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ENVI Rapport du Comité

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RAPPORT COMPLÉMENTAIRE ÉMIS PAR LE BLOC QUÉBÉCOIS

DÉCHETS RADIOACTIFS : LA PRÉCAUTION ET LA RIGUEUR REQUISES POUR LA COLLECTIVITÉ ET L’ENVIRONNEMENT

INTRODUCTION

Le Bloc Québécois salue les membres du Comité ainsi que le personnel de la Bibliothèque du Parlement pour le travail accompli au cours de cette étude. Les mêmes remerciements s’adressent à tous les témoins, les citoyens et organisations interpellés par l’étude et les experts qui ont nourris le débat public sur le sujet en soumettant leurs observations sous formes de lettres et de mémoires. Il ne fait aucun doute que ces contenus seront pertinents à revisiter dans un horizon de temps rapproché. La gouvernance canadienne des déchets radioactifs soulève des enjeux importants qui impliquent des impacts significatifs pour les générations futures.

Nous pouvons espérer que le public sera, au fil des prochaines années, de plus en plus conscientisé à l’enjeu des déchets nucléaires et que cela permettra de corriger les lacunes qui ont été constatées lors de la présente étude.

Nous souhaitons mettre en lumière, dans le but de leur accorder la considération qu’ils méritent, les propos pertinents qui ont été exprimés à la fois par des citoyens et des experts, mais qui n’ont pu trouver leur place dans ce rapport.

Nous proposons un survol de certains éléments qui auraient mérité davantage d’attention. Nous concluons avec les recommandations formulées par le Bloc Québécois qui n’ont pas obtenues la faveur des membres du Comité.

______________

Rappelons quel était le mandat du Comité pour cette étude en citant la motion du 3 février 2022:

Le jeudi 3 février 2022, le Comité a adopté la motion suivante :

Que, conformément à l’article 108(2) du Règlement, le Comité entreprenne une étude visant une révision générale de la gouvernance des déchets nucléaires au Canada et de leurs répercussions sur l’environnement, incluant les enjeux soulevés par l’importation de ces déchets et le commerce de technologies médicales; que le Comité invite le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, le ministre des Ressources naturelles, des représentants de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN), d’Énergie atomique du Canada limitée (EACL) et des Laboratoires nucléaires canadiens (LNC), des experts et d’autres parties prenantes; que le Comité tienne un minimum de quatre réunions; que le Comité fasse rapport de ses conclusions et recommandations à la Chambre[1].

Pourquoi étudier la gouvernance des déchets radioactifs maintenant, en 2022?

L’étude initiée par le Bloc Québécois venait à point nommé, tandis que 2022 marque une année décisive dans la filière nucléaire au Canada :

  • 1) le ministère des Ressources naturelles publiera la mise à jour de sa Politique sur la gestion des déchets radioactifs;
  • 2) la Société de gestion des déchets nucléaires (SGDN) doit également publier sa Stratégie sur la gestion des déchets nucléaires et
  • 3) le Bureau du Vérificateur général du Canada (par l’entremise du Commissaire à l’Environnement et au développement durable) publiera un rapport portant spécifiquement sur la question des déchets radioactifs.

En février et mai 2022, la Commission Canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) a tenu ses dernières audiences publiques sur le projet d’IGDPS de Chalk River et de mise au tombeau d’un réacteur nucléaire à Rolphton, ouvrant la possibilité, dès juin 2022, à l’octroi du permis d’exploitation pour le site (situé en Ontario, à proximité de la rivière des Outaouais).

Le Bloc Québécois, aux côtés d’organisations et de différentes communautés autochtones[2], aurait souhaité voir le processus d’octroi de permis pour le projet Chalk River/ Rolphton suspendu par le ministre des Ressources naturelles du Canada, afin d’avoir un processus décisionnel de la CCSN éclairé par les travaux issus de l’étude en Comité ainsi que du Bureau du Vérificateur général. Une diligence accrue, dans un contexte où d’importantes ressources et des travaux structurants sont en cours, rendait pertinente une suspension, dans le but d’obtenir un portrait global plus complet, en amont du processus décisionnel final, réduisant le potentiel préjudiciable d’un octroi de permis prématuré.

