propose que les amendements que le Sénat a apportés au projet de loi , soient lus pour la deuxième fois et adoptés.
— Monsieur le Président, en tant que personne handicapée et ministre de l'Accessibilité, c'est un véritable honneur d'intervenir aujourd'hui au sujet du projet de loi .
Il y a plus de trois ans, l'actuel gouvernement a entrepris d'améliorer les choses pour un pourcentage considérable de la population qui est généralement traité injustement ou ignoré. C'est maintenant le temps de passer à l'action.
Le moment est venu de proposer un nouveau système qui contribuera à abattre les obstacles à l'inclusion qu'affrontent chaque jour les Canadiens handicapés. Le moment est venu pour le gouvernement de faire les choses différemment et d'assurer à tous les Canadiens une chance égale de réussir.
[Français]
Je suis très fière du travail que nous avons accompli pour créer ce projet de loi transformateur qui améliorera la vie de millions de personnes vivant avec un handicap.
[Traduction]
Le projet de loi fait écho aux voix de milliers de personnes handicapées, des membres de leur famille et de leurs amis, et il reflète des décennies de revendications. Nous n'aurions pas pu réaliser autant de progrès sans la solide collaboration de la communauté des personnes handicapées et son sérieux travail stratégique, qui a été des plus percutants.
Je tiens à souligner l'excellent travail accompli sur le projet de loi à l'autre endroit, notamment par le parrain, le sénateur Munson. Le projet de loi a fait l'objet d'une étude attentive menée au cours de plusieurs réunions, et les deux Chambres ont apporté des amendements qui renforcent cette mesure législative historique.
Les membres de la communauté des handicapés nous ont fait part de leurs points de vue et de leurs expériences, dont bon nombre étaient très personnelles. Je leur sais gré de leur engagement et de leur dévouement à la cause de l'accessibilité au Canada.
[Français]
Nous avons pris à cœur les messages de ces témoins, et nous avons proposé des amendements pour faire écho à leurs préoccupations et à leurs inquiétudes. Notre gouvernement appuie tous les amendements apportés au projet de loi par le Sénat, car nous reconnaissons qu'ils reflètent les priorités clés exprimées par la communauté.
[Traduction]
J'aimerais analyser les principaux amendements apportés par le Sénat.
Un amendement important a été apporté à la demande des témoins afin d'établir dans le projet de loi une date butoir pour la réalisation d'un Canada exempt d'obstacles. Ainsi, l'objet de la loi, le mandat du ministre et le mandat de l'Organisation canadienne d’élaboration de normes d’accessibilité tiendraient maintenant compte de l'objectif de faire du Canada un pays exempt d'obstacles au plus tard le 1er janvier 2040. La communauté des personnes handicapées a indiqué que, grâce à l'ajout de cette date d'échéance, elle pourrait exiger des comptes du gouvernement au chapitre des progrès réalisés et veiller à ce que l'accessibilité demeure une priorité pour les futurs gouvernements. Afin de remédier à la crainte que cette date butoir procure aux gens une raison de retarder la prise de mesures en matière d'accessibilité jusqu'à la dernière minute, un amendement a été apporté pour ajouter les mots « sans délai » au préambule du projet de loi. Ces mots clarifieraient que rien dans la loi ne permet de tarder à éliminer les obstacles ou à prévenir de nouveaux obstacles à l'accessibilité.
J'ai également entendu l'appel retentissant de la communauté pour la reconnaissance de l'importance de la langue des signes pour les Canadiens sourds. Par conséquent, je suis heureuse que le projet de loi ait été amendé pour que l'American Sign Language, la langue des signes québécoise et les langues des signes autochtones soient reconnues comme étant les langues les plus utilisées par les sourds au Canada pour communiquer.
J'en profite pour saluer les interprètes qui sont sur la Colline du Parlement aujourd'hui.
Le projet de loi se veut un complément du cadre régissant les droits de la personne au Canada. Rien dans ce projet de loi ou les règlements qui seront pris en application de ce dernier ne limiterait ou ne remplacerait l'obligation de prendre des mesures d'adaptation, qui constitue un principe établi des droits de la personne. Voilà pourquoi j'appuie l'amendement visant à clarifier que rien dans la loi canadienne sur l'accessibilité ou ses règlements n'a pour effet de restreindre quelque obligation d'adaptation que peut avoir l'entité réglementée sous le régime d'autres lois fédérales.
[Français]
Nous savons que les services de transport devraient être accessibles à tous. En réponse aux préoccupations des intervenants, une modification a été apportée afin de permettre à l'Office des transports du Canada de déceler un obstacle indu, même si un fournisseur de services de transport ne transgresse aucune réglementation sur l'accessibilité.
[Traduction]
L'Office serait ainsi en mesure de cibler tous les obstacles auxquels se heurtent les personnes handicapées dans le réseau de transport fédéral.
De plus, l'ajout de termes plus forts sur l'intersectionnalité dans les principes du projet de loi répond à une demande des personnes handicapées. Elles souhaitent une plus grande reconnaissance des formes multiples et intersectionnelles de marginalisation et de discrimination qui influent sur l'impact des obstacles pour divers groupes de personnes handicapées.
[Français]
Alors que nous travaillons ensemble pour bâtir un Canada plus inclusif et accessible, nous avons une occasion incroyable de changer la perception des handicaps.
[Traduction]
Cette mesure législative enverrait un message clair aux Canadiens: les personnes handicapées ne seront plus reléguées au second plan. Ce sont les systèmes, les politiques et les lois qui doivent être ciblés, et non les gens.
On peut apercevoir la ligne d'arrivée. En acceptant tous les amendements proposés et en adoptant rapidement le projet de loi , nous pourrons poursuivre notre route vers une société qui traite toutes les personnes avec la dignité qu'elles méritent, une société où tout le monde dispose des mêmes occasions de pleinement contribuer à son milieu, une société qui est véritablement inclusive.
:
Monsieur le Président, je suis ravi d'intervenir à la Chambre aujourd'hui au sujet du projet de loi , une importante mesure qui reconnaît et affirme la dignité inhérente de tous les êtres humains sans égard à la présence de handicaps. Cette mesure vise à créer un contexte et un cadre susceptibles de faciliter la pleine participation des Canadiens handicapés à la société.
Les gens qui nous regardent peuvent être assurés que tous les partis représentés à la Chambre souscrivent à cette mesure. Aujourd'hui, nous ferons état de certaines occasions manquées et d'enjeux connexes à l'égard desquels nous sommes en désaccord avec le gouvernement quant à ses décisions. Nous discuterons notamment de certaines questions liées à l'emploi. Mon estimé collègue le député de avait présenté une mesure législative qui visait à faciliter la pleine participation des Canadiens handicapés à l'emploi. Les partis ont des divergences d'opinions quant à la meilleure façon de faire avancer ce dossier et d'affirmer ces principes.
Néanmoins, les personnes qui nous regardent doivent savoir que l'opposition officielle et les autres partis appuient l'adoption de cette mesure législative. Le projet de loi sera peut-être adopté aujourd'hui ou demain; je ne suis pas certain du calendrier précis. Toutefois, il sera adopté et il deviendra loi avant les prochaines élections. Ce sera un pas dans la bonne direction et une nouvelle encourageante.
Avant d'examiner certaines dispositions de cette mesure, je reviens sur ce que mon collègue de a dit. Il a fait de l'excellent travail sur cette mesure pour le compte du Parti conservateur, à l'instar du député d' et d'autres députés qui ont travaillé sur ce dossier. Le député de Foothills a signalé que, lors de l'étude initiale par le comité de la Chambre des communes, les ministériels ont rejeté les amendements proposés par les conservateurs et les autres partis. Il importe de souligner que les amendements n'ont pas été appuyés à cette étape.
Malgré des désaccords sur certains des détails des amendements proposés, nous avons appuyé le projet de loi à toutes les étapes. Après que le projet de loi eut franchi l'étape de la troisième lecture, il a été renvoyé au Sénat. Le Sénat a proposé un certain nombre d'amendements qui reflètent les préoccupations que des intervenants représentant les Canadiens handicapés avaient exprimées aux députés conservateurs. Le Sénat avait pris connaissance de ces préoccupations lors des discussions qui avaient eu lieu au comité sénatorial.
Le Sénat a proposé quelques amendements au projet de loi, puis il l'a renvoyé à la Chambre. Maintenant, nous cherchons à déterminer si nous accepterons et si nous appuierons les amendements du Sénat. Je pense que ces derniers jouiront d'un appui généralisé de tous les partis parce qu'ils améliorent le libellé du projet de loi.
Les personnes qui nous regardent devraient prendre note de la façon dont ce processus législatif règle les détails et du fait que les sénateurs ont exercé une plus grande influence sur la mesure législative que les députés. En effet, le gouvernement a rejeté les amendements proposés par les députés mais, quand les sénateurs ont présenté les mêmes amendements, il les a acceptés.
Ce n'est pas la première fois qu'on voit cela. Je me rappelle le projet de loi , auquel un amendement relatif aux soins palliatifs avait été proposé. En fait, il n'avait pas seulement été proposé en comité: il avait fait l'objet d'un vote à la Chambre à l'époque et avait été rejeté. Puis, le sénateur Plett l'avait proposé au Sénat dans une forme semblable, et il avait été adopté, pour être ensuite adopté par la Chambre des communes.
Ce processus n'est pas rare au Parlement étant donné le manque relatif d'indépendance des députés en comité, leurs membres étant malheureusement tenus en bride, et la relative indépendance du Sénat par rapport à la Chambre des communes. Le Sénat n'est peut-être pas aussi indépendant que, peut-être, certains l'affirment, mais il l'est si on compare la liberté de mouvement des sénateurs par rapport à celle des députés, en particulier les députés ministériels, à la Chambre des communes. Le Sénat a, dans la pratique, une plus grande incidence sur le processus législatif.
Même si je suis heureux de voir que ces amendements ont été acceptés — je me répète —, je pense que cela devrait nous préoccuper sur le plan du processus législatif. Nous voulons que la Chambre et les députés, qui sont élus, assument pleinement leurs responsabilités.
Quoi qu'il en soit, même si nous contestons et nous déplorons la manière dont certaines de ces questions ont été abordées, nous sommes heureux de ces amendements. Ils remédient à des préoccupations soulevées par les parties intéressées ainsi que par des députés du Parti conservateur et, si je ne m'abuse, d'autres partis.
Cela dit, j'aimerais maintenant parler du détail du projet de loi . En bref, le projet de loi vise essentiellement à obliger les entités réglementées par des lois fédérales, c'est-à-dire la fonction publique et les milieux de travail sous réglementation fédérale, à se doter d'un plan en matière d'accessibilité. Il exige également que le contenu de ces plans soit réglementé et appliqué.
Comme l'ont fait remarquer la et d'autres personnes dans le cadre de l'étude du projet de loi, nos processus relatifs aux droits de la personne sont très souvent fondés sur les plaintes, c'est-à-dire que, lorsqu'il y a violation réelle ou potentielle des droits d'une personne, une plainte est déposée, puis celle-ci fait l'objet d'une décision.
La a bien raison de dire que cette formule n'est pas une panacée. Il est important d'offrir cette voie aux gens, mais, dans ce contexte, nous voulons plus. Nous préférerions plutôt une approche proactive où l'on protège les droits dès le départ au lieu de simplement mettre en place un mécanisme qui permet de traiter les plaintes après que les droits d'une personne ont été violés.
Amener les entités réglementées à préparer un plan, à le publier, à le mettre en oeuvre et à en faciliter l'application crée des conditions propices à une approche plus proactive à l'égard de ces questions, par opposition à une approche simplement réactive. C'est une mesure sage et utile que tous les partis appuient. Elle établirait une conformité proactive et des mécanismes d'application. Les plans doivent être pluriannuels et comporter des objectifs, des exigences de reddition de comptes, des mécanismes d'enquête et divers processus visant à en assurer la pleine réalisation.
Ce projet de loi prévoit également la création de l'Organisation canadienne d'élaboration des normes d'accessibilité, l'OCENA, et un budget de 290 millions de dollars sur six ans est réservé à cet effet. Cet organisme sera intégré au sein de l'appareil gouvernemental et il aura pour mandat d'élaborer des règlements par rapport à diverses facettes du projet de loi, comme l'environnement bâti, l'emploi, la prestation de services, les technologies de l'information et de la communication, le transport ainsi que l'approvisionnement. L'objectif demeurera toujours l'intégration complète des personnes handicapées et la facilitation de leur pleine participation à une société exempte d'obstacles.
Le non-respect des normes fixées par l'OCENA entraînera des amendes. Il convient de noter que le champ d'action de l'OCENA s'appliquera uniquement aux entités sous réglementation fédérale et à l'intérieur même de l'administration fédérale. Toutefois, on espère que les normes établies grâce à ce projet de loi pourront être adoptées dans toutes les sphères de la société canadienne, y compris celles qui ne sont pas assujetties à la réglementation fédérale. On prévoit également d'embaucher 5 000 Canadiens en situation de handicap au sein de la fonction publique, ce que je trouve encourageant. Notre parti, comme tous ont pu le constater, s'est toujours opposé vigoureusement à ce que les personnes handicapées soient exclues arbitrairement de la fonction publique.
Ce sont là les contours du projet de loi, qui met en place des mécanismes et des processus qui assureront la pleine participation des personnes handicapées à la société dans son ensemble.
Aujourd’hui, nous discutons de sujets liés aux amendements proposés par le Sénat. La s’est prononcée là-dessus, mais j’aimerais passer en revue les amendements du Sénat dont nous sommes saisis aujourd’hui. Même si le Sénat n’a pas retenu tous les changements que nous avions proposés en comité ou à la Chambre, ou qui avaient été suggérés par la communauté des personnes handicapées, tous les changements adoptés par le Sénat reflètent les préoccupations qui ont été soulevées.
Il y a tout d’abord la question de l’inclusion, dans le projet de loi, de la date à laquelle le Canada devrait être un pays exempt d’obstacles, soit 2040. Autrement dit, cet objectif doit être pleinement atteint d’ici 2040. Les amendements précisent également que le choix de cette date n’est pas une excuse pour attendre, comme on le voit trop souvent, la dernière minute avant de se mettre au travail, et que, par conséquent, ce travail doit être achevé à cette date-là. Bref, les amendements fixent une date butoir, mais interdisent qu’on retarde les choses ou qu’on attende pour lever la totalité des obstacles sous prétexte qu'on n'est pas encore en 2040. C’est très important.
Dans mon enfance, on me disait toujours que les dates butoir servent à susciter un élan et qu’on progresse plus vite quand on ne les perd jamais de vue. Par conséquent, les efforts déployés par la communauté et le Sénat pour fixer un échéancier de mise en œuvre de ces mesures sont tout à fait louables et nécessaires.
Un autre amendement du Sénat concerne la question de savoir si l’intersectionnalité devrait être prise en compte. Des amendements ont été proposés pour reconnaître les formes multiples et intersectionnelles de la discrimination, c’est-à-dire le fait que les personnes handicapées peuvent être victimes de discrimination pour des raisons d’intersectionnalité. Il faut donc que la solution prévue pour lever ces obstacles prenne cela en compte. Nous reconnaissons que cette réalité existe, et il faut que les plans qui seront mis en œuvre par les entités réglementées reconnaissent que l’intersectionnalité doit être prise en compte.
D’autres amendements proposés par le Sénat concernent la préservation des droits humains des personnes souffrant de handicaps. Ces amendements visent surtout à préciser les choses, mais les témoignages entendus au comité de la Chambre et à celui du Sénat ont insisté sur l’importance de cette clarification, même si les divers codes des droits de la personne imposent déjà des obligations, notamment dans le cas des entités fédérales assujetties à la Loi canadienne sur les droits de la personne et à d’autres lois fédérales. Plusieurs groupes de témoins ont insisté sur la nécessité de préciser que le nouveau dispositif mis en place par ce projet de loi ne porte aucunement atteinte aux droits et obligations existants et reconnus qui sont énoncés dans les codes des droits de la personne. Nous sommes en accord avec cela.
D’autres amendements du Sénat visent à garantir la protection des droits actuels des voyageurs souffrant de handicaps, par l’entremise de l’Office des transports du Canada.
On s'attend à ce qu'un grand nombre de plaintes proviennent de l'Office des transports du Canada. C'est ce qu'ont suggéré des personnes handicapées. Il est donc important que la mesure législative crée des normes exécutoires concernant les mesures que cet organisme doit prendre pour éliminer les obstacles. C'est aussi un élément important.
En ce qui concerne la question précise du transport, je voudrais lire brièvement un extrait d'une note d'information du ARCH Disability Law Centre:
Néanmoins, dans les faits, en vertu du paragraphe 172(2) — une disposition qui figure actuellement dans la Loi sur les transports au Canada —, une fois que l'Office des transports du Canada a établi ces règlements et que les prestataires de transport, comme les compagnies aériennes, les respectent, ils peuvent se laver les mains du reste.
C'est un problème parce que les règlements établis par l'Office peuvent ne pas satisfaire à l'obligation selon laquelle des mesures d'adaptation devraient être prises afin de respecter les droits dont jouissent les personnes handicapées en vertu des lois sur les droits de la personne.
