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FOPO Rapport du Comité

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SAUMON DU PACIFIQUE : ASSURER LA SANTÉ À LONG TERME DES POPULATIONS SAUVAGES ET DES PÊCHES CONNEXES

Introduction

Les saumons du Pacifique (Oncorhynchus spp.) sont parmi les poissons les plus emblématiques du Canada et font partie intégrante des traditions culturelles des Premières Nations de la Colombie-Britannique et du Yukon[1]. Ils fournissent divers avantages culturels, socioéconomiques et environnementaux sur le plan régional. L’abondance des saumons du Pacifique est fortement corrélée à la santé et à la productivité de nombreuses espèces de plantes et d’animaux, comme l’épaulard résident du Sud[2]. En moyenne, entre 2012 et 2015, les pêches commerciales et récréatives ciblant les saumons du Pacifique ont contribué au produit intérieur brut à raison de plus d’un milliard de dollars et à l’économie canadienne à raison de 12 400 emplois à temps plein[3].

En raison des importantes baisses d’abondance touchant de nombreuses populations de saumons du Pacifique sauvages de la Colombie-Britannique depuis le début des années 1990, il a été décidé que le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes (ci-après appelé « le Comité ») entreprenne une « étude sur l’état du saumon du Pacifique et fasse des recommandations sur les prochaines étapes pour assurer la santé à long terme de ces stocks, ainsi que des pêcheries commerciales, autochtones et récréatives qui en dépendent[4] ».

Le Comité a tenu 16 réunions entre le 10 mars 2020 et le 2 juin 2021. Pendant celles-ci, il a entendu le témoignage de Premières Nations, d’associations de pêche commerciale et de pêche récréative, de scientifiques spécialistes des pêches, d’universitaires, d’organisations non gouvernementales de l’environnement, d’entreprises de transformation des produits de la mer et d’une association de salmoniculture.

Le Comité a aussi accueilli Bernadette Jordan, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, accompagnée de représentants de Pêches et Océans Canada (MPO). Les membres aimeraient remercier tous les témoins qui ont participé à l’étude. Dans le présent rapport, le comité est heureux de présenter les résultats de cette étude, ainsi que les recommandations fondées sur les témoignages entendus.

Contexte

À propos des saumons du Pacifique

Les saumons du Pacifique atteignent la maturité dans l’océan, puis ils entreprennent une migration en vue de se reproduire dans des milieux d’eau douce. En suivant la signature chimique de leur cours d’eau natal, les saumons adultes parviennent à y retourner pour se reproduire[5]. Les saumons du Pacifique sont sémelpares, ce qui signifie que les adultes meurent après la reproduction et deviennent une source de nutriments et de nourriture dans les cours d’eau douce. Ils se reproduisent donc à une seule reprise pendant leur vie.

Espèces gérées par Pêches et Océans Canada

En raison de leur nature migratrice, les populations de saumons du Pacifique sont touchées par des pressions naturelles et anthropiques découlant des décisions de gestion prises aux échelles internationale, fédérale, autochtone, provinciale, territoriale et municipale (figure 1).

Figure 1 – Gouvernance des saumons du Pacifique et des écosystèmes

La figure présente les textes législatifs, les ententes et les règlements administratifs touchant les populations de saumons du Pacifique aux échelles internationale, fédérale, autochtone, provinciale et territoriale.

Source : MPO, Politique concernant le saumon sauvage plan de mise en œuvre pour 2018 au 2022.

À l’échelle fédérale, le MPO s’occupe de la gestion de cinq espèces de saumons du Pacifique en Colombie-Britannique et au Yukon (figure 2), soit le saumon quinnat (Oncorhynchus tshawytscha), le saumon kéta (Oncorhynchus keta), le saumon coho (Oncorhynchus kisutch), le saumon rose (Oncorhynchus gorbuscha) et le saumon rouge (Oncorhynchus nerka)[6].

Figure 2 – Espèces de saumons du Pacifique gérées par Pêches et Océans Canada

La figure montre la phase océanique et la phase de frai des cinq espèces de saumons du Pacifique gérées par Pêches et Océans Canada, soit le saumon coho, le saumon quinnat, le saumon kéta, le saumon rose et le saumon rouge.

Source : MPO, Politique concernant le saumon sauvage plan de mise en œuvre pour 2018 au 2022.

Les saumons du Pacifique sont gérés par le MPO conformément à la Politique du Canada pour la conservation du saumon sauvage du Pacifique (souvent appelée « Politique concernant le saumon sauvage » ou « PSS »), publiée en 2005[7]. La PSS vise à rétablir et à maintenir la santé et la diversité des populations de saumons et de leur habitat. La conservation des saumons sauvages est la priorité absolue dans le cadre du processus fédéral de prise de décisions sur la gestion des ressources, mais les obligations du Canada envers les Premières Nations doivent être respectées.

Dans le cadre de la PSS, la productivité et la diversité des saumons sont gérées à l’échelle des unités de conservation (UC)[8]. Au total, il existe 432 UC en Colombie-Britannique. Une UC est une population de saumons sauvages suffisamment isolée d’autres groupes; elle aurait donc peu de chances de recoloniser un lieu de façon naturelle si elle venait à disparaître. Par conséquent, le suivi des cours d’eau utilisés pour la fraie et le calcul des estimations annuelles des saumons qui remontent pour frayer (échappée) représentent des activités essentielles qui devront être entreprises par le MPO aux fins de mise en œuvre efficace de la PSS. Pour être en mesure d’établir des cibles d’échappée pour les saumons sauvages qui remontent, les gestionnaires des pêches doivent prévoir avec exactitude la taille des remontes de saumons et le moment des montaisons.

Tendances liées à l’abondance des saumons du Pacifique sauvages

Au cours des 20 dernières années, plus de 20 enquêtes fédérales et provinciales portaient sur le déclin des populations sauvages de saumons du Pacifique et les pêches connexes[9]. La tenue de ces enquêtes, y compris la Commission Cohen de 2012[10], a entraîné la formulation de plus de 200 recommandations et a coûté plusieurs millions de dollars. Malgré les efforts déployés, selon le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), 39 populations de saumons quinnats, cohos et rouges sont actuellement en péril (désignées préoccupantes, menacées ou en voie de disparition) en Colombie-Britannique[11].

Les tendances relatives à l’abondance du saumon varient le long d’un gradient nord-sud; les populations du nord (celles qui entrent en mer en amont de l’extrémité nord de l’île de Vancouver) se portent généralement mieux que celles du sud[12]. Le nombre de saumons quinnats diminue dans l’ensemble de l’aire de répartition de l’espèce en Colombie-Britannique et au Yukon, et le nombre de saumons rouges et cohos diminue également, surtout à des latitudes méridionales. Les espèces qui passent moins de temps en eau douce, comme les saumons roses et kétas, n’affichent habituellement pas de déclin à long terme, mais le MPO considère que la qualité des données connexes est faible.

État des saumons du Pacifique

Aire de répartition dans le Pacifique Nord

Selon Richard Beamish, scientifique émérite à la Station biologique du Pacifique du MPO située à Nanaimo, en Colombie-Britannique, et membre de la Société royale du Canada, la situation relative aux saumons du Pacifique est une urgence internationale[13]. Il a mentionné ce qui suit :

Il y a eu une diminution sans précédent du nombre de saumons du Pacifique dans l’ensemble du Pacifique Nord en 2020. Le total des prises commerciales de tous les pays a atteint son plus bas niveau en 30 ans. Le total des prises de toutes les espèces était de 605 000 tonnes, ce qui représente une diminution de 38 % par rapport à la moyenne de la dernière décennie.
En Colombie-Britannique, le total des prises commerciales en 2019 et 2020 a été le plus bas jamais connu. La moyenne des prises sur les deux années était de 5 200 tonnes, ce qui représente seulement 7,5 % des prises annuelles moyennes des années 1970. La faiblesse inattendue des prises en 2019 et 2020 a aussi concerné tout le Sud-Est de l’Alaska. La quantité totale de saumon rouge produit dans le fleuve Fraser était la plus faible jamais enregistrée en 2019 et en 2020.

Réseau du fleuve Fraser

Dans le fleuve Fraser, qui est le plus important réseau fluvial de la côte Ouest du Canada et qui était, par le passé, l’un des plus importants cours d’eau à saumons du monde, l’abondance des remontes de saumons quinnats et rouges était extrêmement faible en 2019 et en 2020, ce qui a entraîné d’importantes fermetures de pêche. Darren Haskell, président du Fraser Salmon Management Council, a décrit la situation à l’échelle locale comme suit :

Pour ce qui est de la remonte hâtive dans la rivière Stuart en 2019, seulement 89 retours ont été dénombrés sur la cohorte de 10 096 de l’année d’éclosion, 2015. C’est une proportion de 1 %. Le groupe de la remonte du début de l’été représentait 33 % seulement de la cohorte de l’année d’éclosion, 2015, et, de ce groupe, seulement 20 retours ont été dénombrés dans la remonte de la rivière Bowron, sur la cohorte de 3 868 de l’année d’éclosion. C’est moins de 1 %.
Le groupe de la remonte d’été représentait 25 % de la cohorte de l’année d’éclosion. La plus importante montaison se produit généralement l’été dans la rivière Chilko. On a dénombré 168 000 retours, ce qui peut sembler beaucoup, mais pas si on considère que plus de 600 000 étaient attendus, soit 25 % de la cohorte de l’année d’éclosion.
Pour ce qui est du saumon quinnat en 2019, nous nous attendons à une baisse de 85 à 90 % de la remonte dans le haut et le moyen Fraser pour le quinnat du printemps, et à une baisse de 50 % pour le quinnat d’été dans le moyen Fraser[14].

