Qu’un message soit envoyé au Sénat pour informer Leurs Honneurs que, en ce qui concerne le projet de loi C-7, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir), la Chambre:
accepte l’amendement 1a)(ii) apporté par le Sénat;
rejette respectueusement l’amendement 1a)(i) parce que cet aspect, notamment les questions liées aux définitions précises les plus appropriées, celle de savoir si ces définitions devraient être incluses dans le Code criminel ou ailleurs, et celle de savoir s’il y a lieu d’apporter des mesures de protection ou des amendements corrélatifs relatifs à des questions comme le consentement ou la capacité, sera aussi examiné par le groupe d’experts ainsi que dans le cadre de l’examen parlementaire, et le gouvernement collaborera avec les autorités provinciales et territoriales en matière de santé afin de garantir une approche uniforme;
rejette respectueusement l’amendement 1a)(iii), 1b) et 1c) parce qu’il permettrait les demandes anticipées d’aide médicale à mourir avant qu’une personne soit affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables, un changement qui va au-delà de la portée du projet de loi, et qu’un tel élargissement du régime d’aide médicale à mourir nécessite d’importantes consultations et études, notamment un examen minutieux des mesures de sauvegarde pour les personnes qui préparent une demande anticipée ainsi que pour les praticiens qui administrent l’aide médicale à mourir, ces questions pouvant toutes faire partie de l’examen parlementaire entrepris pour étudier ce type important de demande anticipée en vue de refléter la rétroaction cruciale des Canadiens touchés par le régime de l’aide médicale à mourir;
propose que, à l’amendement 2:
le passage de l’alinéa 241.31(3)a) qui précède le sous-alinéa (i) soit modifié par remplacement du texte par ce qui suit:
« a) pour régir, aux fins de surveillance de l’aide médicale à mourir, la fourniture et la collecte de renseignements relatifs aux demandes d’aide médicale à mourir ou à la prestation de celle-ci, notamment: »;
la division 241.31(3)a)(i)(B) soit modifiée par adjonction, après les mots « concernant la race », des mots « ou l’identité autochtone »;
le sous-alinéa 241.31(3)a)(i) soit modifié par adjonction après la division (B) de ce qui suit:
« (C) les renseignements — à l’exclusion de ceux qui doivent être fournis relativement à l’évaluation de l’admissibilité à l’aide médicale à mourir ou à l’application des mesures de sauvegarde — concernant tout handicap, au sens de l’article 2 de la Loi canadienne sur l’accessibilité, d’une personne qui demande ou reçoit l’aide médicale à mourir, si celle-ci consent à les fournir, »;
l’alinéa 241.31(3)b) soit modifié par remplacement du texte par ce qui suit:
« b) pour régir l’utilisation, l’analyse et l’interprétation de ces renseignements, notamment pour cerner toute inégalité — systémique ou autre — ou tout désavantage fondés soit sur la race, l’identité autochtone, le handicap ou d’autres caractéristiques, soit sur l’intersection de telles caractéristiques, dans le régime d’aide médicale à mourir; »;
en conséquence des amendements 1a)(ii) et 3, propose l’ajout de l’amendement suivant:
« 1. Nouvel article 3.1, page 9: ajouter, après la ligne 24, ce qui suit:
3.1 (1) Les ministres de la Justice et de la Santé font réaliser par des experts un examen indépendant portant sur les protocoles, les lignes directrices et les mesures de sauvegarde recommandés pour les demandes d’aide médicale à mourir de personnes atteintes de maladie mentale.
(2) Au plus tard au premier anniversaire de la sanction de la présente loi, un rapport faisant état des conclusions et recommandations des experts est présenté aux ministres.
(3) Les ministres font déposer le rapport devant chaque chambre du Parlement dans les quinze premiers jours de séance de cette chambre suivant la réception du rapport. ». »;
propose que, à l’amendement 3:
l’article 5 soit modifié par remplacement du texte par ce qui suit:
5 (1) Un examen approfondi des dispositions du Code criminel concernant l’aide médicale à mourir et de l’application de celles-ci, notamment des questions portant sur les mineurs matures, les demandes anticipées, la maladie mentale, la situation des soins palliatifs au Canada et la protection des Canadiens handicapés, est fait par un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes.
(2) Le comité mixte est formé de cinq sénateurs et dix députés de la Chambre des communes, dont cinq proviennent du parti ministériel, trois députés de l’Opposition officielle et deux députés des autres partis en opposition qui ne font pas partie de l’opposition officielle, avec deux coprésidents, le coprésident agissant au nom de la Chambre représentant le parti ministériel et le coprésident agissant au nom du Sénat étant choisi par le Sénat.
(3) Le quorum du comité est fixé à huit membres lorsqu’il y a prise d’un vote, d’une résolution ou d’une décision, à la condition que les deux chambres et un député du parti ministériel, un député de l’opposition et un membre du Sénat soient représentés, et les coprésidents sont autorisés à tenir réunion, à entendre des témoignages et à autoriser leur impression, à la condition que six membres du comité soient présents et que les deux Chambres et un député du parti ministériel, un député de l’opposition et un membre du Sénat soient représentés.
(4) Le comité débute ses travaux dans les trente jours qui suivent la date de sanction de la présente loi.
(5) Au plus tard un an après le début de son examen, le comité présente au Parlement son rapport faisant notamment état de tout changement recommandé.
(6) Lorsque le rapport, mentionné au paragraphe (5), est déposé dans les deux chambres, le comité cesse d’exister. »;
l’article 6 soit modifié par remplacement des mots « dix-huit mois après la date de » par les mots « au deuxième anniversaire de la ».
— Monsieur le Président, je voudrais commencer mon intervention en soulignant l'étude approfondie et les débats connexes menés par l'autre endroit sur le projet de loi . Je remercie les sénateurs d'avoir exercé toute la diligence nécessaire dans le cadre de l'étude préliminaire du projet de loi , en novembre dernier, ainsi que de l'étude approfondie en comité, ce mois-ci, et durant le débat thématique à l'étape de la troisième lecture, il y a deux semaines.
La question de l'aide médicale à mourir est sérieuse et complexe. Le Sénat y a beaucoup réfléchi et j'estime que nous avons aussi suffisamment réfléchi pour préparer la réponse incluse dans la motion.
Avant d'aborder les amendements, j'aimerais rappeler aux députés quelle démarche nous a amenés là où nous en sommes aujourd'hui.
Les députés se souviendront que le projet de loi propose une réponse législative à la décision Truchon et Gladu de la Cour supérieure du Québec, selon laquelle il est inconstitutionnel de limiter l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes dont la mort est raisonnablement prévisible.
[Français]
Afin d'élaborer le projet de loi, mes collègues, la et la , nos secrétaires parlementaires et moi-même avons tenu des tables rondes partout au Canada, avec plus de 125 experts et intervenants.
Le gouvernement a également mené une enquête publique en ligne et reçu plus de 300 000 réponses de Canadiens de partout au pays. Un résumé des consultations a été publié en mars sous forme de rapport. Notre gouvernement a rempli son mandat en créant cette mesure législative. D'ailleurs, cela a abouti au projet de loi qui a été déposé à la Chambre en février de l'année dernière.
Comme les honorables députés le savent, nous avons eu un débat approfondi sur ce projet de loi avant la suspension des travaux de la Chambre.
[Traduction]
Le projet de loi vise à reconnaître l'autonomie des personnes qui choisissent d'avoir recours à l'aide médicale à mourir pour soulager les souffrances intolérables qu'elles vivent, que leur mort naturelle soit prévisible ou non, ainsi qu'à protéger les personnes vulnérables et à affirmer la valeur intrinsèque et égale de chaque vie humaine.
Le projet de loi propose d'apporter des modifications importantes aux dispositions du Code criminel concernant l'aide médicale à mourir; modifications qui tiennent compte de la décision Truchon et des consultations menées en janvier et en février 2020. Nous reconnaissons qu'il s'agit d'un virage important. Depuis que la décision Truchon, une décision cruciale, a été rendue, le gouvernement s'emploie avec ardeur à y donner suite. Il demeure résolu à le faire le plus rapidement possible.
Après avoir soumis le projet de loi à plusieurs mois d'examen à la Chambre des communes et au Sénat, nous nous trouvons maintenant à une étape cruciale. Des Canadiens qui vivent actuellement des souffrances intolérables n'ont pas accès, pour le moment, à l'aide médicale à mourir, mais ils y deviendront admissibles si les changements proposés par le gouvernement sont adoptés. Le projet de loi a bénéficié d'un examen approfondi, et les Canadiens doivent avoir la possibilité d'accéder au régime d'aide médicale à mourir. Nous nous engageons de nouveau à examiner, dans le cadre de l'examen parlementaire, toute la gamme d'enjeux concernant l'aide médicale à mourir qui ne font pas partie du projet de loi . Il est toutefois essentiel de l'adopter.
Suite à un débat approfondi, le Sénat a adopté cinq amendements au projet de loi . L'amendement le plus important est la disposition de caducité. Ainsi, la disposition d'exclusion relative aux maladies mentales serait abrogée 18 mois après que le projet de loi eut obtenu la sanction royale. Je sais que bon nombre de sénateurs et certains témoins qu'ils ont entendus estiment que l'exclusion des personnes atteintes de maladie mentale porte atteinte de façon injustifiable aux droits à l'égalité garantis par l'article 15 de la Charte. Je ne suis pas de cet avis. À titre de ministre de la Justice et procureur général du Canada, je pense qu'une telle exclusion est bel et bien constitutionnelle, parce qu'elle sert un objectif de protection, et parce que sa portée est très ciblée.
J'ai déjà discuté des complications et des risques pouvant survenir lorsque la maladie mentale représente l'unique critère d'accès à l'aide médicale à mourir. Je pense notamment aux tendances suicidaires comme symptôme de certaines maladies mentales, à l'impossibilité de prévoir si les symptômes risquent de s'améliorer ou de s'aggraver dans un cas donné, et de la difficulté accrue en ce qui concerne l'évaluation des capacités d'un individu. Ce sont ces préoccupations qui ont conduit le gouvernement à ne pas autoriser l'aide médicale à mourir lorsque la maladie mentale est la seule condition médicale évoquée, et nous proposons par ailleurs d'élargir l'admissibilité de l'aide médicale à mourir au-delà du contexte de fin de vie. Cette décision va de pair avec l'engagement d'examiner plus en profondeur la question de l'aide médicale à mourir en lien avec les maladies mentales dans le cadre d'un examen parlementaire, tel que prévu dans l'ancien projet de loi .
[Français]
Nous avons entendu des témoins qui partagent ces préoccupations, mais nous en avons également entendu plusieurs autres dire que l'exclusion de toutes les personnes dont la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée pourrait être stigmatisante et inutile.
Certains experts en matière de santé mentale sont d'avis que les praticiens peuvent évaluer, au cas par cas, tous les critères d'admissibilité, notamment le caractère volontaire de la demande présentée et la capacité de prendre des décisions.
En novembre 2020, l'Association des médecins psychiatres du Québec a publié un document de réflexion explorant les mesures de sauvegarde et les procédures qui pourraient être mises en place en vue de la prestation de l'aide médicale à mourir pour cause de maladie mentale.
Même si je suis d'avis que l'exclusion est constitutionnelle et que je ne crois pas que nous soyons tout à fait prêts à procéder en toute sécurité à la prestation de l'aide médicale à mourir pour cause de maladie mentale, j'entends les Canadiens qui disent craindre que cette exclusion laisse sans réponse la question de savoir si et quand la prestation de l'aide médicale à mourir sera autorisée en tant que moyen d'apaiser des souffrances intolérables attribuables à une maladie mentale.
[Traduction]
C'est pour cette raison que je propose que nous appuyions la disposition de caducité, mais assortie d'un amendement visant à abroger l'exclusion relative aux maladies mentales après 24 mois au lieu de 18 mois, suivant l'entrée en vigueur du projet de loi . En combinaison avec cet amendement, je propose d'exiger que la et moi-même établissions un groupe d'experts chargé d'examiner les mesures de sauvegarde afin de nous guider dans de tels cas. Nous accorderions 12 mois au groupe d'experts pour examiner ces questions difficiles et nous présenter ses recommandations dans un rapport que nous rendrions ensuite public en le déposant au Parlement. Le gouvernement et le Parlement disposeraient alors de 12 mois supplémentaires pour décider quelles mesures de sauvegarde mettre en place, par la voie législative, avant que la disposition ne soit abrogée.
Nous espérons que ce compromis sera acceptable dans l'autre endroit. Même si le travail a commencé sur les mesures de sauvegarde éventuelles destinées à ce groupe de personnes, il est loin d'être terminé, car l'adoption d'une mesure législative prend du temps. Selon nous, 24 mois restent un délai ambitieux pour mettre en œuvre un changement de cette envergure au régime d'aide médicale à mourir du Canada, mais ce laps de temps nous permet d'établir un échéancier précis pour examiner, dans un avenir relativement proche, l'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour cause de maladie mentale.
[Français]
Nous accueillons également favorablement l'amendement du Sénat relatif à l'examen parlementaire. Nous suggérons que quelques modifications soient apportées au calendrier pour l'achèvement du travail et nous estimons qu'il convient d'inclure des questions clés sur lesquelles se pencherait cet examen.
L'examen parlementaire devrait porter sur d'importantes questions, dont la plupart ont été bien mises en évidence dans les procédures et les débats des comités sur le projet de loi dans les deux Chambres, notamment les soins palliatifs au Canada, la protection des Canadiens handicapés, les mesures de sauvegarde pour les personnes atteintes de maladie mentale, l'aide médicale à mourir pour les mineurs matures, les demandes anticipées de l'aide médicale à mourir, et la loi sur l'aide médicale à mourir de façon plus générale.
L'esprit de l'amendement s'harmonise avec l'engagement que le gouvernement a pris de faciliter le déclenchement de l'examen parlementaire dès que possible après la sanction du projet de loi C-7. Cette révision est absolument essentielle pour l'avenir de l'aide médicale à mourir au Canada.
Au cours des consultations et du processus du comité, à la Chambre et au Sénat, nous avons constaté qu'un certain nombre de questions devaient être examinées et traitées, mais qu'elles nécessitaient une étude plus approfondie que celle qui pouvait être réalisée dans le délai imposé par la Cour.
Le projet de loi C-14 demande au Parlement de procéder à cet examen, et nous utilisons ce message aujourd'hui pour lancer ce processus. Bien que la motion énumère des sujets d'étude importants, je ne m'attends pas à ce que cette liste soit limitée. L'aide médicale à mourir est un sujet très vaste et nous espérons entendre de nombreux Canadiens sur une grande variété de sujets liés à l'aide médicale à mourir.
Ayant reçu de nombreux témoignages et parlé à de nombreux Canadiens au sujet du projet de loi C-7, je sais qu'il existe des points de vue différents sur ces questions. Ce sont toutes des questions difficiles, et j'attends avec impatience l'examen parlementaire, les témoignages de nombreux autres Canadiens à ce sujet et de voir ce que l'examen relève.