Si un passager souffrant d'un handicap se plaint à l'Office de ce qu'un transporteur aérien ou un autre prestataire de transport n'a pas pris de mesures d'adaptation pour prendre en compte ledit handicap, sa plainte sera rejetée si le transporteur aérien s'est conformé aux règlements de l'Office en vertu du paragraphe 172(2). Une analyse plus détaillée est disponible dans le rapport juridique final.
Le comité n’a pas proposé d’abroger le paragraphe 172(2), mais plutôt de le modifier. L’amendement en question permet à l’Office des transports du Canada de conclure qu’il y a eu un problème d’accessibilité même si le transporteur a respecté les règles de l’Office. Pour les voyageurs souffrant de handicaps, cela signifie qu’ils peuvent porter plainte auprès de l’Office pour dénoncer un obstacle abusif dans le système de transport fédéral et pour demander que le transporteur fasse plus que ce qui est exigé par la réglementation de l’Office.
Le voyageur handicapé pourrait avoir gain de cause même si le transporteur respecte toutes les règles de l’Office. Toutefois, l’Office pourrait uniquement obliger le transporteur à prendre des mesures correctrices et ne pourrait pas l’obliger à indemniser le voyageur. Ce n’est pas la même chose que les autres plaintes qui sont déposées à l’Office pour des questions d’inaccessibilité dans le système de transport fédéral et pour lesquelles, en général, l’Office peut ordonner au transporteur de prendre des mesures correctrices et d'indemniser la personne concernée.
Même si l’amendement contribue à améliorer l’article en question, il reste quand même une lacune. Dans la communauté des personnes handicapées, on estime que les entreprises de transport comme les compagnies aériennes et les sociétés ferroviaires doivent prendre les mesures nécessaires pour répondre aux besoins des personnes handicapées. On craint en effet que ces entreprises puissent se défendre en affirmant qu’elles respectent les normes réglementaires et qu’elles n’ont donc pas besoin d’en faire plus, si jamais on leur reproche de ne pas en avoir fait assez pour permettre la pleine participation d’une personne handicapée.
L’amendement du Sénat prévoit que, dans certains cas, l’Office des transports du Canada pourra conclure que le transporteur aurait dû en faire plus, même s’il a respecté les normes réglementaires minimales, mais qu’il ne pourra pas accorder des dommages-intérêts. C’est une amélioration apportée par le Sénat, mais comme en témoigne la discussion actuelle, les attentes qui ont été exprimées ne sont toujours pas comblées.
L’autre amendement concerne la langue des signes. Le projet de loi admet plusieurs langues des signes: la langue des signes américaine, la langue des signes québécoise et les langues des signes autochtones, qui sont les principales langues utilisées par les personnes sourdes au Canada. C’est une chose que la communauté des malentendants réclamait depuis longtemps, et que les autres intervenants appuient également.
Nous avons beaucoup discuté dans cette enceinte de l'importance des langues. Récemment, nous avons débattu d'un cadre législatif sur les langues autochtones, de l’importance des deux langues officielles du pays ainsi que des traditions et de la culture associées à l’utilisation d’une langue.
Nous reconnaissons tous aussi, je pense, que les langues des signes s'inscrivent dans ce contexte et nous permettent d'apprécier au sens large comment la langue est associée à la culture et aux traditions. Dans le cas des personnes dont la capacité de communiquer autrement est limitée, ces langues sont indispensables. Leur importance dépasse la simple nécessité de communiquer.
Je viens de passer en revue un certain nombre des amendements que le Sénat a adoptés pour ce projet de loi. Certes, ils ne répondent pas à tous les problèmes soulevés par la communauté des parties prenantes et la communauté dans son ensemble, mais ce sont des mesures qui vont dans la bonne direction et qui sont appuyées par tous les députés. Nous espérons par conséquent que ces amendements seront adoptés.
J’aimerais maintenant parler de ceux à qui s’adresse ce projet de loi, c’est-à-dire expliquer pourquoi les éléments techniques que j’ai abordés sont si importants.
À ce propos, j’aimerais dire quelques mots sur Jean Vanier, sur sa vision de l’inclusion, mais aussi sur quelque chose de beaucoup plus grand que l’inclusion. Jean Vanier est une personne qui devrait nous faire réfléchir car c’est certainement le plus grand défenseur des personnes souffrant de handicaps.
Il est décédé ce mois-ci, et son décès a suscité un grand nombre d’hommages de la part de nos politiciens et de nombreuses personnes de la société civile. C’était en quelque sorte un révolutionnaire, de par son action en faveur de l’inclusion dans la société des personnes souffrant de handicaps. C’était aussi un révolutionnaire sur le plan intellectuel. Son expérience de philosophe l’a aidé dans son action. Dans les biographies, on le décrit comme un philosophe et un humaniste, ce qui est une combinaison optimale et nécessaire. En effet, il est dangereux d’être un philosophe sans être un humaniste, et il est dangereux aussi de se présenter comme un humaniste sans tenir compte des racines philosophiques du travail humanitaire. Nous voyons donc chez Jean Vanier une osmose parfaite entre les idées qu’il défendait et les pratiques dont il s’est fait le chantre.
Jean Vanier venait d’une famille privilégiée. Ses parents avaient une certaine notoriété. Quand il est né, son père faisait partie d’une mission diplomatique. Il a aussi fait une carrière militaire, mais ensuite, il s’est orienté vers un doctorat en philosophie. Sa thèse devait asseoir les grands principes qu’il allait appliquer pendant le restant de sa vie. Cette thèse portait sur le bonheur en tant que principe et sur la fin de l’éthique aristotélicienne.
J’ai d’autant plus d’affinités avec lui que ma thèse de maîtrise portait sur la mesure du bonheur, qui était très influencé par Aristote. On ne discute pas assez du bonheur en politique. C’est pourtant important pour beaucoup de lois. Jean Vanier a proposé un cadre philosophique au travail qu’il a accompli et qui s’inspirait des concepts aristotéliciens du bonheur. Il s’est inspiré du concept aristotélicien du bonheur, qui est différent de la notion qu’on en a aujourd’hui. Cela a profondément marqué son action auprès des Canadiens souffrant de handicaps.
Jean Vanier ne voulait pas uniquement que les personnes handicapées jouissent d'une inclusion formelle et structurelle ou qu'elles soient capables d'accéder aux mêmes espaces que les autres. Il voulaient qu'elles connaissent l'amour et le bonheur grâce à la vie en communauté et à l'amitié. Ainsi, il a tenté de construire une communauté où personnes handicapées et non handicapées vivent ensemble et entretiennent une véritable amitié.
M. Vanier a écrit ceci:
Le cri des personnes handicapées était une question très simple: est-ce que tu m'aimes? Voilà ce qu'elles demandaient. J'ai été touché au plus profond de mon être parce que c'était une question fondamentale que moi aussi je me posais.
Il a souligné que les personnes handicapées recherchaient la reconnaissance de leur humanité, mais aussi le bonheur et l'amour, ce qui leur était souvent refusé par un système qui ne reconnaissait pas leur dignité. Les personnes handicapées veulent ce que nous voulons tous, et selon la vision et la sagesse de Jean Vanier, nous pouvons tous y parvenir ensemble.
Son travail avec les personnes handicapées a influencé sa conception du bonheur, un sujet sur lequel il écrira par la suite. Il s'est beaucoup inspiré de l'idée du bonheur d'Aristote. Aristote, qui écrivait en grec, utilisait évidemment le mot eudemonia, qui se traduit librement par « la vie bien vécue ». Dans ce contexte, il s'opposait aux notions de bonheur qui étaient davantage fondées sur le plaisir, le hasard et les aléas d'une bonne fortune dont la forme était généralement matérielle. Il avait une compréhension et une appréciation plus riches de ce qu'est le bonheur.
Selon Aristote, il existe un lien entre la vertu et le bonheur et les vertus représentent les qualités morales qui permettent à une personne de vivre une bonne vie; M. Vanier adhère à cette idée.
En tant que députés et êtres humains, nous savons que les gens passent une grande partie de leur vie à la recherche du bonheur. Nous ne nous entendons pas toujours sur ce que c'est et sur la façon de l'atteindre, mais nous consacrons une grande partie de notre vie à sa recherche.
Plus récemment, notre parti a été grandement influencé par l'école de pensée utilitariste, qui soutient que le bonheur est une question de plaisir l'emportant sur la douleur. C'est le cœur de la notion d'utilitarisme de M. Bentham. M. Mill en a été un partisan, mais il a réintroduit des aspects de la définition du bonheur d'Aristote en faisant valoir qu'un plus grand bonheur exige le développement d'une certaine noblesse de caractère.
La passion de Jean Vanier pour la philosophie et l'idée du bonheur s'est perpétuée tout au long de sa vie. En 2001, il écrit l'ouvrage intitulé « Le Goût du bonheur: au fondement de la morale avec Aristote ». Il y parle de trois vertus utilitaires: l'amour, la sagesse et la justice. J'aimerais lire un extrait du livre dans lequel il parle de l'importance de l'amitié et de l'amour, qui fait partie intégrante de l'amitié.
Il écrit ce qui suit:
Par l'amitié, j'ai pénétré dans la conscience que mon ami a de sa propre existence. Car, de la même manière que nous nous sentons vivants, que nous existons par l'activité et que nous en tirons du plaisir, de même, par l'amitié, nous sentons notre ami vivre et exister. L'union est si profonde que la bonté de la vie de notre ami s'étend à nous et nous fait plaisir. Dans l'amitié, il y a presque une communion, une fusion de deux êtres et de leur bien légitime. L'ami est un autre soi. Tout ce que je vis, il le vit [...] Dans cette relation d'amitié, nous continuons d'être deux, mais nous sommes un dans une grande et noble activité que nous réalisons ensemble. La conscience de la bonté de mon ami me remplit autant de joie que si c'était la mienne. Le bonheur de mon ami devient mon bonheur.
Telle était sa conception philosophique de l'amitié, qui était essentielle au bonheur et qui était facilitée par la vertu de l'amour. Elle a éclairé sa vision concrète de l'édification de communautés qui incluraient des personnes handicapées et des personnes non handicapées. Nous pourrions appeler cela l'inclusion, mais c'est un concept d'inclusion beaucoup plus riche et plus profond que le concept formel. C'est de vivre dans des communautés d'amour, de bonne volonté et de solidarité les uns envers les autres, dans le cadre d'une véritable relation d'amitié. Nous voyons notre prochain comme un autre soi et nous nous identifions à ce genre d'amour envers les autres. Cela fait partie de son concept du bonheur, qui suppose l'amitié et la vie en communauté.
Comme je l’ai dit, Jean Vanier a proposé un concept très riche du bonheur, de l’amour et de l’amitié, qu’il a mis en pratique dans son travail auprès des personnes handicapées. Quand il habitait Paris, au moment de la fondation de l’Arche, il est allé rendre visite à des gens qui vivaient dans des institutions, souvent dans des conditions difficiles. Il s’est rendu compte que, la plupart du temps, ces gens-là vivaient dans des conditions difficiles, mais que, parfois, elles étaient un peu meilleures. Or, ce dont ces gens-là avaient véritablement besoin, c'était d’être traités avec humanité, au sein de communautés d’amitié et d’amour, où les gens étaient ensemble à la recherche du bonheur. C’était là sa vision.
Sur le plan pratique, son premier geste radical a été de s’installer dans une maison avec des personnes handicapées. Pour lui, ce n’était pas seulement un geste d’humanité à l’égard d’autres personnes, mais aussi le début d’une communauté partagée. Il s’est rendu compte que, grâce à cette communauté partagée, il pouvait apprendre beaucoup de choses auprès des personnes avec lesquelles il vivait. Il voulait que les personnes qui n’avaient pas de handicap aient la possibilité d’apprendre et de s’épanouir grâce à ces amitiés et à ces communautés importantes, où les gens se mettaient ensemble à la recherche du bonheur.
Jean Vanier a dit: « L’Arche et Foi et Lumière font partie d'une véritable révolution. » Trop souvent, les gens qui souffraient d'un handicap intellectuel étaient source de honte pour leurs parents, et ils étaient même considérés comme un châtiment de Dieu. Leurs parents et leurs aidants naturels étaient souvent perçus comme des personnes extraordinaires, de saintes personnes, parce qu’ils s’occupaient de gens « comme eux ». Aujourd’hui, il est devenu évident que ce sont les gens qui ont un handicap intellectuel qui nous permettent de nous humaniser lorsque nous établissons un vrai lien d’amitié avec eux. Ils ne sont donc pas un châtiment de Dieu, mais plutôt un chemin vers Dieu.
Il avait compris que les personnes handicapées sont des êtres humains au sens le plus complet du terme, qui ont la même dignité et la même valeur que n’importe quel autre être humain. Elles ont des besoins à combler et des contributions à apporter, comme n’importe quel autre être humain. Ces besoins et ces contributions peuvent se réaliser et s’épanouir au sein d’une communauté. Il comprenait aussi qu’il est important que les structures sociales s’inspirent des valeurs et des structures familiales.
Je suis récemment allé à Bogotá, où j’ai eu l’occasion de visiter un orphelinat de SOS Villages d’enfants pour observer le travail qu'on y accomplit. Les responsables m’ont fait une remarque intéressante sur la façon dont ils s’occupent des enfants qui ne peuvent pas rester dans leur famille. Cela s’inspire beaucoup de la pensée de Jean Vanier, pour qui les structures institutionnelles ne donnent pas d’aussi bons résultats que les structures familiales. Dans ce village SOS colombien où je me suis rendu, les enfants sont placés dans des environnements qui ressemblent beaucoup au contexte familial. Ils sont dans des foyers, avec des parents qui s’occupent d’eux. Certes, ils ne sont pas chez eux, dans leur propre famille, mais ils vivent dans le même genre de structure et bénéficient du même soutien que celui que donne une famille, ce qui leur apporte l’amour, l’amitié et les rapports sociaux qui sont importants au sein d’une structure familiale. Jean Vanier l’avait bien compris; c'est pourquoi il a cherché à faire la même chose quand il a mis en place les structures du mouvement de l’Arche, grâce à des communautés quasi familiales, où les gens pouvaient vivre ensemble dans l’amour et l’amitié.
Très peu de temps avant sa mort, Jean Vanier a reçu le prix Templeton, qui est une grande distinction internationale. M. Vanier a parlé du travail qu'il avait accompli ainsi que des idées et de la vision qui le sous-tendaient. Son discours nous a montré le genre de sensibilité qui devrait animer nos travaux dans ce domaine. Je tiens à lire un extrait de son discours d'acceptation du prix Templeton. Il a dit ceci:
L’Arche et Foi et Lumière font partie d’une véritable révolution; si souvent dans le passé, les personnes ayant une déficience intellectuelle ont été considérées comme une source de honte pour leurs parents et, dans certains cas, comme une punition de Dieu. Leurs parents et ceux qui prennent soin d’elles ont souvent été considérés comme des personnes formidables, voire même des « saints », parce qu’ils s’occupaient de personnes « comme ça ». Aujourd’hui, il est de plus en plus évident que ce sont les personnes ayant une déficience intellectuelle qui nous humanisent et qui nous guérissent, si nous entrons dans une réelle amitié avec elles. Elles ne sont pas une punition de Dieu, mais au contraire un chemin vers Dieu [...]
Être avec, c’est vivre ensemble, entrer dans des relations mutuelles d’amitié et de bienveillance. C’est rire et pleurer ensemble, c’est être réciproquement transformés les uns par les autres. Chaque personne devient un cadeau pour l’autre, et révèle aux autres que nous faisons partie d’une immense et merveilleuse famille humaine, la famille de Dieu. Nous sommes tous profondément identiques en tant qu’êtres humains, mais aussi profondément différents; nous avons chacun un don particulier, chacun une mission unique.
Cette merveilleuse famille, depuis ses origines jusqu’à nos jours, avec tous ceux qui se sont disséminés sur cette planète de génération en génération, est composée de personnes de différentes cultures et diverses compétences; chacune d’elles a ses forces et ses faiblesses, et chacune d’elles est précieuse.
L’évolution de cette famille, depuis les origines jusqu’à nos jours, a certainement entrainé des guerres, des violences et une recherche sans fin de domination et d’accumulation de possessions. C’est aussi une évolution dans laquelle les prophètes de paix n’ont cessé de crier: « Paix, Paix » en appelant les gens à se rencontrer les uns les autres et à se découvrir beaux et précieux.
Beaucoup d’entre nous dans ce monde continuent d’aspirer à la paix et à l’unité. Cependant, beaucoup d’entre nous demeurent coincés dans nos cultures où nous sommes pris dans des luttes pour le pouvoir et l’accumulation de richesses. Comment pouvons-nous nous libérer d’une culture qui incite les gens, non pas à devenir responsables de la famille humaine et du bien commun, mais au succès individuel et à la domination des autres? Comment pouvons-nous nous débarrasser des tentacules et des entraves de cette culture, pour devenir libres d’être nous-mêmes, libres de nos egos surdimensionnés et de nos compulsions, libres d’aimer les autres tels qu’ils sont, différents et pourtant les mêmes?
Être avec, c’est aussi manger ensemble, comme nous y invite Jésus: « Lorsque tu donnes un festin, n’invite pas ta famille, ni tes amis, ni tes riches voisins, mais invite les pauvres, les estropiés, les boiteux, les aveugles; alors tu seras bienheureux. » Être bienheureux, nous dit Jésus, c’est inviter les pauvres à notre table (Luc 14).