Dustin Snyder, directeur des programmes de rétablissement des stocks de la Spruce City Wildlife Association, a indiqué que certaines populations du cours supérieur du Fraser, dont l’existence était seulement connue de certaines personnes, ont déjà disparu[15].

Pendant son étude, le Comité a aussi entendu des témoignages sur le saumon arc‑en‑ciel du Fraser intérieur (Oncorhynchus mykiss), plus particulièrement sur les populations des rivières Thompson et Chilcotin, une espèce qui vit dans le même environnement que les saumons du Pacifique. Jesse Zeman, directeur de la restauration des poissons et de la faune de la B.C. Wildlife Federation, a décrit la situation du saumon arc-en-ciel dans le Fraser comme suit :

Le problème de ces espèces, c’est qu’elles migrent avec le saumon rose et le saumon keta, et dans les pires années, les spécialistes du saumon arc-en-ciel estiment que la moitié de ces poissons sont pris dans des filets, en captures accessoires, et que près de la moitié d’entre eux périssent. Leurs populations étaient en grave déclin au milieu des années 1990, quand seuls 3 000 à 4 000 géniteurs réussissaient à survivre. Cette année, on a dénombré 62 saumons arc-en-ciel dans la rivière Thomson et 134 dans la rivière Chilcotin. Ils sont en voie de disparition.[16]

Recommandation 1

Que, dans la mesure du possible, Pêches et Océans Canada, en collaboration avec toutes les parties intéressées, y compris les organes de gouvernance autochtones et la province de la Colombie-Britannique, harmonise les efforts visant à conserver et à rétablir les populations de saumons arc-en-ciel à ceux visant à rétablir les stocks de saumon du Pacifique.

Facteurs clés touchant l’abondance des saumons

L’abondance des saumons du Pacifique est touchée par les répercussions cumulatives de plusieurs facteurs. Brian Riddell, conseiller scientifique de la Fondation du saumon du Pacifique, décrit le parcours du saumon rouge du Fraser depuis les frayères jusqu’à l’océan, par le corridor de migration en estuaire, comme suit :

Je crois que le saumon rouge du Fraser illustre aussi la difficulté pour ce qui est de comprendre les causes de l’état du saumon. Le saumon rouge du Fraser est élevé dans les ruisseaux et les lacs du bassin hydrographique du Fraser. Il traverse un estuaire fortement perturbé dans la ville de Vancouver et les régions périphériques. Puis, il passe de deux à trois mois dans le détroit de Géorgie, ce que nous appelons le « littoral ». Il dépasse les îles Discovery, dont on entend évidemment souvent parler dans les médias, vu l’état des fermes salmonicoles qui utilisent des parcs en filet et leur transition. Puis, ils s’en vont en mer pendant deux ans et reviennent[17].

Réchauffement océanique

Le réchauffement des températures océaniques a des répercussions négatives sur la survie en mer et la croissance des saumons en raison des effets sur les espèces proies et les communautés planctoniques à la base des réseaux trophiques. Brian Riddell a expliqué que l’ampleur des répercussions sur différentes espèces de saumons dépend de leur cycle vital et de la durée de leur séjour en mer :

Ce sont les fortes tendances environnementales qui causent la diminution, particulièrement d’espèces comme le saumon rouge du Fraser. Une des raisons pour lesquelles nous voyons des variations dans les différents stocks de saumon et les différentes espèces, c’est qu’ils n’utilisent pas tous l’océan de la même façon[18].

Frank Brown, conseiller principal de l’Indigenous Leadership Initiative, a mentionné ce qui suit à propos du hareng, un poisson-proie essentiel au régime alimentaire des saumons :

Si on regarde ce qui se passe en Colombie-Britannique avec cette espèce, sa situation est très semblable à celle du saumon. Les stocks de hareng se sont effondrés à Haida Gwaii. La côte nord est en danger. Dans le golfe, la situation est incertaine. Il n’y a plus de hareng sur la côte ouest de l’île de Vancouver, la principale source d’alimentation du saumon et de l’épaulard[19].

Ayant remarqué les récents déclins notables des prises de saumons au Japon et en Russie, et ce, malgré les programmes d’écloseries à grande échelle mis en place dans ces pays, Richard Beamish a réclamé une meilleure coopération scientifique internationale afin que l’on puisse mieux comprendre les mécanismes qui contrôlent la survie des saumons dans les milieux océaniques profonds. Au sein du gouvernement fédéral, comme Brian Riddell l’a mentionné, il existe un manque de collaboration scientifique entre le MPO, Environnement et Changement climatique Canada et Ressources naturelles Canada[20].

Recommandation 2

Qu’à mesure que les changements climatiques continuent d’avoir des répercussions importantes sur les températures océaniques, Pêches et Océans Canada poursuive sa collaboration avec Environnement et Changement climatique Canada pour faire progresser la recherche et recueillir davantage de données sur la façon dont les changements des milieux océaniques profonds touchent la capacité de survie des saumons sauvages.

Perte et dégradation d’habitat

La perte et la dégradation d’habitat estuarien et d’eau douce ont été liées aux effets cumulatifs du développement sur les plans résidentiel, industriel et agricole, y compris les mesures d’atténuation des inondations[21]. Selon Marvin Rosenau, on a « spectaculairement omis de protéger de nombreux habitats du saumon au cours des dernières années lorsque des forêts entières en région inondable ont été détruites pour faire place à des terres agricoles entre Mission et Hope, dans le Bas-Fraser, en Colombie-Britannique[22] ». Il a souligné que de nombreuses stations de pompage visant à empêcher les inondations sont vieilles et en mauvais état, et que les progrès ont été lents en ce qui concerne les améliorations permettant de rendre ces stations sans danger pour les poissons.

Selon Brian Riddell, tous les milieux sont interreliés. Il a mentionné qu’il est essentiel de conserver et de remettre en état l’habitat estuarien « où le saumon doit passer même jusqu’à un mois et où il s’adapte à l’eau salée et continue de grandir avant de se rendre en mer[23] ». À propos du projet d’agrandissement du Terminal 2 à Robert Banks, dans l’estuaire du Fraser, qui a été proposé par l’administration du port de Vancouver, Fin Donnelly, secrétaire parlementaire de Pêches et Aquaculture au sein du gouvernement de la Colombie-Britannique, a indiqué que les gouvernements fédéral et provincial, les Premières Nations et les municipalités devraient considérer l’élaboration conjointe d’une stratégie de gestion de l’estuaire visant à évaluer les effets cumulatifs sur l’habitat des saumons[24].

Toutefois, la capacité du MPO à coordonner et à gérer une remise en état efficace de l’habitat a été remise en question par Jesse Zeman, qui a mentionné ce qui suit :

Pour ce qui est de la restauration de l’habitat en eau douce, l’unité de restauration du MPO compte 16 postes pour toute la province de la Colombie-Britannique, dont la moitié sont actuellement vacants. Les projets dont il est question sont souvent axés sur les promoteurs et leur échelle n’est pas pertinente dans le cas du saumon. L’unité de restauration n’a pas de budget de base. Elle doit être dotée d’un personnel et d’un financement adéquats et avoir la capacité de planifier à l’échelle du bassin hydrographique, qui est pertinente pour le saumon[25].

Selon Josh Temple, directeur exécutif de la Coastal Restoration Society, les travaux de remise en état de l’habitat représentent une bonne occasion de créer d’importantes possibilités d’emploi pour les Premières Nations et les collectivités côtières dans le contexte de la pandémie de COVID‑19 et du déclin de la pêche du saumon[26]. Il a également mentionné qu’« une gestion régionale serait critique, compte tenu de la diversité des habitats et de la situation unique de chaque habitat et de chaque bassin versant » et qu’en raison des connaissances approfondies à l’échelle locale, une approche régionale axée sur la collaboration est essentielle.

La possibilité que le MPO ne réussisse pas à appliquer la loi concernant la protection de l’habitat est aussi une préoccupation qui a été soulevée par des témoins. Selon Marvin Rosenau, de nombreuses activités liées à l’élimination de forêts inondables au profit du développement des terres agricoles dans la région du bas Fraser représentent des violations évidentes des dispositions sur l’habitat du poisson de la Loi sur les pêches. Il a ajouté que le MPO n’a accusé aucun propriétaire foncier en vertu de cette loi et que jusqu’à mille hectares d’habitat de grossissement de premier ordre utilisé par les sauvons juvéniles du Fraser ont été ou seront perdus en raison d’une mauvaise application de la loi ou d’une mauvaise prise de décision en matière de triage dans le cadre du Programme de protection du poisson et de son habitat du MPO[27].

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada, la province de la Colombie-Britannique, les Premières Nations et les gouvernements locaux évaluent conjointement les répercussions cumulatives du développement sur les plans résidentiel, industriel et agricole dans le bas Fraser sur les stocks de saumons sauvages, élaborent une stratégie visant à protéger, à préserver et à rétablir ces stocks, et conçoivent un cadre pour l’évaluation des propositions de nouveaux projets de développement qui tient compte des répercussions cumulatives.

