:
Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au nom du Parti conservateur au sujet du projet de loi probablement le plus important dont le Parlement est saisi. Je dis cela sans savoir combien de temps la Chambre continuera à siéger, parce qu'il s'agit d'une décision relative à une intervention de l'État dans la vie de ses citoyens en fin de vie.
C'est probablement l'un des débats les plus importants que le Parlement aura. On entend des représentants du gouvernement ou certains experts expliquant pourquoi nous sommes en retard et approchons de la date butoir, mais c'est le gouvernement qui est entièrement responsable de cette situation, pour trois raisons.
D'abord, le gouvernement a décidé, sans aucune raison, de proroger le Parlement. Nous avons perdu plusieurs mois que nous aurions pu consacrer à un débat de fond plein de compassion sur le projet de loi et sur toute une série d'autres choses.
Ensuite, ce projet de loi s'explique par une décision de la Cour supérieure du Québec et c'est quelque chose de si fondamental qu'en principe, il aurait dû y avoir appel devant deux cours supérieures: la Cour d'appel du Québec et la Cour suprême du Canada. Cela n'est pas arrivé, alors que cela aurait dû être le cas, comme le pensent la plupart des observateurs juridiques.
Enfin, le gouvernement et le auraient pu demander plus de temps, compte tenu de la prorogation, de leurs propres retards, de la pandémie, et c'est peut-être ce qu'ils vont nous dire aujourd'hui. Je crois que c'est ce qu'ils finiront par faire aujourd'hui, et c'est approprié.
[Français]
Nous sommes proches d'une date limite pour ce projet de loi à cause de l'inaction du gouvernement. Le gouvernement a été lent pour ce qui est de l'appel d'une décision d'un tribunal du Québec. En outre, le gouvernement a prorogé le Parlement. C'est pourquoi nous sommes si proches d'une date limite fixée par une décision d'un tribunal, au Québec.
[Traduction]
Comme je l'ai dit quand je me suis exprimé au sujet du projet de loi précédent, qui est maintenant le projet de loi , il y a quatre ans et demi ou cinq ans, quand nous débattons du rôle de l'État dans les derniers moments de vie de l'un de ces citoyens, il y a de la compassion de part et d'autre. Beaucoup de gens ne veulent pas que leur prochain souffre dans les derniers moments de sa vie.
Je reviens sur l'affaire Sue Rodriguez, quand la Cour suprême a été saisie de cette question pour la première fois. Une personne atteinte de la sclérose latérale amyotrophique, ou maladie de Lou Gehrig, perd ses capacités physiques et elle est confinée d'une manière horrible. Quand la fin de sa vie approche, est-elle apte à consentir, comme une autre personne pourrait le faire, et à décider elle-même de la manière dont sa vie se terminera?
Il y a de la compassion de la part des personnes qui veulent pouvoir s'assurer du bien-être de leurs êtres chers. Il y a aussi de la compassion chez les personnes qui s'inquiètent que l'État prenne des décisions sur la qualité de vie. En fait, la juge du Québec a cité de nombreux discours prononcés lors de la législature précédente à propos de l'ancien projet de loi, dans la foulée de l'arrêt Carter, y compris mon propre discours. J'avais dit à quel point je craignais que nous nous retrouvions sur une pente glissante et que nous aurions à réexaminer la question quelques années plus tard. J'avais dit qu'un plus grand nombre de personnes vulnérables risquaient d'être emportées par une loi, et j'ai le regret de constater que c'est exactement là où nous en sommes.
En tant que parlementaire, avocat, père, et fils d'une femme courageuse qui a lutté contre le cancer et dont la phase palliative de la maladie a été gravée profondément dans ma mémoire lorsque j'avais 9 ans, je suis ici pour veiller à ce que le projet de loi fasse l'objet d'un débat en bonne et due forme et qu'il contienne des mesures de sauvegarde. Les personnes qui laissent entendre que nous devrions précipiter le débat n'en comprennent pas la gravité.
[Français]
Le débat qui nous anime aujourd'hui mérite d'être abordé avec respect et compassion. Ce n'est pas un débat normal sur des politiques normales. On parle du pouvoir de l'État d'enlever la vie à un citoyen à la demande de celui-ci. C'est un geste d'une énorme gravité, et le débat qui vise à encadrer cette loi est nécessaire. On parle ici de la valeur de la vie humaine, de la dignité humaine.
Je sais que les gens des deux côtés de ce débat sont bien intentionnés, mais je crains que le projet de loi crée une première brèche dans la valeur que nous accordons à la vie. C'est une pente glissante que nous ne devons pas emprunter avec une loi aussi vague et sans garde-fou.
[Traduction]
Dans l'arrêt Rodriguez, dans les années 1990, le juge Sopinka, qui représentait la Cour suprême à l'époque, a parlé de la distinction entre le rôle passif et le rôle actif de l'État en fin de vie. Le terme « passif » se rapporte aux soins palliatifs, au soulagement de la douleur et possiblement à la non-intervention, c'est-à-dire la non-réanimation. Cependant, lorsque l'État assume un rôle actif, ce rôle repose sur l'article 7 de la Charte, qui est fondé sur la dignité humaine. Le a été le greffier de Peter Cory, un juge de la même cour, et les divergences des juges McLachlin et Cory portaient d'ailleurs toutes les deux sur la dignité humaine en ce qui concerne l'article 7 de la Charte.
Tous ces juges ont parlé du rôle de l'État dans la protection des personnes vulnérables dans la prise de leur décision, comme on les appelait, c'est-à-dire les personnes qui peuvent être poussées à demander un traitement de fin de vie parce qu'elles ont l'impression d'être un fardeau. Ce sujet fait l'objet de discussions depuis les années 1990, et le actuel supprime les mesures de sauvegarde de notre régime. Toute la jurisprudence sur la question de l'aide à mourir, de l'euthanasie ou du suicide assisté traite de la protection des personnes vulnérables.
C'est aussi le cas dans l'arrêt Carter. Cet arrêt a réinterprété et modifié le précédent établi par la décision Rodriguez, le stare decisis, en raison des normes sociales, mais il n'a rien changé à la nécessité d'avoir des mesures de sauvegarde. La Cour suprême indique en effet, dans l'arrêt Carter, qu'un « système de garanties soigneusement conçu » est nécessaire et que les limites seraient scrupuleusement surveillées.
C'est ainsi que l'arrêt Carter modifie la décision Rodriguez et autorise l'aide médicale à mourir au Canada. Le projet de loi ne prévoit toutefois pas une aide à mourir, mais bien une aide au suicide, puisqu'il n'exige plus que la mort soit raisonnablement prévisible et élimine les mesures de sauvegarde qui sont, d'après toutes les décisions rendues par la Cour à ce sujet, fondamentales pour que l'État puisse jouer un rôle en fin de vie.
Le semble mal connaître toute la jurisprudence relative à l'aide à mourir. Je trouve honteux qu'il ne permette pas d'apporter au projet de loi des amendements raisonnables en vue de rétablir la diligence nécessaire pour protéger les personnes vulnérables. Il élimine la période d'attente de 10 jours. Alors qu'il s'agit de décisions aux conséquences irréversibles, dans lesquelles l'État participe activement à la mort de ses citoyens, il élimine aussi le fait d'exiger deux témoins.
Le , qui est complètement déconnecté de la jurisprudence canadienne et de la décision de M. Cory, pour qui il a travaillé comme greffier, précipite les choses en laissant croire que nous sommes déraisonnables, alors que les conservateurs ne cherchent qu'à protéger les personnes vulnérables qui ne sont pas en mesure de prendre une décision, ce que les deux décisions de la Cour suprême, c'est-à-dire Rodriguez et Carter, décrivent comme étant essentiel à la dignité humaine, au sens de l'article 7 de la Charte. Tous les groupes représentant les personnes handicapées s'opposent à ce projet de loi tel qu'il est proposé par le gouvernement, en raison du retrait des mesures de sauvegarde et de la redéfinition.
Krista Carr d'Inclusion Canada a déclaré:
Assimiler le suicide assisté à un droit à l'égalité est un affront sur le plan moral. Le fait d'avoir un handicap ne doit pas devenir un motif acceptable de suicide sanctionné par l'État. L'aide médicale à mourir doit se limiter aux personnes en fin de vie.
La professeure Grant de l'Université de la Colombie-Britannique, une éminente universitaire que j'inviterais le à relire, a déclaré:
Les organismes voués aux personnes handicapées reçoivent presque quotidiennement des témoignages de gens qui songent à recourir à l’AMM à cause du manque choquant de ressources gouvernementales qui rend leur vie intolérable. Parmi celles-ci, on trouve des personnes qui sont hébergées en établissement, qui n’ont pas les moyens de payer leurs traitements ou qui sont isolées socialement. Nous avons tous été témoins des inégalités sociales liées à la COVID-19.
Le gouvernement semble quelque peu contrarié que la demande raisonnable du caucus conservateur concorde avec les deux décisions rendues par la Cour suprême qui reposent sur l'article 7 de la Charte et qui concernent le droit à la vie. Nous devons veiller à ne pas modifier le régime de la manière que j'ai décrite il y a cinq ans, c'est-à-dire en nous engageant sur une pente glissante à l'égard des personnes qui sont vulnérables dans la prise de leur décision, comme les personnes âgées isolées au sein d'une résidence.
Nous avons entendu le témoignage de certaines personnes qui se sentaient obligées de demander l'aide médicale à mourir en raison du coût des soins palliatifs ou du manque de soins dans leur établissement. Certains professeurs et certains témoins autochtones ayant exprimé leurs objections ont souligné en particulier le problème des traumatismes générationnels, des pensionnats et des personnes qui ont vécu ce genre de traumatismes et de souffrances. L'État va-t-il alors se contenter de fournir à ces personnes un outil d'aide au suicide, ou devrions-nous plutôt chercher à les aider?
C'est une question de compassion. L'État doit jouer un rôle approprié. Il ne faudrait pas changer fondamentalement un régime qui n'existe que depuis quelques années.
J'ai dit au début qu'il y avait de la compassion dans les deux camps, mais le a une approche qui va à contre-courant. En fait, l'ancienne procureure générale, la députée de , a également critiqué l'approche imprudente du procureur général actuel en ce qui concerne le régime juridique depuis la décision Carter, car il enlèverait les mesures de sauvegarde qui doivent être scrupuleusement appliquées selon les deux tribunaux: le délai de 10 jours et la présence de quelques témoins.
Tous les principaux groupes de personnes handicapées au Canada sont d'accord avec mes collègues conservateurs, dont la position est fondée sur la compassion et la raison. Je suis très fier des efforts que nous avons déployés dans le dossier. Des juristes, des dirigeants autochtones et des personnes travaillant avec des personnes souffrant de problèmes de santé mentale ont uni leurs efforts aux nôtres. J'ai travaillé sur les questions de santé mentale et de prévention du suicide pendant de nombreuses années depuis l'époque où j'étais dans les forces armées.
Par ailleurs, nous ne fournissons pas non plus suffisamment d'aide en ce qui concerne les soins palliatifs. Pour revenir au cadre original établi dans l'affaire de Sue Rodriguez, où le juge Sopinka a parlé du rôle passif de l'État, il faut permettre à une personne de mourir sans douleur tout en étant consciente et permettre à la famille de se réunir autour d'une personne recevant des soins palliatifs. Nous devons faire mieux.
En fait, le gouvernement a transgressé l'esprit de l'arrêt Carter en retirant les mesures de sauvegarde. N'oublions que les mesures de sauvegarde, qui ont été soigneusement conçues, sont essentiellement ce qui a motivé le changement de position de la Cour suprême entre l'arrêt Rodriguez et l'arrêt Carter. Pourquoi le gouvernement les retire-t-il, alors que des Canadiens vulnérables, des aînés et des défenseurs des personnes handicapées disent se sentir menacés? Mme Carr a affirmé, dans un autre commentaire, que le projet de loi est leur « pire cauchemar ».
Quelle est la tâche du Parlement? Nous ne sommes pas que des délégués qui se contentent de répondre à des sondages. Dans la tradition de Burke, nous sommes ici pour présenter notre perspective et représenter avec ardeur nos collectivités, nos familles, nos valeurs et nos points de vue. Je ne peux imaginer un débat où il serait plus important de faire valoir ces valeurs.
Comme la Cour suprême l'a déclaré dans l'affaire Rodriguez et depuis, c'est une question de dignité humaine dans l'application de l'article 7. Dans l'affaire Carter et l'affaire Rodriguez, il a toujours été entendu qu'on ne pouvait réserver un traitement injuste à une personne incapable physiquement de prendre une décision au sujet du suicide en fin de vie et qu'il fallait définir une approche. Tel était l'argument de la juge McLachlin lorsqu'elle a inscrit son opinion dissidente dans l'arrêt Rodriguez. Elle était d'avis que le choix à faire était cruel dans le cas de Sue Rodriguez.
Il n'a jamais été question d'adopter une approche générale pour le suicide assisté, sans que le caractère irrémédiable de l'état du patient ou le caractère raisonnablement prévisible de sa mort fassent partie des facteurs à considérer. Cela ouvre la voie à un régime de suicide géré par le gouvernement, où on utilise des termes vagues concernant les problèmes de santé graves ou les handicaps en général. J'ai soulevé les mêmes réserves raisonnables il y a quelques années, concernant les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale, auxquelles nous sommes capables de fournir de l'aide, et concernant les personnes vulnérables qui ne sont pas en mesure de prendre une décision, ce qui est conforme à la position de la Cour suprême depuis une génération. C'est pour ces personnes que les mesures de sauvegarde existent.
Le gouvernement ne devrait pas nous faire la leçon sur le respect de l'échéance alors qu'il a prorogé le Parlement et qu'il n'a pas interjeté appel d'une décision qu'une cour supérieure a rendue sur une question fondamentale quelques années seulement après la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Carter. Maintenant, il ne tient pas compte de l'avis de ceux qui militent pour les droits des personnes handicapées, ni de l'avis des dirigeants autochtones, des médecins, des juristes et de l'opposition. Qu'est-ce que nous réclamons? Nous ne sommes pas en train de dire qu'il faut éliminer le régime qui a été établi lors de la dernière législature. Nous voulons que les mesures de sauvegarde soient maintenues. Les critères établis en fonction de l'arrêt de la Cour suprême et de l'article 7 de la Charte ne seraient pas respectés sans les mesures de sauvegarde.
Je suis fier que l'opposition conservatrice refuse de céder et d'abandonner les personnes vulnérables. Nous allons défendre avec vigueur le maintien des mesures de sauvegarde que l'État devrait appliquer à l'égard de décisions aussi sérieuses que celles que nos concitoyens devront prendre à la fin de leur vie. Nous sommes là pour représenter ceux qui n'ont pas voix au chapitre. Nous sommes là pour défendre les personnes qui, pendant cette pandémie qui les force à s'isoler, pourraient sentir qu'on les pousse à se soumettre à un régime de fin de vie contre leur plein gré.
Même à l'extérieur du domaine politique, peu importe leurs allégeances, tous les Canadiens veulent que l'on prenne soin des personnes vulnérables. C'est tout ce que nous demandons. Si nous devons rester ici jour et nuit et tous les jours de la semaine pour défendre ces Canadiens, nous le ferons.
Qui est déraisonnable? Est-ce le qui ne comprend pas la jurisprudence sur l'aide médicale à mourir? Je suis vraiment très déçu. C'est un ancien professeur de droit à l'Université McGill, et il ne semble même pas avoir lu les arrêts Rodriguez et Carter. Il supprime des mesures de sauvegarde qui sont essentielles pour protéger les personnes vulnérables qui ne sont pas en mesure de prendre une décision, selon les juges Sopinka, McLachlin et Cory, dans l'arrêt Rodriguez, et la juge McLachlin, dans l'arrêt Carter.
La Cour suprême du Canada a toujours indiqué que nous ne pouvons pas autoriser l'aide médicale à mourir, le suicide assisté, l'euthanasie, ou peu importe l'appellation utilisée, et garantir le respect de l'article 7 de la Charte des droits et libertés, sans un système de garanties soigneusement conçu et scrupuleusement régi. Cela comprend une période de réflexion de 10 jours pour s'assurer que le moral de la personne faisant la demande n'est pas à son plus bas. Puis, l'État intervient. La présence de deux témoins est aussi requise pour s'assurer que l'on ne force pas ou ne contraint pas une personne vulnérable à choisir l'aide médicale à mourir. Ce sont là des amendements très raisonnables qui sont réclamés non seulement par les députés conservateurs, mais également par les Canadiens.
[Français]
Nous adoptons une approche raisonnable en proposant des amendements au projet de loi sur l'aide médicale à mourir. C'est un enjeu primordial pour notre société, et c'est pourquoi nous, de l'opposition officielle, sommes ici pour défendre les plus vulnérables de notre société. C'est pourquoi nous avons déjà proposé des amendements raisonnables pour nos aînés, pour les personnes handicapées et pour les Canadiens qui souffrent de problèmes de santé mentale.
Ce débat est très important pour le bien-être des Canadiens et des Canadiennes de partout au pays. C'est pourquoi je suis fier de mon caucus, dont l'approche quant au projet de loi est empreinte de compassion et défend les plus vulnérables de notre société.
[Traduction]
Or, c'est au gouvernement d'agir. Aujourd'hui, il demandera peut-être à la cour de repousser l'échéance, ce qu'il aurait dû faire il y a des mois. Il aurait dû interjeter appel de la décision ou ne pas proroger le Parlement. Même si nous avons une échéance à respecter, nous ne devrions pas oublier les gens que nous devons protéger.
Lorsque nous nous présentons à la barre et que nous nous inclinons devant vous, madame la Présidente, c'est parce que le Parlement est un tribunal. C'est le plus haut tribunal et il doit y avoir un dialogue avec la Cour suprême lorsqu'il est question de décisions liées à la Charte. Le Parlement est souverain. Lorsque le gouvernement prétend que nous agissons de façon déraisonnable parce que nous voulons soutenir l'esprit de l'arrêt Carter, le tribunal qu'est le Parlement doit aussi être respecté. Le gouvernement n'a pas montré un tel respect jusqu'à maintenant.
Si le gouvernement prenait simplement le temps de relire les arrêts Carter et Rodriguez et qu'il mettait en place les mesures de protection prévues, qu'il maintenait la dignité requise par l'article 7 de la Charte, nous aurions l'assurance que le droit garanti dans l'arrêt Carter serait respecté et qu'une approche rigoureuse serait en place pour protéger les personnes vulnérables qui ne sont pas en mesure de prendre une décision et les personnes les plus vulnérables de la société. Les conservateurs veulent que ces amendements raisonnables soient adoptés pour le bien-être du pays.
Je suis heureux d'avoir l'occasion d'expliquer aux Canadiens que le Parti conservateur ne travaille pas à empêcher l'adoption du projet de loi ni à enfreindre un ordre de la cour. Le Parti conservateur travaille à faire respecter l'avis de la Cour suprême rendu dans deux arrêts concernant la protection des plus vulnérables de la société.