Soyons clair, ce ne sont pas les invités qui sont bienheureux parce qu’ils se régalent à une fête; c’est bel et bien l’hôte qui est bienheureux par sa rencontre avec les pauvres. Pourquoi l’hôte est-il appelé bienheureux? N’est-ce pas parce que son cœur est transformé lorsqu’il est touché par les dons merveilleux de l’esprit cachés dans les cœurs des pauvres? Tel a été le don de mon cheminement personnel, et celui de tant d’autres. Nous avons été guidés, par ceux qui sont fragiles, sur le chemin de la béatitude de l’amour, de l’humilité et de la paix.
Pour être transformés, nous devons d’abord rencontrer des personnes qui sont différentes, et non pas les membres de notre famille, les amis ou les voisins qui nous ressemblent. Rencontrons-nous au-delà des différences — intellectuelles, culturelles, nationales, raciales ou religieuses. C’est à partir de cette rencontre initiale que nous pourrons construire une communauté et des lieux d’appartenance où vivre ensemble.
Une communauté n’est jamais appelée à devenir un groupe fermé où l’on se cache derrière les barrières identitaires de son groupe, préoccupé uniquement par son propre bien-être et sa propre vision, comme s’il était le seul, ou le meilleur. Une communauté ne peut être une prison ni une forteresse. Malheureusement, cela a été pendant longtemps la vision réductrice de certaines Églises et religions, chacune pensant être la meilleure, croyant posséder toute la connaissance et la vérité. Par conséquent, il n’y avait pas de communication ou de dialogue entre elles.
N’y a-t-il pas un danger que nous nous enfermions dans nos propres groupes — qu’ils soient professionnels, religieux ou familiaux — dans lesquels nous ne rencontrons jamais ceux qui sont différents de nous?
Une communauté est au contraire un lieu d’unité malgré les différences; les personnes y sont unies dans l’amour, et ouvertes aux autres. La communauté est alors comme une fontaine ou comme une lumière resplendissante, où un chemin de vie est expérimenté et révélé, en étant ouvert aux autres et intéressé par eux. C’est un lieu de paix qui révèle le chemin vers la paix et l’unité de la famille humaine.
La communauté est un lieu d’appartenance où chaque personne peut grandir pour devenir pleinement elle-même. Il s’agit d’appartenir pour devenir.
Nous nous appartenons les uns aux autres, et alors chaque membre peut devenir plus humain, plus aimant, plus libre, plus ouvert aux autres et particulièrement à ceux qui sont différents. Quand chaque membre peut développer son don unique et aider les autres à développer le leur, les membres ne sont plus en compétition, mais en collaboration, en coopération et en soutien mutuel.
Devenir, ce n’est pas prouver que je suis meilleur que toi, mais plutôt nous entraider en ouvrant nos cœurs. Ainsi la communauté est le lieu de la transformation. La communauté est le lieu de l’appartenance où chacun doit être transformé et devenir pleinement humain.
Quelles alternatives avons-nous, concernant notre croissance humaine? Une appartenance qui est trop rigide étouffe le développement personnel; par contre, trop de développement personnel ou un devenir sans appartenance peut se transformer en lutte pour atteindre les sommets, ou encore conduire à la solitude et à l’angoisse. Gagner, c’est toujours être seul; et bien sûr, personne ne gagne très longtemps.
La communauté n’est donc pas un groupe fermé, mais un chemin de vie qui aide chaque personne à grandir vers sa plénitude humaine. Les piliers de la communauté sont la mission et l’amour mutuel. Nous nous rassemblons pour vivre cette mission, et aussi pour être un signe d’amour; ou plutôt pour grandir dans l’amour les uns des autres. C’est la mission qui nous réunit et en étant ensemble, nous apprenons à nous aimer.
À L’Arche et à Foi et Lumière, notre mission est de promouvoir des communautés où les personnes les plus fragiles sont au cœur de la communauté, et où elles peuvent grandir dans leur humanité et leur capacité d’aimer.
La communauté est alors un lieu où nous apprenons comment nous aimer les uns les autres. Grandir dans l’amour est un long et difficile chemin; cela prend du temps. L’Arche et Foi et Lumière ne sont pas juste des lieux où nous faisons du bien aux personnes ayant une déficience intellectuelle. Ce sont des lieux de relation où nous grandissons ensemble dans l’amour.
Mais qu’est-ce l’amour? Ce mot a souvent été réduit à des expériences émotionnelles ou des actes de bravoure de soldats qui se battaient pour l’amour de leur pays. Pour moi, aimer c’est reconnaitre que l’autre est une personne, qu’il est précieux, important et qu’il a de la valeur. Chaque personne a un don à apporter aux autres. Chaque personne a sa mission à l’intérieur de la grande famille humaine. Chaque personne révèle le visage secret de Dieu.
Nous avons besoin les uns des autres pour grandir dans cet amour sacré, qui implique l’amour de ceux qui sont différents, ceux qui me font sortir de mes gonds et me conduisent en dehors de mes murs de protection, à cause de la différence de leurs idées, de leur tempérament, de leur culture ou de leur approche. La communauté est un lieu où nous nous frottons les uns aux autres justement là où sont nos points sensibles.
De cette façon, avec un peu de chance, nous nous frotterons à certains traits, fastidieux ou aigris, de nos caractères, pour que nous devenions vraiment nous-mêmes. Aimer, c’est alors voir en l’autre le cœur de sa personne caché derrière tout ce qui nous gêne. C’est pourquoi aimer, selon les mots de Saint Paul, c’est être patient, ce qui signifie attendre et persévérer. C’est avoir confiance et croire que sous tout le désordre apparent de cette personne, il y a le secret de son être, il y a son cœur.
À L’Arche, certaines personnes que nous avons accueillies vivent de profondes angoisses, et même des violences. C’est parfois difficile de vivre en communauté avec elles. Nous devons être patients et croire que leur moi véritable émergera peu à peu. Nous devons aussi être patients envers nous-mêmes, et croire que si nous essayons d’aimer et d’être ouverts à une spiritualité d’amour, notre moi véritable émergera aussi peu à peu. Si nous aimons, si nous aimons vraiment les autres personnes, si nous croyons en elles, alors elles sont transformées, et nous sommes aussi transformés.
La communauté est alors un lieu de guérison, de transformation et d’humanisation des personnes. C’est un lieu où notre mission est de grandir dans l’amour et dans le pardon, et c’est un véritable travail… Si vous ne voulez pas être transformé ni grandir dans l’amour, alors ne faites pas partie d’une communauté. Quand nous trouvons la force d’accepter les personnes telles qu’elles sont, et de les rencontrer alors dans leur être le plus profond, elles nous ouvrent à l’amour.
Ces paroles de Jean Vanier sont extrêmement profondes et d'une grande importance, dans le contexte non seulement du débat d'aujourd’hui, mais de tous les débats qui se déroulent à la Chambre, parce qu’elles illustrent une façon de vivre ensemble. Nous devons trouver la combinaison nécessaire pour créer un sentiment d’appartenance au sein de communautés ouvertes auxquelles les gens peuvent s’intégrer librement et s’épanouir.
Quand nous rencontrons des gens qui viennent de milieux différents, qui souffrent de handicaps ou qui sont défavorisés pour une raison ou pour une autre, nous ne devons pas penser qu’ils ont besoin de la charité des autres mais plutôt qu’ils doivent être intégrés pleinement dans la communauté, afin que tous ensemble nous puissions nous épanouir et acquérir un sentiment d’appartenance.
C’est quelque chose que j’ai observé dans mes relations avec des membres de ma famille. J’ai une jolie cousine qui est atteinte du syndrome de Down. Elle était l'une des petites bouquetières à mon mariage. Je me souviendrai toujours de l’histoire que mon oncle racontait, qui montrait combien il avait appris en la côtoyant et nous permettait d'apprendre à notre tour. Un jour, il se trouvait à l’hôpital avec ses enfants, et il y avait une femme qui pleurait dans le couloir. Mon oncle a dit à ses enfants que, quelles que soient les raisons pour lesquelles elle pleurait, cela ne les regardait pas, ajoutant qu'il ne fallait pas la dévisager. Au moment où il donnait ses instructions, il était déjà trop tard, car sa fille Anastasia avait déjà entouré de ses bras la femme qui pleurait, pour la consoler.
Voilà un exemple qui montre comment réagit quelqu’un qui n’a pas nécessairement les mêmes inhibitions sociales qui nous empêchent de nous immiscer dans la vie des autres, et qui, au contraire, fait preuve d’ouverture et d’empathie pour manifester immédiatement son amour à l’égard d’une personne qui lui est complètement étrangère. C’est sa capacité à exprimer son amour et son instinct de communauté qui, avec cette anecdote, a ouvert les yeux de mon oncle et les miens et qui nous a montré que nous avions beaucoup à apprendre en renforçant nos liens avec des gens qui n’ont pas le même niveau de développement mental ni le même genre d’expérience mais qui ont beaucoup à offrir.
C’est là la philosophie de Jean Vanier, et ce sont là les objectifs du projet de loi.
Il ne faut pas oublier qu’en mettant en place un dispositif qui permettra d’avoir un pays exempt d’obstacles...
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Monsieur le Président, avec tout le respect que je dois à ma collègue d’en face, elle aurait dû écouter plus attentivement, car toutes mes remarques portaient précisément sur la question dont nous sommes saisis, et c’est la raison pour laquelle je les ai faites. Ce sont des remarques qu’il était important de faire.
Une voix: Oh, oh!
M. Garnett Genuis: Si le secrétaire parlementaire de la leader du gouvernement à la Chambre veut chahuter, c’est son droit, mais nous poursuivons une discussion importante.
Je suis reconnaissant de pouvoir exposer les arguments que je vais présenter. Je crois savoir que le gouvernement a l’intention de présenter une motion dès aujourd’hui au sujet des heures prolongées. Très franchement, il n’y a aucune raison pour que le projet de loi dont nous sommes saisis n’aboutisse pas. Je présente des arguments que je juge importants, ainsi que des anecdotes au sujet de membres de ma propre famille. Si des députés veulent prendre cela à la légère, répandre des calomnies ou imaginer toutes sortes de choses, c’est leur prérogative, mais ce n’est vraiment pas dans l’esprit de la discussion que nous avons aujourd’hui. Je voulais partager certaines choses, et je suis heureux que le Règlement me permette de le faire.
La secrétaire parlementaire me demande une précision. Je n'ai pas de durée précise en tête et je la lui indiquerais si je pouvais. Je veux aborder ces questions. Évidemment, les interventions comme celle dont nous venons d'être témoins me compliquent la tâche, mais je vais reprendre là où j'ai été interrompu dans mon argumentaire. Lorsque j'aurai terminé de faire des observations, d'autres auront l'occasion de prendre la parole et je suis certain que le projet de loi pourra être adopté en temps opportun.
En outre, il y a les questions concernant le standard que les gens auraient voulu que le projet de loi atteigne et le rejet par le gouvernement des amendements proposés dont j'ai déjà parlé. Malgré tout, j'espère que d'autres mesures pourront être mises en œuvre après ceci.
Je reviens à l'exemple que je donnais au moment où j'ai été interrompu. Je parlais de ma cousine atteinte du syndrome de Down et de ce que j'ai pu apprendre d'elle. Le principal élément qu'il faut retenir de la vie et de l'héritage de Jean Vanier, c'est qu'il ne faut pas voir les relations entre les personnes handicapées et les personnes qui ne sont pas handicapées comme étant des relations de charité, mais comme des relations entre des personnes qui ont vécu des expériences différentes et qui cohabitent dans l'amour et l'amitié au sein d'une même collectivité où ils peuvent apprendre les unes des autres.
En citant l’exemple de ma belle cousine atteinte du syndrome de Down, je tiens à souligner que, très souvent, les futurs parents sont très surpris lorsqu’ils reçoivent un diagnostic confirmant que leur enfant a une maladie génétique. Il est possible qu’ils éprouvent des craintes et qu'ils ignorent quelle incidence cela aura sur leur famille. Nous savons également qu’un grand nombre de femmes mettent fin à leur grossesse lorsqu’elles apprennent que leur enfant est atteint de cette maladie. J’aimerais que toutes les familles qui ne savent pas comment composer avec une telle situation aient l’occasion de parler à mon oncle et à ma tante, ou avec quelqu’un comme ma cousine pour voir l’amour, la joie et les enseignements que ces personnes offrent à la communauté. Il peut être surprenant de constater à quel point les craintes n’étaient pas justifiées. Parfois, l’inattendu donne lieu à de nombreuses occasions où l’amour, la joie et l’apprentissage sont à l’honneur.
À titre de députés, quelles sont les principales leçons que nous devrions tirer des arguments que j’ai soulevés et de l’œuvre de Jean Vanier?
Tout d’abord, nous devons transcender la notion formelle et légaliste de l’inclusion. La norme juridique relative à l’inclusion est, disons, la norme minimale. Notre but devrait plutôt être de bâtir une collectivité enrichissante qui réunit toutes les personnes dans le but de reconnaître les contributions de chacun dans la façon dont nous nous traitons les uns les autres. Nous devrions mettre l’accent sur la poursuite d’un réel bonheur, c’est-à-dire d’une saine cohabitation, et non seulement sur la poursuite du bien-être matériel.
Au début de mon intervention, j’ai demandé à qui s’adresse ce projet de loi et qui bénéficiera de ces efforts. La réponse est que nous en tirerons tous bénéfice. Les personnes handicapées bénéficient d’une société dépourvue d’obstacles à leur participation. Cependant, que l’on ait un handicap ou non, nous profitons tous de notre appartenance à une société où nous pouvons cohabiter et reconnaître les contributions et les expériences des personnes handicapées, tout en recherchant ensemble le bonheur, l'esprit de communauté, l’amour et la solidarité.
L’un des outils qui nous permettront de mieux faire les choses est la mesure du bonheur — c’est un sujet dont j’ai parlé plus tôt et que j’ai abordé dans mon mémoire de maîtrise. À mon avis, la création d’une société où nous pouvons tous atteindre le bonheur passe également par la mesure du bonheur. Il y a des questions et des controverses quant à la meilleure façon de procéder sur le plan statistique, mais les efforts déployés pour réellement mesurer le bonheur sont importants et font partie du tableau. Nous devrions intégrer ces notions dans nos instruments statistiques à l’avenir.
Après avoir fait cette observation et précisé à qui s’adresse ce projet de loi, je vais maintenant parler de certains amendements que nous avons proposés et que le comité de la Chambre n’a pas retenus. À mesure que progresse l’étude de ce projet de loi, il est important de signaler le travail accompli et les points positifs, tout en reconnaissant que nous avons raté de bonnes occasions. Nous aurions pu faire mieux à certains égards. En fait, les autres partis ont proposé des amendements qui ont malheureusement été rejetés par les députés ministériels qui siégeaient au comité.
Tout d’abord, la Chambre a été saisie d’amendements concernant les dates et les échéanciers. Le Sénat est maintenant en train d’incorporer ces propositions, mais elles ont été présentées en tant qu’amendements aux articles 5, 11, 18, 23, 111 et 148. Ces amendements auraient prévu des échéanciers, et nous avons insisté sur le fait que ces échéanciers étaient essentiels.
Nous avons également avancé que le projet de loi devait obliger le ministre responsable à être proactif. Nous avons soutenu que le projet de loi devait l’obliger à prendre des mesures pour favoriser l’édification progressive d'un Canada exempt d’obstacles et qu’il fallait donc supprimer le côté facultatif du libellé. Dans sa forme actuelle, ce projet de loi n’oblige pas le ministre à être proactif. Le mot « peut » y est abondamment employé. Par exemple, un règlement peut être pris ou des propositions peuvent être faites. Cette forme est également utilisée pour les exceptions.
Même si le cadre législatif permet au ministre de prendre certaines mesures pour édifier un Canada exempt d’obstacles, il s’agit d’un cadre très souple qui lui permet de décider de faire ou de ne pas faire certaines choses. La ministre actuelle a fait un commentaire très intéressant aujourd’hui durant la période des questions et observations, en réponse à une question de mon collègue de au sujet des exceptions. La ministre a dit que, sous sa gouverne, les exceptions allaient être utilisées de manière très prudente.
Le problème réside justement dans l’exercice de ces pouvoirs. Je ne mets pas en doute la sincérité de la ministre au sujet du projet de loi, mais le travail de l’opposition est de poser des questions pour savoir si le cadre repose uniquement sur la bonne volonté et la parole d’une seule personne, ou s’il met en place les structures qui offriront une certitude et, en fait, la protection que nous souhaitons voir en place. La ministre affirme que, sous sa gouverne, les fonctionnaires utiliseront ces exceptions avec une grande prudence et qu’ils mettront en place les mesures énoncées dans la loi. Nous ne savons évidemment pas combien de temps la ministre aura la responsabilité d’un portefeuille dans l’actuel gouvernement. Je pense que tous les partis souhaitent que ce projet de loi ait un effet durable.