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada, la province de la Colombie-Britannique et, s’il y a lieu, les Premières Nations, examinent l’état des systèmes d’atténuation ou de contrôle des inondations situés le long du cours inférieur du Fraser et leurs répercussions sur les saumons sauvages, et élaborent conjointement un programme visant à mettre à jour les stations de pompage et les autres composantes des systèmes, au besoin, en vue d’éliminer les risques pesant sur les remontes de saumons sauvages.

Recommandation 5

Que Pêches et Océans Canada élabore et mette en œuvre une stratégie de gestion des estuaires visant à préserver l’habitat du saumon.

Recommandation 6

Que, pour montrer qu’il reconnaît les connaissances approfondies détenues par des régions locales, Pêches et Océans Canada s’oriente vers l’adoption d’une approche régionale axée sur la collaboration en vue d’évaluer les priorités, d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies de gestion visant la durabilité à long terme de l’habitat et de la faune, et de permettre la gestion régionale de milieux marins et de bassins hydrographiques locaux.

Recommandation 7

Que le gouvernement du Canada accorde la priorité aux travaux de remise en état des milieux côtiers de la Colombie-Britannique dans le cadre de la reprise de l’emploi après la pandémie de COVID‑19, et que cette priorité comprenne des possibilités importantes d’emploi et de travaux contractuels pour les Premières Nations et les collectivités côtières en tant qu’éléments essentiels du rétablissement de l’économie côtière.

Salmoniculture en cages en filets

Les effets de l’aquaculture du saumon atlantique (Salmo salar) en cages en filets sur les populations de saumons du Pacifique représentent non seulement une préoccupation sur le plan environnemental, mais peuvent aussi avoir des répercussions économiques pour les pêches commerciales et récréatives. Reprenant l’observation de la Commission Cohen selon laquelle la promotion de la salmoniculture en cages en filets par le MPO entre en conflit avec le mandat de protection des poissons sauvages du Ministère, Karen Wristen, directrice exécutive de la Living Oceans Society, a indiqué qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada « est bien placé pour faire cette commercialisation et cette promotion. Il faut rappeler à celui des pêches que sa mission première est la restauration du saumon sauvage[28] ». Kathy Scarfo, présidente de la West Coast Trollers Association était du même avis[29].

L’intégrité du processus de consultation scientifique du MPO et la transparence des données concernant les risques de transfert de maladies et de parasites des saumons d’élevage aux saumons sauvages ont été cernées à titre d’enjeux par plusieurs témoins. Selon John Paul Fraser, directeur exécutif de la BC Salmon Farmers Association, « [l]’intégrité et la transparence scientifiques sont importantes pour faire avancer le dialogue et dissiper les incertitudes concernant les interactions entre le saumon sauvage et le saumon d’élevage[30] ». Toutefois, Aaron Hill, directeur exécutif de la Watershed Watch Salmon Society, a mentionné que le MPO présente des lacunes à cet égard :

On constate un immense manque de responsabilisation et de transparence au sein du ministère. Comme je l’ai déjà mentionné, il existe une discontinuité entre la priorité de la politique concernant le saumon sauvage qui consiste à faire passer la conservation des stocks avant toute chose et ce que nous sommes à même de constater dans les décisions entourant la gestion des pêches, l’habitat, les fermes salmonicoles et d’autres sujets[31].

Robert Chamberlin, président de la First Nation Wild Salmon Alliance, a ajouté ce qui suit :

Les promoteurs – dans ce cas-ci, une entreprise de pisciculture et des associations de l’industrie de la pisciculture – participent à chaque volet, à chaque étape, pour déterminer si l’exploitation pose un risque pour le saumon du Pacifique. En l’occurrence ils participent au comité directeur qui élabore la portée de l’étude, définit le mandat et élabore le document de travail. De plus, le processus d’examen par les pairs lui-même peut être indûment influencé par l’industrie, car elle peut choisir qui y participera[32].

Le Comité a aussi entendu le témoignage de Kristi Miller-Saunders, chercheuse scientifique du MPO, qui a réitéré sa déclaration de 2016 demandant que les activités de recherche du MPO visant à comprendre les répercussions de la salmoniculture en parcs en filets sur les stocks de saumons sauvages soient transparentes, objectives et indépendantes de l’influence de l’industrie[33]. En outre, les membres du Comité ont été mis au courant que certains résultats scientifiques concernant la bactérie Tenacibaculum maritimum, qui cause la pourriture de la bouche chez des saumons sauvages migrant au‑delà des installations des îles Discovery, n’ont pas été communiqués aux Premières Nations, et on n’a pas établi clairement si la ministre avait été mise au courant[34].

Pour mieux comprendre comment des agents infectieux peuvent avoir une incidence sur la santé des saumons sauvages, le MPO collabore avec la Fondation du saumon du Pacifique et l’organisme Genome BC dans le cadre de l’Initiative stratégique visant la santé du saumon, une initiative pluriannuelle en quatre phases. Toutefois, Brian Riddell a mentionné que la phase 3 n’a pas pu être réalisée parce que l’on ne disposait pas d’un établissement où réaliser les études par provocation de la maladie sur les agents peu étudiés qui avaient été considérés comme ayant le plus de répercussions dans le cadre de la phase 2[35].

Étant donné que le gouvernement fédéral a pris la décision d’éliminer progressivement les établissements de salmoniculture existants près des îles Discovery, les membres ont examiné l’enjeu lié à l’assainissement du fond marin sous ces installations en vue de retirer les déchets organiques accumulés. Selon Emiliano di Cicco, chercheur en santé des poissons de la Fondation du saumon du Pacifique, plusieurs mois pourraient être nécessaires avant que le fond marin se rétablisse naturellement[36]. D’autres recherches pourraient être nécessaires pour déterminer le temps requis avant le rétablissement total d’un site laissé au repos.

L’élimination progressive des établissements de salmoniculture près des îles Discovery pourrait aussi avoir une incidence économique négative sur les collectivités qui en dépendent. Par conséquent, le Comité a entendu le témoignage de Fin Donnelly, secrétaire parlementaire de Pêches et Aquaculture au sein du gouvernement de la Colombie-Britannique, qui a demandé au gouvernement fédéral de veiller à ce que le plan de transition de ce dernier visant à éliminer la salmoniculture en parcs en filets dans les eaux de la Colombie-Britannique d’ici 2025 comprend des mesures de soutien économique pour les collectivités touchées.[37]

Recommandation 8

Que Pêches et Océans Canada étudie le fond marin sous les établissements de salmoniculture en parcs en filets et à proximité de ceux-ci afin de déterminer si un assainissement sera nécessaire après la fermeture de ces établissements.

Recommandation 9

Que le gouvernement du Canada reconnaisse que la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne ne peut pas à la fois protéger les saumons sauvages et promouvoir l’industrie aquacole, et retirer la promotion de l’aquaculture du mandat de la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne.

Recommandation 10

Que Pêches et Océans Canada améliore ses pratiques en matière de transparence des données, y compris en rendant l’information accessible au public sans devoir demander l’approbation de l’industrie ni des intervenants d’entreprises.

Recommandation 11

Que Pêche et Océans Canada veille à ce que la phase 3 de l’Initiative stratégique visant la santé du saumon soit financée adéquatement. En outre, dans le cadre de cette initiative, un établissement adéquat devrait être fourni pour la réalisation des études par provocation de la maladie essentielles visant à évaluer les conclusions des études moléculaires de la phase 2, qui favoriseront l’orientation et la modernisation de l’intervention du ministère concernant le déclin des populations de saumons sauvages.

Pressions exercées par la pêche et prises illégales

Au fil des ans, le MPO a imposé diverses restrictions relatives à la pêche aux fins de conservation des stocks sauvages. Même les pêches à des fins alimentaires, sociales et rituelles des Premières Nations, dont la priorité est protégée par la Constitution, ont connu des restrictions découlant des efforts de conservation[38]. Selon l’approche de précaution du MPO, afin de réduire les risques de prises accessoires pesant sur les populations moins productives, « [d]ans les pêches visant des stocks mixtes et les pêches multiespèces, les mesures de gestion visant à rétablir un stock décimé peuvent nécessiter des restrictions à l’égard des possibilités de pêche des autres stocks et espèces dont les populations sont en santé[39] ».

Compte tenu des effets du glissement de terrain de Big Bar qui ont empiré l’état déjà mauvais de nombreuses populations de saumons du Fraser, Darren Haskell a recommandé une diminution de tous les efforts de pêche. Toutefois, la préoccupation principale du MPO, soit la diminution des occasions de pêche en tant que mesure principale pour la conservation des stocks en mauvais état, a été critiquée par Robert Hauknes, un pêcheur commercial[40]. Jesse Zeman a aussi déploré vivement le fait que le MPO accorde une attention excessive aux restrictions de pêche, sans tenir compte des données et des renseignements qui ne proviennent pas du Ministère :

Le ministère des Pêches et des Océans est un vrai désastre, sur les plans culturel et structurel. C’est une agence qui gère le poisson. Il ne rend aucun compte à la population. Il est pratiquement impossible d’obtenir des données auprès de ses fonctionnaires. Ces derniers nous répondent chaque fois de faire une demande d’accès à l’information, parce qu’ils ont peur de perdre leur emploi s’ils donnent au public des données qui sont pourtant financées par le même public. Les scientifiques, le personnel responsable de l’habitat et le personnel responsable de l’application de la loi sont rarement écoutés. Le mot d’ordre, c’est pêcher, pêcher, pêcher[41].