Les organisations qui furent interpellées dans le cadre de cette étude ont présenté aux membres du Comité des enjeux multiples qui mériteraient d’être analysés plus en profondeur. Aucun observateur ne peut nier la complexité de l’information inhérente à cette étude. Il nous a fallu considérer les nombreux avis d’experts scientifiques et techniques, l’expérience internationale, de même que les enjeux périphériques aux déchets eux-mêmes (la recherche scientifique, les structures commerciales sur des technologies émergentes, le rôle des lobbys, les analyses sécuritaires, etc.)

Refléter adéquatement les préoccupations exprimées par le public

Depuis plusieurs années, et de façon plus accentuée depuis 2016, de nombreuses organisations citoyennes et vouées à la défense de l’environnement, de même que plusieurs scientifiques et experts des enjeux relevant de la gestion des déchets radioactifs, témoignent de leurs préoccupations à l’égard de la gouvernance canadienne en la matière.

Le Bloc Québécois considère que les recommandations du présent rapport ne remplissent pas leur mandat, soit celui de guider le gouvernement et les membres du Parlement sur les trajectoires à emprunter en vue de faire progresser les politiques publiques et solutionner les enjeux et problèmes à corriger. Observer le sujet avec rigueur, équilibre et transparence devient donc nécessaire et, bien qu’il contienne des passages auxquels nous souscrivons, les recommandations du rapport ne reflètent pas avec probité la qualité et la précision de certains témoignages incontournables ou la quantité de contributions écrites (mémoires).

Il est révélateur que, des 41 mémoires reçus[3], 36 furent transmis par des citoyens ou organisations documentant leurs inquiétudes, relatant de la réglementation questionnable ou comportant des irrégularités ou incohérences de même que des expériences troublantes lors de consultations dans leurs municipalités.  

Le Bloc Québécois déplore la tentative de certains membres du Comité de détourner, dès la première réunion, l’objet de la présente étude. La motion du Bloc Québécois proposait de façon claire d’étudier la gouvernance des déchets nucléaires au Canada. Elle ne proposait pas d’étudier le développement de l’industrie et des nouvelles technologies. Or, des membres ont sciemment redirigé des témoignages vers l’importance de l’industrie, des marchés potentiels, des coûts avantageux de développer les petits réacteurs modulaires (PRM), etc.[4].

En ne laissant que peu de place dans ce rapport aux témoignages qui sont discordants de la vision des représentants de l’industrie nucléaire, on ne peut par la suite clamer l’importance que l’on souhaite accorder à la population dans le cadre de consultations publiques, que celles-ci soient organisées par l’industrie ou par un Comité permanent de la Chambre des Communes.

S’il y a effectivement une volonté politique de considérer les communautés touchées plus directement par ces enjeux, il faut alors leur accorder la considération qu’ils méritent, cela dans le but de corriger les problèmes qui sont dénoncés et de construire un climat de confiance, empreint de respect et d’assurer des processus de consultation transparents qui mèneront à des consentements libres et éclairés.

Dans sa politique énergétique, le Bloc Québécois ne favorise pas le développement de l’industrie nucléaire. Cela dit, nous reconnaissons qu’il s’agit d’une préférence légitime pour d’autres acteurs politiques et économiques. Or, il nous semble qu’il serait dans l’intérêt des partisans du développement de l’industrie nucléaire d’améliorer les processus décisionnels et la gouvernance des déchets, s’ils souhaitent obtenir l’acceptabilité sociale nécessaire à la bonne conduite de leurs affaires.

Dans cette optique, nous nous attendions à ce que les membres du gouvernement, ainsi que de l’opposition officielle, accordent plus d’importance aux sérieux défis que pose le développement de la filière nucléaire relativement à l’enjeu de la gestion des déchets radioactifs qu’elle implique.