:
Madame la Présidente, je suis très reconnaissante d'avoir l'occasion d'ajouter ma voix aux discussions concernant le projet de loi , Loi modifiant le Code criminel relativement à l'aide médicale à mourir.
Le projet de loi du gouvernement libéral vise à modifier la mesure législative sur l'aide médicale à mourir originale, qui a obtenu la sanction royale il y a à peine quatre ans. Le nouveau projet de loi a été créé en réponse à l'affaire Truchon, lorsque la Cour supérieure du Québec a statué qu'il était inconstitutionnel de limiter l'accessibilité à l'aide médicale à mourir aux personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible. Le 11 septembre 2019, il y a un peu plus d'un an, la juge de la Cour supérieure a statué que cet article portait atteinte à l'article 7 de la Charte des droits et libertés, qui garantit le droit à la liberté, à la sécurité et à la vie.
La décision de la cour entrera en vigueur le 18 décembre 2020. Les conservateurs ont toujours maintenu leur position selon laquelle le gouvernement fédéral aurait dû porter cette décision de la Cour supérieure au Québec en appel devant la Cour suprême du Canada. Étant donné qu'il s'agit d'une décision qui a une incidence sur la vie et la mort des gens, je suis sincèrement d'accord avec la position de notre parti.
Si le gouvernement libéral avait fait appel, les Canadiens auraient eu beaucoup plus de temps pour discuter de cette question vraiment cruciale. Par surcroît, si le gouvernement libéral n'avait pas prorogé le Parlement pendant six semaines en août et septembre, le Parlement aurait aussi eu plus de temps pour étudier et débattre le projet de loi. Cependant, le gouvernement libéral a carrément ignoré la nécessité d'une telle discussion. Nous allons maintenant voter sur une mesure qui élargit radicalement les conditions entourant l'aide médicale à mourir, et j'ai de nombreuses inquiétudes. Par conséquent, je n'appuierai pas le projet de loi.
Je comprends le souhait de légaliser l'aide médicale à mourir au Canada. J'ai vu ma grand-mère souffrir terriblement à la fin de sa vie. L'aide médicale à mourir ne lui a pas été proposée, mais, franchement, je ne sais pas si elle l'aurait acceptée. C'était une femme très forte et très résistante, qui avait la langue bien pendue et qui était particulièrement douée pour l'écriture. J'ai hérité de ces talents. C'est pourquoi je suis ici aujourd'hui en tant que députée, ce dont elle aurait été extrêmement fière. Elle avait des aptitudes incroyables alors qu'elle n'avait même pas une huitième année d'études. Elle aurait accompli des choses étonnantes si elle n'était pas née dans une famille très pauvre de la campagne manitobaine.
Elle a malheureusement été victime d'un accident vasculaire cérébral qui l'a rendue incapable de parler ou d'écrire, ses deux activités préférées. Puis, son diabète a fait des siennes et il a fallu lui amputer une jambe. Un peu plus tard, ses médecins nous ont dit qu'ils devraient amputer son autre jambe. Ce fut vraiment horrible, et je n'ai jamais vécu d'expérience plus terrible que de la voir traverser toutes ces épreuves. Je me demande si l'aide médicale à mourir aurait constitué une option plus douce pour elle. Voilà pourquoi je comprends pourquoi l'aide médicale à mourir a été légalisée au Canada, et j'en suis profondément reconnaissante.
Toutefois, les conservateurs ont signalé certains problèmes de taille au sujet de cette nouvelle version étendue de l'aide médicale à mourir, et nous avons travaillé fort pour que les mesures de sauvegarde existantes restent en place pour les personnes les plus vulnérables au pays. Malheureusement, les libéraux ont voté contre chacun des amendements que nous avons proposés, et je ne comprends vraiment pas pourquoi. Nous avons présenté de nombreux arguments solides et sensés provenant de différents intervenants de partout au pays, la plupart n'ayant aucun lien partisan avec le Parti conservateur. En fait, il ne s'agit pas ici d'un enjeu partisan, mais il est traité comme tel par le gouvernement libéral, ce que je trouve profondément dérangeant.
Quand j'ai mené mes recherches à propos du projet de loi pour définir ma position, j'ai découvert avec surprise que plus de 1 000 médecins avaient écrit au pour lui signaler leur opposition à cette mesure. Je lirai ici quelques extraits de leur lettre, qui m'a paru très convaincante. Voici ce qu'ils disent:
Ce projet de loi, qui élargit l’« aide médicale à mourir » (AMM) pour inclure pratiquement tous ceux et celles qui sont malades et qui souffrent au Canada, s’il est adopté dans sa forme actuelle, fera de notre pays le leader du monde dans l’administration de la mort.
En tant que médecins, nous sommes obligés d’exprimer notre stupéfaction [...] Le choc d’une maladie soudaine, ou d’un accident entraînant une invalidité, peut inspirer aux patients et patientes des sentiments de colère et de dépression, et ils peuvent se sentir coupables d’avoir besoin de soins; mais ces émotions, avec le soutien et l’attention nécessaires, peuvent se dissiper avec le temps.
Ils ajoutent ensuite:
Le soin et l’encouragement offerts par les médecins peuvent être le facteur le plus puissant pour surmonter le désespoir et ranimer l’espérance. Malheureusement, les patients et patientes ne peuvent plus avoir une confiance inconditionnelle en leur professionnel de la médecine pour défendre leur vie quand ils sont à leur état le plus faible et le plus vulnérable. Subitement, une injection mortelle fait partie du répertoire des interventions offertes pour mettre fin à leurs douleurs et à leurs souffrances.
Voici enfin un dernier extrait:
Le projet de loi C-7 permettrait à ceux et celles qui ne sont pas mourants de mettre fin à leur vie par injection mortelle administrée par un médecin ou une infirmière praticienne. Il est scandaleux que la plupart des protections que le Parlement avait estimées nécessaires en 2016 pour protéger les personnes vulnérables contre une mort injustifiée soient en voie d’être supprimées. En vertu du nouveau projet de loi, une personne dont la mort naturelle est considérée comme « raisonnablement prévisible » pourrait être diagnostiquée, évaluée et euthanasiée en une seule journée. Nous sommes très inquiets que la suppression de la période de réflexion de 10 jours et d’autres mesures de protection ne fasse qu’augmenter le nombre de morts par contrainte ou par manque de réflexion adéquate.
La suppression imprudente des mesures de protection précédemment jugées essentielles mettra les patients et patientes vulnérables directement en danger, et pourrait même leur coûter la vie.
Les commentaires correspondent très bien à ce que nous avons entendu de la part de la communauté des personnes handicapées et d'autres groupes du genre au comité de la justice lors de l'étude du projet de loi. En fait, 72 groupes nationaux de défense des personnes handicapées s'y sont opposés. J'ai personnellement répondu à de nombreux appels d'électeurs de ma circonscription qui ont été les premiers à me dire qu'ils votaient habituellement pour le NPD, mais qu'ils se sentaient obligés de me contacter pour exprimer leur crainte quant aux conséquences de la mesure législative sur eux.
Il y a une véritable terreur au sein de la communauté des personnes handicapées à l'égard du projet de loi. J'en ai été directement informé. Pourtant, le gouvernement libéral n'en tient absolument pas compte. Je ne comprends vraiment pas pourquoi.
Plus encore, les libéraux ignorent même les Nations unies qui se sont prononcées à ce sujet. Une rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits des personnes handicapées a réagi à l'élargissement de l'aide médicale à mourir avec une consternation évidente. Voici ce qu'elle a déclaré:
Je suis extrêmement préoccupée par la mise en œuvre de la législation sur l’aide médicale à mourir dans une perspective de handicap. On m'a informée qu'il n'y a pas de protocole en place pour démontrer que les personnes handicapées ont reçu des solutions de rechange viables lorsqu'elles sont admissibles à l’aide médicale à mourir. J'ai également reçu des plaintes inquiétantes concernant des personnes handicapées dans des institutions qui subissent des pressions pour obtenir de l'aide médicale à mourir, et des praticiens qui ne signalent pas officiellement les cas impliquant des personnes handicapées. J'exhorte le gouvernement fédéral à enquêter sur ces plaintes et à mettre en place des mesures de protection adéquates pour veiller à ce que les personnes handicapées ne demandent pas d’aide médicale à mourir simplement parce qu'il n'existe pas de solutions de rechange communautaires et de soins palliatifs.
C’est une citation assez percutante, à mon avis.
Nous savons qu’il existe de graves problèmes en ce qui concerne les soins palliatifs. Nous savons que 70 % des Canadiens, soit 7 sur 10, n’ont pas accès à des soins palliatifs en fin de vie au Canada. Je trouve ce chiffre choquant, et je n’avais aucune idée de cette situation avant de faire des recherches pour ce projet de loi.
Je crois que, sans accès à des soins palliatifs de bonne qualité, nous n’offrons pas un véritable choix aux Canadiens. S’ils ne peuvent vivre paisiblement leurs derniers moments en profitant de soins sûrs et fiables qui répondent à leurs besoins, je comprends pourquoi l’aide médicale à mourir peut devenir si attrayante.
Qui plus est, la pandémie de COVID-19 a vraiment levé le voile sur l’état terrible des soins aux aînés au Canada. À Winnipeg, les résidants des foyers pour personnes âgées ont énormément souffert. Bien que de nombreux foyers de soins font un travail phénoménal et exceptionnel, d’autres n’en font pas autant. Il y a quelques semaines, les Manitobains ont été horrifiés d’apprendre qu’un centre de soins pour personnes âgées situé juste à l’extérieur de ma circonscription manquait de personnel et était débordé par les cas de COVID-19.
Lorsque les ambulanciers paramédicaux sont arrivés, ils ont constaté que certains résidants étaient morts depuis des heures et que personne ne s’en était aperçu. D’autres étaient gravement déshydratés et mouraient de faim. Si nous voulons que les gens puissent mourir dans la dignité, nous devons aussi veiller à ce qu'ils puissent vivre dans la dignité. C’est un volet essentiel de la discussion, et le gouvernement libéral n’en a aucunement tenu compte. En fait, dans leur plateforme électorale de 2015, les libéraux ont promis des milliards de dollars pour les soins palliatifs, mais ils n’ont pas tenu parole.
De plus, j’ai trouvé alarmant que la période de réflexion de 10 jours prévue dans la loi initiale sur l’aide médicale à mourir soit éliminée dans ce projet de loi. Il est important de signaler que la loi actuelle sur l’aide médicale à mourir permet que cette période de réflexion soit levée dans certains cas; une certaine souplesse est donc déjà prévue dans le cadre actuel de la loi à cet égard.
Je ne tiens pas à tout prix à conserver la période de 10 jours. Elle pourrait être un peu plus courte ou un peu plus longue. J’aimerais d’abord entendre à ce sujet des psychologues professionnels pour vraiment comprendre combien de jours il serait préférable d'accorder pour que les décisions de fin de vie ne soient pas prises sous le coup des émotions, ou dans le feu de l’action, pour ainsi dire. J’ai l’intime conviction qu’à tout le moins, quelqu’un qui demande l’aide médicale à mourir devrait profiter d’une certaine période de réflexion par la suite, puisqu’il n’y aura pas de retour en arrière.
Il y a des journées plus difficiles que d’autres. Une personne peut avoir eu une mauvaise interaction avec un travailleur de la santé ou ne pas aimer sa nouvelle chambre ou son nouvel établissement; sa famille ne lui a peut-être pas rendu visite depuis un certain temps, ou alors elle vit simplement une journée physiquement ou émotionnellement difficile et douloureuse; il y a tellement de raisons pour lesquelles une personne dans son état le plus vulnérable devrait être protégée par des mesures de sauvegarde lorsqu’elle prend des décisions de fin de vie. Or, si ce projet de loi est adopté, l’aide médicale à mourir pourrait être demandée et obtenue en quelques heures.
Mes convictions au sujet de la suppression de cette mesure de sauvegarde se sont renforcées en entendant l’ancienne ministre libérale de la Justice, la députée de , qui était responsable de la première mesure législative sur l’aide médicale à mourir il y a seulement quatre ans et demi, demander à l’actuel pour quelle raison il envisageait de supprimer cette période de réflexion, alors qu'enlever cette mesure de protection n’était pas prévu dans l’arrêt Truchon. La personne qui a présenté ce projet de loi il y a quatre ans et demi demande pourquoi les libéraux suppriment cette période de réflexion, mais nous n’avons reçu aucune réponse ferme du gouvernement libéral. Je trouve que cela en dit long. Pour des raisons inconnues, les libéraux sont allés bien au-delà de ce qu’exige l’arrêt Truchon lorsqu’ils ont rédigé le projet de loi , alors à mon avis, ces préoccupations sont légitimes.
En fait, nous avons appris dans le « Premier rapport annuel sur l’aide médicale à mourir au Canada, 2019 » que 3,6 % des patients qui avaient présenté une demande écrite d’aide médicale à mourir ont retiré leur demande par la suite. Cela ne semble peut-être pas beaucoup, mais sur les 7 336 personnes qui ont demandé l’aide médicale à mourir, 263 ont changé d’avis.
N’oublions pas que l’aide médicale à mourir est une mesure nouvelle au Canada et qu’il n’est pas facile de l’obtenir partout. Mes collègues peuvent imaginer le nombre de personnes qui présenteront une demande après l’adoption du projet de loi . L’aide médicale à mourir est un principe de plus en plus accepté, mais nous savons que 263 personnes ont continué à vivre grâce à cette période de réflexion. Je pense qu’il est donc crucial de la maintenir. Malheureusement, elle va disparaître, parce que le gouvernement libéral refuse d’écouter.
Les conservateurs ont également proposé un amendement qui prolongerait la période de réflexion de 90 jours pour les personnes qui demandent l’aide médicale à mourir et dont la mort n’est pas raisonnablement prévisible. Nous avons proposé de la prolonger jusqu’à 120 jours en citant des arguments solides. Plus de 1 000 médecins, que j’ai cités tout à l’heure, ont souligné que nous vivons dans un pays où, dans certaines régions, le temps d’attente pour consulter un psychiatre est de 4 à 8 fois plus long que le délai de 90 jours proposé dans le projet de loi pour les personnes dont la mort naturelle n’est pas considérée comme raisonnablement prévisible.
Nous savons aussi que les idées suicidaires sont très courantes chez les gens qui se tirent d’un accident catastrophique avec, par exemple, une blessure qui bouleverse leur vie, mais qu’avec le soutien approprié, ces idées disparaissent, et ces gens retrouvent une vie heureuse et utile. De plus, dans bien des cas, il faut beaucoup plus de temps que les 90 jours prévus pour obtenir un fauteuil roulant ou des soins de réadaptation spécialisés de qualité. Je me demande donc à quoi sert un délai de 90 jours si une personne n’a pas accès à d’autres solutions pendant cette période. Je n’y comprends rien.
Les conservateurs sont également convaincus que nous pouvons mieux protéger les patients vulnérables en exigeant qu’ils soient les premiers à demander de l’information sur l’aide médicale à mourir et que cette information ne leur soit pas offerte ouvertement ou cavalièrement comme s’il s’agissait d’un traitement ordinaire, comme un analgésique ou diverses thérapies. Les conservateurs croient que l’aide médicale à mourir est une question extrêmement sérieuse et que l’on ne devrait pas pousser les patients les plus vulnérables à la demander.
Chaque fois que des députés de ce côté-ci de la Chambre affirment qu’il est possible d’exercer des pressions sur les patients au sujet de l’aide médicale à mourir, je constate que, pendant ces débats, les députés libéraux ferment les yeux. Ils se moquent et disent que cela ne se produit jamais, alors que le Comité de la justice a entendu autre chose. Des témoins lui ont dit que des pressions s’exerçaient et se faisaient sentir depuis quatre ans et demi.
Roger Foley est un exemple tristement célèbre de cette pression. On lui a offert l’aide médicale à mourir à quatre reprises jusqu’à maintenant et il n’a jamais indiqué qu’il était intéressé. En fait, il a dit tout le contraire. Lorsqu’il a eu une mauvaise journée, on lui en a fait l’offre. C’était presque comme s’ils le tentaient en lui disant qu’il y a une façon plus facile et en lui suggérant de tout arrêter. Je trouve cela terrifiant.
Je trouve le cas de Roger très alarmant. Des mesures de protection doivent être mises en place pour veiller à ce que, lorsque les gens en sont aux moments les plus faibles et les plus vulnérables, on ne leur offre pas quelque chose qui mettrait fin à leur vie pour toujours, mais plutôt diverses options pour améliorer les soins et le soutien, s’ils le veulent.
Un autre problème que j’ai avec ce projet de loi, c’est qu’il propose d’élargir l’aide médicale à mourir si rapidement. En fait, le cadre initial de cette mesure législative a été légalisé il y a quatre ans et demi, ce qui est vraiment très peu de temps. La loi originale a fait l’objet de recherches et d’un examen approfondis, et de nombreuses mesures de protection ont été mises en place pour protéger les personnes les plus vulnérables. Ces mesures de protection étaient jugées essentielles à l’époque.
Aujourd’hui, moins de cinq ans plus tard, le gouvernement libéral élargit massivement l’aide médicale à mourir et élimine bon nombre des mesures de protection qu’il a lui-même jugées essentielles dans la première mesure législative, il y a à peine cinq ans. À ce rythme, je crains beaucoup que nous débattions de l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux enfants ou aux personnes ayant des problèmes de santé mentale au cours de ma vie, et je trouve cela absolument terrifiant.
Qui plus est, ce projet de loi précède l’examen quinquennal obligatoire. J’ai l’impression que sans cela, nous allons à l’aveuglette, sans les données appropriées qui auraient pu être révélées dans le cadre d’un examen approfondi. Il y a des questions simples qui, je l’aurais espéré, auraient été évaluées dans le cadre de cet examen, comme celles-ci: « qui choisit l'aide médicale à mourir? »; « est-ce surtout les personnes âgées ou les pauvres? »; « s’agit-il de communautés racialisées ou de Blancs plus riches? »; « l’aide médicale à mourir a-t-elle une incidence sur certains groupes démographiques? »; « pourquoi ces données démographiques? »; « y a-t-il des thèmes récurrents motivant le choix de l'aide médicale à mourir qui pourraient être abordés en fournissant de meilleurs soins pendant la souffrance en fin de vie, plutôt que la mort? ».
En tant que législateurs, nous devrions faire tout ce que nous pouvons pour offrir des solutions de rechange à l’aide médicale à mourir qui sont fiables et facilement accessibles à tous, mais le gouvernement actuel ne le fait pas du tout.
Ce que je trouve intéressant à ce sujet, c’est que l’actuel libéral est responsable de cette expansion agressive de l’aide médicale à mourir. En fait, il avait voté contre le premier projet de loi libéral sur l’aide médicale à mourir, il y a quatre ans et demi, parce qu’il croyait qu’il n'allait pas assez loin. Nous connaissons depuis longtemps sa position, et cela m’amène à me demander si les consultations libérales sur ce projet de loi étaient vraiment impartiales. Cela explique peut-être pourquoi ce projet de loi va bien au-delà de ce que le juge de la Cour supérieure du Québec a demandé dans l’arrêt Truchon.
