays[25].
Par ailleurs, le BVG a observé que la GRC n’avait pas « effectué le suivi de la distribution des gilets pare‑balles rigides au moyen d’une base de données nationale. Le seul registre de distribution des gilets pare‑balles rigides se trouvait à l’échelle des divisions. Par conséquent, la Direction générale de la GRC n’avait pas de portrait global de la répartition géographique réelle des gilets pare-balles rigides au sein des divisions ». Autrement dit, la Direction générale ne pouvait pas déterminer si « la GRC avait respecté l’exigence de sa politique à l’échelle des détachements, à savoir veiller à ce que les agents aient accès à cet équipement de protection[26] ».
Par conséquent, le BVG a recommandé à la GRC de « s’assurer d’avoir en main les renseignements nécessaires à l’échelle nationale pour déterminer si les détachements dans l’ensemble du pays possèdent suffisamment de gilets pare-balles rigides pour respecter ses obligations en vertu du Code canadien du travail[27] ».
Dans son plan d’action, la GRC s’est engagée à élaborer, d’ici mars 2020, une norme nationale afin que tous les membres opérationnels de première ligne reçoivent un gilet pare‑balles rigide de distribution individuelle[28].
Brenda Lucki a répondu ce qui suit lorsque le Comité lui a demandé si la GRC menait une analyse des risques afin de déterminer si les détachements plus petits (moins de cinq membres) et plus vulnérables pourraient avoir besoin de carabines et de gilets pare‑balles :
Oui, absolument. Encore une fois, certaines de ces décisions étaient fondées sur la géographie. Je vais utiliser l’exemple du Manitoba. Il y a 23 détachements qui sont tous situés très loin dans le Nord, et sept d’entre eux ne sont accessibles que par avion. Si un incident majeur survient, l’arrivée de renforts nécessite un peu plus de temps, car nous ne pouvons pas nous rendre à ces détachements en voiture. Nous devons veiller à ce qu’ils disposent de l’équipement nécessaire. Nous nous assurons de leur fournir des carabines et de former les membres dans ces régions.
[...]
Bref, l’évaluation des risques tient absolument compte de ces facteurs et, bien entendu, il en va de même pour les statistiques sur la criminalité[29].
Par conséquent, le Comité recommande :
Recommandation 2 – sur une norme nationale relative aux gilets pare‑balles rigides
Que, d’ici le 31 décembre 2019, afin de s’acquitter de ses obligations en vertu du Code canadien du travail, la Gendarmerie royale du Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport a) décrivant les progrès réalisés à l’égard de l’établissement d’une norme nationale sur la distribution et la disponibilité des gilets pare‑balles rigides; et b) confirmant qu’elle dispose des renseignements nécessaires pour assurer sa conformité. Que, de plus, un rapport final soit présenté au Comité d’ici le 30 avril 2020.
C. Exigences de requalification au maniement des carabines et des pistolets
Selon le BVG, « manier une arme à feu constitue une compétence acquise. À cet égard, les cours de formation réguliers permettent de maintenir et d’améliorer la performance. Cela est d’autant plus vrai que les agents sont susceptibles de devoir utiliser des armes à feu dans des situations très stressantes. De plus, les agents qui ne se sont pas requalifiés au maniement des carabines ne sont plus autorisés à en avoir une lorsqu’ils se rendent sur les lieux d’un incident, ce qui les expose davantage à des risques de blessures[30]. »
La GRC exige que les agents qui ont reçu la formation au maniement des carabines se requalifient chaque année. Si la formation initiale dure cinq jours, la requalification annuelle, elle, consiste en un cours d’une demi‑journée seulement[31]. Cette exigence est semblable à celle voulant que chaque agent de la GRC « qui doit porter un pistolet lorsqu’il est en service est tenu de se requalifier annuellement pour le maniement des pistolets[32] ».
