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FOPO Rapport du Comité

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MISE EN OEUVRE DES DROITS DE PÊCHE ISSUS DE TRAITÉS DES MI’KMAQ ET DES MALÉCITES VISANT À ASSURER UNE SUBSISTANCE CONVENABLE

Introduction

Le 17 septembre 2020, à l’occasion du 21e anniversaire de la décision rendue par la Cour suprême en 1999 dans l’affaire Marshall[1], les membres de la Première Nation Sipekne’katik se sont réunis à Saulnierville (Nouvelle‑Écosse) afin de lancer la première pêche au homard autoréglementée des Mi’kmaq visant une subsistance convenable. Le lancement de cette pêche dans le secteur de la baie Sainte‑Marie a rouvert les discussions concernant la mise en œuvre des traités, la sensibilisation à l’égard des traités, le rôle que les pêcheurs commerciaux des Maritimes et du Québec jouent dans ce processus, de même que la conservation de la ressource halieutique et l’application de la réglementation sur les pêches par le gouvernement fédéral.

En date du 23 novembre 2020, sept Premières Nations avaient commencé à pratiquer une pêche autoréglementée de subsistance convenable, et sept autres avaient entrepris de consulter leurs membres à propos du lancement d’une pêche de subsistance convenable, conformément aux droits issus de traités reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et confirmés de nouveau par la Cour suprême dans les arrêts Marshall. Ces communautés, et les autres qui sont visées par les arrêts Marshall, sont indiquées dans la figure 1.

Figure 1 — Carte des communautés visées par les arrêts Marshall

La carte montre l’état d’avancement de la mise en œuvre des droits de pêche issus de traités des Mi’kmaq et des Wolastoqiyik (Malécites) visant à assurer une subsistance convenable. Les Premières Nations pour lesquelles un accord de réconciliation des droits à durée limitée a été conclu sont désignées par un carré orange pâle au contour foncé. Les Premières Nations pour lesquelles on a entamé des consultations internes sur le lancement d’une pêche autorégulée visant à assurer une subsistance convenable sont désignées par un carré orange tourné de 45°. Les Premières Nations qui ont lancé une pêche autorégulée visant à assurer une subsistance convenable sont désignées par un carré bourgogne. Les Premières Nations où aucune mesure n’a été rapportée sont désignées par un petit losange gris pâle. La carte montre aussi les territoires autochtones traditionnels de Mi’kma’ki en beige, et de Wolastoqiyik en turquoise pâle.

Source : Carte produite par la Bibliothèque du Parlement, Ottawa, 2020, à l’aide de données obtenues de Ressources naturelles Canada (RNCan), « Entités administratives », Limites administratives au Canada - Série CanVec, 2019; RNCan, « Entités hydrographiques », Lacs, rivières et glaciers au Canada - Série CanVec, 2019; Native Land Digital, Native Land, consulté le 9 novembre 2020; Affaires autochtones et du Nord Canada, Localisation des Premières Nations, 2016. Données sur les pêches autoréglementées compilées par la Bibliothèque du Parlement, 23 novembre 2020. Le logiciel suivant a été utilisé : Esri, ArcGIS Pro, version 2.5.0. Contient de l’information visée par la Licence du gouvernement ouvert – Canada.

Le lancement planifié d’une pêche autoréglementée de subsistance convenable a donné lieu à des gestes de violence au quai de Saulnierville. Le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes (le Comité) condamne vivement ces gestes. En réponse aux tensions observées, le Comité a adopté la motion suivante :

Que le Comité entreprenne une étude pour examiner l’application du droit des Mi’kmaq, protégé par la Constitution, de pêcher pour assurer une subsistance convenable, afin d’évaluer le processus actuel des ententes de réconciliation et de reconnaissance des droits, de trouver de meilleurs moyens de mobiliser les parties intéressées afin d’améliorer la communication, de réduire les tensions et d’accorder la priorité à la conservation, de cerner les questions devant être abordées et de recommander une marche à suivre[2].

Entre le 21 octobre et le 2 décembre 2020, le Comité a tenu dix séances publiques au cours desquelles il a entendu les témoignages de représentants d’organisations des Premières Nations et d’associations de pêcheurs commerciaux des Maritimes et du Québec, de même que des scientifiques du domaine des pêches, des universitaires et des agents des pêches à la retraite.

Le Comité a aussi reçu la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, l’honorable Bernadette Jordan, qui était accompagnée de représentants du ministère fédéral des Pêches et des Océans (MPO). Les membres du Comité remercient chaleureusement tous les témoins qui ont participé à l’étude. Le Comité est heureux de présenter ci‑dessous les résultats de son étude, de même que des recommandations fondées sur les témoignages fournis.

Contexte

Les traités de paix et d’amitié de 1760 et 1761

Les traités de paix et d’amitié de 1760 et de 1761 ont été conclus entre des communautés des Premières Nations et la Couronne britannique. Les parties signataires étaient, d’une part, une délégation représentant la Couronne britannique et, d’autre part, des représentants des Mi’kmaq, des Wolastoqiyik (Malécites) et des Passamaquoddy[3]. Ces Premières Nations sont établies au Nouveau‑Brunswick, à l’Île‑du‑Prince‑Édouard, en Nouvelle‑Écosse et au Québec.

Les traités de paix et d’amitié de 1760 et de 1761 ont accordé aux Premières Nations signataires le droit de chasser et de pêcher toute l’année dans les limites de leur territoire[4]. Ils ont aussi garanti aux signataires le droit de faire le commerce du produit de la chasse, de la pêche et de la cueillette afin de se procurer les « choses nécessaires[5] ».

Il importe de noter que les traités de paix et d’amitié diffèrent d’autres traités signés au Canada en ce sens qu’ils abordent la question du commerce. En effet, les traités de paix et d’amitié de 1760 et de 1761 comprennent une clause commerciale portant sur l’établissement de « maisons de troc » (ou postes de traite), qui visait à permettre et à encourager le commerce entre les Premières Nations de la région et les colons britanniques[6].

Selon l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, « [l]es droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés ». Or, le droit de pêcher établi dans les traités de paix et d’amitié de 1760 et de 1761 est considéré à la fois comme un droit ancestral et un droit issu de traités[7].

Les affaires Marshall

Le 24 août 1993, Donald John Marshall, Jr., un membre de la Première Nation de Membertou, qui fait partie de la Nation des Mi’kmaq de la Nouvelle‑Écosse, pêchait l’anguille près de Pomquet Harbour, dans le comté d’Antigonish, en Nouvelle‑Écosse. Comme il avait l’intention de vendre ses prises, il a été arrêté et accusé par des agents des pêches du MPO d’avoir commis des infractions à l’alinéa 78(a) de la Loi sur les pêches, soit celles d’avoir pêché sans permis, pendant la période de fermeture de la pêche et avec de l’équipement illégal. La question au cœur de cette affaire était le droit de vendre ses prises, et Donald John Marshall, Jr. n’a pas contesté les raisons motivant le dépôt d’accusations contre lui.

Donald John Marshall, Jr. a fait valoir qu’à titre de Mi’kmaw, il avait le droit de pêcher et de vendre ses prises[8], conformément aux droits qui lui sont conférés dans les traités de paix et d’amitié de 1760 et de 1761, qui ont été reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Le juge de première instance et la Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse ont rejeté cet argument, et Donald John Marshall, Jr. a interjeté appel devant la Cour suprême.

Marshall I

Dans sa décision, la majorité de la Cour suprême, dirigée par le juge Binnie, a rejeté l’interprétation faite par la Cour provinciale de la Nouvelle‑Écosse de la disposition relative aux maisons de troc des traités de paix et d’amitié de 1760 et de 1761. La décision de la Cour suprême indiquait ce qui suit :

La promesse d’accès aux « biens nécessaires » au moyen du commerce des ressources de la faune était l’élément fondamental, et, lorsqu’un droit a été accordé, il faut plus que la simple disparition du mécanisme créé en vue d’en faciliter l’exercice pour justifier la conclusion que le droit lui‑même est caduc ou éteint[9].

Autrement dit, la disparition des maisons de troc n’a pas éliminé le droit de faire le commerce des ressources de la faune pour avoir accès aux « biens nécessaires ». Qui plus est, la décision fournissait les précisions suivantes :

Les droits issus du traité de l’accusé se limitent au fait de pouvoir se procurer les « biens nécessaires » (expression qui s’entend aujourd’hui d’une subsistance convenable), et ne s’étendent pas à l’accumulation de richesses illimitées. Ainsi interprétés, toutefois, ils constituent des droits issus de traité au sens de l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. L’élément du traité qui survit n’est pas la promesse littérale d’établir des maisons de troc, mais un droit issu de traité qui permet de continuer à pouvoir se procurer les biens nécessaires en pratiquant la chasse et la pêche et en échangeant le produit de ces activités traditionnelles, sous réserve des restrictions qui peuvent être justifiées suivant le critère établi dans Badger[10].

Le critère établi dans Badger découle de l’affaire R. c. Badger, qui a été entendue en 1996 par la Cour suprême. En résumé, selon ce critère, on pose trois questions pour tenter de déterminer si l’atteinte aux droits issus de traités est justifiée. Les questions sont les suivantes :

  • 1)  Existe‑t‑il un objectif législatif régulier?
  • 2)  Si c’est le cas, la mesure législative ou l’action en cause justifient‑elles l’atteinte aux droits ancestraux ou issus de traités?
  • 3)  La solution proposée est‑elle celle qui porte le moins possible atteinte aux droits issus de traités[11]?

Le pourvoi a été accueilli le 17 septembre 1999 et l’acquittement a été ordonné relativement aux trois accusations. Cette décision de la Cour suprême, qu’on appelle généralement l’arrêt Marshall I, a touché « les Premières Nations mi'kmaq et malécite de la Nouvelle-Écosse, de l’Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick, et de la Gaspésie au Québec, ainsi qu’avec la Nation Peskotomuhkati à Skutik[12] ».

Notons que le droit de pêcher à des fins de subsistance convenable, qui est issu de traités, diffère du droit de pêcher à des fins alimentaires, sociales et rituelles, qui a été conféré aux Premières Nations par l’arrêt Sparrow de la Cour suprême, rendu en 1990. Quant aux permis de pêche commerciale communautaire, ils sont délivrés en vertu du Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones afférent à la Loi sur les pêches et font souvent partie d’accords de gestion des pêches d’une durée limitée entre le MPO et des organisations des Premières Nations[13]. La délivrance des permis de pêche communautaire est facilitée par le Programme de transfert des allocations du MPO, qui gère le retrait volontaire des permis de pêche commerciale et les transferts aux Premières Nations. La figure 2 illustre les divers régimes de gestion des pêches dont peuvent se prévaloir les communautés touchées par l’arrêt Marshall.

Figure 2 — Pêches à la disposition des collectivités visées par l’arrêt Marshall

Le diagramme illustre les divers régimes de gestion des pêches dont peuvent se prévaloir les communautés touchées par l’arrêt Marshall et les textes législatifs et réglementaires pertinents et jurisprudence. Les droits de pêcher à des fins alimentaires, sociales et rituelles, et ceux visant à assurer une subsistance convenable sont des droits constitutionnels reconnus et confirmés. Le droit de pêcher à des fins alimentaires, sociales et rituelles a été conféré aux Premières Nations par l’arrêt Sparrow de la Cour suprême, rendu en 1990, et est géré par la Loi sur les pêches. Le droit de pêcher visant à assurer une subsistance convenable a été reconnu par la Cour suprême en 1999 via l’arrêt Marshall. 
Les permis de pêche commerciale communautaire sont délivrés en vertu du Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones afférent à la Loi sur les pêches et font souvent partie d’accords de gestion des pêches d’une durée limitée entre le MPO et des organisations des Premières Nations. Quant aux pêches commerciales et récréatives, elles sont gérées par la Loi sur les pêches et les règlements fédéraux sur la pêche.

Source : Figure produite par la Bibliothèque du Parlement à l’aide de PiktoChart.

Marshall II

La West Nova Fishermen’s Coalition, à titre d’intervenant, a présenté une requête en nouvelle audition de l’appel et demandé une ordonnance sursoyant au jugement de la Cour. La Coalition « a également demandé la tenue d’un nouveau procès, qui serait limité à la question de savoir si l’application des règlements sur les pêches à l’exercice du droit issu de traités des Mi’kmaq pouvait être justifiée pour des raisons de conservation ou pour d’autres motifs[14] ». La Cour suprême a expliqué que l’appel visait principalement à aborder les « présumés effets » de l’arrêt Marshall I sur la pêche au homard locale. Puisque ce sujet n’avait pas été soulevé par les parties pendant les audiences, il s’agissait d’une nouvelle question et elle ne constituait donc pas une raison valable d’accepter une requête en nouvelle audition de l’appel.

