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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 025 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 28 septembre 2016

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Bienvenue, tout le monde.
    Je mentionnerai qu'Yvonne Jones, la secrétaire parlementaire de la ministre des Affaires autochtones et du Nord, est avec nous aujourd'hui, tout comme Hunter Tootoo, le député du Nunavut.
    Bienvenue à vous deux.
    Joël Lightbound siège aujourd'hui pour Rémi Massé, et Alistair MacGregor pour Charlie Angus, alors il y a des visages différents à la table aujourd'hui.
    Bienvenue à vous tous.
    Je vais commencer par reconnaître le fait que nous nous réunissons aujourd'hui sur un territoire traditionnel algonquin et que nous en sommes très reconnaissants, comme nous le sommes à l'occasion de toutes les séances.
    Aujourd'hui, nous entendrons deux groupes de témoins. Durant la première heure, nous accueillons la Leave Out Violence Nova Scotia Society. Cette organisation est représentée par trois personnes. Je voudrais vous présenter Sarah MacLaren, la directrice exécutive; Shurenda Michael, une jeune leader de LOVE; et Richard Taylor, chef des opérations.
    Je vais passer les règles en revue. Nous sommes heureux de vous laisser prendre la parole pour des périodes allant jusqu'à 10 minutes. Quand nous en serons à environ neuf minutes, je montrerai une carte jaune, ce qui voudra dire que la fin approche. La carte rouge signifie que vous êtes prié d'en venir au fait le plus rapidement possible et que nous allons ensuite passer aux questions.
    J'utiliserai les mêmes cartes pour les questions des membres du Comité, qui sont également chronométrés.
    Sur ce, je suis heureux de vous céder la parole afin que vous partagiez les 10 minutes entre vous comme bon vous semble.
    Je m'appelle Shurenda Michael. Je viens de Shubenacadie. Je suis étudiante en troisième année à l'Université Saint Mary's.
    La séance d'aujourd'hui est importante pour moi parce que, quand j'avais 12 ans, j'ai dit à ma famille que je voulais me tuer. Ma mère a réagi en disant: « Je vais te tuer avant que tu ne le fasses par toi-même ». Voilà la réaction qu'elle a eue. Plus tard ce jour-là, mon grand-père, qui travaillait dans la GRC à l'époque, est rentré à la maison, et les membres de ma famille m'ont dit: « Il faut que tu lui avoues ». J'ai dit: « D'accord ». Je lui ai avoué en lui disant: « Je veux me tuer ». Il m'a demandé: « Quel est ton plan? » J'avais 12 ans, à l'époque, et j'ai répondu: « Je n'ai pas de plan; je ressens simplement de la douleur. » Il a dit: « Quand? Pourquoi? » et il m'a posé toutes les questions et a communiqué avec moi, et il était important pour moi de me rendre compte que je n'étais pas la seule à vivre dans cette situation. Il a déclaré « Dure journée au travail, disputes familiales. » Il pensait la même chose. Cela m'a étonnée, et je n'arrivais pas à croire qu'une personne qui était aussi respectable à mes yeux, et si forte, était brisée, elle aussi. Ce n'était pas seulement moi.
    Une autre raison pour laquelle ce sujet me touche tant, c'est que ma mère a perdu sa meilleure amie quand elle avait 22 ans — elle venait tout juste d'accoucher de moi — parce qu'elle s'était suicidée. Ma mère ne savait pas que, 19 ans plus tard, je traverserais la même épreuve en perdant un ami. Elle s'était toujours demandé pourquoi et ce qu'elle aurait pu faire. Elle se culpabilisait toujours à ce sujet.
    C'est une affaire intergénérationnelle, dans ces collectivités. Ce n'est pas qu'une génération; ce n'est pas seulement ma génération. Cela fait 20 ans qu'elle a perdu sa meilleure amie, et puis j'ai perdu un ami proche qui s'est suicidé.
    L'élément que je trouve important, c'est que nous laissions cette stigmatisation à la porte, car la stigmatisation liée au fait de dire: « Oh, tu traverses simplement une mauvaise journée; tu n'as pas une mauvaise vie » ne nous laisse pas donner d'explications, et il y a beaucoup de: « C'est toi le problème qui est à la source de tout » et de « Tu veux faire craquer tout le monde », alors qu'en réalité, ce n'est pas ce que nous voulons; nous voulons seulement obtenir de l'aide. Nous voulons pouvoir le dire aux gens. Quand ma mère m'a dit qu'elle allait me tuer avant que je ne le fasse moi-même, je me suis sentie encore plus comme une grave erreur.
    Mon père n'était pas dans ma vie, alors ma mère a téléphoné à mon père avant l'intervention de mon grand-père. J'ai demandé à mon père: « Pourquoi n'étais-tu pas là pour moi? » Il a répondu: « Je ne sais pas. » Il n'avait pas de réponse à me donner. À 12 ans, cela m'a donné l'impression que j'étais une erreur pour mon père, et cela m'a fait souffrir encore plus. Quand mon grand-père m'a serrée dans ses bras et m'a dit: « Ça va. Je me suis déjà senti comme ça, moi aussi » et qu'il a communiqué avec moi, cela m'a donné l'impression que je n'étais pas la seule à vivre cette situation. Le fait d'ouvrir cette porte et d'être en mesure de communiquer le fait qu'on n'est pas la seule personne à ressentir cette souffrance m'a rendu capable de...
    Je sais que je la ressens de temps à autre parce que je fréquente l'université, et je laisse mon anxiété et ma dépression me ronger de temps en temps encore aujourd'hui, mais, maintenant, je dispose de divers moyens de communiquer. Je bénéficie du soutien du programme LOVE et de divers services de soutien, maintenant.
    Voilà ce que j'avais à dire.
    Merci infiniment, Shurenda.
    Il reste beaucoup de temps, Sarah ou Richard.
    On m'a dit que, si on se suicide, on va en enfer. On m'a dit que, si on se suicide, on peut aller dans les limbes. C'est à l'école catholique que je fréquentais qu'on m'a dit cela, c'est-à-dire l'école secondaire catholique Lester B. Pearson, sur Jasmine Crescent, ici, à Ottawa. Chez moi, ma mère craignait beaucoup que les membres de ma famille, mes frères et soeurs, elle-même, son époux et moi-même aboutissent d'une quelconque façon en enfer. C'est sa mère qui lui avait enseigné cela. Elle l'avait appris du pensionnat indien, à l'époque. La peur était un mécanisme d'enseignement, alors dès que je dépassais les limites, la peur s'installait. Dès que mes frères et soeurs dépassaient les limites, la peur s'installait. Ma mère m'aime, et elle aime mes frères et soeurs. Elle aime ses petits-enfants. Elle vit maintenant dans le regret.
    Les effets des pensionnats indiens et, dans une plus grande mesure, d'un modèle sociétal eurocentrique général, transcendent la majeure partie de ce à quoi nous faisons face aujourd'hui, car la situation perdure depuis 500 ans.
    Je travaille maintenant auprès des jeunes, et je le fais depuis de nombreuses années. Je vois tous les symptômes. Je vois ceux qui sont fragmentés. Je vois ceux qui ont des problèmes d'incarcération, ceux qui ont peut-être perdu des membres de leur famille de façon violente, y compris par le suicide. J'espère que, grâce à la communication et aux récits de leurs histoires, dans le respect de leurs conditions et doucement, au fil du temps, ils guériront effectivement parce qu'ils ont pu déballer les expériences traumatisantes qu'ils ont vécues.
    J'espère que le Comité tiendra compte de cela dans ses processus. La guérison fait partie de l'histoire. L'histoire est dans la personne. Une guérison collatérale peut avoir lieu à l'échelon communautaire.
    Welálin. Merci.
(1535)
    Salut. Je suis la voix la moins crédible parmi mes collègues ici présents. La seule raison pour laquelle j'ai l'occasion de m'asseoir ici aujourd'hui, c'est que des gens ont eu la gentillesse et la générosité de m'enseigner, alors je veux reconnaître la contribution de mes enseignants.
    Je formulerai trois arguments très brefs. Vous pourrez me poser des questions à leur sujet quand mon temps de parole sera écoulé.
    Premièrement: pour la plupart d'entre nous qui appartenons à la classe dominante — celle des Blancs, privilégiés —, si nous voulons faire ce travail avec le moindrement d'intégrité, nous devons faire preuve d'humilité. Nous avons l'habitude de dominer les espaces, l'économie, la langue et les conversations. Nous y sommes habitués. Nous ne serons pas efficaces si nous entrons dans des espaces en affichant cette attitude. Il faut de l'humilité. Afin d'établir un partenariat marqué par la confiance, nous devons faire preuve d'humilité et devenir des écoutants et des apprenants.
    Deuxièmement: je veux simplement aborder la politique. Cette question est trop importante.
    Je suis désolée, mais je suis vraiment distraite par votre placotage. Je ne veux pas être impolie; je ne peux simplement pas le supporter.
    Quelle que soit la décision que prendra le Comité, elle ne peut pas être victime de la politique de parti. Elle est plus importante que le mandat d'un parti. Elle est plus importante que le prochain parti qui prendra le pouvoir. Si Ottawa ne peut pas s'entendre sur toutes les lignes de parti, vous êtes dans le pétrin, car la solution nécessitera tellement de temps, d'engagement et de persistance, que tout le monde doit s'entendre sur ce que vous allez faire. C'est plus important que le parti que vous appuyez ou auquel vous appartenez. Des gens meurent.
    Troisièmement, je m'adresse à ceux d'entre vous qui sont des bailleurs de fonds. Je pense qu'au bout du compte, une décision sera prise quant à la façon dont vous dépenserez votre argent pour régler ce problème. Vous devez faire quelque chose de radicalement différent de ce qui a été fait. Le temps est venu de faire participer des cerveaux créatifs au processus afin de déterminer comment vous allez dépenser votre argent. Quiconque exploite un organisme sans but lucratif sait que l'argent va à celui qui rédige la meilleure demande de subvention. L'argent est accordé à la personne qui sait le mieux le faire. Il ne pénètre pas toujours dans la communauté.
    La solution à ce problème est dans les relations. Elle est profondément humaine. L'adoption d'une approche bureaucratique se soldera par un échec. Vous devez vous organiser pour que l'argent se rende à l'Aîné qui nourrit cinq enfants parce qu'ils ont faim. Vous devez vous organiser pour qu'il se rende à l'homme qui exploite la suerie afin qu'il puisse acheter du bois pour exploiter sa suerie. Vous devez vous organiser pour que l'argent pénètre dans la communauté, et cela exige une approche créative quant à votre mode de financement.
    C'est tout ce que j'ai à dire. Merci de m'avoir entendue.
(1540)
    Merci beaucoup à chacun d'entre vous pour votre témoignage. Nous allons passer directement aux séries de questions des députés.
    La première question de la journée est posée par Michael McLeod.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins. Je m'excuse d'être un peu en retard.
    Nous venons tout juste de revenir de la visite d'un certain nombre de collectivités dans le Nord. Kuujjuaq en faisait partie, tout comme Iqaluit. Je viens des Territoires du Nord-Ouest, et nous discutons de la crise de suicides qui a lieu dans nos collectivités. Nous croyons qu'au Yukon, au Nunavut, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Nunavik et au Labrador, au cours des 15 dernières années, bien plus de 1 000 personnes se sont suicidées.
    Quand nous parlons de solutions, on soulève des aspects comme le logement et le surpeuplement, qui présenteraient d'énormes problèmes. Je pense qu'un certain nombre des organisations qui nous ont présenté des exposés ont déclaré que, si nous pouvions régler le problème du logement, cela réglerait probablement la moitié des problèmes.
    Il a également été déclaré que nous devons guérir les gens qui sont passés par les pensionnats. Les enfants nous disent: « Guérissez nos parents ».
    L'économie, bien entendu, est une autre chose qui est vraiment lacunaire. Une économie saine qui fournit des emplois et de la formation est tout simplement inexistante dans ces régions.
    Je ne connais pas bien votre coin de pays, alors je veux vous demander quels facteurs et situations, selon vous, contribuent au fait que les jeunes ressentent un sentiment de désespoir ou présentent des problèmes de santé mentale. Est-ce la dépression? Est-ce l'anxiété? Pourriez-vous en dire un peu plus à ce sujet?
    Nos problèmes sont pas mal les mêmes que ceux du Nord. Au Cap-Breton, il y a actuellement une collectivité où l'eau est brune parce que son réservoir d'eau n'a pas été réparé, alors les gens ne peuvent pas cuisiner avec leur eau ni se doucher. Ensuite, il y a le logement. Il s'agit de mon aspect personnel; auparavant, nous logions trois générations dans une maison. Chez moi, nous étions environ 17 personnes dans une maison à deux chambres avec un sous-sol. C'était quand j'avais environ 12 ans, alors à peu près l'époque où j'étais prête à mettre fin à mes jours. Par ailleurs, c'est beaucoup une question d'emploi. À Eskasoni — cette communauté est située à environ une heure de route de la ville —, si on n'a pas de véhicule ou de permis, comment est-on censé obtenir un emploi, si on ne peut pas s'y rendre?
