ETHI Rapport du Comité
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Questions de conflits d’intérêts et de lobbying en relation avec les dépenses liées à la pandémie
Introduction
Le 30 juillet 2020, le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes (le Comité) a commencé une étude concernant les mesures de protection en place, dans les politiques sur les dépenses du gouvernement fédéral, pour prévenir les conflits d’intérêts[1]. Le Comité a tenu deux réunions publiques sur cette question, les 10 et 11 août 2020 respectivement, au cours desquelles il a entendu 11 témoins. Le 14 août 2020, le Parlement a été prorogé, et l’étude n’a donc pu être poursuivie.
Le 20 novembre 2020, le Comité a entrepris une étude sur les questions de conflits d’intérêts et de lobbying en relation avec les dépenses liées à la pandémie, en se concentrant sur trois cas particuliers : l’administration de la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant (BCBE) et l’organisme UNIS[2]; les communications de l’ex-titulaire de charge publique principal David MacNaughton avec des représentants du gouvernement; l’attribution par le gouvernement fédéral d’un contrat pour l’achat de ventilateurs à FTI Professional Grade, une entreprise associée à Baylis Medical Inc.[3]. La motion de l’étude se lit comme suit :
- Que, conformément à l’alinéa 108(3)h), ce Comité entreprenne une étude sur les questions liées aux conflits d’intérêts et à la Loi sur le lobbying relativement aux dépenses liées à la pandémie;
- Que cette étude poursuive nos travaux relatifs à la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant, y compris les travaux réalisés par ce Comité pour examiner les mesures de protection visant à prévenir les conflits d’intérêts dans les dépenses du gouvernement fédéral; les dépenses publiques, l’organisme UNIS et la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant; l’administration de la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant et l’organisme UNIS;
- Que cette étude comprenne :
- a) la prise en compte de tous les aspects de la relation entre le gouvernement et Baylis Medical Company Inc. ainsi qu’avec l’ancien député libéral Frank Baylis, y compris l’attribution d’un contrat d’approvisionnement pour des instruments médicaux;
- b) un examen de la relation entre Palantir Canada et le gouvernement, y compris le manquement à la Loi sur les conflits d’intérêts par l’ancien ambassadeur du Canada aux États-Unis, David MacNaughton;
- c) le Comité se penche principalement, sur les contrats conclus pour les allocutions de Justin Trudeau et de Sophie Grégoire Trudeau dans le cadre des activités organisées par Speakers’ Spotlight depuis 14 octobre 2008;
- d) que le Comité invite à témoigner les représentants de Speakers’ Spotlight concernant tous les dossiers relatifs aux allocutions organisées depuis le 14 octobre 2008 pour Justin Trudeau et de Sophie Grégoire-Trudeau;
- e) qu’un ordre du Comité soit émis à Speakers’ Spotlight pour l’obtention d’une copie de tous les dossiers relatifs aux allocutions organisées depuis le 14 octobre 2008 pour Justin Trudeau et Sophie Grégoire Trudeau — ce qui comprend, pour chaque allocution, les montants versés, toute dépense remboursée et le nom de l’entreprise, de l’organisation, de la personne ou de l’entité qui l’a organisée;
- f) que les documents énumérés en e) soient remis à la greffière du Comité dans les sept jours de l’adoption de la présente motion et que l’étude de ceux-ci se déroule à huis clos;
- g) que, pour l’étude des documents pendant les
réunions à huis clos :
- i. seuls les membres du Comité soient autorisés à participer;
- ii. aucun appareil mobile ou électronique ne soit permis dans la salle pendant ces réunions;
- iii. des copies papier numérotées des documents soient remises aux membres du Comité par la greffière au début de chacune des réunions prévues à cet effet et que ces copies soient remises à la greffière à la fin de chaque réunion;
- iv. les copies des documents soient conservées au bureau de la greffière et qu’en dehors des réunions, les membres du Comité puissent seulement les consulter en se présentant au bureau de la greffière, et qu’aucun appareil mobile ou électronique ne se trouve dans la pièce pendant la consultation des documents;
- [Q]ue le Comité fasse part de ses conclusions et de ses recommandations à la Chambre afin de permettre au gouvernement de mener les affaires publiques tout en ayant la confiance du public envers son intégrité.
Comme indiqué dans la motion, les membres du Comité ont décidé que cette étude serait la suite de celle entreprise en août 2020. De ce fait, le présent rapport tient compte des témoignages recueillis au début août 2020. Lorsque le contexte l’exige, ce rapport renvoie également à des témoignages publics ou à des documents d’autres comités de la Chambre des communes qui ont mené des études au sujet de la BCBE[4].
En tout, en comptant les deux réunions publiques d’août 2020, le Comité a consacré à cette étude 17 réunions, au cours desquelles il a entendu 32 témoins. Il a aussi reçu six mémoires sur le sujet. Ce rapport fournit un résumé des témoignages recueillis et présente les recommandations du Comité.
L’organisme unis et la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant
Contexte
Le 22 avril 2020, le premier ministre a annoncé la création de la BCBE, le but étant de venir en aide aux étudiants de niveau postsecondaire et aux nouveaux diplômés pendant la pandémie[5]. Finalement, la BCBE a été annulée, à cause des inquiétudes suscitées par le programme, dont beaucoup concernaient le choix de l’organisme UNIS pour l’administrer. En raison de la pandémie de COVID-19, le gouvernement fédéral a développé la BCBE dans un délai exceptionnellement court, et de nombreux détails ont été développés après l'annonce du programme.
Avec la BCBE, les bénévoles pouvaient obtenir une bourse correspondant à un paiement unique de 1 000 $ pour chaque tranche de 100 heures de bénévolat effectuées entre juin et octobre 2020, jusqu’à concurrence de 5 000 $[6]. Les bourses devaient être versées aux participants par l’intermédiaire d’un tiers administrateur du programme que le gouvernement devait financer en vertu d’un accord de contribution. Le gouvernement fédéral avait prévu jusqu’à 912 millions de dollars pour ce programme, dont l’administrateur pouvait obtenir le défraiement des coûts admissibles[7].
Emploi et Développement social Canada (EDSC) s’est occupé de l’élaboration de la BCBE, sous la direction de Bardish Chagger, ministre de la Diversité et de l’Inclusion et de la Jeunesse. Ian Shugart, greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, au Bureau du Conseil privé (BCP), a expliqué qu’EDSC et le ministère de Finances avaient défini le programme et élaboré les détails, et que des représentants du BCP avaient « prépar[é] les éléments de la proposition en vue de l’examen devant être effectué par le [Comité du Cabinet chargé de la réponse fédérale à la maladie à coronavirus (le Comité du Cabinet sur la COVID-19)] et, finalement, par le Cabinet[8] ». Bill Morneau, alors ministre des Finances, était responsable de l’approbation finale du financement étant donné que la BCBE relevait de la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national (maintenant abrogée)[9].
Le 25 juin 2020, le premier ministre a annoncé que l’organisme UNIS avait été choisi pour administrer la BCBE[10]. À la suite de cette annonce, des voix discordantes se sont fait entendre pour lancer des allégations de lobbying abusif de la part de l’organisme UNIS et faire état de craintes de conflits d’intérêts justifiées essentiellement par les liens de l’organisme avec le premier ministre Justin Trudeau et le ministre des Finances Bill Morneau.
Le 3 juillet 2020, l’organisme UNIS a déclaré qu’il transférait la responsabilité administrative de la BCBE au gouvernement fédéral en raison de la controverse et des questions soulevées à l’égard « de l’origine du programme, de la décision de sous-traiter l’exploitation du programme, du choix de l’organisme UNIS à titre de partenaire du gouvernement et du bien-fondé de payer les bénévoles[11] ». Le 9 septembre 2020, l’organisme UNIS a annoncé qu’il allait mettre fin à ses activités au Canada[12]. Ce processus était encore en cours le 15 mars 2021[13].
Répondant à des questions des membres du Comité, Craig Kielburger, fondateur de l’organisme UNIS, a fait part de sa volonté de coopérer avec les agents du Parlement mandatés par les parlementaires ou d’autres instances gouvernementales pour procéder à des examens ou des enquêtes. Craig Kielburger a confirmé que l’organisme UNIS n’avait pas été contacté par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ni par l’Agence du revenu du Canada (ARC) ou l’Internal Revenue Service des États-Unis[14]. Il a toutefois indiqué au Comité que la police s’était rendue à son domicile à de multiples reprises, parce que lui-même et sa famille ont été la cible d’actes d’intimidation et de menaces de mort, et que des membres du personnel de l’organisme UNIS ont aussi reçu des menaces de mort. Il a indiqué qu’il pensait que cela avait un lien avec la participation de l’organisme UNIS au programme de la BCBE[15].
Quand le Comité a commencé son étude, il était déjà au courant des principaux éléments de l’affaire concernant l’organisme UNIS et la BCBE grâce au Comité permanent des Finances de la Chambre des communes (Comité des finances) et les communications de l’organisme UNIS. Le tableau 1 ci-dessous dresse la chronologie des faits saillants dans l’élaboration de la BCBE et son administration avant le début de l’étude du Comité entreprise en août 2020.
Tableau 1 — Chronologie des principaux événements concernant l’établissement et l’administration de la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant avant l’étude du Comité
Date |
Événement |
Octobre 2007 à Septembre 2017 |
Justin Trudeau participe à huit Journées UNIS. Il n’est pas payé pour ses interventions. |
De février 2012 à mai 2020 |
Sophie Grégoire-Trudeau participe à huit activités de l’organisme UNIS et reçoit en 2012, en tant que conférencière, des honoraires de 1 500 $ versés en une seule fois. Elle a pour 24 000 $ de dépenses couvertes et reçoit 240 $ en cadeaux. À partir de 2018, Mme Grégoire-Trudeau fait du bénévolat pour l’organisme UNIS comme « ambassadrice et alliée », travail qui est permis par le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique. |
Juin et décembre 2017 |
Bill Morneau, à l’époque ministre des Finances, son épouse et sa fille font un voyage au Kenya, en juin 2017, pour connaître les projets d’écoles de l’organisme UNIS et, en décembre 2017, ils vont en Équateur pour appuyer la construction d’écoles par cet organisme. Le ministre Morneau affirme que l’organisme UNIS n’a pas délivré de reçus pour les dépenses encourues dans le cadre de ces activités, et qu’il avait l’intention de les payer lui-même. L’organisme UNIS déclarera par la suite avoir communiqué oralement le montant de ces dépenses au personnel du ministre Morneau. |
Avril 2018 et juin 2020 |
L’épouse du ministre Morneau fait deux dons à l’organisme UNIS de 50 000 $ chacun. |
Mars 2020 |
L’organisme UNIS commence à mettre des employés à pied, entrevoyant des difficultés financières dues à la pandémie; 197 de ses 390 employés perdent leur emploi. |
Début avril 2020 |
L’organisme UNIS remplace tous les membres de son conseil d’administration, sauf un au Canada et deux aux États-Unis. |
5 avril 2020 |
Le premier ministre Trudeau et le ministre Morneau discutent des mesures d’aide aux étudiants, évoquant la possibilité d’utiliser Service jeunesse Canada et le programme Emplois d’été Canada. |
6 avril 2020 |
Le premier ministre annonce l’application prochaine de mesures de soutien destinées aux étudiants. |
7 avril 2020 |
Mary Ng, ministre de la Petite Entreprise, de la Promotion des exportations et du Commerce international appelle Craig Kielburger, de l’organisme UNIS, pour lui faire part de sa volonté d’aider les jeunes dans la création de petites entreprises. |
9 avril 2020 |
Craig Kielburger envoie à la ministre Ng une proposition existante de programme d’entrepreneuriat pour les jeunes. Ce document est transmis à au moins 17 ministres, personnel ministériel et hauts fonctionnaires. |
10 avril 2020 |
Dans un courriel qu’il adresse au ministre Morneau, M. Craig Kielburger dit que la ministre lui a suggéré de soumettre une proposition d’élargissement du programme d’entrepreneuriat pour les jeunes de l’organisme UNIS, dans le cadre des efforts destinés à atténuer les difficultés économiques causées par la pandémie. |
16 avril 2020 |
Dans un échange de courriels incluant des représentants du ministère des Finances du Canada (ministère des Finances) et d’EDSC, Rachel Wernick, sous‑ministre adjointe principale, Direction générale des compétences et de l’emploi à EDSC et Michelle Kovacevic, sous-ministre adjointe à la Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale du ministère des Finances discutent des organisations fédérales et tierces parties potentielles pour offrir un programme de soutien aux étudiants. Mme Wernick lance l’idée d’un jumelage de bénévoles donnant droit à un crédit d’impôt pour frais de scolarité par l’intermédiaire d’un organisme comme l’organisme UNIS. |
17 avril 2020 |
Craig Kielburger et Sofia Marquez, alors responsable des relations avec le gouvernement et les intervenants au sein de l’organisme UNIS, appellent Bardish Chagger, ministre de la Diversité et de l’Inclusion et de la Jeunesse, afin de discuter de la proposition d’entrepreneuriat social de l’organisme UNIS. |
18 avril 2020 |
À l’occasion d’une séance d’information, des fonctionnaires disent au ministre Morneau qu’il faudrait un administrateur tiers pour la BCBE, et évoquent l’organisme UNIS, entre autres, comme exemple d’organisme faisant un travail semblable. La proposition d’entrepreneuriat de l’organisme UNIS est jointe aux documents d’information à l’attention du ministre. |
19 avril 2020 |
Mme Wernick appelle Craig Kielburger et présente les grandes lignes d’un programme de bénévolat pour les jeunes en cours d’élaboration. Craig Kielburger décrit également la proposition initiale d’entrepreneuriat pour les jeunes qu’il a envoyée précédemment à la ministre Ng. |
19 avril 2020 |
EDSC envoie la proposition d’entrepreneuriat de l’organisme UNIS à Mme Kovacevic, qui la fait parvenir à Amitpal Singh, conseiller principal en politique au cabinet du ministre des Finances. Cette proposition est jointe en annexe au dossier d’information destiné ce soir-là au ministre Morneau, sans recommandation ni analyse. |
20 avril 2020 |
M. Singh communique avec l’organisme UNIS pour discuter de la capacité de l’organisme à offrir des possibilités de bénévolat. Il dit dans un courriel à des collègues au gouvernement que l’organisme UNIS souhaite retravailler sa proposition concernant 10 semaines d’été pour la rendre conforme à l’objectif de la politique gouvernementale sur le bénévolat national. M. Singh ne fait aucune promesse à l’organisme UNIS, mais, la même journée, il laisse entendre que ses collègues devraient intégrer UNIS dans le processus une fois les politiques approuvées. |
20 avril 2020 |
Mme Marquez envoie un courriel à un fonctionnaire d’EDSC résumant sa conversation du 17 avril 2020 avec Craig Kielburger et la ministre Chagger. Elle y dit que la ministre Chagger était intéressée à l’idée d’adapter la proposition concernant l’entrepreneuriat soumise à la ministre Ng, et qu’elle a suggéré d’ouvrir un volet sur le bénévolat des jeunes. Mme Marquez se dit prête à modifier la proposition de l’organisme UNIS si on lui donne les objectifs stratégiques appropriés. |
20 avril 2020 |
Un courriel de Mme Kovacevic à un destinataire non identifié dit que le Cabinet du premier ministre (CPM) s’est exprimé au sujet de la version de la proposition de l’organisme UNIS envoyée au ministre des Finances le 18 avril 2020. Le premier ministre a déclaré par la suite que son personnel avait travaillé avec le BCP et d’autres ministères, et que ceux-ci savaient que la proposition de l’organisme UNIS était à l’étude. Il n’a toutefois jamais parlé avec son personnel de l’implication éventuelle de l’organisme UNIS avant le 8 mai 2020. |
21 avril 2020 |
Le ministre Morneau approuve verbalement les grandes lignes de la BCBE et l’intervention possible d’une tierce partie. Il indiquera plus tard qu’aucune tierce partie n’avait été choisie à ce moment-là. Sans l'approbation du ministre, M. Singh demande à Mme Kovacevic d'inclure 12 millions de dollars pour la proposition d'entrepreneuriat social de l’organisme UNIS dans un document de décision destiné au ministre Morneau. |
22 avril 2020 |
Le premier ministre annonce le lancement d’une BCBE de 912 millions de dollars. |
22 avril 2020 |
Après l'annonce du Premier ministre, Craig Kielburger partage une deuxième proposition de programme de bénévolat pour étudiants avec divers ministres, personnel ministériel et hauts fonctionnaires. Mme Marquez s'est souvenue par la suite que la proposition était basée sur des paramètres et des lignes directrices générales que Mme Wernick avait partagés avec M. Kielburger le 19 avril 2020. |
23 avril 2020 |
Le ministère des Finances et EDSC discutent de la possibilité que l’organisme UNIS offre des stages de bénévolat virtuels et administre éventuellement la BCBE. |
24 avril 2020 |
Mmes Kovacevic et Wernick appellent Craig Kielburger et Mme Marquez pour parler de l’organisme UNIS et de ses capacités. Le seul engagement que prend EDSC, c’est de faire un suivi auprès de l’organisme UNIS. |
24 avril 2020 au 1er mai 2020 |
Du personnel d’EDSC, du ministère des Finances et du cabinet du ministre des Finances discutent de la proposition de l’organisme UNIS, y compris avec le personnel de l’organisme, afin de développer une proposition-cadre pour la BCBE. |
5 mai 2020 |
La ministre Chagger présente la proposition de BCBE au Comité du Cabinet chargé de la réponse fédérale à la maladie à coronavirus, incluant la recommandation des fonctionnaires que l’organisme UNIS administre la BCBE. |
8 mai 2020 |
Le premier ministre apprend que des fonctionnaires ont recommandé l’organisme UNIS. Il retire la BCBE des discussions du Cabinet de cette journée-là et demande que les fonctionnaires fassent preuve de plus de diligence raisonnable pour s’assurer que l’organisme UNIS est la meilleure ou la seule organisation pouvant administrer la BCBE. |
22 mai 2020 |
Le Cabinet ratifie la BCBE, sous réserve de l’approbation finale du financement, y compris la participation de l’organisme UNIS. Ni le premier ministre ni le ministre des Finances ne se récusent de cette décision. |
3 juin 2020 |
Le ministre Morneau donne son approbation finale à la décision de financement révisée de la BCBE. |
23 juin 2020 |
La WE Charity Foundation signe avec EDSC l’accord de contribution concernant la BCBE, antidaté au 5 mai 2020. |
25 juin 2020 |
Le premier ministre annonce que l’organisme UNIS a été choisi pour administrer la BCBE. |
3 juillet 2020 |
L’organisme UNIS annonce son retrait de la BCBE et en transfère les responsabilités opérationnelles au gouvernement fédéral. |
3 juillet 2020 |
Mario Dion, commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, entreprend un examen sur de possibles contraventions aux dispositions 6(1), 7 et 21 de la Loi sur les conflits d’intérêts de la part du premier ministre. |
13 juillet 2020 |
Le premier ministre et l’ancien ministre des Finances présentent tous les deux des excuses pour ne pas s’être récusés des discussions du Cabinet sur l’attribution à l’organisme UNIS de l’accord de contribution concernant la BCBE. |
16 juillet 2020 |
M. Dion commence un examen sur de possibles contraventions aux dispositions 6(1) et 21 de la Loi sur les conflits d’intérêts de la part du ministre Morneau. |
22 juillet 2020 |
Le ministre Morneau verse 41 366 $ à l’organisme UNIS au titre du remboursement des frais de voyage et d’hébergement encourus par sa famille et lui-même. Il a déclaré être surpris de découvrir qu’il n’avait pas déjà payé ces dépenses. |
29 juillet 2020 |
M. Dion élargit son examen concernant le ministre Morneau pour inclure de possibles contraventions aux dispositions 11(1) et 12 de la Loi sur les conflits d’intérêts. |
Sources : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir d’informations obtenues auprès du Comité permanent des finances de la Chambre des communes (FINA), Témoignages, 1re session, 43e législature, 16 juillet 2020; FINA, Témoignages, 1re session, 43e législature, 22 juillet 2020; FINA, Témoignages, 1re session, 43e législature, 28 juillet 2020; FINA, Témoignages, 1re session, 43e législature, 30 juillet 2020; ministère des Finances du Canada, Réponse écrite soumise au Comité permanent des finances de la Chambre des communes au sujet de l’organisme UNIS; et organisme UNIS, Media Statement – WE Charity, 3 juillet 2020 [disponibles en anglais seulement].
Les sections suivantes dressent un résumé de ce que le Comité a entendu au sujet des questions de conflits d’intérêts et de lobbying concernant la BCBE.
Attribution de l’accord de contribution à l’organisme UNIS
La décision du gouvernement reconnaissant l’organisme UNIS comme meilleure et seule option disponible
Comme nous le verrons dans cette section, plusieurs responsables fédéraux ont dit au Comité que le gouvernement avait attribué l’accord de contribution à l’organisme UNIS après être parvenu à la conclusion que c’était la seule et la meilleure option disponible pour l’administration de la BCBE. D’autres ont mis en doute cette affirmation.
Marc Tassé, comptable professionnel agréé exerçant au Québec et en Ontario et professeur à temps partiel à l’Université d’Ottawa, a comparu à titre personnel. Il a déclaré que si l’organisme UNIS avait aidé à l’élaboration du programme avant que l’accord de contribution ne lui soit attribué, on pourrait y voir un conflit d’intérêts[16]. Il pourrait y avoir également un conflit d’intérêts si les fonctionnaires avaient senti qu’on faisait pression sur eux afin qu’ils choisissent l’organisme UNIS pour gérer le programme, en fonction de certaines considérations comme :
« [L’organisme UNIS] est-il intervenu pour clarifier certains points ou pour participer à l’élaboration de tout le contrat? Il faut d’abord se demander s’il était nécessaire que cette partie soit présente à l’élaboration du contrat. Ensuite, si [des fonctionnaires disent] avoir senti des pressions [pour choisir UNIS], il faut en déterminer le degré. A‑t‑on demandé des réponses rapides ou a-t-on interdit de poser certaines questions?[17] »
M. Shugart a précisé que même si les représentants du gouvernement savaient, au moment de l’annonce de la BCBE, que l’organisme UNIS avait proposé des idées concernant un éventuel programme de bénévolat, aucune offre n’avait été faite à ce moment-là à UNIS pour administrer la BCBE[18]. Il a expliqué par ailleurs que d’autres organisations non gouvernementales, comme Universités Canada et l’Assemblée des Premières Nations, ont été consultées dans la recherche de solutions possibles pour aider les étudiants « dès le début d’avril[19] ».
M. Shugart et Benoît Robidoux, sous-ministre délégué à EDSC, ont dit tous les deux que l’élaboration de ce programme s’était faite de façon « organique[20] ». Selon M. Shugart,
La première étape a été de déterminer les caractéristiques du programme […] Les idées ont surgi d’un peu partout et, peu à peu, il a pris forme […] À mesure que [les] caractéristiques [du programme] se précisaient, il est devenu évident qu’il faudrait faire appel à une tierce partie pour son élaboration, mais il n’a jamais été question qu’UNIS élabore un programme pour le gouvernement[21].
M. Shugart a expliqué également que Service jeunesse Canada était « le meilleur organisme pour mettre en œuvre [le programme] au sein de la fonction publique » et administrer la BCBE, mais qu’on s’était rendu à l’évidence qu’il ne serait pas en mesure d’exécuter un programme de cette envergure et de faire le travail de sensibilisation proactive auprès des Canadiens dans les délais prévus[22]. Répondant à la question d’un membre du Comité, il a dit que devant l’urgence de la situation, « c’était l’organisme UNIS ou rien[23] ».
