La Chambre reprend l'étude de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
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Monsieur le Président, je suis très heureuse d'avoir enfin la chance de contribuer au débat tant attendu sur la création d'un organisme de surveillance de l'Agence des services frontaliers du Canada. Il y a maintenant plus de 10 ans que le juge O'Connor avait recommandé la mise en place d'un mécanisme de surveillance de l'Agence. Depuis lors, de nombreuses voix persistent à exiger que l'Agence rende des comptes.
Je tiens à dire très clairement que le NPD appuie le projet de loi . Les néo-démocrates et les divers intervenants attendent depuis très longtemps que le gouvernement libéral actuel agisse dans ce dossier.
En fait, en 2014 déjà, l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, le Conseil canadien pour les réfugiés et l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés avaient émis un communiqué de presse conjoint pour demander la tenue d'un examen indépendant de toutes les activités associées à la sécurité nationale et au maintien de l'ordre à la frontière effectuées par l'Agence des services frontaliers du Canada.
L'Agence des services frontaliers du Canada est le seul organisme fédéral d'application de la loi d'importance sans surveillance externe. Ses agents ont de vastes pouvoirs. Ils peuvent stopper des voyageurs pour les questionner, ils peuvent exiger des échantillons d'haleine ou de sang, ils peuvent fouiller, détenir et arrêter des non-citoyens sans avoir besoin d'un mandat. Ils peuvent aussi interroger des Canadiens, et ils ont le pouvoir de prendre une mesure d'expulsion à l'endroit d'un ressortissant étranger et de l'appliquer. Ils ont recours à bon nombre de ces pouvoirs dans un contexte où les droits protégés par la Charte sont réduits au nom de la sécurité nationale. Malgré ces vastes pouvoirs, toutefois, il est ahurissant de constater qu'il n'existe aucune surveillance civile externe indépendante pour s'occuper des plaintes ou des allégations de mauvaise conduite de la part de cette agence.
À n'en pas douter, la grande majorité des agents de l'Agence des services frontaliers du Canada s'acquittent de leurs tâches dans le plus grand respect des individus avec lesquels ils interagissent et sont conscients qu'ils doivent utiliser de façon responsable les pouvoirs qui leur sont conférés. Il y aurait toutefois eu des écarts de conduite extrêmement graves, et le processus de traitement des plaintes est tout sauf ouvert et responsable.
Joel Sandaluk, un avocat en immigration de Toronto, a déclaré: « Cela fait des années que l'Agence des services frontaliers du Canada se croit au-dessus de la loi. »
Mary Foster, de l'organisme Solidarité sans frontières, a déclaré ceci: « Nous avons assez d'expérience pour savoir que nous n'obtiendrons jamais rien en déposant une plainte à l'Agence des services frontaliers du Canada concernant les agissements de l'Agence des services frontaliers du Canada. »
Si j'ai bien compris, de janvier 2016 au milieu de 2018, l'Agence des services frontaliers du Canada a fait enquête sur environ 1 200 allégations d'inconduite touchant son personnel. Les actes reprochés sont très variés et vont du manquement au devoir aux agressions sexuelles en passant par l'usage excessif de la force, les commentaires sexuels inappropriés, l'association à une organisation criminelle et le harcèlement.
En 2013, une femme qui, selon ce qu'on en sait, aurait fui le domicile conjugal pour échapper à son conjoint violent est morte alors qu'elle était sous la garde de l'Agence des services frontaliers du Canada. L'enquête a par la suite conclu qu'« aucun mécanisme indépendant et réaliste ne permet aux immigrants de faire valoir leurs revendications ou de se plaindre ».
En 2016, deux autres personnes en à peine une semaine sont mortes alors qu'elles étaient détenues par l'Agence des services frontaliers du Canada.
Dans les circonstances, si l'on veut que les procédures soient respectées et qu'il n'y ait plus d'abus de pouvoir, il faut accroître la reddition de comptes et la transparence. Autrement dit, nous devons absolument nous doter d'un organisme de surveillance indépendant pour étudier les plaintes.
À l'heure actuelle, lorsque les voyageurs, que ce soit des Canadiens ou des ressortissants étrangers, ont l'impression que quelque chose ne va pas, qu'ils ont été harcelés ou qu'on a employé la force avec eux, leur seul recours est de présenter une plainte à l'Agence des services frontaliers du Canada, qui procède à une vérification interne. Il ne faut pas oublier que le déséquilibre du pouvoir entre les autorités frontalières, comme l'Agence, et les voyageurs, surtout dans un pays étranger, est tel qu'il est très difficile de présenter une plainte. Certaines personnes décident de ne pas le faire. Les gens ont des craintes réelles, surtout s'ils ne connaissent pas bien le processus et si l'entité qui étudie la plainte n'est pas indépendante. Ils craignent, par exemple, que cela ait des répercussions lorsqu'ils voudront faire d'autres voyages. Ils craignent d'être punis la prochaine fois qu'ils voudront faire un voyage s'ils dénoncent un mauvais traitement.