Nous avons tenté de régler ce problème en proposant des amendements, mais en vain, hélas. Nos amendements portaient sur le libellé permissif des articles 15, 16, 75, 93, 94 et 146.1. Il faut absolument l’améliorer. Nous avons essayé d’accomplir certaines choses, mais malheureusement, nous n’y sommes pas parvenus.
Nous avons proposé des amendements au paragraphe 17(2) et à l’article 21 pour assurer l’indépendance de l’Organisation canadienne d’élaboration des normes d’accessibilité, l’OCENA, du commissaire à l’accessibilité et d’autres postes clés. Nous nous inquiétons profondément du fait que le gouvernement ne respecte pas toujours l’indépendance là où elle devrait régner. Lors de l’étude en comité, nous avons soulevé des préoccupations en constatant que ce projet de loi ne laissait pas assez d’indépendance à ces instances. Il nous semble que, sans cette indépendance, les fonctions de reddition de comptes — que nous attendons — risquent d’être négligées. Le gouvernement n’a pas non plus adopté ces amendements et, par conséquent, ces changements n’ont pas été faits.
Nous avons proposé d’amender l’article 18 pour que le projet de loi autorise seulement l’OCENA à élaborer des normes d’accessibilité. Le cadre que propose le projet de loi suggère que l’on traite avec un certain nombre de secteurs et d’aspects gouvernementaux. Nous reconnaissons bien sûr l’importance d’inclure tous ces éléments et d’établir une structure réglementaire qui les régisse adéquatement dans tous les cas.
Dans cet amendement, nous proposions que le gouvernement demande à l’OCENA d’établir une norme centrale, puisqu’il semblerait que cet organisme ait été créé à cette fin. Dans sa forme actuelle, le projet de loi crée un régime plus complexe que nécessaire en chargeant d’autres organismes que l’OCENA de créer certaines normes. Nous avons également soulevé cette préoccupation. Dans le cadre du suivi de la mise en œuvre de la loi, les gens voudront examiner cette norme pour vérifier l’efficacité de ces dispositions.
Nous avons aussi proposé un amendement, ajoutant l’article 33.1 pour assurer la reddition de comptes sur les renseignements transmis au public pendant que l’OCENA élabore une norme d’accessibilité. Je le répète, il faut que la reddition de comptes fasse partie intégrante du travail. Nous ne sommes pas très favorables à l'existence de dispositions de la loi sur lesquelles le gouvernement nous dit de lui « faire confiance ». Dans le cas des enjeux importants, il ne suffit pas de simplement faire confiance ». Nous voulons un cadre qui exige que le gouvernement agisse, qu’il rende des comptes et qu’il fournisse un cadre raisonné et efficace qui garantisse la reddition de comptes.
Nous avons ensuite proposé des amendements visant à renforcer les plans d’accessibilité. Ils ont malheureusement été rejetés. Ils concernaient les articles 42, 47, 51, 56, 60, 65 et 69. Puis nous avons suggéré des amendements précis demandant de supprimer des exemptions.
Pensons un peu aux mesures que le gouvernement a déjà prises et aux préoccupations qui pourraient survenir lorsque des entreprises bien branchées feront du lobbying pour se libérer de leurs obligations. Nous savons bien que cela va se produire. Notre cadre législatif peut bien obliger les entreprises sous réglementation fédérale à se conformer à certaines normes, mais il est toujours possible de faire des exceptions. Certaines entreprises vont calculer qu’il est en fait plus facile et peut-être moins coûteux de faire du lobbying auprès de politiciens et de ministres pour obtenir une exception. Elles aimeront mieux agir ainsi que d’investir dans les changements à apporter à leurs locaux pour les rendre plus accessibles. Malheureusement, il est très probable que certaines personnes feront ce calcul et qu’elles utiliseront les outils et les ressources qui se trouvent à leur disposition.
Nous avons vu ces derniers mois que, lorsqu’il y a des pressions, lorsque les lobbyistes bien branchés se mettent de la partie, le gouvernement, au lieu de s’en tenir à l’intention de la loi, peut fort bien accorder une exception. Disons que des emplois sont en jeu et que des entreprises, si elles sont tenues de se conformer à une telle norme, ne pourront pas continuer de fonctionner et devront déménager leur siège social, quels que soient les arguments invoqués dans ces cas-là.
C’est pourquoi ceux qui nous suivent aujourd’hui et qui s’inquiètent de l’efficacité et des répercussions de ce projet de loi devraient s’inquiéter du pouvoir qu’il donne d’accorder des exceptions.
Nous avons un libellé permissif et un gouvernement qui refuse d’aller de l’avant avec des amendements qui visent à supprimer des exceptions, des amendements qui ont reçu l’appui des conservateurs. Bien que le projet de loi réponde à de hautes aspirations et que je ne doute pas de la sincérité de certaines personnes du côté ministériel, il crée des circonstances où le gouvernement n’est pas forcé d’agir et où il a tout loisir de dire à une entreprise qu’elle n’a pas à respecter ses obligations. Dans un domaine de réglementation où le gouvernement avait le pouvoir de intervenir, il sera désormais inopérant.
C’est précisément notre travail à nous, les députés, de veiller à ce que les mesures législatives que nous présentons engagent le gouvernement. Malheureusement, ce que j’ai vu si souvent depuis trois ans et demi, ce sont des projets de loi qui laissent beaucoup de place à la discrétion du ministre.
Il y a de la place pour la discrétion ministérielle quand vient le temps de fignoler les détails de la réglementation dans les usines. Par contre, lorsqu’il y a tellement de latitude que le ministre peut décider d’une exception, c’est tout à fait différent. Cela va au-delà de l’idée qu’on se fait normalement de l’exercice d’un certain degré de pouvoir discrétionnaire. Cela va beaucoup plus loin que la norme, et c’est pourquoi nous avons proposé ces changements. Nous nous inquiétons des intentions réelles du gouvernement et des mesures concrètes qu’il prendra.
Je ne veux pas dénigrer qui que ce soit, mais quelqu’un a pris la décision quelque part, que ce soit au Cabinet du ou au Conseil des ministres, de laisser ouverte la possibilité que quelqu’un puisse s’en tirer dans un cas particulier.
Nous avons proposé un amendement aussi en vue de confier uniquement au commissaire à l’accessibilité le soin d’assurer la conformité aux normes d’accessibilité et de régler les plaintes. C'était là un autre amendement qui visait à donner plus d’efficacité au projet de loi.
Le projet de loi ne désigne pas d’organisme central chargé de surveiller le respect des exigences en matière d’accessibilité. L’application de la loi telle qu’elle est envisagée dans le cadre actuel est assurée par plusieurs agents, soit le commissaire à l’accessibilité, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, l’Office des transports du Canada et la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral. Encore une fois, tout comme lors de l’établissement d’une norme, en raison d’une mosaïque complexe d’organisations différentes, cela créera beaucoup plus de confusion et d’obstacles que nécessaire pour ceux qui souhaitent avoir accès au processus.
Si quelqu’un souhaite consulter des normes pour tenir un organisme ou une entité responsable ou encore déposer une plainte, la mesure législative ne prévoit pas ce genre de guichet unique qui permettrait d'obtenir des précisions au sujet des normes et de l’application de la loi. Encore une fois, on a raté une belle occasion. Les membres du Comité et la Chambre avaient essayé de proposer des amendements pour s’attaquer à ce problème et le corriger, mais malheureusement, nous n’avons pas vu de mesures concrètes à cet égard.
Nous estimions, et nous le pensons toujours, que de multiples organismes qui examinent les plaintes en matière d’accessibilité sous différents angles risquent de créer une mosaïque administrative qui entraînera une application inéquitable de la loi, et nous devrions nous en inquiéter.
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Monsieur le Président, je suis très surpris de la réaction et du chahut de certains députés ministériels. Nous savons qu’ils n’aiment pas écouter les points de vue de l’opposition. Ils ont multiplié les efforts pour mettre fin au débat sur diverses questions. Oui, je critique leur incapacité à répondre adéquatement aux propositions présentées par les députés conservateurs et acceptées par les députés des autres partis pour renforcer le projet de loi.
Les députés ministériels ne veulent pas entendre ce point de vue. Ils veulent que nous soyons tous d’accord sur tous les détails. J’ai dit très clairement au début que nous étions d’accord sur le principe et que l’adoption de ce projet de loi serait une amélioration par rapport au statu quo. Toutefois, une partie du dialogue parlementaire vise à déterminer les aspects de la mesure législative qui doivent être améliorés.
Les députés d’en face ne veulent peut-être pas entendre ces critiques. Ils ne veulent peut-être pas entendre parler du fait que ce projet de loi prévoit une exception possible, selon laquelle une entreprise comme SNC-Lavalin pourrait faire du lobbying auprès du gouvernement pour obtenir une dérogation. Nous devons toutefois parler de ces possibilités. Nous devons parler de la façon de renforcer cette mesure législative et des occasions manquées.
Les députés peuvent être certains que ce projet de loi sera adopté au cours de la session. Le aurait cependant intérêt à entendre ces critiques au lieu de chahuter. Quoi qu’il en soit, c’est un point important de notre argumentaire. Il est important de faire remarquer que ce projet de loi « n’oblige » pas la ministre à prendre certaines mesures, mais ne fait que « l’inviter » à le faire, et qu’il prévoit des exceptions. Nous devons en discuter.
Il convient également de discuter de la complexité administrative dont je parlais avant le rappel au Règlement, du rejet d’un amendement qui aurait désigné l'Organisation canadienne d’élaboration des normes d’accessibilité en tant que seule entité habilitée à élaborer des normes d’accessibilité ainsi que du rejet d’un autre amendement, qui aurait désigné le commissaire à l’accessibilité comme étant la seule entité à s’occuper de la conformité aux normes et du traitement des plaintes. Le rejet de ces amendements rendra les choses relativement plus complexes pour les gens qui auront recours à ces dispositions législatives.
Une partie de notre travail, en tant que députés de l’opposition, consiste à nous faire l'écho de ce que nous apprennent les intervenants et à dire que, oui, le gouvernement doit mieux faire son travail. Il peut faire mieux. Il aurait dû faire mieux. Nous appuyons ce projet de loi, mais nous demandons davantage pour les Canadiens handicapés afin de concrétiser pleinement la vision d’une société où chacun a sa place, une société où l'on ne s'en tient pas au strict minimum et où l'on fait tout ce qu’il est possible de faire ensemble.
Nous avons également proposé des amendements pour que le mécanisme d’examen et de règlement des plaintes par le commissaire à l’accessibilité soit équitable. Nous avons notamment proposé des amendements aux articles 117 et 142 afin d’empêcher que des organisations soient exemptées de l'obligation de produire et de publier des plans d’accessibilité, des processus de rétroaction et des rapports d’étape. Nous avons proposé d’inclure des dispositions plus rigoureuses visant l’examen de la Loi canadienne sur l’accessibilité et le suivi de la mise en œuvre de la Convention des Nations unies relatives aux droits des personnes handicapées. Un autre amendement, concernant la langue des signes, a été adopté et figure dans la version du Sénat. Il est important de signaler que nous sommes ravis qu’il ait été adopté au moyen d’un amendement au Sénat, mais il avait également été proposé à la Chambre.
L’une des réserves que nous avons exprimées au sujet de l’entrée en vigueur de ce projet de loi vise le fait que le maintien de l’article 207 entraînerait, aux termes de la Loi sur l’abrogation des lois, l’abrogation automatique de la loi dans les 10 ans suivant la sanction royale. Ce n’est peut-être qu’un détail technique, mais il pourrait avoir de graves conséquences, que nous avons cherché à éviter.
Parmi les 60 amendements proposés au comité, le gouvernement n'en a adopté que trois qui ne faisaient pas partie des changements substantiels que nous espérions. Le gouvernement a appuyé deux amendements visant à rendre le processus de révision équitable et accessible, ce qui est une amélioration, et un autre amendement pour remplacer le mot « Canadiens » par « personnes au Canada » dans le préambule. Il s'agissait essentiellement de modifier, pour la forme, le libellé du préambule. C'est un changement important, mais on n'a pas répondu à toutes les préoccupations importantes que nous avions soulevées à l'égard du projet de loi.
L'étude du comité sénatorial a permis de soulever des questions importantes. En ce qui concerne la structure de ce projet de loi, j'aimerais lire le compte rendu des témoignages entendus au comité sénatorial permanent qui a étudié ce projet de loi, plus particulièrement le témoignage de David Lepofsky, président de l'Alliance de la Loi sur l'accessibilité pour les personnes handicapées de l'Ontario. Il est très engagé dans ce genre de dossiers. Il a travaillé avec ardeur pour que les préoccupations de la collectivité soient prises en considération. J'aimerais citer ce qu'il a dit au sujet de ce projet de loi:
Le projet de loi C-81 est riche en bonnes intentions, mais il est manifestement faible sur le plan de la mise en œuvre. On l’appelle la Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles, mais il n’exige pas l’élimination d’un seul obstacle où que ce soit au Canada.
Je vais répéter ce qu'il a dit, car ses observations font écho aux critiques que d'autres personnes, moi y compris, ont formulées. Il a dit ceci:
On l’appelle la Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles, mais il n’exige pas l’élimination d’un seul obstacle où que ce soit au Canada. Les personnes handicapées méritent mieux que cela.
Le projet de loi C-81 repose fondamentalement sur l’idée louable selon laquelle le gouvernement fédéral adoptera des règlements exécutoires qu’on appelle des normes d’accessibilité qui indiqueront aux organismes sous réglementation fédérale ce qu’ils doivent faire. Or, il n’exige pas l’adoption de normes fédérales d’accessibilité en tant que règlements exécutoires. Les personnes handicapées méritent mieux.
Je vais être clair: les règlements dont le projet de loi exige l’adoption dans les deux ans concernent des questions de procédure et non des normes d’accessibilité comme telles. Le gouvernement fédéral pourrait respecter cette échéance simplement en prescrivant les formulaires que les personnes handicapées doivent utiliser si elles veulent exprimer leur avis à Air Canada ou à Bell Canada. Les personnes handicapées méritent mieux.
Le projet de loi répartit son application et l’établissement de règlements exécutoires entre différents organismes fédéraux. La ministre a admis que si elle devait recommencer à zéro, elle ne ferait pas nécessairement les choses de la même façon. Or les explications qu’elle a données donnent la prépondérance à la bureaucratie fédérale par rapport à l’égalité pour les personnes handicapées.
La question qui se pose est celle de savoir ce que nous devons faire à cet égard. Il ne s’agit pas de savoir si le projet de loi sera adopté par les sénateurs. Puisque vous allez l’adopter, mettons cette question de côté. C’est là le point de départ.
C'était également le point de départ de mes observations. J'ai dit que les conservateurs appuient ce projet de loi, mais que ce dernier présente certains problèmes. Il y a des problèmes qui ont été soulevés par les gens du milieu. Les problèmes concernent aussi notre façon d'aborder la question de même que certains aspects de la substance du projet de loi. Le milieu appuie clairement l'adoption du projet de loi, tout comme nous, mais ce dernier présente d'importantes lacunes.
Je reviens au témoignage:
La question qui se pose, c'est de savoir si votre comité y apportera des amendements avant de l'adopter. À notre avis, vous devez le faire. Le fait est qu'il faudrait apporter beaucoup d'amendements au projet de loi, non pas pour le rendre parfait — c'est un leurre —, mais pour renforcer son contenu afin qu'il corresponde davantage à ce dont les personnes handicapées ont besoin et à ce qu'elles méritent.
Du côté de la Chambre des communes [environ deux cents pages d'amendements ont été proposées]. Grâce aux efforts soutenus qui ont été déployés la fin de semaine dernière, nous avons résumé cela à une série d'amendements que nous proposons — et vous avez reçu des courriels de témoins qui les appuient —, qui sont contenus dans trois pages et demie et couvrent quelques thèmes centraux.
Je ne vais parler que de deux ou trois d'entre eux, mais je tiens à dire clairement qu'il reste assez de temps pour faire cela. Votre comité votera le 2 mai. Je crois comprendre que l'étape de la troisième lecture commencera le 16 mai. Nous demandons aux partis fédéraux qu'une fois les amendements adoptés — s'ils le sont —, la Chambre les examine rapidement, de sorte que la question de l'adoption rapide du projet de loi, qu'il soit modifié ou non, ne vous empêche pas de faire ce que nous avons besoin que vous fassiez.
Encore une fois, cette mesure législative sera adoptée, mais il y a des problèmes à régler.
Il poursuit ainsi:
Que devriez-vous faire, alors?
Eh bien, permettez-moi de parler de deux ou trois des amendements, mais vous pourrez me poser des questions sur tous ceux que nous avons proposés. Passons aux grands titres. Hier, le gouvernement de l’Ontario a annoncé un plan qui représente des milliards de dollars pour la construction de nouvelles lignes de métro à Toronto, mais qui sera mis en œuvre seulement si d’autres administrations, incluant le gouvernement fédéral, paient le reste de la facture. Ce n’est pas inhabituel. Or, avant que notre argent soit dépensé pour un tel projet, il faut que le gouvernement fédéral soit tenu de dire que certaines exigences fédérales en matière d’accessibilité doivent être respectées.