Le 17 novembre 1999, la requête en nouvelle audition de l’appel a été rejetée[15]. Toutefois, des explications supplémentaires ont été fournies à l’appui du rejet, qui ont contribué à préciser certains aspects de l’arrêt Marshall I. Cette décision est communément appelée l’arrêt Marshall II.

Dans l’arrêt Marshall II, la Cour suprême a précisé que les gouvernements fédéral et provinciaux pouvaient restreindre l’exercice des droits issus de traités, comme les droits de pêche, pour des raisons de conservation ou pour d’autres motifs[16]. Elle a aussi indiqué que, dans l’éventualité d’une poursuite en justice intentée en vertu de la réglementation fédérale, les pêcheurs mi’kmaq doivent démontrer qu’ils exerçaient « le droit collectif de cette communauté de chasser ou de pêcher sur ses territoires de chasse et de pêche traditionnels ». La Cour suprême a ajouté que la responsabilité en matière de conservation de la ressource incombe au ministre responsable et non aux personnes qui exploitent la ressource[17].

L’équité sur les plans « économique et régional ainsi que la reconnaissance du fait que, historiquement, des groupes non autochtones comptent sur la ressource halieutique et participent à son exploitation » faisaient aussi partie des exemples « d’autres objectifs d’intérêt public réels et impérieux » nécessitant qu’on étende le pouvoir de réglementation aux pêches autochtones[18]. Dans l’arrêt Marshall II, la Cour suprême a indiqué que « [l]es peuples autochtones ont le droit d’être consultés à propos des restrictions à l’exercice des droits ancestraux ou issus de traités[19] », mais elle n’a pas donné de précisions quant à la forme que pourraient ou devraient prendre ces consultations.

Le rapport précédent du Comité

En décembre 1999, le Comité a présenté un rapport qui faisait suite aux arrêts Marshall. Ce rapport portait surtout sur la nécessité de tenir compte des droits issus de traités, la conservation, la gestion des pêches, les pressions exercées sur les pêches à l’échelle locale ainsi que les processus et les procédures du MPO[20].

Dans son rapport, le Comité a formulé 28 recommandations, dont les suivantes :

  • il faudrait promouvoir la gestion coopérative et communautaire des pêches;
  • le gouvernement fédéral doit faciliter les négociations d’une manière plus dynamique en fournissant aux intervenants, qu’ils soient autochtones ou non, les fonds et ressources nécessaires (notamment les avis techniques) afin de leur permettre de participer efficacement au processus;
  • il faut clarifier et mieux définir le concept de « subsistance convenable »;
  • le MPO doit appliquer les mêmes règles à tous et doit donc disposer des ressources et du personnel voulus pour s’acquitter de cette mission;
  • le transfert aux collectivités des Premières nations de l’accès à la ressource halieutique doit s’effectuer par l’entremise d’un programme fédéral et volontaire de rachat des permis commerciaux existants à mesure qu’ils deviennent disponibles.

La mise en œuvre des arrêts Marshall

La participation historique des Mi’kmaq aux pêches

Les arrêts Marshall ont reconnu que les Mi’kmaq et les Wolastoqiyik (Malécites) avaient été dépossédés d’un droit de pêcher historique depuis 1783[21]. En ce qui a trait plus précisément à la pêche au homard, l’avocat à la retraite Andrew Roman a maintenu que l’« arrêt Marshall porte sur les anguilles et, tel qu’il est rédigé, il ne saurait s’appliquer aux homards ou à quelque autre espèce[22] ». L’historien William Craig Wicken a toutefois fait valoir que nous « disposons d’une vaste documentation allant de la fin du XVIIIe siècle au XIXe siècle sur la participation des Mi’kmaq à la pêche au homard[23] ». L’historien a ajouté ce qui suit :

Nous savons également qu’avant la signature des traités, dans les années 1760, les Mi’kmaq participaient à la pêche au homard. […] C’était un peuple de pêcheurs. Ils exerçaient ce droit de façon communautaire, collective. Le homard était l’une des nombreuses espèces qu’ils pêchaient et vendaient à des non-Autochtones en Nouvelle-Écosse et dans les Maritimes[24].

Compte tenu de la participation historique des Mi’kmaq aux pêches et de la reconnaissance, par les arrêts Marshall, du droit des Mi’kmaq de pêcher pour s’assurer une subsistance convenable, un droit issu de traités, les témoins ont convenu de la nécessité de veiller à une mise en œuvre efficace des pêches de subsistance convenable. Les témoins ne se sont cependant pas entendus sur la manière de mettre en œuvre les arrêts Marshall de façon transparente et équitable tout en assurant la prévisibilité de l’attribution de l’accès aux pêches et la priorité à la conservation de la ressource halieutique.

Les mesures prises par Pêches et Océans Canada à la suite des arrêts Marshall

L’Initiative de l’après‑Marshall et l’Initiative des pêches commerciales intégrées de l’Atlantique

L’Initiative de l’après‑Marshall, mise en œuvre de 2000 à 2007, et l’Initiative des pêches commerciales intégrées de l’Atlantique, lancée en 2007 et renouvelée en 2019, ont permis au MPO de fournir à des communautés des Premières Nations « des permis de pêche commerciale, des bateaux et des engins de pêche, ainsi que des formations, le tout à l’appui de l’augmentation de la participation des Autochtones aux pêches commerciales[25] ». La ministre a abordé cette question devant le Comité :

[E]n 1999, la valeur des débarquements de la pêche autochtone s’élevait à environ 3 millions de dollars; l’an dernier, elle s’élevait à 120 millions de dollars. Des progrès ont donc été faits relativement à l’accès des Premières Nations à la pêche[26].

Dans un mémoire du 21 décembre 2020 présenté au Comité, le MPO a fourni des données sur les permis de pêche commerciale communautaire des Premières Nations, qui sont délivrés dans le cadre du Programme de transfert d’allocations du Ministère, et sur la valeur des débarquements. L’accès à la pêche commerciale communautaire, régi par le Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones, varie grandement d’une communauté à l’autre. Dans le cas de la pêche au homard, les communautés visées par les arrêts Marshall détenaient 347 permis de pêche commerciale communautaire en 2020, et la valeur totale de leurs débarquements a avoisiné les 58 millions de dollars en 2018[27]. Selon Bernie Berry, président de la Coldwater Lobster Association, le gouvernement du Canada s’est donc acquitté de sa responsabilité fiduciaire relativement aux arrêts Marshall :

L’initiative découlant de l’arrêt Marshall, conjuguée à d’autres programmes gouvernementaux et à l’ingéniosité des Premières Nations, a contribué à la réussite économique des Premières Nations du Canada atlantique. Cette réussite a été documentée dans un récent rapport de l’Institut Macdonald‑Laurier, qui montre que le revenu total de la pêche dans les réserves pour les Mi’kmaq et les Malécites de la Nouvelle‑Écosse est passé de 3 millions de dollars en 1999 à 152 millions de dollars en 2016. On estime que ce montant est beaucoup plus élevé aujourd’hui[28].

Les témoins des Premières Nations ont contesté le point de vue de Bernie Berry. Selon le chef régional Paul Prosper, l’accès amélioré à la pêche commerciale communautaire et les capacités accrues des Premières Nations ont aidé ces dernières à faire leur entrée dans le secteur des pêches[29]. Les accords d’accès à la pêche commerciale communautaire ont toutefois été conclus sans porter atteinte aux droits issus de traités. Le chef George Ginnish a tenu les propos suivants à ce sujet :

Dans le cadre des accords Marshall, au lieu de mettre en œuvre une pêche fondée sur les traités, Pêches et Océans a offert un financement aux bandes pour qu’elles achètent des permis, des bateaux et de l’équipement de pêche aux pêcheurs existants afin qu’ils puissent participer à la pêche commerciale en vigueur selon les règles du ministère. Cette mesure visait à apaiser les pêcheurs non Autochtones, et non à mettre en œuvre les droits des Mi’kmaq. Bien que certaines communautés mi’kmaq aient refusé de signer ces accords unilatéraux, de nombreuses autres, appauvries et privées depuis longtemps de tout accès à la pêche, se sont senties obligées de les signer[30].

Des témoins se sont interrogés sur la nécessité d’accroître l’accès des communautés mi’kmaq aux pêches par le biais d’une pêche de subsistance convenable au moment même où des Premières Nations louaient des permis de pêche commerciale communautaire à des sociétés de pêche. Melanie Sonnenberg, présidente de la Fédération des pêcheurs indépendants du Canada, a indiqué que la location de permis à des entités commerciales risquait de se faire « au détriment de la propriété locale et de l’accès réel à la ressource dans toutes les communautés côtières[31] ». De l’avis de Richard Williams, directeur de recherche du Conseil canadien des pêcheurs professionnels, les pêcheurs indépendants ont livré la lutte pendant deux décennies pour que les politiques relatives à la séparation des flottilles et aux propriétaires exploitants soient inscrites dans la loi et les règlements, et le défi consiste maintenant à s’assurer que le développement des pêches des Premières Nations « se fonde sur un cadre favorisant une pêche communautaire, indépendante, dans laquelle le pêcheur est propriétaire[32] ». Gary Hutchins, un superviseur du MPO à la retraite, a ajouté, à ce sujet :

En réalité, il faudrait peut‑être se demander pourquoi les Autochtones n’ont pas tous accès à une licence qui leur assurerait une subsistance convenable. La réponse vient peut‑être de la pratique consistant à louer certaines de ces licences à des propriétaires d’entreprise blancs, qui a pour résultat d’enlever des possibilités aux Autochtones eux‑mêmes. Certains m’ont dit qu’ils aimeraient pratiquer la pêche à des fins de subsistance convenable, mais qu’ils n’en ont jamais eu la possibilité[33].

Les ententes de réconciliation et de reconnaissance des droits

Outre l’Initiative des pêches commerciales intégrées de l’Atlantique, le gouvernement fédéral a commencé à négocier en 2017 des ententes de réconciliation et de reconnaissance des droits avec les Premières Nations mi’kmaq et wolastoqiyik (malécites) de la Nouvelle-Écosse, de l’Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick et de la Gaspésie au Québec. Ces ententes sont des accords sectoriels de durée limitée, et les négociations font partie d’un effort de réconciliation plus large mené par Relations Couronne‑Autochtones et Affaires du Nord Canada. Selon la ministre, les deux ententes de 10 ans conclues en 2019 avec les Premières Nations d’Elsipogtog et d’Esgenoôpetitj, au Nouveau‑Brunswick, et avec les Malécites de la Première Nation de Viger, au Québec, sont le fruit d’efforts déployés par le gouvernement fédéral actuel pour élargir « le mandat des négociations sur la subsistance convenable » et pour mettre en œuvre les arrêts Marshall[34].

Le chef George Ginnish a présenté un point de vue différent au Comité. À son avis, la question de la pêche de subsistance convenable ne fait pas partie du mandat de négociation actuel du MPO. Il a indiqué que, dans le cadre du processus de signature des ententes proposées par le MPO, « on nous demande d’accepter de ne pas faire valoir nos droits issus des traités pendant 10 ans encore si nous signons ces ententes », avant de poursuivre :

Cela fait 21 ans que nous n’avons pas pêché aux termes des traités. On nous demande donc de ne pas le faire pendant 10 ans encore alors qu’on nous promet des fonds supplémentaires, ce qui est une insulte. Nous avons soulevé cette question auprès de la ministre, et nous estimons qu’il faut supprimer la disposition de non‑affirmation contenue dans ces ententes — cela fait 20 ans — et nous asseoir ensemble pour vraiment commencer à parler de l’accès prévu en vertu des traités et de l’inclusion de nos membres[35].

La chef Darlene Bernard a aussi fait part de son mécontentement concernant le mandat de négociation du MPO, qu’elle juge trop limité[36]. Selon elle, les négociations devraient être menées par Relations Couronne‑Autochtones et Affaires du Nord Canada plutôt que par le MPO, car la pêche de subsistance convenable est une question de droits, et non une question d’accès commercial. Eric Zscheile, avocat et négociateur du Kwilmu’kw Maw-klusuaqn Negotiation Office, a cependant mentionné que, d’après ce qu’il a pu voir à la table de négociations, le MPO avait toujours insisté que les négociations sur les pêches étaient de son ressort[37].