Il faut garder à l'esprit que certaines personnes, comme les résidents temporaires et les visiteurs au Canada, ne sont tout simplement pas au pays assez longtemps pour déposer une plainte ou mener le processus à terme. En tant que nation qui reçoit des millions de touristes chaque année, dont les citoyens voyagent partout dans le monde et qui accueille des centaines de milliers de nouveaux immigrants tous les ans, il nous incombe surtout de veiller à ce que les gens se sentent respectés et protégés par nos agents frontaliers ainsi qu'en sécurité avec eux. C'est pourquoi il est essentiel que l'Agence des services frontaliers du Canada soit surveillée par un organisme public civil indépendant.
L'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique a étudié la question de près et produit un rapport. Dans son rapport intitulé « Oversight at the Border: A Model for Independent Accountability at the Canada Border Services Agency », elle recommande « la création de deux mécanismes de responsabilisation indépendants pour l'ASFC: un qui assurerait la surveillance en temps réel des politiques et des pratiques de l'ASFC et un autre qui serait chargé de mener des enquêtes et de régler les plaintes ».
J'aimerais beaucoup entendre ce que l'Association et les témoins ont à dire sur le projet de loi et savoir s'ils estiment qu'il répond à la demande de mesures de surveillance et de responsabilisation indépendantes pour l'Agence des services frontaliers du Canada.
Je dois souligner que, pendant que nous débattons du projet de loi , un autre projet de loi, le projet de loi , passe actuellement à l'étape de la troisième lecture au Sénat. Nous nous attendons à ce qu'il soit bientôt renvoyé à la Chambre.
Le projet de loi vise à créer une agence d'examen, soit l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement. Cette nouvelle entité remplacerait le Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications et le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, ainsi que les fonctions que la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC assume dans les domaines de l'examen de la sécurité nationale et des enquêtes sur des plaintes. Cela signifie que le nouvel organisme serait habilité à surveiller des activités qui portent sur la sécurité nationale. Pour ce qui est de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, ce qui en restera continuera à être l'organisme d'enquête externe chargé d'examiner les plaintes du public concernant la conduite de la GRC. Cependant, le projet de loi à l'étude aujourd'hui vise à modifier le nom de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC pour qu'elle soit dorénavant connue sous le nom de Commission d’examen et de traitement des plaintes du public. Il vise aussi à élargir le mandat de celle-ci pour qu'elle exerce une fonction d'examen semblable à celle qu'assume l'Agence des services frontaliers du Canada.
En raison de ces changements, et selon la nature de la plainte contre l'Agence des services frontaliers du Canada, un organisme différent, doté de pouvoirs différents, sera appelé à examiner la plainte en question. Assurément, cette situation causera parfois de la confusion. On peut donc se demander pourquoi le gouvernement a décidé d'adopter cette approche, et ce, au moyen de deux projets de loi distincts.
Cependant, ce qui est encore plus inquiétant, c'est le manque de consultations au sujet de ce projet de loi et le fait qu'il a été présenté à la dernière minute. Trop souvent, après avoir mené des consultations interminables, le gouvernement décide de ne rien faire. À l'opposé, lorsque des consultations et des études sont essentielles pour veiller à la pertinence du projet de loi, le processus est incomplet.
Le Syndicat des douanes et de l'immigration, qui représente plus de 10 000 Canadiens qui travaillent à la frontière, n'a pas été consulté au sujet du projet de loi . Selon moi, cela n'a pas de sens. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas demandé l'avis des personnes qui travaillent en première ligne et qui seraient désormais surveillées par un nouvel organisme, qui surveillerait aussi l'organisme qui les représente? Ce n'est pas une bonne façon de procéder.
Malheureusement, en tant que porte-parole du NPD en matière d'immigration, de réfugiés et de citoyenneté, je me suis devenue très familière avec les promesses non tenues du gouvernement libéral au chapitre de la bonne gouvernance.
Comme nous l'avons constaté avec le projet de loi , la loi d'exécution du budget, les libéraux ont décidé de faire adopter à toute vapeur de dangereuses modifications au système de détermination du statut de réfugié du Canada et de mettre en danger des personnes vulnérables, particulièrement des femmes et des filles qui fuient la violence. Je soupçonne que les libéraux sentent la pression exercée par la droite et qu'ils veulent être perçus comme étant sévères à l'endroit des demandeurs d'asile. Les élections sont dans six mois, alors ils font adopter à toute vapeur des changements draconiens à l'aide d'un projet de loi omnibus d'exécution du budget.