Le BVG a constaté « qu’environ 13 % des agents de première ligne qui avaient reçu la formation initiale [en maniement des carabines] et devaient se requalifier ne l’avaient pas encore fait en date du 31 octobre 2018. Lorsque la GRC a commencé à distribuer les carabines, elle n’a pas planifié en fonction des besoins toujours croissants en matière de requalification au maniement de ces armes. Pour permettre la requalification des agents de première ligne ayant suivi leur formation initiale avant octobre 2018, la GRC devrait accroître sa capacité de formation de 18 %. D’autres augmentations seront probablement nécessaires à mesure que d’autres cadets seront formés[33]. »
Enfin, le BVG a constaté que « 13 % de tous les agents de la GRC n’avaient pas obtenu leur requalification obligatoire au maniement des pistolets. Bien que cela constitue une amélioration par rapport au taux de 23 % qui avait été signalé dans notre rapport de novembre 2005 (Rapport du vérificateur général du Canada, chapitre 1, « Gendarmerie royale du Canada — Les services de police à contrat »), cela signifie que la GRC ne respectait toujours pas ses exigences en matière de requalification annuelle[34] ».
Pour cette raison, le BVG a recommandé à la GRC de « veiller à ce que ses agents obtiennent leur requalification au maniement des armes à feu conformément aux exigences de la politique en vigueur[35] ».
Dans son plan d’action, la GRC a dit qu’elle cherchait « à cerner les principaux facteurs qui influent sur les taux de conformité en matière de formation relative aux armes à feu » et que les « pratiques de formation et les politiques connexes seront dorénavant élaborées en tenant compte des commentaires [reçus] afin de maintenir la sécurité du policier et du public[36] ». Par exemple, la Section de la formation tactique de la GRC a élaboré un plan quinquennal concernant l’épreuve annuelle de qualification au tir, et le commandant de la Division Dépôt a donné son approbation; la « stratégie a pour but d’améliorer l’ensemble des compétences opérationnelles des membres et de se conformer aux recommandations du rapport MacNeil[37] ».
Lorsque la question a été abordée à la réunion du Comité, Brenda Lucki a apporté certaines précisions sur les défis particuliers de la requalification au maniement des carabines :
Le problème n’est pas toujours lié au nombre d’instructeurs. C’est une question aussi de lieux et de disponibilité des champs de tir. La carabine nécessite des champs de tir très particuliers, et nous sommes très limités de ce côté. C’est aussi une question de géographie. Par exemple, les membres des détachements au Nunavut doivent se rendre à un lieu central pour leur requalification. Cela demande beaucoup du côté des instructeurs, mais également du côté logistique pour amener les membres aux lieux où ils peuvent obtenir leur requalification[38].
Pour sa part, Brian Brennan a offert l’explication suivante :
ll ne s’agit pas seulement de la formation statique sur le maniement de la carabine comme tel. Il serait difficile d’avoir recours à des instructeurs du secteur privé en raison de la politique de la GRC et de notre façon de travailler en équipe. Ces instructeurs peuvent avoir les compétences pour enseigner le tir, mais nos membres ne profiteraient pas alors de tous les éléments connexes qui font partie de notre formation[39].
Par conséquent, le Comité recommande :
Recommandation 3 – sur la requalification au maniement des armes à feu
Que, d’ici le 31 décembre 2019, la Gendarmerie royale du Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport décrivant les progrès réalisés à l’égard de la requalification au maniement des armes à feu. Que, de plus, un rapport final soit présenté au Comité d’ici le 30 avril 2020.
D. Entretien préventif des pistolets et des carabines
Le BVG a constaté que « la GRC n’avait pas respecté l’exigence de sa politique relative à l’entretien des carabines. Au 31 octobre 2018, [elle] avait 6 211 carabines en service, dont près de 3 300 auraient eu besoin de travaux d’entretien au moins une fois au cours des trois années précédentes puisqu’elles avaient été achetées avant novembre 2015[40]. » En outre, 50 % (1 644) de ces carabines n’avaient pas été entretenues depuis au moins trois ans[41].
Le BVG a indiqué que, pour qu’elle puisse atteindre un taux de conformité de 100 % pour ses carabines en service, la GRC devrait effectuer des travaux d’entretien préventif sur 2 070 carabines par année au cours des trois années à venir, ce qui entraînerait une hausse de 30 % de la charge de travail par rapport à la moyenne des trois années précédentes. Le BVG a également observé que « la GRC n’avait pas planifié d’entretien préventif continu des carabines lorsqu’elle a commencé à les distribuer[42] ».