Selon le point de vue des témoins des Premières Nations, le droit de pêcher aux fins de subsistance convenable, qui est issu de traités et qui a été reconnu et confirmé constitutionnellement, n’est toujours pas appliqué. Il n’existe toujours aucun cadre reconnu établissant comment les Premières Nations peuvent exercer ce droit légalement, séparément du droit de pêcher à des fins alimentaires, sociales et rituelles, qui n’a pas d’aspect commercial, et de la pratique d’une pêche commerciale communautaire, qui n’est pas garantie par la Constitution.

La difficulté de définir le concept de subsistance convenable

Même si la Cour suprême a employé les termes « biens nécessaires » et « subsistance convenable » dans les arrêts Marshall, elle n’a fourni aucune définition explicite de ces termes. Le terme « biens nécessaires » était tiré des traités de paix et d’amitié de 1760 et de 1761, qui en précisaient le contexte. Toutefois, le terme « subsistance convenable » a été proposé dans les arrêts Marshall comme synonyme moderne du terme « biens nécessaires », sans toutefois y être défini. À ce jour, il ne semble exister aucune définition largement acceptée du terme « subsistance convenable ».

Justin Martin, coordonnateur de la pêche de la Première Nation de Potlotek, a observé qu’il incombait à chaque communauté mi’kmaq de définir et de quantifier la « subsistance convenable ». À ses yeux, toute tentative de définir juridiquement les concepts de subsistance convenable et de pêche de subsistance convenable « dépasse la portée de ce comité[38] ». Le MPO doit d’abord comprendre les besoins des communautés mi’kmaq et leur donner les outils nécessaires pour déterminer ce qui constitue pour eux un moyen de subsistance convenable. La ministre a semblé être d’accord avec cette perspective :

En ce qui concerne la définition de la notion de « subsistance convenable », selon moi, il faut se rappeler qu’au fil de l’histoire, les gouvernements ont établi des systèmes qui n’incluaient pas les Mi’kmaq et les autres Premières Nations. Aujourd’hui, nous devons absolument permettre aux Premières Nations de définir elles‑mêmes ce qui constitue une subsistance convenable. Le gouvernement ne peut pas imposer sa propre définition; elle doit venir directement des Mi’kmaq. Tout le monde semble croire qu’il serait beaucoup plus simple pour le gouvernement de fournir une définition et d’obliger tout le monde à l’adopter, mais d’après moi, ce n’est pas la meilleure voie à suivre[39].

La définition de ce qui constitue une subsistance convenable sort du cadre que s’est donné le Comité pour son étude. Les membres conviennent également que le Comité ne participe pas aux négociations de nation à nation.

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada reconnaisse le droit des Mi’kmaq et des Malécites à une pêche de subsistance convenable comme fondement des relations de nation à nation entre le gouvernement du Canada et les nations mi’kmaq et malécites.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada travaille en partenariat avec les communautés mi’kmaq et malécites pour les aider à définir ce qui constitue une pêche de subsistance convenable d’une manière qui respecte l’importance culturelle de cette pêche et répond aux besoins des Mi’kmaq et des Malécites, tout en respectant la Constitution et les lois du Canada.

Recommandation 3

Que la mise en œuvre d’une pêche de subsistance convenable tienne compte de la façon dont la participation des Mi’kmaq et des Malécites à diverses pêches au homard a évolué depuis les arrêts Marshall.

Recommandation 4

Que le gouvernement fédéral entreprenne des discussions avec tous les représentants mi’kmaq et malécites concernés afin d’aider à déterminer qui possède des droits issus de traités confirmés par les arrêts Marshall.

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada travaille avec les nations mi’kmaq et malécites afin d’aider à s’assurer que toute entente concernant la mise en œuvre d’une pêche de subsistance convenable bénéficie directement aux membres des communautés visées, que ce soit sous la forme de la création d’emplois ou d’autres débouchés économiques, et que le produit des prises soit communiqué de façon transparente aux membres des communautés.

Recommandation 6

Que le gouvernement fédéral donne à ses négociateurs un mandat clair et souple en vue des négociations avec les représentants autochtones.

Recommandation 7

Que le gouvernement fédéral entreprenne un examen complet des investissements, du matériel et des mesures qu’il aura consacrés aux communautés mi’kmaq et malécites afin d’assurer le respect des droits de pêche issus de traités qui ont été confirmés par les arrêts Marshall, de manière à évaluer l’efficacité de ses efforts dans la poursuite des objectifs fixés. Que les résultats de cet examen soient rendus publics.

Recommandation 8

Que le gouvernement du Canada reconnaisse que le droit des Mi’kmaq et Malécites de pêcher, de faire le commerce du produit de la pêche et de cogérer des pêches de subsistance convenable, un droit issu de traités, est le fondement d’une relation de nation à nation entre le gouvernement du Canada et les nations mi’kmaq et malécites.

Recommandation 9

Que Pêches et Océans Canada fasse connaître clairement ses objectifs stratégiques, les démarches à suivre et les échéanciers concernant le processus de mise en œuvre du droit de pêcher aux fins de subsistance convenable, un droit issu de traités.

Le droit à une subsistance convenable issu de traités et la gouvernance des pêches

L’autorité en matière de gestion des pêches

Les difficultés entourant la mise en œuvre des arrêts Marshall touchent la gouvernance des pêches. Selon des Mi’kmaq qui ont témoigné devant le Comité, la mise en œuvre des arrêts de la Cour suprême ne devrait pas être vue comme une question de réglementation, mais comme une question de droits dans le cadre de laquelle il convient de reconnaître le rôle que peuvent jouer les communautés mi’kmaq dans la gestion et l’intendance de la ressource halieutique[40]. Le chef Darcy Gray a exprimé le point de vue suivant à cet égard :

Le Ministère insiste pour faire entrer le traité sur les pêches des Mi’kmaq dans un moule créé pour la pêche commerciale non autochtone. Nous n’entrons pas dans ce moule. Il n’a pas été fait pour nous. Les restrictions qu’il impose sont injustifiables. Nous sommes plus que capables de concevoir une approche en matière de gouvernance des pêches qui reflète nos droits, nos valeurs et nos ambitions, mais le Ministère ne veut pas travailler avec nous. En n’offrant aucune mesure d’adaptation raisonnable pour notre traité, le Ministère ne nous donne autre choix que de nous autoréglementer. D’une certaine façon, j’en suis reconnaissant, puisque les pêcheurs et la communauté ont réalisé que nous étions capables de nous acquitter de cette responsabilité. L’autodétermination et l’autonomie gouvernementale représentent l’avenir de nos pêcheries[41].

Le chef Wilbert Marshall a indiqué que le MPO applique le droit des Mi’kmaq à une pêche de subsistance convenable issu de traités, en facilitant l’accès à la pêche commerciale communautaire, qui est assujettie à la réglementation du Ministère. Selon lui, cette approche ne convient pas aux communautés mi’kmaq :

Le ministère des Pêches et des Océans continue de voir le droit à une subsistance convenable issu d’un traité selon une perspective coloniale. Il a maintenu sa position selon laquelle nous devrions pêcher selon ses règles, en utilisant ses permis et ses raisons. Nous avons le droit de nous gouverner nous-mêmes, et cela inclut le droit de gérer nos pêches et de développer nos propres pêches de subsistance, indépendantes des pêches commerciales[42].

Le Comité remarque que, conformément à l’article 9.1 de la Loi sur les pêches, la ministre des Pêches et des Océans a le pouvoir de prendre des arrêtés de gestion des pêches. Les membres ont aussi appris que de nombreuses associations de pêcheurs commerciaux s’opposent aux pêches autoréglementées de subsistance convenable des Mi’kmaq. Bernie Berry, par exemple, a dit à ce sujet :

Ce processus [de négociation] doit reconnaître qu’il ne peut y avoir qu’un seul organisme de réglementation et un seul ensemble de règles pour tous. Nous ne pouvons pas envisager d’avoir plusieurs régimes réglementaires. S’il y a plusieurs organismes de réglementation pour une seule pêcherie, cela ne fera que provoquer la confusion, le non‑respect des règles, le manque de données scientifiques, la non‑application des règles, etc[43].

Naiomi Metallic, titulaire de la Chaire du chancelier en droit et politiques autochtones et professeure adjointe à l’Université Dalhousie, a observé que, dans le contexte du pluralisme juridique qui découle du fait que le MPO et les communautés mi’kmaq jouent tous un rôle dans la gestion et la réglementation de la ressource halieutique, il est possible de résoudre les différences observées entre les lois, les règlements ou les politiques au moyen de la négociation, comme le font déjà, dans le contexte du fédéralisme canadien, les gouvernements fédéral et provinciaux en cas de différend[44].

Dans un mémoire qu’il a soumis au Comité, le chef Darcy Gray soutient que, en dépit du pouvoir discrétionnaire dont jouit la ministre en vertu de la Loi sur les pêches, l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 protège les droits issus de traités et « restreint l’autorité et le pouvoir discrétionnaire de la ministre[45] ». Il fait remarquer que le droit jurisprudentiel a évolué depuis les arrêts Marshall et que, comme la Cour suprême l’a expliqué en 2014, « [t]out comme le fait la Charte canadienne des droits et libertés, la protection des droits ancestraux garantie à l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 vient limiter l’exercice des pouvoirs législatifs fédéraux et provinciaux[46] ».

Recommandation 10

Que les pêches commerciales des Autochtones et des non‑Autochtones soient assujetties à un seul ensemble de règles et de règlements fondés sur la conservation et la sécurité, lesquels doivent s’appliquer à tous les participants à une pêche en particulier.

Recommandation 11

Que le gouvernement du Canada reconnaisse que les Mi’kmaq et les Malécites ont le droit de gérer et d’exploiter des ressources aux fins de leur développement économique, en s’appuyant sur leurs institutions de gouvernance traditionnelle, leurs Aînés et leurs leaders, et en déterminant le mode de propriété et d’accès ainsi que le mode et le rythme du développement économique qui découlera de l’accès aux ressources et de l’exploitation des ressources dans leurs territoires ancestraux traditionnels, dans le respect de la Constitution et des lois du Canada.

Recommandation 12

Que le gouvernement du Canada reconnaisse que les Mi’kmaq et les Malécites ont un intérêt non seulement dans les pêches, mais aussi dans la gestion des pêches, et qu’ils veulent à cet égard être considérés comme des nations et non comme de simples intervenants.

Recommandation 13

Que le gouvernement du Canada envisage d’autres modèles de gouvernance qui soient compatibles avec les traités et les lois canadiennes prévoyant le partage de l’autorité et des pouvoirs de décision avec les nations mi’kmaq et malécites.

La cogestion comme solution possible

Thierry Rodon, professeur agrégé et titulaire de la Chaire de recherche sur le développement durable du Nord à l’Université Laval, estime que, dans sa politique de 1995 concernant la mise en œuvre du droit inhérent des peuples autochtones à l’autonomie gouvernementale et la négociation de cette autonomie, le gouvernement du Canada a reconnu le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale comme un droit ancestral existant en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982[47]. Pour cette raison, il a proposé la cogestion comme voie à suivre :

La cogestion des ressources naturelles permet de reconnaître une double autorité : celle du gouvernement fédéral sur les pêches commerciales et celle des communautés autochtones sur la gestion de leurs ressources.

Susanna Fuller, Océans Nord Canada, a également observé que la cogestion pourrait jouer un rôle clé dans la réconciliation[48]. Elle a notamment cité le rapport de la Révision de la politique sur les pêches de l’Atlantique (RPPA) menée par le MPO en 2004 :

Un objectif important de ce cadre stratégique consiste à favoriser la participation des Autochtones aux processus décisionnels liés à la gestion des pêches ainsi que leur engagement de façon à promouvoir la collaboration entre tous les utilisateurs de la ressource.

Ce rapport définit la cogestion comme « le partage de la responsabilité et de l’obligation de rendre compte des résultats entre le MPO et les utilisateurs de la ressource. Cette notion englobera également, en bout de ligne [et à la suite des modifications législatives requises], la délégation du pouvoir de gestion des pêches[49] ». Par ailleurs, grâce à son Cadre intégré des politiques autochtones de 2007, le MPO s’engage à travailler avec les Premières Nations afin d’accroître leur participation « à la gestion et à la protection des ressources aquatiques […], notamment la formulation de politiques et de programmes, la planification, la prise de décisions concernant la gestion des ressources, et l’exécution des programmes[50] ».