Pour réduire les prises accessoires issues des pêches de stocks mixtes, Jesse Zeman a demandé au MPO d’aider les pêcheurs à cesser progressivement les activités de pêche menées avec des engins de pêche non sélectifs. Il souligne que certaines Premières Nations ont fait des demandes à ce sujet au Fonds de restauration et d’innovation pour le saumon de la Colombie‑Britannique, mais que ces dernières ont été refusées par le MPO[42]. Le Comité a observé qu’en 2009, un rapport préparé par le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques du Pacifique recommandait au MPO de transférer les captures autorisées vers des zones plus terminales, y compris vers les rivières d’origine de certains stocks distincts, ainsi que de pleinement mettre en œuvre l’utilisation de méthodes de pêche sélective éprouvées et de faire appliquer intégralement la loi connexe[43].

Kathy Scarfo a résumé l’état désastreux des pêches commerciales du saumon de la Colombie-Britannique et des collectivités de pêche comme suit :

Pour aller de l’avant, la première chose à faire est de reconnaître que la situation en Colombie‑Britannique est catastrophique, et que nous avons besoin de ce secours. Pour bien dire les choses comme elles sont, c’est une catastrophe : 90 % de la flotte ne va pas survivre; les pêcheurs sont acculés à la faillite[44].

Le secteur de la pêche récréative a aussi connu des restrictions en matière d’accès et de conservation des prises, ce qui a eu des conséquences inquiétantes sur l’économie des collectivités côtières. Owen Bird, directeur exécutif du Sport Fishing Institute of British Columbia, a mentionné ce qui suit :

L’accès à la pêche est maintenant à son plus bas possible, il est même inexistant dans certains cas, mais les faits montrent que la réduction constante de cette source de mortalité ne suffit pas à elle seule pour induire un changement positif dans la productivité et l’abondance des stocks de saumon préoccupants[45].

Certains témoins ont soulevé des préoccupations relatives à la pêche illégale et à l’incapacité du MPO de prendre des mesures fermes en matière d’application de la loi. Jesse Zeman a mentionné ce qui suit :

S’agissant de la contrebande, nous avons des images qui montrent des saumons chinook, arc‑en‑ciel et coho, lequel est une espèce en péril, qui sont pris dans des filets illégaux utilisés pratiquement quotidiennement. On les signale au ministère, mais personne ne nous rappelle jamais. Il y a rarement des poursuites. Les agents des pêches sont devenus des spécialistes de la destruction de filets maillants sur le Fraser, au lieu de protéger les saumons contre les contrebandiers[46].

Recommandation 12

Que, dans la mesure du possible, et sans porter atteinte aux droits autochtones et issus de traités, Pêches et Océans Canada encourage le recours à des solutions de rechange à la pêche non sélective dans les eaux où des espèces de saumon en péril sont présentes.

Recommandation 13

Que le gouvernement du Canada travaille avec les intervenants, les Premières Nations et les collectivités locales pour remettre en état de l’habitat du saumon et renforcer le suivi et la conservation des stocks de saumons en vue de décourager la pêche illégale, non déclarée et non réglementée.

Recommandation 14

Que le gouvernement du Canada reconnaisse que la situation à laquelle font face les pêcheurs en Colombie-Britannique est urgente et que des mesures d’aide appropriées seront nécessaires afin d’appuyer les pêcheurs commerciaux, récréatifs et autochtones lors du rétablissement des pêches.

Prédation par des populations croissantes de pinnipèdes

Selon Carl Walters, professeur émérite de l’Université de la Colombie-Britannique, le déclin des saumons sauvages « était dû principalement à l’augmentation massive des populations de mammifères marins, comme les phoques et les otaries, et à leurs pratiques prédatrices[47] ». Il a expliqué ce qui suit :

Aucun d’entre nous n’imaginait que les mammifères marins pouvaient être la cause de ce déclin jusqu’à ce qu’une étude importante réalisée en 2010 par des scientifiques du MPO indique que les populations de phoques, dans le détroit de Georgie, avaient décuplé entre 1972 et 2000, un ordre de grandeur qui correspondait assez bien au déclin de la pêche commerciale dans le détroit de Georgie.
Nos données indiquent que le nombre de saumons juvéniles consommés chaque année par les phoques dans le détroit de Georgie suffit à lui seul à expliquer ce déclin. Il y a presque autant de jeunes saumons chinook et coho qui arrivent chaque année dans le détroit de Georgie qu’il y en avait dans les années 1970, mais ils ne survivent pas plus d’une année dans l’océan.

Le Comité a appris que la Balance Pinniped Society a envoyé des propositions au MPO concernant la chasse au phoque et à l’otarie par des chasseurs commerciaux et autochtones en vue de réduire les populations de pinnipèdes à environ 50 % des niveaux actuels en trois ans[48]. Selon Andrew Thomson, directeur régional au MPO, le Ministère est toujours en train d’évaluer ces propositions; il faut bien comprendre les répercussions sur l’écosystème avant d’autoriser la réalisation de nouvelles activités[49].

Compte tenu de l’étude sur le saumon atlantique de 2016 et de l’étude sur la morue du Nord de 2017, le Comité reconnaît que des études approfondies sur la prédation doivent être menées. Toutefois, les membres croient aussi que la prédation par les pinnipèdes représente une préoccupation accrue dans certaines zones, comme les estuaires et les corridors de migration. Jusqu’à maintenant, le MPO a pris peu de mesures pour atténuer les répercussions de la prédation et a évité cet enjeu pendant trop longtemps.

Recommandation 15

Que Pêches et Océans Canada effectue un examen et consulte les intervenants et le grand public à propos des répercussions des prédateurs, y compris les pinnipèdes, sur les remontes de saumons et d’une stratégie pour la gestion des prédateurs préoccupants. Une telle stratégie devrait permettre l’établissement d’un mécanisme visant à retirer les pinnipèdes accoutumés et problématiques qui ont une incidence sur la mise en valeur des saumons ou qui ont des répercussions considérables sur la capacité de survie des saumons dans les corridors de migration.

Rôle des écloseries

Écloseries publiques et communautaires

Parmi les programmes élaborés par le MPO en vue de freiner le déclin des saumons sauvages du Pacifique, il y a le Programme de mise en valeur des salmonidés, lancé en 1977. Ce programme repose essentiellement sur le financement des écloseries communautaires axées sur la conservation[50]. Des témoins ont cependant relevé de nombreuses lacunes dans le programme, notamment en ce qui concerne la planification stratégique et le financement; les problèmes sont devenus plus évidents après que le passage des saumons du fleuve Fraser eut été perturbé par l’éboulement de Big Bar. Le MPO a lui-même soulevé cet enjeu durant sa comparution devant le comité – il a notamment recommandé que d’importants investissements soient effectués afin d’établir des écloseries en amont de Big Bar, sur le fleuve Fraser, et a fait remarquer que cette « situation, qui perdure depuis une éternité, a été aggravée par l’éboulement et la pression qui s’exerce sur les stocks[51] ».

David Hurwitz, gestionnaire d’écloserie à la Thornton Creek Enhancement Society, a expliqué que « [l]’inflation et le vieillissement des infrastructures menacent la capacité de chaque écloserie de faire davantage de mise en valeur du saumon et d’accroître le marquage et la recherche. Notre écloserie n’est pas la seule à cet égard[52] ».

Tout en exprimant des inquiétudes concernant les risques génétiques et de concurrence alimentaire que représentent les saumons d’élevage des écloseries pour les saumons sauvages, risques qui pourraient aggraver la situation précaire dans laquelle se trouvent certains stocks de saumons sauvages, Aaron Hill a déclaré que l’approche du MPO en matière d’écloseries est improvisée et n’a pas réussi à rétablir les montaisons de saumons jugées préoccupantes :

Le cadre actuel d’évaluation des risques du MPO pour les écloseries est fragmentaire. Il n’a pas fait l’objet d’un examen par les pairs. Il ne couvre pas tous les facteurs de risque. Il ne s’applique pas à toutes les écloseries, et le processus n’est pas transparent. Nous avons besoin de quelques écloseries ici et là dans des cas extrêmes, comme […] mais les risques doivent être évalués adéquatement, la santé du saumon sauvage étant la priorité absolue[53].

Le Comité souligne que le Programme de mise en valeur des salmonidés du MPO comprend des directives sur la gestion des pratiques liées à la fraie et aux écloseries visant à maintenir la diversité génétique et à réduire le plus possible les répercussions sur les juvéniles résidents d’eau douce, comme le décrit la PSS. Cette dernière reconnaît que « les pratiques des alevinières peuvent réduire la diversité génétique. Le saumon sauvage doit faire la lutte au saumon mis en valeur pour la nourriture et l’espace dans les environnements marins et d’eau douce[54]. »

Des témoins ont également mis en garde contre le fait de dépendre uniquement des écloseries pour rétablir les stocks de saumons. À cet égard, Jason Hwang, vice-président de la Fondation du saumon du Pacifique a mentionné que « les écloseries sont un outil important et approprié, mais ce n’est pas une panacée. Il ne suffit pas de construire une écloserie chaque fois qu’il y a un problème de saumon[55] ».

