CIIT Rapport du Comité
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OPINION COMPLÉMENTAIRE DU BLOC QUÉBÉCOIS
DU DÉFICIT DÉMOCRATIQUE DES NÉGOCIATIONS
Des problèmes flagrants au niveau de la transparence
L'Accord de continuité commerciale entre le Canada et le Royaume-Uni (ACCCRU) vise à assurer que le Canada et le Royaume-Uni ne perdent pas leur fluidité commerciale. Rappelons que le Canada et l'Union européenne sont liés par une entente de libre-échange, l'Accord économique et commercial global, ou AECG, et que la décision du Royaume-Uni de quitter l'Union européenne a ainsi mis fin aux dispositions qui liaient Londres et Ottawa.
Le problème de transparence lors des négociations qui ont mené à la conclusion de cet accord transitoire avec le Royaume-Uni a été flagrant. Cela est malheureusement représentatif d’un déficit de transparence généralisé lors des négociations de plusieurs récents accords commerciaux internationaux du Canada.
Les membres du Comité permanent du commerce international ont discuté de l'accord transitoire avec des parties prenantes directement impliquées, et ce, sans avoir vu la moindre trace du texte. Cela a donné lieu à un véritable théâtre de l'absurde. On nous demandait d'étudier un accord sans en connaître le contenu. Nous recevions des témoins qui nous offraient des commentaires et des recommandations au sujet de l'entente, mais nous n'avions aucune vraie information sur le contenu de l'accord. On nous laissait uniquement entendre que l'échéance arriverait très rapidement, car il fallait adopter l'accord avant le 31 décembre.
Nous pourrions aussi bien dire qu'on nous demandait de signer un chèque en blanc au gouvernement, alors que c'est celui-là même qui a sacrifié la gestion de l'offre à trois reprises et qui, lors des dernières négociations de libre-échange, a abandonné les secteurs fondamentaux du Québec, comme l'aluminium et le bois d'œuvre. Pour ces raisons, nous ne sommes pas spontanément portés à lui accorder une confiance aveugle.
Le Comité a même dû remettre son rapport sur l'accord transitoire le jour où nous avons reçu le texte et avant même que nous puissions le lire. Le Bloc québécois a été très clair sur le fait que nous n'allions pas accepter d'estampiller un accord sans l'avoir lu ni sans avoir eu le temps de l'étudier et de l'analyser, c'est-à-dire sans avoir pu faire notre travail de parlementaires.
Les élus de la Chambre des communes, chargés de défendre les intérêts et les valeurs de leurs concitoyens et de leurs concitoyennes, doivent donc se contenter d'approuver des accords à la fin d'un processus où ils et elles n'auront finalement été que des figurants, et ce, malgré les efforts du Bloc québécois, qui avait déposé plusieurs projets de loi à ce sujet entre 2000 et 2004.
L'entente entre le Parti libéral et le Nouveau Parti démocratique, en 2020, dans le cadre de laquelle la vice-première ministre s'est engagée à transmettre davantage d'informations aux élus, est un pas dans la bonne direction. Toutefois, comme nous le démontre l'exemple du récent accord, cela est nettement insuffisant.
Informer et consulter les parlementaires et les provinces
Il faut qu'il y ait des mécanismes pour impliquer les parlementaires et les provinces, lors des prochaines rondes de pourparlers. Il est primordial que le gouvernement tienne les parlementaires informés à chacune des étapes de la procédure. Une telle exigence réduira le risque que les parlementaires aient à se prononcer sur des accords en ne disposant pas de tous les renseignements nécessaires pour faire un choix éclairé. Cela apportera de la transparence au processus de négociation.
Comme le réclame le Bloc québécois, le Parlement doit se doter de procédures visant à augmenter le niveau de contrôle démocratique à exercer sur les accords. Le ou la ministre responsable de la ratification d'un accord devrait être obligé de le déposer devant le Parlement, avec un mémoire explicatif, et ce, dans un délai suffisant. L'approbation des parlementaires doit précéder toute ratification.
Dans le cadre des négociations avec l'Europe menant à la ratification de l'AECG entre le Canada et l'Union européenne en 2017, le Québec a pu envoyer son représentant. Toutefois, cette participation aux discussions résultait d'une demande de l'Union européenne, et non de la volonté du Canada. Le procédé n'a jamais été reproduit depuis, mais il faudrait qu'il le soit.
Il nous apparaît essentiel que le Québec et les provinces soient également invités à la table des négociations, puisqu'ils ont formellement la capacité de faire obstacle à l'application d'un accord dans leurs propres champs de compétence. Les compétences du Québec vont au-delà de ses frontières, comme l'a lui-même reconnu le Conseil privé de Londres dans une décision rendue il y a plusieurs décennies et ayant mené à l'établissement, à Québec, de la doctrine Gérin-Lajoie.