Il y a tellement de questions qui viennent avec les nouvelles libertés que l'aide médicale à mourir confère aux Canadiens. Personnellement, je demeure convaincue que nous avons la responsabilité, en tant que législateurs, de faire preuve de la plus grande prudence qui soit quand il est question de mettre fin à la vie de nos concitoyens. Nous assistons présentement à un énorme changement de mentalité relativement à l'aide médicale à mourir, alors nous devons avancer de manière posée en nous reposant sur des recherches rigoureuses et exhaustives, ce à quoi les nouveaux critères contenus dans le projet de loi n'ont toujours pas été soumis. En ce qui me concerne, l'élargissement proposé des critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir va trop loin, en plus d'être éminemment précipité.
Le projet de loi supprimerait d'autres mesures de sauvegarde, comme la présence de deux témoins indépendants lorsqu'un patient signe sa demande d'aide médicale à mourir. Cette mesure sert de rempart contre les dérives et la coercition, en plus de soumettre la discussion avec le patient à une surveillance plus que nécessaire. Quand je pense qu'il faut deux témoins indépendants pour authentifier un testament, mais pas pour mettre fin à la vie d'une personne, j'ai l'impression de vivre dans un univers parallèle.
Les conservateurs ont également proposé que la loi exige que les médecins qui autorisent les demandes d'aide médicale à mourir connaissent bien les problèmes de santé en cause. Il me semble que, pour une situation de vie ou de mort comme celle-ci, cette proposition devrait aller de soi. Eh bien non, les libéraux l'ont rejetée, encore une fois pour des raisons à peu près inexpliquées.
De plus, des habitants de ma circonscription m'ont dit qu'ils craignaient sérieusement qu'on force des professionnels de la santé à administrer l'aide médicale à mourir même s'ils sont contre pour des raisons morales. Les libéraux insistent pour dire qu'il n'en sera pas ainsi et que la liberté de conscience des professionnels de la santé sera protégée. Toutefois, les communications à ce sujet ont été pour le moins lamentables, sans quoi je ne recevrais pas autant d'appels à ce sujet. J'exhorte le gouvernement libéral à consacrer plus de temps et d'énergie aux communications sur cette question en particulier.
Je vais conclure en citant la lettre des 1 000 médecins que j'ai mentionnés au cours de mon intervention. Je cite:
Notre profession a été forcée de faciliter le suicide au lieu de le prévenir, et ce, pour un nombre toujours croissant de personnes. Nous observons avec consternation et horreur la façon dont la nature de notre profession médicale a été si rapidement détruite par la création de lois malavisées. Nous, soussignés, déclarons que l’adoption du projet de loi C-7, si rien n’est fait, contribuera à la destruction de bien plus que notre profession médicale, mais fondamentalement, d’une société canadienne qui apprécie véritablement et qui prend soin de ses membres les plus vulnérables. Les Canadiens et Canadiennes méritent mieux.
:
Madame la Présidente, nous en sommes maintenant à l’étape de la troisième lecture du projet de loi . Cela veut dire que la Chambre a terminé son examen de tous les amendements et que nous devons maintenant nous prononcer sur la version définitive du projet de loi et ses conséquences.
Avant de parler du projet de loi dans sa forme finale, je veux répondre directement à ce qui, selon moi, est le principal argument du gouvernement en faveur de cette mesure législative et d’autres mesures semblables. Il nous dit que c’est une question de choix, que les personnes ont le choix de vivre comme elles l’entendent et de mourir comme elles l’entendent. L’idée, c’est que la personne est la seule à pouvoir porter un jugement moral sur la manière dont elle veut vivre et mourir et que personne d’autre ne peut le faire à sa place. Elle est la seule à pouvoir juger de ce qui la rend heureuse. Personne d’autre qu’elle ne peut en juger.
C’est le seul argument sérieux avancé par les défenseurs de ce projet de loi et d’autres mesures semblables. Bien entendu, nous devons aussi être sensibles aux autres arguments, moins sérieux qui sont avancés, par exemple, que c’est ce que les tribunaux nous demandent de faire ou que c'est ce que les gens que nous avons consultés nous ont dit de faire.
Une petite partie de ce projet de loi correspond à la décision d’un tribunal inférieur, mais la plus grande partie a été inventée de toutes pièces par le gouvernement et par les gens qu’il a, ou qu’il n’a pas, consultés. Plus d’un millier de médecins ont signé une lettre pour s’opposer au projet de loi, et tous les organismes de défense des droits des personnes en situation de handicap qui se sont prononcés au sujet du projet de loi s’y sont opposés. Ce sont là des arguments frivoles qui découlent de la lecture de décisions judiciaires frivoles et de consultations frivoles.
Comme je l’ai dit, pour appuyer ce projet de loi, on soutient que les gens devraient avoir le choix de prendre des décisions sur leur vie et sur leur mort parce qu’ils savent mieux que quiconque ce qui les rendra heureux. Soulignons que ceux qui avancent cet argument choisissent de l’appliquer de façon sélective. Même en laissant entendre que c’est une question de choix, ils insistent pour changer les termes que nous utilisons pour décrire ce choix afin que nous ne nous sentions pas trop mal.
L’expression « aide médicale à mourir » a été inventée à l’époque de la présentation du projet de loi , et elle n’est pas utilisée dans d’autres pays pour décrire le phénomène des médecins qui tuent leurs patients. Si c’est vraiment une question de choix, pourquoi faut-il inventer de nouveaux pseudotermes pour susciter de meilleurs sentiments face à ce choix?
Si je demandais carrément à mes collègues s’ils pensent qu’une personne devrait pouvoir se suicider, je suis certain qu’un grand nombre d’entre eux répondraient qu’il ne s’agit pas là d’un suicide. C’est complètement différent, puisqu’il s’agit de l’aide médicale à mourir. Officiellement, ce qu’on entend par aide médicale à mourir, c’est faciliter le suicide, ou tuer dans un contexte médical. Nous prétendons nous concentrer sur le choix, mais nous sommes encore tellement mal à l’aise face à ce choix que nous inventons de nouveaux termes pour le décrire.
Certains collègues n’aiment pas le mot « euthanasie » pour décrire le phénomène des médecins et des infirmières qui tuent des patients qui leur ont demandé de le faire. Voici ce que la a dit au Comité permanent de la justice et des droits de la personne: « [...] le fait qu'on parle de ce projet de loi comme étant la loi sur “l'euthanasie”, comme je l'ai entendu à la Chambre des communes, [porte] gravement atteinte à la dignité des personnes [...] »
La sera peut-être intéressée d'apprendre que le mot « euthanasie » vient en fait de deux mots grecs, « eu », qui signifie bien, et « thanatos », qui signifie mort. Le terme euthanasie signifie « bonne mort ». Il est en soi une aseptisation de la notion de meurtre. Si le terme est trompeur, ce n’est pas parce qu’il est trop dur, mais parce qu’il est trop doux. Comme nous l’avons entendu, ce ne sont pas tous les cas de suicide assisté qui peuvent raisonnablement être qualifiés de bons décès, quelle que soit la définition qu’on leur donne.
On remarquera que le terme « euthanasie » n’est jamais utilisé pour décrire l’administration de la peine de mort. Le terme a été inventé pour édulcorer l’idée du meurtre médicalisé d’une personne consentante. Il est instructif de constater qu’un terme édulcoré servant à désigner cette pratique a dû être remplacé par un nouveau terme édulcoré pour occulter davantage la nature véritable de l’acte commis, une fois que les gens ont eu pleinement conscience de sa signification et de sa réalité au niveau social.
Il ne fait aucun doute que, dans 20 ou 30 ans, le terme « aide médicale à mourir » sera considéré comme maladroit et sera remplacé par un autre terme édulcoré, plus à la mode et plus réconfortant, pour désigner quelque chose qui nous met naturellement mal à l’aise. Si tout cela est une question de choix, et si nous sommes à l’aise avec ce choix, pourquoi ne sommes-nous pas à l’aise de parler franchement de gens malades qui se suicident et de médecins qui tuent leurs patients lorsqu’on leur demande de le faire? Ne serait-ce pas là une description plus simple et plus exacte du choix que beaucoup veulent défendre?
S’il y a une pratique ou une activité que les gens ne se sentent pas à l’aise de voir décrite avec précision, nous devrions peut-être nous demander d’où vient ce malaise, plutôt que d’exiger que les images et les descriptions soient mises de côté.
Les députés devraient également noter que l’idée du choix de mourir, ou du droit de mourir, est défendue de façon sélective. Certaines personnes ont le droit de mourir et d’autres pas, apparemment, et nous devons donc nous demander pourquoi ce principe est appliqué de façon sélective.
Supposons que moi, un homme blanc en bonne santé, je vive une grande tragédie personnelle, comme la mort d’un enfant ou la rupture de mon mariage. Il est possible qu’à la suite d’un tel événement, je commence à éprouver une douleur existentielle extrême et à avoir des idées suicidaires. Si je me rends chez le médecin pour lui faire part de ma situation, il ne me présentera pas l’aide médicale à mourir comme un moyen de me sortir des difficultés auxquelles je suis confronté. Mon apparence, mon état de santé et d’autres caractéristiques indiqueront au médecin que ma vie vaut la peine d’être vécue. Nous savons tous que lorsqu’un jeune en bonne santé choisit de mourir, ceux qui l’entourent disent: « Quelle tragédie. Il avait tant de raisons de vivre. »
L’argument du choix de mourir ne s’applique pas à ceux qui, selon la société, ne devraient pas choisir de mourir, même si ces personnes sont sincères dans l’expression de leur douleur, dans leur impression que leur douleur est irrémédiable, tout comme dans leur désir de ne pas continuer à vivre. Qu’en est-il toutefois d’une personne plus âgée, qui est handicapée, qui ne correspond pas au modèle social stéréotypé de quelqu’un qui a la vie devant soi et qui se présente au système de santé en proie à une douleur existentielle et à des idées suicidaires?
Nous savons, d’après les témoignages entendus au comité de la justice, que des gens dans cette situation se voient offrir l’aide médicale à mourir et que l’on exerce même des pressions sur elles en ce sens. Les personnes âgées ou handicapées se voient souvent offrir l’aide médicale à mourir sans l’avoir demandée. On a entendu ce genre de témoignages à maintes reprises au comité de la justice, et cela a été confirmé par la , qui a reconnu à quel point elle est préoccupée par le fait qu’on offre régulièrement et proactivement aux personnes handicapées une aide médicale à mourir dont elles ne veulent pas.
Nous estimons que c’est une contradiction importante et révélatrice du principe du libre choix. Pour certains, la mort est une option inacceptable qui devrait être activement déconseillée. Pour d’autres, c’est une option souhaitable qui devrait être vivement encouragée. La discussion ne porte donc pas seulement sur un choix entre deux options, mais plutôt sur le fait que ce choix s’articule différemment selon que l’on considère la vie d’une personne comme digne d’être vécue ou non.
Voici ce qui préoccupe terriblement les représentants du milieu des personnes handicapées: dans quelle mesure ce projet de loi inclut-il les personnes handicapées, à l’exclusion des autres personnes, dans une nouvelle catégorie de gens pour lesquels on estime que la mort est une solution raisonnable?
Supposons que l’un de mes quatre enfants souffre d’un handicap. Et supposons que j’apprenne à mes trois autres enfants à toujours persévérer parce que la vie vaut la peine d’être vécue, alors que je dis à mon quatrième enfant qu’il doit envisager l’aide médicale à mourir s'il se retrouve dans une situation avec laquelle il ne peut composer. Pensez-vous que mon quatrième enfant se sentirait privilégié d’avoir un tel choix? Ne pensez-vous pas qu’il se sentirait dévalorisé par le fait même que je lui propose cette option, uniquement à lui, parce que je présume que sa vie ne mérite pas d’être vécue?
Le choix s’inscrit dans un contexte social. Quand on parle de choix, on sait que les gens font un choix entre plusieurs options et que la nature de ces options dépend de la société dans laquelle ils vivent.
Auparavant, je pensais qu’il valait toujours mieux avoir de nombreuses options comme au restaurant où il est toujours plus intéressant d'avoir plusieurs options, et plus le menu est long, mieux c’est. Si aucune des nouvelles options proposées ne me convient, ce n’est pas un problème: je ne suis pas obligé d’en choisir une, mais je ne dois pas reprocher aux autres de vouloir avoir plusieurs options à leur disposition, même si ces options ne me plaisent pas. La longueur du menu ne nuit à personne. Mais en y réfléchissant bien, je me suis rendu compte que ce n’était pas si simple. Si je suis au restaurant et que les seules options disponibles sont du poulet ou du bœuf, je me dis qu’il est dommage qu’il n’y ait pas de poisson, de plats végétariens ou autre chose, car le fait d’avoir certaines options sur un menu change fondamentalement la nature de l’expérience.
Supposons qu’en voyage, j’entre dans un restaurant qui offre des sandwiches de chair humaine, en plus du menu habituel. On peut raisonnablement affirmer que je ne prendrai pas un repas dans ce restaurant si je n’ai pas l’intention de commander un sandwich de chair humaine. Vraisemblablement aucun député ici présent ne serait tenté de prendre un repas dans ce restaurant, même s’il avait l’intention au départ de manger du filet mignon. Cet exemple montre que l’ajout d’une option peut modifier radicalement l'expérience dans un lieu ou un environnement donné. Une personne souffrant d’un handicap qui se voit proposer l’aide médicale à mourir vit une expérience très différente des soins de santé de celle à qui on offre régulièrement des soins qui valorisent la vie.
Le fait que certaines personnes se voient offrir certains choix ou qu’elles soient encouragées à les faire, contrairement à d’autres, modifie radicalement leur expérience des soins qu’elles reçoivent. Dans ce meilleur des mondes qu’on nous promet avec ce qu’on appelle l’aide médicale à mourir, il y a quand même des gens qui recherchent des espaces sécurisés dans lesquels ils peuvent recevoir des soins qui mettent la vie en valeur. Il y a encore beaucoup de gens dans ce pays qui n’ont pas plus envie de recevoir des soins dans un établissement qui offre l’aide médicale à mourir qu’ils n’ont envie de manger dans un restaurant qui offre des sandwiches à la chair humaine. Ces gens-là devraient avoir la liberté de se faire soigner dans un établissement où le maintien de la vie est la seule option possible et où ils se sentent à l’abri de toute pression éventuelle s’ils éprouvent un moment de faiblesse ou s’ils en arrivent à penser qu’ils sont un fardeau inutile. Il y a encore des gens qui veulent se faire soigner par des soignants animés par la conviction que toutes les vies méritent d’être vécues, mais paradoxalement, ceux qui prétendent défendre la liberté de choix menacent en fait ces espaces sécurisés. Étant donné que ce projet de loi ne protège pas la liberté de conscience, les médecins sont obligés d’abandonner leur profession, et les établissements de soins qui mettent la vie en valeur sont obligés de fermer leurs portes.
Nous nous demandons pourquoi nous avons une crise dans les établissements de soins de longue durée au Canada. C’est peut-être parce que beaucoup de gens qui travaillaient dans des organisations situées dans cet espace sécurisé sont contraints d’abandonner parce que leur liberté de conscience n’est pas protégée. Protéger la liberté de conscience des médecins et des établissements ne concerne pas seulement les droits des soignants. Cela concerne aussi le droit des malades de recevoir des soins dans un certain type d’environnement, si c’est ce qu’ils souhaitent.
J’ai eu l’occasion de discuter avec un grand nombre d’électeurs de ma circonscription, y compris des gens qui sont tout à fait favorables à l’assouplissement de l’aide médicale à mourir, et j’ai constaté que les réalités actuelles de la configuration sociale du choix sont pour eux des facteurs décisifs. Autrement dit, ils veulent faciliter l’euthanasie parce qu’ils estiment que l’autre possibilité est intolérable. En l’absence de soins adéquats, en l’absence d’un traitement efficace de gestion de la douleur, en l’absence du soutien nécessaire au maintien de la dignité, les gens se résignent face à ces réalités et décident d’en finir plutôt que de supporter des conditions insupportables, alors que ces conditions peuvent être changées. La généralisation de l’euthanasie et les pressions qui vont s’exercer sur tous les établissements de soins pour qu’ils offrent ce service vont saper de plus en plus les soins qui mettent la vie en valeur.
Un jour, j’ai eu une longue conversation avec une dame de ma circonscription qui m’a expliqué les raisons pour lesquelles elle préconisait l’élargissement de l’euthanasie. Elle a avancé avec insistance les arguments classiques, comme le choix et le contrôle, puis m’a raconté une expérience pénible qu’elle avait vécue dans un établissement de soins pour un douloureux problème de constipation. Elle est allée demander de l’aide au poste de soins infirmiers où elle a reçu un accueil brusque et sans empathie. Le souvenir de l’humiliation qu’elle a ressentie après avoir longtemps essayé de résoudre son problème seule avant d’aller demander de l’aide auprès d’une personne qui lui a semblé insensible et dégoûtée a vraiment incité cette dame à réfléchir aux circonstances dans lesquelles elle pourrait vouloir mourir.
Je peux comprendre ce qu’elle a ressenti à ce moment-là, mais je pense que la solution consiste à donner aux gens la possibilité de recevoir des soins de compassion. C’est tragique de voir que les gens envisagent la mort à cause d’une expérience qu’ils ont perçue comme était une humiliation et à laquelle il serait possible de remédier directement.
Bon nombre des personnes âgées qui envisagent la mort disent qu’elles ne veulent pas devenir un fardeau pour les autres. Elles disent que c’est un choix, mais cette décision est aussi très révélatrice de ce qui se cache derrière ce choix. Il est rare qu’on entende des enfants insister pour payer un loyer à leurs parents ou pour vivre en autonomie parce qu'ils ne veulent pas être un fardeau pour leurs parents. Je n’ai certes jamais entendu mes enfants dire cela.
Pourquoi les aînés ont-ils l’impression d’être un fardeau, alors que les enfants n’ont pas l’impression d’en être un? Là encore, c’est une question de contexte social. Si, depuis leur enfance, les enfants entendent leurs parents leur dire qu’ils sont un lourd fardeau pour eux, qu’ils coûtent beaucoup d’argent qui pourrait servir à autre chose et qu’ils les empêchent d’avoir une vie sociale, les enfants commenceraient probablement à penser qu’ils sont un fardeau.
À l’inverse, si les personnes âgées et les personnes handicapées étaient constamment rassurées quant à leur rôle et leur contribution à la société, si elles se faisaient constamment dire qu’elles détiennent la clé de notre avenir, au lieu de se faire répéter qu’elles sont un fardeau, alors là, bien entendu, elles seraient plus susceptibles de choisir la vie et non la mort.
Ce n’est pas seulement une question de choix. C’est plutôt l’architecture sociale du choix qui incite des personnes à faire des choix différents dans toutes sortes de situations, en fonction des options limitées qui leur sont offertes et de la façon dont ces différentes options se répercutent les unes sur les autres.