Apparence de conflits d’intérêt – CCSN et Ressources naturelles Canada

La décision imminente de la CCSN qui autoriserait le projet d’Installation géologique de dépôts près de la surface (IGDPS), jumelée aux irrégularités constatées et dénoncées publiquement sur ce sujet, aurait commandé que le Comité prenne au sérieux les doléances des témoins et auteurs de mémoires qui sont critiques de la solution proposée. En effet, en toile de fond de la majorité des contributions écrites, on retrouve l’absence de transparence qui caractériserait la Société de gestion des déchets nucléaires (SGDN), la société de la Couronne EACL (et son fournisseur, l’entreprise privée Laboratoires nucléaires canadiens (LNC)), le manque de rigueur dans la tenue des inventaires nationaux, l’opacité qui caractérise l’accès à ces données ainsi que l’apparence de conflits d’intérêts constatée chez la SGDN et dans la relation entre la CCSN et le Ministère des Ressources naturelles.

« Nous devons non seulement éviter les conflits d'intérêts réels, mais aussi toute apparence de conflit d'intérêts. »

Gordon Edwards, Ph.D - 15 février 2022 – 12h04

« Je ne pense pas que la structure hiérarchique actuelle permette une séparation effective. Malheureusement, la situation de tout organisme de réglementation s’apparente à celle de Pompeia, épouse de Jules César, à qui ce dernier aurait dit : « La femme de César ne doit pas être soupçonnée. »

M.V. Ramana, Professeur de la Simons Chair in Disarmament, Global and Human Security, UBC[5]

Ressources naturelles Canada a le mandat de développer et de promouvoir l’énergie nucléaire. L’organisme de réglementation, la CCSN, est chargée « de préserver la santé, la sûreté et la sécurité, et de protéger l’environnement » et doit rendre des comptes au Parlement par l’entremise exclusive du ministre des Ressources naturelles du Canada. Or, pour réglementer une technologie dont le Ministère fait la promotion, la CCSN pourrait céder à la tentation d’adopter des pratiques qui en favoriseront le déploiement rapide, plutôt que d’assurer un degré supérieur de précaution.

Les témoins de l’industrie ont bien répété que les préoccupations des citoyens voulant que la CCSN n’agisse pas en complète indépendance étaient sans fondements valables. Il n’en demeure pas moins que plusieurs témoins et la majorité des mémoires reçus par le Comité évoquent le problème de l’apparence de conflit d’intérêt et y proposent aussi différentes pistes de solution[6].

Ces préoccupations ne sont malheureusement pas rapportées avec justesse dans le rapport du Comité. Le Comité a omis de brosser un portrait adéquat des cas d’espèce qui furent présentés pour illustrer la façon dont le conflit d’intérêt allégué pourrait se manifester. À titre d’exemples : les délais courts qui prévalent pour les processus de consultations, les refus de divulgation d’informations demandées, etc.

Le Bloc Québécois a présenté une recommandation équilibrée et sans complexité de mise en œuvre qui aurait placé le ministère de l’Environnement et des Changements climatiques dans le processus d’autorité de la CCSN, au même titre que Ressources naturelles Canada. Le Comité n’a pas retenu notre proposition.

Le projet d’IGDPS de Chalk River et le réacteur de Rolphton

Le projet d’IGDPS de Chalk River et celui de la mise au tombeau du réacteur de démonstration CANDU à Rolphton posent un certain nombre de problèmes qui, malheureusement, ne pourront pas compter sur ce rapport pour être résolus.

Le principe essentiel visant à conserver les déchets radioactifs loin des sources d’eau potable n’est pas respecté. À bien des égards, le projet est en opposition avec les recommandations et directives de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)[7], et avec les cinq principes relatifs aux déchets nucléaires convenus par la nation Anishinabek et le Caucus iroquois, adoptés par les dirigeants de 133 Premières Nations en Ontario.[8] Il y a une absence de considération pour les dangers possibles liés à l’emplacement et son sous-terrain : Chalk River est situé à la jonction de fractures géologiques[9] et dans la zone de séismes de l’Ouest du Québec, une ceinture sismique qui recouvre la vallée de l’Outaouais de Montréal jusqu’à Témiscaming, de même que les Laurentides et certaines portions de l’Est ontarien. Là aussi, l’AIEA invite à la prudence[10]. Le volume de déchets radioactifs divers qui seront enfouis dans l’IGDPS est majeur. Des témoins et experts ont soulevé le problème du manque de clarté dans l’identification des substances qui seront introduites au monticule.