Recommandation 16

Que Pêches et Océans Canada, les organismes locaux et les collectivités des Premières Nations élaborent ensemble et mettent en œuvre une stratégie en matière d’écloseries conformément à la Politique concernant le saumon sauvage pour le bassin hydrographique du fleuve Fraser, et ce, en mettant l’accent sur les meilleurs résultats possibles pour les stocks de saumons sauvages existants ou sur le besoin de rétablir les remontes qui ont disparu ou qui ne peuvent plus assurer leur survie de manière naturelle.

Recommandation 17

Que le gouvernement du Canada augmente immédiatement son appui aux écloseries communautaires, dont le soutien financier n’a pas été augmenté depuis des décennies.

Écloseries commerciales et saumoneaux de classe S1

Le Comité a également entendu parler du rôle que les écloseries commerciales pourraient jouer dans le rétablissement des stocks de saumons. Carol Schmitt, présidente d’Omega Pacific Hatchery Inc., déplore l’intransigeance présumée du Programme de mise en valeur des salmonidés :

[L]e ministère s’en tient à la même stratégie depuis 44 ans, même avec les résultats que nous avons montrés et qui peuvent faire une énorme différence. On peut reconstituer un stock en quatre ans pour le porter à plus de 1 500 poissons, et pourtant il y en a qui ont libéré 5 millions de poissons en 40 ans, pour se retrouver aujourd’hui presque avec le même nombre qu’au début[56].

Pour assurer le rétablissement des stocks, Carol Schmitt a suggéré au gouvernement d’explorer une stratégie basée sur l’élevage de saumoneaux de classe S1[57] pendant une année dans un environnement d’écloserie, car le saumoneau de classe S1 est « beaucoup plus développé sur les plans physiologique, mental et immunitaire[58] ». Selon elle, « [l]es efforts de rétablissement n’ont pas permis d’augmenter les stocks parce que les saumoneaux de classe S0 relâchés par le MPO ont de faibles taux de survie en mer et aboutissent à trop peu de montaisons d’adultes ».

Les saumoneaux de classe S1 peuvent aussi être élevés avec succès dans des enclos marins. Dave Hurwitz a expliqué qu’« il est très important de prendre les alevins de l’écloserie à cinq grammes et de les mettre dans un enclos marin à l’embouchure pour favoriser l’imprégnation. En deux semaines, leur taille double, et nous obtenons un taux de survie exponentiel[59]. »

Le Comité fait remarquer qu’il a recommandé au MPO d’élargir « le Programme de mise en valeur des salmonidés afin d’inclure des écloseries utilisant des méthodes alternatives de production de saumon quinnat, y compris l’élevage de saumoneaux S1 » dans son rapport de 2018 sur les baleines en péril[60].

Recommandation 18

Que le gouvernement du Canada analyse les données comparatives afin de déterminer les différences entre la capacité de survie des saumoneaux quinnat de classe S0 et ceux de classe S1 et qu’il examine comment ces données pourraient servir à augmenter les retours de stocks préoccupants.

Potentiel des pêches sélectives de stocks marqués

Les témoins ont proposé d’autres stratégies, notamment à ce que l’on mette en œuvre des pêches sélectives des stocks marqués afin de protéger les stocks sauvages, tout en permettant la pêche à certains poissons d’élevage. Dave Hurwitz a expliqué que :

Le marquage […] permet les pêches sélectives qui protègent les stocks sauvages tout en permettant la pêche du poisson d’écloserie. Elle permet également aux écloseries d’assurer l’intégrité génétique en pratiquant le frai de poissons issus de petites populations. Le marquage de masse autorise la détermination du caractère sauvage d’une montaison, ce qui permet une mise en valeur optimale de chaque bassin hydrographique[61].

Owen Bird a mentionné que le fait de mettre en œuvre des pêches sélectives de stocks marqués pour les saumons quinnats dans des portions du détroit de Georgia et du détroit de Juan de Fuca, lorsque des taux de marquage élevés sont combinés à une faible prévalence de stocks préoccupants, pourrait permettre de fournir des possibilités sur le plan socioéconomique tout en minimisant les répercussions sur le potentiel de rétablissement des stocks préoccupants[62].

Pour y parvenir, Owen Bird a recommandé que l’on intègre des plans de marquage de masse pour la production de saumons quinnats et cohos des écloseries dans le Programme de mise en valeur des salmonidés du MPO et dans les plans de gestion intégrée des pêches[63].

Kristi Miller-Saunders convient qu’il serait utile, à des fins de recherche, de marquer tous les saumons quinnats et cohos relâchés des écloseries. Elle a en outre expliqué que « le fait d’avoir des pêches sélectives des poissons marqués pour les poissons d’écloserie signifierait que la pression de la pêche sur nos poissons sauvages diminuerait, donc s’il y a suffisamment de poissons à exploiter, alors les poissons exploités ne sont pas nos stocks sauvages[64] ».

Lors de son témoignage devant le Comité, la ministre Jordan a souligné qu’elle ne s’oppose pas à une pêche sélective de stocks marqués et a ajouté que le MPO élabore« également un cadre pour déterminer si la pêche du saumon quinnat marqué et le marquage de masse peuvent servir d'outil de gestion»; un projet pilote est prévu pour 2021.[65]

Recommandation 19

Que le gouvernement du Canada élabore une stratégie approfondie en matière d’écloseries qui comprend une augmentation des remontes particulièrement préoccupantes, un soutien aux programmes d’écloseries communautaires lorsqu’indiqué et la mise en œuvre d’un marquage de masse des poissons d’écloserie.

Recommandation 20

Que le gouvernement du Canada mette en œuvre une pêche hybride au saumon quinnat afin de favoriser la rétention des saumons quinnats qui sont marqués ou qui sont attrapés dans des zones où il a été établi qu’il n’y pas de stocks préoccupants.

Favoriser l’autonomie des collectivités autochtones et le recours au savoir autochtone

Les témoins conviennent que les Premières Nations jouent un rôle essentiel dans la conservation du saumon. Greg Witzky, directeur des opérations du Fraser River Aboriginal Fisheries Secretariat, demande que l’on établisse un financement permanent des services votés pour les organisations de pêche des Premières Nations, comme la sienne, afin de favoriser l’élaboration et la mise en œuvre conjointes et efficaces de processus décisionnels et administratifs avec le MPO et de mettre en œuvre la stratégie de réconciliation du ministère[66].

Selon Greg Witzky, le refus du MPO à fournir des ressources adéquates aux organisations de pêche autochtones « empêche les Premières Nations d’assumer pleinement le rôle qui leur incombe dans la protection des ressources collectives, non seulement pour les Premières Nations, mais aussi pour les enfants des pêcheurs sportifs, des pêcheurs commerciaux, des ours, [et] des aigles[67] ».

De plus, Larry Johnson, président de Nuu-chah-nulth Seafood Limited Partnership, s’est inspiré de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA), comme l’ont aussi fait d’autres témoins pour autodéterminer leur propre économie bleue, et a expliqué que :

Les Premières Nations peuvent également fournir des conseils et des exemples sur la façon de mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones d’une manière significative pour elles. Laissons les Premières Nations aider les gouvernements à définir la Déclaration au moyen du développement économique[68].

Arthur Adolph, directeur des opérations du St’át’imc Chiefs Council, a parlé de la mise en œuvre de la DNUDPA comme le rétablissement du savoir autochtone traditionnel dans le processus décisionnel lié à la conservation des saumons du Pacifique :

Essentiellement, si nous voulons vraiment nous occuper de la réconciliation et de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, nous devons prendre un peu de recul et déterminer où nous nous sommes trompés en ce qui concerne la gestion des terres et des ressources. Ce qui a manqué, ce sont nos connaissances traditionnelles et écologiques, car pendant plus de 15 000 ans, la terre et les ressources ont été là pour assurer notre subsistance et celle des générations futures. La situation a commencé à se dégrader au cours des 150 dernières années, alors nous devons intégrer cela, sous la direction des peuples autochtones[69].

Selon Robert Chamberlin, les principes du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, conformément à la DNUDPA, devraient faire partie du processus de consultation et d’adaptation du MPO en ce qui concerne le saumon sauvage. Il a mentionné ce qui suit à cet égard :

Le gouvernement actuel amorce une discussion en vue de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies, et le consentement libre, préalable et éclairé doit être un élément fondamental, surtout dans le cadre du processus actuel de consultation et d’accommodement des piscicultures des îles Discovery. Il faut aussi prendre en compte les détails fournis par les Premières Nations qui ont participé à cette consultation afin de mettre en œuvre de façon significative le principe de précaution, d’autant plus qu’aucune des Premières Nations du fleuve Fraser n’a été incluse dans les consultations qui auront d’autres répercussions sur leurs droits ancestraux[70].