Je vais renforcer cet argument en abordant un autre sujet. Les députés se souviennent sans doute que le projet de loi du gouvernement visant l’interdiction de la thérapie de conversion repose sur le principe que les gens ne peuvent pas consentir à quelque chose qui va à l’encontre de leur dignité humaine. Malgré mes réserves concernant le libellé du projet de loi , je suis d’accord avec le principe que la thérapie de conversion est inacceptable et ne devrait pas être permise.
À la lumière des projets de loi et , je ne sais toujours pas ce que le gouvernement pense de la capacité d’une personne à consentir à un préjudice. Le gouvernement est-il d’avis que les gens devraient pouvoir consentir volontairement à des actions qui leur feront du tort? Si nous examinons ces projets de loi ensemble, nous pourrions conclure que le gouvernement trouve acceptable que les gens consentent à leur mort, mais pas à certains actes qui sont pires que la mort. Cependant, cette catégorisation subjective de certains préjudices comme étant pires que d’autres peut clairement être en contradiction avec la perception subjective d’une personne quant aux actes qui lui paraissent plus dommageables que d’autres.
En tant que parlementaires, le temps est venu pour nous de parler des choix qui s'offrent aux personnes âgées et aux personnes handicapées, et de leur offrir d'autres options que la mort. Nous devons élargir nos discussions pour ne plus simplement parler d'une question de choix, mais examiner les différentes manières dont les choix sont présentés et qui mettent les gens dans des situations difficiles et douloureuses. Une société saine ne se contente pas de protéger le droit de ses citoyens de choisir entre diverses options, mais veille à ce que toutes les options soient suffisamment robustes pour que les choix des citoyens leur procurent du bonheur. Bien entendu, ce ne sont pas tous les choix qui mènent au bonheur.
On peut faire des choix qu'on pense mener au bonheur, sans toutefois y parvenir. La décision est particulièrement grave quand le résultat est final et irréversible. La communauté dans son ensemble a un intérêt raisonnable à ce que le choix soit fait en fonction de tous les renseignements dont on dispose, en tenant compte du fait que l'on peut s'adapter à de nouvelles circonstances au fil du temps, et c'est souvent ce qui arrive. Croire en la poursuite du bonheur suppose non seulement de croire en la liberté, mais aussi en l'importance de bien réfléchir pour utiliser judicieusement cette liberté.
Après avoir réfléchi à l'application de la notion de choix dans ce contexte, je souhaite à présent émettre quelques observations à propos des dispositions de ce projet de loi, et du moment où celui-ci a été présenté. Ce projet de loi propose d'éliminer l'exigence selon laquelle la mort doit être raisonnablement prévisible pour les personnes demandant l'euthanasie, et place celles pour qui la mort n'est pas raisonnablement prévisible sur une deuxième voie comportant certaines exigences distinctes. Le réexamen de la question de la prévisibilité raisonnable a été provoqué par une décision de justice au Québec, la décision Truchon, que le gouvernement aurait pu choisir de porter en appel, mais ne l'a pas fait.
Ce projet de loi va bien au-delà de cette seule question. De fait, il vise à éliminer arbitrairement un certain nombre de garanties qui n'ont rien à voir avec la décision Truchon. Il supprime le délai de réflexion de 10 jours, réduit le nombre de témoins requis, et élimine l'exigence de consentement concomitant. Les experts ont notamment souligné que la suppression du délai de réflexion de 10 jours ouvrirait la porte à la possibilité pour une personne de recevoir l'aide médicale à mourir le jour même où il la demande.
Certains députés se sont vigoureusement opposés à l'utilisation de cette expression. Le concept de mort le jour même est choquant, car il laisse entendre que le pire jour d'une personne pourrait bien être son dernier, et que des pensées suicidaires passagères pourraient entraîner une mort immédiate. Cependant, les députés mal à l'aise avec cette expression doivent admettre que le projet de loi tel qu'il est conçu ne contient aucun paramètre concernant les personnes dont la mort est jugée raisonnablement prévisible.
Si les députés estiment que des paramètres temporels existent, j'aimerais alors qu'ils m'indiquent où ils se trouvent dans le projet de loi. Si les députés estiment que des paramètres temporels devraient exister, alors pourquoi n'ont-ils pas proposé leur réintroduction dans le projet de loi? Dans sa forme actuelle, le projet de loi ne contient pas d'exigences concernant les délais pour les personnes pour lesquelles la mort est raisonnablement prévisible.
À l'étape de la troisième lecture, les députés devront se prononcer pour ou contre la possibilité d'obtenir l'aide médicale à mourir le jour même où elle est demandée. Comme l'a dit Wilberforce:
Vous pouvez, certes, choisir de détourner le regard, mais vous ne pourrez plus désormais plaider l'ignorance.
Les conservateurs ont proposé des amendements raisonnables pour réintroduire la période de réflexion — mais plus courte — et des exigences en ce qui concerne le consentement concomitant et des témoins indépendants, en particulier, afin de tenir compte des différentes expériences dont ont fait part des personnes handicapées à propos du système de santé. Nous demandons aussi que les professionnels de la santé ne parlent d’euthanasie que si le patient aborde le sujet en premier. Ces garanties importent et elles visent à protéger les personnes vulnérables en réduisant le risque qu’on les incite à prendre des décisions précipitées dans des situations de vulnérabilité.
En réponse à notre demande de garanties, le gouvernement a déclaré qu’il fait confiance aux professionnels de la santé et que ces règles ne sont pas nécessaires. L’objet d’une garantie n’est pas de répondre à ce qui est peut-être le cas moyen, mais d’établir une norme minimale. Nous parlons d’environ 100 000 personnes dans ce pays qui, du fait de leurs qualifications professionnelles, seraient habilitées à administrer l’euthanasie. Ces 100 000 personnes sont-elles tellement vertueuses ou dignes de confiance qu’il n’est pas nécessaire que des lois régissent leur comportement, contrairement au reste des citoyens? Je crois que la plupart des personnes dans le monde de la médecine font de leur mieux pour servir généreusement les autres, mais il suffit d’écouter les témoignages devant le comité de la justice pour s’apercevoir que certaines de ces personnes qui prodiguent des soins ne se montrent pas à la hauteur de leur mission. Nous avons tous besoin, dans une certaine mesure, de lois qui régissent nos comportements. Si nous avons besoin de règlements, comment pouvons-nous penser qu’il en aille autrement de ces 100 000 personnes? Est-ce qu’il n’y a pas de brebis galeuses? Je ne dis pas qu’il faudrait se montrer particulièrement soupçonneux à leur égard, mais qu’elles doivent être guidées dans leurs actes par des lois et des règlements, comme le reste des citoyens. Les personnes chargées d’ôter la vie à quelqu’un devraient le faire en respectant des paramètres strictement définis pour leur propre bien et pour le bien de tous. Je fais confiance aux médecins tout comme je fais confiance aux policiers, ce qui n’empêche pas qu’ils doivent être assujettis à des règlements et à une surveillance. Nous savons qu’il y a quelques brebis galeuses dans nos forces de police et s’il nous faut des garanties par rapport aux policiers parce qu’ils peuvent ôter la vie, alors, il nous en faut aussi par rapport aux personnes qui peuvent ôter la vie dans un contexte médical.
Le gouvernement ne ménage pas ses efforts pour nous convaincre qu’il est temps d’agir et il prétend que ce sont les conservateurs qui retardent l’adoption de ce projet de loi. Il devait aller de soi que si le gouvernement veut que nous investissions dans l’adoption rapide de son projet de loi, il doit nous persuader qu’il s’agit d’un bon projet de loi, ce qu’il n’a pas fait. La décision Truchon nécessite une réponse, mais les choses seraient bien plus simples si le projet de loi portait seulement sur cette réponse, au lieu de proposer divers autres changements. Dans sa forme actuelle, nous sommes obligés d’examiner tous les éléments ensemble et pas uniquement la petite partie qui répond à la décision Truchon. C’est le choix du gouvernement, pas le nôtre.
Voyons aussi comment nous sommes arrivés si près de l’échéance fixée par la cour. Le projet de loi a été présenté en février. En mai et juin, les conservateurs voulaient que la Chambre siège suivant une formule modifiée, mais le gouvernement a refusé. Puis il a enterré son propre projet de loi en prorogeant le Parlement en août. Avec toutes ces décisions, nous étions déjà au milieu de l’automne avant que le projet de loi soit examiné. Il n’a fait l’objet que de quatre séances de témoignages au comité de la justice. Le gouvernement a choisi de le retarder jusqu’à la dernière minute, puis de dire que le temps presse, au lieu d’opter pour un examen approfondi. Soyons clairs, il s’agit d’une tactique politique qui vise à soumettre ces changements radicaux à aussi peu de débat que possible.
Quand j’étais élève au secondaire, j’ai eu l’honneur de participer à un programme spécial qui faisait de nous des députés d’un jour à l’Assemblée législative de l’Alberta. À l'une de nos réunions, un ministre progressiste-conservateur aguerri nous a expliqué comment les lois étaient adoptées. Les élèves étaient surpris par la longueur et la complexité du processus. Ils ont demandé pourquoi cela prenait autant de temps et s’il était possible de raccourcir un peu le processus. Le ministre nous a répondu qu’il était content que cela demande autant de temps parce qu’une des lois qui avaient été le plus rapidement adoptées à l’Assemblée législative de l’Alberta était la Sexual Sterilization Act de 1928 qui autorisait le gouvernement à stériliser des personnes handicapées contre leur volonté, car il estimait qu’elles imposaient à la société une charge excessive. Les législateurs de l’époque auraient dû prendre plus de temps pour écouter les personnes handicapées et réfléchir aux conséquences de ce qu’ils faisaient. J’ai retenu depuis la leçon: lorsque nous prenons des décisions précipitamment, nous risquons de porter atteinte aux droits fondamentaux de nos semblables, notamment des personnes handicapées.
Les députés de ce côté de la Chambre qui soulèvent des questions et réclament qu’on prenne le temps d’examiner le projet de loi et qu’on mette en place les garanties voulues sont du bon côté de l’histoire. Comme dans le cas de la Sexual Sterilization Act de 1928, quand la loi sera abrogée dans cinq ou 50 ans, je serai fier de dire à mes petits-enfants que j’ai défendu la dignité immuable et universelle de chaque être humain.
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Madame la Présidente, je suis heureuse de prendre la parole à la Chambre sur cette question très importante et de continuer à être la porte-parole de ceux qu'on persiste à ignorer.
Le gouvernement agit comme s'il était prioritaire de faire adopter la loi à toute vitesse pour respecter l’échéance de la décision Truchon. Les Canadiens souffrent à cause de la pandémie, et tandis que des gens et des entreprises continuent de glisser entre les mailles du filet, le gouvernement donne la priorité à l’élargissement de l’accès à l’euthanasie plutôt qu’à fournir aux Canadiens le soutien dont ils ont besoin. C’est choquant de constater qu’il fait adopter ce projet de loi à la course, avant même que l’examen quinquennal obligatoire du régime d’euthanasie au Canada n’ait eu lieu. C’est une imprudence qui coûtera la vie à des gens.
La décision Truchon n’est pas une décision juridique exécutoire pour la Chambre des communes, mais le gouvernement choisit d’agir comme si elle l’était, malgré les appels de ce côté-ci de la Chambre en faveur de sa contestation. Lorsqu’on a affaire à une chose aussi grave, avec des enjeux aussi élevés que la vie et la mort, il est impératif que le processus ne soit pas précipité par la décision d’un tribunal provincial inférieur. Nos citoyens vulnérables méritent mieux. En toute honnêteté, cette échéance n’est que de la poudre aux yeux.
Étonnamment, non seulement le projet de loi étend l’accès à l’euthanasie à ceux pour qui la mort n’est pas raisonnablement prévisible, mais il va au-delà de la décision Truchon en éliminant les mesures de sauvegarde nécessaires qui sont en place pour protéger les personnes vulnérables. En éliminant la période de réflexion de 10 jours, les personnes qui sont près de la fin de leur vie pourront recevoir une aide médicale à mourir le jour même où elles la demanderont. Cela signifie, essentiellement, que pour de nombreux Canadiens, le jour le plus sombre de leur vie sera leur dernier jour.
J’aimerais souligner une statistique importante qui se trouve dans le « Premier rapport annuel sur l’aide médicale à mourir au Canada » publié en 2019. Selon ce rapport, à la date de sa publication, 263 Canadiens qui avaient demandé l’aide médicale à mourir avaient fini par retirer leur demande. En raison de la période d’attente actuelle de 10 jours, 263 vies canadiennes ont été sauvées. Manifestement, ces personnes avaient l’impression de vouloir mourir quand elles en ont fait la demande, mais elles ont décidé quelques jours plus tard qu’elles voulaient continuer à vivre.
Si la période de réflexion de 10 jours n’avait pas été en vigueur, la vie de 263 Canadiens aurait pu se terminer prématurément. C’est peut-être un appel téléphonique d’un ami de longue date, une rencontre avec un membre de la famille ou de bonnes nouvelles de leur médecin qui les ont motivés à changer d’avis. Peu importe. Le fait est qu’elles ont changé d’avis. Pourquoi le gouvernement veut-il priver les Canadiens de la possibilité de prendre une telle décision? Il justifie la nécessité du projet de loi par la décision Truchon, mais où cela est-il dit dans la décision Truchon?
L’exigence du consentement final est une autre mesure de sauvegarde importante que le projet de loi cherche à éliminer. Cela me fait vraiment peur. Le raisonnement qui en sous-tend la suppression est le fait qu’une personne peut perdre sa capacité de consentir à l’euthanasie avant qu’elle ne soit pratiquée si sa maladie progresse et entraîne un déclin cognitif important. Par conséquent, les personnes peuvent consentir à l’avance à ce qu’il soit mis fin à leur vie si elles perdent la capacité de prendre une décision aussi difficile.
Je trouve fort intéressant que nous convenions tous qu'un crime est commis si une personne n’est pas en mesure de consentir à l’avance à une activité sexuelle et qu’on abuse d'elle alors qu'elle n’est pas en état de dire non. Cependant, le gouvernement pense que des personnes peuvent consentir à l’avance à ce qu’on mette fin à leur vie, même si elles perdent la capacité de dire non au moment de la procédure. Le problème que pose le consentement préalable, c’est qu’il est impossible de savoir ce que souhaite une personne si elle est incapable de le communiquer. On ne peut pas savoir si une personne dans cet état veut vraiment mourir. Peut-être que la personne a changé d’avis et souhaite continuer de vivre lorsque l’aide médicale à mourir est administrée, mais qu’elle ne peut pas le dire. C’est épouvantable.
Les risques qu’entraîne la suppression des 10 jours de réflexion et de l’obligation d’un consentement final sont trop graves pour que je les accepte. Nous ne devons pas oublier qu'il s'agit d'une question de vie ou de mort. Le gouvernement doit protéger les Canadiens vulnérables. Il doit veiller à ce que des mesures de sauvegarde soient en place, et leur suppression met des vies en danger.
J’aimerais rappeler au gouvernement que, dans sa précipitation à respecter une échéance inutile, il a ignoré la voix des Canadiens handicapés, de leurs médecins et de leurs défenseurs. Je rappelle aux députés les paroles de Krista Carr, directrice générale d’Inclusion Canada, qui a dit que ce projet de loi est « le pire cauchemar » des Canadiens handicapés. Il y a aussi les paroles de Catherine Frazee, qui a déclaré que le projet de loi dit aux gens comme elle que leur vie ne mérite pas d’être vécue.
Il y a aussi la Dre Heidi Janz qui a déclaré au comité de la justice que le projet de loi « fera en sorte que des personnes handicapées chercheront à bénéficier de l’aide médicale à mourir comme solution ultime, après avoir été opprimées par le capacitisme toute leur vie ». Roger Foley a courageusement expliqué au comité, depuis son lit d’hôpital, que si le projet de loi est adopté, il ne survivra pas et que le Parlement du Canada aura son sang sur les mains.
J'interviens ici à la Chambre pour rappeler au gouvernement les paroles qu’il a refusé d’entendre. L’option de l’euthanasie pour les personnes qui ne sont pas mourantes est dangereuse et relève du capacitisme. Ce n’est pas moi qui le dis. Ce sont les personnes concernées elles-mêmes.
Les médecins qui travaillent avec les Canadiens handicapés ont déclaré très clairement au comité qu’une période de réflexion de 90 jours n’est pas assez longue. Ils ont expliqué que les tendances suicidaires sont très courantes en cas d’épisode médical catastrophique, mais qu’avec de bons soins et du soutien, il est presque toujours possible de surmonter ces tendances.
Lors de ma dernière intervention au sujet du projet de loi, j’ai présenté à la Chambre l’histoire de Kristine Cowley. Depuis les lésions médullaires qu’elle a subies il y a 33 ans, Kristine vit le genre de vie dont la plupart des personnes valides rêveraient, mais il lui a fallu des années après son traumatisme pour se sentir de nouveau bien. Elle craint que des personnes comme elle décident de mettre fin à leurs jours dans un moment de découragement total.
Je vais maintenant raconter l'expérience de David Shannon. David a subi un traumatisme de la moelle épinière pendant une mêlée de rugby à l'âge de 18 ans. Il a dit qu'après son accident, il a frôlé la mort plus souvent qu'il n'ose l'imaginer lorsqu'il restait au lit. David a fini par faire carrière comme dirigeant d'une organisation non gouvernementale et au sein d'un cabinet d'avocat spécialisé dans les droits de la personne et le droit de la santé.
Je vais citer David:
J'ai accompli beaucoup de choses dans ma vie. J'ai parcouru le pays d'un océan à l'autre dans mon fauteuil roulant. J'ai sauté d'un avion à 25 000 pieds d'altitude. Je me suis rendu jusqu'au pôle Nord et j'y ai planté une pancarte indiquant un stationnement accessible aux personnes handicapées. J'ai écrit un livre, j'ai joué dans des pièces de théâtre et à la télévision. J'ai obtenu mon diplôme de droit et j'ai été commissaire aux droits de la personne. J'ai également reçu l'Ordre de l'Ontario et l'Ordre du Canada. J'ai aimé et j'ai été aimé. L'accomplissement dont je suis le plus fier est celui d'avoir profité de la vie.
À plusieurs reprises au cours de ce débat, des députés de ce côté-ci de la Chambre se sont demandé combien d'histoires comme celle-là passeront inaperçues si le projet de loi est adopté. J'exhorte mes collègues à bien se rendre compte de ce qu'on leur demande de faire. À l'instar du retrait des mesures de sauvegarde, le fait que l'adoption de ce projet de loi puisse entraîner la mort prématurée de personnes comme David Shannon et Kristine Cowley représente à mon avis un risque beaucoup trop important pour que je l'accepte.
Ceux qui appuient ce projet de loi continuent de s'en remettre à la notion d'autonomie pour justifier leur volonté de faire fi de ces risques. Voici un autre commentaire de David Shannon à ce sujet:
Ce qui me choque le plus au sujet du projet de loi C-7, c'est qu'il constitue une autorisation implicite de promouvoir la mort. Pourquoi n'encourage-t-on pas plutôt l'autonomie des gens? Lorsqu'on est blessé, il faut d'abord faire des compromis. Il faut savoir qu'il existe des mesures de soutien, que la vie peut être fantastique, qu'on n’est pas obligé de quitter ce monde et nos proches.