    Comment sommes-nous censés faire cela quand nous sommes isolés? Comment sommes-nous censés parler aux gens, quand nos Aînés ont subi les pensionnats et ne savent pas comment parler des choses? Je sais que mon grand-père me disait que mon père ne parlait jamais des choses, et il était allé au pensionnat. Je ne sais trop comment, mon grand-père a participé à des programmes et à des trucs. Je sais que, quand il était jeune, avec ma mère... Ma mère me disait: « Tu as vu un autre homme que moi; tu as vu l'homme guéri qui se tient devant nous aujourd'hui. J'ai eu l'homme brisé. » Elle avait beaucoup de ressentiment lié au fait que son père était un père pour moi au lieu du père qu'il avait été pour elle. C'est beaucoup lié à cela aussi. C'est la même chose, là-bas. Ma communauté est située à environ 20 minutes de Truro et à une heure de Halifax, mais nous ne pouvons toujours aller nulle part parce qu'on nous met à ces endroits où nous nous sentons isolés. Notre communauté n'a même pas pu obtenir une sortie d'autoroute. Il faut 20 minutes pour se rendre à l'autoroute depuis ma communauté, alors qu'une sortie aurait pu être ajoutée directement au viaduc, et le trajet ne prendrait que cinq minutes.
(1545)
    Merci de cette réponse.
    Il est intéressant de constater que, bien que nous soyons répartis dans l'ensemble du pays en tant qu'Autochtones, nous faisons face à un très grand nombre des mêmes difficultés. Les communautés de ma circonscription se trouvent à côté d'une mine de diamant; pourtant, la plupart des gens n'arrivent pas à trouver le moyen de se rendre au travail parce qu'elle se trouve à trois heures de route. Seules les femmes peuvent obtenir un emploi, car aucun des hommes ne peut passer la vérification du casier judiciaire. Ils en ont tous un qui date de leur jeunesse, et ils n'arrivent pas à le faire effacer. Il faut 10 ans pour effacer un casier judiciaire, pour obtenir un pardon.
    L'une des choses dont nous avons entendu parler concernant les collectivités de Kuujjuaq et d'Iqaluit, c'était le besoin de centres de crise, de centres familiaux et de centres culturels. Je n'arrête pas de penser à cette recommandation, mais je regarde aussi ce que nous avons déjà dans toutes les régions du Canada, c'est-à-dire le programme de centres d'amitié. Au Nunavut, je pense qu'il n'y en a qu'un, alors il n'est pas tellement présent là-bas. Votre collectivité offre-t-elle une telle installation ou un tel programme, qui pourrait mettre en oeuvre des programmes sportifs, culturels, linguistiques ou régler les problèmes de santé mentale s'il était bien financé?
    À l'intérieur de la ville de Halifax, il y a le Mi'kmaw Friendship Centre, qui dirige un éventail de programmes pour la population autochtone de la ville. Au sein de la communauté de Sipekne'katik, où LOVE exécute nos programmes, nous avons une jeune coordonnatrice qui dirige un certain nombre d'activités diverses à l'intention des jeunes de la communauté. Il y a de la constance à ce chapitre. Il s'agit d'un poste qui n'a été créé que récemment, et il est très fructueux. Elle accède au gymnase et y organise un certain nombre d'événements. La plus importante plainte que nous recevons des jeunes, c'est qu'il n'y a pas assez d'événements qui ont lieu la fin de semaine. C'est la fin de semaine que les choses les plus horribles se produisent. Quand les jeunes sont laissés à eux-mêmes, ils se retrouvent souvent à faire des choses comme la fête, des beuveries, et ainsi de suite. Voilà. Il s'agit d'un élément d'un tableau d'ensemble.
    Je voudrais aborder la question précédente. Si un enfant qui a subi une expérience traumatisante depuis sa naissance et qu'il est atteint, disons du syndrome d'alcoolisation fœtale, dès sa naissance, cet enfant fera face à des problèmes pour toute la vie. Alors que la personne doit faire face à ce problème depuis sa naissance — problème qu'elle n'a aucunement choisi —, il se pourrait également qu'un membre de sa famille soit décédé ou se soit suicidé, qu'il soit en prison ou soit porté disparu, et que son père boive, tout comme sa mère, et qu'elle vive dans une maison remplie de familles et d'un tas d'enfants qui font tous face aux mêmes problèmes et qui s'automédicamentent tous. Bien entendu, des problèmes vont survenir; c'est couru d'avance. Tant que le traumatisme n'aura pas été examiné et pris en compte, nous ne pourrons pas vraiment commencer à avancer. J'ai fait face au traumatisme dans ma vie en le cherchant dans la suerie et en faisant la danse du soleil. Toutefois, ça n'est pas pour tout le monde. Une partie de la solution doit consister à examiner ce traumatisme et à admettre qu'il est très réel et que la société dans son ensemble a un rôle à jouer pour le régler.
    Merci.
(1550)
    Merci infiniment.
    La prochaine question sera posée par Arnold Viersen.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos invités de leur présence aujourd'hui.
    Nous entendons la plupart de nos témoins répéter les mêmes choses. L'ITK a élaboré ce qui est peut-être un beau modèle de façon de procéder. L'organisme présente les facteurs de protection et les facteurs de risque. Nous semblons avoir une idée assez claire de la cause de cette situation. Deux des choses qui me sautent vraiment aux yeux, ce sont la continuité culturelle et la force familiale. Il s'agit de deux aspects que l'ITK a décrits comme étant des facteurs de protection, alors si votre famille est intacte, si les membres de votre famille entretiennent tous une relation aimante les uns avec les autres, vous êtes beaucoup moins susceptible de vous suicider ou d'adopter d'autres comportements risqués.
    Nous semblons avoir cerné les problèmes; il y a toute une foule d'organisations de partout au pays qui travaillent à l'atteinte de cet objectif. J'imagine que la prévention du suicide n'est qu'un des aspects dont vous vous occupez et qu'aucune de ces choses ne se produit en vase clos. L'économie, la famille et l'éducation font toutes partie de la solution.
    Pourriez-vous nous donner un peu de détails au sujet de ce que fait votre organisation pour promouvoir des liens familiaux solides, la continuité culturelle et l'économie locale du point de vue de la production alimentaire?
    Merci de poser la question.
    Rich serait probablement meilleur que moi pour aborder ce sujet, à certains égards, mais je pense qu'il ne s'agit pas que de ce que vous faites; il s'agit de qui le fait. Il s'agit de doter les gens des compétences nécessaires pour faire les choses qui doivent être faites. À LOVE, nous faisons essentiellement tout ce que nos jeunes ont besoin que nous fassions. Oui, nous offrons un programme hebdomadaire dans le cadre duquel nous apportons de la nourriture; nous participons à des conversations; nous prenons part à des conversations que, dans la plupart des cas, d'autres personnes ne tiennent pas avec nos jeunes. Nous parlons de choses, et nos jeunes nous disent: « Oh, personne ne m'avait jamais parlé de cela auparavant; personne n'avait jamais parlé de mes forces; personne ne m'avait jamais dit que j'avais de la valeur; personne ne m'avait jamais dit ces choses ». Nous créons parmi un groupe de pairs un cercle de soutien motivé par les jeunes. Rich intervient pendant deux jours par semaine, et, essentiellement, il répond aux besoins de nos jeunes. Un tel doit présenter une demande d'inscription dans un collège communautaire; nous savons qu'il ne va pas le faire par lui-même. Un autre doit consulter le médecin et obtenir une ordonnance pour quoi que ce soit. Nous avons constaté que, ce qui fonctionne vraiment consiste essentiellement à ne pas donner de réponse toute faite à quoi que ce soit. Il s'agit essentiellement de demander aux personnes de quoi elles ont besoin, puis de leur fournir le soutien nécessaire pour qu'elles l'obtiennent, car les humains sont différents.
    C'est tout à fait le cas. Tout ce que vous avez décrit jusqu'à maintenant semble indiquer que vous faites face à une perpétuelle série de crises. Ce que je souhaite vraiment savoir, c'est si vous avez peut-être fixé un but à long terme, comme le renouvellement de la culture ou des liens familiaux, essentiellement. Je sais que la famille de chaque personne fait face à beaucoup de ces choses dans la culture canadienne dans son ensemble...
    Désolée, je vous interromps.
    Allez-y; il s'agit d'une discussion.
    Nous ne gérons pas que des crises.
    D'accord.
    Nous préparons les jeunes à peut-être un jour s'asseoir à une table comme celle-ci, si c'est ce qu'ils veulent. Ce n'est pas une crise; c'est du renforcement des compétences; c'est du renforcement de la confiance en soi; c'est de l'établissement de relations, afin qu'ils obtiennent ce résultat. Vous avez remis une carte. Qui sait ce que cette carte pourrait signifier pour Shurenda, un jour. On ne sait jamais. Ce sont ces liens et ces expositions que — encore une fois, en raison de l'isolement — nos jeunes n'ont pas. Concernant l'élément culturel, manifestement, ce n'est pas à moi d'en parler; ce serait plutôt à Rich.
(1555)
    En guise d'exemple, je crois que Shurenda est ici avec nous, en tant que jeune personne provenant de notre communauté, et que, comme l'a décrit Sarah, c'est quelque chose d'important pour elle. Je ne veux pas l'embarrasser en disant cela, mais Hunter est une personne qu'elle admire beaucoup. La voici, dans une situation où cela peut arriver, et, cela pourrait autrement ne pas se produire.
    Nous ciblons nos efforts sur la confiance. Quel que soit l'activité ou l'événement qui se déroule, il est secondaire à la confiance, ce qui signifie simplement que... Nous pourrions effectuer un exercice que nous appelons une « rédaction sans censure », dans le cadre duquel vous écrivez tout ce que vous voulez...
    Les jeunes aiment bien cet exercice.
    ... et il ne s'agit pas de l'exercice de rédaction; il s'agit d'avoir le droit d'écrire tout ce qu'on veut. Si tu dois consulter le médecin, tu as le droit de me dire qu'il faut que tu consultes le médecin. Je ne vais pas révéler tes secrets. Nous disons à nos jeunes qu'il n'y a que trois secrets que nous ne pouvons pas garder. Il s'agit des situations où tu vas te faire mal à toi-même, où tu vas faire mal à quelqu'un d'autre, ou bien une personne te fait du mal. Ce sont les seules occasions où nous allons trahir ta confiance. Nos jeunes sont très habiles, car ils nous disent des choses sans révéler le fait que c'est eux qui vivent la situation en question.
    Ainsi, notre cible principale, c'est la confiance. J'emmène les jeunes dans une suerie pour la première fois. Certains d'entre eux sont effrayés. D'autres ont peur parce que ce n'est pas catholique. Les membres de notre propre communauté sont réticents face à l'idée du traditionalisme. Dans la région de l'Atlantique, le catholicisme est si fort qu'il était là et qu'il est resté. Nous vivons avec cette réalité depuis très longtemps. Par conséquent, les membres de notre propre communauté résistent souvent aux vieilles façons de faire traditionnelles, et cette résistance s'enracine dans les enfants.
    Je l'accepte et leur dis que ça n'est pas grave; ils ne sont pas obligés d'entrer; ils peuvent simplement venir manger. Parce qu'il ne peut pas y avoir davantage de pression. Ils n'ont pas besoin de plus de pression. Ils en ont assez. Ils la portent tous les jours. Elle est banalisée, à leurs yeux. Le simple fait que c'est banal ne signifie pas que c'est bien. Nous renforçons la confiance.
    Merci.
    Merci.
    Notre prochaine question sera posée par Alistair MacGregor.
    Richard et Shurenda, je veux vous remercier infiniment de vous être présentés devant le Comité aujourd'hui et de faire montre de ce qui, selon moi, est un très grand courage en lui racontant ce qui a été un moment très douloureux de votre vie. Alors, je vous en remercie. Je pense que le Comité a besoin d'entendre davantage d'histoires comme celles-là et qu'en effet, tout le pays a besoin d'en entendre.
    Sarah, j'ai vraiment apprécié vos propos concernant l'humilité. Ma circonscription est située sur les territoires traditionnels du peuple Cowichan ainsi que des Malahat — le lac Cowichan — et des nations Songhees et Esquimalt, au sein du réseau Salish du littoral, sur l'île de Vancouver. J'ai participé à quelques événements. L'un d'entre eux s'appelait Understanding the Village — Comprendre le village —, dans le cadre duquel les Autochtones ont fait vivre à la population non autochtone le processus de colonisation. Au début de cette expérience, nous avons été forcés de faire preuve d'humilité afin d'accepter ce que nous allions vivre.
    Certains témoins se sont présentés devant le Comité et ont parlé d'une stratégie nationale sur le suicide. Je sais que les stratégies nationales ne fonctionnent peut-être pas toujours parce que le Canada compte de nombreuses régions différentes, mais je voulais en entendre un peu plus de la part de vous trois sur ce que sont, selon vous, les avantages potentiels, et peut-être les désavantages, liés à la mise en œuvre d'une stratégie nationale de prévention du suicide.