Dans le cas du projet de loi , même si les mesures visant à modifier le processus de plainte de l'Agence des services frontaliers du Canada ont été annoncées dans le budget, elles ont au moins été présentées dans un projet de loi distinct, soit le projet de loi .
Ce n'est pas le cas des modifications au système de détermination du statut de réfugié, que le gouvernement cherche à faire adopter à toute vapeur à l'aide d'un projet de loi omnibus d'exécution du budget, ce qui veut dire qu'elles seront très peu étudiées. Dans leur empressement à se montrer sévères sur la question des frontières, les libéraux ont cédé aux pressions exercées par les conservateurs et à leurs campagnes de désinformation. C'est pourquoi, sans encore une fois se donner la peine de mener des consultations, ils ont apporté, dans le budget, des changements radicaux au système d'octroi de l'asile. Des experts ont réclamé immédiatement que ces dispositions soient retirées ou, à tout le moins, qu'elles soient présentées dans un projet de loi distinct. Cependant, le gouvernement libéral a rejeté cette demande.
Quelque 2 400 Canadiens ont écrit au pour lui demander la même chose, mais il a refusé, eux aussi, de les écouter. Le vérificateur général a récemment indiqué que, l'année dernière, 1,2 million d'appels à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada n'avaient pas été acheminés au gouvernement. Au moins, le projet de loi est un projet de loi distinct.
Cela dit, il faut aussi reconnaître, compte tenu du fait que les libéraux ont attendu jusqu'à la onzième heure pour agir, qu'il se pourrait que ce projet de loi ne reçoive pas la sanction royale avant les élections. Le cas échéant, cela représenterait une autre promesse non tenue par le gouvernement libéral, une autre promesse rompue en raison de son inaction.
Je me demande vraiment pourquoi il a mis autant de temps à déposer ce projet de loi. Pourquoi a-t-il attendu qu'il ne reste que cinq semaines de séances à la Chambre pour présenter le projet de loi ? Je soupçonne le gouvernement libéral de vouloir recourir à l'attribution de temps pour limiter le débat, un recours constamment décrié par les libéraux lorsque les conservateurs étaient au pouvoir. Je crains que le gouvernement limite encore un débat à la Chambre parce qu'il n'a pas pu mettre au point sa mesure législative à temps.
On ne peut fermer les yeux sur le risque que cela représente avec un projet de loi de cette amplitude. Le gouvernement, dans son empressement à le déposer avant la fin de la session, a omis de consulter les experts sur la forme que ce projet de loi devrait prendre. Maintenant, dans une course contre la montre, les libéraux, pour pouvoir dire qu'ils ont rempli leur promesse, devront limiter le débat démocratique sur ce projet de loi. C'est ce à quoi je m'attends.
Ce n'est pas une bonne formule pour une mesure législative. En fait, c'est tout à fait le contraire. Le gouvernement a déclaré qu'en 2017 et en 2018, plus de 96 millions de voyageurs ont interagi avec les employés de l'Agence des services frontaliers du Canada, ce qui revient à plus de 260 000 interactions par jour. Les employés ont traité plus de 21 millions d'expéditions commerciales, ce qui représente plus de 57 000 chargements par jour. Ils ont traité plus de 46 millions d'expéditions postales, ce qui représente plus de 126 000 colis par jour. Il s'agit d'une question sérieuse qui mérite d'être débattue en profondeur.
Nous espérons que le gouvernement permettra au comité de mener une étude approfondie de ce projet de loi. J'espère aussi que le gouvernement, après avoir entendu les témoignages des intervenants et des spécialistes en comité, sera disposé à accepter les amendements proposés par les témoins experts. J'espère que le gouvernement permettra que ce travail s'accomplisse de manière efficace et qu'il sera ouvert aux suggestions des intervenants.
La communauté attend depuis longtemps ce projet de loi. Je regrette que le gouvernement ait attendu aussi longtemps, jusqu'à la dernière minute, alors qu'il ne reste que six mois avant les élections et seulement cinq semaines à la session, avant de présenter le projet de loi . Les Canadiens méritent qu'il y ait un processus de surveillance civil, externe et indépendant pour traiter les plaintes contre l'Agence des services frontaliers du Canada. Le gouvernement aurait dû agir bien avant pour mettre en place un processus adéquat pour tous les Canadiens.
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Monsieur le Président, nous venons de vivre une situation classique où les gens sont incapables de sortir des ornières de leurs discours partisans.