La ministre a comparu devant votre comité il y a une semaine et elle a dit que le gouvernement ne pouvait pas le faire, qu’il n’avait pas le pouvoir constitutionnel de le faire. Sauf le respect que je lui dois, je dirais que la ministre a tort. On parle ici du pouvoir fédéral de dépenser. Avez-vous entendu parler de la Loi canadienne sur la santé? Elle stipule que si les provinces obtiennent des fonds fédéraux pour des programmes de santé provinciaux, les exigences fédérales en matière d’accessibilité doivent être respectées. Il ne s’agit pas de l’accessibilité pour les personnes handicapées, mais de l’accessibilité financière.
Si ce que la ministre vous a dit est vrai, alors la Loi canadienne sur la santé est inconstitutionnelle depuis plus de trois décennies, depuis qu’elle a été promulguée. J’aurais du mal à croire que c’est la position du gouvernement fédéral actuel. S’il peut le faire là, il peut au moins imposer des conditions lorsqu’il accepte de donner de l’argent pour des projets locaux et non seulement des constructions fédérales.Vous me direz peut-être « voyons donc, en 2019, nous n’utiliserions pas des fonds publics pour construire une ligne de transport en commun qui présente des obstacles à l’accessibilité ». Sénateurs, je vous invite à chercher sur YouTube une vidéo de notre alliance portant sur les transports en commun. Elle a été diffusée durant les élections provinciales du printemps dernier. Elle a été regardée des milliers de fois et a été couverte par les médias. Nous y montrons de graves problèmes d’accessibilité dans des stations du métro de Toronto qui ont été ouvertes au cours de la dernière année et demie.
L’idée n’est pas d’avoir un projet de loi parfait, tout le monde. On parle ici d’égalité fondamentale, de sorte que nous demandons qu’un amendement soit apporté au projet de loi qui, au moins, obligerait les ministres fédéraux ou leur ministère — s’ils acceptent de donner de l’argent à une province, à une municipalité, à un collège ou à une université pour un projet — à imposer une condition exécutoire, comme dans la Loi canadienne sur la santé, selon laquelle des exigences en matière d’accessibilité doivent être respectées. Pourquoi le gouvernement fédéral devrait-il permettre que les fonds publics fédéraux soient utilisés dans le but de créer ou de perpétuer des obstacles?
Soit dit en passant, je signale que la question dont il a parlé ici, celle de l'infrastructure de financement fédéral qui ne répond peut-être pas à une certaine norme d'accessibilité, est une question que le Sénat a soulignée pour notre gouverne, mais qui n'est pas reflétée dans les dispositions amendées de cette mesure législative. Il s'agit d'une question qui exige, à mon avis, davantage de discussions et d'études de la part du gouvernement sur la façon dont nous devrions faire en sorte que les normes d'accessibilité auxquelles nous nous attendons sont respectées, surtout pour ce qui est des nouvelles constructions et infrastructures, afin que nous puissions prendre les mesures de base nécessaires pour que les gens y aient accès. C'est quelque chose qui devrait être assez évident. Cependant, si nous ne mettons pas en place des processus et des mécanismes pour faire en sorte que l'évident se produise, il se peut que cela ne se produise pas.
Selon M. Lepofsky, en fait, on a prétendu qu'il serait inconstitutionnel de mettre en place ces conditions. C'est intéressant, parce qu'on voit un gouvernement fédéral qui, dans beaucoup de dossiers différents, est très souvent autoritaire quand vient le temps d'imposer des choses aux provinces. Il essaie même d'utiliser les dépenses fédérales pour les obliger à mettre en oeuvre des politiques particulières dans des champs de compétence des provinces. Il est intéressant de voir comment cette séparation est invoquée de façon sélective dans certains cas, mais pas dans d'autres, ce qui semble être une excuse pour ne rien faire dans le cas qui nous occupe.
Je poursuis la lecture du témoignage:
Permettez-moi de vous proposer un autre principal amendement. Ma collègue de l’Institut national canadien pour les aveugles a dit que la semaine dernière, la ministre avait accepté de modifier le projet de loi pour s’assurer qu’il ne réduit pas de quelque manière que ce soit la portée du Code des droits de la personne et l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. J’espère qu’elle le fera, mais je ne l’ai pas entendu le dire. Je crois qu’elle a dit qu’en tant qu’ancienne avocate des droits de la personne, elle a veillé à ce que le projet de loi ne fasse pas obstacle à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Or, cela risque d’arriver.
L’article 172 du projet de loi perpétue une disposition contenue dans la Loi sur les transports au Canada qui laisserait l’Office des transports du Canada adopter un règlement, et une fois que c’est fait, établir des normes pour le transport accessible, peu importe si elles sont peu exigeantes, et quelles que soient ses lacunes au chapitre des droits de la personne. Les voyageurs ayant un handicap, comme moi, d’autres membres de ma coalition et d’autres personnes au Canada, n’ont pas le droit, ne peuvent pas demander quoi que ce soit d’autre pour ce qui est des garanties contre les obstacles abusifs au titre de la loi.
Concernant cette disposition dans la loi, nous sommes d’avis qu’il ne faudrait jamais que des normes soient adoptées par l’Office, car il risque de nous enlever nos droits. Un simple amendement supprimerait cette disposition.
Je signale que, dans ce cas-ci, le témoignage s'est traduit par un amendement. Bien sûr, nous sommes ravis de constater que l'amendement a été apporté à cette disposition. Le problème soulevé lors du témoignage a été réglé, et c'est pourquoi nous sommes heureux de constater cette modification dans les amendements du Sénat. La version initiale du projet de loi, qui, selon ce que le gouvernement semblait laisser entendre au comité, ne présentait aucun problème, prévoyait permettre à l'Office des transports du Canada d'adopter des règlements qui ne respectaient pas les normes en matière de droits de la personne et qui auraient eu le potentiel de réduire les exigences des normes actuellement en place pour la protection des droits des Canadiens handicapés. Ce cas montre l'importance du processus d'amendement par le Sénat et les avantages du fait que, dans ce cas-ci, le gouvernement, même s'il ne s'est pas montré aussi ouvert face aux amendements de la Chambre, a fait volte-face en réponse aux propositions du Sénat.
Dans son témoignage, M. Lepofsky a déclaré ceci:
Permettez-moi de conclure en vous invitant à poser des questions sur les autres questions que nous avons soulevées. Nous ne faisons pas que dire ce qui ne fonctionne pas. Nous faisons des propositions constructives sur ce qui est juste, et les amendements que nous avons présentés sont pensés en fonction d’un Sénat qui dispose d’un temps limité pour agir; d’un engagement à respecter les décisions politiques prises par la Chambre des communes; et d’une volonté de veiller à ce que ces amendements puissent être examinés par la Chambre rapidement et facilement, avec une chance réaliste qu’ils soient pris au sérieux. Ils sont conçus en fonction de nos besoins et de ce que la ministre vous a dit la semaine dernière. Nous vous demandons donc de les prendre tous au sérieux. Ils sont tous substantiels, et ils ont tous trait aux besoins de toutes les personnes handicapées.
En terminant, je veux dire que je parle au nom de ma coalition, mais je suis venu témoigner au Parlement pour la première fois il y a 39 ans, quand j’étais beaucoup plus jeune — lorsqu’elle a vu la vidéo, ma femme a dit que j’avais des cheveux à l’époque —, devant le comité permanent qui examinait la Charte de droits. À l’époque, la Charte proposait de garantir l’égalité, mais pas aux personnes handicapées. Un certain nombre de gens et moi-même avons défendu notre point de vue, et nous sommes parvenus à faire modifier la Charte pour que ce droit y soit inclus.
Je termine en soumettant deux réflexions. Les amendements que nous proposons visent à faire en sorte que ce droit devienne une réalité, qu’il ne s’agisse pas seulement de bonnes intentions, mais qu’il soit appliqué.
J’arrive à la conclusion de mes observations et les députés ministériels qui n’aiment pas entendre les arguments contre leur projet de loi en seront peut-être ravis.
Il était important de souligner tous ces points. Voici un résumé des éléments clés que j’ai soulignés dans ce projet de loi.
Conformément au projet de loi, les entités réglementées seraient tenues d’établir des plans sur l’accessibilité. C’est un pas dans la bonne direction, mais cela n’exercerait pas sur le gouvernement la pression nécessaire pour l’obliger à prendre les mesures que beaucoup de personnes handicapées souhaitent. Nous avons essayé de faire valoir ces préoccupations dans le cadre d’un premier débat à la Chambre ainsi qu'au comité. Malheureusement, tous les changements de fond ont été rejetés à la Chambre. Le Sénat a proposé des amendements qui étaient positifs, mais qui ne corrigent pas le projet de loi à tous les égards. En tous les cas, pas du point de vue de notre caucus et des membres de la communauté.
Par conséquent, même si nous sommes heureux d’appuyer ces amendements et ce projet de loi, nous continuerons de demander au gouvernement de faire mieux et de réaliser la promesse selon laquelle « il est toujours possible de faire mieux ». C’est ce que nous demandons dans l’optique de ce projet de loi. Les amendements du Sénat apportent certes des améliorations, mais pas toutes celles que les gens réclament.
J’ai parlé un peu de la raison d’être de cette mesure législative. Il est important de reconnaître que les mesures que nous prenons pour rendre la société accessible et exempte d’obstacles sont profitables non seulement pour les personnes handicapées, mais également pour nous tous, car elles nous donnent à tous l’occasion de vivre ensemble dans une communauté enrichissante et d’apprendre les uns des autres.
Il y a des choses qui ne sont pas abordées dans le projet de loi. Ce sont parfois des choses qu'on ne pouvait régler au moyen d’un projet de loi et parfois des choses que le gouvernement aurait dû régler, mais il ne l'a pas fait.
En fin de compte, les mesures législatives ne peuvent pas tout régler quand on en arrive aux attitudes et à la culture. Bâtir un Canada exempt d’obstacles n’est pas seulement une décision politique; il faut un engagement social. Nous devons tous nous engager à prendre l’initiative et à agir ensemble comme parlementaires et comme citoyens. Nous demandons aux gens d’affaires et aux gens de tous les milieux de réfléchir à ce qu’ils peuvent faire pour susciter et faciliter un engagement significatif, de la bonne volonté, de l’amitié et de l’amour entre nous tous, quels que soient les capacités ou les handicaps.
Ces changements sociaux et culturels sont importants. Une loi sans ce genre d’engagement social ne suffit pas pour créer un Canada vraiment exempt d’obstacles.
Je tiens à répéter que le travail effectué par mon collègue, le député de , pour faire en sorte que les Canadiens handicapés aient accès à du travail rémunéré était très important. Ce fut décevant de voir le gouvernement rejeter ce projet de loi. J’espère qu’au cours d’une prochaine législature, l’initiative qu’il a proposée se matérialisera.
Ce n’est pas le cas de tout le monde, mais il y a beaucoup de personnes handicapées qui sont prêtes et disposées à travailler et capables de le faire. Ces personnes contribuent à notre économie, mais elles bénéficient également de la communauté qui existe en milieu du travail. Elles ont ainsi le sentiment d'être utiles et d'avoir un but, comme bien des gens quand ils ont la capacité d'aller travailler tous les jours.
Il faut en faire plus pour appuyer le genre d’initiatives présentées dans ce projet de loi d’initiative parlementaire. Il sera peut-être présenté à nouveau lors d’une prochaine législature. Il y aura peut-être d’autres mesures qui viseront précisément à éliminer les obstacles auxquels se heurtent les Canadiens handicapés à la recherche d’un emploi.
Je termine là-dessus. J’appuie ce projet de loi. J’appuie les amendements. J’espère que nous verrons plus de progrès et qu’à l’avenir, nous serons en mesure de contester le gouvernement. Au lieu de rejeter les amendements à la Chambre, puis de les renvoyer au Sénat pour qu’ils soient acceptés là, on aura peut-être la bonne idée d’adopter nous-mêmes certains de ces amendements, ce qui éviterait de ramener le projet de loi à la Chambre par la suite.
Certaines parties ont besoin d’améliorations, mais nous y voyons aussi des mesures positives. Nous nous engageons donc à appuyer ce projet de loi et les mesures qui en découleront. Nous continuerons à talonner le gouvernement. Dans les domaines où il affirme pouvoir réglementer, nous allons exercer la pression nécessaire. Nous n’avons pas réussi à faire changer le verbe « peut » pour le verbe « doit » dans les libellés, mais nous nous efforcerons de créer un impératif politique pour obliger le gouvernement à agir.
Les électeurs qui nous écoutent aujourd’hui peuvent être sûrs que nous continuerons à demander au gouvernement de rendre des comptes sur ces enjeux et à veiller à ce que les objectifs énoncés dans le projet de loi soient pleinement réalisés.
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Monsieur le Président, je suis heureuse de profiter de ce moment à la Chambre pour parler des droits des personnes handicapées et de la responsabilité du Canada en tant que signataire de la convention des Nations unies relative à ces droits. Le NPD appuie le projet de loi , Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles, tel qu’il a été amendé par le Sénat.
Je suis fière d’avoir fait partie d’un vaste mouvement constitué de groupes d’intervenants et de défenseurs des droits civils qui ont déployé beaucoup d’efforts pour que ce projet de loi soit le meilleur possible. Nous l’avons appuyé dès le début et nous avons proposé de nombreux amendements qui auraient permis d'atteindre l'objectif du projet de loi, qui est de créer un Canada sans obstacle.
Les néo-démocrates croient depuis longtemps que tout projet de loi sur l’accessibilité présenté par le gouvernement devrait essentiellement être une loi visant à mettre en œuvre les obligations que la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées impose au Canada. Le Canada a ratifié cette convention en 2010, mais à ce jour, il n’a rien fait pour que nos lois s’y conforment.
Je félicite la et son équipe pour leur travail sur ce projet de loi et pour sa volonté d’accepter les amendements du Sénat. Plusieurs dispositions du projet de loi doivent encore être corrigées, et je m’en voudrais de ne pas en parler maintenant, afin que nous comprenions mieux ce qu’il reste à accomplir. Comme nous sommes dans une année d'élections fédérales, je sais que nos militants sont à l’écoute et qu’ils acquièrent une meilleure compréhension de la façon dont ils peuvent utiliser efficacement une campagne électorale.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi ne comble pas l’attente de créer une société à laquelle tous les citoyens peuvent participer à part entière et égale. Ce n'est même pas imaginable tant que toutes nos institutions ne sont pas ouvertes et complètement accessibles à tous. C’est vraiment ce à quoi ressemblera la promotion d’un Canada sans obstacle. Malheureusement, le projet de loi C-81 ne fait qu’un pas minime dans cette direction.
Nos préoccupations sont partagées. Lors de l'étude du projet de loi au Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, le gouvernement fédéral a reçu moult commentaires sur les nombreuses lacunes du projet de loi de la part de personnes handicapées de tout le Canada ainsi que de réseaux organisés de défense des droits. Par exemple, en octobre dernier, une lettre ouverte, signée par non moins de 95 organismes au service des personnes handicapées, a été envoyée au gouvernement fédéral. Un grand nombre de ces organismes sont venus témoigner devant le Comité. Ils ont insisté sur la nécessité de renforcer le projet de loi.
Notre estimé ami David Lepofsky est président de l'Accessibility for Ontarians with Disabilities Act Alliance. C'est un intellectuel estimé et respecté et un expert en droits à l'accessibilité. Devant le comité du Sénat, il a dit:
Le projet de loi C-81 repose fondamentalement sur l’idée louable selon laquelle le gouvernement fédéral adoptera des règlements exécutoires qu’on appelle des normes d’accessibilité qui indiqueront aux organismes sous réglementation fédérale ce qu’ils doivent faire. Or, il n’exige pas l’adoption de normes fédérales d’accessibilité en tant que règlements exécutoires. Les personnes handicapées méritent mieux.
Je vais être clair: les règlements dont le projet de loi exige l’adoption dans les deux ans concernent des questions de procédure et non des normes d’accessibilité comme telles. Le gouvernement fédéral pourrait respecter cette échéance simplement en prescrivant les formulaires que les personnes handicapées doivent utiliser si elles veulent exprimer leur avis à Air Canada ou à Bell Canada. Les personnes handicapées méritent mieux.
La version amendée du projet de loi ne règle en rien les problèmes mentionnés par M. Lepofsky dans la citation que je viens de lire.
Il s’agit d’une question très sérieuse pour les néo-démocrates. Pour comprendre pourquoi, jetons un coup d'oeil aux grands titres des journaux. Le mois dernier, le gouvernement de l’Ontario a annoncé un plan de plusieurs milliards de dollars pour la construction de nouvelles lignes de métro à Toronto, mais en précisant qu’il ne se réaliserait que si d’autres ordres de gouvernement, y compris le gouvernement fédéral, ajoutaient des milliards aux fonds que la province s'engage à verser. Ce n’est pas nouveau. Cependant, avant de dépenser notre argent dans un projet de ce genre, le gouvernement fédéral doit préciser que pour obtenir des fonds fédéraux, il faut respecter certaines exigences fédérales en matière d’accessibilité. Si on demande des fonds au gouvernement fédéral, voici les exigences en ce qui concerne l’accessibilité. Cela semble très simple.