Le Bloc Québécois est extrêmement préoccupé par les risques que présente ce projet. L’IGDPS pose des risques à l’affluent principal de la rivière des Outaouais, qui est une source d’eau potable pour des millions de citoyens.

La mise au tombeau du réacteur nucléaire de démonstration de Rolphton passera également sous la loupe finale de la CCSN dans les semaines et les mois à venir. Le premier réacteur à fournir l’électricité au Canada, mis à l’arrêt en 1987, n’a pas préoccupé les autorités fédérales avant 2018, alors que les LNC proposèrent de couler le réacteur sur place, dans du béton.

Cela, alors que l’AIEA prévoit cette procédure uniquement dans les circonstances d’urgence et d’accidents graves. Le Bloc Québécois y voit une démarche laxiste, qui évite un démantèlement qui aurait respecté des seuils sécuritaires plus fiables.

Considérant les failles de ces deux projets, c’est sans surprise que l’AIEA a formulé des suggestions et recommandations à la CCSN en 2019, lors de l’examen des pairs effectué par la mission du Service d’examen intégré de la réglementation (SEIR)[11]. De ce fait, nous savions que le Canada n’était pas irréprochable en matière de gestion des déchets nucléaires, et cela justifiait que les élus de la Chambre des communes se penchent sur la question. 

Les catégories de déchets

Plusieurs témoins ont abordé avec justesse les caractéristiques physiques du patrimoine de déchets radioactifs canadiens. Toutefois, plusieurs interrogations demeurent, dont une particulièrement importante : la redéfinition de ce qu’est un déchet radioactif de moyenne activité, dissimulée dans un « règlement-fleuve » de la CCSN en juin 2020[12].

William Turner, retraité d’EACL et résident de Deep River, a déposé au Comité un feuillet[13] assez précis sur cette question. Gilles Provost, journaliste scientifique, co-porte-parole du Ralliement contre la pollution radioactive et témoin lors de cette étude, en faisait état dans Le Devoir du 13 juin de la même année :

« …on se heurte alors à une absurdité scientifique : l’activité d’un produit radioactif, en physique, c’est sa vitesse de désintégration. Plus il se désintègre rapidement, plus son activité est forte. Cela veut dire qu’un produit radioactif de [plus] forte activité selon la physique serait maintenant un déchet de faible activité selon la nouvelle définition décrétée par la Commission canadienne de sûreté nucléaire! [14]»  

La réduction impressionnante des inventaires de déchets de moyenne activité ne s’explique-t-elle pas, du moins en partie, par cette nouvelle catégorisation? Cette nouvelle définition a pourtant des effets concrets, puisque l’IGDPS de Chalk River est conçue pour n’accueillir que des déchets de faible activité.

Il semble qu’avec cette réglementation, des déchets considérés de moyenne activité par la science physique se retrouveront dans le monticule, mélangés à des déchets de faible activité.

Les témoins de la CCSN interpellés n’ont pas éclairé les membres sur cette hypothèse. Elle nous apparaît pourtant essentielle et des réponses doivent y être apportées.

L’inventaire à Chalk River

L’inventaire canadien des déchets radioactifs prévu à Chalk River est constitué à 98% de déchets issus du commerce de cobalt-60, produit et vendu comme radio-isotope pour fins médicales. Le Bloc Québécois reconnait la valeur de la production et du commerce mondial de radio-isotopes médicaux. Cependant, la réimportation des déchets, établie par entente commerciale, devrait faire l’objet d’une discussion et d’une analyse sur les impacts que ces arrangements commerciaux ont sur la capacité du Canada d’agir dans l’intérêt de sa population et de l’environnement.