    Nous connaissons les désavantages. Les personnes ici présentes les connaissent probablement mieux que la plupart des gens. Notre pays est composé de diverses régions. L'endroit où vous vivez n'est pas le même que celui où je vis. Nos collectivités ont besoin d'avoir l'impression que — je dirai simplement les choses crûment — le gouvernement n'adopte pas une approche universelle par rapport à chacune de leurs communautés. Selon moi, le désavantage possible, c'est que, si on emprunte une voie et que ce n'est pas la bonne et que rien n'est réglé, on isole davantage des collectivités déjà isolées et marginalisées, et on laisse aussi certains des membres du public dominants et ignorants dire: « Nous avons investi 500 millions de dollars de plus, et le problème n'a pas été réglé. Qu'allons-nous tenter maintenant? »
    Le danger tient au fait que nous ne pouvons pas mettre en œuvre une solution personnalisée à l'échelle nationale. Je dirais qu'il s'agit de votre plus grand défi. Comment peut-on exécuter un projet national qui laisse place à l'individualisme et que les communautés peuvent s'approprier?
(1600)
    Je suis d'accord avec Sarah, c'est-à-dire que, dans la communauté de Michael et à Eskasoni, de même qu'à Sipekne'katik, d'où Shurenda et moi-même venons, même si nous vivons les mêmes genres de traumatismes et que les communautés réagissent des mêmes façons, la solution ne sera pas nécessairement la même.
    Peut-être que les membres de la communauté de Michael parlent encore leur langue. Peut-être que, dans la mienne, de nombreuses personnes sont encore traditionnelles. Dans les communautés mohawks, les gens sont encore très attachés à leurs vieilles façons de faire traditionnelles. À Sipekne'katik et à Mi'kma'ki, il n'en est pas ainsi: nous tentons régulièrement de revenir à notre ancien mode de vie.
    Il serait difficile de déterminer quels facteurs causent la plus grande quantité de traumatismes si on tente d'employer une solution à l'échelle nationale. Je ne veux pas dire par là que l'échelle nationale n'est pas une possibilité, car, comme nous le constatons dans le cas du gouvernement et des diverses tribus du Canada, dans certains cas, la solution s'applique à une tribu, et dans d'autres, elle ne s'applique pas. En Nouvelle-Écosse, nous avons une certaine taxe sur l'essence, et, au Nouveau-Brunswick, cette taxe sur l'essence n'existe pas; pourtant, les deux nations — les deux tribus — sont les mêmes. Nous sommes des Mi'kma'kis.
    Le gouvernement a peut-être causé par inadvertance — nous espérons que c'est par inadvertance, quoique le dossier donne à penser qu'il en est autrement — une dissension au sein des tribus en offrant certaines choses à une, et d'autres choses à d'autres tribus, en retirant des choses à certaines, et ainsi de suite.
    Une solution à l'échelle nationale ne peut être appliquée qu'après que toutes les pierres nécessaires ont été retournées à l'échelon local, afin que nous puissions enfin définir ce qui peut être utile et ce qui peut fonctionner, et peut-être un éventail ou une échelle de possibilités à l'intérieur d'un programme national, mais les gens eux-mêmes — les Autochtones — doivent être traités comme un seul peuple par le gouvernement. Je crois fermement — et il s'agit strictement de ma propre croyance — que nous devrions effectivement être perçus comme un seul peuple, car, si nous ne le sommes pas, c'est là que nous nous retrouvons avec des problèmes, quand une tribu reçoit quelque chose, mais que rien n'est offert à une autre.
    Merci de cette réponse, Richard. On en revient à ce que vous avez dit dans votre témoignage. Ce qui fonctionne pour vous ne fonctionne peut-être pas pour tout le monde, et il s'agit en quelque sorte d'équilibrer cette mesure collective par rapport aux besoins de chacun.
    Dans la courte période dont vous disposez, pouvez-vous nous parler un peu de certaines des pratiques exemplaires qu'a employées LOVE? Je sais que beaucoup de vos pratiques sont fondées sur la confiance, mais, durant cette dernière petite période, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur certaines des pratiques exemplaires?
    Je vais oser faire preuve d'excentricité. Notre pratique exemplaire consiste à être humains. Elle consiste à ne pas être limités par un grand nombre des contraintes qu'ont les autres personnes qui travaillent auprès des jeunes. Nous serrons nos jeunes dans nos bras. Nous leur disons que nous les aimons. Nous sommes disponibles sur appel pour nos jeunes 24 heures sur 24, sept jours sur sept.
    Nous assistons à des conférences avec d'autres fournisseurs de services aux jeunes. Ils nous regardent comme si nous étions des poules sans tête, car nous ne fonctionnons pas dans un climat de peur. Nous travaillons auprès de certains jeunes présentant un risque très élevé, et nous adoptons des comportements que de nombreuses personnes qui travaillent auprès des jeunes considéreraient comme très risqués, mais nous croyons que c'est de cette façon qu'il faut fonctionner pour obtenir des résultats.
    Notre pratique exemplaire consiste à être humains.
    Je suis désolée. Ce n'est probablement pas très utile, mais c'est ce que nous faisons.
(1605)
    Ça va. Merci.
    Merci.
    Notre prochaine question est posée par Gary Anandasangaree.
    Merci à vous trois de vous être joints à nous cet après-midi.
    J'ai énormément travaillé auprès des jeunes avant mon entrée en politique, alors je veux examiner quelques éléments avec vous. Je suis tout à fait d'accord avec vous sur le fait que, quand on sert des jeunes, on ne peut vraiment pas avoir d'obstacles et que, souvent, beaucoup des difficultés tiennent au fait que les services offerts ont une fin et qu'il n'y a personne d'autre pour prendre la relève. Il faut presque jeter un regard holistique sur la vie de la personne pour pouvoir la servir adéquatement.
    Concernant le système de justice pénale, je voudrais savoir quel type de travail vous faites et ce qui fonctionne pour les jeunes auprès de qui vous travaillez, selon vous. Quels sont certains des défis à relever? Quels sont certains des problèmes structurels qui existent dans le système de justice pénale pour les Autochtones? Les chiffres sont tout simplement ahurissants en ce qui concerne l'incarcération des adultes, et cette situation commence souvent lorsqu'ils sont jeunes. Pourriez-vous nous présenter un aperçu très bref de ce qui fonctionne actuellement, selon vous?
    Pourriez-vous clarifier la question, s'il vous plaît? Voulez-vous dire en ce qui a trait au système de justice pénale et à notre expérience de ce système?
    Dans le cadre de votre programme, qu'est-ce qui fonctionne? Nommez quelque chose qui fonctionne dans votre collectivité qui pourrait peut-être être utilisé dans d'autres collectivités.
    Je dirais que c'est de ne pas laisser tomber les gens. Je vous dirai d'emblée que, quand j'ai commencé à rencontrer Sarah et que je me mettais en colère, je m'en allais en pensant qu'elle n'allait jamais accepter de me revoir. La semaine suivante, j'arrivais, et elle me serrait de nouveau dans ses bras.
    J'ai participé dans ma propre collectivité à des programmes dans le cadre desquels j'ai été intimidée et où les intervenants m'ont laissé tomber, et je me suis dit: « D'accord, cette personne n'est pas de ma famille ». Elle n'est pas dans ma parenté. Elle va me laisser tomber. Cela fait maintenant huit ou neuf ans. Ne laissez tout simplement pas tomber les gens.
    Encore une fois, les gens n'aiment pas nos réponses parce qu'ils veulent pouvoir dire: « Comment est-ce que je rédige cela? Comment puis-je déployer une stratégie nationale pour prendre soin de jeunes? »
    Les limites de temps rendent un bien mauvais service à nos jeunes. Si vous avez des programmes qui mènent des projets à court terme, abandonnez-les. Si vous voulez corriger les programmes systémiques à long terme, cessez de mener dans les collectivités des projets de six mois qui laissent l'exploitant du théâtre récolter 20 000 $ et la collectivité, obtenir une pièce de théâtre et rien d'autre.
    Exécutez des programmes à long terme. Si vous voulez connaître une chose qui fonctionne pour ce qui est de réduire les taux de récidive, en voilà une. Une autre, selon moi, c'est — encore une fois — le fait que nous permettons à nos jeunes de faire leurs erreurs et de revenir. Nous accompagnons nos jeunes devant les tribunaux. Notre système de justice pénale est raciste. Je suis désolée; je n'aime pas devoir utiliser ce terme ici, aujourd'hui, mais il l'est. Je m'appelle parfois moi-même le bouclier blanc. J'enfile mon petit veston et je fais: « Regardez, je suis avec ce jeune. » Cela change la donne. Nous n'aimons pas nous dire que cela change la donne, mais c'est le cas.
    Sarah, pourriez-vous peut-être simplement approfondir cela? Croyez-vous que les facteurs qui sont utilisés en vue de la libération, en ce qui a trait aux mesures d'atténuation, sont problématiques lorsqu'ils sont appliqués à des collectivités particulières?
    Voulez-vous dire des facteurs relatifs au fait de rendre à une personne sa liberté?
    Oui, relativement à la détermination de la peine, à tout un tas de...
    Quand nous travaillons auprès des jeunes d'ici, l'un des plus gros problèmes que nous rencontrons, c'est le manquement à des conditions. Si un jeune commet un acte criminel au titre de la Loi sur les jeunes contrevenants et qu'il ne respecte pas les conditions qui lui sont imposées, mais qu'il a eu 18 ans entre-temps, il fait maintenant l'objet d'une accusation en tant qu'adulte pour un manquement à ce qui était au départ une inculpation en tant que jeune adulte, et, comme votre honorable collègue l'a mentionné, maintenant, il n'a pas d'emploi, parce qu'il a 18 ans et qu'il fait l'objet d'une accusation au criminel. L'infraction n'était peut-être même pas très grave; il a tout simplement raté un couvre-feu, ou bien il ne portait pas son téléphone au moment où il était censé le faire.
    Pour ce qui est de la libération, je pense que la plus grande difficulté pour qui que ce soit, c'est d'avoir en place des systèmes de soutien, de guérison et des personnes qui se soucient de son retour. Je suis allée chercher des jeunes qui sortaient de prison, et tout ce qu'ils avaient, c'était un billet d'autobus. Bonne chance.
(1610)
    Merci. À un certain moment, plus tôt, vous avez mentionné que votre grand-père avait été guéri entre l'époque de la jeunesse de votre mère et celle de votre jeunesse. Qu'est-ce que cela signifie en termes concrets?
    Me demandez-vous comment il a guéri?
    Qu'est-ce qui l'a aidé à guérir?
    Ce qui est arrivé, dans son cas, c'est que, avant ma naissance — et il me l'a avoué — dans sa jeunesse, il était un grand alcoolique parce que son père ne pouvait pas communiquer avec lui. Il était un grand alcoolique. Il partait à la recherche d'alcool partout dans la collectivité. Il m'a raconté cela, et, quand ma mère était jeune, c'est ce qu'il était. Il était un père alcoolique. Alors, ma grand-mère lui a dit carrément que, soit il arrêtait de boire soit elle partait avec les enfants.
    Il a choisi sa famille plutôt que l'alcool. C'était dur, mais il a réussi. À son décès, cela faisait 30 ans qu'il était sobre. C'est quelque chose d'important. Les gens ne se rendent pas compte que nous n'avons pas toujours eu l'alcool; on nous l'a apporté. Il y a beaucoup d'alcoolisme au sein des communautés, et beaucoup de gens refusent d'admettre leurs problèmes, mais mon grand-père l'a fait, et, ensuite, il a commencé à communiquer, en vieillissant.
    Très bien, nous avons maintenant terminé.
    Je vous remercie de la question et de la réponse.
    Nous allons passer aux questions de cinq minutes. Ces interventions se déroulent un peu plus rapidement, et nous pourrons maintenant en entendre un plus grand nombre, alors c'est une bonne chose.
    La première question de cinq minutes sera posée par David Yurdiga.
    Merci, monsieur le président.
    Richard, Shurenda et Sarah, je vous remercie de vous être joints à nous aujourd'hui. Votre contribution est très précieuse pour notre Comité, et nous voulons améliorer les choses grâce à des programmes. Nous avons beaucoup entendu parler des programmes. À ce jour, quel a été le programme le plus fructueux de votre organisation? Ils sont tous importants, mais quel a été celui qui a les répercussions les plus importantes pour les jeunes?
    Nous n'appliquons pas mal qu'un modèle, où que nous allions, alors notre programme fonctionne selon les mêmes prémisses. Je dirais que nous exécutons deux programmes scolaires. Selon moi, nos programmes les plus fructueux sont ceux qui ne sont pas associés à une autre institution. Nous pouvons jouer selon nos propres règles, et les jeunes qui viennent participer à tous nos programmes le font de leur propre chef. Essentiellement, selon notre philosophie et notre modèle, nous ne menons pas vraiment... Autrefois, nous exécutions un programme d'employabilité fédéral, mais ce programme a été supprimé. À part cela, nous offrons le même programme partout où nous allons. Nous ne faisons que l'adapter. Ainsi, s'il est offert à des garçons du début du secondaire, nous décidons de ce qu'il serait important pour nous d'aborder avec eux. Nous disons: « Oh, Rich, nous allons à Sipekne'katik. Comment devons-nous modifier notre programme et les sujets que nous abordons dans notre cercle  » Toutefois, notre modèle et notre philosophie, honnêtement, c'est ce qui compte.