Eric Zscheile a donné au Comité des exemples de modèles de cogestion et d’ententes de réconciliation et de reconnaissance des droits qui permettent aux Premières Nations, à Parcs Canada et au gouvernement de la Nouvelle‑Écosse de cogérer la faune efficacement[51]. Il a cependant déploré que le MPO, contrairement à tous les autres ministères, ait « récupéré l’étiquette de l’approche de la réconciliation des droits et l’[ait] appliquée à un processus qui n’est conforme ni à l’esprit ni à l’intention de ce concept » :

C’est ce processus que le MPO a élaboré de manière unilatérale en se fondant sur ses propres modèles réglementaires. Il repose sur des mandats intéressés et intentionnellement tracassiers. À ce jour, je ne classerais aucune entente conclue avec le MPO comme inspirée véritablement de l’approche fondée sur la réconciliation des droits.

La contiguïté comme critère d’accès

Sterling Belliveau, ancien ministre des Pêches et de l’Aquaculture de la Nouvelle-Écosse, a parlé du cas de la Première Nation de Sipekne’katik, établie à l’intérieur des terres, qui a lancé une pêche au homard autoréglementée afin d’en tirer une subsistance convenable. Elle pêche dans la baie Sainte‑Marie, à environ 300 km de son territoire. Selon Sterling Belliveau, la contiguïté du territoire doit être un critère pour déterminer l’accès d’une nation à la pêche de subsistance convenable[52]. Bernie Berry a exprimé une opinion similaire :

La contiguïté doit être un élément majeur de toute discussion concernant également un moyen de subsistance convenable. Les Premières Nations ont des territoires traditionnels où leurs membres chassent et pêchent. Les Premières Nations ne peuvent pas simplement choisir où elles veulent pêcher. Les terres, les zones et les territoires traditionnels doivent être établis et respectés par les Premières Nations[53].

Même si le Cadre décisionnel pour l’octroi de nouveaux accès du MPO accorde « la priorité d’accès à ceux et à celles qui vivent le plus proche de la ressource halieutique en question [et qu’il] se fonde sur […] l’hypothèse implicite que l’accès fondé sur la contiguïté favorisera l’intendance locale et le développement économique local[54] », il faut noter que ni la Cour suprême, dans les arrêts Marshall, ni le Comité, dans son rapport de 1999 sur les répercussions des arrêts Marshall, ne mentionnent la contiguïté comme critère d’accès dans le contexte de la pêche de subsistance convenable.

Par ailleurs, l’historien William Craig Wicken a fait remarquer au Comité que les Mi’kmaq ont été chassés peu à peu des régions côtières lors de la colonisation de la Nouvelle‑Écosse :

La plupart des Mi’kmaq vivent, en fait, en aval de la Shubenacadie, dans les régions de Queens, Shelburne et Yarmouth, ainsi que dans le comté de Kings. Ce fut un processus progressif. Ils ont été dépossédés de leurs zones côtières où ils avaient historiquement vécu. C’est un peuple côtier et un peuple de pêcheurs.
Des réserves ont été créées à partir des années 1840, mais la plupart d’entre elles étaient à l’intérieur des terres et très, très petites, et comme à Bear River et Shubenacadie, qui sont des zones marécageuses, elles ne sont pas très accessibles aux zones côtières[55].

Recommandation 14

Que, dans le cadre du transfert de nouveaux permis de pêche communautaire commerciale aux Premières Nations, le gouvernement fédéral tienne compte du principe de la contiguïté.

La conservation de la ressource halieutique et l’application des règlements sur les pêches

À l’automne 2020, les Mi’kmaq ont lancé, en Nouvelle‑Écosse, des pêches autoréglementées au homard afin d’en tirer une subsistance convenable. Comme ces pêches ont été lancées en dehors des saisons de pêche commerciale réglementées par le MPO, certains pêcheurs et biologistes ont dit craindre pour la conservation de la ressource halieutique. Des questions ont également été soulevées concernant la capacité du MPO d’appliquer les règlements sur les pêches et à savoir s’il y avait lieu de restreindre les droits issus de traités pour des motifs de conservation de la ressource.

La conservation du homard

Les mesures de conservation réglementées par Pêches et Océans Canada

La gestion de la pêche au homard repose sur la limitation de l’effort, c’est‑à‑dire la limitation du nombre de participants et des engins de pêche autorisés. Michael Barron, Cape Breton Fish Harvesters Association, a rappelé au Comité les particularités de cette pêche :

L’industrie de la pêche au homard a été la première à limiter le nombre de participants dans le but de stabiliser l’emploi et de contrer la tendance historique d’assister à une augmentation de la participation en période de forte production, suivie d’un retrait des investissements et d’une sortie de l’industrie par ceux qui ne dépendaient pas uniquement de cette pêche. Or, même en limitant le nombre de participants, il a été nécessaire d’instaurer des programmes de rachat dans les années 1970, et encore récemment au début des années 2000, pour tenter de faire correspondre le nombre de participants à la ressource disponible[56].

Selon Colin Sproul, président de la Bay of Fundy Inshore Fishermen’s Association, c’est « la pérennité qui est vraiment au centre de la crise actuelle » du homard dans la baie Sainte‑Marie[57]. Les associations de pêcheurs commerciaux ont indiqué que, pour assurer la durabilité de la ressource, leurs membres travaillent depuis des années avec le MPO afin de réduire l’effort dans le secteur de la pêche côtière, où le nombre de permis est limité. Diverses mesures de conservation sont ainsi appliquées, comme des limites au nombre de casiers, des saisons de pêche restreintes et décalées, la protection des femelles œuvées ainsi que des limites de taille minimale et maximale[58]. À partir de 2006, par exemple, le Regroupement des pêcheurs professionnels de homard du Sud de la Gaspésie a pris des mesures pour réduire l’effort de pêche de 30 %[59]. Comme Kent Smedbol, gestionnaire au MPO, l’a dit au Comité, cette approche de précaution a permis d’assurer des stocks de homard sains dans tout le Canada atlantique[60].

Michael Dadswell, ancien scientifique en biologie au MPO et professeur de biologie à la retraite, a fait part de ses préoccupations au sujet de la pêche hors saison :

Les femelles adultes ne muent et ne se reproduisent que tous les deux ans. Cela ralentit leur croissance. Quand elles ne sont pas grainées, c’est‑à‑dire qu’elles ne portent pas d’œufs, on peut les pêcher pendant plus longtemps. Il est donc très important de les protéger.
[…]
Dans le golfe du Saint-Laurent, les températures plus chaudes de l’eau en été font que les femelles arrivent à maturité à un plus jeune âge, soit environ entre cinq et six ans. À la fin juin, leur carapace est molle, ce qui signifie qu’elles peuvent alors être inséminées. En général, elles libèrent leurs œufs au mois d’août.
Dans le sud‑ouest de la Nouvelle‑Écosse, qui correspond au secteur de pêche 34, dont nous avons beaucoup parlé, les femelles arrivent à maturité beaucoup plus tard, soit entre sept et huit ans. Leurs carapaces sont molles en juillet et en août, et la ponte des œufs n’intervient pas avant octobre ou novembre.
[…]
Pêcher le homard en dehors de la saison équivaut à une exploitation excessive, nuisible au recrutement, puisque le stock de femelles n’est pas renouvelé, que les animaux à carapace molle ont des taux de mortalité plus élevés, et sont peu appréciés des consommateurs[61].

De nombreuses associations de pêcheurs commerciaux ont aussi dit se préoccuper des effets sur la conservation que pourraient avoir, localement, d’éventuelles pressions excessives résultant du lancement de pêches de subsistance convenable. Comme l’a expliqué Michael Barron :

Les pêcheurs commerciaux craignent très logiquement qu’en augmentant ou en modifiant l’effort par des quantités inconnues, en particulier si cela est concentré dans quelques régions, on réduise considérablement les prises dans ces régions, en laissant les autres inchangées[62].

D’après Martin Mallet, directeur exécutif de l’Union des pêcheurs des Maritimes, il est déjà arrivé que des tensions surgissent entre pêcheurs autochtones et pêcheurs commerciaux à propos de la pêche hors saison faite à des fins alimentaires, sociales et rituelles[63]. Pour Kevin Squires, président du Local 6 de l’Union des pêcheurs des Maritimes, la transparence au sujet des limites imposées à la pêche de subsistance convenable, tant pour le nombre de participants que pour la quantité totale des prises, est essentielle à la conservation de la ressource[64]. Pour cette raison, les associations de pêcheurs commerciaux ont demandé que les pêches au homard visant une subsistance convenable soient réglementées par le MPO et se fassent en saison. Peter Connors, président de la Eastern Shore Fisherman’s Protective Association, a résumé le point de vue de l’industrie :

Ce qui menace réellement notre industrie de plusieurs milliards de dollars et nos ressources, c’est une pêche concurrentielle et non conforme. Sans le soutien des acteurs conformes au sein de l’industrie, la conservation et la protection seront compromises. Les termes clés sont « concurrentielle », par opposition à restreinte ou réglementée, ainsi que « conformes » par opposition à non conformes. Le meilleur moyen d’assurer une subsistance convenable est d’utiliser le cadre actuel tant pour les pêcheurs autochtones que non autochtones[65].

Par ailleurs, Kent Smedbol a signalé au Comité que, mises à part les considérations biologiques, il y a aussi des « considérations économiques liées aux saisons[66] ». Selon Shelley Denny, de la Première Nation de Potlotek, les conditions des glaces de mer peuvent déterminer le moment où est lancée une saison de pêche commerciale[67]. Elle a ajouté qu’il y a « des motifs justifiant l’établissement de saisons pour la pêche, mais ils sont liés pour la plupart aux conditions du marché. Le Canada préfère vendre le homard à carapace dure. »

Recommandation 15

Que le Secteur des sciences de Pêches et Océans Canada mène une évaluation approfondie des stocks de homard de l’Atlantique et du Québec et qu’il détermine les impacts environnementaux et écologiques de toutes les activités de pêche qui ont lieu en dehors des saisons de pêche actuellement établies.

Recommandation 16

Que, dans le cadre de la mise en œuvre et de la réglementation des saisons de pêche, Pêches et Océans Canada fonde ses décisions sur les meilleures données scientifiques disponibles relatives à la santé et à la conservation des stocks, notamment en ce qui concerne la température de l’eau, les saisons de mue et de reproduction, la dureté des carapaces et d’autres facteurs.

Recommandation 17

Que les pêches soient gérées par Pêches et Océans Canada, sous la direction de la ministre des Pêches et des Océans, et que l’objectif prépondérant à long terme soit la conservation de la ressource halieutique commune du Canada.

Recommandation 18

Que Pêches et Océans Canada reconnaisse les données scientifiques historiques qui soutiennent la pratique de la pêche au homard à différentes périodes de l’année et à différents endroits, et qui démontrent que, au cours du cycle de reproduction du homard, qui va de l’insémination à l’extrusion des œufs, puis à la libération des œufs, la pêche devrait être interdite à tous les pêcheurs autochtones et non autochtones.

Netukulimk et les pratiques mi’kmaq fondées sur la conservation

Justin Martin a souligné que la conservation de la ressource halieutique est aussi une « valeur de gestion primordiale » des Premières Nations[68]. À la suite de consultations communautaires et de la recherche de consensus, les Mi’kmaq ont lancé des pêches autoréglementées de subsistance convenable qui reposent sur leurs pratiques de conservation. Les principes netukulimk sont destinés à établir un ensemble commun de normes minimales que les Mi’kmaq appliquent pour pêcher à des fins de subsistance convenable. Justin Martin a donné l’explication suivante :

Nous utilisons la définition de netukulimk. Il s’agit de l’utilisation des richesses naturelles offertes par le Créateur pour l’autosuffisance et le bien‑être de la personne et de la communauté en respectant des normes adéquates en matière d’alimentation communautaire et de bien-être économique et spirituel sans compromettre l’intégrité, la diversité et la productivité de la richesse naturelle. Il a été très clairement établi, dès le début de l’élaboration de ce plan [de gestion des pêches] et lors de nos rencontres avec les membres de l’Assemblée, les chefs, les conseils et le Grand conseil, que netukulimk était le principe fondamental qui sous‑tendait tous les efforts liés à l’élaboration de ce plan.
Notre notion de conservation est netukulimk. Nous allons jusqu’à parler du bien‑être spirituel de la personne et de l’environnement pour veiller à ce que non seulement l’espèce soit conservée, mais aussi à ce que les personnes qui l’exploitent soient prises en charge à tous les niveaux[69].