Lorsqu'une personne est blessée, elle est affaiblie. Lorsqu'elle est affaiblie, son autonomie en est diminuée. C'est lorsqu'ils sont dans cet état d'affaiblissement que le gouvernement souhaite offrir la mort aux Canadiens. Je rappelle à la Chambre que le gouvernement est absolument incapable d'offrir aux Canadiens handicapés les soins dont ils ont besoin. Je rappelle à la Chambre qu'il faut souvent beaucoup plus que 90 jours pour même pouvoir consulter un spécialiste. Je rappelle à la Chambre ce que la a déclaré au comité de la justice: il y a des régions du pays où il est plus facile d'obtenir l'aide médicale à mourir qu'un fauteuil roulant.
Non seulement nous offrons la mort lorsque l'autonomie d'un patient est la plus diminuée, mais nous incitons les patients à mourir en ne leur offrant pas de soins. J'ai déjà posé cette question, et je la pose à nouveau: en tant que députés, souhaitons-nous vraiment qu'on se souvienne de cette législature comme étant celle où on a offert aux patients la mort plutôt que des soins? C'est la voie que nous empruntons avec ce projet de loi.
Encore une fois, au nom des Canadiens handicapés, de leurs médecins et de leurs défenseurs, j'implore les députés de mettre fin à cette attaque contre les handicapés du pays. Ils ont été très clairs au sujet de cet affront ultime dont leur communauté serait victime si ce projet de loi venait à être adopté. J'implore les députés d'écouter leur demande. Nous savons à quels abus on pourra s'attendre dans l'avenir. Le gouvernement ne pourra pas dire qu'il ne savait pas; c'est juste qu'il n'aura pas écouté.
On nous a mis en garde, sans équivoque, à propos de ce qui allait arriver, mais je voudrais maintenant parler des abus qui se produisent déjà.
Voici ce que Gabrielle Peters, une journaliste qui vit avec une lésion de la moelle épinière, a écrit dans une récente lettre ouverte aux sénateurs canadiens: « Il faut bloquer l’adoption du projet de loi C-7 parce que je sais qu’il entraînera des décès évitables de personnes handicapées. Je le sais parce que cela se produit déjà. Je sais que cela se produit déjà parce que j’ai failli être l’une des victimes ».
Le gouvernement se précipite pour éliminer les garanties relatives à l’euthanasie alors que les garanties en vigueur ne sont même pas respectées. Selon le Dr Jaro Kotalik, bioéthicien, il est évident que les autorités provinciales et territoriales n’exercent pas pleinement le rôle de surveillance, d’application de la loi et de rapport sur le rendement du programme d’aide médicale à mourir, ce qu’elles sont censées faire selon les lois et les règlements fédéraux.
C’est ce qui ressort du témoignage de Roger Foley devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Les personnes qui prennent soin de lui, dont il dépend pour tout ce qui concerne son confort et les nécessités de la vie, lui ont suggéré à quatre reprises d’opter pour l’aide médicale à mourir, ce qui est totalement illégal puisque la mort de Roger n’est pas raisonnablement prévisible.
Il est incroyable qu’à l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées, tous les députés libéraux aient voté contre l’ajout de protections pour les personnes handicapées dans le projet de loi . Même la qui, lors de l’étude préliminaire du Sénat, a dit qu’elle partageait certaines préoccupations des Canadiens handicapés a voté contre notre amendement.
J'aimerais rappeler à la Chambre ce que la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits des personnes handicapées a dit de sa visite au Canada: « Je suis extrêmement préoccupée par la mise en œuvre de la législation sur l’aide médicale à mourir dans une perspective de handicap. On m'a informée qu'il n'y a pas de protocole en place pour démontrer que les personnes handicapées ont reçu des solutions de rechange viables lorsqu'elles sont admissibles à l’aide médicale à mourir ».
L’opposition a tenté de donner suite à cette préoccupation en proposant en comité un amendement exigeant que les patients jouissent d’un accès effectif à des soins avant que l’aide médicale à mourir puisse être administrée. Je rappelle à la Chambre que les députés libéraux ont voté contre.
J'aimerais faire part à la Chambre d’une autre préoccupation soulevée par la rapporteuse. Elle a dit: « J'ai également reçu des plaintes inquiétantes concernant des personnes handicapées dans des institutions qui subissent des pressions pour obtenir de l'aide médicale à mourir, et des praticiens qui ne signalent pas officiellement les cas impliquant des personnes handicapées. »
Plus tôt, j’ai fait référence au rapport de 2019 de Santé Canada sur l’aide médicale à mourir. Certaines statistiques qu’il renferme étaient utiles, mais le rapport pose manifestement quelques problèmes, comme l’absence de toute mention d’abus. Comme les renseignements recueillis ont été rapportés par des fournisseurs d’aide médicale à mourir eux-mêmes, il était peu probable que des abus soient mis au jour. Nous savons qu’il y a eu des abus, c’est évident. Des cas comme celui de Roger Foley, et beaucoup d’autres, montrent que c’est indéniable.
Dix-huit mois avant sa mort par aide médicale à mourir, Archie Rolland avait été transféré contre son gré d’une résidence où il recevait des soins très spécialisés vers un établissement de soins de longue durée gériatrique qui ne pouvait pas combler ses besoins. Il a déclaré que ce n’est pas la maladie qui le tuait. Il était fatigué de se battre pour obtenir des soins de compassion.
Sean Tagert, un père de famille atteint de SLA, épuisé de se battre pour obtenir les soins dont il avait besoin pour vivre chez lui, s’est fait dire qu’il devrait être placé dans un établissement de soins de longue durée loin de sa communauté et de sa famille. Il n’a pu vivre le reste de ses jours chez lui avec son jeune fils et a estimé que l’aide médicale à mourir était la seule option qui lui restait.
Il y a aussi les histoires d’Alan Nichols, Yvon Tremblay, Gabriel Bouchard, Tommy Sec, Jonathan Marchand, Raymond Bourbonnais, Candice Lewis et beaucoup trop d’autres. Certaines de ces personnes luttent toujours pour leur vie, tandis que d'autres ont déjà cédé à la pression de mourir.
Pourquoi y a-t-il tant d’histoires d’horreur? Pourquoi y a-t-il un tel manque de conformité? C’est simple: il y a un manque de surveillance. De nombreux médecins et membres de la famille de patients m’ont dit que leurs plaintes sont restées lettre morte. Il y a aussi une culture d’intimidation sévère en médecine qui fait que les médecins ont peur de dénoncer, par crainte de perdre leur emploi.
Un communiqué de presse diffusé en mars dernier par le Collectif des médecins contre l’euthanasie disait: « La pression a été intense pour beaucoup de médecins, particulièrement chez les spécialistes en soins palliatifs, certains choisissant de quitter la spécialité médicale avant les récents développements. Les descriptions reçues font état d’environnements de travail toxiques et de crainte de mesures disciplinaires par les autorités médicales règlementaires. »
La dernière fois que je suis intervenue à propos du projet de loi, le m’a demandé si j’avais connaissance de cas où des pressions exercées ont abouti à des poursuites. Il y a beaucoup de cas de pressions, simplement pas de poursuite. Lorsque des plaintes d’abus sont déposées, il n’y a pratiquement aucune possibilité de recours. Si une personne porte plainte à la police, celle-ci ne peut enquêter en raison du secret médical. Lorsque des plaintes sont déposées auprès du Collège des médecins et chirurgiens, aucune suite ne leur est donnée. De nombreux médecins subissent tellement d’intimidation qu’ils renoncent avant même que les plaintes ne soient déposées.
J’ai tenté de savoir, auprès de la Bibliothèque législative de la Colombie-Britannique, combien de plaintes ont été déposées contre des médecins du Collège des médecins et chirurgiens de la Colombie-Britannique à propos de l’aide médicale à mourir. On m’a répondu que le Collège des médecins et chirurgiens de la Colombie-Britannique ne peut révéler l’existence d’une plainte d’un patient contre un médecin, à moins que la plainte n’entraîne une mesure disciplinaire officielle et, par conséquent, le nombre exact de plaintes déposées auprès du Collège, qu’elles soient liées à l’aide médicale à mourir ou non, ne peut être déterminé à partir de sources publiques.
On m'a ensuite présenté une analyse de la couverture de presse de plaintes relatives à l’aide médicale à mourir dans l’espoir que cela me soit utile. C'est difficile à croire, mais les médias sont le seul endroit où les renseignements sur les plaintes relatives à l’aide médicale à mourir sont publiquement disponibles. C'est honteux. Songeons aux cas de maltraitance de personnes âgées qui se produisent dans ce système facile à duper. Des millions de Canadiens âgés ne sont pas protégés contre ce régime parce qu’il n’y a absolument aucun moyen de le surveiller.
Songeons à des cas comme ceux de mes concitoyens, qui ont assisté à une assemblée publique que j’avais organisée lorsque l’enquête sur l’aide médicale à mourir a été ouverte aux mémoires. Avec près de 100 personnes, nous avons passé en revue chaque question en essayant de comprendre et de répondre de manière réfléchie. Plus nous répondions aux questions, plus nous prenions conscience que l’enjeu était beaucoup trop compliqué et nuancé pour qu’une enquête soit d’une quelconque utilité.
Puis, un jeune père s’est levé et a raconté son histoire. Il avait reçu un diagnostic de cancer du cerveau en phase terminale. Devant l’assemblée, il a expliqué comment il était devenu dépressif à la suite de son diagnostic et s’était tourné vers des services de counseling pour l’aider à faire face à cette nouvelle réalité. Son conseiller lui a plutôt proposé l’aide médicale à mourir. Il a été choqué qu’à son heure la plus sombre, un conseiller professionnel lui suggère la chose même qui était extrêmement tentante pour lui, mais qui ne correspondait pas à son objectif ultime de vivre au mieux sa vie jusqu’à sa conclusion naturelle.
Le professionnel de la santé de notre groupe de discussion était scandalisé. C’était complètement illégal, selon la loi en vigueur, et cela aurait dû être dénoncé, ce à quoi le jeune homme a répondu: « Comment même s’y prendre pour dénoncer? » Cet homme, dont la vie était compromise, ne savait même pas comment signaler un incident. Le médecin a dit qu’il pouvait aller en ligne et rédiger une plainte au Collège des médecins et chirurgiens, et il lui a dit de le faire immédiatement. Le jeune homme lui a répondu qu’il n’en avait pas l’énergie. Il suivait une chimiothérapie et était absolument épuisé. Il n’arrivait pas à se concentrer sur quoi que ce soit d’autre à ce moment-là.
Combien de personnes ne savent pas à qui s’adresser pour porter plainte ou n’ont tout simplement pas l’énergie ou la force de se battre? Elles mènent déjà un combat contre la mort et nous voudrions qu’elles aillent en ligne et déposent une plainte alors qu’elles ne vivront peut-être pas assez longtemps pour en voir la conclusion.
En terminant, voici une citation de Derek Ross, un avocat de droit constitutionnel:
Compte tenu des preuves persistantes selon lesquelles les mesures de protection actuelles ne sont pas respectées, il est alarmant de constater que le gouvernement cherche à supprimer bon nombre de ces mesures au lieu de les renforcer et de les maintenir. Qui enquête sur ces constatations de non-conformité? Et qui recueille et regroupe ces données? L’arrêt Carter était fondé sur l’hypothèse que les garanties procédurales seraient « scrupuleusement surveillées et appliquées ». Le gouvernement fédéral a la responsabilité d’examiner les cas de non-conformité signalés et de veiller à ce que les données sur la non-conformité soient recueillies et utilisées pour éclairer les décisions stratégiques futures.
La situation actuelle de l'aide médicale à mourir entraîne des abus horribles, comme le savent tous ceux qui sont concernés. Ce projet de loi est un cauchemar pour les personnes handicapées et pour les médecins partout au Canada. Les risques qu'il comporte sont trop importants pour qu'on les accepte, car les enjeux sont une question de vie ou de mort. Nous n'avons pas droit à l'erreur.
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Madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec le député de .
J'interviens aujourd'hui pour participer à l'important débat sur le projet de loi , qui élargit les conditions d'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Le gouvernement libéral a sommairement empêché le Parlement d'effectuer une étude multipartite en comité pour examiner cette mesure législative, mais j'estime encore important d'exprimer officiellement mon opinion parce que le projet de loi C-7 porte littéralement sur une question de vie et de mort.
D'entrée de jeu, je cite mon collègue, le député de , qui a posé la question qui suit au gouvernement au début de nos séances hybrides. Dans le contexte où on demandait de placer des défibrillateurs dans des salles communautaires, des patinoires et d'autres endroits où se réunissent les Canadiens, le député a demandé:
Il en coûtera environ 1 milliard de dollars pour rénover l'édifice du Centre. Je crois que ce montant est juste. Il en coûtera 5 millions de dollars pour munir toutes les voitures de police de DEA — de défibrillateurs. Cette mesure permettrait de sauver 300 vies par année. Par rapport à la rénovation de l'édifice du Centre, est-il plus ou moins important de sauver 300 vies par année, moyennant une dépense correspondant à la moitié de 1 % de 1 milliard de dollars?
Mes collègues de part et d'autre de la Chambre savent que je suis un fervent défenseur de nos institutions et de notre histoire, et que je souhaite les protéger pour que les générations futures puissent les apprécier, en tirer des enseignements et même dans certains cas les révérer. C'est le cas du Parlement, des sites historiques partout au Canada et même des statues de nos fondateurs en raison de leur vision et même de leurs erreurs, parfois nombreuses. Le député de a posé une question simple mais profonde au Parlement au sujet de la valeur de la vie, et de la façon de la mesurer. Voici une question que tous les députés se posent depuis le début de la pandémie de coronavirus: comment peut-on protéger et sauver des vies? C'est une question qui constituera le fondement du débat à la Chambre des communes pour le reste de notre existence et bien après.
En un peu plus de huit mois, tous les ordres de gouvernement ont consacré conjointement un demi-billion de dollars à la lutte contre la pandémie. Tous les gens, riches ou pauvres, jeunes ou vieux, mariés ou célibataires, parents ou grands-parents, peu importe la forme que prend leur famille ou leur ménage, ont été touchés par la COVID-19, et les gouvernements sont intervenus pour les aider. Les mesures qu'ils ont présentées reposaient, d'une façon ou d'un autre, sur une vérité simple et profonde: les élus de tous les ordres de gouvernement du pays respectent le droit à la vie, et ils veulent que notre pays le défende et le protège.
Je souhaite exprimer aujourd'hui mon opposition au projet de loi . L'aide médicale à mourir est une pratique qui, si rien n'est fait, pourrait transformer le droit de mourir en une obligation de mourir.
Comment est-il possible que le même gouvernement qui a défendu sans réserve l'imposition de fermetures et de confinements économiques en réponse au coronavirus nous empêche maintenant de protéger les Canadiens en élargissant considérablement les paramètres juridiques de l'aide médicale à mourir? C'est horrible.
Je vais citer la députée de , l'ancienne ministre de la Justice, qui a dit ceci au sujet du projet de loi :
[Le] projet de loi C-7, sur l'aide médicale à mourir, élimine cette mesure de sauvegarde qu'est la période de réflexion de 10 jours de même que l'exigence d'une nouvelle confirmation du consentement, ce qui ouvre la voie aux demandes anticipées d'aide médicale à mourir.
Pourquoi? Ce changement n'est aucunement exigé par la décision Truchon rendue par la Cour d'appel du Québec, que le gouvernement a choisi de ne pas porter en appel. De plus, la Cour suprême du Canada insiste, dans l'arrêt Carter, sur la nécessité d'obtenir un consentement clair. Divers experts, dont des médecins spécialisés en soins palliatifs et des défenseurs des personnes handicapées, soutiennent qu'il s'agit d'une mesure de sauvegarde cruciale. Par ailleurs, des rapports sur l'aide médicale à mourir dont la production est exigée par la loi et qui concernent les mineurs matures et les personnes souffrant d'une maladie mentale soulignent que les demandes anticipées créent des défis considérables.
Il est très troublant de voir la direction que les libéraux ont choisi de prendre. Une seule décision rendue par un tribunal de première instance d'une seule province a renversé la loi existante, qui avait été adoptée lors d'une législature antérieure.
On ne valorise plus la vie. Même les mesures de sauvegarde les plus élémentaires sont jugées trop restrictives par l’actuel , le Cabinet et le caucus. Un consensus fragile a été établi lors de la dernière législature, mais le projet de loi va éliminer cet important consensus. J’espère que nous pourrons le rétablir lors d’une prochaine législature, lorsque les dirigeants réfléchiront davantage aux questions de vie et de mort et feront peut-être preuve d’une certaine humilité à l'égard de ces questions.
En tant que parlementaires, nous devons — même les députés d'en face — rejeter l’élargissement imprudent des conditions entourant l’aide médicale à mourir dans notre société. Cependant, je suis consterné de voir que cela ne se produira pas.
Le projet de loi ne porte sur l’aide médicale à mourir que par son titre. Ses promoteurs s’accrochent à cette désignation pour lui donner un vernis de respectabilité et le rendre acceptable pour la population. Le projet de loi C-7 supprimerait les mesures visant à protéger les Canadiens vulnérables et même la nécessité que la mort soit proche, imminente ou même raisonnablement prévisible. L’aide médicale à mourir prévoit des mesures de sauvegarde, ce qui n’est pas le cas du projet de loi dont nous discutons aujourd’hui qui propose tout simplement la mort administrée par un médecin.
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Madame la Présidente, c’est un honneur de participer au débat sur un sujet aussi important.
J’aimerais tout d’abord parler des commentaires du et d’autres députés qui affirment que les conservateurs retardent l’adoption de ce projet de loi, que nous sommes en quelque sorte responsables de ce retard. Je parlerai davantage de ce point, mais il y a vraiment un mot qui rejette complètement à lui seul cet argument: « prorogation ».
Le gouvernement a déjà présenté ce projet de loi. Cela ne surprendra certainement aucun de mes électeurs, mais lorsque le gouvernement a avancé son excuse pour justifier la nécessité de remettre en question la loi, cela a coïncidé avec le jour où des documents très révélateurs devaient être publiés concernant un scandale sans précédent impliquant le et divers membres du gouvernement. Il y a eu prorogation et le programme législatif a été interrompu, à cause de la COVID, ont-ils prétendu. Aujourd’hui, de nombreux projets de loi qui avaient été présentés durant la législature précédente ont été présentés à nouveau au cours de la présente législature. Et maintenant, les libéraux prétendent que les conservateurs ont en quelque sorte retardé le processus.