[Traduction]
Je vais laisser des collègues expliquer plus en détail les amendements proposés par le Sénat au régime de surveillance de l'aide médicale à mourir. Je dirai que je suis fier d'appuyer l'amendement du Sénat, avec quelques modifications pour qu'il soit plus inclusif, et comme étape nécessaire à la collecte de meilleures données étayant le fonctionnement de l'aide médicale à mourir. Les bonnes politiques reposent sur de bonnes données. Ainsi, en ayant plus de renseignements sur les personnes qui demandent l'aide médicale à mourir et leurs motifs, nous pouvons évaluer la portée de l'élargissement du régime et offrir aux Canadiens la transparence et la fiabilité qu'un tel régime exige.
Cela m'amène à parler de deux amendements du Sénat que nous ne devrions pas appuyer, selon moi.
[Français]
Le Sénat a adopté un amendement qui permettrait une renonciation au consentement final pour les personnes dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible. Le choix d'une politique générale en matière de renonciation au consentement final, dans le projet de loi C-7, a été intentionnellement limité aux cas les plus évidents où existait le moins d'incertitude, notamment lorsque la mort d'une personne est raisonnablement prévisible et que cette personne est prête à recevoir l'aide médicale à mourir.
Puisqu'elle exige une étude plus approfondie, il est préférable de laisser à l'examen parlementaire la question d'élargissement des circonstances où la prestation de l'aide médicale à mourir est possible en l'absence d'un consentement concomitant. Je sais que cette décision en décevra plusieurs.
L'an dernier, j'ai eu la chance de rencontrer Mme Sandra Demontigny qui, à l'âge de 39 ans, a reçu un diagnostic d'une forme précoce de la maladie d'Alzheimer et qui milite pour la possibilité de demander l'aide médicale à mourir de façon anticipée. Nous avons eu une importante discussion. J'ai été très touché par son histoire, par ses convictions et par son livre. Nous ne tarderons pas à étudier cette question importante en profondeur pendant l'examen parlementaire.
[Traduction]
En terminant, même si je me réjouis des efforts déployés pour clarifier la définition de maladie mentale dans le cadre de l'aide médicale à mourir, cette question peut être examinée — et elle le sera — par le groupe d'experts et elle fera l'objet du prochain examen parlementaire. Le gouvernement collaborera en outre avec les autorités sanitaires provinciales et territoriales pour garantir une approche cohérente. Grâce à ces mesures, la portée de l'exclusion sera désormais uniforme, j'en suis persuadé.
L'aide médicale à mourir a toujours été un sujet délicat sur lequel les opinions divergent grandement. Cet enjeu touche profondément la moralité et la sensibilité de chaque Canadien. C'est pourquoi il faut tenir compte des divers aspects de la question. Je suis convaincu que le projet de loi atteint cet objectif. En vertu de la loi, le consentement libre et éclairé demeurera obligatoire, de même que la demande volontaire formulée par une personne apte à prendre une décision. Il y aurait aussi une série de mesures de sauvegarde plus strictes pour les cas où la mort de la personne n'est pas raisonnablement prévisible. Ces mesures de sauvegarde reposent sur la nécessité d'envisager toutes les options qui existent pour alléger les souffrances de la personne dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible.
Je pense que le projet de loi est une étape importante et prudente vers un plus grand respect de l'autonomie d'un éventail plus large de Canadiens qui sont en proie à des souffrances intolérables. Il n'apporte que les changements nécessaires pour veiller à ce que le régime d'aide médicale à mourir puisse évoluer en fonction de nos expériences à ce jour et à ce qu'il respecte les droits à l'autonomie et à la sécurité conférés aux Canadiens dans la Charte des droits et libertés. Dans l'affaire Carter, la Cour a indiqué « qu'un système de garanties soigneusement conçu et surveillé peut limiter les risques associés à l'aide médicale à mourir ». C'est exactement ce que le projet de loi C-7 continue de faire.
Je suis impatient de collaborer avec tous les députés pour adopter ces amendements raisonnables avant vendredi, date butoir fixée par la cour. Si la période de suspension expire sans l'adoption du projet de loi , la décision Truchon entrera en vigueur sans bénéficier des mesures de protection, de sauvegarde et d'exclusion prévues dans le projet de loi. J'invite donc tous les députés à appuyer la motion du gouvernement sur les amendements proposés au projet de loi C-7.
:
Madame la Présidente, je prends de nouveau la parole au sujet du projet de loi , que nous présente le gouvernement. Je me joins à mes collègues du Parti conservateur pour me faire le porte-parole de ceux qui ne peuvent pas se faire entendre et qui sont laissés pour compte. Tout au long des discussions sur ce projet de loi, un grand nombre de représentants de la communauté des personnes handicapées ont exprimé leurs craintes d’être victimes de ce projet de loi très lacunaire. Aujourd’hui, nous sommes ici pour les défendre et dire ce que le gouvernement n'aura pas le choix d'entendre.
Les libéraux sont tellement pressés de faire adopter ce projet de loi qu’ils ont rejeté tous les amendements proposés par les conservateurs au comité, alors que ces amendements auraient permis de mettre en place des mesures de sauvegarde à l’intention des personnes les plus vulnérables. Ils sont pressés parce qu’ils veulent respecter une date butoir arbitraire et éviter ainsi de se retrouver dans l’embarras. Autrement dit, quand des vies sont en jeu, quand c’est véritablement une question de vie ou de mort, le seul souci des libéraux est d'éviter de se retrouver dans l’embarras. Peu importe que des gens risquent d’être victimes de ce projet de loi et peu importe les morts inutiles qu’il risque de provoquer, leur seul souci est d'éviter de se retrouver dans l’embarras.
Je leur rappellerai simplement que c’est leur gouvernement qui a prorogé le Parlement et l'a empêché de siéger, dans le but de dissimuler la corruption du et bloquer les enquêtes qui se multipliaient dans différents comités. À ce moment-là, il n’y avait pas urgence, n’est-ce pas?
On aurait pu penser que, après avoir raté une première date butoir arbitraire, les auteurs de ce projet de loi dangereux auraient pris le temps de réfléchir à ses conséquences pour les Canadiens les plus vulnérables, mais il semblerait que c’est tout le contraire. Nous sommes maintenant saisis d’un projet de loi encore plus vaste qui risque de faire encore plus de victimes parmi les Canadiens les plus vulnérables, assorti d’une autre date butoir arbitraire.
Le gouvernement a eu une deuxième chance pour repenser son projet de loi et faire ce qu’il fallait pour protéger les personnes vulnérables. Toutefois, il a préféré se débarrasser de ces protections. De par sa nature, ce projet de loi exige de la prudence et de la vigilance afin qu’aucun Canadien vulnérable ne soit victime de coercition, de négligence ou de mauvais traitements à cause du projet de loi .
Lorsque nous sommes saisis d’un projet de loi aussi important que celui-ci, nous devons nous efforcer d’offrir aux Canadiens ce qu’il y a de mieux. Cela signifie que nous devons prendre en compte leurs préoccupations, leur proposer de nombreuses options et continuer d’améliorer le projet de loi. Cela s’applique tout particulièrement au projet de loi C-7, parce que nous ne pourrons jamais faire revenir ceux qui ont reçu l’aide médicale à mourir. C’est une décision finale.
La loi précédente sur l’aide médicale à mourir exigeait un examen parlementaire cinq ans après son adoption, afin de permettre aux Canadiens de nous dire comment elle était mise en œuvre et aux parlementaires d’envisager des modifications. Cet examen devait commencer en 2020.
Il n'aura échappé à personne que l’année 2020 est passée. Nous sommes maintenant en 2021. L’examen en question n’a toujours pas commencé, alors que nous discutons aujourd’hui d’un important élargissement de cette loi et de la suppression des mesures de sauvegarde pour les personnes vulnérables. Le gouvernement a agi avec précipitation et a négligé de lancer le processus d’examen législatif qui aurait permis de renforcer les mesures de sauvegarde à l’intention des personnes vulnérables. Il a décidé de ne pas entreprendre d’examen en bonne et due forme de la loi et de supprimer d’importantes mesures de sauvegarde.
Plusieurs témoins nous ont dit que la loi actuelle avait donné lieu à des situations où on avait profité d’eux et où on les avait rendus encore plus vulnérables. C’est le cas de Roger Foley, qui souffre de graves handicaps et qui s’est occupé de son père, atteint d’un cancer. Il dit avoir fait l’objet de pressions pour recevoir l’aide médicale à mourir à cause de mauvais traitements, de négligence, de manque de soins et de menaces.
La directrice générale nationale du Réseau d’action des femmes handicapées du Canada nous a raconté ce qui est arrivé à Ruth. C’est l’histoire d’une femme qui souffre d’un handicap sans être pour autant à l’article de la mort, mais comme elle ne réussit pas à obtenir des soins adéquats, elle envisage l’aide médicale à mourir.
De plus, la vice-présidente à la direction d’Inclusion Canada nous a dit que le projet de loi était le pire scénario pour la communauté des personnes handicapées, car celles-ci ont toujours redouté que le fait d’avoir un handicap soit une raison suffisante pour que l'État fournisse l'aide au suicide. Les représentants de cette communauté ont dit à maintes reprises qu’ils se sentaient directement ciblés par cette nouvelle loi, qu’ils avaient l’impression que leur vie valait si peu qu’il vaudrait mieux mourir que de vivre avec un handicap.
Non seulement la loi actuelle sur l’aide médicale à mourir n’a jamais fait l’objet d’un examen parlementaire, mais on nous présente un autre projet de loi, le projet de loi , qui l’élargit considérablement, sous prétexte que le nouveau texte reflète un consensus sociétal réalisé à partir des opinions et des préoccupations des Canadiens, des experts, des praticiens, des parties prenantes, des groupes autochtones ainsi que des provinces et des territoires, au cours de consultations publiques menées en janvier et février 2020. Étant donné que le projet de loi a d’abord été présenté en février 2020, comment a-t-on pu réussir à dégager un consensus sociétal en si peu de temps?
Cela nous amène au sondage qu’évoque souvent le pour défendre ce projet de loi. Un grand nombre de Canadiens se sont dits très préoccupés par l’ambiguïté du sondage et des consultations en ligne qui ont été menées. En effet, bon nombre de questions étaient très ambiguës, et les gens ont eu beaucoup de mal à y répondre, car on leur demandait d'accepter des prémisses qui étaient contraires à leurs convictions.
Heidi Janz, du Conseil des Canadiens avec déficiences, a déclaré ce qui suit au sujet du processus de consultation:
Je crois que les consultations étaient modérément vastes. Toutefois, je crois qu'elles ont été conçues dans le but d'obtenir un résultat prédéterminé. C'est ce qui ressort des questions posées dans le sondage en ligne, car elles semblent présumer que la portée de l'aide médicale à mourir sera élargie.
Le gouvernement n'a pas procédé à l'examen de la loi comme il aurait dû le faire. De plus, il élimine des mesures de sauvegarde et, d'après Mme Janz, le résultat des consultations qu'il a tenues semblait prédéterminé. Il faut vraiment se demander s'il y a eu des consultations adéquates dont les résultats ont guidé le projet de loi ou si les résultats étaient déterminés d'avance.
Le gouvernement sait sûrement, à l'heure actuelle, qu'il s'agit d'un projet de loi très imparfait. Nous savons que la est consciente des graves lacunes de cette mesure, mises en évidence par l'histoire de Roger Foley et d'autres Canadiens vulnérables, comme elle l'a déclaré au comité sénatorial:
Je suis tout à fait consciente de l’écart du pouvoir entre les médecins et les patients, surtout pour ceux contre qui les systèmes pratiquent de la discrimination et qui se sentent ignorés tout au long de leur vie. La situation de la personne dont vous parlez me préoccupe profondément. Je vous dirai franchement que cet homme est loin d’être le seul. J’entends régulièrement des familles scandalisées parce qu’après avoir accouché d’un enfant, qui est souvent leur aîné, on leur offre l’aide médicale à mourir sans qu’elles l’aient même sous-entendu. Il faut mettre fin à cela. C’est une pratique professionnelle que nous devons abolir en ajoutant des clauses aux règlements et en collaborant avec les ordres professionnels.
Que faut-il penser quand la responsable de l'inclusion des personnes handicapées du pays fait une déclaration semblable, mais que le gouvernement continue tout de même à faire avancer le projet de loi à toute vitesse et à rejeter de bons amendements? Que doivent en penser les Canadiens en situation de handicap? Cette façon de faire confirme-t-elle leur dignité intrinsèque ou montre-t-elle plutôt le peu d'intérêt que nous accordons aux personnes handicapées et à leurs opinions?
On dirait que le député de , qui siège du côté du gouvernement, comprend la situation. Il se soucie du bien-être des personnes vulnérables et des victimes que pourrait faire le projet de loi. Il a déclaré ceci: « Je n'aime pas voter contre la position de mon parti, mais, étant donné que j'ai une formation médicale et que j'ai souvent traité de cette question au fil des ans, j'estime avoir l'obligation morale de prendre position lorsque nous examinons des questions de santé, de vie et de mort. »
Il a ajouté ceci:
Étant donné que j'ai passé toute ma vie à essayer d'éviter de tuer accidentellement des gens, ma plus grande préoccupation est que nous puissions administrer l'aide médicale à mourir à des personnes qui ne veulent pas vraiment mourir [...] Je pense que s'ils avaient un peu de temps, les gens pourraient se rendre compte qu'ils ont des raisons de continuer à vivre.
Les députés voient bien que Kristine Cowley, qui s'est blessée à la colonne vertébrale il y a 33 ans, est maintenant titulaire d'un doctorat et professeure d'université, a participé aux épreuves d'athlétisme aux Jeux paralympiques, est mariée, a trois enfants et a beaucoup voyagé, et elle a accompli tout cela après son accident. Elle a indiqué qu'il lui a fallu cinq ans après son traumatisme médullaire pour recommencer à se sentir bien. Elle a déclaré ceci:
En apparence, j'étais une personne qui avait du succès et qui apportait sa contribution à la collectivité, mais je mentirais si je vous disais que j'étais en pleine forme lorsque j'ai obtenu mon congé de l'hôpital, trois mois après ma blessure. En réalité, il m'a fallu quelques années avant que je sois capable de me réveiller chaque matin avec bonheur.
Il y a aussi l'expérience de David Shannon. David a subi un traumatisme médullaire pendant une mêlée de rugby à l'âge de 18 ans. Il a dit qu'après son accident, lorsqu'il était confiné à son lit, il a frôlé la mort plus souvent qu'il n'ose l'imaginer. David a fini par faire carrière comme dirigeant d'une organisation non gouvernementale et au sein d'un cabinet d'avocat spécialisé dans les droits de la personne et le droit de la santé. Voici ce qu'il a écrit:
J'ai accompli beaucoup de choses dans ma vie. J'ai parcouru le pays d'un océan à l'autre dans mon fauteuil roulant. J'ai sauté d'un avion à 25 000 pieds d'altitude. Je me suis rendu jusqu'au pôle Nord et j'y ai planté une pancarte indiquant un stationnement accessible aux personnes handicapées. J'ai écrit un livre, j'ai joué dans des pièces de théâtre et à la télévision. J'ai obtenu mon diplôme de droit et j'ai été commissaire aux droits de la personne. J'ai également reçu l'Ordre de l'Ontario et l'Ordre du Canada. J'ai aimé et j'ai été aimé. L'accomplissement dont je suis le plus fier est celui d'avoir profité de la vie.
