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FAAE Rapport du Comité

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Rapport supplémentaire du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international sur l’évaluation des risques, la prévention du détournement et l’accroissement de la transparence : Renforcer le régime canadien de contrôle des exportations d’armements dans un monde instable

Tous les députés siégeant au Comité des affaires étrangères et du développement international appuient la production du rapport final. Les députés du Parti conservateur, du Bloc Québécois et du NPD, qui représentent la majorité du Comité, reconnaissent que de nombreuses observations faites au cours de l’étude ne figurent pas dans le rapport, car le Comité n’a eu que peu de temps pour le terminer avant la relâche parlementaire estivale et souhaitent ajouter les témoignages, observations et recommandations suivantes.

Détecteurs Wescam en Turquie

Dans le rapport d’avril 2021 du gouvernement du Canada sur les permis d’exportation vers la Turquie, les fonctionnaires ont noté que le rapport de décembre 2019 du Groupe d’experts des Nations Unies sur la Libye, qui avait étudié les violations de l’embargo en Libye, « ne fournit pas suffisamment de preuves pour déterminer si les drones fournis au [gouvernement d’entente nationale] pendant cette période étaient équipés de capteurs Wescam. »[1] Cependant, le rapport de 2021 indique que les « capteurs canadiens sont inscrits comme la technologie de capteurs exclusive équipant les drones de Baykar selon le catalogue [du fabricant]. »[2] À la lumière de ces informations, il est permis de penser qu’une analyse plus approfondie aurait pu faire en sorte que le Canada évite l’emploi de drones turcs équipés de cette technologie canadienne par l’Azerbaïdjan. 

Il était également bien connu qu’au moment des affrontements frontaliers entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie dans les mois et les semaines qui ont précédé le conflit du Haut-Karabakh, la Turquie a exprimé son soutien total à l’Azerbaïdjan. Affaires mondiales l’a souligné dans un mémorandum d’action du 2 septembre 2020 adressé au ministre.[3]

Le Dr Christopher Waters, professeur à la faculté de droit de l’Université de Windsor a déclaré qu’ :

« Un aspect de cette situation que je trouve extraordinaire est que, d’après la communauté arménienne du Canada, les actions de la Turquie et de l’Azerbaïdjan ont constitué des actes ininterrompus de génocide. Faisons abstraction des mérites relatifs de cet argument, mais la situation nécessitait néanmoins une sensibilité extraordinaire, et je n’ai pas le sentiment que se soit arrivé. Ça ne transparaît pas dans les documents considérablement caviardés. Il ne m’apparaît pas, dans le rapport du ministère, qu’il aurait fallu redoubler de précautions. »[4]

Cependant, les documents fournis au Comité suggèrent que les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada se sont principalement concentrés sur la relation du Canada avec la Turquie, en tant qu’allié de l’OTAN et partenaire sur la situation en Syrie, lorsqu’ils ont conseillé le ministre sur les demandes de permis d’exportation pour la Turquie.

Une note d’information datant du 14 septembre 2020 destinée au ministre Champagne fait état de préoccupations concernant les priorités du gouvernement du Canada dans les relations entre le Canada et la Turquie, ainsi que les obligations du Canada en vertu du Traité sur le commerce des armes et du droit canadien. La note d’information indique que l’un des principaux objectifs de la réunion entre le ministre et son homologue turc était de promouvoir la candidature de l’honorable Bill Morneau au poste de secrétaire général de l’OCDE. La note d’information conseille ensuite au ministre d’indiquer à son homologue turc qu’une décision concernant les permis d’exportation d’armes est imminente ou approuvée, ce qui suggère un lien entre le soutien de la Turquie à la candidature de l’honorable M. Morneau et l’approbation des permis d’exportation d’armes vers la Turquie.[5] 

Mme Peggy Mason, ancienne ambassadrice et présidente de l’Institut Rideau sur les affaires internationales, a critiqué l’approche adoptée par Affaires mondiales Canada, déclarant que

« Les obligations juridiques du Traité sur le commerce des armes ne prévoient aucune exemption pour les alliés. Chaque pays vers lequel vous pourriez exporter est l’allié d’un autre pays. Les obligations du Traité sur le commerce des armes doivent s’appliquer pleinement à tous les pays destinataires potentiels. Nous n’avons pas l’obligation juridique internationale d’exporter des armes, mais nous avons l’obligation juridique internationale d’exporter ces armes conformément aux obligations prévues dans le Traité sur le commerce des armes. »[6]

M. Cesar Jaramillo, directeur général de Project Ploughshares, a présenté un point de vue similaire et a déclaré que « tant au pays qu’à l’étranger, la loi nécessite un système objectif et fiable, libre d’ingérence politique et de calculs économiques. »[7] Alors que le Dr James Fergusson, professeur au Centre d’études sur la défense et la sécurité au Département d’études politiques à l’Université du Manitoba, a plutôt suggéré que « Tant que nous, en tant qu'États souverains, y compris le Canada, serons libres de les interpréter comme bon nous semble, les réalités politiques resteront en jeu.»[8]