Mme Meghan Vickerd des LNC a reçu la demande de produire en réponse écrite[15] des renseignements pertinents dans le but de faire la lumière sur ce dossier. Cependant, la confidentialité étant le privilège du consortium privé LNC, les membres ne pourront connaître dans quelle mesure le Canada continuera d’être l’héritier des déchets radioactifs issus de son commerce d’isotopes médicaux.

L’argument du secret corporatif offre un « blindage » aux LNC : cet état de fait devrait inciter les Parlementaires à la prudence quant aux responsabilités de ce consortium et à l’autorité qu’exerce la société de la Couronne EACL dans son devoir de transparence et de reddition de comptes. Le fait que le Canada ait été qualifié « d’environnement réglementaire favorable » par les LNC (par l’entremise de l’agrégateur de renseignements commerciaux du secteur nucléaire, Nuclear Energy Insider[16]) devrait encourager à lui-seul la reprise des travaux de la Commission Seaborn (abordée au rapport).

Le programme fédéral de gestion des déchets a quadruplé en importance (pour atteindre plus de 4 milliards de dollars) depuis que EACL a imparti la gestion et l’exploitation de ses sites et installations aux Laboratoires Nucléaires Canadiens en 2015.

À lui seul, ce fait justifie une évaluation globale de la gouvernance des déchets nucléaires au Canada. Les problèmes de transparence rapportés ne peuvent être tolérés alors que de telles sommes d’argent public sont en jeu.

La permanence du dépôt géologique en profondeur – South Bruce

Les membres du comité ont été saisi du problème entourant la détermination d’un site pour un dépôt géologique en profondeur (DGP), une solution qui serait souhaitable pour sécuriser les déchets de haute et moyenne activité. La Société de gestion des déchets nucléaire (SGDN) a le mandat de gérer uniquement les déchets issus du combustible nucléaire usé (haute activité) et il appert que c’est sous sa direction qu’un DGP sera choisi. Un site activement convoité par la SGDN est South Bruce, dans le comté d’Ignace, à 30 km du Lac Huron.

D’entrée de jeu, la volonté exprimée par les témoins favorables à ce projet est présentée au rapport de manière quasi-unilatérale : en effet, les propos et les mémoires (allant jusqu’à 14 pages) qui abordent les pratiques de la SGDN ne sont pas suffisamment évoqués.

Le Bloc Québécois tient à attirer l’attention du public sur les aspects suivants, qui sont entièrement omis du rapport :

  • Les politiques de rachats de propriétés de la municipalité de South Bruce et l’absence de dialogue avec les citoyens qui demandent un référendum sur l’emplacement du DGP[17];
  • Le phénomène du DAD (Décider – Annoncer – Défendre) qui, selon plusieurs observateurs, guide les processus de consultations de la SGDN dans la communauté[18];
  • Les bouleversements aux activités commerciales (agricoles et touristiques) de la région immédiate et les inquiétudes fondées sur la contamination des nappes phréatiques;
  • Les versements de fonds à la municipalité par la SGDN, totalisant $9,4 millions, qui ont servi à embaucher des employés municipaux dévoués à l’appui du projet et à financer des projets dits bons pour la communauté[19];
  • Le fait que des centaines de citoyens exigent des explications sur des déclarations erronées faites par la SGDN au fil des dernières années, restent sans interlocuteur[20];

Le contenu du mémoire de Protect Our Waterways est très préoccupant. Comme de nombreuses contributions écrites qui soulèvent différents enjeux et problèmes de gouvernance, les thèmes récurrents du conflit d’intérêt, de l’imputabilité, de l’indépendance des organisations désignées et le manque de transparence, tous sont dénoncés à South Bruce.

L’État canadien doit s’acquitter de ses responsabilités et établir une gouvernance exemplaire indissociable d’un processus de consultation avec les citoyens concernés par les projets d’installations de gestion de déchets radioactifs. 