À propos de la pêche hors saison pratiquée par la Première Nation de Potlotek, Justin Martin a indiqué ce qui suit :

[La communauté a pris la décision] de pêcher en deux périodes distinctes, en automne et, en même temps que la pêche commerciale, au printemps. Dans un certain nombre de réunions communautaires, nous avons analysé les pratiques axées sur la conservation, y compris les saisons de pêche commerciale et les motifs de leur mise en vigueur par Pêches et Océans Canada, sous la recommandation des associations de pêcheurs de homard.
Notre communauté a conclu qu’elle voulait se conformer seulement aux pratiques axées sur la conservation et ne pas se plier à une logique axée sur les possibilités de commercialisation et l’accès aux marchés, ce qui l’a fait se ranger derrière l’opinion commune selon laquelle l’été ou les températures maximales de l’eau favorisaient davantage la capture du homard et augmentaient sa vulnérabilité pendant la période de reproduction et la mue. Elle a choisi de faire débuter la pêche le 1er octobre, ce qui est fréquent dans d’autres parties de la province. Dans le golfe, c’est‑à‑dire dans le nord de la Nouvelle‑Écosse, une saison est ouverte en août et septembre. Dans le sud-ouest, elle débute à la mi‑octobre[70].

La chef Darlene Bernard a rappelé au Comité que les « Mi’kmaq ont survécu pendant des milliers d’années en exploitant les ressources dans une optique de durabilité[71] » :

Les Mi’kmaq vivent à Epekwitk depuis 12 000 ans, et notre priorité pour les ressources a toujours été et sera toujours intrinsèquement basée sur la conservation. Nous ne cherchons pas à épuiser la ressource. Depuis des siècles, nous vivons en accord avec le netukulimk, ce principe qui dit qu’il faut prendre ce dont on a besoin et laisser le reste à la génération suivante.
Nous sommes respectueux et reconnaissants à l’égard de nos ressources. Au Canada, toute surpêche d’une espèce particulière ayant suscité des inquiétudes sur le plan de la conservation est le fait de la pêche commerciale postcoloniale et non celui de la pêche autochtone.
[…]
Il faut également noter que s’il devait y avoir des problèmes concernant la conservation, la pêche commerciale fondée sur des privilèges serait le premier endroit où il y aurait lieu d’envisager des restrictions, et non la pêche de subsistance fondée sur des droits.

Selon Thierry Rodon, tous les pêcheurs, qu’ils fassent partie ou non d’une Première Nation, ont un intérêt commun dans des pêches pratiquées de façon responsable et dans la mise en œuvre de mesures de conservation. Il a parlé de son expérience de travail avec les Innus du Québec :

Selon mon expérience de travail avec les Innus, ils ont autant intérêt, sinon plus, à gérer la ressource de façon aussi responsable que les autres. De toute évidence, les Autochtones ne vont pas déménager. Les Mi’kmaq, qui sont là depuis des millénaires, ne vont pas épuiser la ressource pour ensuite déménager, comme c’est le cas souvent d’autres pêcheurs[72].

De nombreux témoins ont estimé qu’une plus grande collaboration entre pêcheurs mi’kmaq et pêcheurs commerciaux en matière de conservation serait une bonne chose. Même si les différences entre les valeurs et les convictions qui sous‑tendent les systèmes de connaissances autochtones et la science occidentale peuvent créer des obstacles, les deux parties pourraient fort bien éviter les conflits en adoptant une « approche à double vision » – selon le terme employé par Shelley Denny – qui servirait à explorer des solutions sous l’angle des deux systèmes de connaissances[73]. O’neil Cloutier, directeur général du Regroupement des pêcheurs professionnels du Sud de la Gaspésie, a donné un exemple de collaboration du genre entre la Première Nation des Malécites de Viger et les pêcheurs commerciaux de la Gaspésie (Québec) :

Vous savez que notre région compte trois bandes autochtones mi’kmaq ainsi que la Première Nation des Malécites de Viger. Nous participons tous au comité consultatif pour élaborer des règles et des mesures adéquates concernant l’exploitation de la ressource. Nous nous réunissons chaque année, et tout le monde est présent à la table. En 2006, nous avons décidé qu’il fallait prendre beaucoup de mesures pour préserver la ressource, et les communautés autochtones étaient d’accord. Aujourd’hui, elles en tirent les bénéfices.
Selon nous, la collaboration est facile. Je vous en donne un exemple. En 2020, le comité consultatif a décidé de confier la cogestion du comité consultatif de 2021 à un groupe d’Autochtones, soit les Malécites de Viger. Ces derniers ont accepté de gérer le comité consultatif avec Pêches et Océans Canada[74].

Le MPO, les pêcheurs mi’kmaq et les pêcheurs commerciaux peuvent aussi collaborer aux efforts de conservation en recueillant conjointement des données. Le Comité a pris connaissance de la proposition suivante de Susanna Fuller :

À mesure que la pêche de subsistance convenable s’étend à d’autres espèces et à de nouvelles zones, il est impératif qu’il y ait des protocoles conjoints de collecte de données, des évaluations scientifiques et la prise en compte des questions de conservation à l’échelle de la pêche pour s’assurer que nous ne compromettons pas l’avenir des collectivités, des ressources humaines et écologiques, des Premières Nations et des non‑Autochtones. L’intégration d’une approche à double perspective dans la gestion des pêches sera également une étape importante[75].

Shelley Denny croit que, dans le domaine de la conservation, le MPO devrait prévoir des façons possibles de tenir compte de l’avis des Mi’kmaq – notamment en ce qui concerne les changements possibles aux saisons de pêche – dans les Plans de gestion intégrée des pêches qui orientent les efforts de conservation et l’exploitation durable des ressources marines[76]. Notons à cet égard que, dans son site Web, le MPO parle d’« associer les meilleures connaissances scientifiques, le savoir traditionnel autochtone et les données de l’industrie pour déterminer les mesures de gestion des pêches les plus appropriées à suivre[77] ».

Recommandation 19

Que le gouvernement du Canada fournisse les ressources nécessaires à la mise en œuvre du droit de pêcher aux fins de subsistance convenable, y compris les fonds requis pour élaborer, appliquer et adopter des pratiques exemplaires favorisant la transparence et la reddition de comptes au sein des communautés mi’kmaq et malécites.

Recommandation 20

Que Pêches et Océans Canada tienne compte des principes netukulimk et du savoir mi’kmaq et malécite dans l’établissement des limites au droit individuel de pêcher à des fins de subsistance convenable et d’améliorer l’intendance des ressources.

Recommandation 21

Que Pêches et Océans Canada favorise une plus grande collaboration entre les pêcheurs mi’kmaq, les pêcheurs malécites et les pêcheurs commerciaux au sujet des questions de conservation.

Recommandation 22

Que Pêches et Océans Canada mette en œuvre des protocoles conjoints de collecte de données, qu’il mène des évaluations des données scientifiques et qu’il examine les questions de conservation touchant l’ensemble des pêches afin d’assurer l’avenir des communautés côtières.

La conservation, motif justifiant la restriction des droits issus de traités

Dans l’arrêt Marshall II, la Cour suprême a établi clairement que le gouvernement fédéral peut restreindre l’exercice des droits issus de traités lorsque des questions de conservation ou d’autres motifs le justifient. La plupart des témoins, y compris les pêcheurs commerciaux, ont dit que toute restriction éventuelle doit respecter le critère établi dans l’arrêt Badger. Claire Canet, du Regroupement des pêcheurs professionnels du Sud de la Gaspésie, a fourni au Comité une interprétation différente des arrêts Marshall; elle a soutenu que toute restriction des droits issus de traités qui serait liée à la conservation ne serait pas assujettie au critère établi dans Badger[78]. Pour sa part, Colin Sproul a estimé que l’application du critère établi dans Badger exige de lancer un véritable processus de consultation entre le gouvernement fédéral et les Mi’kmaq :

La première partie de ce test est constituée d’un véritable processus de consultation avec les Mi’kmaq. Il n’y a pas eu un seul processus de consultation au cours des 21 dernières années. C’est peut‑être en partie parce que cela n’a pas été organisé comme il se doit pour les Mi’kmaq, mais aussi parce que les leaders des pêches autochtones refusent de participer à un processus de consultation, exprimant littéralement qu’il ne s’agit pas d’une consultation, mais d’une négociation. J’irais même jusqu’à dire que pour que le gouvernement puisse se soumettre aux critères établis dans Badger, les chefs en Nouvelle‑Écosse doivent consentir à y participer[79].

De l’avis de Naiomi Metallic, la conservation est un objectif réglementaire légitime, mais le gouvernement fédéral doit aussi prouver la validité de cet objectif, s’acquitter de son devoir fiduciaire et respecter l’honneur de la Couronne en considérant les droits ancestraux et issus de traités comme étant prioritaires dans l’accès à la ressource[80]. Le Comité a pris connaissance de plans mi’kmaq de gestion des pêches qui sont conçus pour assurer la conservation de la ressource halieutique. Ces plans comprennent des règles relatives à la conservation, à la sécurité et à la reddition de comptes. Dans la même veine, le chef Darcy Gray a parlé du plan de gestion de la pêche au homard du gouvernement mi’gmaq de Listuguj :

Nous comprenons la nécessité de bien réglementer la pêche. Nous comprenons que les droits sont assortis de responsabilités. Après plusieurs années de consultations communautaires, nous avons adopté notre propre loi et notre propre plan de gestion des pêches, qui régissent la pêche du homard, et qui permettent à notre peuple de vendre le homard, tout en veillant à ce que les efforts de pêche demeurent durables. Depuis deux ans, nous régissons nous‑mêmes la pêche automnale. Les stocks de homard dans notre région demeurent sains. Nous n’avons pas connu de violence comme celle que vit la Nouvelle‑Écosse. À notre avis, notre façon de gérer la pêche du homard est une réussite en matière d’autodétermination. Nous avons tenté de travailler avec le ministère des Pêches et des Océans. Au bout du compte, toutefois, nous nous sommes rendus là malgré le ministère[81].

Kent Smedbol a estimé que le plan de gestion écosystémique des Eskasoni‑Unama’ki, dans la région néo‑écossaise du lac Bras‑d’Or, est « complet » et témoigne d’un travail de « grande qualité[82] », mais le Comité n’a reçu du MPO aucune information concernant l’évaluation et le rejet, par le Ministère, des plans de gestion des pêches proposés par différentes communautés mi’kmaq. Le chef Wilbert Marshall a indiqué que la Première Nation de Potlotek avait fait preuve de transparence et de responsabilité dans la communication de son plan de gestion au MPO et aux associations locales de pêcheurs commerciaux. Il s’est dit déçu de la réponse du MPO :

Nous avons parlé de nos travaux au gouvernement fédéral et aux associations de pêcheurs locales. En fait, nous avons rendu notre plan public de sorte que tout le monde puisse consulter nos règles sur la conservation, la sécurité et les récoltes. Nous avons essayé de collaborer de nation à nation, mais le ministère des Pêches et des Océans nous a claqué la porte au nez. Il est devenu clair que le ministère semble d’avis que la seule voie à suivre, c’est la sienne. Il n’y a pas de véritable dialogue. Ce n’est pas une réconciliation. Il s’agit d’une approche imposée, qui ne répond aux besoins que d’une seule partie[83].

Recommandation 23

Que la ministre des Pêches et des Océans suive l’avis exprimé par la Cour suprême dans les arrêts Marshall : « L’objectif prépondérant en matière de réglementation est la conservation de la ressource, et cette responsabilité incombe carrément au ministre responsable et non aux personnes autochtones et non autochtones qui exploitent la ressource. » Dans toute entente avec les Premières Nations, seule la ministre peut agir comme autorité réglementaire, conformément à l’avis de la Cour suprême.

Recommandation 24

Que Pêches et Océans Canada reconnaisse que les droits issus de traités visant une subsistance convenable ne peuvent être réglementés que si la conservation de la ressource ou des objectifs publics impérieux et réels l’exigent.

Recommandation 25

Que Pêches et Océans Canada établisse un véritable processus de consultation afin de s’assurer que l’objectif de conservation, sur lequel doit reposer toute restriction des droits issus de traités, est bien compris par les communautés mi’kmaq et malécites concernées, et que les restrictions ne soient pas plus strictes que nécessaire.

La surveillance des activités de pêche et l’application de la réglementation sur les pêches

Pour obtenir en temps opportun des données justes et fiables sur lesquelles pourront s’appuyer les agents des pêches chargés d’appliquer la réglementation, il est essentiel de surveiller attentivement les activités de pêche et la déclaration des prises. En effet, la gestion durable des pêches passe par une application efficace de la réglementation[84].