Le 21 mai 2020, Christiane Fox, alors sous-ministre des Affaires intergouvernementales, a mis le premier ministre au courant des éléments à considérer dans l’élaboration de la BCBE, en se fondant sur son expérience comme ancienne sous-ministre des Affaires intergouvernementales et de la Jeunesse au BCP. Mme Fox a averti qu’il pourrait s’avérer difficile d’augmenter le nombre d’occasions de bénévolat de Service jeunesse Canada pour offrir les 20 000 places proposées dans un délai de quatre mois; qu’il serait préférable de faire appel à un organisme national tiers disposant d’une très bonne plateforme numérique et d’une expérience dans la mobilisation des jeunes; qu’il était important d’offrir des occasions dans les deux langues officielles; que le programme devait éliminer les obstacles à la participation des jeunes sous‑représentés; et que l’organisme partenaire devrait travailler en collaboration avec d’autres agences au service de la jeunesse[24].
Dans le même ordre d’idées, Carla Qualtrough, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes handicapées, a déclaré que, normalement, EDSC ne fait pas le type de travail requis pour l’administration de la BCBE[25]. Elle a aussi fait remarquer que le programme Emplois d’été Canada n’a pas été conçu pour faire « du travail sur le terrain », comme celui nécessaire pour la BCBE[26]. Elle a rappelé par ailleurs que la fonction publique étant très sollicitée, elle n’aurait pas pu bien s’occuper de la BCBE[27].
Michelle Kovacevic, sous-ministre adjointe, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale, au ministère des Finances, a nié le fait que le gouvernement ait arrêté son choix sur l’organisme UNIS, après la réunion du 17 avril 2020 entre la ministre Chagger et les représentants d’UNIS, affirmant que selon ses courriels – transmis au Comité des finances –, « beaucoup d’organismes potentiels[28] » ont été pris en considération. Mme Kovacevic a ajouté qu’à aucun moment on ne lui a demandé de choisir un organisme plutôt qu’un autre, que la décision a été prise « soigneusement et rigoureusement », et que « l’Organisme UNIS était la meilleure organisation pour l’exécution du programme — compte tenu de la pandémie de COVID et des délais très, très serrés — pour atteindre ses cibles ambitieuses[29] ».
M. Robidoux a déclaré pour sa part que la première fois qu’il a entendu parler de la participation éventuelle de l’organisme UNIS en lien au soutien pour les étudiants, c’était dans un courriel du 16 avril 2020, dans lequel on proposait que l’organisme s’occupe de la promotion d’un programme de soutien pour les étudiants dans les médias sociaux[30]. Il a tenu toutefois à préciser que « ce n’était que l’une des organisations qui faisaient l’objet des discussions », et pour une proposition différente de la BCBE[31].
Marc Kielburger, fondateur de l’organisme UNIS, a dit au Comité que l’organisme avait été informé que d’autres groupes étaient à l’étude pour l’administration de la BCBE, de sorte que son organisme a pensé, « dans les premières étapes » du processus, que « tout était régulier[32] ».
Craig Kielburger a ajouté qu’il aurait souhaité que cela se fasse dans le cadre d’un processus d’appel d’offres ouvert, parce qu’il estimait que l’organisme UNIS était un bon candidat. Il a confirmé qu’on avait dit à l’organisme UNIS que plusieurs organismes étaient envisagés de manière explicite[33]. Il a aussi décrit l’engagement de longue date de l’organisme UNIS auprès du gouvernement fédéral, citant la visite, en octobre 2017, de Rachel Wernick, sous‑ministre adjointe principale, Direction générale des compétences et de l’emploi à EDSC, pour évaluer la capacité d’UNIS à fournir les services; la subvention de 800 000 $, en juin 2018, pour une initiative concernant le bénévolat des jeunes; et la collaboration avec EDSC, de mai 2019 à mars 2020, pour déterminer comment la fonction publique pouvait mettre en œuvre un programme national de bénévolat[34].
Mark Blumberg, associé chez Blumberg Segal LLP, a indiqué que le fait d’avoir choisi l’organisme UNIS pour administrer le programme soulevait un grand problème[35]. Réagissant à la conclusion des fonctionnaires selon laquelle l’organisme UNIS était le seul organisme capable d’administrer la bourse, M. Blumberg a déclaré que c’était « ridicule » et « dégradant pour le secteur caritatif », quand on connaît la capacité et l’expertise de ce secteur[36]. Il s’est donc demandé si la vérification diligente d’EDSC avait été suffisante[37].
Diligence raisonnable du gouvernement fédéral dans le processus d’attribution
Certains témoins se sont exprimés devant le Comité au sujet des processus en matière de diligence raisonnable appliqués dans l’attribution à l’organisme UNIS de l’accord de contribution concernant la BCBE. La présente section résume les témoignages sur le choix initial et la période comprise entre le 8 et le 21 mai 2020 quand, à la demande du premier ministre, les fonctionnaires ont exercé une plus grande diligence raisonnable pour déterminer si, effectivement, l’organisme UNIS était le seul et meilleur organisme capable d’administrer la BCBE[38].
À ce propos, il convient de noter que le 25 mars 2021, la Chambre des communes a adopté une motion ordonnant au BCP la production, pour le compte du Comité, des rapports de diligence raisonnable concernant la BCBE dont il devait s’occuper[39]. Le BCP n’a pas fait parvenir de « rapports de diligence raisonnable » particuliers au Comité, mais il lui a remis le même dossier de notes et de communications qu’il avait transmis au Comité des finances, accompagné des pièces justificatives, en laissant entendre que cette information témoignait de la diligence raisonnable dont avait fait preuve les fonctionnaires à l’égard de la BCBE.
Selon M. Blumberg, l’attribution aurait mérité une plus grande diligence raisonnable en raison des nombreuses questions de conformité se posant au sujet de l’organisme UNIS,
y compris — mais sans limitation — le recours à des sociétés multiples, dont certaines sont des organismes de bienfaisance canadiens enregistrés, et un manque de clarté entre les différentes sociétés; le traitement des employés pendant leur emploi et après; les rapports et la transparence; le lobbying sans enregistrement auprès des représentants du gouvernement; les activités partisanes; l’entreprise sociale et les activités commerciales; les processus et l’équité des subventions du gouvernement; la détention de vastes biens immobiliers; la commandite d’entreprise et l’accès aux enfants; la rémunération des fondateurs; la gouvernance; et la participation des fondateurs dans l’organisme de bienfaisance pour une longue période. Autant de questions qui ont été soulevées ces derniers mois[40].
M. Blumberg a fait valoir que s’il s’avérait que le ministère des Finances avait influencé la décision d’EDSC de choisir l’organisme UNIS, la démission du ministre Morneau, en août 2020, aurait peut-être mis un terme à toute influence indue[41]. Cependant, s’il s’avérait qu’EDSC n’a pas été influencé de manière indue par le ministre ou le ministère des Finances et a recommandé l’organisme UNIS de sa propre initiative, cela « remettrait sérieusement en question la capacité d’EDSC de faire des exercices de diligence raisonnable appliqués aux organismes de bienfaisance et les décisions qui en découlent[42] ».
M. Shugart a rappelé au Comité que Katie Telford, chef de Cabinet du premier ministre, avait soulevé des questions en matière de diligence raisonnable et « demandé des garanties que tout était fait selon les règles et de manière transparente parce qu’elle connaissait les liens et les antécédents du premier ministre » avec l’organisme UNIS[43]. Selon Pablo Rodriguez, leader du gouvernement à la Chambre des communes, il y a eu des questions quant à savoir pourquoi on avait recommandé l’organisme UNIS, pourquoi il n’y avait pas d’autres organismes et pourquoi les ministères et organismes fédéraux ne pouvaient pas faire eux-mêmes le travail[44].
M. Shugart a indiqué que la diligence raisonnable exercée à l’égard de la BCBE était normale, puisque les fonctionnaires ont le devoir de « considérer les options et de répondre aux demandes des ministres en tenant compte des préférences établies à l’élaboration d’un programme[45] ». Il a ajouté que la diligence raisonnable dont ont fait preuve les fonctionnaires dans le cas de la BCBE a porté essentiellement sur la capacité de l’organisme UNIS à exécuter le programme, notamment dans les deux langues officielles, dans toutes les régions, et en incluant les groupes défavorisés[46]. Des documents du BCP expliquent que les fonctionnaires ont tenu compte de l'achèvement par l’organisme UNIS de projets antérieurs et en cours, des résultats obtenus dans le contexte de ces projets et de sa bonne situation financière pour les projets précédents[47]. La ministre Chagger a ajouté, outre ces éléments, qu’elle s’était assurée que les étudiants qui avaient le plus besoin d’aide la recevraient, grâce à la BCBE, et qu’on allait recueillir des données désagrégées sur les communautés désavantagées[48].
M. Shugart a expliqué également que lors de la séance d’information des fonctionnaires devant le premier ministre, le 8 mai 2020, avant la réunion du Cabinet, le premier ministre « avait confiance que les fonctionnaires rempliraient leurs obligations de diligence raisonnable à l’égard de l’accord de contribution proposé » et de la BCBE[49]. Conséquemment, le premier ministre n’a pas demandé de preuves documentaires démontrant que la fonction publique ne pouvait pas administrer la BCBE, pas plus qu’il n’a demandé si l’organisme UNIS avait un conseil d’administration fonctionnel ou si ses finances et sa situation bancaire étaient en ordre[50].
M. Shugart a déclaré par ailleurs que la fonction publique n’avait pas fait preuve d’une diligence raisonnable particulière à l’égard des « autres questions relatives à l’organisme, comme celles liées au conseil d’administration[51] ». Il a ajouté qu’on n’avait pas non plus vérifié la solvabilité de l’organisme UNIS, étant donné que le gouvernement avait déjà fait affaire avec cet organisme auparavant, et que l’accord de contribution prévoyait une bonne gestion des finances[52]. Alors que la fonction publique avait déterminé que l’organisme UNIS était en mesure d’offrir le programme dans les deux langues, M. Shugart n’était pas au courant, avant sa comparution devant le Comité le 11 août 2020, que l’organisme avait retenu les services du cabinet de relations publiques NATIONAL pour s’occuper de faire la promotion du programme auprès des communautés francophones[53].
M. Shugart a indiqué qu’on ne lui avait pas demandé conseil au sujet du niveau de diligence raisonnable exercé à l’égard de l’accord de contribution concernant la BCBE au cours de la période comprise entre le 8 et le 22 mai 2020, mais qu’il n’avait rien remarqué à l’époque, ni en rétrospective, qui aurait justifié un suivi en plus de celui que les fonctionnaires faisaient déjà[54]. La ministre Chagger et lui‑même estimaient que le niveau de diligence raisonnable était suffisant[55]. Bien que la ministre Qualtrough ait été informée que les procédures de diligence raisonnable relatives à la BCBE n’avaient révélé aucun problème avant la discussion du Comité du Cabinet sur la COVID-19 du 5 mai 2020, elle n’a pas reçu de rapport ou d’informations au sujet de ce processus[56].
M. Shugart a déclaré que le 11 août 2020, il venait d’apprendre que l’accord de contribution avait été signé avec la WE Charity Foundation et non avec l’organisme UNIS. Selon Victor Li, directeur financier de l’organisme UNIS, ainsi que Marc Kielburger, la WE Charity Foundation est un organisme de bienfaisance enregistré dont la structure de gouvernance relève de l’organisme UNIS et de son conseil d’administration, et qui a été créée pour limiter la responsabilité de l’organisme UNIS[57]. M. Li a précisé que la WE Charity Foundation ne détient pas, et n’a jamais détenu d’actifs immobiliers de l’organisme UNIS, bien que ce soit l’objectif proposé dans la demande d’UNIS à l’Agence du revenu du Canada[58].
En ce qui concerne la structure de l’organisme UNIS, M. Li a ajouté qu’« il existe deux groupes d’organismes : les organismes caritatifs [c.-à-d. l’organisme UNIS] et les entreprises sociales [c.-à-d. ME to WE Social Enterprises][59] ». L’organisme UNIS et ME to WE Social Enterprises ont expliqué dans une réponse écrite que les entités et les filiales d’UNIS sont présentes dans plusieurs pays et optimisent le bien collectif en adhérant aux réglementations de chaque pays[60]. Elles ont fait état d’activités de ce type au Canada, en Chine, en Équateur, en Haïti, au Kenya, en Tanzanie, au Royaume-Uni et aux États‑Unis.
M. Blumberg a fait remarquer que la WE Charity Foundation avait demandé le statut d’organisme de bienfaisance avant la pandémie[61]. Il ajouté que certains organismes de bienfaisance créent des sociétés de portefeuille détenant des actifs immobiliers pour des raisons de responsabilité, mais qu’il était surpris que le gouvernement accepte de transférer des fonds à ce qu’il a décrit comme étant une société de portefeuille[62].
Marc Kielburger a dit que l’accord concernant la BCBE a été signé avec la WE Charity Foundation parce qu’« à la dernière minute, pendant la négociation du contrat », EDSC a demandé que l’organisme UNIS assume l’entière responsabilité pour les 40 000 premiers bénévoles[63]. Le conseil d’administration et l’avocat de l’organisme UNIS ont suggéré alors que ce soit la WE Charity Foundation qui signe l’accord de contribution, et EDSC a accepté[64]. La ministre Qualtrough a indiqué qu’après la réunion du 5 mai 2020 du Comité du Cabinet sur la COVID-19, on a commencé à parler seulement d’« UNIS », et qu’elle ignorait quelle filiale de cet organisme signerait le contrat[65].
Le Comité a également soulevé des questions au sujet de la décision de conclure un accord de contribution avec un fournisseur unique plutôt que de lancer un processus d’appel d’offres ouvert. M. Shugart a déclaré que le gouvernement fédéral avait opté pour l’accord de contribution parce qu’il s’agit du mécanisme utilisé habituellement pour confier à une tierce partie l’exécution d’un programme[66]. Il a ajouté que les accords de contribution contiennent des clauses types destinées à « garantir la probité financière et les résultats pour les Canadiens », qu’ils « reposent sur des principes de vérification et de diligence raisonnable eu égard aux intérêts de la Couronne », et qu’ils font l’objet d’une surveillance de la part du Conseil du Trésor[67].
La ministre Qualtrough et les représentants d’EDSC et du ministère du Patrimoine canadien ont tous dit que les accords de contribution sont des outils couramment utilisés pour soutenir des personnes, parce qu’ils comportent des clauses d’atténuation des risques, comme des contrôles financiers et des exigences en matière d’audit, de suivi et de rapports[68]. Dans le même ordre d’idées, Mme Kovacevic a expliqué que le Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) du Canada a établi des lignes directrices et des politiques claires, qui doivent être suivies, concernant les accords de contribution, et qu’elle avait confiance qu’EDSC les avait bien respectées[69]. Elle a ajouté qu’étant donné le contexte de pandémie, le ministère des Finances avait suivi toutes les procédures habituelles, mais qu’il l’avait fait très rapidement[70]. Par ailleurs, M. Li a fait une description des contrôles financiers internes de l’organisme UNIS et des exigences supplémentaires prévues dans l’accord de contribution pour garantir que les fonds de la BCBE soient séparés de ceux de l’organisme UNIS[71].
Même si l’accord de contribution a été signé le 23 juin 2020, M. Li a rappelé que le 4 juin 2020, l’organisme UNIS avait obtenu la permission de demander le remboursement de dépenses admissibles pour le travail concernant la BCBE à compter du 5 mai 2020, à ses propres risques[72]. Lorsqu’un membre du Comité a demandé à la ministre Chagger si elle avait dit à UNIS qu’il pouvait engager des dépenses à partir de cette date, elle a répondu qu’elle n’avait pas discuté personnellement de cette question avec UNIS[73]. Néanmoins, le ministre Rodriguez a expliqué plus tard que l’engagement rétroactif des dépenses à partir du 5 mai 2020 avait « été autorisé par la ministre Chagger[74] ».
Gina Wilson, sous-ministre, Diversité et Inclusion et Jeunesse, au ministère du Patrimoine canadien, a expliqué que dans un accord de contribution,
la date de début peut être indiquée avant la date de signature de l’entente. C’est un procédé auquel on a recours habituellement lorsque les organismes sont susceptibles d’engager des dépenses avant la signature. Si la date de début antérieure n’est pas approuvée, l’organisme est remboursé pour les dépenses engagées, et il le fait entièrement à ses risques. De même, si l’entente n’est pas signée, l’organisme ne sera pas remboursé pour les dépenses engagées. La négociation d’une entente de contribution peut parfois prendre des semaines, et c’est ce qui s’est passé dans le cas qui nous occupe[75].
La ministre Chagger a affirmé qu’après que le premier ministre eut demandé que l’on suspende la BCBE, le 8 mai 2020, le temps d’exercer une diligence raisonnable supplémentaire, elle ignorait si quelqu’un, au gouvernement, avait demandé à l’organisme UNIS de cesser de travailler sur le programme[76].
Craig Kielburger a confirmé que plusieurs personnes, à EDSC, avaient posé des questions à l’organisme UNIS, pendant le processus d’examen, et que l’organisme avait remis au gouvernement « [e]n plus de ses documents financiers, dont ses audits, […] les divers documents auxquels on pourrait s’attendre[77] ». Il a ajouté que l’organisme UNIS avait déjà conclu des contrats avec le gouvernement, avant la BCBE, et que tout avait été fait « de manière appropriée[78] ».
Après l’attribution de l’accord de contribution pour l’administration de la BCBE, l’organisme UNIS a confirmé avoir obtenu une assurance appropriée et mis en place un partenariat de travail avec environ 80 organismes sans but lucratif[79]. Lorsqu’un membre du Comité lui a demandé pourquoi il y avait dans le budget détaillé de l’organisme UNIS un poste budgétaire pour le loyer, Craig Kielburger a répondu que c’était un « poste budgétaire potentiel » et que « ce n’était pas nécessairement pour [son] organisation […] personne ne savait [s’ils avaient] besoin de systèmes de filtration spéciaux et de plexiglas pour séparer les gens[80] ». M. Li a expliqué que ce poste correspondait « aux paiements admissibles des frais d’occupation connexes liés aux dépenses engagées pour les programmes, y compris l’élaboration des programmes, la formation, le tournage, l’édition et les systèmes dorsaux technologiques[81] ».
Craig Kielburger a déclaré pour sa part qu’il y avait des frais d’administration, mais seulement dans la mesure où c’était nécessaire pour mettre en œuvre la BCBE[82]. La proposition de financement de la BCBE faite par la ministre Chagger au ministre Morneau et présentant le coût du programme prévoyait une affectation totale d’environ 43,5 millions de dollars à l’organisme UNIS pour lui permettre de couvrir à la fois les coûts de programmation et ceux d’administration. Les coûts d’administration représentaient 15 % des coûts de programmation[83]. De plus, Craig Kielburger a fait état du rapport d’un ancien sous-procureur général de l’Ontario qui avait déterminé que l’organisme UNIS n’avait pas agi de manière inappropriée dans ses relations avec le gouvernement[84]. Il a aussi fait remarquer qu’un examen indépendant fait par un juricomptable n’avait pas permis de « décel[er] de problèmes dans les interactions entre l’organisme UNIS et [l’entreprise sociale ME to WE … ni de trouver] aucune preuve de transaction inappropriée qui aurait bénéficié personnellement aux Kielburger[85] ».
Craig Kielburger a affirmé qu’il avait confiance dans l’efficacité des procédures de diligence raisonnable du gouvernement fédéral pour éviter les problèmes de conflits d’intérêts[86]. Répondant à la question d’un membre du Comité au sujet d’un manquement aux conventions bancaires, en 2017–2018, Marc Kielburger et M. Li ont déclaré qu’UNIS avait déplacé son exercice financier de janvier à décembre à septembre à août, et que la banque avait reconnu la situation et levé les exigences qui s’appliquaient[87].
M. Tassé a avancé qu’en temps de crise, et particulièrement lorsqu’il accorde de gros contrats à un fournisseur unique, le gouvernement devrait faire preuve de « diligence renforcée » dans ses pratiques. Cela peut vouloir dire poser des questions difficiles sur des sujets tels que la capacité de l’organisme, l’absence de concurrents et ce que l’organisme a à gagner[88]. Il a ajouté que pour bien faire, dans le cadre des procédures de diligence raisonnable entourant l’accord de contribution pour la BCBE, on aurait pu demander aux partenaires de l’organisme UNIS de confirmer la capacité de cet organisme à mener à bien le projet, évaluer le niveau de risque acceptable pour UNIS dans un projet, et chercher à savoir pourquoi UNIS avait besoin de différentes structures organisationnelles pour mener ses activités[89].
M. Tassé a déclaré également que si les représentants du gouvernement n’ont pas posé de questions sur la capacité financière de l’organisme UNIS, ce serait « douteux[90] ». Il a néanmoins expliqué le niveau de diligence raisonnable que l’on pouvait exercer dépendait de l’information disponible au moment de la décision[91]. M. Tassé a ajouté qu’il serait surpris que le gouvernement n’ait pas suivi les pratiques exemplaires en matière de diligence raisonnable en documentant les éventuelles irrégularités. Il a souligné l’importance d’avoir accès à tous les documents nécessaires pour répondre aux questions en suspens, ce qui peut exiger de demander, en premier lieu, si ces documents existent[92].
M. Blumberg a dit que la plupart des subventions gouvernementales à des organismes de bienfaisance font l’objet d’une plus grande diligence raisonnable bureaucratique, et que le cas en question est « atypique » puisqu’il s’agit « d’un montant important à verser rapidement et qu’il est essentiellement destiné à une société-écran [la WE Charity Foundation][93] ». L’organisme UNIS a nié que la WE Charity Foundation puisse être une société-écran.
M. Blumberg a expliqué également que certains organismes de bienfaisance peuvent faire des affaires, mais qu’en l’occurrence, là où résidait l’anomalie, c’est dans la propriété de ME to WE Social Enterprises:
[N]ormalement, l’organisme de bienfaisance est propriétaire de l’entreprise. L’entreprise n’appartient pas à des tiers et fait uniquement appel à l’organisme pour la prestation de certains services de recrutement ou de bénévolat[94].
M. Li a confirmé par la suite qu’aucune ressource appartenant à ME to WE Social Enterprises n’a été utilisée pour la BCBE[95].
Outre les questions relatives à la structure organisationnelle de l’organisme UNIS et de ses filiales, le Comité a eu vent d’allégations de problèmes de reddition de comptes concernant des donateurs. Par exemple, dans des mémoires envoyés au Comité à titre personnel, Richard Trus soulève des questions au sujet des pratiques de reddition de comptes de l’organisme UNIS en ce qui concerne les donateurs[96]. Un autre témoin a dit au Comité que les fonds destinés aux activités de l’organisme UNIS au Kenya n’ont pas été utilisés aux fins prévues et promises par les collecteurs de ces fonds. Reed Cowan, donateur et collecteur de fonds, Wesley Smiles Coalition, Enfants Entraide, qui a comparu à titre personnel, a expliqué qu’il avait collecté des fonds avec l’organisme UNIS aux États‑Unis et Enfants Entraide pour la construction d’écoles au Kenya à la mémoire de son défunt fils Wesley. Des responsables de l’organisme UNIS avaient donné à M. Cowan l’assurance que ces écoles porteraient le nom de son fils, et qu’il y aurait une plaque dans chaque école sur laquelle serait inscrits le nom et la devise de Wesley[97].
Or, en décembre 2020, M. Cowan a découvert que l’école dédiée à son fils Wesley avait été depuis dédiée à une autre personne, cette fois au nom de la Fondation Stillman, à l’occasion d’une cérémonie « d’inauguration » pratiquement identique à celle faite pour son fils[98]. Il a ajouté qu’il n’était pas en mesure de vérifier si toutes les écoles pour lesquelles il avait contribué à récolter des fonds avaient été construites[99].