Nous savons maintenant que le Parti libéral, le Parti conservateur, le NPD et le Parti vert conviennent tous que le projet de loi est une bonne mesure législative qui devrait aller de l'avant. Toutefois, qu'allons-nous faire? Nous passerons le reste de la séance d'aujourd'hui, et peut-être même une partie de la prochaine séance, à parler d'un projet de loi que nous jugeons tous être une bonne mesure.
Chaque jour où nous débattons de ce projet de loi dans cette enceinte est un jour où nous ne pouvons pas l'étudier au comité, ce qui signifie que nous ne pouvons pas entendre des témoins parler des enjeux soulevés par la députée de . Nous ne pouvons pas nous pencher sur les problèmes mentionnés par l'intervenante précédente, et nous ne pouvons pas non plus inviter à comparaître des personnes qui ont des choses utiles à dire sur l'application de ce projet de loi.
C'est un exemple classique du dysfonctionnement de cet endroit. C'est plutôt inquiétant. Tout le monde s'entend pour dire qu'il faut adopter ce projet de loi. Or, ce projet de loi nécessite que l'on recueille des témoignages. Il sera renvoyé au comité que j'ai le grand honneur de présider et qui fonctionne extrêmement bien. Le député de fait partie du comité. Il coopère bien et ses contributions sont utiles. La même chose vaut pour le député de . Ce sont les vice-présidents du comité. Ils aident à faire progresser l'étude des projets de loi. J'oserais dire que le fossé qui sépare la position du gouvernement de celle des partis de l'opposition est bien étroit. La situation continue d'évoluer.
L'exemple donné par la députée de illustre qu'il est scandaleux qu'il n'existe pas d'organisme de surveillance pour l'Agence des services frontaliers du Canada. C'est pour cela que nous sommes ici.
Apparemment, l'Agence des services frontaliers du Canada interagit avec entre 93 millions et 96 millions de personnes chaque année. C'est trois fois la population du Canada. Certaines de ces personnes sont des citoyens, d'autres sont des résidents permanents, des visiteurs ou des réfugiés demandant l'asile. Je doute que chacune des 93 millions à 96 millions d'interactions par année se passe bien. C'est ce que nous tentons de rectifier.
On dénombre approximativement 117 postes frontaliers terrestres, dont certains comptent un effectif complet, notamment à l'aéroport international Pearson de Toronto et à l'aéroport international Montréal-Trudeau, alors que d'autres se limitent à un jalon dans le sol. On trouve environ 1 000 localités le long de la longue frontière entre le Canada et les États-Unis et quatre fuseaux horaires. L'ASFC facilite la circulation efficace des gens et des biens et elle veille à l'application de quelque 90 lois et règlements, dont certains relèvent d'autres ordres de gouvernement.
Outre des interactions annuelles dont le nombre varie entre 93 millions et 96 millions, l'ASFC perçoit environ 32 milliards de dollars en impôts, taxes et droits au cours d'une même année.
L'ASFC est une énorme organisation. Ses agents voient passer un très grand nombre de personnes, de biens et de services et, je dois le dire, l'expérience n'est pas toujours aussi agréable qu'elle le devrait, même si j'aimerais pouvoir dire le contraire. Par conséquent, le gouvernement a présenté la mesure dont nous sommes saisis.
Ma collègue a mentionné qu'il n'y a pas eu suffisamment de consultations alors que l'intervenante suivante a affirmé pour sa part que le gouvernement ne fait que des consultations. De deux choses l'une, soit il y a trop de consultations soit il n'y en a pas assez.
Je sais simplement qu'il ne nous reste que peu de temps pour débattre de ce projet de loi. Nous sommes en train de discuter un vendredi après-midi d'un projet de loi sur lequel tout le monde est d'accord. En réalité, ces discussions empêchent le projet de loi d'être renvoyé au comité et d'être traité. Je serais absolument ravi de céder mon temps de parole à quelqu'un d'autre afin de mettre fin au débat et nous permettre de passer au vote, mais je ne sens pas beaucoup d'enthousiasme. Par conséquent, les députés devront hélas m'écouter pendant les 15 prochaines minutes parler d'un projet de loi qui fait l'unanimité.
Nous nous trouvons dans une situation plutôt inhabituelle, car par contraste avec les cas de la GRC, du SCRS et d'autres services de sécurité, l'ASFC n'est soumise à aucun organisme de surveillance. Il y a manifestement un vide législatif.
Le projet de loi , que j'ai eu l'honneur de piloter à l'étape de l'étude en comité, est d'une complexité hors normes.