Combien d'histoires comme celles de Kris ou de David ne pourront être racontées à cause de ce dangereux projet de loi? Combien de leçons de résilience ne seront jamais vécues et combien de Canadiens ne pourront pas connaître de spectaculaires victoires contre l'adversité parce que lorsqu'ils étaient à leur plus vulnérable, on leur a offert la mort avant les soins appropriés?
Le nous a qualifiés, mes collègues et moi qui avons le courage de parler au nom des sans-voix et des personnes vulnérables, de « groupe dissident » du caucus conservateur. Ce groupe dissident représente aujourd’hui près du tiers du Parlement ainsi que des Canadiens des provinces maritimes à la côte Ouest, et tous ceux qui, partout dans le pays, défendront toujours les plus vulnérables. Je rappelle au ministre que lui-même et ses collègues ont fait taire ceux au nom de qui nous parlons. Il peut essayer de faire taire les personnes handicapées qui craignent pour leur avenir, mais il ne peut pas nous réduire au silence. Il ne m’empêchera pas de parler.
Le ministre pense-t-il que les personnes pour qui nous nous battons sont également un groupe dissident de la société canadienne? Croit-il que les Canadiens handicapés constituent un élément dissident? Cela m’en a tout l’air. L’irrespect et l’exaspération affichés par les libéraux quand les personnes handicapées ont essayé d’exprimer leurs inquiétudes sont vraiment remarquables.
La mort sera offerte aux Canadiens avant qu’ils puissent avoir accès à des soins de qualité, des soins dont ils ont besoin pour se sentir bien de nouveau. Nous devons réévaluer nos priorités et nous recentrer sur la réaffirmation de la dignité humaine de tout un chacun et, en particulier, des personnes vulnérables. Il est de notre devoir de garder à l’esprit leur option préférentielle lorsque nous prenons des décisions dans cette enceinte. Il est manifeste que le projet de loi ne prévoit pas l’option préférentielle pour les personnes vulnérables et qu’il n’affirme en rien la dignité de ces personnes.
Nous offrirons la mort à des personnes quand elles seront au plus bas, après un handicap causé par une blessure, lorsque l’espoir semble perdu et qu’elles sont désespérées. Au lieu de leur offrir une aide, un traitement et des soins, nous leur offrirons la mort. Le désespoir peut être passager. Il peut aller et venir. Dans les moments difficiles, les personnes ont besoin de soutien. Vraiment, c’est aussi simple que cela.
Nous devons faire en sorte que les personnes aient d’abord accès aux soins dont elles ont besoin, afin qu’elles puissent prendre une décision éclairée en matière de vie et de mort. Toute autre solution est injuste et peut représenter une forme de coercition. Sans parler des dégâts que causera la disposition de caducité ajoutée au projet de loi qui exige que des dispositions soient prises pour que les personnes atteintes de maladies mentales puissent bénéficier de l’aide médicale à mourir.
Cette disposition est un choc, étant donné combien il est difficile d’accéder à des traitements en santé mentale dans tout le pays. Faute de soins adéquats, des maladies qui se soignent peuvent sembler impossibles à traiter. Je le répète, des personnes se voient offrir la mort avant de se voir offrir des soins. À l’heure actuelle, 6 000 personnes souffrant de troubles mentaux graves attendent jusqu’à cinq ans pour recevoir le traitement spécialisé dont elles ont besoin pour atténuer les symptômes, apprendre à les gérer et se sentir mieux.
Au lieu d'essayer d'améliorer ces systèmes afin de fournir aux gens l'aide dont ils ont besoin au moment où ils en ont le plus besoin, le gouvernement met tout en œuvre pour leur offrir la mort. Lorsqu'il a comparu devant le Sénat, le Dr John Maher, un psychiatre qui travaille seulement avec les gens atteints des maladies mentales les plus graves et les plus persistantes, a dit ceci:
Les relations cliniques sont déjà profondément perturbées. Mes patients me demandent: « À quoi bon chercher à me rétablir alors que l’AMM sera offerte et que je pourrais choisir de mourir? » Certains de mes patients continuent de réclamer l’AMM alors que leur état s’améliore sans qu’ils puissent encore s’en rendre compte.
Cela témoigne de la nécessité d'améliorer les traitements en santé mentale au Canada et de les rendre plus accessibles. Les personnes atteintes de maladies mentales ne devraient pas ressentir le besoin de mettre fin à leur vie en l'absence de traitements et de l'espoir qu'ils peuvent susciter.
Le Dr Maher a ajouté ceci:
Il est impossible de déterminer si une maladie psychiatrique est irrémédiable. Certaines personnes se rétablissent en deux ans, d’autres en 15 ans. Souvent, des psychiatres me renvoient des patients et me disent qu’ils n’iront jamais mieux. Or, on arrive à accroître le contrôle des symptômes et à réduire la souffrance de ces patients lorsqu’ils ont enfin accès à des soins intensifs.
Nous devons aider les gens à mieux se porter et leur donner de l'espoir, et non pas faire tout ce que nous pouvons pour faciliter leur mort.
J'exhorte mes collègues de tous les partis à réaffirmer la dignité inaliénable et inhérente à chaque être humain, à chaque personne, et de garder à l'esprit l'option préférentielle pour les Canadiens les plus vulnérables. Cette option, ce n'est pas la mort, ce sont les soins et le soutien.
Je vais continuer de me battre et de m'exprimer pour les personnes qui n'ont pas de tribune et celles qui seront victimes de ce projet de loi. Nous devons veiller à ce que le pire jour d'une personne ne soit pas son dernier.
Je propose:
Que la motion soit modifiée:
a) par substitution, aux mots « accepte l’amendement 1a)(ii) apporté par le Sénat », des mots « rejette respectueusement l’amendement 1a)(ii) apporté par le Sénat, car comme le ministère de la Justice l’a lui-même indiqué, cela « pourrait être perçu comme portant atteinte aux initiatives en matière de prévention du suicide, et comme normalisant la mort en tant que solution à de nombreuses formes de souffrances » »;
b) par suppression de tous les mots à partir des mots « en conséquence des » jusqu’aux mots « la réception du rapport. ». »; »;
c) par substitution, aux mots « l’article 6 soit modifié par remplacement des mots « dix-huit mois après la date de » par les mots « au deuxième anniversaire de la » », des mots « l’article 6 soit supprimé ».
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Madame la Présidente, je ne vais pas faire durer le suspense très longtemps: le Bloc québécois va appuyer la motion du gouvernement, et je vais expliquer pourquoi.
J'aimerais dire à l'ensemble de mes collègues que ces questions délicates doivent mener à une réflexion transpartisane et à un processus qui nous permet d'avancer.
Je rappelle à mes collègues que la loi québécoise concernant les soins de fin de vie a souvent été citée en exemple, non seulement pour sa qualité, mais aussi pour l'ensemble de la démarche qui avait été instaurée, à l'époque, par les députés de l'Assemblée nationale du Québec. Cette loi est entrée en vigueur en 2015. La Commission parlementaire sur le droit de mourir dans la dignité a été instaurée en 2009. La loi a été adoptée en 2014, et elle a été sanctionnée en juin 2014. Cela implique donc un processus qui a mené à des débats. Des différentes divergences, on a été capables de créer des points de convergence qui ont d'ailleurs donné lieu à la Loi. À la suite du processus, très peu de gens étaient contre. En effet, cela a fait l'objet d'un large consensus, et cela faisait largement consensus dans la société québécoise.
À Ottawa, nous avons toujours fonctionné par prescription de la cour. Toutes ces questions délicates qui demandent de modifier le Code criminel sont liées au fait qu'il y a une prescription de la cour. Dans ce cas, les législateurs doivent finalement se prononcer parce l'on considère que la loi est inconstitutionnelle ou qu'elle porte atteinte à des droits fondamentaux.
Dans le projet de loi , dans le jugement Baudouin et dans le jugement Carter, on disait que l'on portait atteinte à la vie des personnes. On portait atteinte à la vie de Mme Carter, de Mme Gladu, de M. Truchon et de Mme Taylor, par exemple, parce qu'on les forçait à écourter leur vie. Ce n'est pas n'importe quoi; c'est grave.
Mes collègues conservateurs disent qu'il faut protéger la dignité humaine et la vie. Je suis tout à fait d'accord sur cela, mais il ne faut pas, par un paternalisme d'État, créer l'effet inverse de ce que l'on prétend défendre. Les personnes vulnérables sont capables de défendre et de revendiquer leurs droits.
Toutefois, il est assez odieux de constater que, depuis le projet de loi C-14 et l'arrêt Carter, on a donné aux gens qui étaient vulnérables, aux gens atteints de maladies irréversibles, aux gens qui ont des souffrances intolérables le fardeau de défendre leur cause devant les tribunaux en vue d'avoir droit à l'aide médicale à mourir.
Pourquoi allons-nous accepter de voter en faveur de la motion? C'est parce que, dans un débat comme celui-ci, il faut avancer.
J'ai eu l'occasion de le dire et j'y reviendrai plus tard. Même si nous avons dit que nous étions d'accord sur les principes sous-jacents au projet de loi , nous aurions aimé que le projet de loi aille un peu plus loin. Cependant, il faut tout de même reconnaître que le projet de loi C-7 répond à des situations comme celles vécues par Mme Gladu, par M. Truchon et par Mme Parker.
En plus, le projet de loi permet aux gens qui sont en phase terminale de vie — ici, je ne parle pas du stade terminal d'une maladie où la mort n'est pas prévisible — d'éviter d'attendre les 10 jours obligatoires avec deux témoins pour que l'on puisse finalement procéder. Souvent, une personne atteinte d'un cancer vit un long processus. Même dans les cas les plus virulents, cela se passe sur un certain nombre de mois. La personne attend à la dernière minute pour procéder, car personne ne veut mourir. Tout le monde veut attendre au dernier moment et pousser la limite du tolérable. Rendues à cette limite, ces personnes veulent que l'on puisse les aider.
En phase terminale de vie, il peut arriver que la personne qui recevait des soins palliatifs à son domicile soit transportée d'urgence à l'hôpital où l'on s'aperçoit que son état se détériore rapidement. Prenons le cas d'une personne qui, pendant deux ans, six mois ou trois mois, a toujours dit à ses thérapeutes qu'elle souhaitait recourir à l'aide médicale à mourir, car elle ne voulait pas souffrir, qu'elle reçoit des soins palliatifs et des médicaments à domicile, mais dont l'état se détériore. Pourquoi devrait-elle attendre 10 jours pour avoir droit à l'aide médicale à mourir en phase terminale de vie, alors que le processus de la mort est commencé et irréversible? Le projet de loi C-7 couvre et offre cette possibilité-là. Cela constitue donc une avancée.
Il y a bien sûr d'autres questions délicates à aborder, comme celle de la maladie mentale comme seule pathologie. Lors de mon intervention en décembre dernier, j'avais eu l'occasion de dire que, en ma qualité de parlementaire et de législateur, je n'avais pas ce qu'il fallait pour statuer sur ce point. Je trouve sage que la motion implique deux choses et que l'on mette sur pied un comité d'experts indépendant. Ce dernier va devoir regarder les protocoles, les lignes directrices et les mesures de sauvegarde recommandés pour les demandes d'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de maladie mentale comme seule pathologie.
Plus tôt, mon collègue conservateur parlait justement de l'obligation de disposer de mesures de sauvegarde qui protègent la personne et ne conduisent pas à des abus. Lorsque nous écoutons nos collègues conservateurs, nous sommes devant le « Musée des horreurs », comme si le système de santé lui-même était malfaisant par essence et qu'il fallait protéger toutes les personnes atteintes d'un handicap, parce que les préjugés que nous avons à l'égard des handicapés feraient en sorte que des gens qui travaillent dans le milieu médical pourraient baisser les bras et considérer que l'on va pousser et euthanasier des personnes sans leur consentement. J'ai beaucoup de mal à comprendre ce genre de rhétorique.
Un tel comité indépendant d'experts a été mis en place au Québec et un rapport a été produit. Je pense qu'il faut poursuivre la réflexion et nous pourrons alors y voir plus clair. Non seulement le comité d'experts va traiter cette question, mais il y aura aussi un élément que nous demandions depuis longtemps, à savoir la création d'un comité d'examen de l'ensemble de l'œuvre. Le projet de loi C-7 aurait pu présenter des amendements à , Loi modifiant le Code criminel, qui auraient pu mener à un nouvel examen de la Loi dans deux, trois ou quatre ans. Dans 30 jours seulement, un comité mixte spécial va étudier la question des mineurs matures, la question des demandes anticipées, la question de la maladie mentale, la situation des soins palliatifs au Canada et la protection des Canadiens handicapés.
Peu importe si des élections sont déclenchées et qu'il en découle un changement de gouvernement, ce comité est inscrit dans la loi et il commencera à siéger dans 30 jours. Il travaillera pendant un an avant de déposer ses recommandations. Nous en arriverons peut-être enfin à un consensus ou tiendrons des discussions pendant au moins 12 mois, ce que les délais imposés par les tribunaux n'avaient pas permis au Parlement en lien avec le projet de loi et sa mouture précédente, le projet de loi . Je pense que c'est nécessaire.
Pour en revenir à l'acceptation sociale du projet de loi C-7, je ferais remarquer à mes collègues conservateurs qu'une moyenne d'environ 80 % des gens de partout au pays l'approuvent, de 88 % au Québec à 77 % en Alberta. Je pense donc que ce serait un compromis raisonnable que d'aller de l'avant. Si, dans 24 mois, on offre l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes d'une maladie mentale, ce délai permettra de déterminer les mesures de sauvegarde nécessaires pour que les praticiens soient aussi à l'aise dans cette démarche. Il faudrait d'ailleurs entendre leur point de vue à ce sujet.
Pour ce qui est des demandes anticipées d'aide médicale à mourir, je trouve intéressant que le comité commence à siéger dans 30 jours et que ses membres travailleront sérieusement et sans partisanerie, au bénéfice des gens qui souffrent, comme Sarah Demontigny. Nous n'oublierons pas ces gens et nous en arriverons à un processus qui permettra que les demandes anticipées qu'ils sont en train d'écrire aujourd'hui s'appliquent une fois nos travaux terminés. Voilà ce que je souhaite.
Sans présumer les résultats de nos travaux, je pense que nous pourrons trouver mieux que l'amendement proposé par le Sénat si nous avons des discussions rationnelles et que nous entendons des témoins. Cela permettrait au Québec, responsable de l'application de cette pratique des demandes anticipées, de bien l'encadrer. Nous pourrons donc trouver la meilleure façon d'amender le Code criminel pour permettre cela.