    Shurenda, vous avez fait l'expérience des deux.
    J'ai commencé en septième année, au début du secondaire. À l'époque, je fréquentais l'école secondaire, et je participais au programme de leadership de Sipekne'katik. Ensuite, j'ai déménagé à Halifax pour mes études universitaires, et l'ambiance est pas mal la même. Quand j'avais 15 ans, dans le cadre du programme LOVE, un des garçons qui m'avait intimidée quand j'avais environ 10 ans m'a présenté ses excuses sans qu'aucun d'entre nous lui ait demandé de le faire. Il m'a simplement dit, sans détour: « Je suis désolé de t'avoir fait du mal quand tu étais plus jeune », et j'ai répondu: « D'accord, merci. » Cela a beaucoup compté pour moi. La même ambiance règne dans les divers programmes, car je suis passée de Sipekne'katik aux programmes de leadership de Halifax.
    La philosophie est axée sur la confiance parce que, en tant qu'êtres humains, quand nous naissons, nous faisons intrinsèquement confiance au corps dont nous sortons. Nous lui faisons intrinsèquement confiance. Une fois que cette confiance est ébranlée, c'est là que nous faisons face à des problèmes. Pour un grand nombre de nos jeunes, qu'ils soient à Halifax, dans la MRH, au Cap-Breton — qui est situé à quatre heures de route — ou à Sipekne'katik, la confiance est la seule chose qui les relie tous. Ils ont tous des problèmes liés à la confiance. Chacun d'entre eux a vu sa confiance ébranlée, et ce n'est pas une affaire sans importance. Une trahison de la confiance, c'est très traumatisant.
(1615)
    Merci.
    Une autre chose que nous avons entendu de nos témoins, c'était que, pour les subventions que chaque collectivité doit demander, bien souvent, il faut beaucoup de temps pour suivre le processus de subvention. Ensuite, la période dont elle dispose pour dépenser l'argent est très courte. S'agit-il d'un problème majeur pour votre organisation que de recevoir ces subventions et de tenter de les dépenser?
    Pour être honnête, je ne présente même plus de demande pour obtenir de l'argent du gouvernement fédéral; c'est trop limitatif. Ces subventions ne nous permettent pas de travailler de la façon qui, nous le savons, est efficace.
    Rich et moi avons eu une conversation, et je lui ai dit: « Ne t'inquiète pas si nous les offensons, puisque nous n'obtenons aucune somme de leur argent maintenant, et nous n'en obtiendrons peut-être jamais. Ce n'est pas grave, mon ami. » Les subventions nous limitent vraiment, si nous voulons créer des solutions à long terme. Je ne veux vraiment offenser personne, mais il s'agit tout simplement de la réalité dans laquelle nous fonctionnons. Pour une subvention d'un an, il faut huit mois avant que nous sachions si nous allons l'obtenir. Ensuite, on nous donne un an, et notre année prend fin le 31 mars. Vous voulez que je jette l'argent par les fenêtres? Cela n'est pas dans notre culture. Nous sommes des grippe-sous. Nous sommes très responsables, d'un point de vue budgétaire. Ensuite, notre agent de programme nous téléphone pour nous dire: « Eh bien, vous devez dépenser 6 000 $ », et je dis: « Pourquoi est-ce que je dois dépenser 6 000 $? Nous pourrions faire quelque chose le mois prochain grâce à cet argent. Laissez-moi le garder. Je l'ai économisé parce que j'ai fait preuve d'intelligence. »
    Oui, cela nuit beaucoup au bon travail.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    La prochaine question est posée par Joël Lightbound.
    Tout d'abord, je veux vous remercier tous de votre présence. Je pense qu'il faut beaucoup de courage pour témoigner devant un comité comme le nôtre, et nous vous en sommes reconnaissants. Je vous remercie d'être ici présents, avec nous.
    Ma première question s'adresse à vous, Shurenda. Pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a amenée à faire appel à LOVE en premier lieu, et comment cela vous a aidée concrètement dans votre vie, au moment où vous êtes entrée dans l'organisation et vous vous êtes mise à travailler au sein de l'organisation? J'aimerais que vous nous fassiez part de vos sentiments, en tant que personne qui a vécu cette expérience.
    Comme je l'ai dit, mon père n'était pas là quand je suis née, et ma mère et moi nous querellions beaucoup. Je l'appelais « la vague »: elle avançait et elle reculait. Elle m'a beaucoup laissé tomber. Je voulais trouver un endroit où je pourrais être en confiance, et, quand on m'a dit: « il y a trois secrets, et tout le reste demeure dans cette pièce », je me suis dit: « d'accord, je vais essayer pour un mois. Nous allons appuyer sur des boutons, ici. Nous allons voir. » Mes amis et moi nous disions: « Ouais, peut-être », mais honnêtement, nous nous sommes assis dans cette pièce et rien n'en ressortait après notre passage. Assis en cercle, nous nous sommes rendu compte que nous étions tous brisés. Nous avions tous besoin d'être réparés et de faire confiance à quelqu'un.
    Quand j'avais 15 ans, le garçon qui m'avait le plus intimidée quand j'avais 10 ans m'a présenté ses excuses sans que quiconque lui ait demandé de le faire ou quoi que ce soit. Il a compris: « Oh, je t'ai intimidée parce que j'étais brisé. Je ne m'en rendais pas compte. Tu étais la jeune fille riche. Ton grand-père était policier. Je ne savais pas que tes parents te faisaient ce qu'ils t'ont fait. » J'ai pris le temps nécessaire pour nouer les relations que j'ai établies avec les autres jeunes qui participaient au programme LOVE avec moi, mais c'est ce qui nous a permis de tenir le coup. Nous nous sommes dit: « Oh, ce n'est pas seulement moi qui cause le problème à la maison, où les gens me crient après pour aucune raison. ». À nos yeux, c'était pour aucune raison. C'était probablement le cas, mais je n'étais pas la seule à vivre cette situation. Le jeune en bas de la rue la vit, lui aussi, et il obtient tout ce qu'il veut. Il s'agit de l'élément de la confiance. Nous disons tous que nous devons apprendre comment laisser quelque chose à la porte, et comment le laisser dans la pièce, si on veut que cela y reste.
(1620)
    Merci.
    La question que voici s'adresserait davantage à Richard et à Sarah.
    Je suppose que, dans le cadre de votre travail, il arrive que vous perdiez un jeune qui abandonne le programme. Quelles ressources seraient nécessaires pour éviter ces situations, si elles se produisent? Comment pouvons-nous éviter cela et faire en sorte qu'ils suivent en entier le programme que vous offrez? Quelles sont vos réflexions à ce sujet?
    Nous ne perdons pas beaucoup de jeunes. Nos taux de rétention sont dans le 90e percentile. Cette situation est due en partie au fait que la participation est volontaire et que nous donnons le choix aux jeunes d'y participer. Nous sommes renommés. Nous allons chez vous pour vous dire: « Salut, allons-nous te voir mardi? » Nous sommes à l'époque des messages textes et de Facebook. Nous sommes des êtres humains diligents.
    De temps en temps, un jeune abandonne le programme, et ce n'est pas grave, parce qu'on ne peut pas être tout pour tout le monde. Si nous franchissons le seuil du 90e percentile, je pense que nous nous débrouillons très bien à cet égard.
    Vous savez quoi? Parfois, ils reviennent. Nos jeunes se retirent. Il arrive que des jeunes qui ont appris nos valeurs et qui ont participé au programme pendant un certain temps veulent être des modèles de comportement. Ils savent que notre programme est censé faire d'eux un exemple à suivre pour les autres jeunes. S'ils ne sont pas des modèles de comportement, ils se séparent activement de nous par eux-mêmes jusqu'à ce qu'ils suivent une autre voie, puis ils reviennent. Il est très rare que nous perdions un jeune.
    Qu'en pensez-vous, Richard?
    Ce qui nous rend attrayants, selon moi, c'est que nous disons offrir notre programme aux jeunes de 16 à 18 ans, mais qu'en réalité, il est offert aux jeunes de 12 à 26 ans. Il y a des jeunes dans la trentaine qui appellent encore Sarah, simplement pour lui dire bonjour, de Vancouver... nous avons ici un membre de notre peuple qui vient de Vancouver. La conversation se déroule souvent simplement ainsi: « comment vont les choses? C'est bien que les choses changent. C'est bien que tu fasses ceci. C'est bien que tu te sois inscrit à quelque chose. C'est bien que tu travailles. Je suis heureux d'entendre que tu as un enfant adorable dans ta vie et que tu as une merveilleuse famille florissante », et ce genre de choses. Pour un grand nombre de ces jeunes, les choses arrivent tard.
    Pour nous, notre taux de rétention tient au fait que notre attrait est vaste. Lorsqu'un jeune procède à ce que j'appellerai l'autoexpulsion, c'est parce qu'il voit ce qui se passe et qu'il se dit: « Vous savez quoi? Peut-être que je n'ai pas besoin de ce programme. J'ai peut-être pensé que j'en avais besoin, mais ce n'est pas le cas. » Ensuite, il passe à autre chose. Il se trouve un emploi. Il pose des cloisons sèches ou quelque chose du genre, et il passe nous dire bonjour. Les jeunes sont heureux quand ils nous voient. Voilà de quoi il est question: un attrait vaste.
    Me reste-t-il du temps?
    Merci de la réponse.
    Votre temps est écoulé.
    Il nous reste du temps pour une question de cinq minutes de plus, et cette question sera posée par Cathy McLeod.
    Je vous remercie tous les deux du témoignage très captivant que vous avez présenté aujourd'hui et du travail que vous faites.
    Je regardais votre site Web, et il semble s'agir d'un modèle.
    Nous sommes un organisme sans but lucratif, alors nous n'avons pas le meilleur des sites Web.
    Tout d'abord, j'apprécie vos commentaires à propos du fait que les programmes fédéraux sont parfois très limitatifs et au sujet du temps que vous devez consacrer aux demandes de subventions. Au lieu d'être offensés, nous nous entendons probablement, dans une certaine mesure, sur le fait qu'il y a des façons dont nous pourrions peut-être les rendre un peu plus flexibles et un peu plus réactives et rapides.
    J'essaie de comprendre quelque chose. Vous avez établi diverses succursales dans diverses collectivités. Comment le modèle a-t-il évolué? Vous parlez d'un taux de rétention de 98 %. Disposez-vous d'évaluations que vous pouvez communiquer? Parlez-moi un peu plus de votre organisation.
    Notre organisation a été mise sur pied par une femme dont l'époux a été assassiné par un garçon de 14 ans, à Montréal. Elle l'a lancée à Montréal, en 1995, en partenariat avec un professeur de journalisme et un professeur de photographie. En 1997, ils ont obtenu une subvention qui lui a permis de prendre de l'expansion en s'établissant à Toronto. J'ai probablement l'air d'être très ingrate. Le gouvernement a fait de belles choses pour nous. Les fondateurs ont obtenu une subvention du millénaire et ont étendu leurs activités à Vancouver et à Halifax. Nous étions dotés d'un organe de gouvernance centralisé, mais nous nous sommes rendu compte qu'il était défaillant il y a environ deux ans. Chaque région est maintenant constituée individuellement, alors chacune fonctionne selon ce qu'elle estime être les besoins de sa collectivité. Nous avons un modèle de programme de base ainsi qu'un programme de niveau d'entrée, un programme de leadership et la sensibilisation. Comme nous sommes davantage axés sur la philosophie que sur les programmes, la question est vraiment de savoir comment les choses s'appliquent à notre collectivité et comment nous voulons qu'elles fonctionnent.
    Est-ce que cela a du sens?
    Le modèle, en soi, a évolué. Au commencement, on faisait du journalisme auprès des jeunes, puis, on s'est rendu compte que, wow, ces jeunes ont des histoires vraiment importantes à raconter, et nous devons nous organiser pour que leurs histoires soient entendues. Ensuite, on les a sorties de l'ombre, mais on s'est rendu compte que les jeunes avaient peut-être besoin d'une formation en leadership avant de pouvoir affronter le monde et raconter leurs histoires. Maintenant, nous avons un modèle de formation en leadership, et nous avons un modèle de sensibilisation, grâce auquel nos jeunes informent les professionnels qui servent les jeunes ou d'autres jeunes au sujet des causes de la violence et des solutions à la violence.
    Y a-t-il un processus d'évaluation?
    Nous avons fait faire une évaluation par McGill il y a cinq ans, et elle est accessible. En Nouvelle-Écosse, nous venons tout juste d'établir un partenariat avec la faculté de travail social de l'Université Dalhousie, et quatre de ses étudiants en maîtrise ont mené une évaluation pour nous l'an dernier. J'ai les résultats ici même, dans un rapport annuel, si vous voulez les voir. Nous croyons absolument que nous devons être redevables, faire l'objet d'évaluations et nous assurer que nous ne faisons pas que rêver en couleur et penser que, parce que nos jeunes nous serrent dans leurs bras, nous faisons un excellent travail. Nous comprenons qu'il ne s'agit pas d'une bonne mesure de la qualité du travail que nous faisons.