Les activités de surveillance et d’application de la réglementation de Pêches et Océans Canada

Selon des représentants d’associations de pêcheurs commerciaux, le MPO n’applique pas uniformément sa réglementation sur les pêches. Il en résulte de l’incertitude pour l’industrie et des doutes concernant la capacité du Ministère de faire respecter la réglementation, ce qui aurait contribué « au chaos et à l’animosité » entre pêcheurs[85]. Peter Connors a exprimé l’avis suivant :

L’absence d’un règlement permanent et de clarté quant aux pouvoirs du ministère ou à sa capacité de réglementer la ressource occasionne de l’insécurité et de l’instabilité. L’ambiguïté en ce qui a trait au niveau de nécessité requis par le critère établi dans Badger entraîne le risque que le niveau de nécessité requis afin que le ministère agisse empêche les autorités de prendre des mesures préventives, ce qui permettrait à la situation de devenir incontrôlable[86].

Des témoins ont également soulevé des préoccupations sur ce que certains considèrent comme l’inaction du MPO à l’égard de la vente du produit de pêches pratiquées à des fins alimentaires, sociales et rituelles. Si Richard Williams a dit que ces activités illégales se font souvent « à l’initiative d’acteurs non autochtones de l’industrie », Gary Hutchins a indiqué, pour sa part, que les lacunes dans les activités de surveillance et d’application de la réglementation du MPO rendent l’industrie plus inquiète de la durabilité de la ressource. Le Comité note que les provinces sont responsables de délivrer les permis aux acheteurs et aux transformateurs; les provinces doivent donc veiller au respect de la réglementation par les acheteurs.

Selon Alan Clarke, chef de l’application des règlements pour le secteur sud-ouest de la Nouvelle Écosse à la retraite, le MPO ne dispose pas de ressources financières et humaines suffisantes pour remplir efficacement son rôle de surveillance et d’application[87]. Gary Hutchins a décrit la situation :

Pour faire le travail efficacement, nous aurions évidemment besoin de plus d’effectifs. Nous devons investir davantage de ressources du côté des agents. Je crois que les agents sont bien formés; cependant, si nous n’avons pas les ressources — pas assez de gens sur le terrain, disons — pour surveiller la conformité et vérifier si les pêcheries sont conformes, alors nous n’aidons pas les gens des pêcheries, que ce soit des pêcheurs autochtones ou des pêcheurs commerciaux.
Au fil des ans, nous nous sommes rendu compte, dans tous les aspects des pêches, que nous n’avions parfois aucune ressource pour faire quoi que ce soit. Parfois, on nous disait même de ranger nos véhicules, parce que nous n’avions pas d’argent pour l’essence[88].

Richard Williams a proposé de surveiller les bateaux par voie électronique et d’accroître les vérifications à quai, ce qui aiderait à établir un programme de surveillance des pêches plus complet[89]. À son avis, il est crucial de mettre en place une infrastructure de surveillance intégrée regroupant toutes les données.

Recommandation 26

Que, compte tenu des témoignages alarmants entendus, Pêches et Océans Canada, en collaboration avec les gouvernements provinciaux, mi’kmaq et malécites, élabore un plan afin de faire enquête sur les ventes illégales et non déclarées de homard, dans toutes les pêches, d’appliquer la réglementation à cet égard et d’éliminer les cas du genre.

Recommandation 27

Que, compte tenu du témoignage de la ministre des Pêches et des Océans concernant le racisme systémique et de l’importance d’une application efficace de la réglementation pour la conservation, Pêches et Océans Canada exécute avec rigueur, impartialité et uniformité la réglementation sur les pêches.

Recommandation 28

Que Pêches et Océans Canada reçoive les ressources nécessaires pour remplir son obligation de conserver la ressource. Pour s’acquitter de cette tâche, le Ministère doit disposer d’un nombre suffisant d’agents d’application de la réglementation, et ces agents doivent disposer d’un mandat clair et de l’équipement requis pour faire leur travail de façon sécuritaire et efficace.

Les activités de surveillance et d’application de la réglementation menées par les Premières Nations

Des témoins mi’kmaq ont parlé au Comité des activités de surveillance et d’application de la réglementation qui étaient menées par leur communauté. Le chef Darcy Gray a donné l’exemple du gouvernement mi’gmaq de Listuguj, qui forme des agents de conservation chargés d’appliquer le plan de gestion des pêches de Listuguj[90]. La communauté demande aussi à des contrôleurs aux quais de compter les homards à l’arrivée des bateaux.

Des occasions de collaborer à la surveillance et à l’application de la réglementation

Même s’ils se sont dits préoccupés par la surveillance des activités de pêche et l’application de la réglementation sur les pêches, les témoins n’ont pas manqué d’évoquer des possibilités de collaboration à cet égard entre le MPO, les pêcheurs des Premières Nations et les pêcheurs commerciaux. La chef Darlene Bernard a dit souhaiter que le MPO travaille avec les communautés mi’kmaq pour les aider à développer leur capacité d’application et leurs capacités scientifiques[91]. Shelley Denny a souligné que les Premières Nations ont conscience de possibles lacunes dans la gouvernance et d’abus de droits, mais elles ont besoin de modèles d’application différents, qui respectent leur culture :

Si tous les Mi’kmaq ont des droits, ils ne souhaitent pas tous faire de la pêche de subsistance. Il est nécessaire d’identifier qui souhaite pêcher. La gouvernance est déficiente à l’échelle communautaire aussi, ce qui inquiète le MPO.
[…]
Une gouvernance fondée sur des enseignements culturels transmis de génération en génération par la famille est en dissonance avec l’approche hiérarchique, très réglementée des pêches du MPO. Cependant, de part et d’autre, on considère actuellement qu’il manque une structure de gestion des pêches. Les Mi’kmaq savent que l’exercice de leurs droits présente des difficultés, notamment les abus, et qu’il doit y avoir un moyen culturellement adapté de gérer les abus, puisqu’il y a des questions éthiques sous‑jacentes qui échappent au MPO et au système de justice canadien. Il faut que les Mi’kmaq se dotent de règles sur la pêche et les pêcheries[92].

Richard Williams est d’avis que toutes les parties devront unir leurs efforts pour assurer la gestion durable de la ressource à long terme :

Ma perception est centrée sur le fait que, du moyen au long terme, nous ne pourrons pas recourir à des agents des pêches et ni faire appliquer les règles sur l’eau, comme solution à ces problèmes. Il faudra, du moyen au long terme, amener les personnes qui travaillent sur l’eau à s’entendre et instaurer le dialogue et la collaboration entre les communautés. Voilà pourquoi j’estime que la ministre a besoin de diriger cet exercice général dans un avenir immédiat[93].

Recommandation 29

Que, dans un souci de sécurité et de conservation, Pêches et Océans Canada travaille avec les Mi’kmaq et les Malécites afin de renforcer la capacité nécessaire pour appliquer la réglementation et gérer les pêches avec le soutien d’organisations mi’kmaq et malécites, ce qui comprend la surveillance, la formation, la science et la recherche, la concrétisation des valeurs mi’kmaq propices à la conservation, tels les principes netukulimk, ainsi que la capacité administrative d’assurer la transparence de la gestion des pêches au sein des communautés mi’kmaq et malécites.

Recommandation 30

Que Pêches et Océans Canada examine la viabilité de modèles d’application différents, comme des partenariats axés sur des régimes d’application sous direction autochtone, à l’instar des Rangers mi’gmaq de Listuguj ou du Programme des gardiens autochtones, et que le Ministère reçoive les fonds nécessaires pour recruter du personnel autochtone qualifié et pour travailler directement avec des communautés et des leaders autochtones de la Nouvelle‑Écosse et de différentes régions du Canada.

Recommandation 31

Que, en collaborant avec les Mi’kmaq et les Malécites, le gouvernement du Canada (Relations Couronne‑Autochtones et Affaires du Nord Canada et Pêches et Océans Canada) établisse des mécanismes réglementaires afin d’accroître la transparence entourant la pêche au homard dans la communauté.

Favoriser la communication et la sensibilisation à l’égard des traités

Les besoins en communication

Le Comité reconnaît et soutient le principe voulant que les négociations entre les Premières Nations et le gouvernement fédéral se font de nation à nation, mais il a aussi entendu différents témoins – tant des membres de Premières Nations que des pêcheurs commerciaux – qui ont dit qu’il fallait améliorer la communication et la confiance entre les Premières Nations, les pêcheurs commerciaux et le gouvernement fédéral.

Le chef Darcy Gray a recommandé d’inviter des représentants de l’industrie aux discussions, mais sans leur accorder de droit de veto; ils auraient plutôt pour rôle d’améliorer la compréhension et l’éducation concernant l’exercice des droits issus de traités[94]. Shelley Denny a quant à elle jugé qu’il faut « établir une communication constructive entre les deux groupes, échanger des renseignements et certainement informer les intervenants sur le nombre de prises et le nombre de pêcheurs à l’œuvre[95] ».

La Northumberland Fishermen’s Association a également demandé que les connaissances et les intérêts des pêcheurs commerciaux soient reconnus comme un élément important de toute discussion déterminante pour l’avenir des pêches côtières[96]. Kevin Squires a dit comprendre « la nature des négociations de nation à nation, mais il doit y avoir une place pour les pêcheurs commerciaux[97] ».

Les associations de pêcheurs commerciaux ont dit qu’il était clair, selon elles, qu’elles étaient écartées des discussions par le MPO. Il en résulte, pour toutes les parties prenantes, de l’incertitude et des craintes concernant l’avenir de l’industrie. O’neil Cloutier, par exemple, a tenu les propos suivants :

Depuis le 30 octobre 2019, le Regroupement appelle le ministère des Pêches et des Océans à mettre en place un processus de discussion, de dialogue et de communication engageant les Premières Nations de la Gaspésie, le Regroupement et le ministère. À ce jour, le ministère n’a toujours pas répondu à cet appel[98].

Bernie Berry a souligné l’importance de cette question :

Le processus de mise en place d’une pêche de subsistance convenable doit être déterminé par un dialogue ouvert avec toutes les parties concernées. Le manque de transparence dans le processus de négociation est la cause première de l’absence de progrès dans le dossier de la pêche de subsistance convenable[99].

Alan Clarke a abondé dans le même sens. Amené à évaluer les communications avec la ministre lors des troubles qui ont éclaté après le lancement, par la Première Nation de Sipekne’katik, d’une pêche au homard de subsistance convenable, il a exprimé l’opinion suivante : « Je ne les qualifierais pas de mauvaises, mais d’inexistantes[100]. »

Sur le même thème, Melanie Sonnenberg a dit : « Nous avons besoin d’une table où nous pouvons travailler collectivement afin de trouver une façon de régler les problèmes, au lieu de faire cela dans les médias, c’est-à-dire sous les projecteurs[101]. » Martin Mallet a suggéré pour sa part de créer « une table de discussion pour permettre à tout le monde de s’exprimer et de parler de la gestion des pêches[102] ».

Selon Colin Sproul, le cas de la Northwest Atlantic Fisheries Organization (NAFO) offre un précédent : « La ministre discute avec les autres nations et négocie directement avec elles, tandis que, en parallèle, elle obtient les conseils de personnes, tant autochtones que non autochtones, qui font partie de l’industrie de la pêche[103]. »

Lors de sa comparution devant le Comité, la ministre a répété qu’elle continuerait « de faire tous les efforts possibles avec l’industrie pour accroître la transparence, officialiser les voies de communication et veiller à ce que l’industrie ait des occasions réelles de faire part de ses préoccupations et d’exprimer ses points de vue[104] ». Elle a également souligné la nomination d’Allister Surette au poste de représentant fédéral spécial. Il a le mandat « de recueillir différents points de vue et de répondre à des questions et à des préoccupations réelles, dans le but d’accroître la compréhension. Il formulera des recommandations au gouvernement sur les façons de faire avancer le dossier[105]. » Le Comité espère que, dorénavant, le MPO communiquera de façon proactive avec tous les acteurs de l’industrie.

Recommandation 32

Que le gouvernement du Canada cherche des moyens de faciliter les contacts réguliers entre les pêcheurs commerciaux et les Autochtones pratiquant une pêche de subsistance convenable afin d’aider à maintenir un dialogue constructif, une communication ouverte et des liens mutuels favorisant la transparence. À cette fin, le gouvernement devrait établir des pratiques exemplaires en s’appuyant sur des modèles – comme celui des Fraser River Peacemakers – qui permettent à des pêcheurs autochtones et à d’autres acteurs de l’industrie d’unir leurs efforts.

Recommandation 33

Qu’il y ait une plus grande communication constructive entre les pêcheurs commerciaux, les Mi’kmaq et les Malécites en ce qui concerne le produit des pêches et le nombre de personnes participant à la pêche de subsistance convenable.