Cela n'est pas parfait, bien entendu.
Lors des négociations de l'AECG, le représentant du Québec affirmait que le rôle de la délégation québécoise consistait à offrir « un billet doux » à la délégation canadienne et que son action s'apparentait à la diplomatie de corridors. Autrement dit, son rôle comptait, mais pas à la table, là où les décisions se prenaient.
Le Bloc Québécois regrette également qu’une recommandation de consulter les provinces avant l’adoption finale à la Chambre des Communes du projet de loi sur l’accord dont il est question dans ce rapport ait été rejetée par les membres du Comité permanent du Commerce international. Le gouvernement aurait ainsi pu démontrer sa volonté de transparence en mettant en place ces consultations
Au bout du compte, il n'y a que l'indépendance du Québec qui va nous permettre de réellement faire valoir nos positions à l'échelle internationale, puisque le négociateur canadien va toujours avoir tendance à protéger les différents secteurs économiques canadiens au détriment de ceux du Québec.
Le Brexit, l’ACCRU et l’avenir du Québec
Au-delà de l'accord, le procédé en lui-même est porteur de leçons par rapport au Québec et son projet d'indépendance. Les cas du Royaume-Uni et du Québec sont bien entendu fort différents. Il n'en demeure pas moins que le Brexit représente une première dans l'histoire. Il s'agit d'un État qui a quitté une union douanière à laquelle il appartenait et qui ne fait donc plus partie de certains accords commerciaux. En cela, la situation est comparable au Québec. Les adversaires du projet, qui ont toujours joué sur les peurs économiques, affirmaient que le Québec ne serait pas automatiquement membre des accords commerciaux signés par le Canada, se retrouvant alors devant une page blanche et devant repartir à zéro quant à ses partenaires.
Le constitutionnaliste Daniel Turp, qui a déjà siégé à la Chambre des communes ainsi qu'à l'Assemblée nationale du Québec, a jadis fait valoir que les pays appliqueraient une présomption de continuité si le nouveau pays manifestait son intention de demeurer lié par un traité donné. Cependant, la démonstration de M. Turp ne visait que les ententes multilatérales. La question demeurait entière par rapport aux traités commerciaux.
Le seul précédent en matière de traité commercial remonte à 1973, quand le Bangladesh a quitté le Pakistan pour devenir indépendant. Le Pakistan étant lié par l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, mieux connu sous l'acronyme anglais GATT, le Bangladesh y a adhéré automatiquement du jour au lendemain. Cependant, le GATT était un traité multilatéral dont le libellé n'avait pas besoin d'être renégocié pour permettre l'arrivée d'un nouvel adhérent. Qu'en serait-il d'un traité bilatéral? Les Britanniques ont répondu à cette interrogation.
En résumé, le Canada est déjà signataire d'un accord avec l'Union européenne, l'AECG. Pour éviter que le départ du Royaume-Uni de l'Union européenne ne crée un vide dans les relations entre Londres et Ottawa, un accord provisoire est très rapidement conclu entre les deux pays, qui reprend le contenu de l'AECG et qui demeurera en vigueur à court terme jusqu'à ce que les deux partenaires renégocient une entente permanente. La stabilité est donc assurée jusque-là.
Le Brexit montre au Québec la voie à suivre lorsqu'une nation commerçante conquiert ou récupère sa souveraineté. Un Québec fraîchement indépendant imiterait bien sûr cette façon de faire et conclurait rapidement des ententes provisoires pour assurer à nos entreprises un accès aux marchés en attendant de renégocier des accords permanents avec nos partenaires.
Loin d'être pris au dépourvu, le Royaume-Uni a déjà conclu des traités commerciaux avec 60 des 70 pays avec lesquels l'Union européenne en avait. Par ailleurs, il a maintenant une entente avec le Japon, avec lequel l'Union européenne n'avait pas d'accord.
Parce qu'ils sont provisoires, les accords transitoires n'exemptent pas les pays nouvellement indépendants de retourner à la table des négociations, de préférence plus tôt que tard. Il n’y a cependant aucun problème majeur à renégocier ce qu’un autre a négocié pour nous. C'est ce que le Royaume-Uni devrait normalement faire cette année avec le Canada. Si nous le faisions aussi, cela nous éviterait d'affaiblir des secteurs chers au Québec comme son agriculture, son aluminium ou bien son bois d'œuvre. Il y a beaucoup plus d'avantages que d'inconvénients à ne défendre que ses intérêts à la table des négociations.