Merci beaucoup de m’avoir invitée à m’adresser au Comité, aujourd'hui. Je sais que vous avez tous une copie de mon exposé. Je vais vous en donner une version abrégée, mais vous avez toute l'information voulue.
Je suis ravie de cette comparution dont je vais profiter pour vous présenter les grandes lignes du plan du gouvernement visant à protéger les élections générales de 2019.
[Français]
J'ai le plaisir d'être accompagnée aujourd'hui de fonctionnaires qui vous parleront des aspects techniques de notre plan. Il s'agit d'Allen Sutherland, secrétaire adjoint du Cabinet, Appareil gouvernemental et Institutions démocratiques au Conseil privé; de Daniel Rogers, chef adjoint du SIGINT au Centre de la sécurité des télécommunications; et d'André Boucher, sous-ministre adjoint, Opérations, au Centre canadien pour la cybersécurité.
Les élections offrent à la population l'occasion de se faire entendre. Elles lui permettent d'exprimer ses préoccupations et ses opinions dans le cadre d'un des droits les plus fondamentaux qui soient: le droit de vote. Les Canadiennes et les Canadiens auront l'occasion d'exercer ce droit cet automne lorsque se tiendra la 43e élection générale du Canada, en octobre.
[Traduction]
Comme nous l’avons constaté ces dernières années, les démocraties du monde entier sont entrées dans une nouvelle ère. Une ère de menace accrue et dynamique qui nécessite une vigilance resserrée de la part des gouvernements, mais aussi de tous les membres de la société.
[Français]
Chaque élection se déroule dans un contexte particulier. Celle-ci ne sera pas différente. Même si les faits ont confirmé l'absence d'incidents d'ingérence sophistiquée ou concertée lors des élections fédérales de 2015, personne ne peut prédire ce qui se produira cet automne. Par contre, nous pouvons nous préparer à faire face à toute éventualité.
[Traduction]
Plus tôt cette semaine, en compagnie de mon collègue le j’ai annoncé la publication de la mise à jour 2019 du rapport du Centre de la sécurité des télécommunications intitulé « Cybermenaces contre le processus démocratique du Canada ». Selon cette mise à jour, il est très probable que les électeurs canadiens seront confrontés à une certaine forme d’ingérence informatique étrangère au cours de l’élection fédérale de 2019.
Même si le CST estime que l’ampleur de cette ingérence risque peu d’être comparable à l’ingérence russe lors des élections présidentielles américaines de 2016, le rapport souligne qu’en 2018, le processus démocratique de la moitié des démocraties avancées ayant tenu des élections nationales — soit trois fois plus qu’en 2015 — a été ciblé par la cybermenace, et que le Canada fait également face à ce risque. Cette tendance à la hausse devrait se poursuivre en 2019.
[Français]
Nous avons constaté que certains outils servant à renforcer la participation citoyenne étaient employés pour miner, perturber et déstabiliser la démocratie. Les médias sociaux ont été utilisés à mauvais escient pour diffuser de l'information fausse ou trompeuse. Ces dernières années, nous avons vu des acteurs étrangers chercher à compromettre les sociétés et les institutions démocratiques, les processus électoraux, la souveraineté et la sécurité.
Les évaluations effectuées par le CST en 2017 et en 2019, les efforts constants du Canada en matière de renseignement, de même que l'expérience de nos alliés et des pays aux vues similaires ont éclairé et orienté nos efforts au cours de la dernière année et ont mené à l'élaboration d'un plan d'action fondé sur quatre piliers qui inclut tous les segments de la société canadienne.
[Traduction]
Ainsi, en plus de renforcer et de protéger l’infrastructure, les systèmes et les pratiques du gouvernement, nous nous concentrons aussi tout particulièrement à préparer les Canadiennes et les Canadiens et à collaborer avec les plateformes numériques, qui ont un rôle important à jouer pour favoriser un débat et un dialogue démocratiques positifs.
Notre plan comporte quatre piliers: améliorer l’état de préparation des citoyens; renforcer la préparation organisationnelle; lutter contre l’ingérence étrangère; et compter sur les plateformes de médias sociaux pour qu’elles agissent.