Le BVG a aussi constaté que « la GRC n’avait pas respecté l’exigence de sa politique relative à l’entretien des pistolets. Au 31 octobre 2018, [elle] avait 26 300 pistolets à l’inventaire, dont 18 408 (70 %) avaient été remis aux agents[43] ». De plus, « 1 689 (9 %) des pistolets fournis aux agents n’avaient pas été entretenus conformément à la politique en vigueur[44] ».
Étant donné que les agents utilisent des pistolets de rechange pendant l’entretien de leur pistolet de service, les pistolets de rechange doivent aussi être entretenus pour pouvoir être mis en service en tout temps. Or, le BVG a observé que 4 277 pistolets de rechange (54 % des stocks de la GRC) n’avaient pas été entretenus conformément à la politique en vigueur[45].
Pour cette raison, le BVG a recommandé à la GRC de « veiller à assurer l’entretien préventif des pistolets et des carabines conformément aux exigences de sa politique[46] ».
Dans son plan d’action, la GRC a fait savoir que sa politique sur l’entretien des armes expliquera clairement « l’objectif global de la politique ainsi que la fréquence des travaux d’entretien pour veiller à ce que l’entretien préventif des pistolets et des carabines soit effectué en conformité avec les exigences de la politique[47] ». La GRC s’est aussi engagée à respecter les jalons suivants :
- 31 mai 2019 – La politique no 6 du Manuel des armes à feu sera examinée et mise à jour pour expliquer clairement l’objectif général de la politique ainsi que la période d’entretien préventif.
- 30 juin 2019 – Communication à l’échelle nationale de la politique mise à jour et précisée aux coordonnateurs de l’entretien préventif dans toutes les divisions.
- 31 juillet 2019 - Rapport de suivi sur l’entretien préventif des pistolets de distribution individuelle.
- 30 septembre 2019 – Rapport de suivi sur l’entretien préventif des carabines.
- 31 décembre 2019 – Rapport de suivi sur l’entretien préventif des pistolets distribués à des services[48].
En réponse à des questions sur les critères précis qui fondent la politique de la GRC sur l’entretien des pistolets et des carabines, Dennis Watters, dirigeant principal des finances et de l’administration, a fait le point sur la situation :
Initialement, pendant que nous discutions avec les représentants du BVG, nous avons effectivement mentionné que nous allions modifier la politique afin de supprimer la mention des 5 000 coups tirés. Le critère des 5 000 coups tirés existe depuis longtemps, parce qu’à l’époque, un grand nombre de nos membres participaient à des compétitions de tir et des expositions, mais, maintenant, nos membres des Services généraux ne prennent plus part à ces activités.
Essentiellement, la question des 5 000 coups tirés n’a plus sa raison d’être. Nous ne tenons plus un compte des coûts tirés, mais, comme nous l’avons dit au vérificateur général, nous modifierons la politique afin de supprimer cette mention, car elle n’est plus pertinente[49].
Par conséquent, le Comité recommande :
Recommandation 4 – sur l’entretien préventif des armes à feu
Que, d’ici le 31 décembre 2019, la Gendarmerie royale du Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport décrivant les progrès réalisés à l’égard de l’entretien préventif des armes à feu. Que, de plus, un rapport final soit présenté au Comité d’ici le 30 avril 2020.
E. Acquisition de carabines
Selon le BVG, l’approche décentralisée suivie par la GRC concernant le projet d’acquisition de carabines « a contribué au non‑respect des règles d’approvisionnement par la GRC et par Services publics et Approvisionnement Canada[50] ». En 2015, les divisions de la GRC ont présenté des commandes qui, au total, visaient un nombre très élevé de carabines. S’il y avait eu une seule grande commande, le montant aurait exigé de demander l’approbation du Conseil du Trésor. La commande a plutôt été divisée en trois demandes, que Services publics et Approvisionnement Canada a pu traiter en vertu de son autorité contractante[51].