Selon M. Cowan, Craig Kielburger lui aurait dit par la suite que la Fondation Stillman avait demandé la permission à d’autres donateurs de parrainer tout le campus où se trouvait l’école dédiée à Wesley, mais que l’organisme UNIS avait omis de lui demander la permission de donner le nom de quelqu’un d’autre à cette école[100]. M. Cowan a fait également allusion à un reportage dans les médias sur l’organisme UNIS dans lequel il avait été question d’une histoire semblable, mais touchant cette fois une station d’épuration d’eau[101]. Craig Kielburger s’est excusé pour ce qui était arrivé à M. Cowan, et a confirmé qu’il avait connaissance de deux cas où on avait changé les noms des personnes à la mémoire de qui étaient dédiées les écoles[102]. Il a affirmé également que l’organisme UNIS avait commencé à se pencher sur ce problème aussi bien au Canada qu’au Kenya[103].
Relations de l’organisme UNIS avec le premier ministre Justin Trudeau, le Cabinet du premier ministre et Sophie Grégoire-Trudeau
Parmi les problèmes de conflits d’intérêts potentiels dans l’attribution de l’accord de contribution concernant la BCBE à l’organisme UNIS, il y avait les liens entre UNIS, le premier ministre et d’autres membres de la famille Trudeau. À l’annexe A du présent document, il est question de la non-comparution de certains membres du personnel du premier ministre et du ministre des Finances devant le Comité. Avant qu’il ne soit premier ministre et depuis qu’il l’est devenu, M. Trudeau a livré des allocutions dans le cadre des Journées UNIS, mais on ne lui a jamais payé de dépenses ni versé d’honoraires pour le faire[104]. M. Trudeau est apparu également dans une vidéo d’UNIS pour le 150e anniversaire du Canada en sa qualité de premier ministre[105]. Craig Kielburger a déclaré que l’organisme UNIS avait invité chaque premier ministre, quelle que soit son allégeance politique, à prendre part aux activités de l’organisme, et que M. Trudeau figurait dans la vidéo du 150e à titre de premier ministre[106].
Speakers’ Spotlight est un bureau de conférenciers qui a déjà fait appel à Justin Trudeau et à son épouse, Sophie Grégoire-Trudeau, comme orateurs par le passé. Il a également fait appel à la mère du premier ministre, Margaret Trudeau, ainsi qu’à son frère, Alexandre (« Sacha ») Trudeau, mais ils ne sont pas nommés dans la motion qui a mené à la présente étude. Conformément à cette motion, Speakers’ Spotlight a remis au Comité des documents confidentiels datant de 2008 et indiquant si Justin Trudeau ou Sophie Grégoire-Trudeau ont été payés pour leur participation à des activités organisées par l’organisme UNIS ou son prédécesseur Enfants Entraide. Aucune information contenue dans ces documents ne sera révélée dans le présent rapport puisque ceux-ci sont confidentiels.
Néanmoins, Craig Kielburger a déclaré devant le comité le 15 mars 2021 que le montant total des honoraires que l’organisme UNIS a versés à ces quatre personnes par l’intermédiaire du bureau du conférencier au cours des 10 dernières années s’élève à environ 217 500 $. L’organisme UNIS a payé 210 250,92 $ de plus pour couvrir la totalité des dépenses encourues par ces personnes, comme les billets d’avion et les frais d’hôtel, même si dépenses ont été payées directement aux fournisseurs de services[107]. Aucune de ces dépenses ou honoraires n’ont été payés au premier-ministre.
M. Perelmuter, président de Speakers’ Spotlight, a expliqué que les conférenciers auxquels fait appel son entreprise ne sont pas payés pour leurs allocutions, mais qu’ils peuvent l’être pour leur participation à des activités parallèles, comme des réceptions et des séances d’accueil. Il a ajouté que ces obligations sont indiquées dans le contrat conclu avec le conférencier[108]. Lorsqu’il a communiqué avec l’organisme UNIS pour organiser les activités auxquelles devaient prendre part Margaret et Alexandre Trudeau, il a d’abord traité avec Marc Kielburger, et « [l]a logistique a ensuite été confiée à un membre de notre équipe et de la leur. Je ne sais pas à qui exactement[109] ».
M. Perelmuter a déclaré par ailleurs qu’il n’avait « aucune connaissance des activités de l’organisme UNIS, du gouvernement libéral ou du programme de la [BCBE] », et que Speakers’ Spotlight n’est associée à aucun parti politique[110]. Il a expliqué toutefois qu’il avait dû faire face à des problèmes d’ordre logistique et juridique pour récupérer les documents requis par le Comité. Au moment de sa comparution, M. Perelmuter a dit au Comité que depuis trois mois, Speakers’ Spotlight était « la cible d’une campagne destinée à nous discréditer personnellement et à porter atteinte à la réputation de notre entreprise », et que lui-même et sa famille ainsi que des membres de son personnel étaient victimes de harcèlement et de menaces[111].
Le Comité a également été informé des interactions de l’organisme UNIS avec le premier ministre et son personnel. Le premier ministre a déclaré devant le Comité des finances que son personnel avait discuté de la participation de l’organisme UNIS dans le programme de la BCBE avec le BCP et d’autres ministères, mais qu’il avait ignoré jusqu’au 8 mai 2020 que l’on envisageait de confier l’administration de ce programme à cet organisme[112]. Sofia Marquez, ancienne membre du personnel, Relations avec le gouvernement et les intervenants, chez l’organisme UNIS, qui a comparu à titre personnel, a confirmé avoir pris part à un appel téléphonique d’une trentaine de minutes, le 5 mai 2020, avec Rick Theis, directeur des politiques au Cabinet du premier ministre (CPM), et un autre membre du personnel du CPM[113].
Selon le ministre Rodriguez, durant cet appel, les représentants de l’organisme UNIS ont parlé « du travail que fait actuellement l’organisme en faveur de la diversité, de l’inclusion et de la jeunesse en ce qui a trait à la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant, et lui ont présenté une proposition en matière d’entrepreneuriat social[114] ». M. Theis n’a pas parlé de dépenses, n’a pris aucun engagement et n’a donné aucun conseil à l’organisme si ce n’est celui d’entrer en contact avec le ministère de la Diversité et de l’Inclusion et de la Jeunesse[115]. Le ministre Rodriguez a dit aussi que c’était le seul échange qu’avait eu M. Theis avec l’organisme UNIS, à part un courriel de courtoisie envoyé après l’entretien téléphonique, et que M. Theis n’était pas au courant des liens entre l’organisme UNIS et la famille Trudeau[116]. Il a expliqué que M. Theis n’avait pas pour mandat de négocier quoi que ce soit à propos de la BCBE puisque cela incombait aux fonctionnaires[117]. Il a indiqué toutefois que M. Theis avait parlé au premier ministre au sujet de la BCBE, notamment de la recommandation des fonctionnaires voulant que ce soit l’organisme UNIS qui s’occupe du programme[118].
Par ailleurs, Marc Kielburger a envoyé un courriel à Mme Telford le 13 avril 2020 afin de féliciter le gouvernement « pour son bon travail dans le cadre de la pandémie », mais il n’a reçu aucune réponse[119].
Craig Kielburger a reconnu que le 27 juin 2020, un message sur LinkedIn avait été envoyé en son nom à Ben Chin, conseiller principal au CPM, pour le remercier d’avoir eu « l’obligeance de contribuer à façonner le programme le plus récent que nous mettons en œuvre en collaboration avec le gouvernement[120] ». Craig Kielburger a déclaré que c’est son adjoint exécutif qui avait envoyé ce message, parmi la centaine d’invitations envoyées sur LinkedIn, qui incluait du texte personnalisé, et que comme « en général, le gouvernement fédéral » travaillait avec l’organisme UNIS, c’était un message de remerciement[121]. Il a ajouté qu’il n’était cependant pas au courant du rôle qu’exerçait M. Chin dans la mise sur pied de la BCBE, et que cette invitation a été la seule communication qu’il avait eue avec M. Chin au cours des deux années précédentes[122].
M. Shugart a indiqué pour sa part qu’à sa connaissance, le premier ministre ignorait, en avril 2020, que l’on songeait à confier l’administration de la BCBE à l’organisme UNIS, puisque les détails du programme n’ont été arrêtés que plus tard[123]. Il a ajouté qu’il n’avait pas conseillé au premier ministre de se récuser pour la décision qui a été prise, étant donné que ce qu’avait fait le premier ministre par le passé avec l’organisme UNIS était de notoriété publique. M. Shugart a dit qu’il ne lui était jamais venu à l’idée qu’il puisse y avoir un quelconque conflit d’intérêts, car il n’y avait pas d’intérêts privés en jeu devant être déclarés[124]. La ministre Qualtrough a déclaré quant à elle que le premier ministre et l’ancien ministre des Finances auraient dû se récuser, mais qu’ils « ont présenté leurs excuses » et qu’elle les a acceptées[125].
Mario Dion, commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, Bureau du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique (BCCIE), a comparu devant le Comité pendant son enquête sur les possibles manquements de M. Trudeau aux dispositions 6(1) (prise de décision), 7 (traitement de faveur) et 21 (devoir de récusation) de la Loi sur les conflits d’intérêts (LCI). Il ne pouvait donc rien divulguer au sujet des détails de l’enquête au moment où il a comparu[126].
Néanmoins, M. Dion a rappelé au Comité que l’obligation de récusation dont il est question à l’article 21 de la LCI « est absolue. Si les conditions sont remplies, [cette] obligation s’applique à toute décision, discussion, et ainsi de suite, sans égard à l’importance relative de ce qui est en cause[127] ».
De l’avis de Duff Conacher, co-fondateur de Démocratie en surveillance, groupe de défense à but non lucratif qui milite en faveur de la réforme démocratique, de la responsabilité du gouvernement et de la responsabilité des entreprises, le premier ministre a enfreint la LCI en ne se récusant pas[128]. Il a ajouté que, selon lui, le premier ministre a « enfreint la [Loi] différemment en intervenant dans le processus avant la réunion du Cabinet ou en demandant [à son] personnel de le faire[129] ».
Le 13 mai 2021, M. Dion a publié le Rapport Trudeau III. Il a finalement conclu que M. Trudeau n'avait pas contrevenu au paragraphe 6(1), à l’article 7 ou à l'article 21 de la LCI. Il a déterminé que les frères Kielburger et M. Trudeau ne sont pas des « amis » aux fins de la LCI et « qu'en l'absence d'un conflit d'intérêts réel ou encore d'une interdiction législative claire visant les conflits d'intérêts apparents », il ne pouvait pas conclure qu'une contravention à la LCI avait eu lieu[130].
Relation de l’ancien ministre des Finances avec l’organisme UNIS
L’attribution de l’accord de contribution pour la BCBE à l’organisme UNIS a soulevé également des questions sur de possibles conflits d’intérêts dus à la relation entre l’organisme et le ministre Morneau, comme indiqué au tableau 1. À l’annexe A du présent document, il est question de la non-comparution de certains membres du personnel du premier ministre et du ministre des Finances devant le Comité. M. Dion a témoigné devant le Comité pendant son enquête sur les possibles contravention de M. Morneau à plusieurs dispositions de la LCI. Au moment de sa comparution, son enquête portait sur les paragraphes 6(1) (prise de décision) et 11(2) (cadeaux et autres avantages), ainsi que les articles 12 (voyages) et 21 (devoir de récusation).
M. Dion a par la suite élargi son examen pour y inclure une possible contravention de l'article 7 de la LCI (traitement préférentiel). Cependant, en octobre 2020, M. Dion a cessé d’enquêter sur les questions concernant les cadeaux et les voyages, car il croyait que M. Morneau était sincère quand il avait déclaré penser avoir remboursé le coût de son voyage, qui avait été payé par l’organisme UNIS. Comme il poursuivait son enquête sur les autres aspects au moment de sa comparution, M. Dion n’était pas libre de discuter de certains détails[131].
Selon M. Conacher, qui a comparu en août 2020, le ministre des Finances aurait dû se récuser au sujet de la dernière réunion du Cabinet au cours de laquelle la BCBE a été approuvée. M. Conacher croyait également que le ministre Morneau avait enfreint la LCI en participant – lui-même et des membres de son personnel – au processus entourant la BCBE avant la réunion du Cabinet[132].
Répondant à une question d’un membre du Comité, Mme Kovacevic a expliqué pourquoi plusieurs documents semblaient indiquer que le ministre des Finances avait approuvé le financement pour l’organisme UNIS avant l’annonce de la BCBE. D’après ces documents, le ministre des Finances avait approuvé l’octroi de 912 millions de dollars pour la BCBE, dont 900 millions pour la bourse elle-même et le reste, soit 12 millions, pour l’Initiative UNIS pour l’entrepreneuriat social[133]. Mme Kovacevic a précisé que lors de la séance d’information du 21 avril 2020, le ministre des Finances
a verbalement approuvé les 900 millions de dollars et a verbalement accepté que le ministre compétent d’EDSC retourne devant le Cabinet [… et qu’elle-même], parce qu’il y avait une note d’information indiquant une proposition de 12 millions de dollars [de l’organisme UNIS] sans plus de détails, [avait] mentionné que si nous voulions régler cela rapidement, alors on pourrait octroyer des fonds immédiatement à cet organisme, pendant que le ministre d’EDSC prend quelques jours ou quelques semaines de plus pour élaborer quelque chose à présenter au Cabinet, [… ajoutant que] les 912 millions de dollars que vous avez mentionnés n’étaient qu’une erreur qui s’est glissée dans les communications. Encore maintenant, il s’agit de 900 millions de dollars. Ni le premier ministre ni le ministre des Finances à cette époque n’a approuvé quelconque proposition de l’organisme UNIS[134].
Mme Kovacevic a ajouté que jusqu’à ce que les courriels du ministère aient été transmis au Comité des Finances, elle n’était pas au courant du courriel de M. Kielburger envoyé le 10 avril 2020 au ministre des Finances dans lequel il était question de la proposition de l’organisme UNIS sur l’entrepreneuriat étudiant[135].
Le 13 mai 2021, M. Dion a publié le Rapport Morneau II, dans lequel il a conclu que M. Morneau avait enfreint le paragraphe 6(1), l'article 7 et l'article 21 de la LCI[136].
Relations de ministres d’Emploi et Développement social Canada avec l’organisme UNIS
EDSC relève de plusieurs portefeuilles ministériels. Pour les fins de la présente étude, le Comité a entendu deux ministres gérant des portefeuilles de ce ministère : Bardish Chagger, ministre de la Diversité et de l’Inclusion et de la Jeunesse, et Carla Qualtrough, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes handicapées.
Relation de la ministre de la Diversité et de l’Inclusion et de la Jeunesse avec l’organisme UNIS
La ministre Qualtrough et M. Shugart ont expliqué que la ministre Chagger détenait le pouvoir de signature, en ce qui concerne la BCBE, parce qu’elle est ministre à part entière, associée par décret à EDSC pour les questions concernant la jeunesse[137]. Les ministres Chagger et Qualtrough ont confirmé que la ministre Chagger avait obtenu ce pouvoir le 6 mars 2020[138]. Le ministère des Finances a expliqué plus tard que l’accord de contribution n’avait pas été soumis au SCT pour approbation, parce que la ministre Chagger disposait déjà du pouvoir d’établir et de signer l’accord de contribution pour la BCBE, en plus d’évaluer le programme de la bourse[139].
La ministre Chagger a déclaré qu’entre le 5 et le 22 avril 2020, elle n’a pas interagi avec les fonctionnaires du ministère des Finances[140]. Elle a mentionné avoir participé à la Journée UNIS du 10 décembre 2019[141]. La deuxième fois qu’elle a eu une interaction avec l’organisme UNIS, c’était lors d’une conversation téléphonique avec Craig Kielburger et Mme Marquez, le 17 avril 2020; les deux ont déclaré par la suite avoir discuté de la proposition d’UNIS d’un programme d’entrepreneuriat social pour les jeunes[142]. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait été question d’autre chose que de ce programme des Kielburger, la ministre Chagger a répondu qu’elle avait demandé comment allaient les jeunes avec lesquels travaillait l’organisme UNIS pendant cette pandémie[143].
Craig Kielburger a déclaré par la suite que lors de l’entretien téléphonique du 17 avril 2020, la ministre Chagger avait également proposé d’ajouter un volet concernant le bénévolat dans la proposition initiale de l’organisme UNIS concernant l’entrepreneuriat pour les jeunes[144]. Mme Marquez a déclaré ne pas se rappeler que la ministre Chagger ait évoqué la BCBE à ce moment-là[145]. Elle a dit qu’à son souvenir,
dans le cadre du mandat de son bureau, [la ministre Chagger] était responsable de veiller à ce que le programme Service jeunesse Canada, qui n’a rien à voir avec la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant […] Nous souhaitions mieux comprendre ce programme et nous voulions aider le gouvernement fédéral à en élargir la portée, […] Je ne me souviens pas de chaque parole prononcée par la ministre Chagger au sujet du volet [sur le bénévolat], mais je me souviens que cela concernait surtout la proposition relative à l’entrepreneuriat social que nous examinions[146].
De plus, Mme Marquez a dit qu’elle ne pouvait pas se rappeler « précisément ce [que la ministre Chagger] avait dit au sujet d’un éventuel volet, pour un service précis, que nous aurions dû préparer[147] ». Elle a indiqué que c’était plutôt la conversation téléphonique qu’elle et Craig Kielburger ont eue le 19 avril 2020 avec Mme Wernick qui a incité son équipe à élaborer une proposition basée sur les directives de Mme Wernick[148].
La ministre Chagger a dit ne pas se souvenir que le mot « bénévolat » ait été prononcé durant l’entretien téléphonique du 17 avril 2020, mais qu’on avait évoqué des « occasions de bénévolat »[149]. La ministre Chagger a dit au Comité qu’au moment de l’appel, elle ne savait pas que le premier ministre allait faire, cinq jours plus tard, soit le 22 avril 2020, une annonce concernant un programme pour les jeunes[150].
La ministre Chagger avait reçu une note d’information concernant l’appel, qui a depuis été divulguée, mais elle n’a pas pris de notes pendant la conversation. À la suite de l’appel, elle a demandé à son équipe de faire un suivi, avec d’autres fonctionnaires fédéraux, concernant la proposition de l’organisme UNIS[151]. Elle a déclaré plus tard qu’elle n’avait jamais considéré la proposition d’entrepreneuriat, mais qu’il était important que d’autres fonctionnaires « en soient informés, et qu’ils l’examinent en vue d’en évaluer les mérites[152] ». La ministre Chagger a expliqué qu’elle n’avait pas fait mention de sa conversation téléphonique du 17 avril 2020 avec l’organisme UNIS au Comité des finances, parce qu’il n’avait pas été question de la BCBE durant cet appel[153].
Ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes handicapées
La ministre Qualtrough a expliqué pour sa part que conformément aux responsabilités énoncées dans les lettres de mandat des ministres, elle s’occupait des mesures concernant l’emploi, les prêts et prestations pour les étudiants, et que la BCBE relevait de la ministre Chagger[154]. Elle a dit qu’on ne lui a jamais demandé d’être la ministre responsable de la BCBE et ajouté qu’elle n’a « [a]ucunement » pris part à son élaboration[155].
C’est la raison pour laquelle la ministre Qualtrough a entendu parler pour la première fois le 5 mai 2020 – alors qu’elle se préparait pour assister à une réunion du Comité du Cabinet sur la COVID-19 – du fait qu’on recommandait que l’administration de la BCBE soit confiée à l’organisme UNIS[156]. Mais elle ignorait à ce moment-là qui avait fait cette recommandation[157]. Même si la ministre Qualtrough a informé son chef de cabinet de la décision du Comité du Cabinet sur la COVID-19 d’aller de l’avant avec la BCBE, ni elle ni des membres de son personnel n’ont fait part de cette décision à l’organisme UNIS[158]. La ministre a déclaré également que lorsque la BCBE a été retirée des points à l’ordre du jour de la réunion du Cabinet du 8 mai 2020, cela ne lui avait pas paru inhabituel, d’autant plus que « la situation évoluait très rapidement à l’époque[159] ».
La ministre Qualtrough a indiqué avoir pris part à une activité organisée par l’organisme UNIS en novembre 2016, mais qu’elle n’avait pas été payée et qu’elle n’avait pas réclamé de remboursement de dépenses pour cela[160].
Le rôle des fonctionnaires dans l’élaboration de la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant
Comme le souligne le tableau 1, des fonctionnaires de plusieurs ministères ont participé à l’élaboration de la BCBE depuis l’annonce, le 6 avril 2020, du soutien aux étudiants à venir. Le Comité a recueilli d’autres témoignages au sujet du rôle de la fonction publique dans l’établissement de cette bourse, notamment sur la manière dont les fonctionnaires ont interagi avec l’organisme UNIS et la question de savoir s’ils avaient reçu des ministres ou du personnel politique des instructions pour choisir cet organisme.
Mme Marquez a expliqué que Mme Wernick avait appelé Craig Kielburger, le 19 avril 2020, pour lui dire que le gouvernement souhaitait « mettre sur pied un programme de bénévolat étudiant d’une bien plus grande portée[161] ». Selon Craig Kielburger, Mme Wernick avait demandé à l’organisme UNIS, « de soumettre une proposition, en fonction des exigences du gouvernement, sur la manière dont l’organisme de bienfaisance pourrait contribuer à la mise en œuvre de ce programme pour la fonction publique[162] ». Cet appel a poussé l’organisme UNIS à « rédiger une proposition à l’intention d’EDSC, qui a finalement été fournie au gouvernement sous forme de proposition officielle le 22 avril[163] ».
Mme Kovacevic a confirmé que ce sont les fonctionnaires d’EDSC qui avaient recommandé à la ministre Chagger que le gouvernement conclue un accord de contribution avec l’organisme UNIS[164]. Le 24 avril 2020, Mmes Kovacevic et Wernick ont pris part à une séance d’information téléphonique avec Craig Kielburger et Mme Marquez au cours de laquelle il a été question des « paramètres généraux » de ce que deviendrait la BCBE[165]. Mme Kovacevic a indiqué que cet appel a été la seule communication qu’elle a eue avec l’organisme UNIS[166]. Avant l’annonce de la BCBE le 22 avril 2020, Mme Kovacevic avait obtenu les propositions de l’organisme UNIS soit d’EDSC soit du cabinet du ministre des Finances[167].
Mme Fox a expliqué qu’elle n’avait pas pris part à la décision de recommander l’organisme UNIS pour la BCBE[168]. Cependant, étant donné son expérience antérieure comme sous-ministre des Affaires intergouvernementales et de la Jeunesse au BCP, Craig Kielburger et Mme Marquez l’avaient appelée le 20 avril 2020 pour « discuter […] des propositions de l’organisme pour mettre en place un programme de jeunes entrepreneurs et un programme de service jeunesse[169] ». Durant cette réunion, l’organisme UNIS a donné un « aperçu général des deux propositions », mais Mme Fox n’a pas aidé UNIS à peaufiner sa proposition[170]. Même si Mme Fox a communiqué cette proposition à d’autres fonctionnaires et ministères, elle n’en a pas discuté avec le personnel des bureaux du premier ministre et de la vice-première ministre[171].
Mme Fox a déclaré que dans le poste qu’elle avait occupé précédemment, elle n’avait travaillé avec l’organisme UNIS que dans le cadre d’un seul grand événement[172]. Elle a ajouté toutefois qu’il était normal que les intervenants – surtout depuis le début de la pandémie – s’adressent à des fonctionnaires pour trouver des solutions[173]. Elle a dit croire qu’au moment de leur conversation téléphonique du 20 avril 2020, l’organisme UNIS avait « déjà déterminé que le besoin était présent et qu’il fallait faire quelque chose pour la jeunesse[174] ». Mme Fox a précisé que la prochaine fois qu’elle avait eu des échanges au sujet du dossier de la BCBE, c’était le 21 mai 2020, date à laquelle elle a pris part à une séance d’information à l’intention du premier ministre « afin de lui fournir des commentaires fondés sur [s]on expérience antérieure avec le programme d’EDSC Service jeunesse Canada[175] ». Ce n’est que le 22 mai 2020 que Mme Fox a fait un suivi auprès de l’organisme UNIS « pour veiller à communiquer ce qui, selon [elle] était des considérations importantes », et aussi pour faire part de son « point de vue général à l’égard d’un éventuel programme de service jeunesse[176] ».