Je parlais de l'aspect juridique, mais je reviens maintenant aux principes de base. Ce que nous sommes en train de faire représente un compromis puisque, rationnellement, nous devons avancer. Le projet de loi C-7 représentait un pas dans la bonne direction, avec l'engagement formel d'un comité d'experts sur la santé mentale. Je trouve intéressant que le comité spécial dont je parlais soit un comité mixte, car il est bon que tout le monde participe aux mêmes travaux et entende les mêmes points de vue en même temps, permettant ainsi d'en arriver à un résultat au lieu de jouer au ping-pong entre deux chambres dont l'une est, selon nous, désuète. Soyons rassembleurs.
Nous le faisons pour les gens qui souffrent, qui ont attendu trop longtemps et qui ont aujourd'hui espoir que nous allons enfin aboutir. Je pense que la motion du gouvernement représente la lumière au bout du tunnel pour ces gens, puisqu'il y a une échéance et que nous allons y arriver si nous travaillons tous de bonne foi et sans partisanerie.
Le projet de loi C-7 contient déjà des principes fondamentaux, que je répète. En premier lieu, la mort — ma mort comme ma vie — m'appartient. Pourquoi est-ce que je dis cela et pourquoi ai-je dit tantôt que les conservateurs pratiquaient un paternalisme d'État?
C'est parce que, dans une question aussi intime que celle de ma propre mort, ce n'est pas à l'État de me dire quoi faire et de prendre la décision à ma place. Ce que l'État doit faire, c'est tracer les cadres pour protéger ma décision. Personnellement, je ne crois pas qu'il faille exercer de la pression pour forcer quelqu'un à aller en soins palliatifs et vivre le processus jusqu'à son dernier souffle ou pour faire en sorte qu'il décide de demander l'aide médicale à mourir.
Je répète que, lors d'une étude clinique, la norme, c'est le patient. Quand une personne malade a défini sa limite du tolérable, il faut entendre ce qu'elle nous dit et ce qui émerge de sa souffrance. Ainsi, on peut l'accompagner.
Ce que je trouve vraiment dérangeant dans le débat sur l'aide médicale à mourir, c'est que l'on met toujours dos à dos les tenants de l'aide médicale à mourir et les tenants des soins palliatifs, alors que c'est un continuum, c'est une démarche complémentaire. Un peu plus tard, je vais définir ce que l'on entend par « dignité de la personne ».
Qui d'entre nous voudrait ne pas être en situation de soins palliatifs avant de mourir d'une maladie grave dégénérative causant des souffrances intolérables? Nous voulons tous être soulagés; personne ne veut souffrir.
En matière de soins de fin de vie, le minimum que l'on peut donner à quelqu'un, c'est un contexte de soins palliatifs. Malheureusement, depuis 50 ans, les soins palliatifs ne sont pas la seule réponse pour tous, à moins qu'on soit idéologiquement impliqué et engagé à le prouver. À ce moment, on arrive au chevet du malade et on lui impose son idéologie religieuse ou autre. Non, ce n'est pas cela.
Nous sommes dans une démarche où il faut absolument que l'on considère que les soins palliatifs peuvent être un succès lorsque émerge la demande de mort du patient. Pourquoi? Parce qu'il est serein et prêt à lâcher prise. D'ailleurs, je souhaite à tous mes collègues d'être sereins et capables de lâcher prise une fois sur leur lit de mort. C'est peut-être aussi cela, de très bons soins palliatifs. Les soins palliatifs, c'est un accompagnement vers la mort, le soulagement de la souffrance et l'accompagnement psychologique. C'est possible que quelqu'un meure au bout de ses peines, mais c'est aussi possible que quelqu'un soit prêt à lâcher prise. C'est à ce moment qu'on peut l'accompagner.
Ce n'est ni à la famille ni à l'État de décider à la place de la personne mourante ou de la personne atteinte d'une affection grave et irréversible qui la fait souffrir de façon intolérable. C'est le principe sous-jacent au projet de loi qui met en perspective ce que le droit consacre à tout être humain, c'est-à-dire l'autodétermination de la personne.
Le droit garantit à tout le monde l'autodétermination de la personne. Pourquoi me retirer ce droit au moment le plus intime de ma vie, soit ma mort? Pourquoi l'État s'arrogerait-il le droit de m'enlever ce droit à l'autodétermination de ma décision à mourir au bout de mes peines en soins palliatifs ou encore à demander l'aide médicale à mourir? Que l'État s'arroge ce pouvoir est un non-sens.
L'État doit nous donner le cadre pour pouvoir le faire. J'entends souvent les députés parler de la dignité de la personne. La dignité de la personne implique que l'on doive absolument...
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Madame la Présidente, nous nous penchons aujourd’hui sur un sujet assurément très délicat. La présente législature et la législature précédente se sont longuement penchées sur l’objet et le fond de la question de l’aide médicale à mourir.
Je reçois, comme nombre de mes collègues de tous les partis, une énorme correspondance sur le sujet, de la part de groupes organisés de tout le pays et de la part de nos concitoyens mêmes. Il peut être difficile pour un député de s’y retrouver dans tout cela, en raison des commentaires que nous recevons et des vives passions qui animent manifestement les deux camps. Je l’ai vu à propos du projet de loi et c’est évidemment de nouveau le cas avec le projet de loi .
Il m’arrive d’avoir des conversations difficiles avec des concitoyens. Certains pensent que le projet de loi du gouvernement ne va pas assez loin. Ils le pensaient déjà au sujet du projet de loi et certains le pensent aussi du projet de loi . D’autres estiment qu’il va trop loin et qu’il crée de dangereux précédents. C’est parfois difficile, mais dans ces conversations que j’ai avec mes concitoyens, j’essaie toujours d’avoir pour guide la différence entre compassion et empathie. Avec la compassion, nous pouvons nous sentir désolés de la situation dans laquelle se trouve quelqu’un, mais nous regardons toujours cette situation avec nos propres préjugés et notre propre vision du monde, alors que faire preuve d’une véritable empathie, ce qui est indispensable en ce qui concerne l’aide médicale à mourir, c’est essayer de se mettre à la place de l’autre personne, de voir le monde de son point de vue, de voir pourquoi au fond ces problèmes et ces questions sont tellement importants pour elle.
J’essaie aussi de penser à l’article 7 de la Charte, au fait qu’il est écrit noir sur blanc que chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité et a, par conséquent, le droit de ne pas en être privé autrement qu’en conformité avec les principes de la justice fondamentale. En fait, cela veut dire que chacun est maître de son intégrité physique. Or, ce droit intervient chaque fois que l’État essaie d’empiéter sur l’autonomie personnelle.
Là est l’essentiel. L’autonomie personnelle, la décision d’une personne quant à la façon dont elle finira sa vie. Ceux d’entre nous qui ont la chance d’être en bonne santé, qui ne sont pas en proie à des souffrances intolérables causées par une maladie grave et irrémédiable ne peuvent pas vraiment savoir ce que vivent ces personnes. Nous ne savons pas ce que c’est de ne pas avoir le contrôle de ses propres fonctions vitales ou de son intégrité physique, si je puis dire.
Une chose devrait être claire dans le débat aujourd’hui. La Chambre des communes s’est déjà prononcée sur le projet de loi . Nous avons déjà décidé ce que nous voulons faire en tant que représentants élus des Canadiens. Bien sûr, le Sénat a examiné le projet de loi dans sa version finale en troisième lecture que nous lui avons transmis et il nous l’a renvoyé avec quelques-unes de ses recommandations. Ce n’est ni le moment ni le lieu pour ressasser de vieux arguments que nous avons déjà examinés à la Chambre. L’heure est venue de nous concentrer exclusivement sur ce que le Sénat nous a transmis.
Je tiens toutefois à souligner que le projet de loi conserve les normes très élevées établies dans le projet de loi initial, le projet de loi . En effet, pour obtenir l'aide médicale à mourir, un patient doit être atteint d'une maladie incurable, être dans un état caractérisé par un déclin irréversible, et endurer des souffrances intolérables. Cela signifie que le projet de loi C-7 n'ouvrira pas aussi grande la porte à l'aide médicale à mourir que certains l'ont laissé entendre. Ces paramètres fondamentaux sont toujours en place.
Lorsque nous abordons cet enjeu, il importe de souligner que la plupart des Canadiens connaissent une personne qui a dû subir des souffrances intolérables à la fin de sa vie. Dans l'ensemble, mon caucus a donné son appui à ce projet de loi parce qu'il répond à la nécessité de réduire les souffrances inutiles de patients en fin de vie. Comme j'y ai fait allusion tantôt, l'article 7 de la Charte vise à faciliter la prise de décision en toute autonomie.
J'ai mentionné le fait que la plupart des Canadiens connaissent quelqu'un qui a été affecté par une maladie ou par des souffrances intolérables. J'ai moi-même vécu cette expérience avec un proche parent, à une époque où nous n'avions pas accès à l'aide médicale à mourir. Le proche en question menait une bataille de longue haleine contre un cancer. Ce genre de situation tend à être très difficile pour les membres de la famille du patient, qui voient l'être cher dépérir— plusieurs mois, dans certains cas — avant que la mort arrive enfin.
Je souhaite aborder le débat d'aujourd'hui en ayant conscience qu'il s'agit d'un sujet très lourd.
J'ai été élu pour la première fois en 2015, et j'ai donc participé à la 42e législature. J'ai assisté à tous les débats sur le projet de loi , imposé au Parlement à l'époque de la décision rendue par Cour suprême du Canada dans l'affaire Carter. Nous, les députés néo-démocrates, n'avions finalement pas donné notre appui à ce projet de loi, le jugeant trop restrictif dans le contexte de l'époque. Je me souviens avoir fait référence au fait que les tribunaux obligeraient le Parlement à se saisir de nouveau du projet de loi, et c'est effectivement ce qu'a fait la Cour supérieure du Québec.
Je ne veux pas m'attarder trop longtemps sur cet historique, mais il est très important de mentionner dans le contexte du débat d'aujourd'hui que l'article 10 du projet de loi contenait une disposition garantissant qu'un examen législatif aurait lieu au début de la cinquième année. Je vais le lire aux députés. L'article 10 se lit comme suit:
Au début de la cinquième année suivant la date de la sanction de la présente loi, les dispositions édictées par la présente loi sont soumises à l'examen d'un comité soit du Sénat, soit de la Chambre des communes, soit mixte, constitué ou désigné pour les examiner.
Ce ne pourrait être plus clair. Or, le début de la cinquième année était en juin 2020. Nous sommes presque à la fin de février 2021.
Si j'en parle, c'est parce que cet important examen législatif aurait porté sur beaucoup des questions dont la Chambre est actuellement saisie dans ce débat. On a l'impression d'être en train de construire l'avion pendant qu'on vole. Nombre des éléments pouvant faire l'objet d'un débat dans le cadre du projet de loi méritent d'être étudiés très attentivement. Ils méritent qu'on y consacre assez de temps pour consulter des Canadiens et des témoins experts de partout au pays pour élaborer une loi qui tient compte de leurs contributions très importantes.
Je veux aussi profiter de l’occasion pour saluer mon ami et collègue, le député d’, circonscription voisine de la mienne. Il comprend depuis longtemps cette exigence législative du projet de loi . Il en a parlé au à plusieurs reprises.
Exaspéré par l’inaction du gouvernement sur ce front, il a présenté la motion M-51 demandant la création d’un comité spécial de la Chambre notamment chargé d’un examen qui ne serait pas limité, mais élargi à plusieurs questions. Ce comité aurait examiné les demandes d’aide médicale à mourir de mineurs matures, les demandes anticipées et, surtout, les demandes pour lesquelles la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée. Le comité aurait également examiné l’état des soins palliatifs, le caractère adéquat des mécanismes de sauvegarde contre les pressions exercées sur les personnes vulnérables, et ainsi de suite. Si un tel comité examinait déjà ces questions, nous aurions peut-être maintenant des réponses à ces questions importantes.
Je vais passer à ce que le Sénat a renvoyé à la Chambre. J’ai parcouru une partie des transcriptions du Sénat, notamment de son comité des affaires juridiques et constitutionnelles, mais aussi des débats à l'étape de la troisième lecture du projet de loi.
Le comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles a décidé de faire rapport au Sénat sans proposer d’amendements au projet de loi, mais en présentant quelques observations. Les amendements de fond au projet de loi sont tous venus à l'étape de la troisième lecture. Par exemple, on a proposé de changer le libellé du paragraphe 1(2) au sujet de la maladie mentale afin d’inclure, entre autres, un trouble neurocognitif et l’examen des demandes anticipées.
Aujourd’hui, nous examinons la réponse du gouvernement à ces amendements. Le gouvernement a soumis une motion à la Chambre sur les amendements avec lesquels il est d’accord, sur ceux avec lesquels il n’est pas d’accord et sur ceux qu’il souhaite modifier. Le Sénat n’est pas d’accord avec la définition élargie concernant l'exclusion de la maladie mentale. Dans sa motion, le gouvernement dit ne pas être d’accord avec la partie concernant les demandes anticipées.
Cependant, pour résumer, dans sa motion, le gouvernement est d’accord sur la disposition de caducité relative à l’exclusion de la maladie mentale. Il propose de la faire passer de 18 mois à deux ans après la sanction royale. Au fond, ce projet de loi, une fois qu’il deviendra une loi du Canada, s’il est adopté de cette façon, laissera deux ans à un comité pour mettre en place les mécanismes de sauvegarde voulus.
La motion présentée par le gouvernement en réponse aux propositions du Sénat prévoit en outre que le ministre devra mettre sur pied un comité d'experts chargé de peaufiner les protocoles en santé mentale, que des données sur l'identité autochtone, la race et le handicap seront recueillies, à condition que la personne concernée le veuille, et que, 30 jours suivant la sanction royale, un comité mixte sera formé afin de procéder à l'examen de la loi.
Ce qui retient surtout mon attention, c'est que le gouvernement accepte que l'exclusion pour cause de santé mentale devienne caduque après un certain temps. Cela m'étonne particulièrement parce que, à l'époque où la Chambre a été saisie du projet de loi , l'énoncé relatif à la Charte produit par le gouvernement expliquait en termes très forts pourquoi il fallait exclure la santé mentale s'il s'agissait du seul problème médical invoqué. Qu'il fasse ainsi volte-face et accepte qu'une disposition de caducité soit ajoutée à la loi me laisse donc pantois.
Je sais que nous devrons attendre encore deux ans, mais il s'agit quand même d'un changement de taille. En tant que législateur, j'aimerais qu'un comité soit chargé d'étudier tout ce qui doit être étudié afin d'arriver avec un texte bien ficelé, qui comporte toutes les mesures de sauvegarde appropriées. Je dois admettre toutefois que je me méfie du fait qu'un délai soit imposé à la Chambre et qu'on nous force ainsi la main.
Le député conservateur qui vient de parler a proposé un amendement à la motion du gouvernement. En substance, les conservateurs proposent de supprimer la disposition de caducité. C’est l’essentiel de leur amendement. À première vue, cela me paraît raisonnable, mais comme je n’ai vraiment eu qu’une dizaine de minutes pour y réfléchir, je préférerais qu’on en reparle dans quelques jours.