D’après le BVG, si la GRC avait soumis une seule commande de carabines à l’examen critique du Conseil du Trésor, elle « aurait été incitée à définir les objectifs de son projet d’acquisition de carabines et les mesures lui permettant de les atteindre, ce qui aurait amélioré la planification du projet. Plus la valeur des acquisitions augmente, plus l’examen auquel elles sont soumises est rigoureux pour garantir que l’argent des contribuables est dépensé à bon escient[52]. » Cependant, le BVG a conclu que la GRC n’avait pas pris en considération toutes les étapes du cycle de vie du projet d’acquisition de carabines, comme « le processus de requalification continu qui est nécessaire pour que les agents assurent le maniement sécuritaire des carabines », et qu’elle n’avait pas planifié adéquatement l’entretien des carabines[53].
Enfin, le BVG a constaté que la GRC n’avait pas consacré de ressources supplémentaires à ses dépôts d’armes pour gérer plus de 5 500 carabines additionnelles. Par exemple, après avoir reçu les carabines du fabricant, les dépôts d’armes ont besoin d’environ cinq mois pour les assembler et les distribuer. Il s’est donc avéré que « les divisions qui avaient besoin de carabines ont dû attendre environ neuf mois entre le moment de la commande des carabines et celui de leur mise en service[54] ».
Pour cette raison, le BVG a recommandé à la GRC de « bien gérer ses projets d’acquisition, notamment en satisfaisant aux exigences relatives au cycle de vie telles que les besoins en matière de formation et d’entretien[55] ».
Invité à expliquer pourquoi la GRC avait mené le processus d’acquisition de cette façon, Dennis Watters a dit ce qui suit :
Avec des offres à commandes, vous pouvez passer des commandes subséquentes et, à notre avis, cela ne nous aurait pas permis de faire la moindre économie. Pour réitérer ce que la commissaire a dit, nous avons acheté ces armes dans le cadre du Programme d’approvisionnement en munitions, qui a fourni au ministère des Services publics et de l’Approvisionnement les moyens de contracter de grandes quantités d’armes légères.
Dans le cadre de ce programme, il y a quatre entreprises qui sont désignées comme fournisseurs, dont Colt Canada, c’est‑à‑dire là où nous avons acheté les carabines[56].
En outre, dans son plan d’action, la GRC a indiqué qu’elle se pencherait sur des manières possibles de gérer plus rigoureusement les projets d’acquisition d’équipement de police, par exemple : la normalisation de la documentation relative aux projets, l’estimation des coûts et l’établissement d’un comité de gestion des projets liés à l’équipement. Enfin, la GRC s’est engagée à établir « un comité pour les biens et le matériel dans le cadre de sa gouvernance pour s’assurer que les décisions liées à l’investissement dans l’équipement de police tiennent compte des facteurs liés au cycle de vie[57] ».
Par conséquent, le Comité recommande :
Recommandation 5 – sur les projets d’acquisition d’équipement
Que, d’ici le 31 décembre 2019, la Gendarmerie royale du Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport décrivant les progrès réalisés dans l’amélioration de sa gestion des projets d’acquisition, notamment en ce qui concerne le respect des exigences relatives au cycle de vie, comme la formation et l’entretien.
COMMENTAIRE ADDITIONNEL
Michael Ferguson, l’ancien vérificateur général du Canada, a dit au Comité que la question de la collecte et de l’utilisation inadéquate des données était un problème récurrent auquel font face les organismes fédéraux. Étant donné l’importance de données fiables pour l’exécution et l’évaluation de l’efficacité des programmes, le Comité a fait de cette question une de ses priorités fondamentales et constantes.
En réponse aux questions sur les systèmes de gestion de l’information de la GRC et sur leur utilisation, la commissaire a fourni l’explication suivante :
Nous sommes toujours à l’affût de la technologie. Une chose que je peux dire, c’est qu’une partie de Vision 150 consiste à faire en sorte que la GRC ait accès à de meilleurs renseignements organisationnels. Nous avons beaucoup de bases de données, mais souvent, nous ne pouvons pas les utiliser à des fins analytiques. Nous devons nous améliorer à ce chapitre.