La déclare ne pas être autorisée par la Constitution à imposer des normes d’accessibilité aux provinces, mais elle l’est. Elle a ce qu’on appelle le pouvoir fédéral de dépenser et ce pouvoir est très important. Nous connaissons tous la Loi canadienne sur la santé. Elle prévoit que, si les provinces reçoivent des fonds fédéraux pour des programmes de santé provinciaux, elles doivent satisfaire aux exigences fédérales en matière d’accessibilité, pas d’accessibilité pour les personnes handicapées, mais d’accessibilité financière. Si le gouvernement fédéral n’a vraiment pas ce pouvoir, alors voilà plus de trois décennies que la Loi canadienne sur la santé n’est pas constitutionnelle. Si le gouvernement fédéral peut énoncer des conditions dans cette loi, il peut aussi en imposer quand il consacre des fonds à des projets locaux et pas seulement à des immeubles fédéraux.
Je félicite les nombreux groupes d’intervenants de leur travail remarquable à l’étape de l’examen du projet de loi par le Sénat. Nos amis de l’Accessibility for Ontarians with Disabilities Act Alliance, ou l'AODA Alliance, ainsi que de l’ARCH Disability Law Centre, entre autres, ont fait du lobbying auprès des sénateurs avec une liste réduite d’amendements visant les changements les plus importants à apporter au projet de loi C-81, si ce projet de loi doit devenir le genre de loi dont ont besoin nos concitoyens handicapés.
En fait, nous souhaitons remercier toutes les organisations de personnes handicapées, et il en existe au moins 71, qui ont signé la lettre ouverte adressée il y a quelques semaines à la Chambre des communes. Elles lui demandent de ratifier les amendements du Sénat au projet de loi . Cette lettre ouverte, que le Conseil des Canadiens avec déficiences a remise à tous les députés au nom de ses 28 signataires, tous énumérés à la fin, explique que ces amendements améliorent le projet de loi. Le Sénat les a formulés après avoir tenu des audiences publiques au cours desquelles des organisations et des porte-parole de personnes handicapées ont souligné qu’il était nécessaire de renforcer un projet de loi adopté l’automne dernier à la Chambre des communes. Le Sénat a entendu le message et a formulé 11 amendements qui tiennent sur deux pages seulement.
Je voudrais également féliciter toutes les personnes qui ont participé à la campagne massive d’envoi de lettres à la , au et à tous les députés. Il est toujours réjouissant de voir le public concerné agir dans un dossier, quel qu'il soit. Il n’était pas du tout clair dans le témoignage de la ministre devant le comité sénatorial qu’elle accepterait certains des amendements proposés, mais je crois que la campagne a changé la donne.
Quand le projet de loi a été renvoyé au Sénat, avant son examen en comité, des intervenants importants ont proposé une version condensée des changements qu’ils voulaient voir apporter au projet de loi avant son adoption. Les amendements proposés au projet de loi avant que le Sénat commence à en débattre constituaient une version condensée des amendements qu’ils avaient présentés durant les audiences du comité de la Chambre des communes.
Je souhaiterais les passer très rapidement en revue, car ils sont tout à fait essentiels pour que le projet de loi soit efficace.
Premièrement, il faudrait imposer au gouvernement des obligations et des délais précis relativement à la mise en œuvre de cette loi.
Deuxièmement, nous devrions fixer une date butoir à laquelle le Canada sera devenu accessible.
Troisièmement, l’application de la loi devrait être confiée au seul commissaire à l’accessibilité et pas être divisée entre différents organismes, comme le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes et l’Office des transports du Canada qui, comme cela a été souligné maintes fois, ont un triste bilan quant au respect des quelques obligations en matière d’accessibilité qui leur sont faites. N’allons donc pas en ajouter d’autres.
Quatrièmement, nous devrions veiller à ce que les fonds publics fédéraux ne soient jamais utilisés pour créer ou perpétuer des obstacles pour les personnes handicapées.
Cinquièmement, nous devrions veiller à ce que le gouvernement fédéral ne puisse se dispenser d’aucune des obligations en matière d’accessibilité prévues par le projet de loi.
Le Sénat a fini par accepter les amendements suivants au projet de loi : premièrement, fixer à 2040 la date butoir à laquelle le Canada sera devenu accessible; deuxièmement, veiller à ce que cette échéance de 2040 ne justifie aucun retard dans l’élimination ou la prévention d’obstacles à l’accessibilité aussi tôt que possible; troisièmement, reconnaître la langue des signes américaine, la langue des signes du Québec et les langues des signes autochtones comme étant les langues les plus utilisées par les sourds au Canada pour communiquer; quatrièmement, faire en sorte que, par principe, le projet de loi prenne en compte les formes multiples et intersectionnelles de discrimination que rencontrent les personnes handicapées; cinquièmement, veiller à ce que le projet de loi C-81 et les règlements connexes ne puissent pas restreindre les droits des personnes handicapées garantis par la Loi canadienne sur les droits de la personne; sixièmement, veiller à ce que l’Office des transports du Canada ne puisse pas réduire les protections existantes des droits des passagers handicapés quand il traite les plaintes relatives aux obstacles dans les transports; et septièmement, régler les problèmes que le gouvernement fédéral a relevés entre les dispositions du projet de loi relatives à l’emploi et la loi qui régit la Gendarmerie royale du Canada.
Comme les députés peuvent s’en apercevoir en comparant les amendements proposés avec ceux approuvés par le Sénat, plusieurs amendements essentiels ne figurent pas dans le projet de loi. Un des plus importants concerne la question de l’application de la loi et de sa mise en œuvre, scindées de façon qui prête à confusion entre quatre organismes publics, au lieu de fournir aux personnes handicapées le service à guichet unique dont elles ont besoin.
Le projet de loi permet, ainsi, à deux organismes publics, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes et l’Office des transports du Canada, de continuer de superviser l’accessibilité, malgré leur bilan insatisfaisant en la matière depuis de nombreuses années et dans un passé très récent. Le NPD comprend qu’il s’agit d’une question urgente qui doit être réglée d’urgence.
À l’étape de l’étude en comité, j’ai déposé des amendements qui auraient mis fin à beaucoup d’exemptions et de pouvoirs autorisant des fonctionnaires à dispenser toute organisation d’appliquer des parties essentielles du projet de loi . Le NPD est d’avis que le projet de loi ne fait pas en sorte que le gouvernement fédéral utilise effectivement tous les leviers du pouvoir pour promouvoir l’accessibilité dans tout le Canada. Par exemple, il n’exige pas que le gouvernement fédéral veille à ce que les fonds fédéraux ne soient jamais utilisés par quelque bénéficiaire que ce soit pour créer ou perpétuer des obstacles pour les personnes handicapées, par exemple lorsque des fonds fédéraux servent à financer de nouvelles infrastructures ou la rénovation d’infrastructures existantes.
C’est un point important parce que le gouvernement fédéral peut facilement exiger que tous les projets utilisant des fonds fédéraux répondent à des normes d’accessibilité. Nous savons d’expérience que sans cette exigence, les organismes fédéraux sous-traiteront des travaux importants à de tierces parties pour faire des économies et qu’on passera ainsi outre aux spécifications fédérales en matière d’accessibilité. Les amendements proposés par les néo-démocrates auraient réglé ce problème directement.
Par exemple, des logements sociaux inaccessibles pourraient être construits et personne n’aurait guère de recours, malgré l’engagement répété du gouvernement à l’égard des questions concernant les personnes handicapées et, notamment, des questions d’accessibilité.
Bien que nous félicitions le gouvernement d’avoir accepté 2040 comme date limite à laquelle le Canada doit devenir accessible à cinq millions de personnes, le projet de loi ne comporte pas de dates butoirs obligatoires pour la mise en œuvre. Il permet, sans obliger, le gouvernement à adopter des normes d’accessibilité, mais n’impose pas d'échéancier selon lequel cela devra être fait. Sans de tels échéanciers, la mise en œuvre et même le démarrage du processus pourraient traîner pendant des années.
Une des lacunes flagrantes du projet de loi est l’absence d’une exigence que l’ensemble des lois, des politiques et des programmes fédéraux soient étudiés sous l’angle du droit des personnes handicapées. Une telle omission semble des plus étranges puisque c’est une des solutions faciles.
Il est crucial que les sociétés éliminent ces formes de discrimination, pas seulement parce que c’est la bonne chose à faire, mais aussi parce que cela permet à une portion assez importante et précédemment ignorée de la population de mettre son talent et ses capacités à contribution pour le bien de tous. Tout le monde gagne quand tout le monde peut contribuer.
En ce qui concerne l’accessibilité pour cinq millions de Canadiens handicapés, le Canada est loin derrière les États-Unis qui ont adopté la loi historique Americans with Disabilities Act il y a 29 ans déjà. Les Canadiens handicapés sont confrontés à de trop nombreux obstacles dans les voyages aériens, les services de câblodistribution, ainsi que dans leurs échanges avec le gouvernement fédéral.
Maintenant que le projet de loi est de retour à la Chambre, il suffit d’un vote pour ratifier ces modifications. Plus besoin d’audiences publiques ou d’études du projet de loi par un comité permanent. Une fois ces modifications adoptées par ce vote, le projet de loi C-81 aura terminé son cheminement dans le Parlement du Canada. Il sera devenu loi. Il entrera en vigueur quand il obtiendra la sanction royale.
D’importants intervenants ont récemment écrit aux dirigeants des principaux partis, leur demandant de s’engager à présenter au Parlement un projet de loi sur l’accessibilité nationale plus fort après les élections fédérales cet automne. Voilà pourquoi, bien que nous appuyions aujourd’hui l’adoption du projet de loi sous sa forme modifiée, le NPD s’engage aussi à déposer, quand il formera le gouvernement en 2020, une version beaucoup plus forte de ce projet de loi, une version qui rectifiera certaines des lacunes les plus flagrantes.
Comme d’autres l’ont mentionné, certes, ce projet de loi est une première étape importante. Cependant, les personnes handicapées ont attendu bien trop longtemps de pouvoir vivre dans un pays qui leur permet de s’épanouir en tant que citoyens dont les droits fondamentaux sont entièrement respectés. Par exemple, nos voisins et les membres de nos familles ne devraient pas se faire dire qu’ils doivent attendre jusqu’en 2040 pour pouvoir utiliser des ascenseurs accessibles et en bon état dans les métros, utiliser leur propre fauteuil roulant sur des vols internationaux, ou encore assister à un débat entre tous les candidats qui leur soit accessible, et ainsi de suite.
Malheureusement, le gouvernement actuel a laissé à des gouvernements futurs la tâche de rendre le Canada pleinement accessible. Je peux affirmer avec confiance que les néo-démocrates sont capables d’accomplir cette tâche et y sont sincèrement déterminés.
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Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de .
C’est véritablement un honneur de prendre la parole ce matin au sujet de cette mesure législative historique qu’est le projet de loi , Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles. Quand j’ai été élue, une de mes priorités était de faire en sorte qu'on prenne en compte les obstacles rencontrés par les personnes handicapées, de sensibiliser les concitoyens de ma circonscription et de tout le pays à ce qu'il est possible de faire pour améliorer la vie de nos amis et voisins, et de faire adopter une loi pour garantir que le Canada devienne progressivement un pays exempt d’obstacles. Le gouvernement fédéral donne l’exemple en présentant le projet de loi C-81car cette mesure garantira une meilleure accessibilité dans les secteurs relevant de la compétence fédérale.
Pourquoi est-ce important? C’est important à cause de personnes comme Steven Muir, qui travaille à mon bureau. Steven est atteint d'un trouble du développement. J’ai fait sa connaissance à Oakville et nous nous sommes liés d'amitié. Steven est tombé amoureux de Maggie, qui vivait à Ottawa. Se retrouver posait des problèmes de logistique. Cependant, même s’il a fallu quelques années pour régler les détails, Steven a écouté son cœur et quitté son emploi et son réseau de soutien pour venir vivre à Ottawa. Aujourd’hui, Maggie et lui sont mariés et il travaille à mon bureau depuis 2016. Steven mérite d’être traité avec respect et dignité, ce qui n’a pas toujours été le cas, notamment en matière d’emploi et de logement.
Karina Scali est une amie qui vit à Oakville. Karina a dû travailler davantage que la plupart des gens que je connais pour faire des études postsecondaires. Elle a dû surmonter des obstacles que la plupart d’entre nous jugeraient insurmontables, y compris de l’intimidation à l’école, mais elle a persévéré en dépit des épreuves et se prépare actuellement à décrocher un diplôme en éducation préscolaire. Elle a du mal à trouver un emploi rémunéré, non parce qu’elle est incapable de travailler, mais à cause de son handicap, ce qui est anormal.
Mon ami Joe Dowdall a été blessé dans un accident du travail et s’est retrouvé en fauteuil roulant. Joe travaille à la section locale 793 de l’Union internationale des opérateurs-ingénieurs et c’est un incroyable porte-parole auprès de tous les paliers de gouvernement. Quand j’ai été élue, il m’a dit que je devais m’efforcer d’améliorer la vie des personnes handicapées ce que je lui ai promis de faire.
Je n’ai pas le temps de raconter l’histoire de tous mes amis de Community Living Oakville et d’In The Loop Media, mais eux aussi se butent à des obstacles dans la collectivité et méritent davantage d'aide de la part de tous les paliers de gouvernement et de la société canadienne. Ce ne sont là que quelques exemples de personnes sur lesquelles le projet de loi dont nous sommes saisis aura une incidence. Des milliers d’autres personnes, en fait, cinq millions d'un bout à l'autre du pays, ont des histoires similaires.
Le projet de loi avantagerait les Canadiens en retirant les obstacles à l’accessibilité dans les domaines de compétence fédérale, y compris les environnements bâtis, l’emploi, les technologies de l’information et des communications, l’achat de biens et de services, la prestation de programmes et de services et le transport.
Un aspect important de ce projet de loi est la nomination d’un dirigeant principal indépendant de l’accessibilité, qui sera chargé de surveiller l’application de la loi et d’en faire rapport au ministre.
Le projet de loi décrit trois obligations des entités réglementées. Elles devront préparer des plans sur l’accessibilité en consultation avec les personnes handicapées, elles devront établir des moyens de recevoir et de traiter les commentaires de leurs employés et de leurs clients, et elles devront préparer et publier des rapports d’étape en consultation avec les personnes handicapées et décrire comment elles réalisent leurs plans d’accessibilité. Le projet de loi propose de créer l’organisation canadienne d’élaboration de normes d’accessibilité, qui serait chargée d’élaborer les normes. En général, ces normes décriraient comment les organisations peuvent repérer, retirer et empêcher les obstacles.
Le nommera un commissaire à l’accessibilité, au sein de la Commission canadienne des droits de la personne, qui relèvera de lui. Le commissaire sera responsable des activités de conformité et d’application, ainsi que du traitement des plaintes dans la plupart des secteurs fédéraux. Le projet de loi propose une combinaison d’activités de conformité proactive, y compris des inspections, des audits et des ordonnances de conformité, des avis de violation, des sanctions et plus encore. Le projet de loi confère aux personnes le droit de se plaindre et de recevoir une indemnisation si elles ont subi des préjudices physiques, psychologiques ou financiers parce qu’une organisation n’a pas respecté ses nouvelles obligations au sens de la loi et du règlement.
Il est d’autant plus significatif de parler de ce dossier aujourd’hui durant la Semaine nationale de l’accessibilité, qui se déroule tous les ans depuis 2016. Le projet de loi prévoit que la Semaine nationale de l’accessibilité commence le dernier dimanche de mai.
Le projet de loi charge aussi la Commission canadienne des droits de la personne de surveiller la mise en œuvre au Canada de la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations unies. À cet égard, j’ai eu l’occasion d’aller en Israël dans le cadre d’une mission d’inclusion organisée par la Fondation Reena, La Marche des dix sous et Holland Bloorview. Je sais que des membres de ces organisations nous regardent maintenant. C’est une occasion incroyable de voir certains des travaux novateurs exécutés dans ce pays pour le rendre plus accessible et inclusif.
J’ai pu passer aussi un certain temps avec les principaux défenseurs de l’accessibilité et de l’inclusion au Canada. J’ai rencontré Yahya, qui vit dans un logement supervisé géré par la Fondation Reena, une organisation extraordinaire grâce à laquelle Yahya peut vivre dans l’indépendance et la dignité.
David Lepofsky, président de l’alliance AODA, nous accompagnait dans ce voyage, et j’ai eu l’occasion de bavarder longuement avec lui au sujet du projet de loi que nous étudions aujourd’hui. Je suis heureuse de lire que M. Lepofsky a déclaré que les amendements du Sénat font état d’une victoire importante pour les défenseurs de la cause des handicapés, qui ont consacré tant de temps et d’énergie à renforcer le projet de loi .
Ce voyage m’a permis de découvrir ce qui est possible, aux côtés de personnes handicapées. Cela a été une occasion unique et bénie. Elle m’a aidée à orienter mon travail au Parlement.
Le Sénat a apporté plusieurs amendements importants au projet de loi , et je félicite le gouvernement et la de les avoir acceptés. L'un de ces amendements ajoute une date limite pour la réalisation d’un Canada exempt d’obstacles. De nombreux défenseurs des droits des personnes handicapées ont dit que l’ajout d’une date limite était nécessaire, et je suis heureuse de voir qu’elle a été ajoutée. Les amendements du Sénat reconnaissent également l'American Sign Language, la langue des signes québécoise et les langues des signes autochtones comme étant les langues les plus utilisées par les sourds au Canada pour communiquer. Je sais que cet amendement était extrêmement important pour la communauté sourde, et il est formidable de voir un interprète gestuel ici avec nous aujourd’hui. Ces amendements et d’autres apportés par le Sénat ont renforcé ce qui est déjà un projet de loi révolutionnaire, et j’espère sincèrement que tous les partis pourront travailler ensemble afin que le projet de loi puisse être adopté le plus rapidement possible.