Recommandation 34

Que Pêches et Océans Canada reconnaisse que les connaissances et les intérêts des pêcheurs commerciaux sont un élément important des discussions déterminantes pour l’avenir des pêches côtières, et que l’attribution de ressources suffisantes aux tables de gestion locales est essentielle pour que toutes les voix puissent contribuer à la communication et au dialogue.

Recommandation 35

Que, lorsqu’il prend des mesures ou des décisions en vue de faire appliquer les droits de pêche des Autochtones issus de traités, le gouvernement fédéral fasse connaître publiquement les mesures et les décisions en question, ainsi que la raison pour laquelle il juge qu’elles favoriseront une meilleure compréhension et la réconciliation entre les pêcheurs et les communautés autochtones et non autochtones.

La sensibilisation à l’égard des traités et la lutte contre le racisme systémique

Outre les contributions qu’il a entendues sur la nécessité de favoriser la communication entre les communautés des Premières Nations et les pêcheurs commerciaux, ainsi qu’entre toutes les parties et le MPO, le Comité a reçu des témoignages convaincants sur le besoin, pour le MPO, de créer la documentation et la capacité voulues pour sensibiliser son propre personnel et les communautés de pêcheurs au sujet des droits issus de traités et de la lutte contre le racisme systémique.

À cet égard, le chef régional Paul J. Prosper a recommandé d’accroître la sensibilisation offerte aux représentants gouvernementaux et au grand public concernant l’existence et la nature des droits issus de traités et les relations qui découlent des traités[106]. Dans la même veine, Ian MacPherson, directeur exécutif de la Prince Edward Island Fishermen’s Association, a reconnu qu’il fallait informer les pêcheurs commerciaux sur la signification et l’interprétation des traités[107].

Susanna Fuller a demandé au MPO d’investir dans la sensibilisation à l’égard des traités et des arrêts Marshall. Elle a dit que le MPO aurait dû amorcer un véritable travail proactif avec les pêcheurs indépendants pour tracer la voie à suivre[108]. Selon elle, ce travail aurait dû commencer en 1999, tout de suite après les arrêts Marshall, en même temps que la réattribution des permis.

À ce sujet, la ministre a fourni l’explication suivante au Comité :

Nous travaillons actuellement avec l’une des associations de pêcheurs, la Fédération des pêcheurs indépendants du Canada, pour offrir des cours aux pêcheurs qui souhaitent comprendre ce que signifie détenir un droit issu d’un traité. C’est une mesure extrêmement importante. C’est un premier pas dans la bonne direction[109].

Selon Richard Williams, l’existence du racisme systémique fait de plus en plus consensus parmi les pêcheurs indépendants; un tel progrès pourrait permettre d’établir « une base constructive pour le dialogue et la collaboration future » entre les dirigeants des Premières Nations, les dirigeants des pêches commerciales et le MPO, l’objectif étant de favoriser le développement des pêches dans les Premières Nations[110] :

Ces dirigeants [des pêches] comprennent et reconnaissent que 300 ans de racisme systémique ont injustement écarté les peuples autochtones de leurs territoires et pêcheries traditionnels, et que le racisme se manifeste aujourd’hui par les actes de violence récents. Ils reconnaissent les droits constitutionnels et les simples droits fondamentaux des peuples autochtones à disposer d’un accès complet et équitable à la pêche à des fins alimentaires, sociales et rituelles, à bénéficier de moyens de subsistance gratifiants et à construire des communautés autonomes.

Le Comité croit qu’une plus grande sensibilisation sur les traités aiderait à faire reculer le racisme systémique. La chef Darlene Bernard a abordé cette question :

Pour moi, il suffit de regarder les trois derniers mois et de voir ce qui s’est passé en Nouvelle‑Écosse pour constater que notre régime est empreint de racisme systémique. Vous ne pouvez pas le nier. Je pense que les gens qui ne veulent pas l’admettre sont en plein déni. Le racisme systémique existe bel et bien. Nous devons y faire face[111].

Par ailleurs, des témoins ont demandé au MPO de sensibiliser ses propres employés à l’importance des traités et des droits issus de traités. La chef Darlene Bernard a estimé qu’il « faut manifestement faire de l’éducation dans les rangs du gouvernement[112] ». La ministre a semblé être d’accord : « Je crois […], comme le premier ministre lui‑même l’a affirmé, qu’il y a du racisme systémique au sein de tous les ministères au Canada[113]. » Kent Smedbol a parlé des efforts déployés à cet égard au MPO :

un certain nombre de programmes de formation ont été mis en œuvre à l’intention de nos scientifiques pour les sensibiliser à la subsistance convenable, à la décision Marshall et aux programmes de réconciliation avec les Autochtones. Par l’entremise des régions, nous avons mis sur pied quelques activités supplémentaires pour travailler avec les groupes autochtones et les Premières Nations[114].

Gary Hutchins, agent d’application du MPO à la retraite, a dit au Comité que les agents de conservation et de protection reçoivent de la formation interculturelle, mais ce n’est pas suffisant :

[O]n ne donne pas assez de formation. L’agent des pêches moyen comprend mal les questions liées aux droits autochtones et aux droits issus de traités et saisit mal la richesse culturelle des Autochtones du Canada. Je peux vous assurer que je n’ai jamais entendu personne se plaindre de devoir soutenir les droits issus de traités. C’est quelque chose que nous soutenons tous. Nous voulons seulement savoir comment les gérer[115].

Susanna Fuller a jugé qu’il fallait en faire plus pour informer la fonction publique sur ce que signifie la réconciliation, y compris mettre en œuvre une stratégie de sensibilisation ministérielle sur les droits issus de traités[116]. Cette stratégie devrait susciter des discussions sur l’application des droits issus de traités, la sensibilisation contre le racisme, la gestion de la ressource et les données scientifiques. Les discussions devraient se tenir sur les quais et dans les comités consultatifs sur les pêches, et aider à rebâtir la confiance[117].

Recommandation 36

Que le gouvernement du Canada accroisse la sensibilisation offerte aux représentants gouvernementaux et au grand public concernant l’existence et la nature des droits issus de traités et les relations qui découlent des traités.

Recommandation 37

Que Pêches et Océans Canada travaille avec les pêcheurs commerciaux et les organisations qui les représentent afin de favoriser une meilleure compréhension de ce que signifient les traités.

Recommandation 38

Que Pêches et Océans Canada favorise la tenue de discussions sur l’application des droits issus de traités, la sensibilisation contre le racisme, la gestion de la ressource et les données scientifiques. Les discussions devraient se tenir sur les quais et dans les comités consultatifs sur les pêches, et aider à rebâtir la confiance.

Recommandation 39

Que la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne agisse contre le racisme systémique au sein du Ministère en menant une réforme nationale du Secteur de la conservation et de la protection de Pêches et Océans Canada; cet exercice, qui permettrait d’aborder le problème du racisme systémique dans la réglementation et les politiques opérationnelles du Ministère, aiderait à garantir le respect des droits de pêcher et de vendre du poisson, qui sont issus de traités.

Recommandation 40

Que Pêches et Océans Canada considère comme prioritaire l’élaboration de protocoles conjoints entre les Premières Nations et le Ministère; ces protocoles permettraient d’établir à l’avance des procédures pour réagir aux éventuelles crises touchant la sécurité publique et la sécurité des Premières Nations.

Conclusion

Les pêcheurs des Maritimes et du Québec pratiquent leur métier dans un contexte où l’on s’inquiète de la préservation de la biodiversité, des conditions océaniques changeantes et du déclin de nombreux stocks de poisson. Pour les pêcheurs commerciaux, ces problèmes s’ajoutent à l’incertitude concernant la mise en œuvre des droits des Premières Nations issus de traités par le MPO. Tout au long de son étude, le Comité a pris conscience des craintes et du mécontentement exprimés par les témoins, qu’ils soient membres ou non des Premières Nations. Le Comité espère que les audiences tenues dans le cadre de cette étude auront contribué à apaiser les tensions dans les communautés côtières des Maritimes et du Québec.

Le Comité estime que le gouvernement fédéral devrait appliquer les recommandations contenues dans le présent rapport en les intégrant à un cadre de mise en œuvre des droits issus de traités, qui permettent aux Mi’kmaq et aux Wolastoqiyik (Malécites) de tirer de la pêche une subsistance convenable. Ce cadre devrait aussi assurer la gestion durable des ressources aquatiques et rendre l’accès aux ressources prévisible pour tous les pêcheurs commerciaux. Le Comité note que, dans son Cadre intégré des politiques autochtones, le MPO reconnaît que « l’industrie de la pêche, d’autres secteurs d’activité, les organismes gouvernementaux et les organisations non gouvernementales exhortent le gouvernement du Canada à instaurer un régime de cogestion et d’accès aux ressources aquatiques plus stable, plus certain et plus prévisible[118] ».

Bien que le MPO ait lancé, à la suite des arrêts Marshall, des programmes afin de stimuler la participation des Premières Nations aux pêches commerciales, les avis divergent toujours sur la question à savoir si le droit de pêcher aux fins de subsistance convenable que les traités confèrent aux Mi’kmaq et aux Wolastoqiyik (Malécites) est appliqué efficacement et véritablement. Cette absence d’accord crée de la confusion, des obstacles et de l’incertitude pour les communautés visées par les arrêts Marshall et pour les pêcheurs commerciaux, même si plus de 250 ans ont passé depuis la conclusion des traités de paix et d’amitié et que les arrêts Marshall ont été rendus il y a plus de 20 ans.

Le Comité a constaté que, dans la lettre de mandat que lui a remise le premier ministre, la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne a la responsabilité d’élaborer une stratégie exhaustive relative à l’économie bleue[119]. En outre, la lettre de mandat supplémentaire, publiée en janvier 2021, indique que l’économie bleue devrait « créer de bons emplois pour la classe moyenne et des opportunités pour les secteurs océaniques et les communautés côtières, et ce, tout en réalisant des progrès vers l’atteinte des objectifs de réconciliation et de conservation[120] ». De l’avis du Comité, le développement de l’économie bleue exige également de créer une économie océanique plus juste et plus inclusive. Le Comité demande donc au MPO de porter plus attention aux impacts socioéconomiques et culturels de ses décisions sur l’attribution de l’accès aux ressources aquatiques et à la question de la participation des communautés côtières à la gouvernance des pêches.


[1]              R. c. Marshall, [1999] 3 RCS 533.

[2]              Chambre des communes, Comité permanent des pêches et des océans, Procès-verbal, 19 octobre 2020.

[3]              Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada [RCAANC], Fiche d’information sur les traités de paix et d’amitié dans les Maritimes et dans la région de Gaspé.

[4]              Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada [RCAANC], Fiche d’information sur les traités de paix et d’amitié dans les Maritimes et dans la région de Gaspé.

[5]              R. c. Marshall, [1999] 3 RCS 533, par. 4. Note : La Cour suprême du Canada a défini les « choses nécessaires » comme étant la nourriture, le vêtement et le logement.

[6]              Gouvernement du Canada, Traités de paix et d’amitié (1725-1779).

[7]              Archives de la Nouvelle‑Écosse, Copy of Authenticated Copy of “Treaty of Peace and Friendship concluded by the Governor of Nova Scotia with Paul Laurent, Chief of the La Heve tribe of Indians,” 1760 [en anglais seulement]; Archives de la Nouvelle‑Écosse,Copy of “Treaty of Peace and Friendship” between Jonathon Belcher and Francis Muis, 1761 [en anglais seulement]. Contrairement aux droits ancestraux, les droits issus de traités découlent des ententes négociées établies dans les traités et les accords de revendications territoriales conclus entre la Couronne et les peuples autochtones, Jack Woodward, Native Law, 2e édition, Carswell, Toronto, 2017, par. 5 §190.

[8]              R. c. Marshall, [1999] 3 RCS 456.

[9]              R. c. Marshall, [1999] 3 RCS 456.

[10]            R. c. Marshall, [1999] 3 RCS 456.

[11]            R. c. Marshall, [1999] 3 RCS 456.

[12]            Ministère des Pêches et des Océans [MPO], Notre réponse aux décisions Marshall.

[13]            MPO, Cadre intégré des politiques autochtones.

[14]            R. c. Marshall, [1999] 3 RCS 533.

[15]            Note : Au paragraphe 12 de l’arrêt R. c. Marshall, [1999] 3 R.C.S. 533, la nature extraordinaire d’une requête en nouvelle audition est expliquée comme suit : « Notre Cour n’accorde pas fréquemment d’ordonnance sursoyant à la prise d’effet de ses jugements, spécialement dans les cas (comme celui qui nous occupe) où les parties n’ont pas demandé une telle ordonnance. »

[16]            R. c. Marshall, [1999] 3 RCS 533.