Greg Witzky a demandé au MPO de reconnaître les pouvoirs décisionnels des Premières Nations afin que celles-ci puissent jouer un rôle concret et efficace dans la conservation et la protection du saumon. À ce sujet, il a mentionné ce qui suit :

Actuellement, beaucoup d’Autochtones possèdent les compétences et la capacité requises pour cogérer des pêches de saumon avec nos homologues du ministère des Pêches et des Océans. Nous avons les droits et nous avons les capacités, mais nous n’avons pas les mêmes niveaux de financement, les mêmes compétences, ni les mêmes pouvoirs décisionnels que nos partenaires des différents ministères. Malgré ces inégalités, on attend des Autochtones qu’ils jouent un rôle clé dans la protection, la gestion et la préservation du saumon du Pacifique. Pour que ce soit possible, il faut que ces responsabilités soient inscrites dans les politiques, les règlements et les lois qui ont une incidence sur le saumon du Pacifique tout au long de son cycle de vie[71].

Le Comité a aussi entendu des témoignages d’appui à l’élaboration d’un réseau national de gardiens autochtones, grâce auquel les Premières Nations de la Colombie‑Britannique auraient la capacité de collaborer avec les organisations autochtones de l’Alaska à l’Oregon sur les enjeux liés aux saumons sauvages du Pacifique[72]. Tawney Lem, directrice exécutive de la West Coast Aquatic Managment Association a expliqué que :

Le programme des gardiens, en utilisant le savoir autochtone, en ayant des gens de la communauté qui sont près de la ressource faire partie de la solution et en les faisant travailler avec les secteurs et d’autres intervenants dans la communauté, pourrait certainement être une voie à suivre dans la collaboration[73].

Comme d’autres témoins, Eric Angel, gestionnaire du programme des pêches du Conseil tribal des Nuu-Chah-Nulth, a déploré le financement insuffisant offert aux programmes de gardiens et a indiqué ce qui suit :

Nos Premières Nations sont toujours les premières sur l’eau, et pourtant, nous avons du mal à trouver assez d’argent pour employer des gens pour faire cela. L’argent peut servir à envoyer des gens sur l’eau pour constater ce qui s’y passe et y prêter attention[74].

Recommandation 21

Que Pêches et Océans Canada mette en œuvre les principes du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, en tant que composante fondamentale du processus de consultation et d’adaptation relativement au saumon sauvage.

Recommandation 22

Que Pêches et Océans Canada collabore plus efficacement avec les Premières Nations en ayant recours aux programmes des gardiens, aux dirigeants autochtones et aux spécialistes des connaissances écologiques traditionnelles et qu’il combine ces approches avec la science et le leadership occidentaux traditionnels.

Recommandation 23

Que Pêches et Océans Canada reconnaisse les pouvoirs décisionnels des Premières Nations et qu’il travaille avec elles de nation à nation, ainsi qu’avec d’autres gouvernements, en vue de planifier, de mettre en œuvre, de surveiller et d’évaluer la gestion du saumon du stade d’œuf à la phase de fraie.

Recommandation 24

Que Pêches et Océans Canada reconnaisse que les Premières Nations sont dans une position unique pour mener les efforts de rétablissement des stocks de saumons, particulièrement dans les réseaux fluviaux et les bassins hydrographiques très éloignés.

Coordination et mesures tripartites

Coordination en matière de protection et de rétablissement de l’habitat

Le Comité a entendu des témoignages concernant l’importance d’une meilleure coordination entre les différents ordres de gouvernement, et au sein de l’appareil administratif fédéral, afin de mettre fin aux interventions cloisonnées. Selon Tawney Lem, une partie du problème repose sur le fait que lorsque les processus sont mis de l’avant, il n’y a pas de relations existantes sur lesquelles il serait possible de se fonder pour établir des tables de gestion efficaces des saumons du Pacifique :

[S]i ces relations ne sont pas déjà en place, il pourrait être difficile pour cette table de s’imposer réellement. L’une des choses que nous avons vraiment essayé de mettre en avant est le besoin de commencer à créer une culture de collaboration, si vous voulez, dans laquelle la communication se fait du haut vers le bas, et de donner aux gens des idées concrètes sur la manière de faire avancer ces tables[75].

Le 19 avril 2021, l’honorable Chrystia Freeland, vice-première ministre et ministre des Finances, a présenté le budget fédéral 2021, qui comprenait une somme de 647,1 millions de dollars destinée à la préservation du saumon sauvage du Pacifique[76]. Parmi les engagements pris dans le budget, figurait la création d’un secrétariat pour le saumon du Pacifique et un centre d’expertise en matière de rétablissement (le Secrétariat). Bien que le mandat du Secrétariat n’ait pas encore été établi, l’annonce a été bien accueillie par le gouvernement de la Colombie-Britannique. Fin Donnelly a mentionné que :

Le secrétariat du saumon pourrait jouer un rôle en réunissant les gouvernements pour qu’ils s’attaquent aux problèmes qui continuent de nuire au saumon et à son habitat en cherchant les moyens de revitaliser l’environnement et de rétablir les populations de saumon dans ces bassins hydrographiques essentiels et dans les systèmes qui sont les plus menacés[77].

Soulignant lui aussi l’importance d’une meilleure coordination, Robert Chamberlin a attiré l’attention sur la nécessité d’établir une approche tripartite, de gouvernement à gouvernement à gouvernement, adéquatement financée. À cet égard, il a déclaré ce qui suit :

[N]ous avons besoin d’un plan très vaste et cohérent élaboré avec les Premières Nations, mais cela ne se fera pas à moins que le gouvernement ne prenne une décision clé et ne débloque des ressources pour faciliter un tel regroupement de tous les éléments techniques et leur formulation dans le cadre d’une stratégie à l’échelle de la province, qui pourra ensuite être mise en œuvre avec les gouvernements fédéral et provinciaux[78].

Recommandation 25

Que le secrétariat pour le saumon du Pacifique et le centre d’expertise en matière de rétablissement nouvellement proposés et Pêches et Océans Canada procèdent à une analyse approfondie des initiatives terminées et proposées qui sont axées sur la protection, la préservation et le rétablissement des stocks de saumons sauvages, en vue de présenter à la ministre une stratégie pour coordonner ces initiatives, déterminer les chevauchements et les lacunes et recommander des modifications et des ajouts aux programmes qui sont nécessaires pour maximiser les retombées des investissements qui ont été faits par les gouvernements et les collectivités dans le but d’améliorer la santé et la durabilité de ces stocks.

Recommandation 26

Que le gouvernement du Canada établisse le rôle du secrétariat pour le saumon du Pacifique et du centre d’expertise en matière de rétablissement en fonction d’une approche tripartite, soit de gouvernement à gouvernement à gouvernement, en vue de s’assurer d’honorer son engagement à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Coordination des programmes

Le Comité a entendu des témoignages qui ont souligné l’importance d’élaborer des solutions intégrées et créées en Colombie-Britannique pour la protection des saumons sauvages du Pacifique, notamment par le biais d’une approche coordonnée avec les Premières Nations, les gouvernements fédéral et provincial, les municipalités et d’autres intervenants. Jason Hwang a recommandé que le MPO mène une stratégie intégrée et écosystémique de rétablissement des saumons en partenariat avec les Premières Nations et la province de la Colombie-Britannique :

La nécessité et les possibilités d’accroître la coordination et la collaboration sont très importantes. Le gouvernement fédéral et la Colombie-Britannique n’ont pas de cadre de coordination pour les questions liées au saumon, et les droits des peuples autochtones du Canada sous-tendent le rôle de ces entités de la Couronne. Il est possible d’établir un modèle de gouvernance et de collaboration dans le cadre duquel ces entités peuvent se réunir pour partager la responsabilité et assurer la coordination en lien au saumon[79].

Fin Donnelly a approuvé et a déclaré que :

Les Britanno-Colombiens veulent que nous travaillions avec les dirigeants autochtones, ainsi qu’avec nos partenaires fédéraux, locaux et communautaires, pour veiller à ce que ces espèces emblématiques non seulement survivent, mais prospèrent à l’avenir. Nous allons continuer d’élaborer une stratégie de rétablissement du saumon sauvage, qui soit conçue en Colombie-Britannique et dont nous pourrons tous être fiers[80].

En ce qui concerne le rôle des municipalités, le secrétaire parlementaire de Pêches et Aquaculture au sein du gouvernement de la Colombie-Britannique a expliqué que les municipalités font déjà leur part en ce qui a trait au rétablissement du passage et de l’habitat des poissons, mais que « [c]e qu’il faut, c’est un effort coordonné au-delà des municipalités pour que nous puissions assurer la connectivité dans les bassins versants et dans les écosystèmes de toute la province[81] ».

Zo Ann Morten a expliqué pourquoi les municipalités ne travaillent pas de manière efficace, a souligné l’importance que les parties se coordonnent et a fourni les exemples suivants :

Nous avons des règlements sur les zones riveraines, mais comme l’ombudsman a dit qu’ils ne fonctionnaient pas, cela a mis fin à tout cela. Nous venons de recevoir un rapport indiquant que ces règlements ne sont pas efficaces, mais personne n’a cherché à faire en sorte qu’ils le soient. Nous avons une loi sur les pêches, mais nous avons des règlements qui ne sont pas respectés ou qui ne sont pas assez rigoureux pour changer quoi que ce soit.
Cette semaine, le ruisseau Beaver, dans le parc Stanley, a été drainé. On y trouvait des géniteurs il y a deux semaines, et maintenant il n’y a plus d’eau. Dans la région métropolitaine de Vancouver, vous pouvez savoir, de jour en jour, d’heure en heure, la quantité d’eaux usées déversées dans le fleuve Fraser et dans le ruisseau Keith, qui se jette dans le ruisseau Lynn.
Nous avons des problèmes de passes migratoires. Il existe plein de documents disant que de tels problèmes ne se produiront pas, mais ils continuent de se produire quand même[82].