Même s’il s’agit d’un projet de loi historique, il ne suffira pas à lui seul pour vraiment changer la vie des Canadiens handicapés. Nous avons besoin d’un changement de culture dans notre pays. Tout le monde doit penser différemment en matière d’inclusion. Nous devons cesser d’accepter l’idée que les personnes handicapées ne méritent pas un salaire minimum. Nous devons construire des logements plus inclusifs pour que des gens comme Steven et Karina aient un endroit sûr, abordable et inclusif où vivre. Le gouvernement ne peut pas à lui seul bâtir un Canada inclusif et accessible. Ce sont tous les Canadiens qui doivent modifier leurs comportements.
Les employeurs peuvent non seulement changer une vie, mais aussi améliorer les résultats financiers de leur entreprise en embauchant des personnes qui vivent avec un handicap. Il ne fait aucun doute que l’adoption du projet de loi permettra d'améliorer les choses et montrera que le gouvernement fédéral croit aux capacités de tous les Canadiens.
Je tiens à remercier la du leadership dont elle a fait preuve dans l’édification d’un Canada accessible grâce à ce projet de loi, et de bien des façons. La ministre est un modèle pour de nombreux Canadiens, et je la remercie de tout le travail qu’elle a accompli relativement à ce projet de loi.
Je tiens également à remercier mon ami le sénateur Jim Munson qui a parrainé ce projet de loi au Sénat. Peu de parlementaires se passionnent pour l’inclusion depuis autant d’années que lui. Le sénateur Munson est devenu émotif le jour où le projet de loi a franchi l’étape de la troisième lecture au Sénat. Il a écrit sur Twitter que c’était une bonne journée pour l’inclusion, une bonne journée pour le Canada.
À la et au sénateur Munson, à tous les défenseurs des droits des personnes handicapées et à toutes les organisations qui ont contribué à nous guider et à nous aider à nous rendre où nous en sommes aujourd’hui, ainsi qu’à tous les Canadiens qui ont contribué à la réalisation du projet de loi dont nous sommes saisis, j'adresse mes remerciements pour leur passion et leur engagement à l’égard de la création d’un pays inclusif et accessible.
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Monsieur le Président, je suis heureux d’intervenir aujourd’hui pour appuyer l’adoption du projet de loi , la Loi canadienne sur l’accessibilité.
Il est tout à fait symbolique pour moi de le faire pendant la Semaine nationale de l’accessibilité, au moment où nous célébrons les contributions des personnes handicapées et où nous faisons la promotion de l’accessibilité et de l’inclusion dans nos collectivités et nos milieux de travail.
Je tiens à souligner toute l’énergie qui a été investie dans le projet de loi sur l’accessibilité au Canada par tous ceux qui ont travaillé si fort pour que nous en arrivions là où nous sommes aujourd’hui, et je veux parler des personnes handicapées, des intervenants, de l’industrie et de tous ceux qui jouent un rôle crucial dans l’amélioration de l’accessibilité au Canada.
En 1991, j’ai été victime d’un acte de violence fortuit qui m’a laissé quadriplégique C5. Ma vie a changé à jamais, et j’ai fait l’expérience des problèmes quotidiens auxquels sont confrontés les Canadiens handicapés, y compris pour des tâches aussi ordinaires que sortir du lit, aller à la banque ou prendre l’avion. Je me suis heurté à des obstacles importants, et l’inaccessibilité des installations matérielles n’a pas arrangé les choses. Ce n’était pas mon handicap qui posait un problème, mais plutôt les obstacles que j’ai eu à surmonter. Les escaliers, par exemple, peuvent se révéler être une barrière énorme.
Depuis mon entrée en politique, il y a 12 ans, un de mes objectifs a été d’aider le Canada à devenir une communauté où les personnes handicapées réalisent leur potentiel individuel et sont reconnues et valorisées comme citoyens. C’est pourquoi je suis si fier de la nouvelle loi canadienne sur l’accessibilité du gouvernement libéral fédéral, la plus importante mesure législative sur les droits des personnes handicapées depuis plus de 30 ans.
Avant de parler du bien-fondé du projet de loi, il est important de souligner qu’il ne s’agit pas d’une mesure législative isolée qui est censée être la seule prise par le gouvernement pour faciliter la vie des personnes handicapées au pays.
Notre Stratégie nationale sur le logement, par exemple, met beaucoup l’accent sur le logement accessible. Cela comprend les cinq nouveaux projets d’habitation financés jusqu’à maintenant à Calgary, en partenariat avec des organismes comme Horizon Housing, le YWCA de Calgary, HomeSpace et bien d’autres. De plus, nos investissements dans les infrastructures se font dans une optique d’accessibilité. Nous contribuons à offrir plus de possibilités d’études universitaires et de formation pour aider les personnes handicapées à participer davantage à la population active.
La loi canadienne sur l’accessibilité appartient vraiment à la communauté des personnes handicapées et elle reflète leurs priorités. Pour en arriver là, nous avons entendu plus de 6 000 particuliers et organismes dans le cadre des consultations les plus accessibles jamais tenues par le gouvernement. Tous ceux qui ont contribué à l’élaboration du projet de loi l’ont fait parce qu’ils comprenaient l’importance de mettre à profit leur expérience pour aider à mettre en œuvre les changements nécessaires pour un avenir meilleur, un avenir d’inclusion, où personne n’est laissé pour compte.
Il y a plus de trois ans, le gouvernement a travaillé à l’élaboration d’une mesure législative visant à éliminer les obstacles à l’inclusion, afin que tous les Canadiens aient des chances égales de réussir.
L’une des choses que mon handicap m’a enseignées, c’est le rôle crucial que le gouvernement joue dans la vie des gens. J’ai toujours pensé que chaque personne, qu’elle soit née d’une famille riche ou aux prises avec des difficultés, ou qu’elle soit née avec un handicap ou se soit retrouvée dans cette situation plus tard, mérite une chance égale et équitable de réussir. Cette loi devrait contribuer à uniformiser les règles du jeu et à promouvoir l’égalité des chances.
Ce projet de loi vise un objectif très important: faire du Canada un pays exempt d’obstacles. Tout le monde est prêt et impatient de voir le projet de loi adopté, et les organismes qui ont des responsabilités en vertu du projet de loi sont prêts à agir en conséquence. Le CRTC, l’Office des transports du Canada, la Commission canadienne des droits de la personne et la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral ont tous témoigné qu’ils sont prêts à assumer leurs rôles respectifs.
Bien sûr, des particuliers et des organisations de partout au pays, des organisations avec lesquelles j’ai eu la chance de collaborer et au sein desquelles j’ai travaillé, comme l’Association nationale des étudiant(e)s handicapé(e)s au niveau postsecondaire et l’Association canadienne des paraplégiques, section de l’Alberta, qui font valoir ces droits depuis de nombreuses années, luttent depuis longtemps pour l’inclusion.
Un leadership national et des lois fédérales sur l’accessibilité se font attendre depuis longtemps. Les Canadiens s’attendent à ce que le gouvernement du Canada soit un chef de file en matière d’accessibilité. C’est une responsabilité que notre gouvernement prend très au sérieux. Il est important de souligner que ce projet de loi historique reflète le travail et l’engagement de la communauté des personnes handicapées, dont les priorités et les préoccupations ont été prises en compte dans le projet de loi.
Cela comprend la reconnaissance du langage gestuel comme langue principale de communication pour les personnes sourdes au Canada, le fait de préciser que rien dans la loi ou ses règlements ne limite l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les entités réglementées, la mise en œuvre rapide de cette loi en vue de la réalisation d’un Canada exempt d’obstacles d’ici 2040, et la reconnaissance des formes de marginalisation et de discrimination intersectionnelles dont les personnes handicapées peuvent être l’objet.
Le projet de loi, fondé sur le principe selon lequel les personnes handicapées sont les mieux placées pour déterminer leurs besoins, appartient à la communauté des personnes handicapées. À l’avenir, la participation continue de la communauté sera absolument essentielle au maintien de l’efficacité du projet de loi.
À bien des égards, le projet de loi inscrit dans la loi les pratiques exemplaires suivies par les principales organisations. En rétrospective, j’ai eu la chance d’avoir des institutions comme l’Université de Calgary, avec des enseignants qui ont reconnu le soutien dont j’avais besoin, ou des organisations comme celle avec laquelle j’ai pratiqué le droit, Dentons Canada, où j’ai eu la chance de pouvoir compter sur le soutien de l’entreprise pour me fournir l’ordinateur à commande vocale et l’aide dont j’avais besoin pour faire mon travail quotidien.
J’ai également eu beaucoup de chance par rapport aux locaux qui m’ont été attribués lorsque j’étais à l’Assemblée législative de l’Alberta et ici, à la Chambre des communes. J’ai reçu l’appui inestimable de ma femme, de ma famille et de ma soignante de longue date, Liza Tega, qui est toujours intervenue et qui a fait tout ce qu’il m’est tout simplement très difficile de faire.
Toutefois, les personnes handicapées ne devraient pas dépendre de ce genre de chance. C’est pourquoi nous avons besoin d’une mesure législative. Grâce à ce projet de loi, nous créons un système qui permet de cerner et d’éliminer les obstacles de façon proactive, et nous établissons des mécanismes d’application de la loi pour veiller à ce que les règlements soient respectés et suivis par les entreprises et par les secteurs de compétence fédérale. Il créera un mécanisme selon lequel il n'y aura pas de mauvaise porte où s'adresser pour une plainte en matière d’accessibilité, et il permettra d’assurer la surveillance des problèmes existants et futurs en matière d’accessibilité.
En instituant la Semaine nationale de l’accessibilité et en amenant tous les Canadiens à reconnaître les précieuses contributions des personnes handicapées, cette loi dirait en clair que les systèmes seront conçus dès le départ pour faciliter l’inclusion. Grâce à la Loi canadienne sur l’accessibilité, nous renforçons la démarche de collaboration propre à faire du Canada un pays entièrement accessible et inclusif, où les chances de réussir sont égales pour tous.
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Monsieur le Président, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi , Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles. J’aimerais réitérer l’engagement des conservateurs de travailler avec tous les parlementaires pour que ce projet de loi soit adopté rapidement.
Sur ce, je remercie la , le gouvernement, les autres députés de l’opposition, les personnes handicapées, les entreprises et les fonctionnaires qui se sont réunis dans le cadre de ce processus pour présenter un projet de loi positif, bien qu’imparfait.
Quelles que soient ces imperfections, il est important, en cette fin de cycle parlementaire, que nous agissions rapidement pour qu’il soit adopté. Il y a d’importantes améliorations qui contribueront à éliminer les obstacles auxquels font face quotidiennement les Canadiens handicapés. Ce projet de loi, malgré toutes ses imperfections, mérite d’être adopté, et la Chambre peut compter sur la collaboration pleine et entière des conservateurs pour s’assurer de le faire le plus rapidement possible.
Maintenant que nous reconnaissons que le projet de loi sera adopté, et que les députés de tous les partis se sont engagés à le faire adopter rapidement, j’aimerais profiter de mon bref temps de parole pour souligner les prochaines étapes que nous devons tous franchir pour faire en sorte que le Canada soit vraiment exempt d’obstacles et que les Canadiens handicapés puissent réaliser leur plein potentiel. Je vais me concentrer sur la question de l’emploi.
Nous savons qu’un emploi constitue le meilleur plan qui existe pour lutter contre la pauvreté. Il est important de le préciser ici, car 27 % des personnes handicapées vivaient dans la pauvreté au moment de réaliser l’Enquête canadienne sur l’incapacité de 2012. Ce chiffre est passé de 27 % à 8 % pour les personnes handicapées qui occupent un emploi.
Étonnamment, cette même enquête de Statistique Canada a démontré que le taux de pauvreté chez les personnes handicapées qui occupent un emploi était en fait inférieur au taux de pauvreté de la population en général. En fait, si nous mettions deux personnes côte à côte, l’une qui a un handicap et un emploi et l’autre qui n’a ni emploi ni handicap, nous constaterions que la personne handicapée qui travaille est beaucoup moins susceptible de vivre dans la pauvreté.
J’utilise cette statistique pour démontrer qu’il ne faut pas supposer à l’avance que les personnes handicapées doivent vivre dans le besoin. Au contraire, leurs talents naturels, leur vaillance et leur persévérance leur permettent non seulement de subvenir à leurs besoins, mais aussi de prospérer. Malheureusement, de nombreuses entraves physiques et gouvernementales font obstacle à cette réussite.
Selon un rapport d’Emploi et Développement social Canada publié il y a quelques années, sur les quelque 795 000 Canadiens en âge de travailler qui ne travaillent pas, mais dont le handicap n’est pas un empêchement, près de la moitié, soit 340 000, ont fait des études postsecondaires. Je le répète. Il y a 800 000 personnes handicapées qui ne travaillent pas même si leur handicap ne les empêche pas de travailler, et près de la moitié d’entre elles ont fait des études universitaires.
Les faits montrent qu’elles veulent désespérément travailler et qu’elles cherchent des possibilités d’emploi, mais que de nombreux obstacles les empêchent d’y arriver. Bon nombre des obstacles physiques sont abordés dans ce projet de loi, mais d’autres obstacles gouvernementaux subsistent.
Les programmes de soutien du revenu et autres programmes de soutien social pénalisent souvent les personnes handicapées qui travaillent. Permettez-moi de citer un organisme qui s’appelle Return on Disability. C’est un organisme qui investit en particulier dans les entreprises qui se distinguent au chapitre de l’embauche de personnes handicapées et du service aux clients handicapés. Je cite:
Les données empiriques indiquent que ces programmes constituent un obstacle à l'emploi. En effet, les personnes qui tentent de se bâtir une carrière devront à un moment donné renoncer à leurs prestations.
Je vais donner un exemple. En Alberta, lorsqu'une personne handicapée qui travaille au salaire minimum gagne plus de 1 150 $ par mois, elle risque de perdre presque l'entièreté de ses prestations d'invalidité. Il faut 12 jours complets pour gagner ce montant au salaire minimum. Le 13e jour, le gouvernement commence à réduire la prestation de 1 $ par dollar gagné. En plus de cette baisse, le travailleur paie de l'impôt sur le revenu et des charges sociales, sans oublier l'essence et la taxe sur le carbone pour le déplacement. Toutes ces retenues et ces dépenses peuvent faire en sorte qu'une personne perde 1,25 $ par dollar gagné. On parle d'un salaire négatif. Chaque heure supplémentaire travaillée appauvrit la personne. Paradoxalement, le gouvernement qui était au pouvoir en Alberta a augmenté le salaire minimum tout en punissant les travailleurs qui le recevaient. Plus le salaire augmente, plus la récupération est importante. Dans les faits, la situation de la personne empire.
Ces désincitations au travail ne sont pas seulement décourageantes, elles peuvent aussi être effrayantes. En Alberta, une personne handicapée célibataire perd la prestation du Régime de prestations de maladie pour adultes de l’Alberta lorsqu’elle gagne plus de 16 580 $. La situation est presque aussi mauvaise en Ontario. Les personnes handicapées qui touchent des prestations de soutien au revenu du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées sont pénalisées si elles travaillent. En termes simples, pour chaque 2 $ de plus qu’elles gagnent au-delà de 200 $ par mois, les prestations du POSPH sont réduites de 1 $, ce qui s’ajoute aux autres mesures de récupération de prestations pour le logement, les services de garde d’enfants, le transport en commun et l’assurance-médicaments qui pourraient payer des appareils de mobilité, des appareils auditifs et visuels, des fournitures médicales, des appareils respiratoires, des allocations de transport et ainsi de suite.
Ces pénalités ont pour effet de rendre pratiquement impossible de travailler pour les nombreuses personnes handicapées qui souhaitent désespérément le faire. C’est ce que nous appelons le taux effectif marginal d’imposition, une manière sophistiquée de décrire ce que les gens perdent pour chaque dollar qu’ils gagnent. Les données nous révèlent que cela a un effet sur la capacité à travailler des gens dans ces situations. Selon Statistique Canada, 94 000 personnes handicapées affirment que la raison pour laquelle elles ne travaillent pas, c’est qu’elles perdraient l’aide financière additionnelle qu’on leur donne. De plus, 84 000 personnes ne travaillent pas parce qu’elles pensent que leur revenu diminuerait si elles le faisaient. Ces chiffres proviennent d’enquêtes de Statistique Canada et ne comprennent que les personnes qui avaient déjà travaillé ou qui ont dit être physiquement capables de le faire.
Décortiquons ces chiffres. Près de 100 000 Canadiens handicapés et physiquement capables de travailler ont dit à Statistique Canada qu’ils ne travaillent pas parce que les programmes gouvernementaux les puniraient s’ils le faisaient.