La ministre Chagger a rappelé que la proposition concernant la BCBE a été présentée au Comité du Cabinet sur la COVID-19 le 5 mai 2020 et que le gouvernement a demandé aux fonctionnaires de faire preuve d’une diligence raisonnable supplémentaire. Ces derniers sont revenus avec la même recommandation selon laquelle l’organisme UNIS était le « seul organisme susceptible d’assurer la prestation d’un programme de cette envergure, de cette portée et dans les délais que nous avions prévus[177] ». Mme Marquez a fait remarquer qu’EDSC avait continué de demander des informations à l’organisme UNIS entre le 8 et le 22 mai 2020[178].
Répondant à la question d’un membre du Comité, M. Shugart a admis qu’il était « possible » que des discussions aient eu lieu au sujet du programme entre le CPM et le BCP avant le 8 mai 2020, mais a tenu à préciser qu’« [i]l ne faut pas confondre communications et directives[179] ».
Préoccupations entourant d’éventuelles activités de lobbying au sujet de la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant
Marc Kielburger a dit au Comité des finances, le 28 juillet 2020, que l’organisme UNIS ne s’était pas inscrit au registre des lobbyistes, en vertu de la Loi sur le lobbying, parce qu’il ne croyait pas que son personnel avait consacré suffisamment de temps à cette question pour justifier l’obligation de s’inscrire[180]. Le 13 août 2020, par contre, des représentants de l’organisme UNIS ont déclaré devant le Comité des finances que l’organisme avait déclaré des activités de lobbying rétroactivement jusqu’en janvier 2019, et dit que s’ils avaient « su que c’était nécessaire, [ils l’auraient] fait plus tôt[181] ».
Craig Kielburger a expliqué au Comité que Marc Kielburger et lui ne s’étaient pas inscrits comme lobbyistes, car ils travaillent officiellement comme bénévoles pour l’organisme UNIS, et qu’à ce titre, ils ne pouvaient pas le faire[182]. Cependant, même si en vertu de la Loi sur le lobbying il n’y a aucune obligation pour les bénévoles d’enregistrer leurs activités de lobbying, l’organisme UNIS a publié en ligne les activités de lobbying des Kielburger[183].
Mme Marquez a expliqué que de juillet 2018 jusqu’à son départ de l’organisme UNIS en juillet 2020, elle a été « responsable des démarches auprès de tous les ordres de gouvernement, ainsi que des intervenants stratégiques […] relativement aux programmes nationaux dirigés par UNIS au Canada[184] ». Pendant qu’elle travaillait chez l’organisme UNIS, elle a pris part à quelques initiatives et engagements, mais pas à tous[185]. Par ailleurs, elle a confirmé que Craig et Marc Kielburger s’occupaient de préparer les invitations pour la Journée UNIS, y compris celles destinées aux ministres[186]. Mme Marquez a tenu à rappeler qu’elle n’avait jamais été lobbyiste « de façon régulière » ou « à temps plein », estimant qu’elle n’avait jamais consacré plus de 20 % de son temps à des activités de lobbying[187].
Mme Marquez a fait observer également, que selon la Loi sur le lobbying, c’est au directeur exécutif de l’organisme UNIS qu’incombe la responsabilité d’inscrire les lobbyistes salariés, et qu’elle avait transmis à son ancien employeur les documents pertinents à l’appui de la réponse de l’organisme UNIS à la commissaire au lobbying et à d’autres demandes de fonctionnaires fédéraux[188]. Répondant à la question d’un membre du Comité, Mme Marquez a indiqué qu’elle n’avait pas été contactée par la commissaire au lobbying ni la GRC à propos d’activités de lobbying de la part de l’organisme UNIS[189].
Par ailleurs, la ministre Chagger et plusieurs fonctionnaires ont déclaré que même s’ils ont eu des discussions avec des représentants de l’organisme UNIS, c’est à l’organisme tiers – et non aux fonctionnaires faisant l’objet du lobbying – de veiller au respect des obligations concernant l’inscription au registre des lobbyistes[190]. Lorsqu’un membre du Comité lui a demandé pourquoi elle avait accepté de parler aux représentants d’un organisme non inscrit au registre des lobbyistes, la ministre Chagger a expliqué qu’elle préconisait « une politique de la porte ouverte » afin de pouvoir discuter avec différents organismes[191].
Capacité de l’organisme UNIS à administrer la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant dans les deux langues officielles
Certains membres du Comité ont exprimé des doutes quant à la capacité de l’organisme UNIS, en tant qu’administrateur de la BCBE, d’exécuter un programme fédéral dans les deux langues officielles. Marc Kielburger a indiqué que l’organisme UNIS avait organisé des activités dans un réseau d’écoles au Québec et que leur bureau de Montréal comptait environ 16 employés quand la BCBE a été lancée, mais que l’organisme avait besoin d’aide pour exécuter un aussi vaste programme en peu de temps[192]. Craig Kielburger a ajouté que l’organisme UNIS avait déjà géré des programmes entièrement bilingues dans tout le pays[193]. Les frères Kielburger ont expliqué qu’il « n’était pas inhabituel » que l’organisme UNIS fasse affaire avec des entreprises de communication, en anglais et en français, partout au Canada, et que cela fait des années que l’organisme fait appel au cabinet de relations publiques NATIONAL pour l’organisation des Journées UNIS à Montréal.
Selon Martin Daraiche, président de NATIONAL, une employée de l’organisme UNIS a contacté son cabinet le 15 mai 2020 pour entamer des discussions au sujet d’une proposition d’offre de services de communication en français[194]. Après les échanges sur la manière dont NATIONAL pourrait s’occuper des communications entourant la BCBE, le cabinet de relations publiques a reçu confirmation du mandat qui lui serait confié « à la fin du mois de mai […] après la décision du Conseil des ministres[195] ».
Chantal Benoit, directrice chez NATIONAL, a indiqué que le rôle de son cabinet était
d’aider UNIS à gérer ses communications afin de faire connaître le programme de bourses aux organismes à but non lucratif, aux étudiants et aux autres parties prenantes au Québec et dans les communautés francophones hors Québec[196].
Cela incluait « la préparation de contenu en français, une veille médiatique sur le programme et la rédaction de contenu pour les réseaux sociaux[197] ». Le travail de NATIONAL pour l’organisme UNIS a commencé le 25 mai 2020 et a pris fin le 3 juillet 2020, quand l’organisme a transféré la responsabilité du programme au gouvernement[198].
M. Daraiche a insisté sur le fait que NATIONAL n’est jamais intervenu de quelque façon que ce soit dans les négociations entre l’organisme UNIS et le gouvernement fédéral au sujet de la BCBE, et qu’il n’a pas non plus fait de lobbying pour le compte de l’organisme[199]. Il a ajouté qu’aucun élu ou fonctionnaire n’a communiqué avec son cabinet dans le but d’aider l’organisme UNIS à obtenir l’accord de contribution[200]. Son cabinet a néanmoins communiqué avec certains députés, à la fin du mois de juin, pour s’assurer qu’ils diffusaient l’information publique concernant la BCBE dans leurs circonscriptions[201].
M. Daraiche a confirmé que le cabinet NATIONAL n’avait pas reçu pour mandat de gérer la BCBE, mais qu’il avait pris contact avec des organisations sans but lucratif pour s’assurer qu’elles étaient au courant du programme[202]. Dans le même ordre d’idées, Mme Benoit a déclaré que l’organisme UNIS n’avait pas mandaté NATIONAL pour qu’il agisse comme intermédiaire de l’organisme auprès du gouvernement fédéral[203]. Répondant à une question d’un membre du Comité, M. Daraiche a expliqué que le faible pourcentage de jeunes Québécois qui se sont prévalus de la BCBE avant l’annulation du programme tient au fait que Le Cabinet de relations publiques NATIONAL n’avait disposé que de trois semaines pour faire du recrutement[204].
Palantir Technologies Inc. et implication de David MacNaughton à titre d’ex-titulaire de charge publique principal
Ordonnance prise à titre préventif par le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique
Le 16 septembre 2020, le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique a rendu, à titre préventif, une ordonnance en vertu du paragraphe 41(1) de la LCI s’appliquant à neuf hauts fonctionnaires fédéraux et à leur personnel afin de « ne pas entretenir de rapports officiels avec l’ex-titulaire de charge publique principal et ex-ambassadeur David MacNaughton » pendant un an[205]. Le paragraphe 41(1) de la LCI permet au commissaire de rendre ce genre d’ordonnance à l’endroit d’un ancien titulaire de charge publique principal s’il estime que ce dernier ne s’est pas conformé à ses obligations d’après-mandat[206].
David MacNaughton a été ambassadeur du Canada aux États-Unis de janvier 2016 à août 2019. Entre le 2 mars et le 1er mai 2020, M. MacNaughton avait « communiqué ou organisé de multiples rencontres avec plusieurs titulaires de charge publique […] dans le but d’offrir gratuitement les services de Palantir dans le cadre de la réponse du gouvernement du Canada à la pandémie de COVID-19[207] ».
M. Dion a dit au Comité que M. MacNaughton avait reconnu, avec le recul, que certaines communications et réunions, dans la mesure où elles auraient pu favoriser les intérêts de son nouvel employeur, étaient contraires aux dispositions de l’article 33 de la LCI. Cet article prévoit en effet qu’« [i]l est interdit à tout ex-titulaire de charge publique d’agir de manière à tirer un avantage indu de sa charge antérieure ». Considérant qu’il y avait là un problème évident et un certain nombre de contraventions, M. Dion a décidé de rendre une ordonnance plutôt que de continuer à enquêter[208]. Il a indiqué que « [l]e fait d’offrir ces choses gratuitement est souvent un tremplin vers un arrangement plus lucratif, c’est donc sur cette base que nous avons décidé d’imposer l’ordre[209] ».
L’ordonnance précise également que M. MacNaughton a été nommé président de Palantir Technologies Inc. (Palantir) après que le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique eut été consulté. M. Dion a fait remarquer que chaque fois qu’une personne veut discuter avec lui d’une offre d’emploi alors que cette personne est encore titulaire de charge publique et qu’elle planifie son avenir, il passe invariablement en revue avec elle les dispositions de la Loi sur les conflits d’intérêts sur l’après-mandat. Il a dit au Comité qu’il a sûrement fait la même chose avec M. MacNaughton[210].
Titulaires de charge publique visés par l’ordonnance
L’un des neuf titulaires de charge publique cités dans l’ordonnance, Simon Kennedy, Sous-ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique (ISDE), a comparu devant le Comité. M. Kennedy a indiqué qu’il avait été invité par des collègues à assister à une seule réunion virtuelle avec des représentants de Palantir. Il s’agissait d’une démonstration de logiciel organisée par cette société. M. MacNaughton était présent à cette réunion, mais M. Kennedy ne lui a pas parlé[211]. À la fin de la rencontre, les représentants d’ISDE ont dit à Palantir que son logiciel ne leur serait pas utile[212]. Il n’y a eu aucun contrat conclu à la suite de cette rencontre.
M. Kennedy a expliqué que la réunion virtuelle entre ISDE et Palantir s’inscrivait dans la série de rencontres que le ministère a tenues avec des entreprises qui ont offert leurs services gratuitement pendant COVID-19, dans la foulée de l’appel à l’action lancé par le gouvernement en mars 2020. Sur les quelques 200 entreprises de services numériques et de logiciels ayant proposé leur aide, ISDE en a rencontré un peu plus de 60, et Palantir était du nombre[213]. M. Kennedy a insisté sur le fait qu’il n’y avait pas de courte liste d’entreprises dans laquelle aurait pu figurer Palantir. ISDE avait pour pratique de répondre à chacune des entreprises qui avec communiqué avec lui. Au total, les représentants d’ISDE ont rencontré plus de 1 000 des 6 000 entreprises qui avaient répondu à l’appel à l’action[214].
M. Kennedy a confirmé qu’ISDE est souvent sollicité par des lobbyistes. Il a expliqué que le ministère traite avec les entreprises de manière courante et qu’il est normal de consulter les différents intervenants au sujet des lois ou programmes pertinents, que ce soit dans le cadre de discussions informelles ou de consultations formelles avec un document de travail[215]. Il a reconnu toutefois que le lobbying exercé auprès d’ISDE avait augmenté depuis le début de la pandémie[216]. Les entreprises ont approché le ministère de diverses manières et pour plusieurs raisons, par exemple, dans les cas où le gouvernement avait fait l’achat d’un de leur produit ou service, ou lorsqu’elles voulaient tout simplement obtenir des données ou des avis du ministère, sans nécessairement faire une demande de contrat ou d’investissement[217].
M. Kennedy a dit ne pas se souvenir d’une discussion au cours de laquelle quelqu’un aurait exprimé des réserves sur le fait de parler à M. MacNaughton[218]. Il ignorait que le jour où il a assisté à une réunion virtuelle avec des représentants de Palantir, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie et son chef de cabinet avaient déjà eu des échanges avec M. MacNaughton. Il a indiqué que s’il avait su que M. MacNaughton avait contrevenu aux règles régissant les conflits d’intérêts, il aurait décliné l’invitation à participer à cette réunion[219]. En ce qui concerne les activités de lobbying, il a indiqué qu’il a « souvent fait affaire avec des entreprises qui emploient d’anciens élus et d’autres représentants des deux camps ou de différents gouvernements », et que les obligations relatives à la déclaration des activités de lobbying incombent à ceux qui exercent du lobbying[220].
La nature du travail de Palantir
En examinant les communications entre Palantir et les titulaires de charge publique, le Comité s’est intéressé à la compagnie elle-même et à la nature de son travail.
M. Jeramie Scott, avocat-conseil, Electronic Privacy Information Centre (EPIC), centre de recherche d’intérêt public à Washington, a expliqué que Palantir « a fait l’objet d’un examen minutieux pour le service de police prédictive que l’entreprise a fourni à divers organismes d’application de la loi aux États-Unis[221] ». Par exemple, M. Scott a expliqué que Palantir compile une liste cible de contrevenants et de victimes probables en se basant sur une analyse des données de masse provenant de diverses sources (par exemple, les médias sociaux, les bases de données criminelles, les informations sur la probation et la libération conditionnelle, etc.). De plus, son logiciel effectue une analyse des réseaux sociaux pour construire des réseaux de connexions sociales afin d’identifier des contrevenants ou des victimes potentiels sans contact préalable avec la police. Dans presque tous les cas, Palantir cherche à mettre en place une police prédictive sans la connaissance ou le consentement de la population[222].
M. Scott a expliqué que si Palantir offre de travailler bénévolement, c’est pour une raison, que ce soit pour obtenir un contrat gouvernemental ou pour avoir accès à des données gratuites à utiliser pour peaufiner son logiciel, ou les deux[223]. Il a recommandé au gouvernement canadien de faire preuve de diligence raisonnable en ce qui concerne l’investissement dans Palantir, en soulignant le lien de cette société avec le service américain de l’immigration et des douanes (ICE) et les problèmes de droits de la personne comme la séparation des familles[224]. Il a également constaté un manque de transparence en ce qui concerne les logiciels sophistiqués d’exploration de données utilisés par Palantir, les données auxquelles ils ont accès et la manière dont ces données sont utilisées par le gouvernement américain et d’autres gouvernements[225].
En ce qui concerne la transparence, M. Scott a fourni des informations au Comité concernant deux poursuites relatives à l’accès à l’information intentés par EPIC pour obliger les agences du gouvernement américain à divulguer des documents concernant leur utilisation du logiciel Palantir[226]. L’une des poursuites était dirigée contre le service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis et visait à obtenir des informations sur son cadre analytique pour le renseignement, qui utilise le logiciel Palantir pour recueillir des informations en vue d’effectuer une évaluation générale des risques des voyageurs et des rapports de renseignement[227].
La seconde poursuite visait ICE et réclamait des documents liés aux systèmes utilisés par ICE qui sont construits sur le logiciel de Palantir, connus sous le nom de systèmes Falcon. Ces systèmes servent de système principal de stockage et d’analyse des données d’ICE et proviennent de diverses bases de données gouvernementales. Ils contiennent de nombreuses catégories d’informations confidentielles, ainsi que des données d’appels et des données GPS[228]. Grâce au logiciel Palantir, les systèmes Falcon peuvent associer ces données à d’autres données par le biais d’une analyse des réseaux sociaux, par exemple pour localiser les immigrants sans papiers[229].
Ni M. MacNaughton ni aucun autre représentant de Palantir n’a comparu devant le Comité au cours de l’étude.
Accès à de hauts fonctionnaires
Nancy Bélanger, commissaire au lobbying, a indiqué qu’elle ne pouvait pas faire de commentaires sur le degré d’accès de M. MacNaughton aux hauts fonctionnaires du gouvernement, soulignant que son rôle est de déterminer si un ancien titulaire de charge publique désignée, à qui il est interdit de faire du lobbying, a en tout de même fait en vertu de la Loi sur le lobbying[230]. Comme la LCI, la Loi sur le lobbying renferme aussi des obligations concernant l’après‑mandat[231].
Mme Bélanger a expliqué que la Loi sur le lobbying interdit à un ancien titulaire de charge publique désignée, telle que définie dans la Loi, d’exercer des activités de lobbying à titre de lobbyiste-conseil ou de lobbyiste salarié pour une organisation. Cette interdiction est d’une durée de cinq ans. Toutefois, si un ancien titulaire de charge publique désignée est employé par une entreprise plutôt que d’être un lobbyiste-conseil ou un lobbyiste salarié, il a le droit de faire du lobbying, à condition que les communications ne représentent pas une partie importante de son travail[232].
En mars 2021, la commissaire au lobbying a publié son rapport d’enquête sur M. MacNaughton, dans lequel elle conclut que « M. MacNaughton n’a pas contrevenu à la restriction relative au lobbying à laquelle il est assujetti en tant qu’ancien titulaire de charge publique désignée à l’emploi d’une personne morale[233] ». Elle a conclu que la plupart de ses communications avec les fonctionnaires n’avaient pas trait aux sujets visés à l’alinéa 7(1)a) de la Loi sur le lobbying. Une petite proportion des autres communications l’étaient. Toutefois, celles‑ci ne répondaient pas à l’exception de « partie importante des activités » prévue au paragraphe 10.11(1) de la Loi, qui correspond à 20 % du temps consacré à de telles activités de communication[234].
Baylis Medical Inc. et un ancien parlementaire
Cette étude comprend « la prise en compte de tous les aspects de la relation entre le gouvernement et Baylis Medical Company Inc. (Baylis Medical), ainsi qu’avec l’ancien député libéral Frank Baylis, y compris l’attribution d’un contrat d’approvisionnement pour des instruments médicaux[235] ». Frank Baylis a été député de 2015 à 2019 et est actuellement président exécutif du conseil d’administration de Baylis Medical.
Nature du contrat
Le 11 avril 2020, FTI Professional Grade Inc. (FTI) a signé un contrat avec Services publics et Approvisionnement Canada pour la livraison de 10 000 ventilateurs. Le 16 avril 2020, FTI a signé un contrat de sous-traitance avec Baylis Medical pour la fabrication de ces ventilateurs[236]. Aucun contrat fédéral n’a été attribué directement à Baylis Medical. La valeur du contrat entre FTI et le gouvernement fédéral était de 237 300 000 $[237].
Le président de FTI, Rick Jamieson, a expliqué qu’il avait décidé de fabriquer des ventilateurs à la suite de l’appel à l’action lancé par le gouvernement en mars 2020. Il a contacté la fonction publique pour discuter d’un projet de fabrication de ventilateurs, en tant que membre du consortium Ventilateurs for Canadians (V4C), groupe d’entrepreneurs des secteurs de la fabrication industrielle, de la technologie et de l’ingénierie. Il n’avait jamais participé à un processus de passation de marchés publics avec un gouvernement auparavant[238]. Il a expliqué que FTI a été constitué en personne morale le jour de l’appel d’offres parce qu’il a été informé qu’une entité à but unique était tout indiquée[239].
M. Jamieson a confirmé qu’il avait communiqué avec la fonction publique au sujet du plan de V4C avant de parler à M. Baylis ou à Baylis Medical[240]. Il a confirmé qu’il ne connaissait pas M. Baylis et qu’il n’avait jamais entendu parler de Baylis Medical avant 2020[241]. Il a également souligné que sa société n’était pas la seule à avoir obtenu un contrat de ventilateurs sans avoir d’expérience préalable dans la fabrication d’équipements médicaux[242].
M. Neil Godara, vice-président et directeur général de Baylis Medical, a expliqué la raison de la différence de prix entre le ventilateur de Baylis Medical et le modèle duquel il s’inspire. Tout d’abord, si l’appareil de Baylis Medical est une réplique du ventilateur Medtronic PB560, le premier devait fournir beaucoup plus d’accessoires qui aideraient l’hôpital à utiliser le ventilateur sur plusieurs patients et à le configurer spécialement pour la COVID-19. Deuxièmement, la production a nécessité la mise en place d’une toute nouvelle usine de fabrication spécialement dédiée à la production de ventilateurs. Elle a nécessité l’embauche de plus de 250 personnes et l’acquisition d’outillage et de composants d’équipement spéciaux, ainsi que la sécurisation d’une chaîne d’approvisionnement mondiale. Enfin, en raison de la COVID-19, les coûts d’expédition ont considérablement augmenté, faisant grimper du même coup le coût unitaire[243].
Nature de la participation d’un ancien député
M. Baylis a déclaré au Comité qu’il n’a jamais été en contact avec des fonctionnaires concernant le contrat des ventilateurs de FTI et qu’il n’a pas non plus communiqué avec le premier ministre ou les ministres du Cabinet. « Je ne sollicitais personne ni n’adressais de demandes secrètes – comme on l’a laissé entendre – afin qu’on m’octroie un contrat ou qu’on en octroie un à M. Jamieson, à Ventilators for Canadians ou à FTI[244] ». Il a indiqué que 14 contrats ont été attribués par le gouvernement fédéral pour des ventilateurs et des accessoires[245].
M. Baylis a été informé par Neil Godara que M. Jamieson avait contacté Baylis Medical et souhaitait que la société fasse partie du consortium V4C. Il a eu un seul entretien téléphonique avec M. Jamieson, qu’il ne connaissait pas auparavant, au sujet de la participation de Baylis Medical[246]. M. Godara a confirmé que Baylis Medical était un sous-traitant et ne traitait qu’avec FTI. La société n’a pas participé à la négociation du contrat entre FTI et le gouvernement fédéral[247]. M. Godara travaillait en étroite collaboration avec M. Jamieson et informait M. Baylis de tout élément pertinent[248].
M. Baylis et M. Godara ont tous deux expliqué que Baylis Medical était l’une des plus grandes entreprises de matériel médical au Canada et qu’elle possédait l’expertise technique nécessaire pour concevoir, développer et faire approuver des appareils médicaux de qualité et les fabriquer[249]. M. Baylis a également confirmé que Baylis Medical avait obtenu des fonds du gouvernement fédéral à deux reprises avant qu’il ne devienne député en 2016 - la première fois pour un contrat et la deuxième pour un prêt[250].
M. Baylis a déclaré au Comité qu’il n’avait pas communiqué avec le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique concernant la participation de Baylis Medical à la production de ventilateurs. Il a appris que M. Dion examinait le contrat relatif aux ventilateurs quand le commissaire l’a mentionné publiquement[251].
M. Dion a confirmé qu’en tant qu’ancien député, M. Baylis n’était plus visé par le Code régissant les conflits d’intérêts des députés (Code des députés). Il a noté que le Commissariat a examiné les fonctionnaires impliqués dans l’attribution du contrat à V4C et a conclu n’avoir aucun motif raisonnable de croire qu’il y avait eu infraction à la LCI[252].