J’ai parlé de l’énoncé concernant la Charte que le gouvernement avait initialement présenté avec le projet de loi . J’aimerais lire un passage de cet énoncé qui explique les raisons pour lesquelles le gouvernement veut exclure les dispositions sur la santé mentale. Je cite: « les données probantes démontrent qu’il est particulièrement difficile d’évaluer la capacité décisionnelle des personnes qui sont atteintes d’une maladie mentale qui est suffisamment grave pour justifier la présentation d’une demande d’aide médicale à mourir, et le risque d’erreur est élevé lors d’une telle évaluation ». L’énoncé dit plus loin: « il est généralement plus difficile de prévoir l’évolution d’une maladie mentale que l’évolution d’une maladie physique ». Il y est aussi question de l’expérience des quelques pays où l’aide médicale à mourir était accessible aux personnes souffrant de troubles mentaux, à savoir la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg.
Qu'on me comprenne bien: je ne suis pas nécessairement d’avis que la santé mentale devrait être exclue. Ce que je dis et que je défends, c’est que nous devons faire un examen approprié de cette question incroyablement grave avant de nous aventurer à modifier la loi actuelle.
C’est d’ailleurs ce que confirme l’étude qui a été faite par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Le Comité a appris que les protocoles et les mesures de sauvegarde pour les personnes atteintes de troubles mentaux qui demandent l’aide médicale à mourir n’existaient pas et que, d’un point de vue clinique, il faudrait beaucoup de temps pour les mettre en place. Le fait est que, si le Comité n’a pas fini son travail sur la santé mentale d’ici deux ans, cette disposition deviendra caduque. Je ne suis pas vraiment d’accord pour qu’on discute de cela avant d’entreprendre un examen approfondi au Comité.
Pour résumer, je ne pense pas que nous devrions envisager un élargissement considérable du projet de loi , tel qu’il a été adopté par la Chambre. Je ne pense pas que nous devrions envisager de l’élargir tant que nous n’aurons pas procédé à ces examens.
Je sais que, dans certains cas, le Sénat se plaît à soumettre des commentaires à la Chambre, et il a d’ailleurs proposé des amendements à plusieurs occasions. Ce qui me préoccupe par contre, et c’est son plus gros problème, c’est que le Sénat n’est pas élu et qu’il n’a de comptes à rendre à personne.
Nous, députés, nous devons rendre des comptes aux électeurs de notre circonscription. Nous leur sommes redevables parce qu’ils nous ont élus. Aux prochaines élections, les électeurs de Cowichan-Malahat-Langford vont me juger sur la façon dont je me suis acquitté de mes responsabilités. C’est la même chose pour tous les autres députés qui sont ici. Nous devons rendre des comptes sur tout ce que nous disons dans cette Chambre et sur la façon dont nous votons. Les sénateurs n’ont pas les mêmes obligations. Je sais que bon nombre d’entre eux sont des gens honorables, mais ils n’ont pas de comptes à rendre. Je pense sincèrement que la Chambre devrait toujours être l’arbitre final des décisions qui sont prises, parce que les Canadiens nous ont élus pour légiférer en leur nom.
En réponse aux nombreuses préoccupations qui ont été soulevées, tant dans cette enceinte que dans les communications que m’ont fait parvenir des personnes handicapées, j’aimerais formuler quelques observations. Si nous nous préoccupons vraiment, et à juste titre, de la qualité de vie des personnes handicapées au Canada, pourquoi, au lieu de nous focaliser sur le projet de loi , ne profitons-nous pas de l’occasion pour entreprendre des réformes et adopter des politiques qui leur rendront la vie meilleure? Quand on voit le soutien au revenu qui est accordé aux personnes handicapées, il est clair que ces personnes ont du mal à joindre les deux bouts, et ce n’est pas à l’honneur de notre pays. C’est donc quelque chose que nous devrions corriger.
Nous avons déjà reconnu, avec les mesures que nous avons prises pendant la pandémie, qu’une personne avait besoin de 2 000 $ par mois pour survivre, mais nous n’en donnons pas autant aux personnes souffrant de handicaps. Même lorsque la Chambre a discuté de la possibilité d’octroyer une aide financière aux personnes handicapées, il nous a fallu plus de six mois pour prendre la décision. C’est une honte. Il faut vraiment que nous nous mobilisions sur ce dossier et que nous prenions des mesures adéquates.
Je suis heureux d’avoir eu l’occasion de prendre la parole au sujet du projet de loi , et je suis prêt à répondre aux questions et observations de mes collègues.
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Monsieur le Président, les miracles ne cessent jamais. C’est peut-être le début d’un changement radical. Le temps nous le dira.
Quoi qu’il en soit, le député de a dit quelque chose qui m’a vraiment frappé, à savoir que le projet de loi , même dans sa version précédente, et encore plus avec les amendements proposés, fera des personnes handicapées des citoyens de seconde zone lorsqu’ils auront recours au réseau de la santé, puisque nous les placerions sur une voie différente. Il a dit que cela créerait une « deuxième catégorie de citoyens » dans ce pays, ce dont nous devrions tous nous préoccuper, surtout en réponse aux témoignages répétés de nombreux organismes qui représentent les Canadiens qui vivent avec un handicap, ainsi que les organismes qui représentent les Canadiens aux prises avec des troubles de santé mentale.
Nous sommes ici pour débattre des amendements que le Sénat propose d’apporter au projet de loi et, plus précisément, pour débattre d’un amendement proposé par mon collègue qui viserait à modifier l’appui du gouvernement au plus important amendement de fond proposé par le Sénat. Je vais me pencher plus particulièrement sur les enjeux liés à cet amendement. Tout d’abord, le gouvernement présente toutes sortes d’arguments aujourd’hui, et avant cela aussi, pour soutenir que cette mesure législative se fait attendre depuis longtemps et qu’elle a fait l’objet d’un débat approfondi. Je tiens à faire quelques observations sur le parcours qui nous a amenés à ce projet de loi, car nous avons vraiment pris toutes sortes de détours depuis le début de nos discussions sur ce projet de loi.
Il semblerait que cette conversation soit née d’une décision d’un tribunal inférieur du Québec qui portait précisément sur la question de la prévisibilité raisonnable et non sur la question dont nous parlons aujourd’hui. Le tribunal initial devait décider si une personne dont la mort n’est pas raisonnablement prévisible devrait avoir accès à l’euthanasie, et il a décidé par l’affirmative. À l’encontre de nos conseils, le gouvernement a décidé de ne pas en appeler de cette décision. Fait important, il aurait pu interjeter appel de cette décision et utiliser le temps dont il disposait pour envisager une réponse législative différente. Toutefois, le gouvernement s’est donné un échéancier serré en décidant de ne pas abroger cette décision.
Par la suite, le a présenté un projet de loi qui traite de nombreuses questions liées à l’euthanasie et qui va bien au-delà des paramètres de la décision du tribunal. La décision du tribunal portait sur la prévisibilité raisonnable. Je crois que si le gouvernement avait proposé un projet de loi qui traitait uniquement de la question de la prévisibilité raisonnable et s’il avait orienté les autres questions vers d’autres mesures législatives, ce projet de loi aurait été adopté depuis longtemps et nous ne parlerions pas d’une quatrième prolongation, de nouveaux délais devant les tribunaux et ainsi de suite.
Ce projet de loi n’a pas encore été adopté, parce qu’en fait le gouvernement l’a rendu omnibus en ajoutant la question de la prévisibilité raisonnable à de nombreux autres enjeux qui n’avaient aucun rapport, comme le consentement préalable, la suppression des mesures de sauvegarde existantes, la période de réflexion de 10 jours. Lorsque le gouvernement a décidé de présenter son projet de loi, il a fallu débattre de nombreux enjeux, et la plupart d’entre eux n’avaient absolument rien à voir avec la décision Truchon.
À mon avis, le gouvernement a agi de façon trompeuse en tentant de créer ce lien artificiel avec la décision Truchon pour toutes sortes de questions qui n’ont absolument rien à voir avec elle, et nous avons très peu de raisons de débattre de cet enjeu. Le gouvernement aurait pu axer sa réponse à la décision Truchon sur les questions soulevées par cette décision. Cela aurait probablement justifié un échéancier plus serré pour le projet de loi, parce qu’il n’aurait pas été nécessaire de discuter d’autant d’enjeux différents.
Le gouvernement a intégré au projet de loi toutes ces questions supplémentaires, sans pour autant aller de l'avant avec un examen législatif obligatoire. Le projet de loi précédent, le , prévoyait la tenue d’un examen législatif. Le gouvernement n’a pas donné suite à cette exigence, mais a plutôt décidé d'intégrer toutes ces autres questions au projet de loi C-7. Nous avons ensuite eu un débat à la Chambre, nous avons eu des audiences au comité et, pendant tout ce temps, le gouvernement essayait de créer un sentiment d’urgence en voulant nous faire croire que nous devions aller de l’avant pour donner suite à la décision Truchon, même si les nouvelles dispositions allaient beaucoup plus loin que ce qui était, au départ, dans la décision Truchon.
Le comité de la justice a tenu très peu d’audiences, seulement quatre si ma mémoire est bonne, sur l’ensemble des points abordés dans le projet de loi . Malgré le manque de temps, beaucoup de gens se sont manifestés et ont exprimé leurs vives préoccupations et leur opposition au projet de loi. Il y a eu des médecins, des spécialistes de la santé mentale et des représentants de la communauté des personnes handicapées, et pas un seul de ces derniers n'a exprimé son appui au projet de loi. En plus d’avoir entendu un grand nombre d’intervenants au cours de ses audiences, le comité de la justice a reçu plus de 100 mémoires de la part de particuliers ou de groupes qui ont pris le temps d’exprimer leur point de vue et, en général, leurs inquiétudes au sujet du projet de loi.
Le comité de la justice a travaillé si rapidement qu’il est absolument certain que ses membres n’ont pas eu assez de temps pour lire tous ces mémoires. En fait, bon nombre de ces mémoires ont d’abord été rejetés par le comité; par la suite, grâce à l’excellent travail de mon collègue de , ils ont été reçus en bonne et due forme, mais le comité s’est immédiatement lancé dans un examen article par article du projet de loi, sans prendre le temps d’examiner le contenu des mémoires.
Ce sentiment d’urgence est le résultat de la décision du gouvernement d’ajouter à son projet de loi de nouvelles questions qui n’avaient rien à voir avec l’arrêt Truchon. Le comité de la justice a mené des consultations extrêmement limitées, et le gouvernement tente d’utiliser ce subterfuge pour faire adopter le projet de loi à toute vitesse.
Tout au long des délibérations du comité de la justice, le gouvernement a pourtant indiqué clairement que son projet de loi et sa politique était de ne pas autoriser l’euthanasie lorsque le principal motif de la demande est l’existence d’un trouble de santé mentale. Le et d’autres intervenants ont rappelé à maintes reprises que le projet de loi prévoyait une exception précisant clairement que les problèmes de santé mentale ne devaient pas être un motif pour demander l’euthanasie.
À cet égard, le gouvernement avait raison et, même si certains députés s’interrogent sur le bien fondé de ce point de vue, ils devraient comprendre que le fait d’invoquer des problèmes de santé mentale comme principal motif pour recevoir l’aide à mourir n’a rien à voir avec les questions soulevées par l’arrêt Truchon.
Le projet de loi a ensuite été renvoyé au comité, puis il est revenu à la Chambre et les conservateurs ont exprimé leur point de vue. La grande majorité de notre caucus a voté contre ce projet de loi. Nous avons voté pour les amendements à l’étape du rapport. Le débat s’est prolongé pendant des heures pour que tous puissent s’exprimer. Le projet de loi a ensuite été renvoyé au Sénat, qui tente maintenant de l’élargir considérablement.
Comme nous le savons tous, le Sénat, qui est maintenant composé majoritairement de personnes qui n’ont aucune affiliation politique et qui ont été nommées par le actuel. Le Sénat a entrepris une étude qui allait bien au-delà de la portée du projet de loi existant et a recommandé un élargissement radical, qui va certainement au-delà de ce que les intervenants et le public attendaient, et au-delà de ce qui avait déjà été examiné ou débattu à la Chambre des communes.
Quelles que soient les critiques tout à fait légitimes qu’on pouvait avoir à l’égard de l’ancien modèle du Sénat, composé de personnes non élues ayant de fortes affiliations politiques et n’étant pas directement imputables, au moins il y avait un mécanisme de reddition de comptes par l’entremise des partis politiques. Cependant, nous avons maintenant au Sénat une vaste majorité de personnes qui n’ont aucun lien avec un parti politique, dont on ne peut déterminer les allégeances, qui sont nommées par le sans aucune consultation avec les autres partis, sans aucune forme de surveillance, et qui ont par la suite un pouvoir considérable en ce qui a trait à la législation. C’est un énorme problème auquel nous devons nous attaquer.
Une partie de la façon dont nous pourrions nous y attaquer à la Chambre des communes, c’est d’avoir le courage de dire non lorsque nous recevons des amendements du Sénat qui vont bien au-delà de la portée de tout ce qui a été pris en compte dans le débat initial sur le projet de loi, sans parler de ce qui se trouvait dans l’arrêt Truchon. Nous pourrions dire que nous apprécions le travail d’examen qui a été effectué, mais rappeler qu’au bout du compte, ce sont les Canadiens qui élisent des députés qui ont le pouvoir d’étudier les questions en détail, de les écouter et de tirer des conclusions.
Le Sénat peut faire des études et des recommandations, mais au bout du compte, ce que le gouvernement propose maintenant en adoptant l’amendement au sujet de la santé mentale, c’est que la chambre du peuple, la Chambre des communes, approuve en une journée une disposition au sujet de laquelle le gouvernement avait dit qu’elle ne faisait pas partie de sa politique, une disposition qui est manifestement très complexe et qui doit être étudiée plus à fond.
Non seulement cela n’a rien à voir avec le projet de loi , mais cela n’a absolument rien à voir avec tout ce qui est envisagé dans la décision Truchon, qui portait de façon très étroite sur la question de la prévisibilité raisonnable.
Nous avons cette question particulière de la décision Truchon, à laquelle le projet de loi ajoute de nombreux éléments, et nous avons maintenant le Sénat qui en ajoute encore d’autres, y compris l’amendement proposé sur les directives anticipées pour les personnes en bonne santé. Nous, à la Chambre des communes, sommes censés changer notre position sur cette question fondamentale, sans étude ni examen en comité, et le gouvernement semble vouloir que cela se fasse en une journée.
Je vais aller plus loin en ce qui concerne le processus. Je suis resté debout jusqu’à tard hier soir à préparer de l’information et à chercher des données. C’est certainement bien après 21 h 30, heure de l’Est, vers 22 heures, que le Feuilleton a été publié. Ce n’est qu’à ce moment-là que la position du gouvernement est devenue évidente. Le gouvernement s’attend à ce que, s’il prend position sur cette question importante et bouleversante pour les Canadiens aux prises avec des problèmes de santé mentale et les membres de leur famille, les députés adoptent cette position, ou à tout le moins, se prononcent à ce sujet, en une journée.
Le gouvernement tente de mettre à mal nos institutions démocratiques. Il y a beaucoup d’autres exemples dont on pourrait parler. On pourrait parler du manque de respect du gouvernement à l’égard des motions adoptées par la Chambre des communes sur diverses autres questions.