Bien entendu, la solution à ce problème consiste à rajuster notre régime d’imposition et de prestations à tous les paliers de gouvernement de manière à ce que les gens gagnent toujours plus en salaire que ce qu’ils perdent à cause de mesures de récupération et d’impôts. Il y a plusieurs façons d’y parvenir.
Premièrement, nous pourrions adopter la Loi sur les possibilités pour les travailleurs handicapés, un projet de loi que j’ai présenté au début de la présente législature et qui a reçu l’appui de députés du NPD, du Parti vert et de certains députés libéraux. Ce projet de loi assortirait le Transfert canadien en matière de programmes sociaux de la condition que les provinces rajustent leurs régimes d’imposition et de prestations de manière à ce que les gens conservent toujours plus de rémunération que ce qu’ils perdent en taxes et en mesures de récupération.
Deuxièmement, nous pourrions envisager d’ajuster le supplément pour personne handicapée de l’Allocation canadienne pour les travailleurs et le crédit d’impôt pour personnes handicapées, qui offrent tous deux la possibilité de rendre le travail plus gratifiant financièrement. C’est Jim Flaherty qui avait conçu cette prestation à l’origine. Elle s’appelait à l’époque la Prestation fiscale pour le revenu gagné. Il pensait tout particulièrement aux personnes handicapées, parce que c’était bien sûr une passion de longue date pour lui.
L’idée était essentiellement de donner aux travailleurs à faible revenu, et en particulier aux travailleurs à faible revenu handicapés, une augmentation de salaire sur le revenu gagné, leur permettant ainsi de franchir le mur de l’aide sociale qui retient tant de travailleurs très travaillants et prometteurs.
Pour les personnes qui s’accrochent encore à de vieux stéréotypes au sujet des personnes handicapées, il y a d’innombrables exemples de personnes qui ont des réalisations et un potentiel incroyable au travail. Des histoires vécues corroborent cette affirmation.
Comme le père d’un enfant autiste l’a écrit: « La charité, c’est un bon début, mais elle ne change pas la donne […] La charité n’était pas ce dont les gens comme mon fils avaient vraiment besoin: ils avaient besoin d’un emploi. Seul un emploi pourrait leur donner une place dans le monde ». Randy Lewis, ce père, a créé des emplois pour des gens comme son fils.
En tant que vice-président principal chez Walgreens, il a lancé une vaste campagne en vue d’embaucher environ 1 000 personnes handicapées au centre de distribution du géant de la vente au détail. Dans son livre remarquable intitulé No Greatness without Goodness, il écrit: « Avec un travail rémunéré […] ils feraient partie de notre monde — ils ne seraient pas relégués dans l’ombre et dépendants de la charité d’étrangers. Le travail remplirait leurs journées, leur offrirait des défis sains et leur fournirait des relations. Le travail serait synonyme d’indépendance ». Ce blitz d’embauche de 1 000 personnes s’est transformé en un énorme succès financier pour Walgreens.
D’après l’entreprise, les centres de distribution, qui sont incroyablement compétitifs et qui rivalisent pour des fractions de sous, qui exigent un taux d’exactitude de 100 % en ce qui concerne l’acheminement des produits dans le système, ont été efficaces et rentables même pendant la période de transition, grâce à la décision d’embaucher 1 000 personnes handicapées pour effectuer ce travail important, et non en dépit de cette décision. Ces personnes ont gagné un plein salaire et effectué le même travail que tous les autres employés, souvent mieux qu’eux.
Nous avons des anecdotes similaires au Canada.
Mark Wafer, propriétaire d’une franchise Tim Horton’s, a embauché un jeune homme atteint du syndrome de Down nommé Clint. Il s’est révélé être son meilleur et plus loyal employé. Il s’acquittait des mêmes tâches que ses collègues et gagnait le même salaire, sans subvention salariale de l’État ni présence de pure forme au travail. Il arrivait tôt, partait tard et n’arrêtait jamais de travailler de la journée.
Cette attitude a impressionné son patron, qui avait lui-même surmonté un handicap. « J’ai grandi en étant sourd à 80 % et j’ai dû me battre pour mes droits, dit Wafer, qui possède cinq franchises Tim Horton’s, mais j’ai toujours cru que la seule façon de vivre pleinement sa vie est d’avoir un chèque de paye et ce chèque de paye doit venir du secteur privé ».
Wafer a joint le geste à la parole et il emploie maintenant plus de 100 travailleurs handicapés, des gens comme Clint. De plus, il a clairement indiqué qu’il s’agissait d’une décision d’affaires. Ses cinq franchises figurent parmi les plus prospères de toute la chaîne Tim Horton’s, surpassant les moyennes d’autres groupes de référence sur les mesures du succès, y compris la rapidité du service à la clientèle et la rentabilité absolue de ces franchises.
De fait, il se prend souvent à rire lorsqu’il compare le rendement de ses employés avec le rendement de soi-disant VIP qui se présentent à l'occasion du Jour des camps, des gens comme des politiciens et des célébrités du monde du sport qui travaillent chez Tim Horton’s un jour par année pour amasser des fonds pour les camps Tim Horton’s. Il a comparé les statistiques du temps qu’il faut pour servir les clients ce jour-là avec la rapidité avec laquelle ses employés, qui sont handicapés, réussissent à servir ces mêmes clients et ils montrent que les soi-disant VIP sont totalement déclassés.
Il a démontré le succès et le potentiel énormes à saisir en tendant la main à des personnes handicapées en les embauchant. En réalité, ce ne sont pas que des anecdotes. Parmi le million de Canadiens handicapés qui travaillent, 328 000 ont des handicaps graves ou très graves.
Nous savons qu’il est possible de reproduire ce genre de succès. Comme je l’ai dit tout à l’heure, dans la franchise Tim Horton's de Mark Wafer, le roulement était seulement de 40 % par an, alors que la moyenne de l’industrie était de 100 %. Il a réduit le roulement en embauchant des personnes handicapées. C’était important parce que tout changement de personnel lui coûtait 4 000 $. Mark Wafer dit que, d’après 16 indicateurs utilisés pour mesurer les activités des magasins, son entreprise fait mieux que les autres, ce qu’il résume ainsi: « Je ne dirige pas une meilleure affaire, j’ai un meilleur personnel. »
De même, les deux centres de distribution de Walgreens, où 40 % des employés sont des personnes handicapées, sont devenus les plus performants de l’histoire de l’entreprise. Je cite: « Une fois qu’ils se mettent à la tâche, la plupart sont très concentrés. Non seulement ils ne rechignent pas au travail, mais ils ne veulent pas démissionner. » Ils trient, emballent et expédient des milliers de produits différents destinés à des dizaines de magasins par semaine, ce qui représente des millions de dollars. Il faut qu’ils soient rapides, économes et impeccables. La moindre erreur ferait partir des produits au mauvais endroit et des clients mécontents de trouver des étagères vides fileraient chez les concurrents.
Voici ce qu'il a déclaré à propos de la gestion chez Walgreens: « Nous étions tous d’accord que dépenser plus d’argent n’était pas ce qu’il fallait. Personne n’avait besoin de le dire. C’était comme ça. Dans une entreprise où la différence entre réussir et échouer se calcule au huitième de sou près, les pertes arrivent rapidement et peuvent être catastrophiques ».
Il a souligné que son approche intransigeante axée sur l’entreprise était parfaitement compatible avec le fait de compter des personnes handicapées parmi son personnel. En fait, beaucoup d’entre elles faisaient mieux que les employés sans aucun handicap apparent.
Au Canada, nous avons de très beaux exemples d’innovations. À Calgary, une entreprise appelée Meticulon aide des autistes à devenir consultants en technologie de l’information. Ils peuvent gagner 24 $ de l’heure en travaillant dans les TI, principalement dans le secteur de l’énergie de Calgary, mais dans d’autres domaines aussi à présent.
Il y a également la possibilité de toucher un plus gros marché. D’après Return on Disability, plus d’un milliard de personnes dans le monde sont handicapées, ce qui représente un marché total de clients égal à un pays pratiquement de la taille de la Chine. Il y a des possibilités d’affaires importantes pour les propriétaires d’entreprise assez malins pour embaucher des personnes handicapées et pour servir des clients handicapés.
Nous devons éliminer certains des obstacles gouvernementaux qui empêchent d’avancer. En ce moment, le plus important, ce sont les taux effectifs marginaux d'imposition élevés qui punissent les personnes, pas seulement les personnes handicapées, mais tous les prestataires de l’aide sociale, qui prennent la décision courageuse d’intégrer le marché du travail. Avec ces taux, nous dupons les gens, nous les privons de possibilités et nous ne reconnaissons pas leur volonté, qui est semblable au nôtre, d’apporter leur contribution à l’humanité.
Travailler est un besoin fondamental, pas seulement pour gagner sa vie, mais bien pour vivre. Le travail apporte la dignité, comme le disent si bien les paroles célèbres de Martin Luther King. Le travail, quel qu'il soit, apporte la dignité. Martin Luther King disait que si quelqu’un est un balayeur de rue, il doit balayer les rues comme Beethoven composait de la musique, balayer les rues comme Michel-Ange peignait, balayer les rues comme Shakespeare faisait des vers, balayer les rues si bien que quand il entrerait au paradis, il serait accueilli comme le grand balayeur des rues qui avait si bien fait son travail.
Saisissons cette occasion, tous unis dans un même objectif, pour reconnaître la dignité intrinsèque de chaque personne, y compris et surtout toutes celles qui ont surmonté un handicap et des difficultés, et ouvrons-leur la voie pour qu’elles réalisent leur plein potentiel.
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Monsieur le Président, je suis ravi d’être ici juste avant la période des questions, car c’est toujours un moment où les partis adoptent tous des positions diamétralement opposées et où c’est plutôt mouvementé. Pour l’instant, donc, nous discutons de sujets sur lesquels nous nous entendons à peu près. Nous avons peut-être des approches différentes, mais nous recherchons le même résultat.
Premièrement, il est très important de confirmer que ce projet de loi sera adopté, puisqu’il a l’appui des députés de tous les partis ici représentés. Nous avons peut-être des idées différentes sur la façon dont le projet de loi devrait être articulé ou sur la façon dont il devrait être amélioré pour avoir plus d’impact sur les gens qui en ont besoin, mais nous nous entendons tous pour dire que c’est un pas dans la bonne direction. En tout cas, les parties prenantes reconnaissent toutes que c’est un pas dans la bonne direction.
Comme l’a dit mon collègue, il est évident que ce projet de loi va être adopté, et par conséquent, la discussion que nous avons aujourd’hui est une simple conversation. Nous en profitons donc, en tant que députés élus par la population canadienne, pour débattre de certaines questions, pour discuter de la façon dont le processus pourrait être amélioré ou pour voir comment ce projet de loi aura un impact.
Dans cette optique, j’aimerais commencer par parler de ce qui a bien marché dans tout ce processus. Premièrement, je voudrais féliciter tous ceux qui y ont participé, les parties prenantes et les personnes handicapées, d’avoir réussi à trouver un terrain d’entente. L’incapacité à s’entendre est trop souvent l’ennemi du progrès. On se retrouve au milieu d’une cacophonie d’idées provenant de toutes sortes de personnes qui préconisent à peu près les mêmes choses, mais avec des moyens différents. Dans ce genre d’environnement, il est très difficile pour les décideurs, quelle que soit leur allégeance politique, de prendre des décisions.
Des alliances se sont formées au cours de ce processus. Des alliances entre des organisations qui avaient des intérêts différents, mais qui se sont rassemblées pour défendre un objectif commun. Je veux parler d’organisations comme l’Alliance pour une loi fédérale sur l’accessibilité et l’AODA. David Lepofsky, qui est un défenseur infatigable de la cause, Bill Adair, qui est ici présent, et bien d’autres ont fait partie de ce processus. En ayant trouvé ce terrain d’entente, nous pouvons aujourd’hui avoir cette conversation, où tous les partis sont d’accord.
J’aimerais expliquer un peu pourquoi ce projet de loi est si important pour moi. Je crois que tous les députés savent que j’ai un fils autiste, Jaden, qui a maintenant 23 ans et qui, à bien des égards, se comporte comme un enfant de trois ou quatre ans dans le corps d’un jeune de 23 ans. Il ne s’exprime pas verbalement, mais il a des aptitudes extraordinaires. Si on lui en donne l’occasion, il peut offrir quelque chose d’incroyablement significatif à notre société et à notre pays.
En racontant cette histoire, le meilleur exemple que je puisse donner en matière de perception provient d’une entrevue que nous avons réalisée, il y a six ans, avec Steve Paikin pour The Agenda. Nous avons fait cette entrevue avec Jaden et sa sœur Jenae, qui avait 13 ans à l’époque. Steve, qui connaît Jaden et Jenae et qui a un réel intérêt à les faire parler de leur histoire, avait alors demandé à Jenae si elle aurait aimé que Jaden soit « normal », comme tous les autres enfants. Jenae, du haut de ses 13 ans, lui avait répondu sans hésiter: « Eh bien, honnêtement, étant donné que Jaden a reçu un diagnostic d’autisme avant ma naissance, je ne sais pas exactement à quoi ressemble un frère normal, alors Jaden est normal pour moi. »
Steve a un peu insisté et lui a demandé si elle l’aimait comme il était. C’était une question facile, du genre de celle que l’on ne pose pas souvent à la Chambre. Du tac au tac, elle a répondu que si Jaden n’était pas autiste, s’il était guéri ou quelque chose du genre, le Jaden que nous avions maintenant nous manquerait beaucoup. Je mentionne toujours cette anecdote et la sagesse de cette enfant de 13 ans aux étudiants universitaires à qui je présente des exposés partout au pays et, en fait, à quiconque est prêt à m’écouter.
Ce que j’ai appris de cette entrevue, en y réfléchissant au fil des ans et après avoir raconté cette histoire plusieurs fois, c’est que cela m’a fait penser à ce qui est normal pour moi et peut-être un peu à ce qui est normal pour Jenae, en ce sens que Jenae n’a jamais vraiment eu le choix. Nous sommes sa famille. Elle a trois ans et demi de moins que Jaden.
L’école que mes enfants ont fréquentée, qui va de la maternelle à la 12e année, avait le choix. Elle a choisi d’inclure Jaden dans une classe ordinaire avec un aide à temps plein.
Lorsque nous avons choisi d’inscrire Jaden dans cette école et que nous avons fait le choix d’exercer des pressions pour qu’il ait un aide à temps plein, nous avons défendu Jaden. Nous pensions que c’était ce qui serait le mieux pour lui. Nous ne connaissions pas le jeune homme de 23 ans que Jaden allait devenir, mais Jaden, l’enfant de cinq ans à l’époque. Nous pensions que c’était la meilleure façon pour lui d’être scolarisé.
Au fil des ans, les élèves qui s’étaient trouvés dans la même classe que Jaden se sont confiés à nous. Ils nous ont dit que le fait de connaître Jaden avait énormément amélioré leur vie, parce qu’ils avaient développé une perception différente du monde.
Je vais fêter mes 50 ans la semaine prochaine. Ma réalité, à 50 ans, quand j’y pense et si vous pouvez imaginer un jeu vidéo, c’est un cercle qui m’entoure et qui s’arrête là où je ne vois plus rien. Ma réalité, en fait, c’est ce cercle qui me suit depuis 50 ans. Dans cet édifice, il comprendrait tous les gens que je peux voir. Parfois, un écran de télévision s’y introduit. D’autres fois, un ordinateur nous montre quelque chose qui ne se trouve pas dans ce cercle, mais notre réalité, ce qui est normal pour nous, c’est ce qui nous entoure.
Si, tout au long de notre vie, nous n’incluons pas dans ce cercle des gens comme Jaden, notre vie en souffrira terriblement. En examinant ce projet de loi, pensons donc à l’importance de créer un milieu dans lequel tous les Canadiens sont inclus dans tous les aspects de notre société. Je nous encourage tous à penser à ce cercle et aux points forts dont nous sommes dotés. Si notre cercle ne comprend que les gens qui nous ressemblent et qui ont les mêmes points forts que nous, alors ces points forts ne sont pas vraiment des atouts puisque tout le monde est doté des mêmes forces. Si notre cercle ne comprend que des gens qui ont les mêmes faiblesses que nous, nos faiblesses seront plus marquées, parce que personne dans notre cercle ne possédera les capacités et les compétences nécessaires pour les surmonter.
Jaden transforme notre façon de penser. D’innombrables Canadiens ont été exclus de nos lieux de travail, de nos écoles et de tous les milieux dans lesquels nous vivons. Nous nous sommes privés de la compagnie de personnes dotées de capacités et de compétences incroyables, parce que nous n’avons pas pris la peine de créer les circonstances nécessaires et les occasions de les inclure. En prenant de telles décisions, nous avons réduit la valeur de notre société.
Aujourd’hui, en discutant de ces enjeux, nous avons l’occasion de corriger cette erreur. Nous voyons et nous entendons des collègues dans toute la Chambre qui apprécient cette occasion.
Je sais que mon temps de parole tire à sa fin, alors je vais conclure. Je siège à la Chambre depuis 13 ans. Il est très rare que tous nos collègues s’entendent sur un enjeu aussi important que celui-ci. Je me réjouis de me joindre à mes collègues de tous les partis pour appuyer ce projet de loi qui nous permet de faire une avancée cruciale.