Nous avons 24 jours de retard dans le processus législatif, période pendant laquelle nous aurions pu traiter ce projet de loi et beaucoup d’autres mesures importantes, liées à la COVID ou non, et pourtant, voilà où nous en sommes. Les mots qui me viennent à l’esprit à ce sujet ne relèvent pas nécessairement du langage parlementaire, mais il est honteux que nous nous retrouvions dans cette situation et que les ministériels laissent entendre que nous ne faisons pas notre travail en débattant d’un projet de loi qui est littéralement une question de vie ou de mort.
Les électeurs demanderont des comptes aux ministériels à ce sujet. J’ai entendu beaucoup de commentaires de parties intéressées représentant toute la gamme des opinions dans ce dossier. Je vais revenir sur certains des commentaires que le a faits plus récemment. Il faut dialoguer, discuter et réfléchir soigneusement afin de trouver le bon équilibre. C’est pourquoi le Parlement existe, cette Chambre sacrée dans laquelle nous avons tous l’honneur et le privilège de siéger, afin que nous puissions tenir des débats.
J’aimerais que la composition de la Chambre change un peu en ce qui concerne le nombre de sièges dont disposent certains partis. Je fais certainement de mon mieux pour que cela se produise, et les nouvelles à ce sujet sont encourageantes. Toutefois, il est intéressant de noter que les personnes que les Canadiens envoient dans cette enceinte, quelle que soit sa composition, le sont en raison de l’importance du dialogue associé à chaque aspect de notre travail ici, qu’il soit lié à la COVID ou à l’aide médicale à mourir, dont nous débattons aujourd’hui, ou aux nombreux dossiers dont sont saisis cette Chambre et ses comités.
On ne saurait diminuer l’obligation de faire preuve de diligence raisonnable dans tous les cas de figure. Je contribue certainement à ce débat et rejette catégoriquement l’opinion du gouvernement selon laquelle, d’une façon ou d’une autre, les conservateurs retardent les choses. La faute revient directement aux libéraux. Ils fabriquent de l’urgence alors que la raison pour laquelle il y a urgence est due à des jeux politiques soigneusement façonnés par les ministériels.
À entendre le parler du projet de loi au cours des dernières semaines, on peut constater une évolution dans ses réponses. La dernière fois que j’ai participé à un débat, c’était à partir de mon bureau de circonscription et le avait dit la veille que les libéraux avaient obtenu un large consensus sur cette question, qu’ils s’étaient rassemblés et avaient fait ce que les gens leur avaient demandé de faire.
Il s’est vanté de 300 000 soumissions lors des consultations, alors que je sais pertinemment — je l'ai dit dans ma dernière intervention — que la position à laquelle le gouvernement était parvenu était certainement différente de bon nombre des soumissions de mes électeurs, qui ne semblaient pas avoir été prises en compte.
Je trouve très intéressant le changement de ton dans la réponse du hier. Le ministre a qualifié le sujet de délicat. Il a été beaucoup plus nuancé dans son approche, reconnaissant qu’il y a un profond désaccord sur le sujet, mais que les conservateurs devraient se dépêcher. Je paraphrase, mais le changement de ton du ministre signale que les libéraux ont reçu une tape sur les doigts. Ils prétendent avoir obtenu un consensus sur une question, alors que ce n'est manifestement pas le cas.
Les défenseurs des droits des personnes handicapées et les professionnels de la santé semblent certainement être du même avis, même si je n’irai pas jusqu’à dire qu’il est universel, car ce serait une utilisation inappropriée de ce terme pour une application aussi large. Cependant, le consensus semble avoir été vaste, quoique non universel, sur le fait que ce projet de loi est imparfait et mérite d’être réexaminé.
C’est exactement le rôle de cette institution, que ce soit la Chambre ou l’autre endroit qui débatte du projet de loi . J’imagine que le projet de loi sera adopté. Il a certainement été adopté à l'étape de la deuxième lecture et de celle du rapport. Je pense donc que nous obtiendrons un résultat semblable et que l’autre endroit aura également l’occasion d'en débattre.
Je voudrais parler de l’ironie tragique de la situation actuelle. Le gouvernement du Canada, comme les gouvernements du monde entier, comme les instances provinciales et municipales, a englouti des billions de dollars dans des programmes de réponse à la COVID. Il ne fait aucun doute que les personnes les plus à risque et les plus vulnérables face à ce virus qui s’est emparé de notre monde au cours des derniers mois, ou presque un an maintenant, sont les personnes âgées. Je trouve tragiquement ironique que, dans le cas de la pause législative censée donner la priorité à la COVID, nous débattions de ce projet de loi qui met en danger certaines des personnes les plus vulnérables.
Tandis que les gouvernements ont versé des billions de dollars, à juste titre dans de nombreux cas, dans des programmes d’aide et de réaction à la COVID, nous débattons ici d’un projet de loi qui permettrait aux gens de mettre fin à leur vie et qui réduit les mesures de sauvegarde concernant une décision qui ne pourrait être plus définitive. Cette ironie tragique nous amène à ce jour. Les ministériels vont parler de nécessité, et souvent ils critiquent le débat des conservateurs sur de nombreux aspects de la réaction à la COVID, mais ici, ils visent quelque chose qui est certainement l’antithèse de l’objectif de tous les parlementaires, c’est-à-dire essayer de faire ce qu’il y a de mieux pour nos concitoyens, ce qu’il y a de mieux pour les Canadiens.
On oublie souvent la constitutionnalité de cet endroit, et la réalité que la plus haute charge publique dans ce pays n’est pas celle du premier ministre, mais celle du député. Nous pourrions avoir un long débat sur les motifs de ce malentendu, que ce soit la prédominance des médias américains au Canada, l’éducation ou autre, mais en ce qui concerne la primauté du Parlement dans le droit et la société au Canada, le député est au sommet de cette institution.
Nous sommes 338 à siéger ici à la Chambre. Quand les électeurs parlent de sujets comme le sentiment d'aliénation ressenti dans l'Ouest, ils nous demandent ce que nous pouvons faire pour améliorer la situation. Ma réponse est la suivante: je sais que je peux changer les choses parce que j'occupe le même nombre de sièges que le , que le député de et que n'importe lequel de mes collègues conservateurs, bloquistes, néo-démocrates et verts. C'est ce qui fait la force de notre institution et c'est pourquoi les votes libres font partie de la réalité de la Chambre. J'encourage certainement mes collègues...
:
Madame la Présidente, encore une fois, c'est avec beaucoup d'émotion que je me lève à la Chambre pour prendre la parole sur cette question extrêmement délicate, soit l'aide médicale à mourir.
Au cours de cet exposé, je vais mettre en lumière la réalité parlementaire et judiciaire. Je suis quand même leader parlementaire de l'opposition officielle, alors j'ai un mot à dire là-dessus, et j'ai même beaucoup de choses à dire là-dessus. Je vais parler des raisons pour lesquelles nous sommes rassemblés aujourd'hui pour parler du projet de loi à l'étape de la troisième lecture. De plus, je vais évidemment aborder le fond de la question, c'est-à-dire ma position et celle de mes collègues à cet égard.
Avant de commencer, je tiens à mettre les choses au clair: c'est un sujet qui n'appelle aucune partisanerie. Dans ce dossier, il n'y a ni bons ni méchants, il n'y a ni bonnes positions ni mauvaises positions, et il n'y a ni bons votes ni mauvais votes. Il y a juste des positions qui nous mettent à l'aise, en lesquelles nous croyons et que nous sommes prêts à défendre personnellement, comme individus. Ce sujet peut affreusement diviser, tout comme il peut être une occasion en or d'avoir une conversation intelligente mais, d'abord et avant tout, respectueuse de l'opinion contraire.
Vous n'êtes pas sans savoir, madame la Présidente, que j'aime bien les batailles politiques. Les arguments et les contre-arguments, je ne hais pas cela, au contraire. Cela fait partie du métier de politicien, mais il y a des questions qui ne se prêtent pas à cela.
[Traduction]
En ce qui me concerne, l’aide médicale à mourir n’est pas une question partisane. Il n’y a pas d’un côté les bons et de l’autre côté les méchants. Il n’y a pas de bons votes et de mauvais votes. Il n’y a que des votes et des positions avec lesquels nous nous sentons à l’aise. C’est en défendant ce principe que nous manifestons du respect pour nos homologues. Face à ce problème, voilà comment j’entends le régler. Même si, parfois, je me montre un peu agressif dans ma façon de parler, aujourd’hui, je vais faire de mon mieux pour rester modeste, car je veux être respectueux de tous les points de vue.
[Français]
Le projet de loi C-7 fait suite à une décision prise par la Cour supérieure du Québec, mais ce n'est pas la première fois que le sujet de l'aide médicale à mourir est abordé.
Rappelons que c'est la province du Québec qui a été la première à amorcer la réflexion qui a conduit à l'adoption d'une loi concernant l'aide médicale à mourir. Malheureusement, ou heureusement, je sais de quoi je parle, puisque j'étais député provincial à l'Assemblée nationale du Québec. En passant, cela fait 12 ans, aujourd'hui, que j'ai été élu pour la première fois. En tant que député provincial, j'ai eu à travailler pendant six ans, sous trois premiers ministres et trois gouvernements différents, sur cette question délicate.
Je tiens à mettre la position au clair. La preuve que cette question peut être traitée de façon non partisane, c'est que trois premiers ministres, soit le premier ministre Charest, la première ministre Marois et le premier ministre Couillard, sous deux partis politiques différents, ont mené le travail parlementaire qui a conduit à la première adoption d'une loi provinciale sur l'aide médicale à mourir au Canada. D'ailleurs, il faut souligner que cela s'est fait sous l'égide d'un premier ministre médecin, le Dr Philippe Couillard. J'étais présent.
Ensuite, il y a eu le jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Carter concernant, encore une fois, l'aide médicale à mourir. Le fédéral devait trancher pour déterminer où se situaient les balises fédérales concernant l'aide médicale à mourir. De façon très correcte, le premier ministre Stephen Harper, étant donné que le programme politique faisait en sorte que nous étions sur le point de déclencher une campagne électorale, avait décidé, avec le concours des autres partis politiques, de ne pas aborder cette question. C'était la bonne chose à faire.
[Traduction]
Comme je l’ai dit tout à l’heure, c’est une question qui n’est pas partisane. C’est la raison pour laquelle l’ancien premier ministre Harper a pris la bonne décision de ne pas en parler pendant la campagne électorale de 2015, parce qu’il voulait laisser au nouveau gouvernement élu, qu’il soit conservateur, NPD ou libéral, le soin de présenter un nouveau projet de loi. J’ai participé à la discussion, j’ai siégé au comité.
[Français]
Le gouvernement était bien avisé de créer un comité parlementaire transpartisan, et surtout, mixte, puisque des sénateurs et des députés de la Chambre des communes y siégeaient.
J'ai eu le grand privilège d'y siéger à la demande de ma cheffe de l'époque, l'honorable Rona Ambrose. J'ai eu le privilège d'avoir des conversations tellement intéressantes et fascinantes avec des Canadiens d'un océan à l'autre qui avaient des points de vue divers. Nous en sommes arrivés à un consensus sous la forme du projet de loi . Quand je dis consensus, il faut faire attention, parce que la démocratie étant ce qu'elle est — et c'est tant mieux — certains étaient pour et d'autres étaient contre.
Le projet de loi C-14 a donc été adopté il y a cinq ans par la Chambre des communes. Cette loi comportait une clause que l'on pourrait qualifier de mesure de temporarisation puisqu'elle prévoyait la tenue d'un examen de la loi par les parlementaires.
Il était inévitable que cette question soit portée devant les tribunaux, et c'est arrivé. Une juge de la Cour supérieure du Québec a tranché dans l'affaire Truchon c. Procureur général du Canada le 11 septembre 2019.
Par l'entremise du , le gouvernement fédéral s'est immédiatement saisi de ce jugement, a décidé de mener une consultation par Internet et a déposé un projet de loi au mois de février dernier à la Chambre des communes. À notre point de vue, il s'agissait déjà là d'une erreur importante. Je n'ai strictement rien contre la juge ni contre la Cour supérieure du Québec. Chaque tribunal a ses responsabilités et prend ses décisions. La nomination de cette juge à ce tribunal en 2017 est une bonne chose, et sa nomination à la Cour d'appel le 20 novembre dernier est une très bonne chose.
En tout respect, cette question est très délicate. Peu importe la loi qui sera adoptée, elle donnera lieu à des contestations judiciaires. Il aurait été normal, préférable, respectueux et responsable de la part du gouvernement de porter la cause en appel, puis devant la Cour suprême. Comme l'a si bien dit tout à l'heure mon collègue de l'Alberta, quand on lit la Constitution, on comprend que chaque province a sa Cour supérieure, puis sa Cour d'appel, avant d'en arriver à la Cour suprême.
[Traduction]
Or, il nous faut, en l’occurrence, l’évaluation de la plus haute cour. Dans ce cas particulier, la Cour supérieure du Québec est une bonne instance, mais ce n’est pas suffisant. Nous devons être sûrs de notre jugement sur ce sujet. C’est pourquoi le gouvernement aurait dû faire appel de la décision et laisser les juges de la Cour suprême décider ce qui est bon et bien au regard de la loi et de la Constitution — et de l’histoire du Canada, dont nous sommes fiers. C’est le principe.
Ce n’est cependant pas ce qui s’est passé. Le gouvernement a décidé d’imposer sa volonté. J’ai entendu le député de . Il s’exprime toujours bien, toujours avec passion, mais, sans vouloir l’offenser, je ne suis pas d’accord avec lui. En faisant appel de cette décision devant la Cour d’appel, puis devant la Cour suprême, nous ne manquons pas de respect à la Cour supérieure du Québec.
[Français]
Il s'agit simplement de respecter le processus judiciaire tel qu'il est écrit dans notre Constitution, et ce, particulièrement lorsqu'il s'agit d'une question aussi délicate que celle de l'aide médicale à mourir. Peu importe la loi qui sera adoptée ici, on doit s'attendre à ce qu'elle soit contestée.
Il aurait été hautement préférable de rédiger une loi basée sur un arrêt de la Cour suprême, comme ce fut le cas il y a cinq ans, plutôt que sur une décision de la Cour supérieure. Je dis cela avec le plus grand respect pour Mme la juge Baudouin, qui vient d'être nommée tout récemment à la Cour d'appel par le ministre libéral, et pour la Cour supérieure du Québec, qui joue un rôle important, essentiel et vraiment sérieux dans notre système judiciaire.
Un débat a donc eu cours à la Chambre des communes. C'était bien avant l'épisode de la COVID-19, avant qu'on sache ce que voulait dire le mot « présentiel », alors que le mot « zoom » faisait référence au téléobjectif d'un appareil photo et non à une façon de tenir nos rencontres. Bref, nous avons appris plusieurs nouveaux mots en 2020.
Je reviens à mon propos. Le projet de loi a été déposé à la Chambre des communes le 24 février dernier, après la décision rendue le 11 septembre 2019 et les consultations subséquentes menées par le gouvernement. Le 26 février et le 27 février, nous avons amorcé le débat en deuxième lecture. Le processus était normal, régulier et rigoureux. Les discussions ont eu lieu. C'était convenable, même si nous aurions souhaité que cette question soit portée devant la Cour suprême.
Or, la COVID-19 est arrivée. Le gouvernement a fait ce qu'il devait faire, c'est-à-dire suspendre l'étude du projet de loi et demander une prolongation à la Cour, parce qu'il y aurait un retard. La Cour a accepté. Nous avons repris les travaux parlementaires au mois de septembre et c'est là que le gouvernement a erré fondamentalement. J'aurai l'occasion d'y revenir plus tard.
Parlons maintenant du fond de la question sur le projet de loi . Comme je l'ai dit tantôt, ce projet de loi ne peut pas faire l'unanimité parce que la société n'est pas unanime. Cela est le fondement même de la démocratie. C'est pour cela qu'on existe ici à la Chambre des communes. Il y a des gens qui sont pour et il y en a qui sont contre. Il y a des gens qui sont de droite et il y en a qui sont de gauche. Il y a des gens qui sont souverainistes et il y en a qui sont fédéralistes. La société n'est pas un bloc monolithique. La société est, dans sa beauté, toute pleine de textures différentes. C'est cela, la démocratie qu'on doit préserver. C'est pour cela qu'on doit avoir des débats intelligents à la Chambre des communes.
C'est pourquoi, au cours de l'analyse qui a été faite, notre parti a soumis deux amendements tout à fait respectueux, tout à fait raisonnables, et qui visent à protéger les personnes les plus vulnérables de notre société. Ces amendements demandaient essentiellement le rétablissement du délai de réflexion de 10 jours quand le décès est raisonnablement prévisible, et la prolongation du délai de réflexion de 90 à 120 jours quand le décès n'est pas raisonnablement prévisible. Ces amendements visent à permettre à la personne qui décide d'agir de disposer du temps nécessaire pour réfléchir et prendre sa décision en son âme et conscience.
C'est pourquoi des organismes prestigieux se sont prononcés contre le projet de loi C-7. L'Association des psychiatres du Canada a émis de très sérieuses réserves. L'Association du Barreau canadien a dit qu'elle avait des réserves conditionnelles par rapport à ce projet de loi. Le Conseil des Canadiens avec déficiences n'était pas d'accord avec le projet de loi. Le réseau québécois Vivre dans la Dignité et Inclusion Canada sont parmi les groupes qui se sont prononcés. Des leaders spirituels autochtones ont manifesté de très sérieuses réserves. Bref, la société a parlé et c'est cela, un débat intéressant.
Ce débat devait se faire correctement, avec des gens qui sont contre et d'autres qui sont pour. C'est pourquoi nous aurions souhaité que le débat suive son plein cours, sans le très lourd effet de la date limite imposée par la Cour supérieure du Québec.
Je vais maintenant parler de notre travail parlementaire, qui est essentiel. Je disais que le projet de loi C-7 a été présenté au mois de février, avant la COVID-19 et le retour à la Chambre. Toutefois, le gouvernement a décidé de proroger le Parlement. On sait que le a pris cette décision parce qu'il n'était pas content du travail que faisaient nos députés dans les comités parlementaires étudiant la question de l'éthique et de WE Charity. Plus le travail avançait, plus ça chauffait pour le premier ministre. Il a donc décidé de proroger le Parlement.
Cette prorogation a mis fin aux travaux de tous les comités et de la Chambre et il a fallu reprendre à zéro l'étude du projet de loi C-7. À cause de cela, on a perdu 24 jours de travail parlementaire. S'il n'y avait pas eu cette prorogation, on aurait repris le 21 septembre et non le 23 avec le discours du Trône. De plus, en reprenant le 21 septembre, on conservait le bénéfice de tous les travaux menés à ce jour sur le projet de loi, soit 24 jours de séance de plus, qui ont été perdus.
Le gouvernement a le pouvoir de proroger le Parlement. Même si j'accepte cette prorogation, comment se fait-il que le gouvernement ait attendu si longtemps avant de présenter le projet de loi C-7? Aujourd'hui, on nous dit que l'échéance du 18 décembre imposée par la Cour approche à grands pas et qu'il faut qu'on se dépêche afin que le Sénat adopte ce projet de loi d'ici à cette date.