En ce qui concerne l’équipement, je connais certaines des technologies que nous mettons en œuvre... Par exemple, nous avons 800 membres au détachement de Surrey. Ils ont un système qui leur permet de suivre les entrées et les sorties d’équipement de chaque membre. Lorsqu’on leur attribue une arme à impulsions ou une carabine au début de leur quart de travail et que l’arme n’est pas attribuée sur une base individuelle, on peut la suivre. Non seulement peut‑on la suivre, mais s’il s’agit d’un agent qui revient d’un congé de trois semaines, le système dira qu’il ne peut aller de l’avant parce que la qualification de cet agent a pris fin le jour d’avant ou « pendant qu’il était en détachement pour deux mois ».
La technologie est là. Nous l’avons déployée dans les plus grandes unités. Nous cherchons toujours à améliorer le suivi, non seulement des ressources — comme l’équipement —, mais aussi des membres eux‑mêmes. Par l’intermédiaire des téléphones Android, nous suivons leurs allées et venues lors d’incidents critiques. Nous venons d’en acheter 8 000 afin de mieux suivre ces incidents critiques, une mesure qui faisait partie des recommandations MacNeil[58].
Vu l’importance qu’il accorde à la bonne collecte des données et à l’utilisation de données de qualité, le Comité recommande :
Recommandation 6 – sur les systèmes de gestion de l’information
Que, d’ici le 31 décembre 2019, la Gendarmerie royale du Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport faisant le point sur tout système de gestion de l’information qui sert au suivi des stocks, à la distribution des carabines, des pistolets et des gilets pare‑balles rigides ainsi qu’au suivi de la qualification des agents afin d’en assurer la bonne utilisation.
CONCLUSION
Le Comité conclut que la GRC ne s’est pas suffisamment assurée que ses agents avaient accès aux gilets pare‑balles rigides, aux carabines et à la formation de requalification dont ils avaient besoin pour neutraliser un tireur actif; en outre, elle n’a pas fait le suivi nécessaire des exigences de la requalification au maniement des pistolets, et elle n’a pas veillé au bon entretien des pistolets et des carabines.
La GRC a appliqué de nouvelles mesures pour répondre aux préoccupations exprimées, mais le Comité a quand même présenté six recommandations pour s’assurer qu’elle continuera de s’acquitter de ses engagements. Il en va de la protection et de la sécurité des agents de la GRC et de la population canadienne.
RÉSUMÉ DES MESURES RECOMMANDÉES ET DES ÉCHÉANCES CORRESPONDANTES
Tableau 1 – Résumé des mesures recommandées et des échéances correspondantes
Recommandation |
Mesure recommandée |
Échéance |
Recommandation 1 |
La Gendarmerie royale du Canada devrait présenter au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport faisant le point sur sa norme nationale afin de s’assurer que le commandement de la GRC dispose des meilleures données possible pour veiller à une distribution et à une disponibilité adéquates des carabines. |
31 décembre 2019 |
Recommandation 2 |
La GRC devrait présenter au Comité un rapport a) décrivant les progrès réalisés à l’égard de l’établissement d’une norme nationale sur la distribution et la disponibilité des gilets pare‑balles rigides; et b) confirmant qu’elle dispose des renseignements nécessaires pour assurer sa conformité. De plus, un rapport final devrait être présenté au Comité. |
31 décembre 2019 et 30 avril 2020 |
Recommandation 3 |
La GRC devrait présenter au Comité un rapport décrivant les progrès réalisés à l’égard de la requalification au maniement des armes à feu. De plus, un rapport final devrait être présenté au Comité. |
31 décembre 2019 et 30 avril 2020 |
Recommandation 4 |
La GRC devrait présenter au Comité un rapport décrivant les progrès réalisés à l’égard de l’entretien préventif des armes à feu. De plus, un rapport final devrait être présenté au Comité. |
31 décembre 2019 et 30 avril 2020 |
Recommandation 5 |
La GRC devrait présenter au Comité un rapport décrivant les progrès réalisés dans l’amélioration de sa gestion des projets d’acquisition, notamment en ce qui concerne le respect des exigences relatives au cycle de vie, comme la formation et l’entretien. |
31 décembre 2019 |
Recommandation 6 |
La GRC devrait présenter au Comité un rapport faisant le point sur tout système de gestion de l’information qui sert au suivi des stocks, à la distribution des carabines, des pistolets et des gilets pare‑balles rigides ainsi qu’au suivi de la qualification des agents afin d’en assurer la bonne utilisation. |
31 décembre 2019 |
[1] Bureau du vérificateur général du Canada (BVG), Équiper les agentes et agents de la Gendarmerie royale du Canada, Rapport 5 des rapports du printemps 2019 du vérificateur général du Canada, paragr. 5.1.