Je sais, monsieur le Président, que vous adorez les diagrammes et que vous aimez le processus législatif, et c'est tout à votre honneur. Le diagramme produit par le professeur Forcese sur le projet de loi C-59 fait ressortir l'extrême complexité du projet de loi, qui prévoit tous les organes nécessaires, répartis dans un assez grand nombre d'organismes, pour surveiller les diverses fonctions du SCRS, de la GRC, du Centre de la sécurité des télécommunications, et cetera. Il y a au moins trois ministres responsables: ceux de la Défense, de la Sécurité publique et des Affaires mondiales. C'est une mesure législative extrêmement complexe. Comme il s'agit ni plus ni moins de refondre la structure de la sécurité de notre pays, nous nous attendons à ce que le Sénat nous renvoie le projet de loi, et même nous le souhaitons, pour que nous en débattions plus longuement — mais pas trop, espérons-le.
Une des lacunes, comme l'ont signalé d'autres intervenants, est l'absence d'un organisme de surveillance pour les activités de l'Agence des services frontaliers du Canada. Je m'attends à avoir une discussion avec des représentants de l'Agence dans environ deux heures. Un grand nombre de mes collègues s'entretiendront aussi avec l'Agence des services frontaliers du Canada d'ici peu. J'espère que mon entretien et les leurs se dérouleront bien et j'ose avancer que ce sera probablement le cas.
À présent, j'aimerais parler d'une mesure législative qui a été adoptée et mise en œuvre, le projet de loi , qui a constitué le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. En plus de rendre compte au , ce comité rend compte au comité de la sécurité publique. Monsieur le Président, vous étiez là lorsque le président de ce comité a présenté son premier rapport au comité de la sécurité publique. J'ai trouvé que les questions que les membres du comité de la sécurité publique lui ont posées étaient de très haut calibre et qu'elles ont permis d'obtenir de l'information très précise et utile sur le travail de ce comité.
Le projet de loi permet de combler une lacune. On renforce l'entité et on lui donne un nouveau nom, soit la Commission d'examen et de traitement des plaintes du public, qui sera responsable à la fois de la GRC et de l'Agence des services frontaliers du Canada. À la réception d'une plainte du public, cette commission en aviserait l'Agence — l'ASFC —, qui procéderait à une première enquête. À mon avis, un bon pourcentage des plaintes se régleraient de cette façon. Quatre-vingt-dix pour cent des plaintes touchant la GRC sont d'ailleurs réglées de cette manière.
La Commission aurait également le pouvoir de mener sa propre enquête au sujet d'une plainte si son président jugeait que c'est dans l'intérêt du public. L'ASFC n'entreprendrait alors pas d'enquête concernant cette plainte.
L'ASFC peut donc, dans les faits, décider de ne pas porter la plainte en médiation ou mener une enquête plus poussée et laisser simplement la Commission faire son travail. La plainte doit avoir été déposée dans les 60 jours précédant la réception de l'avis de l'Agence au sujet du résultat de la plainte. Il s'agit essentiellement de ne pas laisser la plainte s'éterniser.
Lorsque la Commission reçoit une demande d'examen d'une plainte concernant une décision de l'ASFC, elle doit examiner la plainte et toute information pertinente, puis transmettre ses conclusions concernant la décision initiale de l'Agence. La Commission pourrait conclure que cette décision était appropriée, elle pourrait demander à l'ASFC de mener une enquête plus approfondie ou elle pourrait reprendre l'enquête au sujet de la plainte.
La Commission peut aussi tenir des audiences publiques. À la conclusion de son enquête, la Commision peut faire rapport de ses constatations et émettre des recommandations si elle le juge approprié. L'ASFC devra alors présenter une réponse écrite concernant les constatations et les recommandations de la Commission.
Outre sa fonction relative aux plaintes, la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public sera habilitée à examiner, de sa propre initiative ou à la demande du ministre, toute activité de l'Agence des services frontaliers du Canada, à l'exception des questions touchant la sécurité nationale. Je pense qu'il est important de le souligner, car il faut autant que possible éviter que les questions de sécurité nationale soient examinées sur la place publique. Puis, ces questions seront examinées par le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, aux termes du projet de loi , qui, d'ici là, on l'espère, aura été adopté et sera en vigueur.
Les rapports de la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public comprendraient des conclusions et des recommandations sur le bien-fondé, la pertinence, le caractère adéquat ou la clarté de toute politique, procédure ou ligne directrice régissant les opérations de l’Agence des services frontaliers du Canada, sur la conformité de cette dernière à la loi et aux instructions ministérielles, ainsi que sur le caractère raisonnable et la nécessité du recours par l'Agence à ses pouvoirs. À ce sujet, des députés ont parlé de cas où il y aurait lieu de s'interroger sur l'utilisation, le caractère raisonnable et la nécessité des interactions entre l'Agence et des membres du public. Espérons que, après l'adoption du projet de loi et la création de la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public, ces plaintes seront traitées de manière satisfaisante, à la fois pour l'Agence et les membres du public.