(1625)
    Vous avez indiqué que vous ne présentiez plus de demandes de subventions gouvernementales. J'ai regardé votre énorme liste de commanditaires. Devez-vous suivre des processus auprès de toutes les organisations chaque année, ou bien, figurez-vous sur leur liste d'organisations qu'elles appuient annuellement afin que vous puissiez exécuter vos programmes?
    Chaque région alimente son propre budget pour exécuter ses programmes. En Nouvelle-Écosse, notre budget actuel se situe autour des 460 000 $. Je recueille cette somme chaque année. C'est mon travail.
    En bref, il n'y a pas de sources de financement multiples. Nous avons peut-être, selon moi...
    Je pense que nous en avons trois qui ont signé pour plus d'un an: United Way, la Fondation Peter Cundill et une autre fondation. Mais, en général, nous ne sommes pas financés par des sources multiples. Dans ma prochaine vie, j'aurai l'occasion de sensibiliser les bailleurs de fonds.
    Merci pour cette réponse.
    Merci pour la question.
    Notre temps est écoulé. Il passe très rapidement, mais ce que nous vous avons entendu dire est extrêmement précieux.
    Shurenda, je vous remercie infiniment d'avoir été avec nous aujourd'hui et de nous avoir fait part de ce que vous avez raconté, votre histoire.
    Richard et Sarah, je vous remercie également de vous être présentés et de nous avoir expliqué votre programme et comment il fonctionne.
    Je vous remercie tous d'avoir fait un voyage éclair d'une journée à Ottawa. Je veux vous demander de nous laisser le rapport annuel, si vous le pouvez. Nous allons le déposer également.
    La dernière chose, c'est que nous avons créé un portail en ligne aux fins de la présente étude et que nous tentons de l'étendre le plus largement possible. Tout le monde est invité à laisser — nous appelons cela un mémoire, mais dites simplement ce que vous avez à dire — d'environ 3 000 mots, et Michelle vous enverra le lien par courriel.
    Sarah et Richard, veuillez faire part de cette initiative à vos collègues, à vos jeunes, à autant de monde que vous voulez, et peut-être en parler avec eux. Il s'agit d'une très belle occasion d'écrire. Il pourrait s'agir d'une rédaction sans censure. Nous serions ouverts à cela. Merci infiniment.
    Nous allons suspendre la séance pour deux ou trois minutes.
(1625)

(1630)
    Nous reprenons nos travaux.
    Le deuxième groupe de témoins de la journée sera composé de deux personnes. Matthew Glode comparaît à titre personnel, et Pamela Glode Desrochers représente le Mi'kmaw Native Friendship Centre, à Halifax.
    Je suis heureux de vous offrir à chacun 10 minutes, si vous voulez les utiliser. Il s'agit de 10 minutes chacun. Ensuite, nous procéderons aux séries de questions.
    Avez-vous une préférence quant à qui sera le premier à prendre la parole.
(1635)
    D'accord. Pam, allez-y, s'il vous plaît.
    Je m'appelle Pam Glode Desrochers et je suis la directrice exécutive du Mi'kmaw Native Friendship Centre. Nous sommes situés à Halifax. Je pourrais poursuivre en décrivant les choses que fait le centre des amitiés et le nombre de jeunes auprès de qui nous intervenons.
    Aujourd'hui, c'est en fait une journée très émotive pour ma famille. Il est question de donner un visage au suicide. Il est question de donner un nom au suicide. Le 2 mars, le fils de mon frère — mon neveu — s'est enlevé la vie, mais je vais laisser Matthew raconter cette histoire. Ensuite, je vais m'assurer que nous effectuons un suivi, et je l'aiderai assurément à répondre aux questions, mais, en réalité, cela concerne Cody.
    Tout d'abord, je voudrais remercier tout le monde de nous avoir invités.
    L'occasion de prendre la parole sur ce sujet est devenue chère à mon coeur. Nos communautés sont en crise.
    Je m'appelle Matthew Glode. Je suis de la Première Nation Millbrook, en Nouvelle-Écosse, et je suis là pour vous parler de la maladie mentale.
    Notre fils Cody a commencé sa lutte contre la dépression à l'âge de 13 ans. Il était victime d'intimidation, et l'intimidation fait des ravages dans nos collectivités et dans la vie des adolescents. Quand Cody a commencé à s'automutiler, nous étions loin de nous douter qu'il s'agissait du début d'un long cheminement sombre et solitaire qui allait se solder par une tragédie. Nous parlions ouvertement de la maladie mentale et avons cherché de l'aide immédiatement, tout en nous occupant de notre fille Caitlin, qui commençait elle aussi sa propre bataille contre la dépression et la maladie mentale.
    Dans le cas de Cody, le plan d'action, c'était les médicaments, la thérapie et les arts martiaux. Les arts martiaux lui ont donné une toute nouvelle perspective; ils lui ont donné quelque chose à espérer réellement. Il avait un bon rendement à l'école, il évitait les fêtes et il passait la majeure partie de son temps au gymnase à enseigner les arts martiaux aux enfants. Son estime de soi était de nouveau là où elle devait être — du moins, nous le pensions.
    Il a obtenu son diplôme d'études secondaires. Il a tenté sa chance à l'université, et il travaillait à temps partiel. Il semblait avoir tout pour lui, quoique, de temps en temps, il nous disait qu'il était triste et qu'il ne comprenait pas pourquoi. Nous l'encouragions et le soutenions toujours, et il continuait à travailler fort au gymnase. Il a commencé à prendre de nouveaux médicaments et a poursuivi sa thérapie. Cody rêvait de devenir un spécialiste des arts martiaux mixtes. Il avait également entrepris une carrière en tant que pompier. Il a obtenu un diplôme de l'école du feu en avril 2015, et nous étions loin de nous douter que, peu avant la fin du programme, il avait cessé de prendre ses médicaments. Quand nous l'avons abordé, Cody nous a expliqué que les médicaments le faisaient sentir encore plus mal et qu'il ne fonctionnaient pas. Une personne près de nous nous avait dit qu'il avait arrêté de les prendre. Comment peut-on obliger un pompier/combattant de 20 ans à prendre ses médicaments?
    Le 15 juin, il a été embauché à temps plein au Service d'incendie de Truro. Il était le plus jeune pompier à avoir jamais été embauché, et le seul pompier autochtone jamais embauché. Dire que nous étions fiers, ce serait un euphémisme.
    Cody aurait dû être aux anges, et oui, à l'extérieur, il semblait l'être. Il avait vraiment tout pour lui: un avenir très prometteur dans les arts martiaux mixtes, une carrière à temps plein, une voiture flambant neuve qu'il avait payée comptant et une belle petite amie qu'il prévoyait épouser. À l'intérieur, Cody était en train de mourir d'une mort lente et douloureuse. Il ne voulait pas que son employeur le sache. De prime abord, il a été réticent à demander de l'aide. Enfin, il s'est présenté aux urgences, et on lui a donné des médicaments complètement nouveaux et dit d'effectuer un suivi auprès de son médecin de famille. Même s'il ne voulait toujours rien dire à son employeur, il semblait vouloir lutter de front contre sa maladie.
    Je crois vraiment qu'il voulait vivre; toutefois, il était épuisé de toujours faire semblant d'aller bien. Il m'a dit qu'il n'arrivait pas à se souvenir de la dernière fois qu'il s'était senti heureux... il pensait que c'était peut-être quand il avait 11 ans. Il n'arrivait pas à dormir. Les pilules ne fonctionnaient pas. Les pensées qu'il avait dans la tête s'assombrissaient toujours davantage, tout comme ce qu'il écrivait dans son journal.
    Le 2 mars, notre fils Cody s'est enlevé la vie.
    D'aucuns se demandent comment un jeune homme aussi accompli a pu faire cela. Il a laissé dans le deuil celle qui est mon épouse depuis 22 ans et moi-même, sa soeur, trois frères, une nièce, une petite amie aimante et une grande famille étendue d'amis et de compagnons de travail.
    Cela n'arrive pas aux familles comme la mienne. Cela n'arrive pas à une personne comme Cody. Pour autant que je sache, cela ne devrait arriver à aucune famille ni à personne.
    La maladie mentale n'est pas difficile; elle n'épargne personne. Votre race, votre âge, la façon dont vous avez été élevé, votre degré de scolarité ou vos ambitions n'ont pas d'importance. Elle mord et enfonce ses dents profondément, et elle ne lâche pas sa proie.
(1640)
    Le taux de suicide au sein des collectivités des Premières Nations est deux fois plus élevé que la moyenne nationale. On croirait que, vu ces chiffres, l'aide serait plus facilement accessible, mais ce n'est pas le cas.
    Cody a consulté un médecin. On lui a dit de téléphoner. On lui a remis un bout de papier sur lequel un nom était inscrit. On lui a dit de téléphoner pour prendre rendez-vous avec le psychologue. J'avais déjà vu Cody perdre dans le ring. Je l'avais vu perdre en compétition, mais je ne l'avais jamais vu vaincu. Quand il est rentré à la maison, ce jour-là, il était vaincu. Il avait les épaules affaissées quand il a découvert qu'il y avait une période d'attente de deux mois avant de pouvoir consulter quelqu'un. Il était vaincu. J'ai vu une différence dans son attitude, à ce moment-là. Après deux semaines des deux mois d'attente, Cody s'est enlevé la vie. Son histoire n'était pas la première, et ce ne sera pas la dernière, tant que cette situation perdurera.
    Si Cody avait pu consulter quelqu'un plus tôt, cela aurait-il changé le résultat pour lui? Nous ne le savons pas, et, malheureusement, nous ne le saurons jamais. Toutefois, cela aurait pu lui faire gagner un peu de temps.
    Pour beaucoup de gens qui souffrent de maladie mentale, qui sont au fond du trou du désespoir, faire un appel téléphonique, c'est comme escalader le mont Everest. Si Cody était entré dans le cabinet du médecin avec une bosse sur la tête, un taux de glycémie élevé, une douleur à la poitrine ou même un pied cassé, l'aide aurait été immédiate. Les problèmes de santé mentale doivent entraîner la prise de mesures immédiates. « Santé mentale » est un terme avec lequel les gens doivent se sentir à l'aise. Notre fils n'était pas fou. Il n'avait pas les nerfs fragiles. Il n'était pas seul. Il souffrait tous les jours de la maladie mentale. Si cela avait été le cancer, toutes sortes de services d'aide auraient été offerts.
    La santé mentale isole et invalide. Elle tue ses victimes. En tant que pays, nous devons faire de la santé mentale un terme courant. Nous devons mettre en place un système qui sauve des vies, qui, au besoin, tient la main de la personne jusqu'à ce qu'elle reçoive l'aide dont elle a besoin. Nous avons besoin que les gens soient là pour continuer à prendre soin de la personne, même après que l'aide a été donnée et reçue, qu'il s'agisse d'une simple visite ou d'un appel téléphonique, ou d'une personne en place qui donne un câlin, adresse des mots d'encouragement ou tend une oreille attentive. C'est parfois tellement simple, mais pourtant, c'est crucial pour la personne qui est sur la voie sombre et solitaire de la maladie mentale.
    Je sais que, au moment où mon fils n'a plus été en mesure de supporter sa douleur intérieure, il n'était pas seul. Dieu — le Créateur — lui a tendu la main et l'a pris dans ses bras en lui disant: « Je te tiens. Je t'amène à la maison. »
    Welálin. Merci.
    Merci, monsieur Glode.
    Pam, voudriez-vous ajouter quoi que ce soit?
    Oui, bien sûr.
    Je viens juste d'écouter le témoignage d'une jeune fille qui disait qu'elle était brisée, et cela m'offusque grandement. Je suis outrée par le fait que cette jeune fille ou n'importe laquelle de nos enfants ait l'impression d'être brisée. En tant que peuple, nous ne sommes pas brisés. Les systèmes sont brisés, ainsi que les politiques, et voilà ce qui doit changer. Dans notre collectivité, que ce soit dans la réserve ou dans un contexte urbain, nous ne sommes pas brisés. Les systèmes sont brisés. Cela ne date pas d'hier. Ils ont été conçus pour nous laisser tomber encore et encore. J'ai vu cette situation se produire à maintes reprises.
    Je crois très sincèrement qu'il y a moyen de faire avancer les choses. Nous parlons de réconciliation — tout le monde brandit ce mot à tort et à travers, maintenant —, et c'est dans cette direction que nous devons aller. Je crois vraiment qu'on peut y arriver. Je crois qu'il faudra beaucoup de temps pour y arriver. Je crois qu'il faudra que nous fassions les choses ensemble, pas que le gouvernement fasse des choses à notre communauté, mais avec nous, à nos côtés, pas devant nous, et pas derrière nous. Je crois que ces politiques doivent être conjointes et qu'elles doivent être faites ensemble.
    Je crois sincèrement que notre communauté peut se rétablir. Je crois que, quand la société dans son ensemble reconnaîtra... J'ai entendu Richard le dire: nous devons faire en sorte que les gens comprennent pourquoi les choses sont comme elles sont. Ne nous en voulez pas parce que nos familles ont été envoyées dans les pensionnats ou parce qu'il y a eu la rafle des années 1960, ou bien là cause du passé et de toutes les choses qui ont créé cette situation, comme la Loi sur les Indiens. Elles ont toutes été créées pour assimiler les Indiens et pour éradiquer le problème qu'ils présentaient, et ce sont des choses réelles.