Mécanismes de contrôle des dépenses et des achats fédéraux
En plus des trois cas spécifiques étudiés, le Comité a entendu des témoignages concernant les dépenses et les achats fédéraux, les dépenses en lien avec la pandémie et la manière dont les mécanismes de surveillance peuvent être améliorés pour garantir que l’allocation des fonds fédéraux se fait de manière transparente et sans conflit d’intérêts. Les témoins ont commenté les mesures et pratiques actuelles, les lois ou règlements pertinents et le rôle des commissaires chargés de l’administration de ces lois.
Mesures déjà en place
La ministre Chagger a présenté plusieurs mesures de protection qui s’appliquent actuellement aux politiques fédérales en matière d’approvisionnement, de contrats, de subventions et de contributions, ainsi qu’à toutes les autres politiques de dépenses fédérales, afin d’éviter, d’atténuer et de prévenir les conflits d’intérêts[253]. Elle a fait remarquer que la Loi sur la gestion des finances publiques régit la distribution de l’aide financière. En outre, le gouvernement fédéral est régi par les procédures de surveillance et de reddition de comptes du SCT, qui comprennent la politique sur la gestion financière, la politique sur les paiements de transfert et la politique sur les résultats, l’évaluation et la vérification interne[254].
Plus précisément, la ministre Chagger a indiqué que la directive du SCT sur le gouvernement ouvert favorise la transparence et la reddition de comptes dans tous les ministères. Sur le portail du gouvernement ouvert, le public canadien peut également consulter les subventions et les contributions qui ont été accordées, ainsi que certains renseignements (plans ministériels, résultats, coûts engagés, contrats accordés, consultations et évaluations, etc.[255]).
Les lettres de mandat des ministres comprennent des engagements en faveur d’un gouvernement transparent, honnête et responsable, y compris le respect des normes éthiques les plus rigoureuses. Tous les députés doivent se conformer au Code des députés, et les ministres et secrétaires parlementaires doivent également se conformer à la LCI[256].
Des mécanismes sont en place dans tous les ministères pour prévenir le risque de partialité ou de conflit d’intérêts. Par exemple, la ministre Chagger a mentionné qu’à Patrimoine canadien, l’approbation d’une subvention ou d’une contribution n’est jamais faite par une seule personne. D’autres mécanismes comprennent la réalisation d’évaluations internes, d’examens par les pairs ou d’examens par des comités internes et externes[257].
La ministre Chagger a précisé que les ministres et les secrétaires parlementaires devaient « aussi respecter les normes de probité et d’intégrité les plus strictes énoncées dans les Politiques à l’intention des cabinets des ministres ». Elle a ajouté que les fonctionnaires doivent, eux, respecter des règles strictes sur l’intégrité, notamment le Code de valeurs et d’éthique du secteur public[258]. Les employés qui participent au versement des paiements de transfert reçoivent une formation supplémentaire pour les aider à identifier et à gérer les conflits d’intérêts potentiels. Les personnes et les organisations qui demandent un financement sont tenues de déclarer tout conflit d’intérêts potentiel au moment de la demande. Plusieurs ministères disposent de cadres de contrôle interne qui définissent les rôles et les responsabilités en matière de gestion financière et qui sont conçus pour fournir une assurance raisonnable que les ressources publiques sont utilisées avec prudence et que les processus de gestion financière sont efficaces et efficients[259].
Dans le même ordre d’idées, M. Shugart a réitéré que les fonctionnaires titulaires de charge publique respectent quotidiennement la LCI « pour ce qui concerne les déclarations, les consultations du commissariat à l’éthique eu égard aux risques de conflits d’intérêts ou les ordonnances de dessaisissement, de même que les mesures à mettre en place pour prévenir les conflits d’intérêts, qui sont parfois plus rigoureuses que ce que le commissaire exige[260] ».
Mme Kovacevic a indiqué que pour tous les programmes que le ministère des Finances élabore et pour les décisions sur lesquelles elle donne son avis, elle prend en considération les points de vue des chercheurs, des cabinets ministériels et des tiers[261]. Elle a ajouté que ses considérations politiques auraient été les mêmes, peu importe le parti au pouvoir[262].
M. Kennedy a donné un aperçu des pratiques et des mécanismes de surveillance en place à ISDE. Il a déclaré qu’ISDE dispose d’un processus rigoureux de diligence raisonnable en matière de contrats. Une équipe interne examine chaque contrat pour vérifier toutes les exigences légales et les questions de conflit d’intérêts, entre autres. De plus, il existe des contrôles financiers internes pour garantir que les processus de diligence raisonnable sont suivis avant tout contrat. Le processus est supervisé par le dirigeant principal des finances ou, à l’occasion, pour les contrats plus importants, par un comité[263].
M. Kennedy a utilisé le Fonds d’innovation stratégique pour expliquer pourquoi l’examen des finances des entreprises est une étape importante avant d’accorder un contrat. Il a expliqué qu’un contrat peut comporter des risques financiers, administratifs et technologiques, et que parmi les éléments examinés par ISDE dans le cadre du Fonds pour l’innovation stratégique, on peut citer :
[s]i l’entreprise a les reins assez solides pour aller de l’avant. Trouvera-t-elle le financement? Elle recevra peut-être de l’argent des contribuables, mais elle va aussi trouver des fonds à d’autres sources. En a-t-elle les moyens? A-t-elle suffisamment d’argent en banque pour ne pas en manquer à mi-chemin du projet[264]?
M. Kennedy a expliqué au Comité qu’avant « d’établir un partenariat et peut-être investir dans une société, [les fonctionnaires d’ISDE veulent se] faire une idée des risques pour le contribuable[265] ».
Surveillance des dépenses liées à la pandémie
Selon Marc Tassé, les règles pré-pandémiques devraient être appliquées pendant une pandémie[266]. Toutefois, si ces règles ne peuvent pas s’appliquer, d’autres mécanismes de surveillance et de responsabilisation pour la mise en œuvre des programmes d’aide fédéraux pendant une pandémie devraient être mis en place « pour compenser la révocation de certains contrôles internes de la conformité[267] ». Il a reconnu qu’en temps de crise, il faut agir vite, mais a insisté sur le fait que « le maintien d’un niveau adéquat de diligence raisonnable au sein de la chaîne d’approvisionnement est essentiel pour prévenir la corruption, la fraude et d’autres pratiques illégales et contraires à l’éthique[268] ». Il a rappelé que, même s’il est nécessaire de contourner ou d’accélérer les contrôles du système de passation de marchés existant, il faut faire preuve d’une diligence accrue[269].
M. Tassé a expliqué qu’en cas de pandémie, le gouvernement et les hauts fonctionnaires doivent être plus vigilants et renforcer les structures afin de réduire le risque de favoritisme et de clientélisme dans l’attribution des contrats. Par conséquent, si des dérogations d’urgence peuvent être autorisées pour attribuer des contrats à fournisseur unique, elles doivent être nécessaires et non sélectives, étant donné qu’elles offrent des voies de contournement aux parties[270].
M. Tassé s’est demandé si la planification pré-pandémique aurait pu mieux nous protéger contre les vulnérabilités des contrats gouvernementaux et si les personnes responsables de l’administration des lois pertinentes ont suffisamment de pouvoir pour prévenir, détecter et punir les violations de ces lois, en particulier lorsqu’un conflit d’intérêts survient en situation d’urgence[271]. Selon lui, les règles actuelles du système fédéral d’approvisionnement sont excellentes, mais les fonctionnaires responsables doivent être conscients de la possibilité d’un conflit d’intérêts réel ou apparent[272]. Il a également fait remarquer qu’un programme fédéral d’intégrité visant à prévenir les conflits d’intérêts est en place et efficace, mais que, dans le contexte d’une pandémie « [i]l faudrait simplement l’adapter à certaines mesures liées à la situation d’urgence que nous vivons présentement[273] ».
Denis Gallant, avocat chez Roy Bélanger Avocats, a expliqué qu’au Canada, tant au fédéral que dans les provinces, l’attribution des contrats publics est strictement encadrée par diverses lois et règlements. Le but est d’assurer le meilleur produit ou service au meilleur prix, de garantir la liberté de concurrence et de donner une chance égale à tous les particuliers qui veulent obtenir un marché public. Pour atteindre ces objectifs, il faut absolument lancer un appel d’offres public, sauf dans des circonstances exceptionnelles, comme une situation d’urgence[274]. Il a toutefois précisé que l’urgence « ne doit pas devenir un prétexte pour contourner les règles impératives en matière de contrats publics » et qu’elle « ne doit pas non plus contribuer au laxisme en matière de contrôle et de surveillance des deniers publics[275] ».
M. Gallant s’est dit préoccupé par les mesures de protection mises en place pour empêcher les prix abusifs, les fraudes éventuelles et le gaspillage pendant la pandémie. Il a recommandé l’intégration de programmes de contrôle et de surveillance de l’intégrité en direct, comme ceux que l’on trouve dans certains bureaux d’inspecteurs généraux aux États-Unis[276].
M. Conacher a expliqué que la Loi sur la gestion des finances publiques et ses règlements contiennent des lacunes qui permettent de passer des contrats à fournisseur unique. Selon lui, il aurait été préférable d’utiliser la règle qui permet un appel d’offres plus court de 10 jours en vertu de la Loi plutôt que de recourir à un fournisseur unique pendant la pandémie[277].
Dépenses dans le feu de l’action en temps de pandémie
M. Simon Kennedy, sous-ministre à ISDE, a fourni au Comité un exemple de la façon dont les dépenses liées à la pandémie ont été effectuées dans un ministère. Il a expliqué qu’ISDE a réussi à agir rapidement pour travailler avec des milliers d’entreprises qui ont offert leur expertise pour aider à combattre la COVID-19. Ce pivot important a été facilité, par exemple, par la réorientation de son programme d’innovation commerciale pour se concentrer sur la COVID-19[278].
M. Kennedy a confirmé qu’au début de la pandémie, les personnes travaillant à ISDE ont dû faire de nombreuses heures supplémentaires, et il a souligné que l’intensité n’avait toujours pas diminué pour lui et certains de ses collègues, au moment de sa comparution[279]. Cependant, il a noté que dans les situations d’urgence, il faut tout de même conserver les documents et un historique complet du processus de décision pour pouvoir justifier les actions d’ISDE[280]. Il a rappelé que si son équipe a agi rapidement, elle l’a fait de manière responsable. Si des risques devaient être pris par manque d’information, son équipe essayait de prendre « des risques calculés et intelligents » et « de ne pas laisser trop de bureaucratie et de tracasseries administratives ralentir ce que nous estimions tous nécessaire pour agir rapidement pour mettre le pays à l’abri d’une situation très désespérée[281] ».
Améliorer les mécanismes de surveillance
M. Tassé a recensé quinze questions qu’un gouvernement devrait se poser avant d’attribuer un contrat à fournisseur unique :
- L’entité possède-t-elle les compétences techniques nécessaires?
- L’entité dispose-t-elle des ressources humaines nécessaires pour mener à bien le mandat?
- L’entité dispose-t-elle d’une structure juridique transparente?
- L’entité dispose-t-elle d’une structure de gouvernance stable?
- L’entité dispose-t-elle de la stabilité financière pour mener à bien le contrat?
- Des vérifications des dirigeants de l’entité ont-elles été réalisées avant l’attribution du marché?
- Le marché a-t-il été attribué dans un contexte d’urgence ou de sécurité personnelle?
- Les questions de conflit d’intérêts apparent, potentiel et réel ont-elles été évaluées avant l’attribution du marché?
- Le marché est-il guidé par la diligence raisonnable en ce qui concerne l’intérêt du ministère?
- Le marché est-il typique de la relation entre un ministère et une entité?
- Le contrat comporte-t-il une disposition relative à la surveillance régulière du programme d’éthique et de conformité de l’entité qu’on envisage de retenir?
- Le contrat comporte-t-il des dispositions anticorruption?
- Le contrat comporte-t-il des dispositions relatives au recouvrement de fonds détournés?
- Le contrat a-t-il fait l’objet d’une validation juridique avant son attribution[282]?
Il a précisé que ces questions pouvaient servir de guide et que les décisions prises en fonction des réponses à ces questions devaient être documentées et pouvaient engendrer d’autres questions[283].
En ce qui concerne l’approche fédérale pour le financement des accords de contribution, qui consiste à débloquer le financement par étapes en fonction de l’atteinte d’indicateurs de rendement clés, M. Tassé a convenu qu’il s’agissait d’une approche prudente et responsable[284]. Le Comité constate que les accords de contribution et les contrats ne sont pas régis par les mêmes règles[285].
M. Gallant a relevé un manque de surveillance continue des dépenses fédérales. Au Québec, l’Autorité des marchés financiers (l’autorité des marchés publics) veille à ce que, au moment de l’attribution des contrats, un organisme neutre et indépendant assure ce type de surveillance. L’Autorité des marchés publics a le pouvoir d’annuler tout contrat en violation des règles. M. Gallant a recommandé de nommer un organisme semblable au fédéral qui serait en mesure de lever rapidement le drapeau rouge en cas de problème avec un contrat de gré à gré (sans processus d’appel d’offres[286]). M. Gallant a expliqué qu’au Québec :
pour donner un contrat de gré à gré, il doit nécessairement y avoir un avis d’intention envoyé par le système électronique d’appel d’offres. Cet avis signale qu’on s’apprête à accorder à un organisme de charité ou à une autre entreprise un contrat de gré à gré pour tel ou tel facteur, et que c’est pour cela qu’il n’y aura pas d’appel d’offres. Un tel appel public aux propositions permet à des gens qui sont intéressés et qui en ont la capacité de fournir un service au gouvernement, et ce, dans un délai serré de 15 jours[287].
M. Conacher a recommandé de mettre un terme aux dépenses douteuses pour les contrats à fournisseur unique et d’accroître la diligence raisonnable. Il a recommandé d’exiger des institutions participant à des dépenses importantes qu’elles demandent au vérificateur général d’effectuer une vérification de la conformité avant d’entamer le processus de dépense[288].
Mark Blumberg, avocat spécialisé dans le droit des organismes de bienfaisance, a noté que, contrairement à d’autres pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, le Canada ne demande pas autant d’informations aux bénéficiaires de contrats publics[289]. Par exemple, l’ARC a réduit la quantité de renseignements qu’elle recueille et fournit publiquement sur les organismes de bienfaisance, malgré le fait que la transparence soit essentielle pour maintenir la confiance du public[290]. M. Blumberg a souligné que la confiance dans le secteur caritatif est vitale[291]. Il a proposé plusieurs mesures susceptibles d’assurer une plus grande transparence en ce qui concerne les finances et les activités des organismes de bienfaisance, mesures qui pourraient être envisagées par le gouvernement fédéral pour recevoir des fonds, notamment des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu[292].
Règles sur les conflits d’intérêts et rôle du commissaire
Le Comité a entendu le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique sur les règles sur les conflits d’intérêts et sur son rôle dans l’application de ces règles, y compris pendant la pandémie. Le Comité a également entendu le témoignage d’universitaires et d’experts concernant le rôle du commissaire, le concept de conflit d’intérêts, les modifications suggérées à la LCI, l’application des règles au premier ministre et la culture de l’éthique.
Commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique
M. Dion a expliqué qu’il est important d’avoir un agent indépendant du Parlement, nommé pour sept ans sans possibilité de révocation, pour travailler sur les questions d’éthique relatives aux députés et aux titulaires de charge publique. Un agent indépendant peut être objectif et non partisan afin de maintenir la crédibilité publique[293].
M. Dion a fait remarquer qu’étant donné qu’il est possible que lui, un décideur indépendant, et un comité parlementaire, qui fait preuve de partisanerie, parviennent à des conclusions différentes sur la même question, un tel résultat « ne serait pas particulièrement bon pour la crédibilité vis-à-vis du public[294] ». Selon lui, personne n’en sortirait gagnant.
Selon M. Dion, le Commissariat serait mieux placé que le comité pour enquêter sur le comportement éthique des parlementaires, compte tenu du cadre créé par le Parlement en 2004. Toutefois, il a indiqué que les études des comités sur le même sujet que ses enquêtes n’entravent pas le travail de son équipe et que celle-ci suit avec intérêt ce qui se passe au sein des comités[295]. Il a néanmoins rappelé au Comité qu’il a le plein pouvoir d’enquêter sur des questions de son propre chef, et qu’il serait « contraire à la loi » qu’il suive les conseils des parlementaires pour décider de la manière de mener ses enquêtes[296]. Il ne se réjouirait pas d’apprendre qu’un comité enquête sur le même sujet que lui, même si le comité est libre de le faire[297].
M. Dion a expliqué que s’il entend des preuves contradictoires au cours d’une enquête, son rôle est de déterminer, selon la prépondérance des probabilités, qui dit la vérité en demandant des documents supplémentaires, en interrogeant d’autres personnes et en examinant l’ensemble des faits. Une fois qu’il est arrivé à ses conclusions, il les communique dans un rapport au Président de la Chambre dans le cas du Code des députés, et aussi au premier ministre dans le cas de la LCI. Son rapport est définitif. Il a fait remarquer que l’interprétation qu’il donne à la Loi « est essentiellement inattaquable — elle est définitive — même s’il reste plusieurs zones d’ombre[298] ».
La seule instance devant laquelle il doit défendre ses conseils et ses décisions est le Parlement lui-même ou, si quelqu’un demande un contrôle judiciaire, la Cour d’appel fédérale. Un contrôle judiciaire d’une décision du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique ne peut être demandé que dans trois cas précis liés à l’exercice de la compétence du commissaire : l’équité procédurale, le parjure et la fraude. Les prétendues erreurs de droit ne constituent pas un motif valable pour un contrôle judiciaire[299].
En ce qui concerne les communications avec les députés, M. Dion a déclaré au Comité que tous les conseils fournis aux députés demeurent confidentiels. Le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique conseille le premier ministre à la demande de ce dernier, mais il a aussi le droit de prendre l’initiative et de fournir des conseils non sollicités[300].
Universitaires et experts
Rôle du commissaire
Mary Dawson a été commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique de 2007 à 2017. Elle a rappelé au Comité que les principales activités du Commissariat étaient notamment de « donner des conseils, d’informer, de recevoir des informations provenant de titulaires de charge publique, certaines de ces informations étant rendues publiques, et de mener des enquêtes en cas de contraventions présumées de la Loi ». Selon elle, son rôle le plus important « était de conseiller les titulaires de charge publique afin qu’ils ne se retrouvent pas en contravention de la Loi[301] ».
Selon elle, chaque titulaire de charge publique principal visé par la LCI devrait se voir attribuer un conseiller comme point de contact avec le Commissariat pour répondre à ses questions[302]. Elle a ajouté que, lorsqu’elle était commissaire, son personnel était disponible pour rencontrer le personnel du cabinet des ministres ou des différentes commissions afin de discuter d’éthique[303].
En ce qui concerne les comparutions du Commissariat devant les comités parlementaires pour discuter des rapports, Mme Dawson a expliqué que, selon la LCI, « le commissaire à l’éthique n’est pas censé divulguer des informations qu’il a recueillies au cours de son enquête ou quoi que ce soit qui ne figure pas déjà dans son rapport[304] ».
Le concept de conflit d’intérêts et les règles générales
Le concept de conflit d’intérêts a été expliqué par Chris MacDonald, professeur agrégé à l’Université Ryerson en éthique :
La notion de conflit d’intérêts tient essentiellement au fait que, dans la vie moderne, nous avons souvent des gens qui prennent des décisions importantes en notre nom ou qui nous conseillent sur des décisions importantes alors que nous n’avons pas nécessairement la proximité ou les connaissances voulues pour les surveiller. Nous devons donc pouvoir leur faire confiance, mais tous les décideurs, y compris les professionnels et les dirigeants politiques, ont une vie riche et complexe qui fait intervenir d’autres facteurs. Il est donc très probable que, dans toutes sortes de situations, lorsqu’on vous confie la responsabilité de prendre une bonne décision au nom de votre employeur, du public ou de votre institution, d’autres facteurs peuvent intervenir. Ce que nous voulons faire en pareil cas, c’est essayer de déterminer, compte tenu de la nécessité de ce rôle, comment nous pouvons atténuer les difficultés qui pourraient survenir, y compris les choses comme des conflits d’intérêts[305].
Selon M. MacDonald, une des raisons pour lesquelles les conflits d’intérêts sont problématiques est que lorsqu’ils ne sont pas traités correctement, la confiance dans le décideur et son institution peut être ébranlée[306]. « La confiance est menacée pour peu qu’on soupçonne que les experts ou les titulaires de charge publique, forcément difficiles à surveiller, peuvent profiter indûment de leur statut privilégié[307] ».
M. Robert Czerny, ancien président de l’Association des praticiens en éthique du Canada, a partagé un point de vue similaire. Selon lui, la confiance est essentielle dans la fonction publique, et le public doit faire confiance au gouvernement. C’est pourquoi il est important de garder les intérêts personnels en dehors du processus décisionnel et des opérations du gouvernement. Selon lui, les conflits d’intérêts, qu’ils soient réels ou apparents, peuvent détruire la confiance du public dans la capacité du gouvernement à agir dans son intérêt[308]. Au cours de son témoignage, M. Tassé a souligné l’importance de l’éthique gouvernementale pour assurer la confiance des citoyens dans le système[309].
Néanmoins, a expliqué M. MacDonald, un conflit d’intérêts, en soi, ne peut constituer une accusation et peut survenir tout à fait innocemment. S’il survient, il y a de grandes étapes à suivre pour le traiter convenablement : éviter le conflit, le déclarer aux personnes concernées et se récuser du processus décisionnel. Pourtant, il est parfois impossible de l’éviter. La déclaration est souvent insuffisante, laissant les parties prenantes se demander ce qu’elles doivent faire des informations reçues. La récusation est parfois impossible en raison des rôles et responsabilités pertinents, et dans certains cas, elle peut ne pas être efficace[310]. Lorsque la récusation est impossible, par exemple en raison de l’expertise du décideur, on peut diluer le conflit d’intérêts en faisant participer davantage de personnes au processus décisionnel[311].
M. Tassé a identifié des moyens semblables pour les fonctionnaires de traiter les conflits d’intérêts, à savoir la divulgation et le retrait, la récusation ou la démission de leurs fonctions. Il a également recommandé d’avoir des lois qui ont « du mordant », un niveau de diligence raisonnable proportionnel à l’urgence des décisions, et des mécanismes de transparence pour examiner les décisions après coup afin de tenir les décideurs responsables[312].
M. MacDonald fait une distinction entre une apparence de conflit d’intérêts et un conflit d’intérêts réel. Il a fait remarquer que la perception d’un conflit d’intérêts est souvent fondée sur une mauvaise compréhension des faits de l’affaire. Dans ce cas, essayer de corriger la perception erronée peut aider, mais il faut tout de même régler le problème, car il peut éroder la confiance du public ou des intervenants[313]. Dans le cas d’un conflit d’intérêts perçu, M. MacDonald a déclaré « qu’il n’y a rien dont vous ayez à vous retirer, et la récusation n’a donc pas de sens à ce moment-là. Une autre forme de distanciation verbale peut être utile[314] ».
M. Czerny a expliqué au Comité qu’il existe des codes d’éthique à d’autres ordres de gouvernement au Canada qui interdisent l’apparence de conflit d’intérêts et a fait remarquer qu’à son avis, ce n’est pas seulement le conflit d’intérêts « réel » qui doit être abordé par la loi[315].
En ce qui concerne la récusation et la question de savoir si une personne doit se récuser immédiatement dès qu’elle se demande si elle est en conflit d’intérêts, M. MacDonald a une approche nuancée. Selon lui, si une réaction instinctive peut être une raison de marquer un temps d’arrêt, ce n’est pas nécessairement une raison de retirer quelqu’un de toute une conversation de manière définitive. Il est possible que le conflit ne soit pas ce qu’il semble être ou qu’une fois le conflit déclaré, les décideurs concernés souhaitent toujours que la personne participe au processus décisionnel en raison de son point de vue ou de son expertise. « Au bout du compte, ce sont les réactions des intervenants externes qui doivent nous préoccuper le plus[316] ».