Je vais souligner certaines des initiatives les plus importantes prévues à notre plan.
[Français]
Le 30 janvier, j'ai annoncé l'Initiative de citoyenneté numérique et un investissement de 7 millions de dollars pour améliorer la résilience de la population face à la désinformation en ligne. En réaction à la présence accrue d'information fausse, trompeuse et incendiaire publiée en ligne ainsi que dans les médias sociaux, le gouvernement s'est donné comme priorité d'aider les citoyens à se doter des outils et des compétences nécessaires pour évaluer de façon critique l'information en ligne.
Nous profitons également de la campagne nationale de sensibilisation publique intitulée « Pensez cybersécurité » pour sensibiliser les Canadiennes et les Canadiens à la cybersécurité et aux mesures simples qu'ils peuvent prendre pour se protéger en ligne.
[Traduction]
Nous avons établi le Protocole public en cas d’incident électoral majeur. Il s’agit d’un processus impartial, simple et clair qui nous permettra d’informer la population si un incident grave survenu pendant la période électorale venait à menacer l’intégrité de l’élection générale de 2019. Ce protocole remet la décision d’informer les Canadiennes et les Canadiens directement entre les mains de cinq des hauts fonctionnaires les plus expérimentés du Canada, lesquels veillent à assurer la transition efficace et pacifique du pouvoir et la continuité du gouvernement en période électorale. La fonction publique joue efficacement ce rôle depuis des générations, et elle continuera de s’acquitter de cette importante fonction tout au long de la prochaine élection et par la suite également.
[Français]
Le protocole ne sera activé que pour réagir aux incidents qui surviennent pendant la période électorale et qui ne relèvent pas du champ de responsabilité d'Élections Canada, soit l'administration des élections.
Le seuil d'intervention du groupe chargé d'informer la population sera très élevé et se limitera à exposer les circonstances exceptionnelles qui pourraient entraver notre capacité à tenir des élections libres et justes. Le groupe d'experts devrait en arriver à une décision commune, fondée sur le consensus. Il n'incombera pas à une seule personne de décider de la pertinence d'informer ou non la population.
Je me réjouis du fait que les partis politiques consultés au sujet de l'élaboration de ce protocole ont mis de côté la partisanerie au profit de l'intérêt de tous les Canadiens. L'intégration des commentaires de toutes les parties a permis la mise en place d'un processus équitable en lequel les Canadiens peuvent avoir confiance.
[Traduction]
Dans le cadre du deuxième pilier, qui est le renforcement de la préparation organisationnelle, l’une des nouvelles initiatives clés consiste à s’assurer que les partis politiques sont tous conscients de la nature de la menace afin qu’ils puissent prendre les mesures nécessaires pour améliorer leurs pratiques et comportements en matière de sécurité interne. Le CST a affirmé, dans son rapport de 2017, ainsi que dans sa mise à jour de 2019, que les partis politiques constituent toujours l’un des maillons faibles du système canadien. Voilà pourquoi les organismes de sécurité nationale du Canada offriront des séances d’information sur les menaces aux dirigeants des partis politiques pour s’assurer qu’ils sont en mesure de contribuer à protéger nos élections.
[Français]
Dans le cadre du troisième pilier, à savoir lutter contre l'ingérence étrangère, le gouvernement a mis sur pied le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections afin de mieux faire comprendre les menaces étrangères et de soutenir l'évaluation et l'intervention en cas d'incident. Cette équipe réunit le CST, le SCRS, la GRC et Affaires mondiales Canada, afin de bien comprendre l'ensemble des menaces qui pèsent sur le Canada et d'y réagir. Le Groupe de travail a établi une base de référence sur les menaces et a rencontré des partenaires internationaux pour s'assurer que le Canada est en mesure d'évaluer et d'atténuer efficacement toute activité d'ingérence malveillante.
[Traduction]
Le quatrième pilier concerne les plateformes de médias sociaux.
[Français]
La transformation du paysage médiatique canadien a des répercussions tangibles et généralisées sur l'ensemble de la société. Les médias sociaux et les plateformes numériques sont les nouveaux arbitres de l'information. Ils ont donc la responsabilité de gérer leurs communautés.