Autochtones, allochtones : devant l’industrie nucléaire, les combats se ressemblent

Le Comité a reçu les témoignages de deux témoins issus de communautés autochtones. Le Bloc Québécois est heureux que certains passages de leurs témoignages furent repris et inclus au rapport. Messieurs Michano et Niganobe[21] n’ont pas été avares de critiques à l’endroit des organisations qui ont tenu des consultations auprès de communautés autochtones.

« De nombreuses communautés ont contesté le fait que ces processus sont dits accueillants et accessibles…Quel que soit le processus en cours, qu'il s'agisse de la CCSN ou de la SGDN, ces processus ne jouent certainement pas en notre faveur…»

« Pour les communautés qui sont largement à la traîne par rapport à la norme canadienne en matière d'infrastructure, de logement et de tous ces autres éléments différents, les communautés oubliées, il s'agit de coercition à ce stade…Cette tactique de coercition qui consiste à offrir de l'argent, des centaines de milliers de dollars et la possibilité d'avoir des emplois, semble être un avantage pour les collectivités, mais elles sont forcées de l'accepter parce qu'elles ne peuvent faire autrement. [22] »

La SGDN convient que le savoir autochtone et la science occidentale constituent des éléments d’un bon processus décisionnel lorsque ce processus repose sur une confiance mutuelle et un échange respectueux d’information. Or, des témoignages et le contenu de plusieurs mémoires dépeignent un comportement « de terrain » tout autre vis-à-vis des communautés autochtones et allochtones, qui interrogent les représentants de la SGDN. 

S’ajoute à cela, le fait que plusieurs communautés autochtones ont dénoncé la relation de dépendance de leurs communautés à l’État canadien, en raison de la Loi sur les Indiens. Le Bloc Québécois est solidaire des Premiers peuples dans leurs revendications et rappelle son appui historique et sans équivoque à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Les organisations que sont EACL et les LNC doivent faire de même, et nous précisons l’article 29 (2) :

« Les États prennent des mesures efficaces pour veiller à ce qu’aucune matière dangereuse ne soit stockée ou déchargée sur les terres ou territoires des peuples autochtones sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.[23] »

Nous constatons que les voix des personnes et des organisations concernées qui ont contribué à cette étude, par leurs témoignages et par les mémoires soumis, n’ont pas toutes reçues le même degré d’intérêt à l’étape de la rédaction de ce rapport. Il y a eu des discussions entre les membres sur le caractère méritoire ou non de certaines contributions écrites.

Le Bloc Québécois estime qu’une étude qui récolte du public des contenus recherchés, en un seul exemplaire[24], préparés avec des références et liens soutenant les propos tenus, sont des contributions méritoires. Évidemment, lorsqu’une aussi importante proportion de mémoires présente des positions qui ne concordent pas avec celles de l’industrie et du régulateur, cette réalité peut se traduire par des choix de contenus. Ce choix a été celui des membres du gouvernement et de l’opposition officielle. De l’avis du Bloc Québécois, il sert mal le public et le bien commun.

La quantité et la qualité des écrits reçus par le Comité dans le cadre de la présente étude envoie, selon nous, un message très éloquent. Lorsque ces voix ne se sentent pas entendues dans le cadre des communications et consultations officielles organisées par la SGDN, la CCSN ou les LNC, les citoyennes et les citoyens tournent leurs regards vers l’autorité publique dans laquelle ils ont le plus confiance et dans laquelle ils fondent leur espoir d’être véritablement entendus : leurs représentantes et représentants élus démocratiquement. Dans le cas présent, ces personnes ont participé à l’appel aux contributions d’un Comité permanent de la Chambre des Communes.

Le travail du Comité était de répondre à cet appel des citoyennes et citoyens inquiets de la gestion des déchets nucléaire et de trouver des pistes de réponses à leurs besoins. Le Bloc Québécois n’a pas ménagé ses efforts afin d’y répondre et entend poursuivre son travail collaboratif avec tous les groupes et les citoyennes et citoyens qui sont préoccupés par l’enjeu de la gestion des déchets nucléaires au Canada.