Recommandation 27

Que Pêches et Océans Canada veille à ce que les solutions de rétablissement des stocks de saumons sauvages sont localisées et axées sur les collectivités dans la mesure du possible.

Recommandation 28

Que le gouvernement du Canada consulte les Premières Nations, le gouvernement provincial, les municipalités, les collectivités locales, les industries, les pêcheurs et les travailleurs qui sont susceptibles d’être touchés par les décisions que prendra le gouvernement relativement au rétablissement des saumons du Pacifique.

Recommandation 29

Que Pêches et Océans Canada tire profit des processus décisionnels régionaux qui réunissent déjà de manière efficace les différents ordres de gouvernement, les intervenants et les parties intéressées et qu’il se serve de ces processus pour veiller à ce que le financement prévu pour le rétablissement des saumons sauvages du Pacifique soit dépensé judicieusement.

Recommandation 30

Que le gouvernement du Canada mette la table pour une gestion collaborative avec les pêcheurs commerciaux, récréatifs et autochtones en vue d’élaborer une vision commune de l’avenir des pêches.

Recommandation 31

Que le gouvernement du Canada élabore un plan global pour assurer la survie des saumons sauvage, qu’il ne se contente pas de choisir les idées qui semblent intéressantes sans avoir préalablement analysé et compris les priorités des différents besoins et des différentes options; que ce plan comprenne des cibles, des jalons et des responsabilités; et que ce plan soit coordonné entre les gouvernements fédéral, provincial et des Premières Nations.

Mise en œuvre de la politique sur le saumon sauvage

La mise en œuvre efficace de la politique sur le saumon sauvage repose sur des données fiables issues des évaluations des stocks. Selon les recommandations comprises dans un rapport de consultation de 2017 du MPO sur la mise en œuvre de la politique sur le saumon sauvage, une cueillette de données approfondie sur l’état des populations de saumons sauvages est nécessaire, tout comme un processus clair pour déterminer comment prioriser les UC pour les plans de rétablissement, y compris les déclencheurs pour élaborer un plan[83]. Des témoins ont toutefois fait remarquer que les programmes de surveillance des stocks du MPO « ont été réduits à leur plus simple expression[84] ».

Jason Hwang a mentionné que « [p]our ce qui est de la surveillance, de l’évaluation et des données, je dirai, pour résumer, que nous ne pouvons pas gérer ce que nous ne mesurons pas[85] ». Alexandra Morton, Pacific Coast Wild Salmon Society, a par conséquent demandé à ce que l’on établisse un système normalisé et unifié de surveillance des stocks et d’évaluation de l’état de l’habitat, comme le recommande la Commission Cohen[86].

Brad Mirau, président et chef de la direction générale d’Aero Trading Co. Ltd, un transformateur de produits de la mer, a ajouté ce qui suit :

C’est un manque d’information, un manque d’évaluation adéquate des stocks et un manque de données, qui aboutissent... Vous savez peut-être que la Colombie-Britannique n’a plus de certification d’intendance marine pour notre saumon. Oui, les activités de cette industrie ont été suspendues, mais c’est parce que le MPO n’a pas donné suite à son engagement d’assurer l’évaluation des stocks et de fournir les données nécessaires pour que nous puissions le faire.
Je vais vous en donner un exemple dans le cas des prises en Alaska. Les pêcheurs du sud-est de l’Alaska pêchent le saumon kéta que nous, nous ne capturons pas. Nous n’avons pas le droit de prélever cette espèce parce qu’on n’en a pas évalué les stocks. Le MPO ne nous permet pas de pêcher le saumon kéta américain dans la région de Prince Rupert, parce que les stocks n’ont pas été suffisamment évalués[87].<

Selon Aaron Hill, la politique sur le saumon sauvage est une politique efficace, mais le DFO n’a pas réussi à la mettre en œuvre correctement à ce jour. À cet effet, il a expliqué ce qui suit :

Il faut aussi mettre en œuvre la politique sur le saumon sauvage. C’est une excellente politique, et le juge Cohen l’approuve. Les mesures qu’elle prévoit consistent à évaluer l’état de nos populations de saumon et de leur habitat et à mettre en œuvre des plans de reconstitution des espèces en voie de disparition, mais 15 ans plus tard, il n’y a toujours rien. L’actuel plan de mise en œuvre ne nous mènera nulle part. Il faut étudier et atténuer les risques posés par les écloseries de saumon. Et il faut le faire dans le cadre d’une évaluation du risque biologique, comme le promettait la politique de 2005 sur le saumon sauvage[88].

Le Comité a également entendu le témoignage de Myriam Bergeron, directrice générale de la Fédération québécoise pour le saumon atlantique, qui a proposé que l’on utilise le modèle de gestion rivière par rivière du saumon atlantique en cours au Québec[89]. À son avis, cette approche permet de personnaliser la gestion du saumon selon chaque rivière, en plus d’assurer la conservation de la ressource et le développement durable de la pêche récréative au Québec.

Recommandation 32

Que le secrétariat pour le saumon du Pacifique et le centre d’expertise en matière de rétablissement nouvellement proposés aient le mandat de veiller à la mise en œuvre de la Politique du Canada pour la conservation du saumon sauvage du Pacifique.

Conclusion

Depuis la publication de la Politique concernant le saumon sauvage il y a plus de 15 ans, le MPO n’a pas vraiment réussi à stabiliser les populations de saumons du Pacifique, et encore moins à les rétablir. Le Comité est d’avis que le statu quo dans la gestion du saumon ne permettra pas de rétablir ces populations décimées dans un contexte particulièrement difficile, où les changements climatiques ont des répercussions sur les conditions océaniques et l’environnement d’eau douce.

Le Comité voit comme un signe encourageant les importants investissements prévus dans le budget fédéral de 2021 pour la préservation du saumon sauvage et demande au MPO de mettre en œuvre les recommandations formulées dans le présent rapport. Ces recommandations permettraient d’assurer la santé à long terme des saumons sauvages du Pacifique ainsi que des pêches et des collectivités côtières qui en dépendent. Le Comité est d’avis que les recommandations formulées dans le présent rapport doivent orienter l’élaboration par le MPO de la Stratégie relative au saumon du Pacifique, conformément à la lettre de mandat supplémentaire de 2021 de la ministre.[90]


[1]              Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique, Sommet des Premières Nations et Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique, Wild Salmon Summit: Summary Report, 19 au 21 septembre 2018 [disponible en anglais seulement].

[2]              Pêches et Océans Canada [MPO], Niveau d’abondance de saumon quinnat et survie des épaulards résidants, Secrétariat canadien de consultation scientifique, Avis scientifique 2009/075, avril 2010.

[3]              G.S. Gislason & Associates Ltd. and Institute of Social & Economic Research, University of Alaska Anchorage, Economic Impacts of Pacific Salmon Fisheries, préparée pour la Commission du saumon du Pacifique, juillet 2017 [disponible en anglais seulement].

[4]              Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, Procès-verbal, 25 février 2020.

[5]              Fondation du saumon du Pacifique, Salmon Facts [disponible en anglais seulement].

[6]              MPO, Saumon du Pacifique – Fiche d’information.

[8]              B. Riddell, K. Connors, et E. Hertz, The State of Pacific Salmon in British Columbia: An Overview, La Fondation du saumon du Pacifique, Vancouver, C.-B., Canada, 2018 [disponible en anglais seulement].

[9]              J. Walsh et al., « A Window Opens for Pacific Canada’s Wild Salmon Policy », Options politiques, 30 octobre 2017 [disponible en anglais seulement].

[10]            Bureau du Conseil privé, Commission d’enquête Cohen sur le déclin du saumon rouge dans le fleuve Fraser – Rapport final, 31 octobre 2012.

[11]            Gouvernement du Canada, Recherche d’espèces, Registre public des espèces en péril.

[12]            S.C.H. Grant, B. MacDonald et M.L. Winston, Le rapport sur l’état du saumon du Pacifique au Canada : Réponses aux changements climatiques et aux perturbations de l’habitat, Canadian Technical Report of Fisheries and Aquatic Sciences 3332, MPO, 2019 [disponible en anglais seulement].

[13]            Richard Beamish, chercheur scientifique (à la retraite), Témoignages, 10 mai 2021.

[14]            Darren Haskell, président, Fraser Salmon Management Council, Témoignages, 21 juillet 2020.

[15]            Dustin Snyder, directeur, Programmes de rétablissement des stocks, Spruce City Wildlife Association, Témoignages, 11 août 2020.

[16]            Jesse Zeman, directeur de la restauration des poissons et de la Faune, B.C. Wildlife Federation, Témoignages, 23 juillet 2020.

[17]            Brian E. Riddell, conseiller scientifique, Fondation du saumon du Pacifique, à titre personnel, Témoignages, 14 avril 2021.

[18]            Brian E. Riddell, conseiller scientifique, Fondation du saumon du Pacifique, à titre personnel, Témoignages, 14 avril 2021.

[19]            Frank Brown, conseiller principal, Indigenous Leadership Initiative, Témoignages, 1 février 2021.