[2] Ibid.
[3] Ibid., paragr. 5.2.
[4] Ibid.
[5] BVG, Équiper les agentes et agents de la Gendarmerie royale du Canada, Rapport 5 des rapports du printemps 2019 du vérificateur général du Canada, paragr. 5.3.
[6] Ibid., paragr. 5.4.
[7] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2019, Réunion no 138.
[8] Ibid., paragr. 5.3 et 5.10; Critères.
[9] Ibid.
[10] Ibid., paragr. 5.11.
[11] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2019, Réunion no 138, 0915.
[12] BVG, Équiper les agentes et agents de la Gendarmerie royale du Canada, Rapport 5 des rapports du printemps 2019 du vérificateur général du Canada, paragr. 5.12.
[13] Ibid.
[14] Ibid., paragr. 5.21.
[15] Ibid., paragr. 5.22.
[16] Ibid., paragr. 5.23.
[17] Ibid., paragr. 5.24.
[18] Gendarmerie royale du Canada, Plan d’action détaillé, p. 1.
[19] BVG, Équiper les agentes et agents de la Gendarmerie royale du Canada, Rapport 5 des rapports du printemps 2019 du vérificateur général du Canada, paragr. 5.25.
[20] Gendarmerie royale du Canada, Plan d’action détaillé, p. 3.
[21] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2019, Réunion no 138, 0915.
[22] BVG, Équiper les agentes et agents de la Gendarmerie royale du Canada, Rapport 5 des rapports du printemps 2019 du vérificateur général du Canada, paragr. 5.29.
[23] Ibid., paragr. 5.32.
[24] Ibid., paragr. 5.33.
[25] Ibid.
[26] Ibid., paragr. 5.35.
[27] Ibid., paragr. 5.36.
[28] Gendarmerie royale du Canada, Plan d’action détaillé, p. 5.
[29] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2019, Réunion no 138, 0920.
[30] BVG, Équiper les agentes et agents de la Gendarmerie royale du Canada, Rapport 5 des rapports du printemps 2019 du vérificateur général du Canada, paragr. 5.39.
[31] Ibid., paragr. 5.41.
[32] Ibid., paragr. 5.42.
[33] Ibid., paragr. 5.46 et 5.47.
[34] Ibid., paragr. 5.48.
[35] Ibid., paragr. 5.49.
[36] Gendarmerie royale du Canada, Plan d’action détaillé, p. 6.
[37] Ibid., p. 6‑7.
[38] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2019, Réunion no 138, 0950.
[39] Ibid.
[40] BVG, Équiper les agentes et agents de la Gendarmerie royale du Canada, Rapport 5 des rapports du printemps 2019 du vérificateur général du Canada, paragr. 5.57.
[41] Ibid.
[42] Ibid., paragr. 5.58.
[43] Ibid., paragr. 5.59.
[44] Ibid.
[45] Ibid., paragr. 5.60.
[46] Ibid., paragr. 5.61.
[47] Gendarmerie royale du Canada, Plan d’action détaillé, p. 9.
[48] Ibid.
[49] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2019, Réunion no 138, 1005.
[50] BVG, Équiper les agentes et agents de la Gendarmerie royale du Canada, Rapport 5 des rapports du printemps 2019 du vérificateur général du Canada, paragr. 5.71.
[51] Ibid.
[52] Ibid., paragr. 5.72.
[53] Ibid., paragr. 5.73.
[54] Ibid., paragr. 5.74.
[55] Ibid., paragr. 5.75.
[56] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2019, Réunion no 138, 0925.
[57] Gendarmerie royale du Canada, Plan d’action détaillé, p. 9.
[58] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2019, Réunion no 138, 0935.