Ce que nous voyons maintenant, c’est un gouvernement qui n’a pas gagné le vote populaire lors des dernières élections, qui nous dit d’adopter en une journée une série de changements qui ont été proposés par un Sénat composé d’indépendants nommés principalement par les libéraux, et qui se plaint du fait que des députés veulent discuter de ces questions de façon plus approfondie.
La direction que le gouvernement fait prendre à notre démocratie est très troublante. J’espère que les députés se joindront à nous, du moins les députés de tous les partis de l’opposition, pour insister pour que le gouvernement redresse le cap, qu’ils appuieront l’amendement proposé par mon collègue dont nous débattons en ce moment, qui prévoit le rejet de cet amendement de fond du Sénat et que, si le gouvernement veut modifier sa politique en matière d’euthanasie pour les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale, il le fasse au moins dans le cadre d’un train de mesures législatives qui ne sont pas limitées par un délai du tribunal, en donnant suffisamment de temps à la Chambre pour l’étudier en comité, évaluer ces questions et aller de l’avant, au lieu d’utiliser cet échéancier artificiel découlant du jumelage de la décision Truchon et de tous ces autres enjeux.
Ces questions de processus sont d’une importance cruciale, mais je veux maintenant parler des enjeux précis soulevés par cet amendement, c’est-à-dire la proposition du gouvernement de permettre l’euthanasie pour les personnes dont le principal et seul problème de santé est un problème de santé mentale.
Nous avons tous, y compris moi-même, des proches qui ont souffert ou qui souffrent de problèmes de santé mentale. Je suis certain que beaucoup de députés, la plupart, sinon tous, ont déjà eu une conversation avec un proche qui leur a dit: « Je ne pense pas pouvoir continuer. La douleur que je ressens... »
Dans ces situations, je pense que la façon d’aimer ces gens et de les soutenir, c’est en essayant de leur montrer qu’ils sont aimés et appréciés et que leur vie vaut la peine d’être vécue.
Nous consacrons tellement de temps et d’énergie à la prévention du suicide. Nous disons aux jeunes et aux aînés, en fait aux personnes de tous les âges, que leur vie est précieuse, qu’ils sont aimés et que la vie vaut la peine d’être vécue. Nous comprenons qu’une personne qui se trouve au creux de la vague et aux prises avec des problèmes de santé mentale a peut-être l’impression qu’il n’existe aucun traitement et qu'il n’y a pas d’issue. Pourtant, les experts en santé mentale du pays ont affirmé que les problèmes de santé mentale ne sont pas incurables, qu'ils peuvent s’améliorer et qu’il existe des moyens de les gérer et de les atténuer, voire de les guérir. À titre individuel, nous essayons d’envoyer le message à ceux et celles qui vivent des moments de douleur réelle et existentielle, qu’ils sont aimés et appréciés et qu’il y a des façons de gérer et de soulager leur douleur.
Cet amendement changerait complètement la donne. Il nous ferait passer d’un monde qui accorde la priorité à la prévention du suicide chez les personnes aux prises avec de tels problèmes, à un monde dans lequel quiconque traverse une période de profond désespoir pourrait s’adresser à un professionnel de la santé et lui dire: « Voilà ce que je vis. Je ne peux plus continuer. » Au lieu de convaincre la personne que sa vie vaut la peine d’être vécue, qu’elle peut avoir du soutien et que la situation peut s’améliorer, on lui dirait qu’elle a le choix entre consulter un professionnel qui pourra l’aider à améliorer son sort et demander à l’État de l’aider à concrétiser son désir de se suicider.
Quel message envoyons-nous aux gens si nous passons d’une dynamique de prévention du suicide à une dynamique de prévention du suicide pour certains et de facilitation du suicide pour d’autres? Qu’arrivera-t-il si une personne aux prises avec une profonde souffrance existentielle et de terribles problèmes se voit dans l’obligation de choisir entre la prévention du suicide et la facilitation du suicide?
La Chambre a adopté à l’unanimité une motion portant sur la création d’une ligne téléphonique nationale de prévention du suicide. Quel message enverrions-nous aux gens si le Parlement adoptait l’amendement proposé par le Sénat? Quel message enverrions-nous aux gens en situation de détresse? Je me demande quel message nous enverrions aux jeunes aux prises avec des problèmes de cette nature.
Bien entendu, en vertu du cadre législatif actuel, l’euthanasie n’est offerte qu’aux personnes de 18 ans et plus, mais cette disposition fait également l’objet d’un examen. Nous ne pouvons donc pas miser sur le fait qu’elle sera maintenue si jamais le projet de loi est adopté.
J’ai demandé quel genre de message nous enverrions aux jeunes qui sont aux prises avec ces terribles problèmes si nous leur disions qu’il est acceptable, aux yeux de la société, que l’État aide des adultes à mettre à exécution leurs idées suicidaires, que la solution est une sorte de facilitation du suicide coordonnée par l’État. Il est vraiment horrible de s'imaginer où cela nous mènerait et quel message nous enverrions.
L’ancien député libéral Robert-Falcon Ouellette a parlé avec éloquence et exprimé son point de vue, en s’appuyant sur sa culture et ses valeurs autochtones, pour dénoncer la proposition législative initiale du gouvernement, le projet de loi . Lui et moi avons participé à une assemblée publique dans ma circonscription: un député libéral et un député conservateur. Nous avons abordé une foule de sujets sur la plupart desquels nous étions en désaccord, mais nous étions d’accord sur certains. M. Ouellette a demandé quel message nous enverrions aux jeunes si nous disions aux aînés que la mort est la solution. Les valeurs qu’il a évoquées au cours de cette discussion mettent en évidence la nécessité d’écouter les Canadiens sur ce sujet ainsi que la nécessité de consulter davantage les communautés autochtones.
Comme un témoin précédent l’a dit au comité au sujet du projet de loi , les Canadiens autochtones cherchent à obtenir une aide médicale pour vivre. Les personnes handicapées et ayant des troubles de santé mentale pourraient en dire autant, c’est-à-dire qu’elles ont besoin d’une aide médicale pour vivre, et non pas d’une aide précipitée, facilitant le suicide des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale.
Il faut en débattre davantage. Je crois que l’amendement de mon collègue devrait être appuyé pour rejeter l’amendement du Sénat afin que nous puissions en faire davantage pour protéger les personnes en état de vulnérabilité dans toutes les situations, et pour éviter de créer dans notre pays, comme l’a dit le député de , une dynamique où les personnes handicapées sont considérées ou traitées par notre réseau de la santé comme des citoyens de deuxième classe.
J’ai hâte de poursuivre la conversation et de répondre aux questions de mes collègues. Encore une fois, nous devons continuer de débattre.
:
Monsieur le Président, je suis très heureux de participer à l'étude des amendements proposés par le Sénat au projet de loi , lequel vise à modifier les dispositions du Code criminel sur l'aide médicale à mourir.
Nos collègues ont accompli un travail considérable sur le projet de loi C-7 et ont proposé des amendements réfléchis à la suite de leurs délibérations approfondies. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a entendu une diversité de témoins dans le cadre de deux études différentes. J'ai suivi les débats aux étapes des deuxième et troisième lectures et j'ai constaté que les discours prononcés dans le Sénat reflétaient l'étendue des points de vue exprimés par ces nombreux témoins.
C'est donc avec un immense respect pour le travail du Sénat que nous examinons les amendements qu'ils proposent au projet de loi C-7. Comme le ministre l'a expliqué, il y a trois amendements que nous nous proposerons d'appuyer avec des modifications.
[Traduction]
Le premier amendement porte sur la collecte et l'analyse de données sur la race des demandeurs d'aide médicale à mourir. J'aimerais seulement préciser que la Chambre et le Sénat ont beaucoup entendu parler de la nécessité de recueillir de meilleures données de façon plus rigoureuse en ce qui a trait à l'aide médicale à mourir. Ces données sont recueillies depuis l'entrée en vigueur des mesures législatives sur l'aide médicale à mourir, mais on peut certainement apporter des améliorations.
Il est à noter, surtout en ce Mois de l'histoire des Noirs, que l'un des amendements du Sénat vise à faire un suivi de l'analyse des données sur la race des personnes qui ont accès à l'aide médicale à mourir. C'est une mesure pertinente, compte tenu de l'important problème de racisme systémique qui a été mis en évidence au Canada, en Amérique du Nord et partout dans le monde. Nous devons comprendre comment les personnes racialisées, déjà vulnérables, peuvent être touchées de façon démesurée par l'aide médicale à mourir, et trouver une façon de tenir compte de cette vulnérabilité dans les mesures législatives que nous proposons.
Cela dit, comme d'autres intervenants l'ont expliqué, y compris le , je dirais que l'amendement que le gouvernement propose pour cette partie des propositions du Sénat rendrait cette mesure plus inclusive et tiendrait compte de tous les témoignages entendus à la Chambre et au Sénat, car en plus des données sur la race, on recueillerait et analyserait des données sur les handicaps et sur l'identité autochtone. Évidemment, c'est une disposition particulièrement importante dans la mesure où nous proposons d'élargir l'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour inclure les circonstances où la mort n'est pas raisonnablement prévisible, en réponse à la décision rendue dans l'affaire Truchon, ce qui crée un risque réel que des gens demandent l'aide médicale à mourir à cause de certains facteurs qui les rendent vulnérables plutôt qu'en raison de leur état de santé. Je sais gré au Sénat d'avoir proposé cette importante modification législative.
Le deuxième amendement que le gouvernement appuie, avec certaines modifications, concerne la disposition de caducité liée à l'exclusion pour la maladie mentale. L'intervenant précédent et d'autres intervenants en ont beaucoup parlé. Selon l'amendement du Sénat, la période prévue au titre de cette disposition serait de 18 mois. Le gouvernement propose de l'étendre à 24 mois.
Deuxièmement, et c'est très important, nous exigeons que le et la confient à un groupe d'experts la formulation de recommandations concernant les mesures de sauvegarde, les protocoles et les lignes directrices applicables aux cas où la maladie mentale est la seule condition invoquée pour la demande d'aide médicale à mourir. Ces experts devraient faire rapport aux ministres dans un délai d'un an, ce qui laissera un an supplémentaire au gouvernement, pour déterminer quelles mesures de sauvegarde devraient être inscrites dans la loi, et au Parlement, lequel devra mener son étude avant d'adopter tout projet de loi subséquent.
Je veux placer la disposition de caducité dans son contexte, car, évidemment, il s'agit d'une question pressante pour le débat d'aujourd'hui et pour tous les députés.
Le gouvernement estime qu'il lui faudra plus de temps pour étudier et mettre en œuvre les mesures de sauvegarde pour les cas où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée. Le a toujours clairement indiqué que l'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour les demandeurs qui invoquent la maladie mentale comme seule condition sous-jacente et les mesures de sauvegardes qui seraient nécessaires dans ces cas, seraient étudiées au cours d'un futur examen parlementaire.
Combinée à l'obligation de soumettre la question à l'examen d'experts, la disposition de caducité détermine un délai fixe à l'échéance duquel les personnes dont la seule condition médicale invoquée est la maladie mentale deviendraient admissibles à l'aide médicale à mourir. Cela réduirait le risque que des Canadiens sentent le besoin de contester l'exclusion devant les tribunaux s'ils l'estiment inconstitutionnelle puisque cela leur procurerait la certitude que, deux ans après la sanction royale du projet de loi , l'admissibilité des personnes dont la seule condition médicale invoquée est la maladie mentale sera considérée et assortie des mesures de sauvegarde qui s'imposent.
L'argument concernant d'éventuelles contestations de la constitutionnalité n'est pas purement théorique. Nous savons que ce dossier est complexe et met en balance des droits constitutionnels concurrents. Évidemment, nous savons que, comme en témoigne l'arrêt Truchon, l'ancien projet de loi fait l'objet de litiges. Pratiquement tous les observateurs reconnaissent qu'il est très probable que la constitutionnalité du projet de loi , s'il est adopté, sera contestée. D'ailleurs, un comité permanent de la Chambre des communes a entendu des témoignages à ce sujet. Selon certains témoins, à elle seule, l'exclusion de la maladie mentale risque de donner lieu à une contestation fondée sur l'article 15 de la Constitution. Nous tentons de faire en sorte que les Canadiens préoccupés par cette exclusion disposent d'un recours autre qu'une contestation judiciaire, c'est-à-dire le groupe de travail d'experts et l'étude parlementaire qui s'ensuivrait.
L'intervenant précédent a beaucoup parlé de données probantes et de la question à savoir si le gouvernement croit aux approches fondées sur des données probantes. Je répète, pour que ce soit clair, que nous y croyons tout à fait et qu'une partie de ces données probantes se trouve dans un document bien précis de l'Association des médecins psychiatres du Québec.
[Français]
En novembre 2020, l'Association des médecins psychiatres du Québec, l'AMPQ, a publié un document de réflexion très informatif sur l'accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d'une maladie mentale. Le document de l'Association fait ressortir les raisons pour lesquelles le gouvernement estime qu'une disposition de temporisation de 24 mois est nécessaire.
Le travail de l'AMPQ sera sans aucun doute le fondement de l'examen de cette question par des experts. Il fait état de certaines solutions possibles, assez complexes, ce qui souligne la nécessité d'examiner attentivement les solutions qui pourraient être efficaces à travers le pays.
[Traduction]
L'AMPQ estime que l'incurabilité d'un trouble mental ne pourrait « se définir qu'au terme d'un long parcours, après l'essai de plusieurs traitements et une évaluation de leurs effets ». L'association ajoute qu'avant de porter un jugement sur l'admissibilité d'un patient, le psychiatre « devrait explorer d'autres aspects qui colorent l'expérience de vie du patient et envisager des stratégies pour améliorer les circonstances sociales qui contribuent à la souffrance ». Ce point de vue s'inscrit dans le droit fil des interventions faites dans la dernière partie du débat par les néo-démocrates qui ont parlé des mesures de soutien qui influent sur les conditions de vie d'une personne, notamment la sécurité du revenu et du logement.
Je reviens au document de réflexion de l'AMPQ où il est noté « Les psychiatres doivent être engagés comme premiers et seconds médecins » et où il est également indiqué « [...] l'accès aux soins psychiatriques varie grandement d'une région à l'autre. »
À la lumière de ces considérations, l'Association des médecins psychiatres du Québec suggère de créer une nouvelle entité administrative ayant des bureaux régionaux dédiés à l'examen des demandes d'aide médicale à mourir pour des motifs de troubles mentaux. Cette entité assurerait la coordination des demandes, désignerait des évaluateurs de demandes et des fournisseurs d'aide médicale à mourir et assurerait un accès aux psychiatres. L'AMPQ suggère également qu'une telle entité devrait surveiller le processus d'évaluation en temps réel plutôt qu'à posteriori.