Le gouvernement a présenté son discours du Trône le 23 septembre. Sait-on quand le projet de loi C-7 a été présenté? Il aurait pu être présenté le 24 septembre comme le projet de loi C-2. Il aurait pu être présenté le 25 septembre comme le projet de loi C-3 sur les juges. Or, ce projet de loi a été présenté le 5 octobre, avec sept jours parlementaires de perdus.
Aujourd'hui, le gouvernement nous fait la leçon en disant que les conservateurs n'arrêtent pas de parler pour parler et que nous lui faisons perdre son temps. Non! C'est lui qui est maître absolu de l'ordre du jour, et c'est lui qui a décidé de proroger le Parlement et nous faire perdre 24 jours de travail parlementaire. C'est lui qui, malgré la prorogation, a tardé sept jours de séance avant de déposer ce projet de loi, alors qu'il savait très bien que tout devait être fini pour le 18 décembre, selon l'ordre de la Cour supérieure.
Alors, non, je ne porterai jamais la responsabilité du fait que nous sommes à une semaine et demie de la date limite qui nous a été imposée par la Cour supérieure du Québec, dans sa décision, pour adopter une loi, soit le 18 décembre, et que nous ne l'avons toujours pas fait. La responsabilité pleine et entière incombe à ce gouvernement, et jamais je ne tolérerai qu'on nous accuse de quoi que ce soit à cet égard.
Que ce soit à l'étape de la deuxième lecture, de l'étude en comité parlementaire, de l'étude du rapport du comité parlementaire ou de la troisième lecture, jamais les députés conservateurs n'ont agi de façon mesquine. Certains sont pour cette pratique tandis que d'autres s'y opposent, mais nous avons toujours exprimé nos opinions de façon correcte et respectueuse.
[Traduction]
Nous n’avons jamais fait d’obstruction systématique ou eu recours à d’autres règles pour faire en sorte qu’aucune décision ne soit prise. Nous nous sommes montrés respectueux parce que ce sujet l’exige. Nous avons agi comme il convient. Je suis très fier d’être le leader parlementaire de l’opposition officielle parce que les députés de ce côté de la Chambre, l’opposition officielle, ont fait un travail fantastique à chaque étape. Les députés conservateurs sont très sérieux; ils sont très parlementaires; ils ont agi suivant les règles.
[Français]
C'est le contraire de ce qu'ont fait les libéraux au Comité permanent des finances, où ils ont fait de l'obstruction systématiquement, pendant plus de 16 heures, pour empêcher l'étude des scandales d'éthique. C'est sans parler du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique, où les libéraux ont fait presque 40 heures d'obstruction pendant 10 réunions. C'est cela qu'on appelle gaspiller du temps. Ici, nous avons fait un travail sérieux et rigoureux, et nous en sommes très fiers.
D'ailleurs, concernant cette fameuse date du 18 décembre, c'est le gouvernement qui est pris en otage, comme je l'ai dit. Toutefois, si jamais le projet de loi n'était pas adopté par le Parlement canadien — il doit aussi être adopté par le Sénat — d'ici le 18 décembre, que va-t-il se passer? Le projet de loi va continuer de s'appliquer et, au Québec, l'arrêt dans l'affaire Truchon va s'appliquer.
Alors, c'est sûr que ce qui est prévu par le projet de loi ne sera pas appliqué, mais la vie va se poursuivre, sans jeu de mots, bien entendu. On va continuer de faire ce qui doit être fait, comme on le faisait depuis le début, à la différence que l'arrêt dans l'affaire Truchon va s'appliquer au Québec et qu'ailleurs au Canada, c'est le projet de loi C-14 qui va s'appliquer.
J'aimerais parler d'un dernier élément, qui est essentiel.
[Traduction]
En ce qui concerne la liberté de parole et la liberté de vote, je suis très fier d’être le leader à la Chambre du Parti conservateur. Sur cette question, tous les députés conservateurs ont le droit de voter selon leurs propres convictions. La preuve en est que mon , le futur premier ministre du Canada, le député de Durham, a voté contre, et moi pour. C’est cela, la démocratie.
Dans notre parti, nous avons des personnes qui sont contre, comme mon , et il y a moi, le leader parlementaire de l’opposition officielle, qui me suis prononcé pour. C’est cela, la démocratie, et nous devrions la défendre. Même si je ne suis pas d’accord avec certains de mes collègues et même si tous mes collègues derrière sont mécontents de me voir me prononcer pour, qu'est-ce que ça peut faire?
Nous sommes le seul parti qui préserve cet outil si important, cet outil qui peut combattre le cynisme en politique. Je suis fier de faire partie de cette équipe.
[Français]
Au cours du vote sur l'amendement, il y a même des députés conservateurs qui ont voté contre les amendements tout à fait raisonnables que nous avions proposés. Quand est venu le temps de se prononcer sur le rapport, 13 députés conservateurs ont voté avec le gouvernement sur ce projet de loi. Je faisais partie de ce nombre. Il s'agissait de six Québécois, de sept députés de l'extérieur du Québec, d'anglophones, de francophones, de gens de l'Est et de l'Ouest et même de voisins. Moi, j'ai voté pour cela, mais mon voisin de , qui est tout juste à côté, a voté contre cela.
Célébrons cette démocratie. Célébrons ce parlementarisme. Célébrons la pleine liberté de conscience quand vient le temps de voter sur ces questions. Surtout, préservons le travail des parlementaires correctement et condamnons vigoureusement le fait que ce gouvernement a traîné les pieds, ce qui fait qu'on se retrouve aujourd'hui dans l'entonnoir de l'échéance.
:
Madame la Présidente, je suis heureux d’avoir à nouveau l’occasion de prendre la parole au sujet du projet de loi. Il y avait beaucoup de choses que je voulais dire la première fois, à l’étape du rapport, mais je n’en ai pas eu le temps. J’espère qu’aujourd’hui, j’aurai la possibilité d’aller jusqu’au bout de mes remarques.
Je compte partager mon temps avec le député de .
Le a dit aujourd’hui dans cette Chambre que le projet de loi transformait notre régime d’aide à mourir en un régime d’aide au suicide. L’ancien projet de loi , qui avait été présenté en réponse à l'arrêt Carter, donnait suite à la décision de la Cour suprême selon laquelle l’aide médicale à mourir était certes un droit, mais que ce droit devait être protégé par des mesures de sauvegarde afin que les personnes les plus vulnérables ne s’en prévalent pas lorsqu’elles ont la possibilité de vivre une vie productive.
L'arrêt Carter a donné lieu à une loi stipulant que la mort devait être raisonnablement prévisible. Le projet dont nous sommes saisis aujourd’hui supprime cette condition ainsi que beaucoup d’autres mesures de sauvegarde que la première loi préservait.
Pourquoi en sommes-nous arrivés là? Les députés ne sont pas sans savoir qu’un tribunal inférieur du Québec, une seule juge en l’occurrence, a jugé, dans l’affaire Truchon, que la disposition du projet de loi relative à la mort raisonnablement prévisible allait à l’encontre de la Charte des droits. Il s’agit d’un tribunal inférieur du Québec, d’une seule juge, qui prend une décision sur la vie et la mort des Canadiens de partout au Canada.
On aurait pu penser qu’un gouvernement libéral qui n’hésite pas à traîner les anciens combattants devant les tribunaux ou les Premières Nations devant la Cour suprême du Canada n’aurait pas hésité à faire appel de cette décision et qu’il aurait porté l’affaire Truchon devant la Cour suprême, celle-là même qui avait statué dans l’affaire Carter, pour déterminer si le caractère raisonnablement prévisible de la mort était ou non constitutionnel.
Pas du tout. Le gouvernement libéral a décidé de ne pas faire appel de la décision Truchon et de faire exactement ce que le juge du tribunal inférieur demandait. Les libéraux ont ainsi supprimé la condition de la mort raisonnablement prévisible du régime d’aide médicale à mourir. C’est pour cela que nous sommes ici aujourd’hui.
Quand le projet de loi a été présenté pour donner suite à l'arrêt Carter, les députés se rappelleront que des parlementaires ont souligné le fait que cette mesure représentait la crête d'une pente raide et glissante vers une approche visant à élargir la portée du suicide assisté à un groupe de plus en plus grand de Canadiens vulnérables. C'est la préoccupation que nous avons soulevée à l'époque, et, bien franchement, certaines personnes se sont moquées de nous. Elles ont dit que nous tenions des propos alarmistes. Elles ont fait fi de nos préoccupations. Voilà où nous en sommes aujourd'hui: nos préoccupations se sont avérées fondées.
La dernière fois, je n'ai pas eu la chance de lire une lettre d'un médecin de ma circonscription, Abbotsford, le Dr James Warkentin, qui a exprimé ses inquiétudes au sujet de la mesure législative. Il a déclaré ceci: « Je vous remercie de m'avoir invité à vous écrire au sujet du projet de loi C-7. En tant que médecin de famille, la décriminalisation de l'aide médicale à mourir en 2016 m'a profondément ébranlé. Comment était-ce possible que, un jour, si je tuais quelqu'un, je pouvais perdre mon permis d'exercice et me retrouver en prison et que, le lendemain, on s'attendait plutôt à ce que je commette cet acte? Qui plus est, comment était-ce possible que, un jour, les plus vulnérables soient protégés contre les pressions exercées sur eux pour mettre fin à leur vie et que, le lendemain, il y ait des voies sanctionnées par l'État pour ce faire? » Il a ensuite énuméré les six raisons pour lesquelles plus de 1 000 médecins canadiens ont signé une lettre pour s'opposer au projet de loi .
Je vais lire cette lettre dans un instant aux fins du compte rendu, comme je crois que ces juges seront contents de l'y trouver consignée. Il est évident, en effet, que de nombreux professionnels de la santé partout au pays sont contre le projet de loi , qui ferait disparaître un grand nombre des mesures de sauvegarde, des garde-fous et des autres mesures protégeant les plus vulnérables initialement prévus dans l'arrêt Carter.
La lettre commence ainsi:
Ce projet de loi, qui élargit l’« aide médicale à mourir » (AMM) pour inclure pratiquement tous ceux et celles qui sont malades et qui souffrent au Canada, s’il est adopté dans sa forme actuelle, fera de notre pays le leader du monde dans l’administration de la mort.
En tant que médecins, nous sommes obligés d’exprimer notre stupéfaction en voyant comment des personnes, qui ont peu d’expérience vécue des réalités en jeu dans la pratique quotidienne de la médecine, ont subitement et fondamentalement changé la nature de la médecine en décriminalisant l’euthanasie et le suicide assisté.
En passant, lorsqu'ils parlent personnes « qui ont peu d’expérience vécue des réalités en jeu dans la pratique quotidienne de la médecine », ils parlent de nous, les députés dans cette Chambre. La lettre se poursuit ainsi:
Malheureusement, nos patientes et patients sont ceux qui souffrent le plus des conséquences de ce plan malavisé. Le choc d'une maladie soudaine, ou d'un accident entraînant une invalidité, peut inspirer aux patients et patientes des sentiments de colère et de dépression, et ils peuvent se sentir coupables d'avoir besoin de soins; mais ces émotions, avec le soutien et l'attention nécessaires, peuvent se dissiper avec le temps. Le soin et l'encouragement offerts par les médecins peuvent être le facteur le plus puissant pour surmonter le désespoir et ranimer l'espérance. Malheureusement, les patients et patientes ne peuvent plus avoir une confiance inconditionnelle en leur professionnel de la médecine pour défendre leur vie quand ils sont à leur état le plus faible et le plus vulnérable. Subitement, une injection mortelle fait partie du répertoire des interventions offertes pour mettre fin à leurs douleurs et à leurs souffrances.
Le projet de loi C-7 permettrait à ceux et celles qui ne sont pas mourants de mettre fin à leur vie par injection mortelle administrée par un médecin ou une infirmière praticienne. Il est scandaleux que la plupart des protections que le Parlement avait estimées nécessaires en 2016 pour protéger les personnes vulnérables contre une mort injustifiée soient en voie d’être supprimées. En vertu du nouveau projet de loi, une personne dont la mort naturelle est considérée comme « raisonnablement prévisible » pourrait être diagnostiquée, évaluée et euthanasiée en une seule journée. Nous sommes très inquiets que la suppression de la période de réflexion de 10 jours et d’autres mesures de protection ne fasse qu’augmenter le nombre de morts par contrainte ou par manque de réflexion adéquate.
La suppression imprudente des mesures de protection précédemment jugées essentielles mettra les patients et patientes vulnérables directement en danger, et pourrait même leur coûter la vie [...]
Notre profession a été forcée de faciliter le suicide au lieu de le prévenir, et ce, pour un nombre toujours croissant de personnes. Nous observons avec consternation et horreur la façon dont la nature de notre profession médicale a été si rapidement détruite par la création de lois malavisées.
C’est un extrait d’une lettre signée par plus de 1 000 médecins au Canada. Elle se poursuit, mais je n’ai pas le temps de la terminer.
C’est le point de vue des médecins partout au pays et les groupes de personnes handicapées, les professionnels de la santé, les groupes confessionnels, les défenseurs des soins palliatifs et les Premières Nations réclament tous plus de prudence avant d’élargir l'accès au suicide assisté, mais le gouvernement a refusé d’écouter ces préoccupations.
Au comité, les députés conservateurs de l’opposition ont proposé de nombreux amendements qui auraient remédié à certaines lacunes de la mesure législative, qui auraient rétabli les protections que les personnes vulnérables du pays ont réclamées. Soixante-douze groupes de personnes handicapées s’opposent à ce projet de loi. Ils veulent plus de protections, mais ces protections ne sont pas là.
J’encourage mes collègues d’en face à bien vouloir accorder plus de temps à ce projet de loi. Que l'on nous donne la chance de bien faire les choses.
:
Madame la Présidente, je suis quelque peu déçu par la tournure prise dernièrement par le débat sur l'aide médicale à mourir. J'ose espérer que nous pourrons retrouver le débat vigoureux, mais empathique, du début.
L'aide médicale à mourir est une question de conscience, et je suis très fier d'appartenir à un parti qui m'a donné à moi, le député de Northumberland—Peterborough-Sud, la liberté de voter comme je l'entends.
Les vastes consultations que j'ai menées à l'intérieur et à l'extérieur de ma circonscription ont fait ressortir un certain nombre de défauts dans la mesure législative à l'étude. Ce qui me fait tiquer, personnellement, c'est que, même si un grand nombre de personnes et d'organismes défendant les droits des personnes handicapées ont sonné l'alarme et que les médias en ont beaucoup parlé, aucun amendement, aucun changement n'y a été apporté.
Je pose la question en toute sincérité à mes collègues d'en face et j'aimerais avoir une réponse à l'avenant: sommes-nous rendus arrogants au point de croire que le texte à l'étude est absolument parfait et qu'il ne peut être amélioré d'aucune façon? Le député de a souvent répété qu'on peut toujours s'améliorer et qu'il faut saisir toutes les occasions de le faire. Je lui signale donc, en toute amitié et sans vouloir lui manquer de respect, que ce projet de loi peut être amélioré et que l'occasion se présente justement à nous de le faire.
Certains projets de loi adoptés par le gouvernement au cours de la seule dernière année n'ont pas eu les résultats escomptés. Le programme de subvention pour le loyer ne s'est pas déroulé aussi bien que le gouvernement l'avait espéré. Tous les observateurs raisonnables, et même des députés d'en face, le reconnaîtraient. Voilà pourquoi ils ont dû lancer une deuxième version du programme. Le Crédit d'urgence pour les grands employeurs n'aide pas non plus suffisamment de gens et il devra sans doute être modifié. Nous avons vu les lacunes.
Ce qui est problématique dans le projet de loi qui nous occupe, c'est qu'on ne peut pas revenir en arrière. C'est une question de vie ou de mort. Si des personnes des groupes les plus vulnérables décèdent à cause du projet de loi, nous ne pourrons pas les ramener à la vie. Nous n'avons pas de marge d'erreur. En tant qu'avocat, je suis parfaitement conscient de l'obligation qui est la nôtre de nous conformer à la décision Truchon et de modifier le projet de loi. Cependant, comme l'a dit notre chef, il existe divers moyens de repousser la date limite fixée.
En toute justice, tout observateur raisonnable et objectif dirait que si le gouvernement n'avait pas prorogé le Parlement pendant six semaines supplémentaires, nous aurions pu respecter la date limite fixée.
Je vais passer à mes observations, mais tenons-nous-en au fond du débat et aux attentes de la population. Cette dernière souhaite en effet un débat approfondi sur de graves enjeux qui soulèvent les passions, la raison même de l'existence du Parlement et la raison même pour laquelle ce débat raisonnable est ce qui fait du Canada, à mon avis, un si grand pays.
Pour en venir au fond de mon discours, ceux qui appuient le projet de loi ne souhaitent la souffrance de personne, tout comme ceux qui ne l'appuient pas d'ailleurs. Il est important de commencer ce débat controversé en reconnaissant que, même si leurs croyances divergent, les deux camps sont animés par des convictions profondes. Comme pour tout projet de loi qui aura une influence majeure sur la vie des gens, le débat actuel est extrêmement important.
L'aide médicale à mourir est un sujet relativement nouveau. Le Canada est l'un des seuls pays à l'avoir légalisée, ce qui veut dire que nous devons nous aventurer sur ce terrain inconnu en prenant toutes les précautions nécessaires. Comme les députés conservateurs l'ont fait valoir, il nous faut des mesures de sauvegarde. Nous ne sommes pas les seuls à le dire. Certains des plus éminents juristes de l'histoire du Canada ont soulevé cette question, des juristes de toutes allégeances politiques qui demandent et exigent que les mesures de sauvegarde soient maintenues. Comme nous le disons, c'est une question de vie ou de mort. C'est une question de bon sens. Nous devons certes garantir aux gens qu'ils pourront mourir dans la dignité, mais je crois fermement que nous devrions d'abord nous assurer qu'ils puissent vivre leurs derniers jours dignement.
Pour y arriver, pour garantir que les gens choisissent de recourir à l'aide médicale à mourir pour les bonnes raisons, je pense que nous devons parler de l'état des soins palliatifs au Canada. Malheureusement, la situation des soins palliatifs au pays est moins que favorable. À l'heure actuelle, l'aide médicale à mourir est considérée comme essentielle, mais les soins palliatifs ne le sont pas. C'est un problème qui devrait inquiéter grandement l'ensemble des députés et l'ensemble des Canadiens.
Les soins palliatifs sont des soins de santé offerts aux patients atteints de maladies limitant leur espérance de vie. Ces soins permettent aux patients de vivre leurs derniers jours, jusqu'à la toute fin, en ayant la meilleure qualité de vie possible. Personnellement, j'ai eu certaines des conversations les plus importantes de ma vie avec des proches ou des amis qui vivaient leurs derniers jours, et je suis persuadé que de nombreux autres députés ont vécu la même chose. Ces moments de qualité transmettent aux personnes qui continuent à cheminer d'innombrables enseignements, enseignements que je mets encore en pratique aujourd'hui.