M. Czerny a expliqué que les fonctionnaires non partisans et les représentants élus doivent collaborer dans le cadre du travail du gouvernement et qu’il faut « clarifier leurs rôles complémentaires et leurs principes de fonctionnement[317] ». Il a souligné l’importance de s’exprimer et de dire la vérité aux échelons supérieurs, ce qui est nécessaire à tous les paliers du gouvernement, du personnel subalterne à l’interaction entre un ministre et son adjoint. Toutefois, il a souligné le fait que si la prise de parole est nécessaire, la confidentialité est « absolument nécessaire pour que les fonctionnaires puissent donner des conseils honnêtes aux ministres et pour que les ministres puissent les demander[318] ».
M. Czerny a formulé plusieurs recommandations concernant les conflits d’intérêts au niveau du cabinet et dans la fonction publique. Il a recommandé que la procédure standard à toutes les réunions du Cabinet soit que le président commence par soulever la question du conflit d’intérêts et invite toute personne visée à se récuser. Il a recommandé un processus semblable au niveau ministériel, par exemple en s’assurant qu’en préparation des réunions ministérielles, le compte rendu du sous-ministre au ministre comprenne un rappel pour s’assurer qu’il n’est pas en conflit d’intérêts concernant l’un des points à l’ordre du jour[319]. De plus, il a expliqué ceci :
[L]es demandes qu’un ministre ou le cabinet adresse à un ministère peuvent être aussi générales que « fournir des options réalisables pour réaliser x », mais peuvent également être aussi précises que « faire preuve de diligence raisonnable à l’égard du choix de y pour réaliser x ». Afin de donner les meilleurs conseils possible, de dire la vérité aux autorités et de protéger les ministres contre les risques potentiels, la réponse du sous-ministre à une demande plus précise peut compléter tout autre renseignement pertinent que le personnel du ministère peut fournir[320].
M. Czerny a également proposé d’ajouter un énoncé dans le Code de valeurs et d’éthique du secteur public précisant que « le fait d’exercer des pressions sur un fonctionnaire fédéral pour qu’il y contrevienne constitue une violation du code[321] ». M. Tassé a expliqué qu’un conflit d’intérêts peut survenir dans tous les milieux. Tout le monde a des intérêts personnels, mais les fonctionnaires ont le devoir de servir l’intérêt public et de prendre des décisions en se fondant sur des critères impartiaux[322].
M. Tassé a confirmé qu’il incombe aux titulaires de charge publique de comprendre leurs obligations en vertu de la LCI et pour les députés, de comprendre le Code des députés, mais il a reconnu que les règles peuvent parfois prêter à confusion[323]. Selon lui, les règles en vigueur en matière de conflits d’intérêts sont suffisantes, mais il est important d’identifier les personnes qui essaieront de trouver les failles et de les empêcher d’en profiter[324].
Suggestions de modifications à la Loi sur les conflits d’intérêts et à d’autres lois
En ce qui concerne de potentielles modifications à la LCI, Mme Dawson a signalé qu’un seul examen législatif a eu lieu depuis l’adoption de la Loi en 2013‑2014. Cet examen était obligatoire en vertu de la Loi, mais il n’a donné lieu à aucune modification. Elle a renvoyé le Comité à un résumé des 75 recommandations qu’elle avait formulées pour l’examen en question et qui sont résumées dans le rapport annuel 2016‑2017 du Commissariat[325].
Mme Dawson a rappelé au Comité que l’article 4, qui définit le conflit d’intérêts, n’est pas une disposition de fond de la LCI. Il s’agit d’une disposition de définition. Pour qu’il y ait contravention à la Loi, il faut qu’il y ait violation d’une des dispositions de fond (articles 5 à 19). Elle avait donc recommandé de déplacer la définition de l’article 4 vers la section des définitions de la Loi pour éviter toute confusion[326].
Selon M. MacDonald, la définition de « conflit d’intérêts » à l’article 4 de la LCI comporte une faille importante[327]. Cet article prévoit :
Pour l’application de la présente loi, un titulaire de charge publique se trouve en situation de conflit d’intérêts lorsqu’il exerce un pouvoir officiel ou une fonction officielle qui lui fournit la possibilité de favoriser son intérêt personnel ou celui d’un parent ou d’un ami ou de favoriser de façon irrégulière celui de toute autre personne.
Selon M. MacDonald, la définition est imparfaite parce qu’elle fait référence à l’exercice d’un pouvoir officiel et ne correspond pas à l’opinion de nombreux spécialistes selon laquelle le conflit d’intérêts est un type de situation et non un type d’action. Une meilleure définition serait : « situation dans laquelle une personne, c’est-à-dire un titulaire de charge publique, un employé ou un professionnel, a un intérêt privé ou personnel assez important pour qu’il semble influencer l’exercice objectif de ses fonctions officielles[328] ». Selon cette définition, tout ce qui est nécessaire pour qu’il y ait conflit d’intérêts est l’existence d’un « certain type de devoir professionnel en porte-à-faux avec un certain intérêt personnel susceptible d’influencer le jugement[329] ».
Mme Dawson a fait remarquer que le terme « ami » n’est pas défini dans la LCI[330]. Elle a également fait remarquer que l’expression « intérêt personnel » n’est pas définie dans la Loi. Elle a toujours pensé que cette expression était essentiellement liée aux questions financières et ne s’appliquait généralement pas aux intérêts politiques, mais elle a souligné que l’actuel commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique a élargi l’interprétation de cette expression pour y inclure de tels intérêts dans le Rapport Trudeau II[331]. Le Comité reconnaît que l’interprétation du commissaire actuel est celle qui prévaut. M. Conacher a recommandé d’ajouter une définition de l’expression « intérêt personnel » dans la Loi, qui comprendrait les intérêts politiques, sociaux et financiers[332].
En ce qui concerne l’article 11 de la LCI , qui traite des cadeaux, Mme Dawson a recommandé une transparence accrue, par exemple en abaissant le seuil de déclaration. Elle a également recommandé de supprimer l’exception contenue dans cet article, qui rend acceptable le fait qu’un titulaire de charge publique reçoive un cadeau d’un ami[333].
En ce qui concerne les autres dispositions de la LCI, elle a recommandé de renforcer les obligations d’après-mandat, d’ajouter certaines obligations de déclaration pour les titulaires de charge publique non principaux et d’harmoniser certaines des dispositions de la Loi et du Code des députés afin d’éviter toute confusion, en particulier pour les ministres qui doivent suivre deux ensembles de règles différents[334].
Mme Dawson n’est pas favorable à l’ajout de pénalités strictes dans la LCI. Elle a rappelé au Comité que la Loi n’est pas un texte de loi criminel. De nombreuses dispositions existent déjà dans le droit pénal pour des activités graves telles que la corruption et la fraude. Si une infraction criminelle a été commise, le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique doit renvoyer l’affaire aux personnes compétentes et mettre fin à toute enquête en cours[335].
Contrairement à Mme Dawson, M. Conacher a relevé un manque de pénalités dans la LCI en cas d’infraction aux règles administratives. Par exemple, la pénalité maximale pour avoir omis de déclarer des actifs et des passifs de manière précise et dans les délais impartis n’est que de 500 $[336]. M. Conacher reconnaît que la LCI est un moyen civil et non pénal de prévenir les conflits d’intérêts et qu’elle est importante pour maintenir l’intégrité du gouvernement, mais, selon lui, les pénalités prévues devraient être très sévères. Il a proposé une année de salaire par infraction[337]. M. Tassé a également recommandé que la Loi permette l’imposition de pénalités qui traduisent la gravité de l’infraction et clarifie ce qui constitue une infraction grave par rapport à une infraction mineure[338].
M. Conacher a également recommandé d’ajouter une règle exigeant l’honnêteté dans la Loi et dans le Code des députés « afin que les politiciens et les fonctionnaires soient pénalisés s’ils induisent les électeurs en erreur sur quoi que ce soit, y compris au sujet de leurs propres actes répréhensibles[339] ». Il a également suggéré d’éliminer la règle qui permet le dessaisissement en plaçant les biens dans une fiducie sans droit de regard qui, selon lui, « n’est aucunement sans droit de regard, car celui qui la crée sait ce qu’il y met, choisit le fiduciaire et peut même donner des instructions[340] ».
M. Conacher a suggéré d’interdire au Commissariat de mettre en place des filtres anti-conflits d’intérêts, malgré le fait que la Cour d’appel fédérale a déterminé qu’il s’agissait d’un outil d’application raisonnable[341]. En vertu de l’article 29 de la LCI, le commissaire a le pouvoir de déterminer les mesures pertinentes pour assurer le respect de la Loi. Ces mesures comprennent la mise en place de filtres anti-conflits d’intérêts, mesure de conformité préventive qui garantit que, lorsqu’un conflit d’intérêts peut survenir, le titulaire de charge publique ne participe pas aux processus de prise de décision ou aux discussions concernant des questions qui pourraient donner lieu à un conflit d’intérêts[342].
M. MacDonald a souligné qu’un article de la LCI permet de faire des exceptions à certaines de ses exigences « si le commissaire estime que le contrat ou l’intérêt n’aura vraisemblablement aucune incidence sur l’exercice […] (des) fonctions officielles[343] ». Selon lui, « la question de savoir si le conflit aura une incidence sur la prise de décisions n’est que la moitié du problème ». La question est plutôt « de savoir si la participation à une décision fera fléchir la confiance du public dans le processus décisionnel en cause[344] ».
De même, M. Conacher a recommandé de combler ce qu’il décrit comme une lacune de la LCI. Il a expliqué qu’actuellement, les ministres et les hauts fonctionnaires ne sont pas tenus de se retirer lorsqu’ils ont un conflit d’intérêts « [t]ant que ces décisions sont d’application générale », par exemple les décisions relativement à un changement dans la loi[345]. Selon lui « il faut interdire à tous les intervenants politiques fédéraux de participer à tout processus décisionnel dès qu’il y a simple apparence de conflit d’intérêts[346] ».
De plus, il a recommandé au gouvernement de mettre un terme à « l’influence de l’argent » dans la politique en interdisant les dons et les prêts importants, en interdisant les cadeaux et en limitant toutes les faveurs, y compris l’aide bénévole lors des campagnes, et en exigeant leur déclaration[347]. Selon lui, on éviterait ainsi les conflits d’intérêts dans les dépenses fédérales.
Malgré les imperfections de la LCI qu’il a relevées, M. MacDonald a souligné que la LCI « contient certainement les éléments nécessaires pour orienter les titulaires de charge publique dans la bonne direction en matière de conflits d’intérêts », par exemple, en exigeant des représentants publics qu’ils organisent leurs propres affaires de manière à éviter les conflits d’intérêts et qu’ils s’abstiennent de prendre des décisions sur des questions dans lesquelles ils ont un intérêt personnel[348].
Mme Dawson a également déclaré au Comité que, malgré ses recommandations, la LCI dans sa forme actuelle est « dans l’ensemble tout à fait adéquate ». D’ailleurs, pendant qu’elle était en fonction, divers pays ont cherché à s’inspirer de la législation canadienne et de l’administration du régime des conflits d’intérêts en place au niveau fédéral. Les provinces ont aussi des régimes semblables[349].
Premier ministre et conflit d’intérêts
Mme Dawson a convenu qu’il était particulièrement important pour le premier ministre, ne serait-ce que symboliquement, d’être vigilant en matière de conflits d’intérêts, mais elle a insisté sur le fait que la LCI s’appliquait à tout le monde sans distinction, qu’il s’agisse du premier ministre ou des fonctionnaires les plus modestes couverts par la Loi. Les règles sont les mêmes pour tous[350]. Elle a également concédé qu’il y a peut-être un devoir accru d’être conscient d’un conflit d’intérêts lorsqu’un contrat d’un million de dollars est attribué à une partie sans appel d’offres, si le temps le permet. Mme Dawson a indiqué au Comité que l’article 19 de la LCI précise que le respect de la Loi est une condition de nomination ou d’emploi en tant que titulaire de charge publique. Cette condition devrait avoir une incidence sur ce qu’il advient d’une personne qui peut être trouvée responsable d’avoir contrevenu à la LCI[351].
Mme Dawson a également reconnu qu’il y a une distinction entre les personnes qui contreviennent délibérément à la LCI et celles qui le font involontairement. Selon elle, l’intention malveillante ou la préméditation devraient être prises en compte dans l’évaluation des cas[352].
Culture d’éthique
M. MacDonald a expliqué au Comité que le simple fait de disposer d’un ensemble clair de règles relatives aux conflits d’intérêts ne suffit pas. Il faut que les personnes visées comprennent les valeurs qui sous-tendent les règles grâce à une formation qui ne se limite pas à la lecture de la loi. Elles doivent « faire l’expérience des défis éthiques pertinents pour en saisir le sérieux sur le plan psychologique et s’exercer — acquérir une habitude — à faire ce que les règles exigent[353] ». Par exemple, M. MacDonald a décrit son projet de recherche, IN.Lab, qui immerge les participants dans des scénarios réalistes et leur permet de prendre des décisions éthiques en temps réel. Selon lui, si l’apprentissage par l’expérience peut être utile, l’idéal est que la formation soit donnée à l’avance pour que les gens puissent avoir une idée suffisamment réelle de ce que sont ces problèmes[354].
M. Czerny est d’accord pour dire que les simulations aident les gens à raffiner leur réflexion sur les principes et les idéaux, ce qui peut les conduire à la meilleure réponse possible[355]. D’après son expérience, les gens réagissent mieux et avec plus de maturité lorsqu’ils sont mis au défi de comprendre des principes et qu’ils ont ensuite la possibilité de les appliquer dans divers scénarios[356].
M. MacDonald a expliqué que les règles peuvent toujours être clarifiées, mais qu’il ne serait pas nécessairement préférable de multiplier les règles. Dans de nombreux cas, le problème n’est pas l’absence de règles, mais le fait que « les gens ne savaient pas comment les appliquer ou que la culture d’une organisation particulière encourageait les gens à ne pas les suivre[357] ». Il a toutefois reconnu que la LCI méritait d’être améliorée, en précisant que « les lois ne peuvent jamais être suffisamment complètes pour décrire toutes les choses qui pourraient être interdites », ce qui explique en partie l’existence d’un commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique et d’un comité sur l’éthique[358].
M. Czerny a convenu qu’il n’était pas nécessaire de multiplier les règles. Selon lui, la clé de la création d’une culture d’éthique dans une organisation est d’avoir des attentes explicites qui sont « annoncées et renforcées dans l’ensemble de l’organisation par des communications, de la formation et un dialogue constant », et des personnes au sommet qui dirigent et diffusent la culture d’éthique dans toute l’organisation[359]. Il existe « un solide ensemble de pratiques exemplaires pour encourager une conduite éthique dans les organisations », qui comprennent, par exemple, l’articulation des valeurs et des codes de conduite, la formation et le dialogue, ainsi que les services de conseil et de médiation[360]. Les organisations peuvent se doter d’un code de conduite, qui énonce les règles et normes de base, ou d’une déclaration de valeurs, qui exprime les aspirations de l’organisation, ou les deux. Selon lui, le fait d’avoir les deux est plus susceptible d’inspirer au personnel l’esprit d’initiative et l’excellence[361].
M. Czerny a également expliqué que la culture d’une organisation est façonnée par le comportement à tous les niveaux, et que le ton donné au sommet de cette organisation est essentiel. Selon lui, « l’éthique des hauts dirigeants est signalée par leurs actions encore plus que par leurs paroles, et elle se répercute dans toute l’organisation[362] ». Il a recommandé que les hauts dirigeants encouragent constamment le dialogue et la formation sur la culture d’éthique de l’organisation en plus d’y participer[363]. De même, M. Tassé a recommandé que le gouvernement pense « à l’éthique et aux programmes de soutien aux personnes en position de pouvoir afin d’ancrer une culture de travail véritablement éthique, fondée sur le discernement et le questionnement avant de prendre des décisions[364] ».
Règles relatives au lobbying et rôle de la commissaire
Le Comité a entendu la commissaire au lobbying au sujet de la Loi sur le lobbying et de son rôle d’application. M. Conacher a également fait des commentaires sur le lobbying.
Mme Bélanger, la commissaire au lobbying, a expliqué qu’en vertu de la Loi sur le lobbying, il importe peu que le gouvernement fédéral communique avec une organisation ou l’inverse. Le fait de s’enregistrer comme lobbyiste n’exonère pas une organisation d’un acte répréhensible ou de ses obligations légales, et ne signifie pas non plus que l’examen de son commissariat prend fin. Bien qu’il n’y ait pas de seuil financier pour l’enregistrement en tant que lobbyiste, seules les personnes payées par une entreprise qui pourrait bénéficier de ce lobbying doivent s’enregistrer[365].
En ce qui concerne les enquêtes, Mme Bélanger a mentionné que depuis avril 2020, elle avait ouvert 16 évaluations préliminaires. Trois de ces dossiers ont été transmis à la GRC. Elle a expliqué que lorsqu’un dossier est transmis à la GRC, elle doit suspendre son enquête jusqu’à ce que l’affaire soit traitée par les autorités. Au moment de sa comparution devant le Comité, elle avait cinq enquêtes en cours[366].
Mme Bélanger a précisé qu’elle n’a pas encore publié de rapport au Parlement sur des allégations de lobbying illégal depuis sa nomination au poste de commissaire au lobbying, mais qu’elle a envoyé 10 rapports à la GRC sur des infractions à la Loi sur le lobbying dans les trois dernières années[367]. Elle a confirmé qu’elle transmet une affaire à la GRC si la preuve pointe vers une infraction[368].
Pour déterminer si une organisation dont une personne s’occupe des relations gouvernementales doit s’enregistrer comme lobbyiste salarié, Mme Bélanger a indiqué au Comité qu’il faudrait pour cela examiner le nombre de communications qu’elle a eues, le nombre de réunions orales et organisées qui ont eu lieu et le nombre de présentations qu’elle a faites afin de calculer si elle atteint ou non le seuil de la « partie importante des fonctions » (décrit ci-dessous). Cette détermination est faite au cas par cas[369].
De plus, Mme Bélanger a indiqué que les enregistrements de lobbyistes ont augmenté en 2020 en raison de la pandémie. Elle a confirmé que la santé était le premier sujet pour lequel des enregistrements et des communications avaient eu lieu en février, mars et avril 2020, mais qu’au moment de sa comparution, le développement économique était le principal sujet depuis mai 2020[370]. Elle a ajouté que trois personnes étaient chargées d’aider 1 700 nouveaux enregistrés pour des raisons liées à la pandémie[371].
Mme Bélanger a expliqué que, depuis le début de la pandémie, l’équipe du service à la clientèle du Commissariat au lobbying a fourni des conseils aux lobbyistes. Elle a publié des directives pour assurer la conformité continue des lobbyistes. Elle a présenté des exposés sur le régime du lobbying aux lobbyistes et aux titulaires d’une charge publique. En avril 2020, le Commissariat a lancé son nouveau site Web qui, selon Mme Bélanger, « demeure l’outil principal pour rejoindre les lobbyistes et le public[372] ».
En ce qui concerne les communications relatives à l’attribution de contrats, Mme Bélanger a expliqué qu’une telle communication est une activité enregistrable en vertu de la Loi sur le lobbying, mais seulement pour les lobbyistes-conseils. Ce n’est pas une activité enregistrable pour les lobbyistes salariés, qui comprennent les entreprises et les organisations. Pour les lobbyistes salariés, la Loi exige plutôt que le plus haut dirigeant rémunéré de l’organisation ou de l’entreprise s’enregistre, mais seulement si les activités collectives de lobbying de cette organisation ou entreprise représentent « une partie importante de celles d’un seul employé », c’est-à-dire 20 % ou plus de l’ensemble de ses fonctions[373].
Mme Bélanger a recommandé de supprimer le seuil de la partie importante des fonctions de la Loi sur le lobbying, d’améliorer l’éventail des sanctions disponibles en vertu de la Loi et d’harmoniser les délais d’enregistrement pour les lobbyistes-conseils et les lobbyistes salariés[374]. Elle a également recommandé « l’élimination des divergences liées aux lobbyistes salariés, qu’ils soient employés par une entreprise ou par une organisation ». Ainsi, selon elle, on « renforcerait l’équité et la clarté, en garantissant que les entreprises et les organisations sont soumises aux mêmes exigences[375] ».
Mme Bélanger a rappelé au Comité que les marchés publics fédéraux et la réglementation de ce processus ne relèvent pas de son mandat de commissaire au lobbying. Elle a rappelé que « [l]es communications liées à l’attribution de contrats ne constituent pas du lobbying pour les organismes et les sociétés » parce que, présume-t-elle, « il y a des règles en place quant à la passation de marchés, qui instaurent une certaine équité et qui exigent aussi une certaine transparence[376] ». Toutefois, Mme Bélanger fait une distinction entre les communications relatives aux contrats et les communications relatives aux accords de contribution; ces dernières constituent du lobbying, tandis que les premières ne sont enregistrables que pour les lobbyistes‑conseils[377].
Pour ce qui est de savoir qui a la responsabilité de se conformer à la Loi sur le lobbying, Mme Bélanger confirme que c’est la responsabilité des lobbyistes, y compris des ex-titulaires d’une charge publique désignée. Le Commissariat envoie un courriel à environ 5 % des titulaires d’une charge publique désignée qui ont fait l’objet de lobbying au cours d’un mois donné afin de confirmer l’exactitude des rapports de communication des lobbyistes. Elle ajoute que ni le titulaire d’une charge publique désignée ni son personnel ne sont tenus de confirmer le statut d’enregistrement des lobbyistes. Leur seule obligation est d’être en mesure de confirmer les détails des personnes rencontrées si Mme Bélanger le leur demande, ce qui permet à la commissaire au lobbying de confirmer le compte d’un lobbyiste dans le Registre des lobbyistes[378].
En ce qui concerne le régime de lobbying lui-même, Mme Bélanger a fait remarquer que le régime de déclaration des activités de lobbying du Canada est « supérieur, parce que nous sommes un modèle à l’échelle internationale ». À son avis, il n’y a pas de problème généralisé de lobbyistes qui tentent de contourner les exigences d’enregistrement et de déclaration au Canada[379].
En ce qui concerne ses pouvoirs, Mme Bélanger a expliqué que si elle constate une infraction à la Loi sur le lobbying, elle ne peut pas imposer de sanctions, mais elle peut renvoyer le cas à la GRC. Pour les infractions au Code de déontologie des lobbyistes, elle peut faire un rapport au Parlement[380]. Elle a recommandé d’habiliter le commissaire au lobbying à imposer des sanctions en cas d’infraction[381]. Elle peut mettre fin à une enquête, comme le permet la loi, s’« il devient extrêmement clair que nous agissons sur la foi de présomptions erronées ». Elle a confirmé qu’elle ne mettrait pas fin à une enquête au motif qu’une entreprise a cessé d’exister[382].