[17]            R. c. Marshall, [1999] 3 RCS 533.

[18]            R. c. Marshall, [1999] 3 RCS 533.

[19]            R. c. Marshall, [1999] 3 RCS 533.

[20]            Chambre des communes, Comité permanent des pêches et des océans, L'arrêt Marshall et ses répercussions sur la gestion des pêches de l'Atlantique, Deuxième rapport, décembre 1999.

[21]            William Craig Wicken, professeur, département d’histoire, Université York, à titre personnel, Témoignages, 2 novembre 2020.

[22]            Andrew Roman, avocat à la retraite, à titre personnel, Témoignages, 30 novembre 2020.

[23]            William Craig Wicken, professeur, département d’histoire, Université York, à titre personnel, Témoignages, 16 novembre 2020.

[24]            William Craig Wicken, professeur, département d’histoire, Université York, à titre personnel, Témoignages, 16 novembre 2020.

[25]            MPO, Notre réponse aux décisions Marshall.

[26]            L’hon. Bernadette Jordan, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, Témoignages, 18 novembre 2020.

[27]            Selon le mémoire, les données ont été fournies par les bureaux régionaux du MPO.

[28]            Bernie Berry, président, Coldwater Lobster Association, Témoignages, 25 novembre 2020.

[29]            Chef Paul J. Prosper, chef régional, Nouvelle‑Écosse et Terre‑Neuve, Assemblée des Premières Nations, Témoignages, 26 octobre 2020.

[30]            Chef George Ginnish, premier dirigeant, North Shore Mi’kmaq District Council, Première Nation d’Eel Ground, Témoignages, 16 novembre 2020.

[31]            Melanie Sonnenberg, présidente, Fédération des pêcheurs indépendants du Canada, Témoignages, 30 novembre 2020.

[32]            Richard Williams, directeur de recherche, Conseil canadien des pêcheurs professionnels, Témoignages, 25 novembre 2020.

[33]            Gary Hutchins, superviseur de détachement (à la retraite), MPO, Témoignages, 30 novembre 2020.

[34]            L’hon. Bernadette Jordan, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, Témoignages, 18 novembre 2020.

[35]            Chef George Ginnish, premier dirigeant, North Shore Mi’kmaq District Council, Première Nation d’Eel Ground, Témoignages, 16 novembre 2020.

[36]            Chef Darlene Bernard, Première Nation de Lennox Island, Témoignages, 16 novembre 2020.

[37]            Eric Zscheile, avocat et négociateur, Kwilmu’kw Maw-klusuaqn Negotiation Office, Témoignages, 30 novembre 2020.

[38]            Justin Martin, coordonnateur de la pêche, Mi’kmaq Rights Initiative, Première Nation de Potlotek, Témoignages, 29 octobre 2020.

[39]            L’hon. Bernadette Jordan, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, Témoignages, 18 novembre 2020.

[40]            Justin Martin, coordonnateur de la pêche, Mi’kmaq Rights Initiative, Première Nation de Potlotek, Témoignages, 29 octobre 2020.

[41]            Chef Darcy Gray, gouvernement mi’gmaq de Listuguj, Témoignages, 26 octobre 2020.

[42]            Chef Wilbert Marshall, Première Nation de Potlotek, Témoignages, 29 octobre 2020.

[43]            Bernie Berry, président, Coldwater Lobster Association, Témoignages, 25 novembre 2020.

[44]            Naiomi Metallic, titulaire de la Chaire du chancelier en droit et politiques autochtones et professeure adjointe, Schulich School of Law, Université Dalhousie, à titre personnel, Témoignages, 16 novembre 2020.

[45]            Chef Darcy Gray, gouvernement mi’gmaq de Listuguj, mémoire, 3 novembre 2020. [en anglais seulement]

[46]            Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique, 2014 CSC 44, par. 142.

[47]            Thierry Rodon, professeur agrégé et titulaire de la Chaire de recherche sur le développement durable du Nord, Université Laval, à titre personnel, Témoignages, 2 novembre 2020.

[48]            Susanna Fuller, Océans Nord Canada, Témoignages, 23 novembre 2020.

[50]            MPO, Cadre intégré des politiques autochtones.

[51]            Eric Zscheile, avocat et négociateur, Kwilmu’kw Maw-klusuaqn Negotiation Office, Témoignages, 30 novembre 2020.

[52]            Sterling Belliveau, pêcheur à la retraite, ancien ministre des Pêches et de l’Aquaculture de la Nouvelle‑Écosse, à titre personnel, Témoignages, 2 décembre 2020.

[53]            Bernie Berry, président, Coldwater Lobster Association, Témoignages, 25 novembre 2020.

[55]            William Craig Wicken, professeur, département d’histoire, Université York, à titre personnel, Témoignages, 16 novembre 2020.

[56]            Michael Barron, Cape Breton Fish Harvesters Association, Témoignages, 26 octobre 2020.

[57]            Colin Sproul, président, Bay of Fundy Inshore Fishermen’s Association, Témoignages, 21 octobre 2020.

[58]            MPO, Homard.

[59]            O’neil Cloutier, directeur général, Regroupement des pêcheurs professionnels du Sud de la Gaspésie, Témoignages, 21 octobre 2020.

[60]            Kent Smedbol, gestionnaire, Division de l’écologie des populations, Région des Maritimes, MPO, Témoignages, 23 novembre 2020.

[61]            Michael Dadswell, professeur de biologie (à la retraite), à titre personnel, Témoignages, 30 novembre 2020.

[62]            Michael Barron, Cape Breton Fish Harvesters Association, Témoignages, 26 octobre 2020.

[63]            Martin Mallet, directeur exécutif, Union des pêcheurs des Maritimes, Témoignages, 29 octobre 2020.

[64]            Kevin Squires, président, Local 6, Union des pêcheurs des Maritimes, Témoignages, 29 octobre 2020.

[65]            Peter Connors, président, Eastern Shore Fisherman’s Protective Association, Témoignages, 29 octobre 2020.

[66]            Kent Smedbol, gestionnaire, Division de l’écologie des populations, Région des Maritimes, MPO, Témoignages, 23 novembre 2020.

[67]            Shelley Denny, à titre personnel, Témoignages, 21 octobre 2020.

[68]            Justin Martin, coordonnateur de la pêche, Mi’kmaq Rights Initiative, Première Nation de Potlotek, Témoignages, 29 octobre 2020.

[69]            Justin Martin, coordonnateur de la pêche, Mi’kmaq Rights Initiative, Première Nation de Potlotek, Témoignages, 29 octobre 2020.

[70]            Justin Martin, coordonnateur de la pêche, Mi’kmaq Rights Initiative, Première Nation de Potlotek, Témoignages, 29 octobre 2020.

[71]            Chef Darlene Bernard, Première Nation de Lennox Island, Témoignages, 16 novembre 2020.

[72]            Thierry Rodon, professeur agrégé et titulaire de la Chaire de recherche sur le développement durable du Nord, Université Laval, à titre personnel, Témoignages, 16 novembre 2020.

[73]            Shelley Denny, à titre personnel, Témoignages, 21 octobre 2020.

[74]            O’neil Cloutier, directeur général, Regroupement des pêcheurs professionnels du Sud de la Gaspésie, Témoignages, 21 octobre 2020.

[75]            Susanna Fuller, Océans Nord Canada, Témoignages, 23 novembre 2020.

[76]            Shelley Denny, à titre personnel, Témoignages, 21 octobre 2020.

[77]            MPO, Plans de gestion intégrée des pêches.

[78]            Claire Canet, chargée de projet JOBEL, Regroupement des pêcheurs professionnels du Sud de la Gaspésie, Témoignages, 21 octobre 2020.

[79]            Colin Sproul, président, Bay of Fundy Inshore Fishermen’s Association, Témoignages, 21 octobre 2020.

[80]            Naiomi Metallic, titulaire de la Chaire du chancelier en droit et politiques autochtones et professeure adjointe, Schulich School of Law, Université Dalhousie, à titre personnel, Témoignages, 16 novembre 2020.

[81]            Chef Darcy Gray, gouvernement mi’gmaq de Listuguj, Témoignages, 26 octobre 2020.

[82]            Kent Smedbol, gestionnaire, Division de l’écologie des populations, Région des Maritimes, MPO, Témoignages, 23 novembre 2020.

[83]            Chef Wilbert Marshall, Première Nation de Potlotek, Témoignages, 29 octobre 2020.

[84]            MPO, La politique de surveillance des pêches.

[85]            Colin Sproul, président, Bay of Fundy Inshore Fishermen’s Association, Témoignages, 21 octobre 2020.

[86]            Peter Connors, président, Eastern Shore Fisherman’s Protective Association, Témoignages, 29 octobre 2020.

[87]            Alan Clarke, chef de l’application des règlements pour le secteur sud‑ouest de la Nouvelle‑Écosse, (à la retraite), MPO, Témoignages, 25 novembre 2020.

[88]            Gary Hutchins, superviseur de détachement (à la retraite), MPO, Témoignages, 2 décembre 2020.

[89]            Richard Williams, directeur de recherche, Conseil canadien des pêcheurs professionnels, Témoignages, 25 novembre 2020.

[90]            Chef Darcy Gray, gouvernement mi’gmaq de Listuguj, Témoignages, 26 octobre 2020.

[91]            Chef Darlene Bernard, Première Nation de Lennox Island, Témoignages, 16 novembre 2020.

[92]            Shelley Denny, à titre personnel, Témoignages, 21 octobre 2020.

[93]            Richard Williams, directeur de recherche, Conseil canadien des pêcheurs professionnels, Témoignages, 25 novembre 2020.

[94]            Chef Darcy Gray, gouvernement mi’gmaq de Listuguj, Témoignages, 26 octobre 2020.

[95]            Shelley Denny, à titre personnel, Témoignages, 21 octobre 2020.

[96]            Northumberland Fishermen’s Association, mémoire, 9 novembre 2020.

[97]            Kevin Squires, président, Local 6, Union des pêcheurs des Maritimes, Témoignages, 29 octobre 2020.

[98]            O’neil Cloutier, directeur général, Regroupement des pêcheurs professionnels du Sud de la Gaspésie, Témoignages, 21 octobre 2020.

[99]            Bernie Berry, président, Coldwater Lobster Association, Témoignages, 25 novembre 2020.

[100]          Alan Clarke, à titre personnel, Témoignages, 25 novembre 2020.

[101]          Melanie Sonnenberg, présidente, Fédération des pêcheurs indépendants du Canada, Témoignages, 2 décembre 2020.

[102]          Martin Mallet, directeur exécutif, Union des pêcheurs des Maritimes, Témoignages, 29 octobre 2020.

[103]          Colin Sproul, président, Bay of Fundy Inshore Fishermen’s Association, Témoignages, 21 octobre 2020.

[104]          L’hon. Bernadette Jordan, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, Témoignages, 18 novembre 2020.

[105]          L’hon. Bernadette Jordan, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, Témoignages, 18 novembre 2020.

[106]          Chef Paul J. Prosper, chef régional, Nouvelle‑Écosse et Terre‑Neuve, Assemblée des Premières Nations, Témoignages, 26 octobre 2020.

[107]          Ian MacPherson, directeur exécutif, Prince Edward Island Fishermen’s Association, Témoignages, 26 octobre 2020.

[108]          Susanna Fuller, Océans Nord Canada, Témoignages, 23 novembre 2020.

[109]          L’hon. Bernadette Jordan, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, Témoignages, 18 novembre 2020.

[110]          Richard Williams, directeur de recherche, Conseil canadien des pêcheurs professionnels, Témoignages, 25 novembre 2020.

[111]          Chef Darlene Bernard, Première Nation de Lennox Island, Témoignages, 16 novembre 2020.

[112]          Chef Darlene Bernard, Première Nation de Lennox Island, Témoignages, 16 novembre 2020.

[113]          L’hon. Bernadette Jordan, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, Témoignages, 18 novembre 2020.

[114]          Kent Smedbol, gestionnaire, Division de l’écologie des populations, Région des Maritimes, MPO, Témoignages, 23 novembre 2020.

[115]          Gary Hutchins, à titre personnel, Témoignages, 2 décembre 2020.

[116]          Susanna Fuller, Océans Nord Canada, Témoignages, 23 novembre 2020.

[117]          Susanna Fuller, Océans Nord Canada, Témoignages, 23 novembre 2020.

[119]          Premier ministre du Canada, Lettre de mandat de la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, 13 décembre 2019.