Qu'il s'agisse des examens ou du traitement des plaintes, la Commission d'examen et de traitement des plaintes du public pourra contraindre des témoins à comparaître sous serment, que ce soit en personne ou par écrit. Elle aura le pouvoir de faire prêter serment et de recevoir des éléments de preuve oraux ou écrits, que ces éléments de preuve soient ou non autrement recevables devant un tribunal. La Commission jouira ainsi d'une certaine marge de manœuvre. Comme les causes qu'elle entendra ne sont pas de nature criminelle, la responsabilité n'aura pas à être établie au-delà de tout doute raisonnable. Le projet de loi et les pouvoirs qu'il contient devraient permettre au contraire de créer un climat propice à la résolution des différends.
La Commission pourra en outre examiner tous les documents et mener toutes les enquêtes qu'elle jugera nécessaires. Cela dit, le projet de loi ne porte pas seulement sur les examens et les plaintes; il obligera en effet l'Agence des services frontaliers du Canada à informer les policiers et la Commission d'examen et de traitement des plaintes du public de tout incident grave mettant en cause un de ses employés ou dirigeants. La Commission aura ainsi la responsabilité d'enquêter sur les incidents graves — mort, blessure grave, violation du Code criminel — et d'en faire publiquement rapport. Nous croyons toutefois que la seule existence de la Commission devrait faire baisser le nombre d'incidents graves, car, comme l'ont souligné à juste titre certains députés avant moi, pour le moment, les gens qui ont à se plaindre de l'Agence des services frontaliers du Canada n'ont personne à qui s'adresser.
Pour ce qui est du fonctionnement, le projet de loi est libellé de façon à donner à la Commission d'examen et de traitement des plaintes du public la marge de manœuvre dont elle a besoin pour mettre en place sa structure comme elle l'entend et pour exécuter son mandat aux termes de la Loi sur l'Agence des services frontaliers du Canada et de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. La Commission pourrait faire relever les membres de son personnel soit de l'unité de la GRC, soit de celle de l'Agence des services frontaliers du Canada. Les services d'appui à l'organisation, par exemple, pourraient être partagés par les deux unités. Ce mode de fonctionnement présente divers avantages, par exemple, le partage de la même expertise entre les deux unités. Ce faisant, la Commission en serait — nous l'espérons — renforcée. La désignation précise du personnel responsable faciliterait la gestion de l'information.
En outre, un vice-président et un président seraient obligatoirement nommés à la Commission d'examen et de traitement des plaintes du public. On garantirait de la sorte qu'il y a toujours à la tête de l'organisation deux personnes habilitées à prendre des décisions.
Selon le projet de loi , la Commission publierait un rapport annuel portant sur chacun de ces secteurs d'activité, celui de l'Agence des services frontaliers du Canada et celui de la GRC, ainsi que sur les ressources consacrées à chacun d'entre eux. Le rapport résumerait les opérations menées tout au long de l'année, telles que le nombre et le type de plaintes et les activités d'examen, et fournirait de l'information sur le nombre, le genre et l'issue des incidents graves. J'espère que ce rapport sera facilement accessible et transparent pour permettre à ceux qui suivent ces dossiers de fonctionner à partir de la même série de faits.
Le rapport annuel serait déposé au Parlement par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Le Comité permanent de la sécurité publique et nationale pourra vraisemblablement le passer en revue, convoquer des témoins et examiner le fonctionnement de l'entité.
La nouvelle Commission d’examen et de traitement des plaintes du public proposée dans le projet de loi comblerait une importante lacune dans le régime canadien de reddition de comptes en matière de sécurité publique.
Comme je l'ai indiqué plus tôt, le nombre d'interactions que nous avons avec les Canadiens, les visiteurs, les immigrants reçus, les demandeurs du statut de réfugié et d'autres personnes est plutôt élevé, car le Canada est ouvert à accueillir non pas des dizaines ou des centaines de milliers de gens, mais des millions de personnes qui traversent la frontière chaque année. Le projet de loi se fait attendre depuis longtemps.
J'exhorte mes collègues à mettre de côté leurs divergences partisanes et à laisser le projet de loi être renvoyé au comité. Certains déplorent que le projet de loi a été présenté à la dernière minute et qu'il ne recevra donc jamais la sanction royale. Eh bien, il ne recevra certainement jamais la sanction royale si la Chambre le retarde. Tous les partis sont responsables de la gestion de la Chambre et j'exhorte tous les représentants des partis qui sont chargés de gérer les travaux de la Chambre à faire en sorte que le projet de loi soit renvoyé au comité le plus tôt possible.