Après sa comparution devant le Comité, la commissaire au lobbying a préparé un rapport contenant ses recommandations préliminaires pour améliorer la Loi sur le lobbying[383]. Elle a recommandé de modifier la Loi sur le lobbying pour :
- abolir le seuil d’enregistrement de « partie importante des fonctions » pour les lobbyistes salariés et le remplacer par une obligation d’enregistrer les activités de lobbying par défaut, sauf si une exemption limitée fondée sur des critères objectifs s’applique;
- harmoniser le délai d’enregistrement des lobbyistes-conseils et des lobbyistes salariés à 15 jours;
- soumettre toutes les personnes morales et les organisations aux mêmes exigences d’enregistrement;
- faire en sorte que les membres des conseils d’administration rémunérés soient considérés des employés des personnes morales et des organisations aux fins de la Loi;
- exiger que les déclarants divulguent les informations contextuelles prescrites dans leurs rapports de communication mensuels;
- uniformiser l’interdiction quinquennale d’exercer des activités de lobbying suivant la fin du mandat en assujettissant les anciens titulaires d’une charge publique désignée aux mêmes restrictions après la cessation de leurs fonctions, qu’ils soient employés par une personne morale ou une organisation;
- ajouter une série de mesures de conformité, y compris des formations, des sanctions administratives pécuniaires et des interdictions temporaires, dans le but de permettre plus de flexibilité et proportionnalité dans le traitement des infractions à la Loi;
- permettre aux ordonnances produites par le commissaire au lobbying, c’est-à-dire les citations à comparaître et les ordonnances de production, de devenir des ordonnances de la Cour fédérale;
- permettre que les renvois relatifs à des infractions alléguées à la Loi sur le lobbying ou à d’autres lois fédérales ou provinciales puissent être adressés non seulement aux agents de la paix, mais aussi à toute autre autorité compétente, y compris les homologues provinciaux du commissaire au lobbying;
- accorder l’immunité contre les procédures civiles ou criminelles au commissaire au lobbying et aux personnes agissant au nom ou sous l’autorité du commissaire.
Mme Bélanger a également recommandé de modifier le Règlement sur l’enregistrement des lobbyistes de façon à ce que « des rapports de communication mensuels soient exigés pour toutes les communications orales avec les titulaires d’une charge publique désignée et énumèrent tous les participants à la communication[384] ».
En ce qui concerne les communications, selon M. Conacher, « toute personne appelée à communiquer avec le gouvernement dans le cadre d’une décision, devrait être tenue de s’enregistrer comme lobbyiste, qu’elle soit rémunérée ou non, et peu importe le temps qu’elle y consacre[385] ». Il élargirait donc l’application de la Loi sur le lobbying. Il éliminerait les règles de la Loi qui prévoient que seules les communications orales pré-arrangées doivent être déclarées dans les rapports mensuels de communication et que le lobbying non rémunéré n’a pas besoin d’être enregistré. De plus, il éliminerait également le seuil concernant la partie importante des fonctions[386].
M. Conacher a fait remarquer que la révision de la Loi sur le lobbying aurait dû être faite il y a trois ans[387]. Le dernier examen remonte à 2012[388]. L’article 14.1(1) de la Loi sur le lobbying exige un examen complet des dispositions et de l’application de la Loi et prévoit expressément qu’« est désigné ou constitué un comité du Sénat, de la Chambre des communes ou des deux chambres, chargé spécialement de l’examen, tous les cinq ans suivant l’entrée en vigueur du présent article, des dispositions et de l’application de la présente loi ».
M. Conacher a également fait remarquer qu’un particulier ou activiste communautaire qui a aidé un député à se faire élire ne devrait pas être en mesure de faire du lobbying auprès de lui[389]. On trouve déjà une règle semblable dans le Code de déontologie des lobbyistes, qui prévoit que si « un lobbyiste entreprend des activités politiques pour le compte d’une personne qui pourraient vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation, il ne peut pas faire de lobbying auprès de cette personne pour une période déterminée si cette personne est ou devient un titulaire d’une charge publique ». La règle prévoit également que si « cette personne est un élu, le lobbyiste ne doit pas non plus faire de lobbying auprès du personnel du bureau du dit titulaire[390] ».
M. Conacher a également recommandé de mettre fin à ce qu’il a décrit comme un lobbying secret ou contraire à l’éthique et de combler les lacunes contenues dans la Loi sur l’accès à l’information « pour mettre fin à la culture du secret excessif qui cache souvent des actes répréhensibles et ceux qui les commettent au gouvernement fédéral », sans fournir de détails sur ces lacunes[391].
Enfin, M. Conacher a également recommandé de renforcer l’application de la loi pour tous les gardiens de la démocratie. Selon lui, les gardiens sont triés sur le volet par les ministres et les hauts fonctionnaires du gouvernement, ils n’ont pas le pouvoir d’imposer des sanctions et ils peuvent rendre des décisions secrètes. Toute personne devrait être en mesure de contester les décisions de ces gardiens devant les tribunaux, les gardiens devraient être choisis par une commission indépendante, ils devraient être tenus de mener des audits et de rendre des décisions publiques sur chaque situation douteuse, et ils devraient être habilités à imposer des amendes élevées. Toujours selon M. Conacher, la protection des dénonciateurs devrait être étendue à tous ceux qui travaillent comme personnel politique pour des partis politiques[392].
Observations et recommandations du Comité
Le premier ministre a déclaré qu’il était conscient de la perception d’un conflit lorsqu’il a voté sur la proposition de l’organisme UNIS. Ni lui ni le ministre des Finances ne se sont récusés et rien dans les 5 000 pages de documents ne prouve que cette absence de récusation ait été considérée comme problématique. Pour rétablir la confiance du public, le Comité est d'avis qu'avant toute décision du Cabinet, il devrait évaluer et déterminer si un filtre anti-conflits d'intérêts, convenu conformément à l'article 29 de la LCI par le titulaire de charge publique et le ou la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, devrait être mis en place pour tout membre du Cabinet, à titre de mesure préventive pour éviter les conflits d'intérêts.
Recommandation 1 concernant les décisions du Cabinet
Que le gouvernement du Canada envisage de rendre obligatoire, avant toute décision du Cabinet concernant l'attribution d'un contrat ou d'une entente de contribution, une évaluation et une détermination de la nécessité de mettre en place un filtre anti-conflits d'intérêts, convenu conformément à l'article 29 de la Loi sur les conflits d'intérêts par le titulaire de charge publique et le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, pour tout membre du Cabinet, à titre de mesure préventive pour éviter les conflits d'intérêts.
Le Comité est d’avis que l’amitié personnelle entre Craig Kielburger et Bill Morneau est un fait établi et était connue de son cabinet ministériel. Selon le Comité, le fait que Craig Kielburger ait pu faire du lobbying directement auprès du ministre des Finances sur la proposition de 12 millions de dollars pour l’entrepreneuriat est très inquiétant.
Recommandation 2 concernant les décisions du cabinet du ministre des Finances
Que le gouvernement du Canada rende obligatoire, avant la prise de décision au cabinet du ministre des Finances, une évaluation visant à déterminer si un filtre anti-conflit d'intérêts, convenu conformément à l'article 29 de la Loi sur les conflits d'intérêts par un titulaire de charge publique et le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, devrait être mis en place pour le ministre ou tout titulaire de charge publique impliqué dans cette décision et qu'il effectue un examen pour déterminer comment des groupes non enregistrés pour faire du lobbying ont pu avoir un accès direct au ministre des Finances.
Le Comité note que lorsque la ministre Bardish Chagger a pris la parole devant le Comité des finances, elle a omis de divulguer sa rencontre du 17 avril 2020 avec Craig Kielburger. Dans son témoignage devant le Comité, elle a omis de révéler que ces discussions portaient notamment sur la possibilité de prévenir l’organisme UNIS qu’un volet de service distinct était envisagé. Mme Chagger a failli à son obligation de refléter les faits avec exactitude devant un comité et a potentiellement entravé notre travail.
Recommandation 3 concernant la responsabilité ministérielle
Que, étant donné que la ministre Bardish Chagger n’a pas révélé sa rencontre du 17 avril 2020 avec Craig Kielburger, un examen de la responsabilité ministérielle devant les comités soit entrepris.
Le Comité est également d’avis que le fait que la ministre Chagger n’ait pas pris de notes sur ce qui s’est passé lors de sa rencontre du 17 avril 2020 est problématique. Le Comité a dû se fier aux courriels de Craig Kielburger et de Sophia Marquez, membres du personnel de l’organisme UNIS, pour apprendre ce qui s’est passé lors de cette réunion.
Recommandation 4 concernant la tenue de dossiers relatifs aux rencontres avec lobbyistes
Que le gouvernement du Canada mette en œuvre une règle obligatoire exigeant, sauf dans des circonstances exceptionnelles, que les titulaires d'une charge publique de haut rang soient accompagnés d'au moins un employé lors de toute rencontre avec des lobbyistes dans le but de prendre des notes.
Nous reconnaissons que lors de la pandémie, l’urgence était la priorité. Mais il ressort clairement des documents et des témoignages qu’après la réunion du 17 avril 2020 entre Bardish Chagger et Craig Kielburger, aucun effort n’a été fait pour rechercher des offres concurrentes ou d’autres groupes qui auraient pu assurer l’exécution de ce programme. Cela mettait le gouvernement dans une position très désavantageuse pour faire un choix qui privilégie l’intérêt public.
Recommandation 5 concernant l’externalisation de projets
Que le gouvernement du Canada établisse un processus concurrentiel obligatoire pour sélectionner les bénéficiaires des accords de contribution dont la valeur dépasse un seuil prédéterminé.
Le Comité a été incapable de trouver tout rapport de vérification diligente raisonnable qui ait réellement mis à l’épreuve la crédibilité des affirmations de l’organisme UNIS. Ce groupe n’avait jamais entrepris un projet de cette ampleur et il n’est pas certain qu’il ait eu les moyens de mettre au travail des étudiants de partout au pays avec des résultats crédibles. Le Comité est d’avis qu’il est inacceptable que des bureaucrates et des ministres aient fait avancer le projet sur la base des affirmations de ce groupe.
Recommandation 6 concernant les rapports de vérification diligence raisonnable
Que le gouvernement du Canada rende obligatoire la production d'un rapport de vérification diligente raisonnable pour tout contrat ou accord de contribution entre le gouvernement et une tierce partie.
La décision du gouvernement libéral du Canada de signer un accord de contribution de plus de 500 millions de dollars avec une société-écran, « WE Charity Foundation », est profondément troublante. L’organisme UNIS a déclaré avoir eu recours à cette société-écran pour limiter sa responsabilité. En réalité, cette procédure avait le potentiel de mettre en danger un investissement considérable des fonds des contribuables, car l’accord était conclu avec une société-écran, sans actifs.
Recommandation 7 concernant la conclusion de contrats ou accords de contribution avec des sociétés-écrans
Que le gouvernement du Canada veille à ce qu'à l’avenir, aucun contrat ou accord de contribution ne soit conclu avec des sociétés écrans qui n'ont pas d'actifs afin d’échapper à toute responsabilité.
En 10 mois d’étude, le Comité n’a pas été en mesure de se faire une idée claire de la structure financière du groupe UNIS. Nous n’avons pas été en mesure d’établir une division nette entre la manière dont les fonds circulent dans le volet caritatif et leurs activités à but lucratif. On a également refusé de nous fournir des renseignements sur la structure de propriété de leurs multiples sociétés secondaires. Si le gouvernement du Canada doit signer de futurs contrats ou ententes de contribution avec l’Organisme UNIS et ses entités affiliées ou subsidiaires, de telles clarifications doivent être exigées.
Recommandation 8 concernant la conclusion de contrat ou accord de contribution avec l’organisme UNIS et ses entités affiliées ou subsidiaires
Que le gouvernement s’abstienne de conclure tout autre contrat ou accord de contribution avec l’organisme UNIS jusqu’à ce qu’un audit indépendant ou une vérification judiciaire de l’Agence du revenu du Canada puisse être entrepris pour déterminer exactement comment les fonds circulent entre ses opérations caritatives et sa multitude de sociétés secondaires et de biens immobiliers.
Le Comité est d’avis que la BCBE n’a pas réussi à atteindre un seuil crédible de participation des jeunes du Québec. Il s’agissait d’un projet mené par une organisation ayant des racines au Canada anglais, mais manifestement sans présence forte sur le terrain au Québec. Tout futur programme national doit garantir un accès complet aux communautés francophones.
Recommandation 9 concernant l’accès du Québec et des communautés francophones hors Québec aux programmes fédéraux
Que le gouvernement du Canada insiste pour que les projets qui impliquent l’embauche de personnes partout au Canada fassent l’objet d’une vérification approfondie quant à leur obligation d’assurer la pleine participation du Québec et des communautés francophones hors Québec.
Avant août 2020, l’organisme UNIS était engagé dans de multiples négociations avec divers ministères, mais il n’était pas enregistré comme lobbyiste. Il a embauché une directrice des relations avec le gouvernement et les intervenants, mais il semble que pour la BCBE, la majorité des négociations aient été menées directement par Craig Kielburger. Le Comité est d’avis que l’échappatoire qui permet aux « fondateurs » d’organisations de faire du lobbying et de négocier avec le gouvernement doit être corrigée, tout comme la règle des 20 % (le seuil d’enregistrement visant les lobbyistes salariés).
Recommandation 10 concernant le seuil d’enregistrement visant les lobbyistes salariés
Que le gouvernement du Canada supprime le seuil d’enregistrement de « partie importante des fonctions » pour les lobbyistes salariés de la Loi sur le lobbying et clarifie les règles de lobbying applicables aux fondateurs d'organisations qui peuvent faire du lobbying auprès du gouvernement.
Recommandation 11 relative aux pouvoirs du commissaire au lobbying du Canada
Que le gouvernement apporte des modifications législatives à la Loi sur le lobbying afin de donner au commissaire au lobbying de réels pouvoirs pour enquêter et imposer des amendes et des interdictions aux contrevenants.
Pendant cette étude, des questions ont été soulevées quant à savoir si le projet de la BCBE du gouvernement visant à utiliser un programme de bénévoles enfreignait le droit du travail canadien. Le Comité est d’avis que, à l’avenir, l’utilisation d’un programme de bénévolat doit être examinée par des juristes pour s’assurer qu’elle ne porte pas atteinte aux lois sur le salaire minimum au Canada.
Recommandation 12 relative aux programmes bénévoles
Que le gouvernement du Canada examine les futurs programmes bénévoles pour s’assurer qu’ils ne servent pas à contourner les lois sur le salaire minimum.
Un ordre de la Chambre a été donné pour que des témoins clés puissent témoigner devant le Comité. Le gouvernement a demandé à ces témoins de passer outre la volonté de la Chambre des communes et de ne pas témoigner. Cela mine la confiance du public envers la Chambre des communes.
Recommandation 13 concernant la conformité aux ordres de la Chambre des communes
Que le gouvernement se conforme aux ordres de la Chambre des communes et ne bloque pas le témoignage de témoins clés dans le cadre des études relatives aux conflits d’intérêts et au lobbying.
Le Comité est d’avis que le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique devrait être habilité à imposer des sanctions sévères aux titulaires de charge publique qui enfreignent la LCI, en fonction du statut du contrevenant et de la gravité de l’infraction.
Recommandation 14 concernant les pouvoirs du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique
Que le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique dispose de plus d’instruments pour sanctionner les titulaires de charge publique qui contreviennent à la Loi sur les conflits d’intérêts.
Pendant l’étude, de graves questions ont été soulevées quant au bilan de Palantir en matière de droits de la personne. Le Comité est d’avis que le gouvernement doit inclure un examen des entreprises qui cherchent à recueillir des données sur les renseignements personnels des citoyens canadiens et s’assurer que des processus éthiques appropriés sont en place quant à la manière dont ces données sont recueillies et quelles entreprises sont employées.
Recommandation 15 concernant l’utilisation de nouvelle technologie
Que le gouvernement du Canada s’abstienne d’utiliser toute nouvelle technologie susceptible d’enfreindre le droit à la protection de la vie privée des Canadiens jusqu’à ce qu’elle ait été examinée par le commissaire à la protection de la vie privée du Canada et que des paramètres d’utilisation lui aient été attribués.
Recommandation 16 concernant le processus décisionnel du Cabinet
Que, dans le cadre du processus décisionnel au sein du Conseil des ministres, les membres aient l’obligation de se récuser dès le début des discussions portant sur un sujet qui les place en situation de conflit d’intérêts ou en situation d’apparence de conflit d’intérêts, afin d’assurer la confiance du public. Si le ou les membres placés en situation de conflit d’intérêts, de faits ou en apparence, ne se récusent pas, les autres membres du Conseil des ministres auront l’obligation de les exclure du conseil aussitôt qu’ils ont connaissance la situation, sans quoi le Conseil des ministres ne pourra valablement siéger.
Recommandation 17 concernant l’apparence de conflits d’intérêts
Que le gouvernement du Canada modifie la Loi sur les conflits d'intérêt afin de prévoir explicitement que le fait pour un titulaire de charge publique de ne pas se récuser dans un cas où il y a apparence de conflit d'intérêts constitue une contravention à la Loi.
Recommandation 18 concernant l’examen de la Loi sur les conflits d’intérêts
Que le gouvernement du Canada procède à une révision complète de la Loi sur les conflits d’intérêts, en particulier l’article 7 quant aux raisons pour lesquelles un titulaire de charge publique peut être amené à accorder un traitement de faveur à une tierce partie et pour évaluer également la pertinence d’élargir la portée de cet article en vue de recouvrer et de favoriser la confiance du public envers les différents acteurs qui forment le gouvernement et ses ministères. Cette révision devrait également permettre d’étudier la pertinence de définir ou de modifier certains termes utilisés dans la Loi, notamment les termes « ami » et « traitement de faveur », afin d’élargir la notion de conflit d’intérêts en vue de circonscrire l’ensemble des situations pouvant donner lieu à une contravention à la Loi. De plus, la révision devrait évaluer la pertinence de prévoir un système de gradation des sanctions applicables en fonction du nombre de récidives ou qui tient compte de la gravité de l’infraction commise. Que cette révision soit dûment soumise à l’appareil législatif parlementaire pour étude et adoption.
Recommandation 19 concernant l’accès aux programmes dans les deux langues officielles
Que, dans tout processus d’attribution de contrat ou d’appel d’offres en vue de charger une personne ou un organisme tiers de rendre à la population des services ou d’administrer des programmes gouvernementaux, le gouvernement du Canada s’assure que les services et les programmes soient offerts en conformité avec ses obligations en matière de langues officielles, afin que les francophones du Québec et des communautés francophones hors Québec puissent recevoir dans leur langue, les mêmes services et programmes que les Canadiens anglophones.
Le Comité reconnaît que la situation économique pendant la pandémie de COVID-19 a exercé des pressions sur le gouvernement fédéral pour qu’il agisse rapidement afin de soutenir les jeunes et les étudiants. Il remercie les fonctionnaires fédéraux pour leur travail acharné et leur capacité d'adaptation alors qu’ils travaillaient sous des contraintes de temps très strictes. Malgré les contraintes de temps, le Comité estime que des évaluations de diligence raisonnable plus complètes de l’organisme UNIS et de ses filiales auraient pu prévenir ou atténuer les préoccupations relatives aux conflits d’intérêts et au lobbying concernant la BCBE.
De même, le Comité reconnaît que la situation économique durant la pandémie de COVID-19 a poussé le gouvernement fédéral à agir rapidement et à s’engager auprès de nombreuses entreprises afin de s’assurer que la technologie et l’équipement nécessaires à la lutte contre le virus puissent être achetés ou fabriqués.
Toutefois, le Comité est d’avis que les communications d’un ex-titulaire de charge publique principal à des fonctionnaires en contravention de ses obligations d’après-mandat pendant la pandémie ont révélé l’importance des rôles du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique et du commissaire au lobbying. Elles soulignent également la nécessité d’assurer le respect des obligations d’après-mandat prévues par la LCI et la Loi sur le lobbying.
Le Comité constate qu’il est essentiel de documenter le processus décisionnel du gouvernement fédéral pour maintenir la confiance des Canadiens, surtout en situation d’urgence. Il souligne que les mesures de transparence, y compris la déclaration complète et rapide, permettent de surveiller les conflits d’intérêts potentiels. La transparence est particulièrement importante dans les processus de passation de marchés et de sous-traitance, comme dans le cas du contrat de ventilateurs attribué à FTI et sous-traité à Baylis Medical.
Compte tenu de ce qui précède, le Comité formule les recommandations additionnelles suivantes.
Recommandation 20 concernant la surveillance et la reddition de comptes en situation d’urgence
Que le gouvernement du Canada mette en place des mécanismes de surveillance et de reddition de comptes expressément conçus pour assurer une allocation de fonds fédéraux rapide et transparente en situation d’urgence.
Recommandation 21 concernant l’examen des processus relatifs aux accords de contribution
Que le gouvernement du Canada cherche des moyens d’accroître l’équité, l’ouverture et la transparence de ses processus entourant l’attribution d’accords de contribution.
Recommandation 22 concernant les obligations d’après-mandat
Que le gouvernement du Canada examine la Loi sur les conflits d’intérêts et la Loi sur le lobbying et y apporte les modifications nécessaires pour assurer un meilleur respect des obligations d’après-mandat d’un titulaire de charge publique, que ce soit par le durcissement des sanctions ou d’autres moyens.
Recommandation 23 concernant l’examen des contrats et des processus de passation de marchés
Que le gouvernement du Canada accorde à un organe indépendant, tel que le Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement, les pouvoirs nécessaires pour examiner proactivement les processus de passation de marchés que suivent les ministères, y compris leur utilisation de contrats à fournisseur unique.
[1] Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes (ETHI), Procès-verbal, 1re session, 43e législature, 22 juillet 2020.
[2] Sauf dans les cas précis où il convient de faire une distinction entre les organisations affiliées à l’organisme UNIS, ce rapport parle de l’organisme UNIS, conformément à ce qui est dit dans la motion demandant la tenue de l’étude. L’organisme UNIS désigne l'organisme principal et toutes ses organisations affiliées et filiales. Comme il est expliqué dans le rapport, l'accord de contribution pour l'administration de la BCBE a été signé par la WE Charity Foundation, une organisation distincte parmi les organisations affiliées et filiales de l’organisme UNIS.
[3] ETHI, Procès-verbal, 2e session, 43e législature, 16 novembre 2020; ETHI, Procès-verbal, 2e session, 43e législature, 20 novembre 2020.
[4] Comme indiqué ci-dessus, l’accord de contribution attribué par le gouvernement fédéral a été signé par la WE Charity Foundation. Les discussions et négociations précédant la signature de l’accord de contribution ont été menées par des représentants de l’organisme UNIS.
[5] Premier ministre du Canada Justin Trudeau, Aide aux étudiants et aux nouveaux diplômés touchés par la COVID-19, communiqué de presse, 22 avril 2020.
[6] Premier ministre du Canada Justin Trudeau, Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant, document d’information, 25 juin 2020.
[7] Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Budget supplémentaire des dépenses (A) 2020-2021, pp. 2-29; et Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2021, L.C. 2020, ch. 10; Comité permanent des finances de la Chambre des communes (FINA), Témoignages, 1re session, 43e législature, 16 juillet 2020, 1500 (L’hon. Bardish Chagger, ministre de la Diversité et de l’Inclusion et de la Jeunesse).
[8] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1255 (Ian Shugart, greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, Bureau du Conseil privé).
[9] FINA, Témoignages, 1re session, 43e législature, 22 juillet 2020, 1420 (L’hon. Bill Morneau, ministre des Finances); et Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national, L.C. 2020, ch. 5, art. 9.
[10] Premier ministre du Canada Justin Trudeau, Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant, document d’information, 25 juin 2020.
[11] Organisme UNIS, Media Statement – WE Charity, 3 juillet 2020 [traduction].
[12] Organisme UNIS, WE Charity Canada to wind down operations and set up endowment fund to support education and humanitarian programs, communiqué de presse, 9 septembre 2020 [disponible en anglais seulement].
[13] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 15 mars 2021, 1510 (Craig Kielburger, fondateur, organisme UNIS).
[14] Ibid., 1455.
[15] Ibid., 1555 et 1725.
[16] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 30 novembre 2020, 1235 (Marc Tassé, comptable professionnel agréé - comptable agréé [Ontario - Québec], Université d’Ottawa, à titre personnel).
[17] Ibid., 1235.
[18] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1330 (Ian Shugart).
[19] Ibid., 1415 et 1425.
[20] Ibid., 1335 (Ian Shugart) et 1625 (Benoît Robidoux, sous-ministre délégué, ministère de l’Emploi et du Développement social).