Je mets l'accent sur tous ces détails parce que le document de réflexion de l'AMPQ explique pourquoi le gouvernement estime nécessaire d'ajouter une disposition prévoyant une attente de 24 mois. Il ne fait aucun doute que le travail de l'association servira de fondement lors de l'examen de la question par un groupe d'experts. Dans son document de réflexion, l'AMPQ propose des pistes de solutions, dont certaines sont passablement complexes, mais souligne la nécessité d'examiner attentivement une formule susceptible d'être appliquée à l'échelle nationale. Qui plus est, je signale que le gouvernement et le Parlement auront besoin de temps pour décider quelles mesures de sauvegarde devraient être inscrites dans la loi fédérale sur l'aide médicale à mourir comme éléments liés au droit criminel et à l'accès obligatoire à l'échelle nationale.
Je me penche maintenant sur le troisième amendement.
Le troisième amendement proposé par le Sénat, que le gouvernement propose d'appuyer avec quelques modifications, porte sur l'examen parlementaire. Le gouvernement s'est engagé à maintes reprises à entamer l'examen parlementaire exigé par le projet de loi le plus tôt possible après l'adoption du projet de loi . Les modifications que nous proposons à l'amendement du Sénat garantiront que toutes les questions pertinentes sont au cœur de l'examen entrepris par le comité parlementaire mixte. J'insiste sur le fait qu'il s'agit d'un comité mixte parce que l'examen sera effectué conjointement par le Sénat et la Chambre des communes, un peu comme ce qui s'est fait avant l'adoption du projet de loi initial, soit le projet de loi . Le mandat du comité sera d'examiner les questions qui étaient ciblées par l'examen initialement prévu dans le projet de loi , comme les demandes de mineurs matures et les questions liées aux directives anticipées.
De plus, nous inclurions les soins palliatifs et les mesures de sauvegarde pour les personnes handicapées dans le cadre de cet examen parlementaire conjoint obligatoire mené par le Sénat et la Chambre. Nous avons également proposé de modifier les délais afin qu'ils soient non seulement réalistes dans un contexte de pandémie, mais aussi toujours ambitieux, compte tenu de la gravité des questions en jeu. Selon nous, il s'agit de caractéristiques importantes qui permettraient aux deux Chambres du Parlement, de concert avec tous les législateurs des différents partis, d'aller de l'avant avec leur travail.
Je tiens à souligner en passant que le député d' a évidemment joué un rôle très important en menant la charge et en demandant une étude au Parlement du projet de loi précédent, soit le projet de loi . Une partie de ce que nous proposons intègre son point de vue sur la portée de cette étude.
Enfin, le gouvernement estime que deux amendements du Sénat ne peuvent être appuyés.
Le premier est l'amendement à l'exclusion des maladies mentales elle-même. Bien que je comprenne que certains aient plaidé en faveur d'une définition plus claire de la maladie mentale dans ce contexte, le gouvernement craint que cet amendement, tel que rédigé par le Sénat, laisse entendre que les troubles neurocognitifs sont généralement considérés comme des maladies mentales, ce qui, en réalité, n'est pas toujours le cas. Le gouvernement fédéral travaillera avec ses homologues provinciaux et territoriaux pour assurer l'application uniforme de l'exclusion des maladies mentales jusqu'à ce que la disposition devienne caduque.
Nous proposons aussi de rejeter un deuxième amendement du Sénat, soit celui qui vise à élargir la renonciation au consentement final. Le fait de ne pas demander de consentement final avant de procéder à l'aide médicale à mourir constitue une procédure extraordinaire qui comporte des risques, nous le reconnaissons. L'amendement du Sénat va au-delà de la portée et du principe du projet de loi , qui autoriserait la renonciation au consentement final seulement dans quelques situations comportant peu de risques. Tout élargissement concernant le consentement préalable ou les demandes anticipées, qu'on appelle parfois « directives anticipées », aurait pour effet d'accroître les risques. Il doit donc être soumis à un examen attentif dans le contexte d'un examen parlementaire.
On a toujours considéré qu'il faudrait attendre, pour étudier la question des directives anticipées, qu'elles aient d'abord été étudiées dans le cadre d'un examen parlementaire plus global. C'était le cas à l'époque de l'ancien projet de loi , et c'est décidément le cas maintenant, étant donné l'examen parlementaire qu'envisage le gouvernement.
Je profiterai du temps de parole qu'il me reste pour aborder quelques points.
Tout d'abord, j'aimerais revenir sur l'idée qui a été exprimée au cours du débat d'aujourd'hui, selon laquelle le gouvernement et, par le fait même, le Sénat, adoptent une approche qui privilégie indûment les moyens de mettre fin aux souffrances, y compris de faciliter la mort d'une personne, plutôt que de prendre des mesures pour alléger ses souffrances et améliorer ses conditions de vie. Cette affirmation est entièrement fausse. Le bilan du gouvernement des six dernières années — ou presque — le prouve hors de tout doute. On n'a qu'à penser aux mesures de soutien que nous avons mises en place, que ce soit en ce qui concerne les soins de longue durée, les soins à domicile ou les services de santé mentale.
Comme l'a mentionné le député précédent, une motion demandant le consentement unanime a été adoptée pour créer un service de prévention du suicide. Les mesures de soutien que nous avons mises en place, telles que le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, et les efforts déployés pour améliorer les soins à domicile et les soins palliatifs constituent des investissements considérables. Nous veillons à ce que les gens prennent des décisions aussi importantes en comprenant parfaitement les options qui s'offrent à eux et les mesures de soutien dont ils disposent. Pourrait-on en faire davantage? Bien sûr. Je pense que c'est ce qui est important dans un débat comme celui-ci.
Le deuxième élément que j'aimerais aborder est revenu à de nombreuses reprises lorsque le projet de loi était à l'étude à la Chambre pour la première fois, c'est-à-dire aux étapes de la deuxième et de la troisième lecture, avant qu'il soit renvoyé au Sénat, et il a été soulevé encore aujourd'hui dans le contexte du débat. Il s'agit de l'idée voulant que ce projet de loi victimise, cible ou traite injustement les personnes handicapées. Je vais parler de certains enjeux importants, que tous les députés doivent bien comprendre, à mon avis. J'en ai déjà parlé, mais je vais les répéter.
Il s'agit de la question de l'autonomie, soit l'autonomie qu'ont les personnes d'exercer des choix à propos de la fin de leur vie et de la façon dont elles vont mourir. Cela va à l'encontre de la protection des personnes vulnérables. Il faut trouver le juste équilibre, et la recherche de cet équilibre est au cœur de cette question. Cela en fait probablement la question la plus difficile que nous ayons jamais abordée, du moins en ce qui me concerne durant les cinq années et demie que j'ai passées comme parlementaire. Cela étant dit, il faut bien comprendre que la cause qui a été portée à l'attention des tribunaux et à laquelle nous réagissons maintenant émane de deux personnes: M. Truchon et Mme Gladu.
Ils souffraient tous les deux de maladies dégénératives. Cependant, parce qu'ils n'étaient pas en fin de vie, ils n'étaient pas admissibles au régime d'aide médicale à mourir en vertu du projet de loi . La raison est bien simple: à cette époque et encore aujourd'hui, jusqu'à ce que la loi soit éventuellement changée, ce régime repose uniquement sur le critère de fin de vie.
J'aimerais lire à la Chambre ce que la cour a examiné à cet égard, parce que nous avons entendu beaucoup d'éléments dans les débats sur le projet de loi à propos de notre intention qui, apparemment, est discriminatoire envers les personnes handicapées. La cour connaissait clairement la notion de discrimination aux termes de l'article 15 de la Charte quand elle s'est prononcée dans l'arrêt Truchon, et ce qu'elle a dit est tout le contraire. Je cite l'article 678 de la décision Truchon. La cour a dit:
L’exigence en cause expose un schéma législatif à l’intérieur duquel la souffrance cède le pas au lien temporel avec la mort. Si leur mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, le consentement et la souffrance des personnes handicapées ne méritent que la sympathie du législateur qui adopte une politique protectionniste, à l’égard de toutes ces personnes sans tenir compte de leur situation propre. Dès que leur mort approche, l’État est cependant prêt à reconnaître leur droit à l’autonomie. Il s’agit d’une contradiction flagrante au niveau des principes fondamentaux quant au respect de l’autonomie des personnes aptes et c’est cette absence d’égalité dans la reconnaissance du droit à l’autonomie et de la dignité qui se révèle discriminatoire en l’espèce.
Au paragraphe 681, le juge a ajouté ceci:
En visant à contrer un seul des stéréotypes dont les personnes handicapées sont victimes — la vulnérabilité — la disposition contestée perpétue peut-être un autre stéréotype probablement plus pernicieux — soit l'incapacité à pleinement consentir à l'aide médicale à mourir. Or, la preuve démontre amplement que M. Truchon demeure parfaitement apte à exercer des choix fondamentaux concernant sa vie et sa mort. Il se trouve par conséquent privé d'exercer ces choix essentiels à sa dignité d'être humain en raison de ses caractéristiques propres dont la disposition contestée ne tient pas compte. Il ne peut ni se suicider par un moyen qu'il choisirait, ni demander cette aide en toute légalité.
J'ai lu cet extrait afin de rappeler aux parlementaires qu'il ne faut tolérer aucune discrimination à l'égard de quiconque au Canada. Toutefois, la cour devait déterminer si l'ancien régime était discriminatoire à l'égard des personnes handicapées qui souhaitent exercer leur libre choix au sujet de leur mort, mais qui ne sont pas en fin de vie. La cour a conclu que l'ancien régime était effectivement discriminatoire, ce qui a mené à cette modification, entre autres, à la loi.
Je crois qu'il est très important de le comprendre. Lorsqu'on parle d'hétérogénéité parmi les personnes handicapées, c'est de cela qu’il est question. À mon humble avis, ce n'est pas au Parlement d'entraver, de limiter ou de réduire la compétence ou l'autonomie de toute personne, y compris une personne handicapée, qui souhaite faire un choix important au sujet de la façon de mettre fin à ses souffrances.
Je crois que le Parlement doit offrir une réponse diamétralement opposée, une réponse empreinte de compassion, une réponse qui consacre la dignité humaine. Je sais que c'est difficile. Je sais que c'est une question morale, une question chargée de convictions personnelles, et qu'il s'agit d'une tâche difficile pour nombre d'entre nous, mais c'est la tâche qui nous a été confiée à titre de parlementaires. Comme je connais bien les lois contre la discrimination, j'ai voulu rectifier les faits concernant ce que nous avons entendu dans le débat d'aujourd'hui et les débats précédents au sujet du rôle de la discrimination dans cette analyse.
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Monsieur le Président, il est absolument certain que nous mettrons à mort des gens qui se seraient rétablis. Voilà ce qu'a déclaré un éminent psychiatre canadien lors d'une réunion que j'ai convoquée d'urgence en fin de semaine, en réaction au projet de loi , cette mesure législative digne de Frankenstein dont nous débattons actuellement à la Chambre. Je n'arrive pas à comprendre comment le Sénat est arrivé à amender le projet de loi pour en faire ce qu'il est maintenant.
En fait, cette nouvelle mouture du projet de loi est tellement dangereuse que les professionnels de la santé mentale et de la gériatrie se sont joints aux personnes handicapées et aux Premières Nations pour mettre en garde contre l'immense danger que présente cette mesure législative pour les personnes les plus marginalisées dans les collectivités canadiennes.
Certaines craintes ont été exprimées au Sénat dans le groupe des riches libéraux, parce que des bien nantis ont décidé que leurs souhaits sont nettement plus importants que le tort pouvant être causé à des personnes vulnérables qui n'ont pas les moyens ou la capacité d'obtenir le même genre de soins qu'eux.
Examinons la question des directives anticipées. La sénatrice Pamela Wallin a déclaré: « Comme il y a des antécédents de démence dans ma famille, je souhaite la tranquillité d'esprit que me procurera une demande anticipée - et le consentement à celle-ci. » J'aimerais poser une question. La tranquillité d'esprit de la sénatrice Wallin a-t-elle plus de poids que la mort prématurée d'aînés fragiles qu'entraînerait cet amendement s'il est inscrit dans la loi?
Imaginons une personne — la sénatrice Wallin, disons — qui se retrouve aux prises avec la démence et atteint le stade où sa mort est désormais autorisée par la directive anticipée qu'elle avait rédigée auparavant. Imaginons toutefois qu'elle n'ait pas du tout conscience des troubles cognitifs qu'elle a développés, et qu'elle coule des jours heureux, entourée de sa famille aimante, ou dans une résidence de premier ordre. Dans ce scénario, à qui revient la prérogative d'autoriser l'aide médicale à mourir? Comment les aidants naturels de Mme Wallin vont-ils s'y prendre pour lui expliquer la situation? Une telle directive aura-t-elle préséance sur ce qu'elle souhaite actuellement, ou sur ce que souhaite son entourage?
Imaginons maintenant que Mme Wallin soit entourée d'une famille moins attentionnée, qui se déchire en fait à propos de l'héritage et des soins infirmiers. Malheureusement, il s'agit d'un scénario fréquent, comme en témoignent de nombreux professionnels. À qui revient alors le droit d'autoriser l'aide médicale à mourir, et dans l'intérêt de qui?
Dans un troisième scénario, imaginons à présent qu'il n'y a pas de famille dans le décor, et que les dirigeants d'un centre d'hébergement ont reçu comme directive de leur ministère de trouver des lits pour des patients qu'on vient de transférer d'un hôpital. J'ai entendu des histoires d'horreur qui nous proviennent de partout dans le monde: une directive anticipée pour l'euthanasie faisant partie de la gamme d'options proposées à un patient, des médecins qui tentent de glisser un sédatif dans le café de leur patient, ou le cas troublant d'une patiente néerlandaise de 74 ans atteinte d'Alzheimer, maintenue de force par les membres de sa propre famille alors qu'elle luttait contre le médecin qui tentait de lui administrer un cocktail mortel.
J'ai discuté avec la Dre Catherine Ferrier, qui travaille auprès de patients atteints de démence. Elle m'a appris que c'est souvent la famille de ces patients qui est la plus malheureuse. Les patients eux-mêmes sont souvent contents, voire heureux. Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il est impossible de savoir exactement ce que souhaite une personne qui souffre de démence. Une personne jeune et en santé peut imaginer ce qu'elle souhaiterait si son état se détériorait ainsi, mais elle ne sait pas ce que la personne qu'elle deviendra souhaiterait réellement, alors qu'elle se trouverait dans un état d'esprit qu'elle ne peut comprendre en ce moment.
J'ai très peur pour les Canadiens vulnérables qui souhaitent vivre malgré avoir souhaité mourir précédemment. Ils ne seront pas en mesure de communiquer leurs souhaits, et leur famille et les soignants pourraient faire pression sur eux pour qu'ils meurent et ainsi cessent d'être un fardeau. J'implore mes collègues de se rappeler qu'il y va de notre devoir de favoriser la sécurité et le bien-être de tous les Canadiens, surtout des plus marginalisés, et non d'apaiser les personnes en bonne santé.