[20]            Brian E. Riddell, conseiller scientifique, Fondation du saumon du Pacifique, à titre personnel, Témoignages, 14 avril 2021.

[21]            Jesse Zeman, directeur de la restauration des poissons et de la faune, B.C. Wildlife Federation, Témoignages, 5 mai 2021.

[22]            Marvin Rosenau, enseignant, programme Poisson, faune et activités récréatives, British Columbia Institute of Technology, à titre personnel, Témoignages, 24 mars 2021.

[23]            Brian E. Riddell, conseiller scientifique, Fondation du saumon du Pacifique, à titre personnel, Témoignages, 14 avril 2021.

[24]            Fin Donnelly, secrétaire parlementaire, Pêches et Aquaculture, Gouvernement de la Colombie-Britannique, Témoignages, 5 mai 2021.

[25]            Jesse Zeman, directeur de la restauration des poissons et de la faune, B.C. Wildlife Federation, Témoignages, 5 mai 2021.

[26]            Josh Temple, directeur exécutif, Coastal Restoration Society, Témoignages, 14 avril 2021.

[27]            Marvin Rosenau, enseignant, programme Poisson, faune et activités récréatives, British Columbia Institute of Technology, à titre personnel, Témoignages, 24 mars 2021.

[28]            Karen Wristen, directrice exécutive, Living Oceans Society, Témoignages, 24 mars 2021.

[29]            Kathy Scarfo, présidente, West Coast Trollers Association, à titre personnel, Témoignages, 13 août 2020.

[30]            John Paul Fraser, directeur exécutif, BC Salmon Farmers Association, Témoignages, 7 décembre 2020.

[31]            Aaron Hill, directeur général, Watershed Watch Salmon Society, Témoignages, 23 juillet 2020.

[32]            Robert Chamberlin, président, First Nation Wild Salmon Alliance, Témoignages, 9 décembre 2020.

[33]            Kristi Miller-Saunders, chercheuse scientifique, Région Pacifique, MPO, Témoignages, 26 avril 2021.

[34]            Jay Parsons, directeur, Division des sciences de l’aquaculture, de la biotechnologie et de la santé des animaux aquatiques, MPO, Témoignages, 26 avril 2021.

[35]            Brian E. Riddell, conseiller scientifique, Fondation du saumon du Pacifique, à titre personnel, Témoignages, 14 avril 2021 

[36]            Emiliano Di Cicco, chercheur en santé des poissons, Fondation du saumon du Pacifique, Témoignages, 24 mars 2021.

[37]            Fin Donnelly, secrétaire parlementaire, Pêches et Aquaculture, Gouvernement de la Colombie-Britannique, Témoignages, 5 mai 2021.

[40]            Robert Hauknes, pêcheur, à titre personnel, Témoignages, 14 avril 2021.

[41]            Jesse Zeman, directeur de la restauration des poissons et de la faune, B.C. Wildlife Federation, Témoignages, 23 juillet 2020.

[42]            Jesse Zeman, directeur de la restauration des poissons et de la faune, B.C. Wildlife Federation, Témoignages, 23 juillet 2020.

[43]            E. Plate, R. C. Bocking et K. K. English, Responsible Fishing in Canada’s Pacific Region Salmon Fisheries, préparé pour le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques du Pacifique, février 2009 [disponible en anglais seulement].

[44]            Kathy Scarfo, présidente, West Coast Trollers Association, à titre personnel, Témoignages, 13 août 2020.

[45]            Owen Bird, directeur exécutif, Sport Fishing Institute of British Columbia, Témoignages, 7 décembre 2020.

[46]            Jesse Zeman, directeur de la restauration des poissons et de la faune, B.C. Wildlife Federation, Témoignages, 23 juillet 2020.

[47]            Carl Walters, professeur émérite, Institute for the Oceans and Fisheries, University of British Columbia, à titre personnel, Témoignages, 23 juillet 2020.

[48]            Ken Pearce, Pacific Balance Pinniped Society, Témoignages, 11 août 2020.

[49]            Andrew Thomson, directeur régional, Science, Région Pacifique, MPO, Témoignages, 26 avril 2021.

[51]            Rebecca Reid, directrice générale régionale, Région Pacifique, MPO, Témoignages, 26 avril 2021.

[52]            Dave Hurwitz, gestionnaire d’écloserie, Thornton Creek Enhancement Society, Témoignages, 10 mai 2021.

[53]            Aaron Hill, directeur général, Watershed Watch Salmon Society, Témoignages, 5 mai 2021.

[54]            MPO, Politique du Canada pour la conservation du saumon sauvage du Pacifique, 2005.

[55]            Jason Hwang, vice-président, Fondation du saumon du Pacifique, Témoignages, 5 mai 2021.

[56]            Carol Schmitt, présidente, Omega Pacific Hatchery Inc., Témoignages, 5 mai 2021.

[57]            Les saumoneaux de classe S1 ont passé un hiver dans un environnement d'eau douce d'écloserie avant de prendre la mer tandis que les saumoneaux de classe S0 prennent la mer avant leur premier hiver.

[58]            Carol Schmitt, présidente, Omega Pacific Hatchery Inc., Témoignages, 5 mai 2021.

[59]            Dave Hurwitz, gestionnaire d’écloserie, Thornton Creek Enhancement Society, Témoignages, 10 mai 2021.

[60]            Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, « Recommandation 16 », Protection et rétablissement des baleines en voie de disparition : La voie de l’avenir, rapport 18, 42e législature, 1re session, décembre 2018.

[61]            Dave Hurwitz, gestionnaire d’écloserie, Thornton Creek Enhancement Society, Témoignages, 10 mai 2021.

[62]            Owen Bird, directeur exécutif, Sport Fishing Institute of British Columbia, Témoignages, 7 décembre 2020.

[63]            Owen Bird, directeur exécutif, Sport Fishing Institute of British Columbia, Témoignages, 7 décembre 2020.

[64]            Kristi Miller‑Saunders, chercheuse scientifique, Région Pacifique, MPO, Témoignages, 26 avril 2021.

[65]            Hon. Bernadette Jordan, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, Témoignages, 2 juin 2021.

[66]            Greg Witzky, directeur des opérations, Fraser River Aboriginal Fisheries Secretariat, Témoignages, 21 juillet 2020.

[67]            Greg Witzky, directeur des opérations, Fraser River Aboriginal Fisheries Secretariat, Témoignages, 21 juillet 2020.

[68]            Larry Johnson, président, Nuu-chah-nulth Seafood Limited Partnership, Témoignages, 10 mai 2021.

[69]            Arthur Adolph, directeur des opérations, St’át’imc Chiefs Council, Témoignages, 9 décembre 2020.

[70]            Robert Chamberlin, président, First Nation Wild Salmon Alliance, Témoignages, 9 décembre 2020.

[71]            Greg Witzky, directeur des opérations, Fraser River Aboriginal Fisheries Secretariat, Témoignages, 21 juillet 2020.

[72]            Frank Brown, conseiller principal, Indigenous Leadership Initiative, Témoignages, 1 février 2021.

[73]            Tawney Lem, directrice exécutive, West Coast Aquatic Managment Association, Témoignages, 1 février 2021.

[74]            Eric Angel, gestionnaire du programme des pêches, Conseil tribal des Nuu-Chah-Nulth, Témoignages, 10 mai 2021.

[75]            Tawney Lem, directrice exécutive, West Coast Aquatic Management Association, Témoignages, 1 février 2021.

[76]            Gouvernement du Canada, « Préserver le saumon sauvage du Pacifique », chapitre 5 : Un environnement sain pour une économie saine – partie 2 : Créer des emplois et de la croissance dans le Budget 2021, 19 avril 2021.

[77]            Fin Donnelly, secrétaire parlementaire, Pêches et Aquaculture, Gouvernement de la Colombie-Britannique, Témoignages, 5 mai 2021.

[78]            Robert Chamberlin, président, First Nation Wild Salmon Alliance, Témoignages, 9 décembre 2020.

[79]            Jason Hwang, vice-président, Fondation du saumon du Pacifique, Témoignages, 5 mai 2021.

[80]            Fin Donnelly, secrétaire parlementaire, Pêches et Aquaculture, Gouvernement de la Colombie-Britannique, Témoignages, 5 mai 2021.

[81]            Fin Donnelly, secrétaire parlementaire, Pêches et Aquaculture, Gouvernement de la Colombie-Britannique, Témoignages, 5 mai 2021.

[82]            Zo Ann Morten, directrice exécutive, Pacific Streamkeepers Federation, Témoignages, 9 décembre 2020.

[84]            Aaron Hill, directeur général, Watershed Watch Salmon Society, Témoignages, 23 juillet 2020.

[85]            Jason Hwang, vice-président, Fondation du saumon du Pacifique, Témoignages, 23 juillet 2020.

[86]            Alexandra Morton, Pacific Coast Wild Salmon Society, à titre personnel, Témoignages, 11 août 2020.

[87]            Brad Mirau, président et chef de la direction générale, Aero Trading Co. Ltd., Témoignages, 13 août 2020.

[88]            Aaron Hill, directeur général, Watershed Watch Salmon Society, Témoignages, 23 juillet 2020.

[89]            Myriam Bergeron, directrice générale, Fédération québécoise pour le saumon atlantique, Témoignages, 12 mai 2021.