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Monsieur le Président, c'est un privilège de prendre la parole après le député de , qui compte à son actif des millions de minutes à la Chambre. Cela dit, je peine à trouver un contenu substantiel dans toutes ces minutes, malgré toute l'affection que j'ai pour le député. Comme son aide a été très utile pour certains projets concernant les vétérans, peut-être pourra-t-il faire quelque chose pour que le monument commémoratif de la guerre en Afghanistan soit enfin construit.
Comme beaucoup d'autres députés qui sont intervenus aujourd'hui, je suis contrarié par le moment choisi pour présenter ce projet de loi. Les députés éprouvent tous un immense respect, je crois, pour les professionnels qui portent l'uniforme de la GRC ou de l'Agence des services frontaliers du Canada et qui seraient touchés par ce projet de loi. Pour montrer qu'une mesure n'a vraiment rien d'une priorité, rien de mieux que de la présenter quand on commence à voir des tulipes à Ottawa, un moment qui annonce déjà la fin de la session parlementaire. Les libéraux ont attendu les dernières semaines de leur quatrième année de mandat pour agir, montrant ainsi qu'ils se moquent des enjeux qui sous-tendent ce projet de loi.
Le député de suggère que les partis devraient s'en tenir à leurs discours partisans. Il se lamente du fait que nous dénoncions le manque de consultation de la part du gouvernement et l'absence de priorités. Les libéraux ne nous laissent pas d'autre choix. Au rythme où vont les choses, nous doutons même que le projet de loi fasse l'objet d'une étude substantielle en comité, bien que le député ait gentiment offert de recueillir les numéros de téléphone des syndiqués, lesquels ont été ignorés durant l'élaboration du projet de loi. Nous n'aurons même pas le temps de les entendre. Il y quelque chose qui ne va pas, car la tâche de l'opposition officielle consiste à exiger des comptes du gouvernement, à formuler des critiques et à faire pression pour qu'on fasse mieux. Je rappelle au leader parlementaire adjoint des libéraux qu'il est toujours possible de faire mieux et c'est le cas ici.
Le projet de loi a été présenté le 7 mai 2019, soit à quelques semaines de la fin de la session, tout comme le projet de loi , qui touche aussi la sécurité publique. Il a été présenté au cours du même mois. Ce qui est étonnant, c'est que les libéraux parlent de ces questions depuis les premières semaines de leur mandat. En fait, la promesse concernant la marijuana est probablement la seule que le ait concrétisée en quatre ans au pouvoir, mais les libéraux ont présenté le projet de loi sur la suspension des casiers judiciaires pour possession de cannabis en fin de session. Qui ont-ils omis de consulter dans ce dossier? Les forces de l'ordre, ce qui est pour le moins ahurissant.
Les Canadiens se souviennent peut-être que, au cours de ses premiers mois de mandat, en 2015-2016, le gouvernement libéral aimait beaucoup les consultations. Je pense que ma collègue de et d'autres en ont parlé. D'ailleurs, le gouvernement avait produit des capsules où il promettait qu'il allait consulter la population. J'en déduis que les libéraux ont complètement arrêté de le faire.
Ce qui me préoccupe vraiment à propos des projets de loi concernant la sécurité publique, c'est que les personnes touchées ne sont pas consultées. Dans le cas du projet de loi , des éléments concernent l'Agence des services frontaliers du Canada, mais ses 14 000 employés, dont près de 7 000 sont en uniforme et travaillent à 1 200 emplacements au pays, n'ont pas été consultés. D'ailleurs, le Syndicat des douanes et de l'immigration exige d'être consulté. Il aurait dû l'être avant la rédaction du projet de loi et non à l'étape de l'étude en comité en juin, quelques jours avant que la session parlementaire prenne fin en vue des élections. Voilà ce qui me préoccupe vraiment.
La même chose se produit dans le cas du projet de loi sur la suspension du casier judiciaire des personnes condamnées pour possession simple de cannabis, un autre projet de loi en matière de sécurité publique ajouté à la dernière minute. L'Association canadienne des policiers n'a pas été consultée. Voici ce que le président, Tom Stamatakis, avait à dire à ce sujet:
Nous a-t-on consultés directement? Pas de façon poussée. Il y a eu certains échanges, mais il n'y a pas eu de consultation précise relativement au projet de loi.
Maintenant, c'est la même chose pour le projet de loi . Les personnes concernées, dont les membres du Syndicat des douanes et de l'immigration, n'ont pas été consultés au sujet du projet de loi.