    Ces choses sont très réelles. Je le crois lorsque je regarde les problèmes de santé mentale. Je vais maintenant me rendre au centre d'amitié, car nous savons que, quand les gens franchissent notre porte... Une personne pourrait venir chercher un emploi, un logement, une formation ou des services pour toxicomanes. Ces éléments sont tous interreliés. C'est un mélange d'ingrédients sociaux. Je ne sais pas comment vous voulez appeler cela, mais, habituellement, 9 fois sur 10 — et je dirai dans 99,9 % des cas —, il y a des problèmes de santé mentale, et tous ces éléments doivent être traités ensemble.
    Les gens ont besoin d'être traités avec respect. Cela me brise le coeur que de savoir que, malgré tout ce que nous faisons, nous n'avons même pas pu aider mon propre neveu. J'ai remis mon travail en question pour cette raison. Cependant, je crois également que ce qui est arrivé à Cody, à mes yeux, c'est le point tournant, même dans ma vie. Je crois que quelque chose de bon ressortira du décès de Cody.
    Selon moi... je crois que nous devons, au sein de l'organisation, du centre d'amitié et de notre communauté, commencer à faire les choses ensemble, pas en vase clos, pas séparément, et pas à Ottawa, mais ensemble. Nous parlons d'une stratégie nationale. Nous parlons de toutes ces choses. La réalité, c'est que nous devons commencer à faire les choses ensemble. Je ne veux pas dire faire des choses aux autres. Je veux dire ensemble. Nous devons tenir cette conversation honnête et sincère, et l'humilité doit jouer un rôle à cet égard.
    J'aime vraiment le Canada. Je n'aime pas du tout une partie de l'histoire de ce qui est arrivé à notre peuple, mais je crois que, dans l'avenir, si nous faisons les choses ensemble, la situation pourra être très différente. Dans le cadre des programmes que nous offrons au centre d'amitié, nous tentons d'intégrer dans notre collectivité des services destinés à la population en général. Je pense que certains de ces systèmes ont une certaine validité, s'ils peuvent être intégrés dans les nôtres et adaptés à nos besoins et à nos désirs.
(1645)
    Mon frère et moi avons eu la conversation. Les médicaments sont-ils la réponse? Les compétences culturelles sont-elles la réponse? Je crois que les choses doivent être faites ensemble. Est-ce seulement les médicaments? Non. J'ai tenu des conversations dans le cadre desquelles il n'était question que de médicaments, de médicaments et de médicaments. J'ai vu mon autre neveu, l'autre fils de Matthew, qui porte le fardeau de Cody, prendre part aux sueries mensuelles pour Cody. Elles sont apaisantes pour lui. Pour être tout à fait honnête, ce n'est pas différent du fait de consulter un médecin pour obtenir un pansement.
    Parlant de cela, Christopher a été le dernier à voir Cody vivant ce soir-là. Il a porté un lourd fardeau et une grande incidence sur le dénouement. Il avait l'impression d'en être responsable. Grâce aux sueries et à leur aspect culturel, ce poids a été retiré de ses épaules. Je vois maintenant un jeune homme différent. Il est une autre personne. Il a davantage confiance en lui. Il est plus en paix avec lui-même. Je suppose qu'avec les médicaments... J'aurais seulement souhaité que nous ayons eu la possibilité — notre communauté n'est pas très fervente de notre langue, ni même de nos anciennes pratiques... et que Cody ait pu vivre l'expérience de la suerie combinée à la médication et au counseling. On ne peut que faire des suppositions quant à ce qui aurait pu se passer, mais cela aurait été mieux que ce qu'il avait, car il n'avait rien.
(1650)
    Quand nous parlons de politiques, je ris toujours, parce que des membres de notre collectivité consultent des médecins pour divers problèmes, mais cela doit toujours avoir lieu du lundi au vendredi, de 9 heures à 17 heures. Vous savez, la réalité, c'est que, quand quelque chose d'important se passe dans la vie d'une personne, c'est habituellement le soir ou dans le temps des Fêtes, un jour férié ou la fin de semaine. Ce sont des moments où surviennent énormément de crises. Peu importe si vous êtes Autochtone ou non, ces moments sont vos pires moments, et pourtant, les médecins ne veulent travailler que de 9 heures à 17 heures. Je ne leur en tiens pas rigueur. Je crois que c'est une question de politiques. Je crois que c'est la façon dont les systèmes sont établis. Je pense que nous devons réexaminer ces systèmes et ces politiques. C'est là qu'on va obtenir du changement. C'est là qu'on va voir une différence pour nos collectivités et pour le Canada dans son ensemble, pour être honnête. Le suicide ne connaît pas de limites. Il affecte énormément nos collectivités. C'est la perte de la langue, la perte des éléments culturels, l'isolement, l'absence de sentiment d'appartenance, la mauvaise adaptation, l'intimidation et le racisme qui sont vécus. Il s'agit là d'autant d'éléments clés auxquels notre peuple fait face.
    Un grand nombre de nos gens arrivent dans le contexte urbain en provenance de communautés autochtones. Encore une fois, c'est l'isolement. Halifax a la chance, selon moi, de disposer d'un centre d'amitié assez solide. Nous sommes en mesure d'offrir plus de 28 programmes et services aux gens, mais il y a encore des lacunes, surtout en ce qui a trait à la santé mentale, qui compte probablement parmi les plus importantes lacunes. Nous avons fait des recherches sur la santé mentale, sur les systèmes judiciaires et sur l'itinérance, et elles reviennent toutes au besoin de ressources supplémentaires dans le domaine de la santé mentale. Ce ne sont pas les services traditionnels, et, quand je dis « traditionnels », je veux dire offerts au grand public. Les services doivent être intégrés. Ils doivent respecter nos enseignements, et je crois que c'est possible. Je crois vraiment que c'est possible et que c'est une voie à suivre. Je suppose qu'il faut que je le croie. Je crois qu'il y a des personnes vraiment bonnes dans le monde qui veulent changer les choses et que, parfois, nous ne savons tout simplement pas comment le faire.
    Il y a une dernière chose que je voudrais dire. Je sais que notre temps s'écoule. Cody ne venait pas d'une famille brisée. Mon épouse et moi sommes mariés depuis 22 ans. Mes parents ont été mariés pendant plus de 40 ans. Mes beaux-parents ont été mariés pendant plus de 30 ans. Cody ne provenait pas d'une famille où régnaient l'alcoolisme ou la toxicomanie. Il ne venait pas d'une famille au sein de laquelle étaient commis des actes de violence physique ou sexuelle. Cela montre seulement que, quelle que soit la façon dont vous avez été élevé, ce poison peut vous infecter, et, si l'aide n'est pas accessible, malheureusement, le résultat peut être très tragique.
    Je vous remercie tous les deux de votre témoignage.
    Nous allons tirer parti au maximum du temps dont nous disposons et passer directement aux questions. La première question de sept minutes sera posée par Don Rusnak.
    Je vous remercie de votre présence et de nous avoir raconté votre histoire. Je sais que cette histoire doit être très difficile à raconter.
    Je viens de la collectivité de Thunder Bay, dans le nord-ouest de l'Ontario. Je suis le seul député autochtone de l'Ontario, et j'observe souvent un racisme institutionnel dans l'ensemble des organismes gouvernementaux, des forces policières, des conseils municipaux et des municipalités — dans l'ensemble des institutions.
    Je vais vous donner un exemple. Le centre d'amitié de Thunder Bay a tenté de faire construire un centre pour les jeunes. Malheureusement, comme c'était un centre d'amitié des Premières Nations ou autochtone qui faisait la proposition, elle a fait l'objet de vives contestations. Il n'a jamais été dit que la raison pour laquelle elle était si vivement contestée était que le centre d'amitié autochtone était le proposant, mais de nombreuses personnes estimaient que c'était le cas. Ensuite, la ville a fini par vaincre le centre ou par ne pas approuver sa proposition, alors, ma collectivité a perdu une occasion d'aider les jeunes Autochtones et, en fait, tous les jeunes de notre collectivité.
    C'est maintenant un restaurant qui sert des ailes de poulet. Ce n'est pas que les ailes de poulet me déplaisent, mais je pense qu'un centre pour les jeunes aurait été une meilleure utilisation de cette installation.
    Parmi les excellentes choses dont nous avons entendu parler — et je l'ai entendu dire par mes collègues —, mentionnons le travail que les centres d'amitié font partout au pays. Je ne connais pas bien votre centre d'amitié, à Halifax, et, bien que le président et moi-même ayons un ami de la nation micmaque d'Eskasoni appelé Jaime Batiste, je ne connais pas bien sa communauté ni les collectivités de la côte Est.
    Pourriez-vous nous informer de quoi que ce soit que votre centre d'amitié fait de particulier auprès des jeunes ou prévoit faire auprès des jeunes de façon préventive afin de les aider à éviter ces situations, ou simplement pour aider nos jeunes en général?
(1655)
    Notre centre compte un groupe de jeunes. Il s'agit d'un centre de jour. Nous offrons également des programmes relatifs à l'emploi et une formation à nos jeunes.
    Nous menons de plus un projet en santé mentale. En fait, notre financement sera écoulé le 30e jour du mois en cours. Il s'agit d'un financement à court terme. En outre, nous présentons habituellement une demande de fonds pour les jeunes de Partenariats urbains. Bien entendu, beaucoup de difficultés sont liées au fait de demander un financement à court terme. Il y a habituellement des lacunes. Notre centre d'amitié est assez grand pour me permettre d'en reporter une partie lorsque surviennent ces lacunes, mais, la réalité, c'est qu'on n'en fait pas encore assez. Nous ne disposons toujours pas d'un volet spécial qui nous permettrait de faire ce qui doit être fait.
    Je sais que la plupart des centres d'amitié ont un volet axé sur les jeunes. Chacun est unique et différent, mais nous avons aussi la chance de travailler dans le système scolaire de la MRH. Nous nous rendons dans les écoles et travaillons auprès des élèves de tous les niveaux du secondaire. Cela nous cause des difficultés également, parce que nous sommes répartis partout dans la MRH, qui est très étendue.
    Il s'agit de la Municipalité régionale de Halifax.
    Oui, je suis désolée.
    Elle est grande, et, quand on essaie d'intégrer des jeunes, il y a des difficultés qui se posent. Il y a la santé mentale. Nous nous occupons d'emplois. Bien entendu, nous offrons un programme pour toxicomanes qui ne s'adresse pas qu'à nos jeunes, mais aussi à notre collectivité dans son ensemble. Nous abordons aussi la salubrité alimentaire auprès d'un grand nombre de nos jeunes.
    Nous nous occupons également de la chasse à l'orignal; nous tentons de ramener nos jeunes sur les territoires traditionnels. Une partie du programme de salubrité alimentaire que nous offrons suppose de tenter de réintégrer cet élément culturel.
    J'ai déjà dit devant le Comité — et il s'agit de mon point de vue personnel, mais peut-être que certains membres du Comité le partagent — que nous avons besoin d'adopter une approche à deux volets par rapport à cette crise dans nos collectivités. Le premier volet s'attaquerait aux problèmes immédiats en finançant des programmes comme les vôtres et d'autres programmes novateurs afin que l'on puisse s'assurer que les jeunes ont un peu d'espoir et reçoivent les services dont ils ont besoin, quand ils en ont besoin. L'autre consisterait à renforcer nos collectivités. Il s'agit d'une solution à long terme, grâce à laquelle nous ne ferons pas face à cette crise encore et encore et, dans des années, le Comité ne se penchera pas sur le même problème.
    Comme j'ai mentionné que je ne connaissais pas tellement Eskasoni ou certaines des autres collectivités de la côte Est, pouvez-vous nous donner un peu d'information concernant l'état des collectivités, d'un point de vue culturel et économique, et tout événement positif qui a lieu au sein des collectivités?
(1700)
    Voulez-vous parler des communautés autochtones, ou bien de la collectivité à laquelle j'offre des programmes et des services?
    Je veux dire les deux, si vous le pouvez.
    D'accord.
    Treize nations autochtones vivent en Nouvelle-Écosse, et certaines d'entre elles comptent des sous-communautés. Certaines sont très solides, et d'autres ont besoin d'aide. Certaines sont solides, d'un point de vue financier; d'autres ne le sont pas. Sur le plan culturel, elles sont très différentes. Eskasoni est très riche en ce qui concerne sa langue. Ensuite, si on va à Millbrook, d'où nous venons, la langue ne semble pas être un point aussi fort. Ce n'est pas que la communauté n'en veut pas; c'est que la colonisation a d'abord eu lieu là où nous nous trouvons, puis elle s'est répandue, alors nous avons eu le contact le plus long, ce qui affecte notre langue et nos éléments culturels.
    C'est toujours un défi, même pour nous, dans le contexte urbain. Nous devons puiser dans notre collectivité — les 13 nations autochtones — à de nombreuses reprises pour apporter cet élément culturel dans le contexte urbain. Nous le faisons, et nous considérons cela de plus en plus comme une transition, comme la migration de la communauté autochtone vers le contexte urbain. On voit de plus en plus de gens traditionnels venir dans le contexte urbain.