Lorsqu'il est possible de conserver une qualité de vie raisonnable, nous avons le devoir sacré, en tant que société, de veiller à ce qu'on prenne soin des gens afin que s'ils décidaient de demander l'aide médicale à mourir, ils le feraient de leur propre chef et non à cause d'une piètre qualité de vie qui aurait pu être évitée.
Les soins palliatifs sont axés sur les préoccupations des patients et des familles, et visent à accompagner les patients alors qu'ils éprouvent les symptômes physiques et mentaux d'une maladie grave. Il peut s'agir d'aider un patient à gérer sa douleur et ses symptômes afin qu'il puisse être confortable chez lui le plus longtemps possible.
Malheureusement, même si 75 % des Canadiens préféreraient vivre leurs derniers moments chez eux, seulement 15 % d'entre eux ont accès à des soins palliatifs à domicile, et plutôt que de finir leurs jours dans la demeure où ils ont parfois grandi, 60 % meurent dans des hôpitaux froids et impersonnels.
De nombreux médecins ont fait part de cette préoccupation, car la majorité des Canadiens n'ont pas accès à des soins palliatifs de grande qualité. Il est possible que bien des gens, certains en tout cas, choisissent l'aide médicale à mourir parce qu'ils ont l'impression de ne pas avoir d'autre option. La Dre Stephanie Kafie, qui pratique la médecine familiale à Niagara Falls tout en se concentrant sur les soins aux aînés, a fait part des préoccupations suivantes:
La Dre Kafie a déclaré que, dans la précipitation pour adopter ce projet de loi, on ne s'est pas penché sur l'état des soins palliatifs. Ces soins ne sont pas considérés comme un service essentiel contrairement à l'aide médicale à mourir. Or, d'après son expérience, la Dre Kafie estime que de nombreuses demandes d'aide médicale à mourir résultent de lacunes en matière de soins palliatifs. La précipitation pour faire adopter des mesures législatives mal ficelées mettant en cause les médecins a entraîné une érosion de la profession médicale et a commencé à nuire considérablement aux relations médecin-patient. Les médecins ont les mains liées. Ils ne sont pas consultés au sujet des changements radicaux qui sont apportés à la loi.
Comme l'indique la Dre Kafie, il est crucial de consulter les médecins lors de l'élaboration d'une mesure législative. Comme c'est souvent le cas, trop peu de parlementaires travaillant sur le projet de loi possèdent de l'expérience dans le domaine.
Le Dr Drijber, médecin en soins palliatifs, a déclaré que cette mesure législative semble faire fi de la dignité qui accompagne les soins palliatifs et de l'importance des derniers moments de vie pour ceux qui restent et ceux qui vont mourir. Le Dr Drijber est allé jusqu'à dire que le gouvernement n'a apparemment pas consulté comme il se doit les experts et les personnes qui travaillent dans le domaine pour obtenir des conseils au sujet du processus décisionnel.
Nous arrivons bientôt à la fin du débat et je tends la main aux députés d'en face en toute sincérité et ouverture. Ils savent, tout comme moi, que certaines personnes dans leur circonscription ne partageront pas leur opinion. Nous devons nous assurer que toutes les voix sont entendues. Sommes-nous si arrogants, en tant que parlementaires, pour penser que nous ne devrions pas modifier cette mesure législative, que nous ne pouvons pas, comme l'a dit le député de , toujours faire mieux?
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Madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec le député de .
Nous sommes le 8 décembre 2020, à 10 jours seulement de l’échéance imposée au Parlement par la Cour supérieure du Québec dans la décision Truchon. Les libéraux laissent entendre que c’est peut-être la faute des députés conservateurs, qui retardent les progrès sur ce sujet très important. Je ne suis pas d’accord.
Comment en sommes-nous arrivés là en premier lieu? Notre leader a parlé ce matin et soulevé ce sujet, et je vais répéter ce qu’il a dit. Premièrement, le procureur général n’a pas fait appel de cette décision de la Cour supérieure du Québec. Il s’agit d’une instance inférieure. Selon moi, c’est une mauvaise décision et il aurait dû faire appel, dans un premier temps, devant la Cour d’appel du Québec. Nous aurions profité de la sagesse de ses magistrats. Ensuite, il aurait dû faire appel, comme pour toutes les questions constitutionnelles importantes, devant la Cour suprême du Canada. J’ai le plus grand respect pour la Cour suprême du Canada ainsi que pour ses compétences et son érudition en matière constitutionnelle. Le procureur général a laissé passer cette occasion de solliciter l’avis de la Cour suprême du Canada dans la discussion de ce sujet très important.
Le Parlement, comme l’a dit notre leader, est la plus haute cour du pays. Nous sommes souverains. Nous pouvons faire et défaire les lois que nous voulons, à condition que ce soit dans le respect de la Constitution de ce pays. Tel est le dialogue que nous aurions dû avoir avec la Cour suprême du Canada. Cela n’arrivera malheureusement pas sur ce sujet.
Le deuxième point très important est la prorogation. Nous avancions bien sur le projet de loi . Nous en parlions déjà en février et mars. La prorogation est arrivée et le débat a repris de zéro. En quoi est-ce que c’est notre faute? Pourquoi le gouvernement libéral a-t-il décidé de proroger le Parlement? Ce n'était pas pour de bonnes raisons d’intérêt public. Sa décision était strictement politique. Nous n’allons certainement pas porter le chapeau. C’est au gouvernement libéral d’assumer la responsabilité.
Un autre point que j'aimerais soulever est que si le projet de loi avait simplement apporté les étroites modifications exigées par l'arrêt Truchon, ce débat aurait duré beaucoup moins longtemps et la question aurait été réglée beaucoup plus rapidement. Toutefois, le gouvernement en a plutôt profité pour étendre le débat. Les libéraux laissent entendre qu'en dénonçant ces problèmes, nous faisons preuve d'un manque de respect envers l'arrêt Truchon et la Cour supérieure du Québec. Or, ce n'est pas nous qui sommes responsables d'avoir ajouté ces autres questions au débat; c'est le gouvernement qui les a incluses dans son projet de loi C-7. Si le projet de loi C-7 appliquait uniquement l'arrêt Truchon, il ne proposerait pas d'éliminer la période de réflexion de 10 jours. Le « Premier rapport annuel sur l'aide médicale à mourir au Canada, 2019 », publié récemment par Santé Canada, indique que, des 7 336 personnes qui ont demandé l'aide médicale à mourir en 2019, 236 ont changé d'avis au cours de la période de réflexion de 10 jours. Manifestement, cette période de réflexion de 10 jours sert à quelque chose. Elle est utile. Pourquoi l'éliminer?
De plus, le projet de loi introduit le concept des directives anticipées et, conséquemment, élimine l'exigence du consentement concomitant de la personne qui demande l'aide médicale à mourir. Cela transférerait la responsabilité de la décision finale de la personne qui reçoit l'aide médicale à mourir à celle qui l'administre. Nous ne sommes pas plus avancés. J'estime que ce n'est pas une amélioration.
Puis, il y a la modification d'une autre mesure de sauvegarde: alors qu'on exige actuellement la présence de deux témoins, on n'en exigerait plus qu'un seul. Pourquoi? Pourquoi est-ce si important? Tant de documents juridiques nécessitent la présence de deux témoins — les testaments, par exemple — pour éviter toute coercition de la part des personnes qui pourraient en tirer un avantage. Dans le cas des testaments, les bénéficiaires du testament peuvent en tirer avantage. Voilà pourquoi on exige la présence de deux témoins. C'est un principe juridique de longue date. Ces modifications sont considérables, et les groupes de défense des intérêts des personnes handicapées partout au pays les dénoncent haut et fort.
Des nombreux groupes représentant les personnes handicapées venus témoigner devant le comité, pas un seul ne s'est dit en faveur du projet de loi et du retrait de ces mesures de protection. C'est pourquoi il est maintenant minuit moins une et que nous sommes dans cette impasse.
M. Neil Belanger, directeur général de la British Columbia Aboriginal Network on Disability Society, a fait des observations sur un document publié récemment et intitulé « In Plain Sight », qui a été produit dans le cadre d'un examen commandé par le ministre de la Santé de la Colombie-Britannique, Adrian Dix, au sujet du racisme à l'endroit des Autochtones au sein du système de santé de la province. Même s'il s'agissait d'un examen du système de santé de la Colombie-Britannique, les principes s'appliquent à l'ensemble du Canada. M. Belanger et le groupe qu'il représente s'inquiètent du retrait proposé des mesures de protection. Il a écrit:
L'existence du racisme et de la discrimination systémiques au sein des systèmes de santé du Canada est indéniable, tout comme les expériences vécues par les Autochtones lorsqu'ils cherchent à obtenir des soins et les décès recensés parmi les Autochtones. Nous nous en voudrions tous d'avoir présumé que, par magie, cela ne se refléterait pas dans le régime de l'aide médicale à mourir.
Puis, lors de son témoignage devant le comité sénatorial, il a ajouté:
[...] le gouvernement du Canada n'a pas consulté de façon significative les Autochtones du Canada en situation de handicap, les aînés autochtones ou les dirigeants autochtones en ce qui concerne l'aide médicale à mourir. Cette absence de consultation est contraire à l'engagement du gouvernement envers la réconciliation, à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et à la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées.
D'autres groupes de défense des personnes handicapées disent la même chose, mais le gouvernement refuse de les écouter. M. Belanger va même plus loin. Son organisme et lui voudraient qu'on conserve le critère relatif à la fin de vie prévisible qui avait été instauré après l'arrêt Carter avec l'adoption du projet de loi par le Parlement après mûre réflexion il y a à peine quatre ans et demi.
Récemment, lorsque l'organisme de M. Belanger est venu faire une présentation au Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles au sujet du projet de loi , il a affirmé ceci:
La British Columbia Aboriginal Network on Disability Society [...] demande, de concert avec ses organisations sœurs de défense des personnes handicapées et d'innombrables autres de partout au Canada, que l'on retire le deuxième volet des modifications que propose le projet de loi C-7 et que l'accès à l'aide médicale à mourir soit restreint aux personnes qui remplissent le critère relatif à la fin de vie prévisible [...]
Le deuxième volet concerne l'accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible.
Certains diront que tout cela est sans importance et que la décision Truchon dit que c’est inconstitutionnel. Pour revenir à mes premières observations, on aurait dû interjeter appel de cette décision, mais cela n’a pas été fait. Je vais devoir dire à M. Belanger que le débat a déjà eu lieu. Le gouvernement traite malheureusement comme un principe constitutionnel arrêté le fait qu’il est inconstitutionnel qu’une loi de ce pays refuse l’aide médicale à mourir aux personnes qui répondent à tous les autres critères, mais qui ne sont pas mourantes.
Il s’agit d’un changement fondamental qui n’a pas été examiné. Le gouvernement a déclaré à de nombreuses occasions qu’il a mené de larges consultations et que 300 000 personnes y ont participé, mais la seule question qu’il n’a jamais posée est la suivante: les citoyens sont-ils d’accord que l’aide médicale à mourir soit offerte aux personnes dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible? La question fondamentale n’a jamais été posée. Ce n’est pas une vraie consultation, à mon avis. C’est un prétexte pour servir un projet législatif préconçu. Il a été dit à plusieurs occasions à la Chambre au cours de ce débat que l’actuel s’est prononcé contre le projet de loi , il y a quatre ans, parce qu’il ne réglait pas cette question et qu’il n’étendait pas l’aide médicale à mourir à ces personnes. Il s’agit de l’actuel qui impose sa volonté au Parlement et qui empêche ce débat très important.
Dans son premier rapport sur l’état de l’aide médicale à mourir, Santé Canada déclarait qu’en 2019, environ 2 % des Canadiens avaient recouru à l’aide médicale à mourir. Il s’agit de la moyenne nationale, mais le chiffre est bien plus faible dans certaines provinces. C’est la moyenne au Québec et c’est nettement au-dessus de la moyenne en Colombie-Britannique.
Pourquoi ces différences? Est-ce parce qu’il y a plus de malades ou de personnes âgées…
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Madame la Présidente, plus tôt ce matin, le a lancé le débat avec un discours musclé sur les problèmes que pose le projet de loi et sur la façon dont le gouvernement a traité ce dossier. Le député a commencé par dire qu'il pourrait s'agir du plus important projet de loi étudié au cours de cette législature, peu importe le temps qu'elle durera. Après tout, nous discutons d'une question de vie ou de mort, et la décision que nous rendrons ici aura une grande incidence sur la vie d'innombrables Canadiens.
Ce sont ces gens qui feront leur propre choix, des choix qui se répercuteront sur leur vie, leur héritage, leurs proches et leurs aidants naturels. C'est un choix qu'ils ne pensaient peut-être jamais devoir faire et qui s'impose maintenant en raison d'une maladie soudaine, d'une proposition de suicide assisté non sollicitée ou pour toute autre raison. Tout peut arriver; c'est pourquoi nous devons optimiser les mesures de protection et de sauvegarde en place pour chaque personne concernée, surtout pour celles qui sont susceptibles d'être victimes de mauvais traitements et de négligence.
Nous sommes à la dernière étape du débat dans cette enceinte, et je souhaite m'attarder à la question du choix — ou d'absence de choix, dans certains cas — devant lequel une personne peut être placée. Certains affirment que l'accès élargi à l'aide médicale à mourir est dans l'intérêt supérieur de ces personnes, non seulement pour soulager leurs souffrances, mais aussi purement par égard pour leur liberté de choisir.
Sur la question du choix, nous devons nous souvenir qu'il ne s'agit pas d'une décision banale. La mort d'une personne, qu'elle soit prématurée ou non, constitue réellement un point de non-retour. C'est une décision définitive. Les circonstances diverses qui peuvent mener une personne à envisager de mettre fin à sa vie compliquent les choses très rapidement.
Pour l'expliquer du point de vue d'une personne qui l'a vécu, je citerai le journaliste Ben Mattlin, qui souffre d'amyotrophie spinale. Il a écrit dans le New York Times:
J'ai vécu tellement près de la mort pendant tellement longtemps que je sais à quel point la frontière entre la contrainte et le libre choix est mince et poreuse. Je sais à quel point il est facile pour une personne d'exercer par inadvertance son influence sur une autre personne pour qu'elle se sente dévalorisée et pour qu'elle perde tout espoir. Je sais à quel point il est facile de mettre un tant soit peu de pression pour qu'elle soit « raisonnable », pour qu'elle libère les autres du fardeau et pour qu'elle « lâche prise ».
Comme le soutiennent les défenseurs de l'aide médicale à mourir, il peut être difficile de comprendre pourquoi des gens militent pour une loi sur cette aide lorsqu'on n'a jamais vu un être cher souffrir. Mais c'est aussi difficile de comprendre toutes les forces subtiles, toujours bien intentionnées, compatissantes, même douces, mais aussi fortes qu'un tsunami, qui se manifestent quand l'autonomie physique est irrémédiablement compromise.
Malgré l'invalidité importante de M. Mattlin, il est père de famille, époux, auteur et journaliste. Il a réussi sa vie et il sait ce qu'il veut. Il est donc moins vulnérable que d'autres, qui pourraient être plus facilement persuadés que l'aide médicale à mourir est leur meilleure option.
L'idée que quelqu'un demande volontairement l'aide médicale à mourir est, de plusieurs façons subtiles, le début d'une pente glissante qui mène à l'aide médicale à mourir demandée moins volontairement, ou contre le gré de la personne. Le choix n'est pas toujours aussi libre, surtout s'il manque de véritables solutions de rechange. L'une des plus grandes craintes des gens au cours de leur vie est leur propre mortalité. C'est en grande partie ce sur quoi porte le débat d'aujourd'hui.
Quand je parle du projet de loi , quand il s’agit de faire face à notre propre mortalité, je pense souvent à ce que ma femme et moi avons vécu, lors du décès de grands-parents et d’autres membres de notre famille. Nous avons passé d’innombrables heures à leurs côtés, à l’hôpital ou dans leur foyer de soins. Le temps passé avec notre famille est tellement précieux.
Au cours de l’année dernière, la santé de la grand-mère de ma femme s’est détériorée. Son mari était décédé quelques années auparavant, et elle vivait, je crois, en soins de niveau 1 pendant presque toute la durée de la première vague de COVID. Nous n’étions pas autorisés à entrer dans le bâtiment et devions rester à l’extérieur. Elle avait une belle unité d’angle avec beaucoup de fenêtres et nous avons donc pu observer son état et lui parler par la fenêtre.
Au fil du temps, nous avons vu son état d’esprit et son état physique se détériorer de façon continue et progressive. Il s’est dégradé au point qu’elle ne pouvait plus lever la tête lorsque nous venions à la fenêtre pour lui parler. Elle ne pouvait pas voir qui était là.
Lorsque les restrictions ont été levées et qu’une ou deux personnes ont été autorisées à entrer dans l’unité, ma femme a pu s’asseoir à côté de sa grand-mère, lui tenir la main et lui dire qu’elle l’aimait. C’était merveilleux de voir son état s’améliorer et de pouvoir lui remonter le moral.
Je pense que dans le cadre de cette discussion sur le projet de loi , nous devons surtout nous assurer que nous accordons de la valeur à la vie et que nous offrons aux gens toutes les possibilités de vivre leur vie. Nous devrions également pouvoir avoir nos proches à nos côtés dans nos derniers moments à la fin de notre vie.
Nous devons également veiller à ce que les gens bénéficient pleinement de tous les soutiens. Au risque de me répéter, je souligne que l’une des plus grandes parties du projet de loi est la nécessité des soins palliatifs. J’ai déjà longuement parlé du fait que nous devons nous assurer d’offrir aux personnes un choix réel et des options réelles afin qu’elles aient toutes les options dont elles ont besoin et, très franchement, qui leur sont dues.
La grande majorité des gens visés par le projet de loi , ou qui envisageront d'avoir recours à l'aide médicale à mourir, sont des aînés. Quand on examine les contributions qu'ils ont apportées à la société, on constate qu'ils ont bâti le pays. Ce sont ces gens qui nous ont permis de jouir des libertés et des possibilités que nous avons. Or, nous sommes saisis d'un projet de loi, qui sera mis aux voix sous peu, qui leur indique essentiellement que nous n'accordons aucune valeur ni à leur vie ni aux contributions qu'ils ont apportées au pays. Voilà le message qu'envoie le projet de loi.
Je sais que des gens diront que ce n'est pas ce que fait le projet de loi, mais, parfois, il n'est pas question de ce que fait directement un projet de loi, mais ce qu'il fera indirectement. Dès que nous indiquons au pays, aux citoyens, que nous n'accordons essentiellement aucune valeur à la vie et que nous ne la défendrons pas bec et ongles, nous envoyons le mauvais message aux gens.
Je sais que les gens qui défendent le projet de loi et l'aide médicale à mourir le font dans une optique de compassion. Je ne mettrai jamais en doute quelqu'un qui invoque cette raison pour défendre le projet de loi. Toutefois, il faut aussi comprendre que, pour faire preuve de compassion à l'égard des personnes qui en sont à ce stade de leur vie, il faut notamment...