En plus de voir Affaires mondiales Canada comme ayant « deux objectifs de politique contradictoires », Mme Mason a affirmé que « quand le ministrA PRe annonce une enquête d’Affaires mondiales, il demande en fait aux fonctionnaires de déterminer s’ils lui ont donné de mauvais conseils la première fois. Quelle est la probabilité qu’ils le fassent ? »[9]

Rôle des armes canadiennes dans le conflit du Haut-Karabakh

Le Comité a entendu des témoins parler de l’impact significatif des drones Bayraktar sur le conflit du Haut-Karabakh. Le Dr Kilford, spécialiste sur les questions turques et du Moyen-Orient, a déclaré que « l’utilisation des drones Bayraktar a sans doute contribué davantage au succès de l’Azerbaïdjan que toute autre capacité [dont ce pays] dispose. »[10]  Les témoins ont souligné l’importance des capteurs Wescam dans les drones Bayraktar. M. Kelsey Gallagher, chercheuse auprès du Project Ploughshares, a souligné qu’,

« il ne faut pas les confondre avec de simples caméras. La variante des capteurs canadiens exportés en Turquie, le Wescam MX-15D, est également munie d’un marqueur laser qui sert à diriger les munitions vers leurs cibles. Elles sont essentielles à la conduite des frappes aériennes modernes. »[11]

Le Dr Kilford a décrit les capteurs Wescam comme étant de « très grande qualité »[12], ce qui en fait le produit préféré des acheteurs. Le Dr Christian Leuprecht, professeur au Collège militaire royal du Canada et à l’Université Queen’s, a souligné l’impact des capteurs Wescam sur le conflit et sur le statu quo géostratégique en général :

« En fin de compte, la technologie canadienne a fondamentalement changé le statu quo géostratégique, et ce, d’une manière qui n’était pas dans l’intérêt du Canada et qui n’était pas alignée sur les intérêts de l’OTAN. Le Canada a donc involontairement favorisé et encouragé un changement dans le statu quo géostratégique. »[13]

Cependant, les documents fournis au Comité suggèrent que les conseils des fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada au ministre, concernant les demandes de permis d’exportations pour la Turquie, portaient principalement sur la relation entre le Canada et la Turquie, tant sur le plan bilatéral que dans le contexte de l’OTAN, et sur la situation en Syrie.

Renforcer les garanties d’utilisation finale du Canada

La recommandation 7 du rapport demande au gouvernement canadien d’étudier les moyens d’inclure des critères plus stricts sur les garanties d’utilisation finale qui sont énoncées dans les documents fournis pour l’exportation d’équipement qui est expédié du Canada. Nous estimons qu’il est nécessaire d’étudier les critères établis par des pays tels que l’Allemagne et la Suisse, que les témoins ont cités à titre d’exemple à suivre.

Recommandations supplémentaires

Par conséquent, après avoir étudié les témoignages au Comité, la majorité des députés du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international sont heureux de soumettre l’ajout des recommandations supplémentaires suivantes au rapport du Comité :

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada appuie l’obligation d’informer le Parlement de toute approbation importante de permis d’exportation d’armes ne concernant pas des destinations ou des biens et des technologies jugées comme présentant peu de risque.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada veille à ce qu’Affaires mondiales Canada ait la capacité et les ressources requises pour se conformer à la Loi sur les licences d’exportation et d’importation et au Traité sur le commerce des armes.

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada harmonise le processus d’évaluation du risque pour toutes les exportations de produits militaires canadiens, à toutes les étapes et entre toutes les entités gouvernementales concernées, y compris à l’égard des contrats négociés par la Corporation commerciale canadienne et des transferts organisés par le ministère de la Défense nationale.

Recommandation 4

Afin de renforcer la présence diplomatique dans la région, le gouvernement du Canada devrait envisager la mise en place d’une ambassade dans le Caucase du Sud.

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada envisage de créer un nouvel organisme indépendant pour l’étude des demandes de permis d’exportation d’armes.



[3] Affaires mondiales Canada, Mémoire aux fins d’intervention à l’intention du ministre des Affaires étrangères, SSPI : 03389-2020, 2 septembre 2020, dans Ministre des Affaires étrangères – documents soumis, p. 77.

[4] FAAE, Témoignages, 27 avril 2021. 

[5] Affaires mondiales Canada, Minister of Foreign Affairs – Documents submitted, p. 153, 21 décembre 2020

[6] FAAE, Témoignages, 27 avril 2021.

[7] FAAE, Témoignages, 27 avril 2021.

[8] FAAE, Témoignages, 11 mai 2021.

[9] FAAE, Témoignages, 10 décembre 2021.

[10] FAAE, Témoignages, 13 avril 2021. 

[11] FAAE, Témoignages, 10 décembre 2020 

[12] FAAE, Témoignages, 13 avril 2021.

[13] FAAE, Témoignages, 13 avril 2021.