    Il y en a un vaste éventail. Il n'y a pas deux communautés pareilles. Je considère notre collectivité autochtone, à Halifax, dans la MRH, comme une communauté. Elle n'est pas reconnue comme une communauté, mais nous en sommes une à bien des points de vue. L'an dernier, nous avons offert des programmes et des services à 4 800 clients, et je soupçonne que nous en manquons en fait plus que cela.
    Je vous remercie tous les deux pour la question et la réponse.
    La prochaine question vient de Cathy McLeod.
    Quand vous avez commencé votre témoignage, vous avez dit que vous vouliez donner un visage à ce problème. Je peux vous dire en toute certitude que vous avez donné un visage très puissant à ce problème. Je pense que nous avons tous le cœur lourd. Non seulement en raison de l'épreuve que vous avez traversée, mais aussi de la tâche qui nous attend: tenter de trouver quelque chose que nous allons recommander au gouvernement, des mesures à prendre qui vont au moins commencer à nous permettre d'empêcher cette tragédie.
    Monsieur Glode, veuillez nous dire, à nous, les parlementaires, ce qui serait le plus important que nous envisagions d'inclure dans l'objectif que nous allons finir par fixer dans ce rapport.
    Je crois que nous avons besoin de travailleurs de première ligne en santé mentale dans les collectivités. C'est un fait, sans aucune équivoque. Nous avons besoin que ces gens soient là. Nous avons besoin qu'ils soient disponibles afin que, lorsque survient une crise comme celle de Cody, à 1 heure du matin, nous disposions d'une équipe de crise mobile ou de quelqu'un qui peut réagir. Nous n'en avons pas. Nous n'avons rien. Nous avons le système de santé de notre région, de 8 heures à 16 heures, du lundi au vendredi.
    Ma fille a tenté de s'enlever la vie il y a cinq ans. Elle consulte un psychologue. Quand Cody s'est enlevé la vie, elle n'allait vraiment pas bien. Nous avons tenté de lui obtenir une consultation immédiatement, mais elle a dû attendre deux semaines, même si les intervenants savaient ce qu'elle vivait.
    Je travaille pour le gouvernement fédéral depuis 17 ans. Si mon superviseur venait me voir demain pour me dire que nous n'avons pas d'argent, mais qu'il avait besoin que je fasse quelque chose, je le ferais, parce que j'estime dans mon cœur que c'est important, sans quoi je ne ferais pas le travail que je fais.
    Je ne veux pas critiquer les travailleurs de la santé... je sais que votre vie à la maison est plus importante que votre emploi. En même temps, si j'avais été psychologue, j'aurais dit à ma fille que mon horaire était complet pour les deux prochaines semaines, mais qu'elle pourrait venir me voir durant mon heure de dîner. Je me serais assuré qu'il y ait un moyen d'aider cette personne immédiatement. Il est impératif que les travailleurs de première ligne en santé comprennent la culture et les gens. Ils doivent pouvoir se mettre dans la peau des gens et comprendre leur situation.
(1705)
    Vous avez évoqué les sueries et le soutien culturel offerts à votre fils, qui a été la dernière personne en présence de Cody. S'agit-il de quelque chose que vous avez pu utiliser pour établir des liens après son décès?
    Après le décès de Cody, un jeune membre du conseil est venu chez moi. Il avait apporté un bol de purification et une plume d'aigle, et il nous a tendu la main en nous disant que les membres du conseil allaient tenir une suerie ce soir-là pour la famille. C'était le jour de la mort de Cody.
    Une autre personne est venue chez nous. Je vais être honnête: je travaille dans le milieu de l'application de la loi depuis pas mal d'années, et j'étais sceptique quand il est arrivé à la maison avec des tatouages sur le cou, et c'était un personnage à l'aspect rêche. Il est entré et s'est assis avec mes enfants. Les jeunes de la communauté étaient là, et il a joué du tambour avec eux. Il est resté là pendant 18 heures par jour pour jouer du tambour et prier avec les jeunes. Il n'a rien reçu; il n'a pas été payé. Il n'a rien fait d'autre que consacrer son temps à ces enfants.
    Je crois vraiment que, sans lui, d'autres suicides auraient été commis en conséquence de celui de Cody. Bien des jeunes de la communauté admiraient Cody. Il était un exemple à suivre, un pompier et un spécialiste des arts martiaux mixtes. C'était un dur à cuire, et tout le monde l'aimait. C'était un garçon génial et un jeune homme formidable. Je suppose que je vais toujours le considérer comme un garçon, mais c'était un jeune homme formidable.
    Cet homme, qui est venu dans notre demeure, c'est le genre de personne dont on a besoin. On a besoin de gens qui se dévouent corps et âme à ces trucs. Malheureusement, il dirigeait un programme, là-bas, mais, comme il a un casier judiciaire et qu'il lui a fallu beaucoup de temps pour obtenir un pardon, on lui a demandé de se retirer de ce programme. Cet homme a été envoyé à notre famille par Dieu. Il a tant fait pour mon fils aîné. Il nous a tant donné. Je ne le dirai jamais assez.
    C'est lui qui vous tendu la main, et, d'un point de vue culturel, ce genre de...
    C'est ce qui a provoqué le début des sueries. Il faisait partie des Aînés de la communauté qui ont organisé les sueries, et nous avons sué tous les jours pendant deux semaines. C'était la première fois depuis de nombreuses années que j'allais dans une suerie, mais, maintenant, je sue régulièrement. À mon avis, il n'y a pas de meilleur traitement pour soulager le stress et s'éclaircir les idées.
    Je pense qu'il importe vraiment que ces travailleurs de première ligne soient dans la collectivité et qu'ils en fassent partie. Je n'insisterai jamais assez là-dessus. Il est très important qu'une personne soit là et qu'elle prenne part aux activités et devienne un membre de la communauté.
    Je regarde les services offerts au grand public, et je sais que ce n'est probablement pas le plus beau contexte dans lequel les mettre, mais c'est ainsi que je les vois. Les services destinés à la population en général font partie d'un système très froid. Il n'est pas accueillant. En tant qu'Autochtone, je ne me vois pas dans ce système. Grâce à leurs programmes et services, les centres d'amitié deviennent une partie de la communauté, et c'est le secret de leur succès. Ils sont interreliés avec la communauté, et je pense qu'il s'agit là de l'élément le plus important: le fait que les choses doivent être faites au sein de la communauté. Il est insensé que nous disions aux gens qu'ils doivent se rendre à Halifax ou à Eskasoni, alors que nous savons qu'ils ne vont pas rester. Il faut que cela se passe dans leurs propres collectivités. Il s'agit probablement de la clé la plus importante, car ainsi, cet élément culturel peut être interrelié. C'est vraiment la clé en ce qui concerne ce qui doit être inclus. Il faut que ce soit inclus.
    Merci. Notre temps est écoulé.
    La prochaine question sera posée par Alistair.
    Pamela et Matthew, je vous remercie infiniment — comme l'a dit Cathy, de votre présence aujourd'hui et d'avoir donné un visage humain à un enjeu très difficile. Je pense que, parfois, quand nous discutons de politiques et de statistiques générales, nous oublions le facteur humain, alors je vous remercie d'être venus me raconter cette histoire aujourd'hui.
    Pamela, je pense que je vais commencer par vous. Comme je l'ai dit à nos témoins précédents, une partie de ma circonscription est située sur les territoires ancestraux du peuple Cowichan. Les tribus Cowichan forment la plus grande bande autochtone de la Colombie-Britannique. Je suis privilégié d'avoir entretenu une relation très profonde avec ce peuple au cours des dernières années.
    J'y ai vécu pendant 27 ans, et, pendant la majeure partie de ma vie —durant ma jeunesse —, c'était comme les deux solitudes. J'ai passé toute mon enfance et mon adolescence sans avoir jamais découvert un peuple que je voyais tous les jours, mes voisins, ou sans avoir jamais rien appris à leur sujet. Nous avons tenu les Jeux autochtones de l'Amérique du Nord en 2008, et ces jeux ont réellement été un catalyseur pour la collectivité. Depuis cet événement, je tente de bâtir des ponts. Nous avons tenu la marche Walk of the Nations. Aucun événement n'est tenu sans que l'organisateur ne reconnaisse le territoire sur lequel il se tient.
    Il reste encore beaucoup de travail à faire, mais je vois le commencement de quelque chose de vraiment positif. Dans la vallée de Cowichan, nous avons un centre d'amitié dont l'un des principaux buts est de tenir lieu de pont culturel entre les Autochtones et la population non autochtone.
    Je me demande simplement si vous pourriez expliquer un peu au Comité certains des programmes qui existent dans votre région, ou quelque chose qui peut servir de modèle à cet égard.
(1710)
    Vous me demandez de vous expliquer les types de programmes qu'exécute notre centre d'amitié?
    Oui, ou bien pouvez-vous me nommer quelque chose qui permettrait d'établir des liens entre les deux communautés? Souvent, les deux populations vivent de façon isolée l'une de l'autre et n'apprennent pas à se connaître. J'ai vraiment été frappé par votre commentaire selon lequel nous devons faire cela ensemble. Alors, pourriez-vous répondre à la question dans ce contexte, s'il vous plaît?
    L'un des rôles les plus importants que je verrais pour un centre d'amitié consisterait à combler ce fossé.
    À titre de directrice exécutive, j'ai en partie pour mandat de m'assurer que je suis là pour sensibiliser les gens à l'égard de ce que fait un centre d'amitié et de ce que font nos collectivités, mais c'est interrelié avec tous nos programmes et services.
    Les centres d'amitié ont établi une politique de la porte ouverte. Si une personne vient frapper à ma porte, je lui offre des programmes et des services. Certains de nos programmes, personne n'a jamais voulu y toucher. Par exemple, la collectivité, et pas seulement notre communauté autochtone, avait besoin de notre programme de traitement à la méthadone et de notre programme d'échange de seringues; le besoin était énorme au sein de la collectivité non autochtone. Nous avons travaillé avec elle pour relier ces programmes sous l'égide du centre d'amitié.
    Cela fait partie du fait que nous sommes de très bons voisins et que nous avons la capacité d'envoyer notre personnel vers les écoles et vers les gouvernements. Nous recevons beaucoup d'appels demandant qu'un aîné effectue une ouverture. Nous le savons, et nous avons maintenant une coordonnatrice des programmes, et cela fait partie de son travail. Il s'agit d'intégrer ces éléments dans notre centre d'amitié et dans nos programmes.
    Nous le faisons souvent à nos frais, parce que c'est important pour nous. La plupart de nos programmes ne remboursent pas les dépenses liées à cela. Je fais tout le temps des choses la fin de semaine. Je ne suis pas payée pour ces choses, mais elles ont suffisamment d'importance à mes yeux et pour ma collectivité, à mesure que nous progressons, pour que je m'assure que nous sommes de bons voisins, et c'est le cas. Je veux que des gens entrent par ma porte. Combien de fois ai-je entendu des gens qui passaient devant ma porte dire que nous sommes l'immeuble orné de peintures? Si jamais vous voyez une photographie de notre centre d'amitié, c'est ce que vous allez voir; je peux vous le garantir. Toutefois, c'est plus que cela. Il s'agit d'établir des relations et des partenariats à long terme que l'on veut durables afin qu'ils offrent des avantages à long terme pour tout le monde.
    Nous ne pouvons pas tout faire, alors, il s'agit de la position dans laquelle nous nous plaçons pour adopter des programmes pour lesquels nous ne disposons peut-être pas de l'expertise nécessaire, mais nous les intégrons sous l'égide du centre d'amitié. Nous fournissons des locaux gratuits à plusieurs organisations; voilà à quel point je crois que ces organisations sont importantes pour notre collectivité. Il s'agit d'amener les gens dans notre communauté pendant que nous sortons encore.
    Nous offrons une formation culturelle. Notre aînée Debbie a donné une formation culturelle à, je dirais, 500 agents des RH et agents de police. Tous ces cours ont été offerts gratuitement. Il s'agit de nouer des relations.
    Maintenant, beaucoup de policiers de Halifax viennent prendre une tasse de thé ou de café en passant. Cela n'arrivait jamais auparavant. Notre travail commence à faire tomber ces obstacles, et il est très important que nous le fassions. Cela nous permet d'effectuer un appel très rapidement si... j'ai un exemple parfait. La semaine dernière, j'ai reçu un appel. Un jeune homme que je connais depuis longtemps, qui fait partie de notre centre d'aussi loin que je me souvienne, s'était fait prendre par les policiers. Ils m'ont demandé quoi faire dans cette situation. Ils se sont adressés à nous d'abord, avant de l'amener au poste pour le mettre dans une cellule. Nous avons été en mesure d'établir ce lien, et les policiers se sont sentis assez à l'aise pour s'adresser à nous. C'est vraiment la clé, car le problème était plus culturel que criminel. Nous avons pu suivre les étapes de ce processus, et ça a fait une grande différence. Je n'aurais probablement jamais vu cela auparavant.
(1715)
    Dans le cadre du processus d'établissement de ces liens entre les communautés autochtone et non autochtone, avez-vous observé quelque résultat que ce soit ou obtenu quelque réaction que ce soit des jeunes Autochtones que vous avez aidés? Considérez-vous que la confiance qui est renforcée entre ces communautés est utile, en général? Est-ce que cela peut compter parmi les nombreux éléments de base qui nous permettront d'atteindre l'objectif éventuel que nous visons?