[Traduction]
Nous savons qu’ils ont également été manipulés pour diffuser de la désinformation, créer de la confusion et exploiter les tensions sociales. J’ai rencontré les représentants de médias sociaux et de plateformes numériques, dont Facebook, Twitter, Google et Microsoft, afin de m’assurer qu’ils agissent pour accroître la transparence, améliorer l’authenticité et renforcer l’intégrité de leurs plateformes. Bien que les discussions aillent bon train, elles n'ont pas encore débouché sur les résultats anticipés, mais nous demeurons déterminés à obtenir des changements de la part de nos interlocuteurs.
[Français]
Le gouvernement est d'avis que la protection des processus et des institutions démocratiques du Canada est une priorité. Voilà pourquoi nous nous sommes engagés à investir d'importants nouveaux fonds pour soutenir ces efforts. Le budget de 2019 prévoit 48 millions de dollars supplémentaires pour appuyer ces efforts pangouvernementaux.
[Traduction]
Ce plan global est également soutenu par de récents efforts législatifs. Je tiens également à souligner les progrès importants que nous avons faits pour moderniser le système électoral du Canada, le rendre plus accessible, plus transparent et plus sûr.
[Français]
Le projet de loi prévoit d'importantes mesures pour contrer l'ingérence étrangère et les menaces posées par les nouvelles technologies.
[Traduction]
Les dispositions du projet de loi C-76, que ce comité connaît évidemment très bien: interdisent aux entités étrangères de dépenser toute somme d’argent pour influencer l’électorat, alors qu’elles pouvaient auparavant dépenser jusqu’à 500 $ de façon non réglementée; exigent des organisations vendant de l’espace publicitaire qu’elles n’acceptent pas sciemment des publicités électorales provenant d’une entité étrangère; et ajoutent une interdiction en lien avec l’utilisation non autorisée d’un ordinateur dans le dessein d’empêcher, d’interrompre ou de gêner l’emploi légitime de données informatiques en période électorale.
[Français]
Le Canada dispose d'un organisme d'administration des élections solide et de renommée mondiale: Élections Canada.
[Traduction]
Bien qu’il soit impossible de prévoir avec exactitude la nature des menaces que nous verrons à l’approche des élections générales du Canada, je tiens à assurer au Comité que le Canada s’est doté d’un plan solide. Nous évaluons et testons en permanence notre état de préparation, et nous continuerons de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour assurer la tenue d’élections sûres, libres et équitables en 2019.
[Français]
Merci beaucoup.
C'est avec plaisir que je vais répondre à vos questions, que ce soit maintenant ou après le vote.
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Merci, monsieur le président.
Madame la ministre, merci beaucoup d'être venue encore une fois.
Je tiens simplement à dire que, contrairement à certains ministres précédents, vous n'avez jamais joué un jeu ou modifié votre calendrier pour éluder les questions ou éviter d'y répondre. Certaines de ces réunions ont été assez difficiles. Vous étiez toujours prête à rendre des comptes, et nous vous en sommes reconnaissants. Merci, madame la ministre.
J'aimerais poser une question, puis je céderai la parole à mon collègue, M. Cullen, qui est beaucoup plus versé dans les détails et qui posera de bien meilleures questions que moi. Cependant, j'en ai une.
Pour ce qui est du groupe d'experts sur le protocole, je pense au greffier du Conseil privé, au conseiller à la sécurité nationale et au renseignement, au sous-ministre de ceci, au sous-ministre de cela et au sous-ministre de ce qu'on voudra. Chacun d'entre eux est, bien sûr, nommé par l'exécutif. Le Parlement me rappelle ce que dit mon père: fais confiance à tout le monde, mais distribue toujours les cartes.
En supposant que rien ne changera — nous avons un gouvernement majoritaire qui a décidé que c'est la façon dont nous allons procéder, et voilà tout — le Parlement aura-t-il l'occasion d'examiner l'information que ce groupe d'experts a reçue et les mesures qu'il a choisi ou non de prendre?