[21] Ibid., 1335 (Ian Shugart).
[22] Ibid., 1325.
[23] Ibid., 1350.
[24] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 4 décembre 2020, 1415 (Christiane Fox, sous-ministre, ministère des Services aux Autochtones).
[25] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1550 (L’hon. Carla Qualtrough, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes handicapées).
[26] Ibid., 1550 et 1615.
[27] Ibid., 1605.
[28] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 4 décembre 2020, 1445 (Michelle Kovacevic, sous-ministre adjointe, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale, ministère des Finances).
[29] Ibid., 1455.
[30] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1625 (Benoît Robidoux).
[31] Ibid., 1625.
[32] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 15 mars 2021, 1700 (Marc Kielburger, fondateur, organisme UNIS).
[33] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 15 mars 2021, 1700 (Craig Kielburger).
[34] Ibid., 1715.
[35] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 11 décembre 2020, 1410 (Mark Blumberg, associé, Blumberg Segal LLP).
[36] Ibid., 1430.
[37] Ibid.
[38] FINA, Témoignages, 1re session, 43e législature, 30 juillet 2020 (Le très hon. Justin Trudeau, premier ministre).
[40] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 11 décembre 2020, 1410 (Mark Blumberg).
[41] Ibid.
[42] Ibid.
[43] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1345 (Ian Shugart).
[44] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 29 mars 2021, 1500 (L’hon. Pablo Rodriguez, leader du gouvernement à la Chambre des communes).
[45] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1300 (Ian Shugart).
[46] Ibid., 1255.
[47] ETHI, Réponse à FINA re: Demande de diligence raisonnable financière, Réponse écrite envoyée au Comité ETHI concernant les questions de conflits d’intérêts et de lobbying en relation avec les dépenses liées à la pandémie, 6 avril 2021 (Bureau du Conseil Privé) [hyperlien non disponible].
[48] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1525 (L’hon. Bardish Chagger).
[49] Ibid., 1320; et ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1255 et 1400 (Ian Shugart).
[50] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1255 (Ian Shugart).
[51] Ibid., 1305.
[52] Ibid., 1405.
[53] Ibid., 1255.
[54] Ibid., 1310.
[55] Ibid., 1310 (Ian Shugart) et 1505 (L’hon. Bardish Chagger).
[56] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1550 (L’hon. Carla Qualtrough).
[57] ETHI, Réponse écrite envoyée au Comité ETHI concernant les questions de conflits d’intérêts et de lobbying en relation avec les dépenses liées à la pandémie 2e session, 43e législature, 15 mars 2021 (Victor Li, directeur financier, organisme UNIS), p. 8 [hyperlien non disponible]; et FINA, Témoignages, 1re session, 43e législature, 28 juillet 2020, 1525 (Marc Kielburger).
[58] ETHI, Réponse écrite envoyée au Comité ETHI concernant les questions de conflits d’intérêts et de lobbying en relation avec les dépenses liées à la pandémie, 2e session, 43e législature, 15 mars 2021 (Victor Li,), p. 11 [hyperlien non disponible].
[59] ETHI, Réponse écrite envoyée au Comité ETHI concernant les questions de conflits d’intérêts et de lobbying en relation avec les dépenses liées à la pandémie, 2e session, 43e législature, 9 avril 2021 (Victor Li), p. 12 [hyperlien non disponible].
[60] Ibid., p. 12.
[61] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 11 décembre 2020, 1500 (Mark Blumberg).
[62] Ibid.
[63] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 15 mars 2021, 1510 (Marc Kielburger).
[64] Ibid.
[65] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1600 (L’hon. Carla Qualtrough).
[66] Ibid., 1300 (Ian Shugart).
[67] Ibid., 1300 et 1305.
[68] Ibid., 1625 (Benoît Robidoux); Ibid., 1505 (Gina Wilson, sous-ministre, Diversité, Inclusion et Jeunesse, ministère du Patrimoine canadien), et Ibid., 1555 (L’hon. Carla Qualtrough).
[69] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 4 décembre 2020, 1435 et 1505 (Michelle Kovacevic).
[70] Ibid., 1500.
[71] ETHI, Réponse écrite envoyée au Comité ETHI concernant les questions de conflits d’intérêts et de lobbying en relation avec les dépenses liées à la pandémie, 2e session, 43e législature, 15 mars 2021, (Victor Li), p. 2 [hyperlien non disponible].
[72] Ibid., p. 2.
[73] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1450 (L’hon. Bardish Chagger).
[74] ETHI, Réponse écrite envoyée au Comité ETHI concernant les questions de conflits d’intérêts et de lobbying en relation avec les dépenses liées à la pandémie, 31 mars 2021 (L’hon. Pablo Rodriquez) [hyperlien non disponible].
[75] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1520 (Gina Wilson).
[76] Ibid., 1525 (L’hon. Bardish Chagger).
[77] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 15 mars 2021, 1540 (Craig Kielburger).
[78] Ibid., 1505.
[79] Ibid., 1510.
[80] Ibid., 1545.
[81] ETHI, Réponse écrite envoyée au Comité ETHI concernant les questions de conflits d’intérêts et de lobbying en relation avec les dépenses liées à la pandémie, 2e session, 43e législature, 15 mars 2021 (Victor Li), p. 4 [hyperlien non disponible].
[82] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 15 mars 2021, 1545 (Craig Kielburger).
[83] Emploi et Développement social Canada, Réponse écrite envoyée au Comité permanent des finances de la Chambre des communes concernant l’organisme UNIS – Parte 11, p. 003901.
[84] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 15 mars 2021, 1650 (Craig Kielburger).
[85] Ibid.
[86] Ibid., 1620.
[87] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 15 mars 2021, 1715 (Marc Kielburger); et ETHI, Réponse écrite envoyée au Comité ETHI concernant les questions de conflits d’intérêts et de lobbying en relation avec les dépenses liées à la pandémie, 15 mars 2021 (Victor Li), p. 5 et 6.
[88] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 30 novembre 2020, 1245 (Marc Tassé).
[89] Ibid.
[90] Ibid., 1230.
[91] Ibid., 1230.
[92] Ibid., 1235.
[93] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 11 décembre 2020, 1445 (Mark Blumberg).
[94] Ibid., 1450.
[95] ETHI, Réponse écrite envoyée au Comité ETHI concernant les questions de conflits d’intérêts et de lobbying en relation avec les dépenses liées à la pandémie, 2e session, 43e législature, 15 mars 2021 (Victor Li), p. 6 [hyperlien non disponible].
[96] Richard Trus, ME to WEopoly : Un guide pour le scandale WE Charity Scandal – Rapport préliminaire pour Parlement, mémoire soumis à ETHI, 18 mars 2021; Richard Trus, ME to WEopoly : Mémoire numéro 2 au Comité de l’éthique, 20 avril 2021; Richard Trus, ME to WEopoly : Mémoire numéro 3 au Comité de l’éthique, 20 avril 2021; Richard Trus, ME to WEopoly : Mémoire numéro 4 au Comité de l’éthique, 20 avril 2021; Richard Trus, ME to WEopoly : Mémoire numéro 5 au Comité de l’éthique, 20 avril 2021; Richard Trus, ME to WEopoly : Mémoire numéro 6 au Comité de l’éthique, 20 avril 2021.
[97] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 26 février 2021, 1400 (Reed Cowan, donateur et collecteur de fonds, Wesley Smiles Coalition, Enfants Entraide, à titre personnel).
[98] Ibid., 1410.
[99] Ibid., 1450.
[100] Ibid., 1410.
[101] Ibid., 1420.
[102] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 15 mars 2021, 1615 et 1735 (Craig Kielburger).
[103] Ibid., 1735.
[104] Ibid., 1635.
[105] Ibid., 1610.
[106] Ibid., 1610 et 1635.
[107] Ibid., 1530 et 1645.
[108] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 7 décembre 2020, 1140 (Martin Perelmuter, président, Speakers’ Spotlight).
[109] Ibid.
[110] Ibid., 1110.
[111] Ibid.
[112] FINA, Témoignages, 1re session, 43e législature, 30 juillet 2020, 1505 (Le très hon. Justin Trudeau).
[113] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 26 février 2021, 1320 (Sofia Marquez, ancienne membre du personnel, Relations avec le gouvernement et les intervenants, organisme UNIS, à titre personnel).
[114] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 29 mars 2021, 1440 (L’hon. Pablo Rodriguez).
[115] Ibid., 1445.
[116] Ibid., 1440, 1515 et 1650.
[117] Ibid., 1525.
[118] Ibid., 1535.
[119] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 15 mars 2021, 1500 (Marc Kielburger).
[120] Ibid., 1640 (Craig Kielburger).
[121] Ibid., 1650.
[122] Ibid., 1640 et 1645.
[123] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1320 (Ian Shugart).
[124] Ibid., 1405.
[125] Ibid., 1630 (L’hon. Carla Qualtrough).
[126] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature 27 novembre 2020, 1310 (Mario Dion, commissaire aux conflits d’intérêts et à l'éthique, Bureau du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique).
[127] Ibid.
[128] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 10 août 2020, 1450 (Duff Conacher, co-fondateur, Démocratie en surveillance).
[129] Ibid., 1450.
[130] Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique, Rapport Trudeau III.
[131] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 27 novembre 2020, 1350 (Mario Dion).
[132] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 10 août 2020, 1450 (Duff Conacher).
[133] ETHI, Réponse écrite envoyée au Comité ETHI concernant les questions de conflits d’intérêts et de lobbying en relation avec les dépenses liées à la pandémie, 15 avril 2021 (Bureau du Conseil privé), p. 000112 [lien non disponible].
[134] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 4 décembre 2020, 1440 et 1445 (Michelle Kovacevic).
[135] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 4 décembre 2020, 1440.
[136] Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique, Rapport Morneau II.
[137] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1325 (Ian Shugart) et 1545 (L’hon. Carla Qualtrough); et Bureau du Conseil privé, Décrets 20-0116, 6 mars 2020.
[138] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1445 (L’hon. Bardish Chagger) et 1610 (L’hon. Carla Qualtrough).
[139] Ministère des Finances du Canada, Réponse de Finances Canada dans le cadre de l’examen du Comité, 4 décembre 2020, comparution devant le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique sur les « Questions de conflits d’intérêts et de lobbying en relation avec les dépenses liées à la pandémie » [hyperlien non disponible].
[140] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1450 (L’hon. Bardish Chagger).
[141] Ibid.
[142] Ibid., 1450; et ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 15 mars 2021, 1630 (Craig Kielburger).
[143] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1515 (L’hon. Bardish Chagger).
[144] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 15 mars 2021, 1655 (Craig Kielburger).
[145] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 26 février 2021, 1330 (Sofia Marquez).
[146] Ibid., 1335.
[147] Ibid., 1350.
[148] Ibid., 1355.
[149] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1515 (L’hon. Bardish Chagger).
[150] Ibid.
[151] Ibid.
[152] Ibid.
[153] Ibid., 1450 et 1505.
[154] Ibid., 1535 (L’hon. Carla Qualtrough).
[155] Ibid., 1545 et 1550.
[156] Ibid., 1535.
[157] Ibid., 1545.
[158] Ibid., 1535.
[159] Ibid., 1605.
[160] Ibid., 1535.
[161] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 26 février 2021, 1305 (Sofia Marquez).
[162] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 15 mars 2021, 1550 (Craig Kielburger).
[163] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 26 février 2021, 1305 (Sofia Marquez).
[164] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 4 décembre 2020, 1455 (Michelle Kovacevic).
[165] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 26 février 2021, 1305 et 1355 (Sofia Marquez).
[166] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 4 décembre 2020, 1455 (Michelle Kovacevic).
[167] Ibid., 1455.
[168] ETHI, Témoignages, 4 décembre 2020, 1500 (Christiane Fox).
[169] Ibid., 1415.
[170] Ibid., 1415 et 1420.
[171] Ibid., 1410.
[172] Ibid., 1420.
[173] Ibid., 1425 et 1430.
[174] Ibid., 1435.
[175] Ibid., 1415.
[176] Ibid.
[177] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1520 (L’hon. Bardish Chagger).
[178] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 26 février 2021, 1305 (Sofia Marquez).
[179] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1400 (Ian Shugart).
[180] FINA, Témoignages, 2e session, 43e législature, 28 juillet 2020, 1425 et 1515 (Marc Kielburger).
[181] FINA, Témoignages, 2e session, 43e législature, 13 août 2020, 1535 (Dalal Al-Waheidi, directrice exécutive, organisme UNIS).
[182] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 15 mars 2020, 1515 (Craig Kielburger).
[183] Ibid., 1630.
[184] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 26 février 2021, 1300 (Sofia Marquez).
[185] Ibid., 1345.
[186] Ibid., 1300.
[187] Ibid. 1300 et 1325.
[188] Ibid., 1330.
[189] Ibid., 1305.
[190] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1450 (L’hon. Bardish Chagger); ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 4 décembre 2020, 1430 (Michelle Kovacevic) et Ibid., 1435 (Christiane Fox).
[191] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1450 (L’hon. Bardish Chagger).
[192] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 15 mars 2021, 1530 (Marc Kielburger).
[193] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 15 mars 2021, 1535 (Craig Kielburger).
[194] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 7 décembre 2020, 1105 (Martin Daraiche, président, Le Cabinet de relations publiques NATIONAL).
[195] Ibid., 1210.
[196] Ibid., 1110 (Chantal Benoit, directrice, Le Cabinet de relations publiques NATIONAL).
[197] Ibid.
[198] Ibid.
[199] Ibid., 1105 (Martin Daraiche).
[200] Ibid.
[201] Ibid., 1135 et 1145.
[202] Ibid., 1140 et 1145.
[203] Ibid., 1110 (Chantal Benoit).
[204] Ibid., 1205 (Martin Daraiche).
[205] Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique, Ordonnance sur les rapports officiels, 16 septembre 2020.
[206] Loi sur les conflits d’intérêts, L.C. 2006, ch. 9, art. 2, Partie 3 (LCI).
[207] Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique, Ordonnance en vertu de l’article 41, 16 septembre 2020. À l’annexe A de l’ordonnance se trouve une liste de toutes les communications et de toutes les questions abordées lors des réunions rapportées.
[208] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 27 novembre 2020, 1310 (Mario Dion).
[209] Ibid., 1315.
[210] Ibid., 1335.
[211] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 11 décembre 2020, 1305 (Simon Kennedy, sous-ministre, Innovation, Sciences et Développement économique Canada).
[212] Ibid., 1310.
[213] Ibid., 1305.
[214] Ibid., 1310 et 1330.
[215] Ibid., 1315.
[216] Ibid.
[217] Ibid., 1350.
[218] Ibid., 1310.
[219] Ibid., 1330.
[220] Ibid.
[221] Ibid., 1420 (Jeramie Scott, avocat-conseil, Electronic Privacy Information Centre).
[222] Ibid., 1420 et 1425.
[223] Ibid., 1450.
[224] Ibid.
[225] Ibid.
[226] Ibid., 1420.
[227] Ibid.
[228] Ibid.
[229] Ibid.
[230] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 27 novembre 2020, 1430 (Nancy Bélanger, commissaire au lobbying).
[231] Loi sur le lobbying, L.R.C., 1985, ch. 44 (4e suppl.), articles 10.11 et 10.12.
[232] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 27 novembre 2020, 1410 (Nancy Bélanger).
[233] Commissariat au lobbying du Canada, David MacNaughton, président de Palantir Canada, rapport d’enquête, mars 2021.
[234] Ibid.
[235] ETHI, Procès-verbal, 2e session, 43e législature, 16 novembre 2020.
[236] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 4 décembre 2020, 1305 (Rick Jamieson, président, FTI Professional Grade).
[237] Services publics et Approvisionnement, Information sur les contrats liés à la COVID-19.
[238] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 4 décembre 2020, 1305 (Rick Jamieson).
[239] Ibid., 1345.
[240] Ibid., 1335.
[241] Ibid., 1330.
[242] Ibid., 1350.
[243] Ibid., 1320 et 1325 (Neil Godara, vice-président et directeur général, Baylis Medical Company Inc.).
[244] Ibid., 1325 (Frank Baylis, président exécutif, Baylis Medical Company Inc.).
[245] Ibid., 1330.
[246] Ibid., 1320 et 1325.
[247] Ibid., 1400 (Neil Godara).
[248] Ibid., 1350 (Frank Baylis).
[249] Ibid., 1320 (Frank Baylis) et 1310 (Neil Godara).
[250] Ibid., 1350 (Frank Baylis).
[251] Ibid., 1340 et 1355.
[252] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 27 novembre 2020, 1340 (Mario Dion).
[253] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1435 et 1440 (L’hon. Bardish Chagger).
[254] Ibid., 1435; Gouvernement du Canada, Politique sur la gestion des personnes; Gouvernement du Canada, Paiements de transfert; Gouvernement du Canada, Résultats, évaluation, et vérification interne.
[255] Ibid.
[256] Ibid.
[257] Ibid., 1440.
[258] Gouvernement du Canada, Code de valeurs et d’éthique du secteur public.
[259] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1435 et 1440 (L’hon. Bardish Chagger).
[260] Ibid., 1340 (Ian Shugart).
[261] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 4 décembre 2020, 1455 (Michelle Kovacevic).
[262] Ibid., 1430.
[263] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 11 décembre 2020, 1325 (Simon Kennedy).
[264] Ibid., 1345.
[265] Ibid.
[266] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 30 novembre 2020, 1205, 1215 et 1220 (Marc Tassé). M. Tassé a également présenté un mémoire au Comité.
[267] Ibid., 1200.
[268] Ibid.
[269] Ibid., 1210.
[270] Ibid., 1205.
[271] Ibid.
[272] Ibid., 1220.
[273] Ibid., 1225.
[274] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 11 décembre 2020, 1405 (Denis Gallant, avocat, Roy Bélanger Avocats S.E.N.C.R.L.).
[275] Ibid.
[276] Ibid.
[277] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 10 août 2020, 1440 et 1500 (Duff Conacher).
[278] Le programme d’innovation commerciale comprend des initiatives comme le Fonds stratégique pour l’innovation, l’Initiative des supergrappes d’innovation, Solutions innovatrices Canada et le Programme d’aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherches; ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 11 décembre 2020, 1305 (Simon Kennedy).
[279] Ibid., 1340.
[280] Ibid., 1325.
[281] Ibid., 1355.
[282] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 30 novembre 2020, 1200 et 1205 (Marc Tassé).
[283] Ibid., 1215.
[284] Ibid., 1240.
[285] Les accords de contribution sont régis par la Politique sur les paiements de transfert : Secrétariat du Conseil du Trésor, Politique sur les paiements de transfert. Les contrats sont régis par le Règlement sur les marchés de l’État, DORS/87-402.
[286] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 11 décembre 2020, 1430 (Denis Gallant).
[287] Ibid.
[288] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 10 août 2020, 1440 et 1505 (Duff Conacher).
[289] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 11 décembre 2020, 1445 (Mark Blumberg).
[290] Ibid., 1415.
[291] Ibid., 1410.
[292] Ibid., 1415 et 1510.
[293] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 27 novembre 2020, 1320 (Mario Dion).
[294] Ibid., 1320.
[295] Ibid., 1325.
[296] Ibid., 1340 et 1345.
[297] Ibid., 1345.
[298] Ibid., 1355.
[299] Ibid., 1345; LCI, art. 66; Loi sur les Cours fédérales, L.R.C., 1985, ch. F-7, alinéas 18.1(4)a), 18.1(4)b) ou 18.1(4)e).
[300] Ibid., 1330 et 1345.
[301] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1640 (Mary Dawson, ancienne commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique).
[302] Ibid.
[303] Ibid., 1725.
[304] Ibid., 1730.
[305] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 10 août 2020, 1645 (Chris MacDonald, professeur agrégé, Ryerson University).
[306] Ibid., 1615.
[307] Ibid.
[308] Ibid., 1625 (Robert Czerny, ancien président, Association des praticiens en éthique du Canada).
[309] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 30 novembre 2020, 1240 (Marc Tassé).
[310] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 10 août 2020, 1615 (Chris MacDonald).
[311] Ibid., 1645 et 1715.
[312] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 30 novembre 2020, 1200 (Marc Tassé).
[313] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 10 août 2020, 1635 (Chris MacDonald).
[314] Ibid., 1640.
[315] Ibid., 1455 et 1705 (Robert Czerny).
[316] Ibid., 1645 (Chris MacDonald).
[317] Ibid., 1625 (Robert Czerny).
[318] Ibid.
[319] Ibid.
[320] Ibid.
[321] Ibid.
[322] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 30 novembre 2020, 1200 (Marc Tassé).
[323] Ibid., 1215.
[324] Ibid., 1220.
[325] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1645 (Mary Dawson).
[326] Ibid., 1705.
[327] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 10 août 2020, 1615 (Chris MacDonald).
[328] Ibid.
[329] Ibid.
[330] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1650 (Mary Dawson.
[331] Ibid., 1755.
[332] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 10 août 2020, 1435 (Duff Conacher).
[333] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1645 (Mary Dawson).
[334] Ibid., 1750.
[335] Ibid., 1650 et 1710.
[336] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 10 août 2020, 1435 (Duff Conacher).
[337] Ibid., 1510 (Duff Conacher).
[338] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 30 novembre 2020, 1225 (Marc Tassé).
[339] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 10 août 2020, 1420 (Duff Conacher).
[340] Ibid., 1420 et 1455 (Duff Conacher).
[341] Ibid., 1420 et 1505; Démocratie en surveillance c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 194 (CanLII).
[342] Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique, Filtres anti-conflits d’intérêts.
[343] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 10 août 2020, 1620 (Chris MacDonald).
[344] Ibid.
[345] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 10 août 2020, 1450 (Duff Conacher).
[346] Ibid., 1420.
[347] Ibid., 1415.
[348] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 10 août 2020, 1620 (Chris MacDonald).
[349] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 11 août 2020, 1645 et 1720 (Mary Dawson).
[350] Ibid., 1705 (Mary Dawson).
[351] Ibid., 1705 et 1710.
[352] Ibid., 1735.
[353] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 10 août 2020, 1620 (Chris MacDonald).
[354] Ibid., 1420, 1635.
[355] Ibid, 1720 (Robert Czerny).
[356] Ibid.
[357] Ibid., 1705 (Chris MacDonald).
[358] Ibid., 1655.
[359] Ibid., 1710 et 1720 (Robert Czerny).
[360] Ibid., 1625.
[361] Ibid.
[362] Ibid.
[363] Ibid.
[364] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 30 novembre 2020, 1205 (Marc Tassé).
[365] ETHI, Témoignages, 2e session, 43e législature, 27 novembre 2020, 1430, 1435 et 1455 (Nancy Bélanger).
[366] Ibid., 1405 et 1425.
[367] Ibid., 1410.
[368] Ibid., 1435.
[369] Ibid., 1415 et 1435.
[370] Ibid., 1405 et 1425.
[371] Ibid., 1420.
[372] Ibid., 1405.
[373] Ibid., 1410.
[374] Ibid., 1410 et 1415.
[375] Ibid., 1410.
[376] Ibid., 1420 et 1440.
[377] Ibid., 1440.
[378] Ibid., 1420, 1445 et 1450.
[379] Ibid., 1445.
[380] Ibid., 1450.
[381] Ibid.
[382] Ibid.
[383] Commissariat au lobbying du Canada, Améliorer la Loi sur le lobbying : recommandations préliminaires.
[384] Ibid.
[385] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 10 août 2020, 1425 (Duff Conacher).
[386] Ibid.
[387] Ibid., 1435.
[389] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 10 août 2020, 1515 (Duff Conacher).
[390] Commissariat au lobbying du Canada, Code de déontologie des lobbyistes.
[391] ETHI, Témoignages, 1re session, 43e législature, 10 août 2020, 1420 (Duff Conacher).
[392] Ibid., 1425.