    Oui. Nous avons mené un projet...
    Notre temps est-il écoulé?
    Je suis vraiment désolé. Peut-être que nous pourrons glisser ce thème dans la réponse à une autre question?
    Je pourrai y répondre en marge de la séance.
    La prochaine question sera posée par Michael McLeod.
    Je voulais vous remercier de nous avoir fait part de votre histoire. Il est très difficile pour nous d'écouter une histoire aussi tragique qui vous est arrivée à vous, directement, et je pense que nous pouvons tous — surtout en tant qu'Autochtones — comprendre ce que c'est que de perdre quelqu'un, un membre de sa famille ou un ami.
    Nous avons visité un certain nombre de collectivités, et le problème est répandu. En outre, juste au moment où je commençais à penser que nous avions mis en place toutes les pièces du casse-tête, votre histoire les a toutes fait tomber en bas de la table, parce qu'il y a un très grand nombre d'éléments différents qu'on peut pointer du doigt, mais, parfois, on ne peut en pointer aucun. Pendant la majeure partie de ma vie, j'ai entendu dire que nous avions des problèmes qui découlaient des pensionnats. Nous en avions un dans ma collectivité, et il a détruit beaucoup de gens. Pendant mes déplacements au cours de la dernière tournée, j'ai entendu dire que l'une des choses les plus importantes, c'est de pouvoir rétablir la fierté de notre peuple afin qu'il puisse être fier de qui il est, et surtout les jeunes. Ce sera un défi très difficile à relever.
    J'ai regardé ma fille lutter contre les problèmes causés par la perte de son amie, et nous l'avons encouragée à en parler; elle en a parlé devant des classes, et d'autres écoles en ont entendu parler, alors elles l'ont fait voyager. En conséquence, son téléphone s'est mis à sonner jour et nuit parce que les gens qui vivaient des situations n'avaient aucun recours, alors ils se tournaient vers une jeune fille qui n'était âgée que d'environ 16 ans. J'ai finalement dû lui demander de ne plus le faire, car elle était éveillée jour et nuit et que l'enjeu commençait à la déprimer. Mais, cela montre bien le manque de ressources. Je ne suis vraiment pas le genre de personne qui veut réinventer la roue, et je suis aussi une personne qui appuie vraiment les centres d'amitié. J'en ai fondé un dans ma collectivité. J'ai rédigé la constitution et le règlement administratif. J'ai travaillé pendant des années avant que nous ne recevions l'argent. J'ai aidé d'autres collectivités à mettre sur pied leur centre seulement pour les regarder se faire couper l'herbe sous le pied; les ressources étaient limitées au point où leur centre pouvait à peine fonctionner. La plupart des choses sont faites par quiconque a le temps de les faire, quiconque veut donner de son temps, et selon ce que ces personnes peuvent obtenir pour la banque alimentaire ou quoi que ce soit.
    Toutefois, nous avons la possibilité d'en faire quelque chose d'utile pour les collectivités, et le programme n'a pas pris d'expansion au cours des dernières années. Nous offrons le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones, qui s'adresse vraiment à la population des plus jeunes, aux jeunes mères, aux familles qui ont de jeunes enfants et qui sont en difficulté. Nous savons que beaucoup de familles sont touchées par les effets de l'alcoolisme fœtal ou par l'alcool, ou bien par des troubles de l'apprentissage et des choses de cette nature, et les intervenants travaillent auprès d'elles. Ils les aident. Ils leur enseignent, notamment par le truchement des cercles sportifs. Un très grand nombre de programmes sont offerts, mais certains d'entre eux sont presque invisibles. Le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones est tellement peu prioritaire à Santé publique qu'on ne sait même pas qu'il existe. Je ne pense même pas que le sous-ministre sache quelle est la situation de ce programme, car il ne soulève jamais la question; il n'en parle jamais. Je pose des questions à ce sujet. Il n'y a pas de vrai plan à cet égard.
    Ainsi, il existe un très grand nombre de programmes qui pourraient nous être utiles. Lors de notre dernière visite dans le Nord, j'ai entendu la meilleure explication de la situation, c'est-à-dire qu'il nous faut des établissements qui peuvent agir comme des centres de crise, des centres familiaux et des centres culturels. Je pense que les centres d'amitié pourraient peut-être combler ce vide. Nous pourrions peut-être en discuter, et peut-être parler des ressources qui sont nécessaires.
(1720)
    Je peux vous dire d'emblée qu'il y a 119 centres d'amitié, et je crois vraiment que tous les milieux urbains devraient en avoir un. Je le crois vraiment. Je ne serais pas où je suis aujourd'hui sans mon centre d'amitié. Pour ce qui est des ressources qui sont nécessaires, je vais vous donner un exemple parfait. Les petites sommes d'argent que je reçois, je les mets à profit. Toutefois, lorsque je mets à profit ces sommes, je consacre beaucoup de temps à la rédaction de 38 ou 40 autres rapports, et je rédige constamment des propositions, ce qui est l'histoire de ma vie. Il me serait énormément utile de disposer de ressources afin que je n'aie pas à me soucier des activités quotidiennes de base.
    Nous avons très peu d'argent. Le financement doit être à long terme. La solution ne peut pas être un financement à court terme. Elle doit consister en un financement à long terme, qu'il soit destiné aux programmes pour les jeunes... En fait, je crois que les fonds destinés aux jeunes devraient faire partie de notre financement de base. Il ne devrait y avoir aucune lacune au chapitre du financement des programmes pour les jeunes. Il ne devrait tout simplement pas y avoir de lacunes. Les jeunes devraient bénéficier d'un financement de base encore et encore. Ils sont notre avenir.
    Merci de cette réponse.
    Honnêtement, je crois que toutes les collectivités autochtones devraient avoir un centre d'amitié, et elles devraient bénéficier des ressources nécessaires pour s'occuper des nombreux problèmes auxquels elles doivent s'attaquer. Nous ne pouvons pas faire abstraction du fait que le problème des effets de l'alcoolisme fœtal est répandu au sein de nos collectivités. Les prisons sont remplies de personnes qui ont vraiment besoin d'aide et d'assistance. Quant aux suicides, les centres d'amitié peuvent offrir des programmes de sensibilisation, des programmes culturels, des programmes sportifs et un très grand nombre d'autres choses.
    J'ai vu notre centre d'amitié être le seul établissement de toute la collectivité à être ouvert durant les vacances de Noël, la veille de Noël et le jour de Noël. Il est resté ouvert toute la nuit pendant que les intervenants tentaient d'aider des gens qui avaient besoin qu'on les conduise quelque part, des gens qui étaient sans abri, des gens qui avaient faim. Tous les autres établissements gouvernementaux étaient fermés. De fait, tous les autres établissements gouvernementaux sont dirigés par des personnes qui ne sont pas membres de la collectivité, alors elles partent toutes. Elles rentrent chez elles pour les vacances.
    Je crois vraiment ce que vous avez dit au sujet de la solution qui doit venir de notre propre peuple. Nos maux sociaux doivent être guéris par notre propre peuple, mais nous avons besoin des ressources nécessaires pour régler ces problèmes.
    Le temps est écoulé.
    Je n'ai pas posé de questions.
    Je le sais.
    Ce n'est pas grave. J'ai eu l'occasion de faire une déclaration.
    J'ai beaucoup à dire à ce sujet, moi aussi.
    Je vais aborder les choses que vous n'avez pas eu le temps de dire à la fin de la séance.
    Il nous reste du temps pour une question de cinq minutes de plus, et celle-ci sera posée par Arnold Viersen.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence. C'est une histoire profonde que vous avez racontée, et elle me brise certainement le cœur.
    Je veux féliciter les centres d'amitié pour le succès qu'ils connaissent. Je pense qu'une grande partie de ce succès tient au fait que presque chacun d'entre eux compte une personne comme vous qui s'en fait le champion. Nous avons entendu dire à maintes reprises que ce sont la mobilisation communautaire et les collectivités qui proposent les idées. Ce sont les programmes qui portent fruit. Nous avons également entendu dire que, compte tenu de la quantité de travail qui est effectuée par l'intermédiaire des centres d'amitié, ils jouent vraiment dans la cour des grands en raison des personnes qui s'investissent personnellement dans les centres.
    Si nous devions tenter de faciliter l'établissement d'un centre d'amitié dans toutes les collectivités ou dans tous les centres urbains, comment pourrions-nous nous organiser pour nous assurer qu'ils compteraient un groupe de personnes ou une personne comme vous qui en serait le point d'appui?
    Tout comme dans le cas de tous les autres programmes, habituellement, l'intention est formidable, mais, si nous ne disposons pas de la bonne personne pour soutenir le programme, il n'a jamais eu lieu, ou bien l'argent est dépensé, et rien ne se passe.
    Si nous devons emprunter cette voie consistant à établir des centres d'amitié comme solution, comment trouverons-nous les bonnes personnes pour les soutenir?
(1725)
    D'abord et avant tout, ce doit être fait par la collectivité, pour la collectivité. Il faut que la collectivité en question le veuille et en ait besoin. Il n'y a probablement pas une collectivité où je suis allée qui n'a pas dit: « Je voudrais que nous ayons un centre d'amitié. Je voudrais que nous ayons quelque chose comme ce que vous avez. » Le modèle est là. C'est un excellent modèle. Il fonctionne. Il y a des moyens d'intégrer ce modèle. Bien entendu, il est toujours difficile de trouver les bonnes personnes. Si je regarde autour de moi, je dirais que les gens qui sont assis de l'autre côté de la table sont ceux parmi lesquels nous allons souvent chercher les membres de notre personnel. C'est toujours difficile, mais il est très satisfaisant de voir que des centres d'amitié peuvent renforcer les capacités au sein des collectivités. On pourrait devoir commencer par des bureaux satellites qui sont tenus par des centres d'amitié principaux, mais il y a des moyens de faire ces choses.
    Je pense que vous disposez d'un modèle qui est vraiment bon. Il s'agit de travailler avec les collectivités et de s'assurer qu'il répond à leurs besoins.
    L'une des choses qui sont excellentes au sujet des centres d'amitié, c'est leur capacité d'attirer tout le monde. Je pense que c'est directement lié au nom: centre d'amitié.
    L'une des choses que je surveille toujours lorsque le gouvernement participe, c'est le fait qu'il faut répondre à toute une liste de critères pour être employé par une entreprise que le gouvernement finance. Pourriez-vous nous présenter un peu le profil de certaines des personnes qui travaillent avec vous? Détiennent-elles des diplômes universitaires et ce genre de choses? Je pense que vous comprenez où j'essaie d'en venir.
    Oui, elles ont des diplômes. Je travaille pour notre centre d'amitié depuis 24 ans, et, auparavant, j'avais participé à un grand nombre des programmes et reçu de nombreux services. Il est formidable de voir la différence chez les personnes qui frappent à notre porte, maintenant, pour obtenir un emploi. Même les étudiants d'été, qui représentent un très gros volet, pour nous, arrivent avec des diplômes universitaires, à présent, et ils veulent travailler à l'intérieur de leur collectivité.
    Notre centre d'amitié compte 85 employés, alors il s'agit d'un centre d'une assez bonne taille. La plupart d'entre eux arrivent munis d'un diplôme universitaire, maintenant. Toutefois, je suis toujours à la recherche d'une personne avec qui nous pouvons renforcer ces capacités. La clé consiste vraiment à nous rappeler que nous sommes là pour faire avancer notre collectivité et à prendre les membres qui n'ont peut-être pas de diplôme, mais avec qui nous pouvons renforcer ces capacités. C'est toujours une question de renforcer les capacités, et il s'agit toujours de la collectivité. Il faut toujours qu'il s'agisse de la collectivité, pas des personnes. À long terme, nous profitons tous du renforcement des capacités.
    Les étudiants d'été représentent parfois l'un de mes plus grands défis; je ne vous mentirai pas. Parfois, ils présentent les plus grands défis, mais, ce qui est le plus gratifiant, c'est quand on les voit évoluer dans le système. Ensuite, nous les embauchons, puis ils obtiennent d'excellents emplois.
    Merci de la question et de la réponse.
    Cela nous amène à la fin de la séance, et c'est un bon moment pour y mettre fin.
    Je vous remercie tous les deux infiniment du temps que vous nous avez accordé et de vous être déplacés aujourd'hui. Votre contribution à notre étude est très importante.
    Je vous informerai du fait que nous nous attendons à ce que l'étude soit conclue et qu'un rapport soit parachevé à un certain moment durant l'année qui vient, peut-être en février ou début de mars. Ce rapport deviendra un document public à un moment donné, une fois qu'il aura été déposé et accepté.
    Durant la première moitié de la séance, vous m'avez entendu mentionner le portail en ligne. Je vais m'assurer que nous vous transmettions cette adresse, et je vous demanderais de la diffuser le plus largement possible afin que les gens puissent nous faire part de leur histoire, quelle qu'elle soit.
    Nous allons certainement le faire.
    Encore une fois, je vous remercie infiniment de votre temps. Nous allons nous revoir à Halifax.
    La séance est levée.
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