Le Groupe de travail du comité d’experts sur les demandes anticipées d'aide médicale à mourir du Conseil des académies canadiennes a déterminé que les parents de patients atteints de démence appuient généralement l'euthanasie lorsqu'une directive anticipée d'euthanasie existe, mais quand ils se retrouvent à devoir prendre une décision quant à son application, la plupart refusent. Au lieu d'une directive détaillée, de nombreux experts préconisent maintenant l'adoption d'un processus de réflexion sur les grands objectifs de soins de santé, la tenue de discussions avec les proches et la désignation d'un mandataire.
Lorsque nous écoutons ceux qui défendent les demandes anticipées d'aide médicale à mourir pour les patients atteints de démence, notre première réaction devrait être l'horreur devant l'utilisation de termes dégradants et discriminatoires. Dire que les personnes qui ne reconnaissent plus les membres de leur famille, qui sont grabataires ou qui ne peuvent se laver ou se nourrir de manière autonome ont perdu leur dignité traduit une vision marginalisante et capacitiste de la situation. La dignité n'est jamais perdue, mais elle peut être assurée ou bafouée.
Attaquons-nous au premier mythe, selon lequel les gens méritent de mourir dans la dignité et que c'est ce qu'offre l'aide médicale à mourir. En réalité, le débat actuel a déformé le sens du mot « dignité ». La dignité signifie que l'on mérite le respect. Ce que les partisans de l'aide médicale à mourir veulent dire par « perte de dignité » est une perte de contrôle, un changement superficiel de l'apparence ou une perte de jugement critique. Ils ont bafoué les principes les plus altruistes qui existent, soit l'amour indéfectible et le profond respect que l'on ressent les uns pour les autres dans toutes les circonstances de la vie. Je pense à des moments d'une grande dignité, comme donner un bain à ma grand-mère mourante, avoir des conversations à voix basse avec quelqu'un au seuil de la mort et réfléchir en silence en accompagnant une personne pendant une longue nuit jusqu'à son dernier souffle. On peut reconnaître la dignité dans nos relations. On la reconnaît quand une personne nous traite avec respect plutôt qu'en affichant un subtil mépris ou des préjugés ou en donnant l'impression qu'on la dérange.
La dignité ne concerne pas les façons de mourir. Mourir dans la dignité signifie mourir entouré de soins, d'amour, de bonté et de respect. Quiconque dit que ces éléments ne sont pas présents dans un contexte de mort naturelle ne comprend tout simplement pas ce qu'est la dignité.
Cependant, attention: les sénateurs, les libéraux, Jocelyn Downie et tous leurs amis de Mourir dans la dignité vont clamer que personne ne sera euthanasié à moins d'y avoir déjà librement consenti.
La notion de consentement par directive anticipée n'est pas si simple. La vulnérabilité et le déséquilibre du pouvoir qui existent entre les parties sont flagrants. Cependant, les campagnes publicitaires et les médias se sont employés à créer un monde imaginaire pour les Canadiens, où on prétend que le recours à un médecin pour mettre fin à la vie d'une personne qui n'est pas proche de la mort est une option empreinte de compassion qui respecte l'autonomie. Nous avons lu dans le journal que des fêtes ont été organisées pour célébrer les derniers moments de la vie avec des ballons et de la musique symphonique en arrière-plan. Selon les quelques statistiques recueillies, la glorification de l'euthanasie encourage les personnes qui sont déjà incertaines de leur valeur ou qui ont l'impression d'être un fardeau pour leurs proches à demander l'aide médicale à mourir, et ce, même si elles ne sont pas en fin de vie.
En réalité, ce que nous sommes en mesure de fournir aux familles équivaut à une absolution morale. Avec le projet de loi, nous proposons de rendre légal un acte qui est illégal dans tous les autres pays du monde. Je répète: il n'y a aucun autre pays sur la planète qui autorise un médecin à administrer la mort à une personne qui n'est pas sur le point de mourir si elle n'a pas reçu de traitement au préalable. Avec la mise en œuvre du projet de loi, le Canada sera le seul pays au monde où l'accès à d'autres traitements n'est pas nécessaire pour être admissible à l'aide médicale à mourir.
Non seulement les changements au régime d'euthanasie qui résulteront des amendements du Sénat sont sans précédent sur le plan juridique et moral, mais ils sont également sans précédent sur le plan médical. Le projet de loi obligerait les médecins qui travaillent auprès de patients atteints de maladies mentales à recommander la mort, sans aucune preuve, aucune donnée, aucune statistique pour prouver qu'il s'agit d'un traitement efficace ou bénéfique. La communauté médicale n'a jamais fait d'analyse préalable lui permettant d'affirmer que l'aide médicale à mourir devrait faire partie de l'arsenal thérapeutique des professionnels de la santé mentale. Ce sont des politiciens motivés par une idéologie et non pas par des données probantes qui lui ont imposé cette pratique.
Des médecins qui appuient le principe de l'aide médicale à mourir m'ont dit que le projet de loi les obligera à agir contre leur conscience et à l'encontre du serment d'Hippocrate. C'est une chose de s'opposer selon sa conscience, mais c'est bien pire lorsqu'on ne croit pas au traitement qu'on est obligé de fournir. Pour mieux illustrer la situation dans laquelle ils se trouvent, des médecins ont expliqué qu'ils ne prescrivent pas de cigarettes aux patients parce que les risques pour la santé sont bien plus grands que les effets calmants de la nicotine. Ces mêmes médecins savent qu'il n'existe pas de données probantes pour appuyer l'idée que l'aide médicale à mourir est un traitement médical acceptable pour les maladies mentales. Ainsi, si le projet de loi est adopté, les médecins seront obligés de fournir, contre leur conscience, un traitement non prouvé qui entraîne la mort de leur patient.
Par ailleurs, le fait d'élargir l'admissibilité de l'aide médicale à mourir aux personnes souffrant d'une maladie mentale rend ce projet de loi incohérent. D'une part, le projet de loi prévoit que l'aide médicale à mourir ne peut être offerte aux personnes qui ne sont pas en fin de vie que si leur état est grave et irrémédiable. D'autre part, il ne reconnaît pas un principe que les psychiatres connaissent déjà, c'est-à-dire qu'il est impossible de savoir si une maladie mentale est irrémédiable. Les cas sont nombreux où les médecins pensaient que l'état d'un patient était irrémédiable, pour finalement constater que le patient se rétablissait. Cela signifie que les personnes qui souffrent d'une maladie mentale ne peuvent pas satisfaire aux critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Des médecins nous disent qu'ils sont entièrement convaincus que si nous adoptons cet amendement, nous mettrons à mort des gens qui se seraient rétablis. Ce projet de loi veillerait à ce que les personnes ne cherchent plus à éviter une mort douloureuse, mais plutôt à soulager des souffrances insoutenables.
Il est aussi important de s'attaquer au deuxième mythe propagé par les libéraux et tous leurs amis de Mourir dans la dignité, c'est-à-dire que le projet de loi n'est pas discriminatoire. En réalité, selon les Nations unies ainsi que des organismes canadiens qui militent pour les personnes handicapées, pour la santé mentale et pour les Autochtones, le projet de loi C-7 est absolument discriminatoire. Ce projet de loi cible les Canadiens vulnérables en leur donnant accès à l'aide médicale à mourir sans offrir une aide suffisante aux personnes handicapées ou des traitements pour les aider à vivre pleinement sans souffrir à cause de soins de santé insuffisants, de la pauvreté et des préjugés. Elle cible les personnes handicapées en leur permettant de mettre fin à leurs jours même si elles ne sont pas atteintes d'une maladie en phase terminale. Ce sera donc un choix basé non pas sur l'autonomie, mais sur le désespoir.
Comprenons bien ce qu'est la discrimination. La discrimination, c'est prétendre que tous les Canadiens sont égaux en tout point. La réalité évidente est que certains d'entre nous doivent surmonter d'immenses défis dans la vie. Nous avons besoin de lois qui protègent les personnes désavantagées. Une mesure législative qui offre la mort à un groupe, mais du soutien et des traitements à tous les autres est l'exemple parfait de la discrimination. Ce projet de loi laisse entendre qu'un Canadien handicapé ou quiconque souffre d'un problème de santé mentale devrait envisager la mort plutôt que le rétablissement. Il faut protéger les patients vulnérables des politiciens et des médecins qui souhaitent faciliter leur mort tout en leur refusant l'accès à du soutien et à des soins de santé appropriés. Voilà un véritable exemple de discrimination.
Soyons réalistes. Il existe une myriade de raisons pour lesquelles de nombreux organismes s'opposent au projet de loi.
Prenons, comme autre exemple, le témoignage de Tyler White, chef de la direction des Siksika Health Services. M. White a dit:
L'aide médicale à mourir, qui consiste à administrer une substance mortelle à une personne dans le but de mettre fin à sa vie, va à l'encontre de notre culture et de nos pratiques autochtones. Notre conception de la santé et du bien-être n'inclut pas l'idée de mettre fin à ses jours de manière intentionnelle. Nous reconnaissons l'importance de vivre dans la dignité depuis la naissance jusqu'à la mort naturelle, et les efforts en vue de suggérer aux membres de notre communauté que l'aide médicale à mourir est une fin de vie appropriée constituent une forme de néo-colonialisme. Des efforts extraordinaires sont déployés en matière de prévention du suicide au sein de nos collectivités et le relâchement des restrictions entourant l'aide médicale à mourir envoie un message contradictoire aux membres de notre communauté: d'une part, on dit qu'il faut prévenir le suicide; de l'autre, qu'il faut aider les gens à se suicider [...]
[...] dans sa forme actuelle, le projet de loi C-7 ne contient pas de mesures de protection pour les personnes travaillant dans nos collectivités qui ne veulent pas participer à l'aide médicale à mourir. Nous croyons que les membres de notre nation ne devraient pas être obligés de participer à des pratiques non autochtones contre leur conscience et leur volonté. C'est ce genre d'oppression qui nous a causé d'importants traumatismes par le passé. La Commission de vérité et réconciliation du Canada exhorte ceux qui peuvent apporter du changement dans le système de santé canadien à reconnaître la valeur des pratiques de guérison autochtones et à respecter le droit des Autochtones à l'autodétermination dans le domaine spirituel, y compris le droit de pratiquer nos propres traditions et coutumes. Le projet de loi C-7 devrait être amendé de manière à ce que ceux qui veulent s'abstenir de participer directement et indirectement à l'aide médicale à mourir soient libres de le faire sans subir de discrimination dans le cadre de leur travail au sein du système de santé.
Passons maintenant à la cheffe de la direction nationale de l'Association canadienne pour la santé mentale, Margaret Eaton, qui a déclaré ceci dernièrement dans un communiqué de presse:
Quiconque vit avec une maladie mentale sait à quel point cela peut être difficile, voire impossible à supporter. Or, la maladie mentale se distingue des autres types de souffrance par le fait qu'on peut toujours espérer un rétablissement. Voilà ce qui rend l'amendement du Sénat au projet de loi C-7 si inquiétant.
Les personnes souffrant d'un problème de santé mentale ou d'une maladie mentale ont besoin d'aide pour vivre et s'épanouir, pas pour mourir au plus vite.
L'Association canadienne pour la santé mentale presse les députés de voter contre les amendements du Sénat au projet de loi C-7, et plus particulièrement contre la disposition qui prévoit qu'après une période prédéterminée, les personnes dont la maladie mentale est le seul problème médical invoqué pourront demander l'aide d'un médecin pour mourir.
Il y a ensuite la pétition que j'ai reçue ce matin, signée par 130 psychiatres, psychothérapeutes et professionnels de la santé mentale, nous demandant de rejeter l'amendement qui autoriserait l'aide médicale à mourir dans les cas où le seul problème de santé est une maladie mentale. Voici ce que dit la pétition:
Certaines personnes souffrant de maladie mentale, qui présente souvent des symptômes comme le désespoir et les pensées suicidaires, sont reconnues depuis longtemps comme pouvant être susceptibles d'être poussées au suicide et, jusqu'à maintenant, elles ont été inadmissibles à l'aide médicale à mourir. La prévention du suicide est reconnue comme étant une partie essentielle des services de santé mentale visant à préserver la vie. Un examen des données a montré que nous ne pouvons pas distinguer entre les personnes qui demandent l'aide médicale à mourir en raison d'une maladie mentale et celles qui la demandent parce qu'elles sont suicidaires, un problème qui ne se pose pas dans le cas des demandes d'aide médicale à mourir en raison d'une maladie en phase terminale.
À maintes reprises, nous avons entendu les professionnels de la santé dire à quel point le projet de loi serait désastreux pour la santé et la sécurité de leurs patients.
Par conséquent, la question qu'il faut se poser est la suivante: pourquoi cette précipitation? En temps de pandémie, les libéraux se sont donné comme priorité d'adopter le projet de loi . Cependant, le projet de loi n'est pas une grande priorité pour les citoyens canadiens. Je pense pouvoir dire sans risquer de me tromper que la majorité des Canadiens connaissent très peu de choses sur le projet de loi et ses répercussions.
Les Canadiens sont préoccupés par des choses beaucoup plus pressantes, comme rester en vie avec leurs êtres chers pendant la pandémie, s'en sortir financièrement, payer le loyer et l'hypothèque, garder leur emploi et éviter que leur entreprise fasse faillite.
Tout ce temps, pourtant, les libéraux n'ont pensé qu'à faire adopter le projet de loi , dans l'espoir de peut-être le faire adopter pendant que les Canadiens étaient occupés par autre chose. C'est l'un des changements d'ordre législatif les plus importants depuis longtemps, avec des implications majeures. Le visage de notre pays en sera sûrement changé, et la manière dont on conçoit la vie et la mort aussi. Ce changement a, à tout le moins, le potentiel de causer des préjudices individuels et sociaux et d'ouvrir la porte à des abus qu'aucune mesure de sauvegarde ne peut prévenir.
Je conclurai sur une dernière citation du Washington Post de cette semaine, tirée d'un article dont le titre était: « Le Canada se dirige vers une catastrophe humaine en ce qui concerne les personnes handicapées. » Voici ce que dit l'article:
Ce mois-ci, le Journal of Medicine & Philosophy est arrivé à la conclusion que, depuis 18 ans que la Belgique autorise ce genre d'euthanasie, les lois et règlements destinés à protéger les patients contre les abus faillissent bien souvent à la tâche. Les critères d'admissibilité ont progressivement été élargis, comme aux Pays-Bas, à tel point que de plus en plus de gens s'en prévalent pour une simple « fatigue de la vie », et non pour des raisons médicales.
Légaliser l'aide médicale à mourir dans le cas des personnes handicapées ne fait que renforcer le problème sous-jacent, à savoir le fait que le Canada a longtemps maltraité ses citoyens handicapés. Ce projet de loi ne fait qu'éluder le problème et n'est pas une solution.
Je pose donc la question que voici une fois de plus: si ce projet de loi est si fantastique, pourquoi les personnes vulnérables, pauvres ou handicapées ainsi que nos frères et sœurs autochtones se sentent-ils vraiment menacés? Pourquoi souhaitons-nous que nos hôpitaux offrent, d'un côté, des programmes de prévention du suicide et, de l'autre, des suicides assistés par un médecin? Je supplie mes collègues d'entendre les appels des personnes les plus vulnérables du pays et de rejeter le projet de loi , une mesure dangereuse et discriminatoire.