Il y a d'autres mesures législatives importantes en matière de sécurité publique qui tardent à franchir toutes les étapes du processus législatif. Par exemple, le projet de loi , Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, est maintenant au comité. Ce comité est déjà chargé d'étudier d'autres projets de loi présentés lors de la dernière année du gouvernement.
Un grand nombre d'entre nous a aussi un oeil sur le projet de loi , un projet de loi plutôt complet, presque un projet de loi omnibus, en fait, sur la sécurité nationale. Il en est à l'étape de l'étude en comité au Sénat. Je défends ce projet de loi en ce qui concerne la liste des personnes interdites de vol et je soutiens le remarquable travail effectué par les familles des enfants inscrits sur la liste de personnes interdites de vol afin que nous ayons un système permettant de supprimer les faux positifs et de retirer les enfants de cette liste, laquelle devient inefficace en matière de sécurité publique si elle contient quantité de noms erronés et répétitifs.
Il est aussi particulièrement injuste que des Canadiens, surtout de jeunes enfants, subissent des désagréments parce qu'ils se trouvent sur la liste d'interdiction de vol. Il faut établir un mécanisme pour leur permettre de faire retirer leurs noms de cette liste. C'est une des mesures prévues dans le projet de loi . J'exhorte publiquement mes collègues du Sénat à mener un examen en bonne et due forme de la mesure législative, mais à le faire dans les plus brefs délais.
Comme on peut le constater, il y a déjà un certain nombre de projets de loi sur la sécurité publique qui sont en attente d'examen au Parlement, et c'est sans compter les autres mesures législatives présentées en mai.
Je vais m'éloigner quelques instants du dossier de la sécurité publique. Les Canadiens devraient également trouver inquiétant que certains des principaux enjeux pour les Autochtones du pays aient aussi dû attendre les derniers mois du gouvernement. Je pense notamment au projet de loi sur les services à l'enfance, dont j'ai parlé à la Chambre il y a peut-être 10 jours, et au projet de loi sur les langues autochtones, qui a aussi été relégué à la fin de la session, lorsque les fleurs font leur apparition à Ottawa.
C'est un manque de respect. On constate toute l'importance accordée aux discours, aux symboles et aux photos par le . Les mesures touchant la sécurité publique et les questions associées à la réconciliation, elles, ont été délaissées. Gouverner ne se résume pas à donner de beaux discours. Il s'agit de respecter les priorités des Canadiens et de répondre à leurs besoins.
Aux fins de l'étude, je voudrais que le comité consacre suffisamment de temps au projet de loi afin que le Syndicat des douanes et de l'immigration puisse être adéquatement consulté. C'est la même chose pour la GRC. D'ailleurs, j'étais porte-parole en matière de sécurité publique avant de me lancer dans la course à la direction du parti, ce qui exigeait que je parcoure le pays. Nous avions collaboré avec le gouvernement au sujet du projet de loi , le projet de loi sur le syndicat de la GRC. Nous avons tenté de collaborer avec le gouvernement, surtout dans les dossiers qui concernent les personnes en uniforme. Nous avons même demandé des amendements au projet de loi afin d'éviter qu'une approche disparate soit employée au sujet des indemnités pour accidents du travail des travailleurs de la GRC et de faire en sorte qu'il y ait une norme unique pour toutes les provinces. Ce sont des projets de loi importants et il faut consulter les gens à leur sujet.
J'inviterais également l'ancien président qui a pris la parole, le député de , à veiller à ce que suffisamment de temps soit prévu. Même si le gouvernement avait affirmé qu'il ne se servirait jamais de l'attribution de temps ou de projets de loi omnibus, il s'en est servi pratiquement toutes les semaines. La semble y avoir pris goût. Mon collègue le voudrait pouvoir faire disparaître tous les discours qu'il a prononcés lorsqu'il était dans l'opposition pour dénoncer le recours à l'attribution de temps et aux projets de loi omnibus, car il fait maintenant partie de l'équipe de la sur laquelle le député de jette le blâme pour la lenteur de la progression de ces projets de loi, et il utilise maintenant ces mécanismes avec délectation.
Nous devons garantir que le comité aura suffisamment de temps pour étudier les modifications proposées à la Loi sur la GRC et à la Loi sur l'Agence des services frontaliers du Canada afin de vérifier si ces modifications profiteront aux personnes concernées, qu'il s'agisse du traitement des plaintes du public ou d'autres éléments du projet de loi . Il y aurait dû y avoir des consultations préalables, mais, pour bien faire les choses, l'étude du comité ne peut être précipitée. Nous allons collaborer, mais nous voulons que les personnes concernées aient l'occasion de participer aux audiences du comité.