CONCLUSION

Il est périlleux d’utiliser les mots « indépendance », « transparence », « imputabilité », « rigueur » « conformité » - et autres termes comparables - pour qualifier la gouvernance des déchets radioactifs au Canada et, dans le même souffle, offrir une fin de non-recevoir aux citoyennes et citoyens et aux organisations (dont font partie de nombreux universitaires et experts techniques et scientifiques issus de l’industrie) qui soulèvent spécifiquement des lacunes qui sont préoccupantes pour la santé humaine et l’environnement.  

Le Bloc Québécois ne s’oppose pas aux recommandations formulées par les membres du Comité. Cependant, il déplore que ces recommandations ne soient pas plus précises et plus prescriptives. C’est ce que les décisions actuelles et les trajectoires énergétiques envisagées au Canada requerraient.

Qu’il choisisse ou non de développer la filière nucléaire, le Canada est déjà aux prises avec l’enjeu de ses déchets radioactifs. Au nom de la protection et de la qualité de l’environnement et de la santé publique, la gestion de ces déchets doit être exemplaire et doit répondre aux plus hauts standards internationaux.

L’étude initiée par le Bloc Québécois démontre que de sérieux correctifs doivent être opérés, notamment au chapitre de la transparence des processus décisionnels et en particulier à l’égard de l’acceptabilité sociale des projets visant la disposition des déchets radioactifs dans les communautés locales qui doivent les accueillir.

Sous l’impulsion du gouvernement du Parti Québécois de Pauline Marois, le Québec a fait le choix de sortir du nucléaire. Le Québec a les moyens d’effectuer la transition énergétique et de viser un avenir véritablement carboneutre sans le recours aux technologies nucléaires. Le Bloc Québécois, en tant que parti indépendantiste, est solidaire des communautés au Canada qui doivent composer avec le grave problème de la gestion des matières dangereuses que sont les déchets radioactifs. Nous avons la conviction que le Québec et le Canada ont chacun les moyens de développer des filières énergétiques qui les préservent des dangers pérennes que posent les déchets radioactifs. L’effort que nous avons déployé dans cette étude doit servir notre peuple, comme ceux du Canada.

Les recommandations proposées par le Bloc Québécois

  1.    Le Comité recommande que le gouvernement du Canada, dans le but de faire la lumière sur les circonstances commerciales d’importations de déchets radioactifs de faible activité sur son territoire, collabore avec la Société de la couronne Energie atomique du Canada Ltée (EACL) et les Laboratoires nucléaires canadiens (LNC) pour entreprendre des audiences publiques ; que ces audiences incluent les inventaires et les directives claires envisagées pour gérer ces déchets.
  2.    Le Comité recommande, dans le but d’assurer la plus rigoureuse évaluation des risques liés aux traitements des déchets radioactifs, que tous les projets de gestion ou de production de déchets radioactifs actuellement en cours d’évaluation et ceux qui ne sont pas encore autorisés, soient évalués en vertu de la Loi d’évaluation d’impact (LEI) par l’Agence canadienne d’évaluation d’impact; qu’aucun projet ne puisse être autorisé en vertu de la LCEE 2012. 
  3.    Le Comité recommande au gouvernement du Canada, dans le but d’éliminer l’apparence de conflit d’intérêts et donc renforcer la confiance de la population à l’égard de la gestion des déchets radioactifs et de l’industrie nucléaire au pays, apportent les changements nécessaires à la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires et à la Loi sur la gestion des finances publiques, de sorte que la Commission canadienne de sûreté nucléaire relève du Parlement par l’entremise du ministre de l’Environnement et du Changement climatique et du ministre des Ressources naturelles.
  4.    Le Comité recommande que le gouvernement du Canada, par l’entremise du ministère des Ressources naturelles, révise ses pratiques de gouvernance dans les conseils d’administration d’EACL et la CCSN de manière à ce que les membres administrateurs soient différents d’une organisation à l’autre ; que des sièges soient réservés à des membres des communautés autochtones et allochtones.
  5.    Le Comité recommande, dans le but de respecter les principes de consultation publique et les 140 municipalités ainsi que le grand nombre de communautés autochtones qui ont expressément demandé plus de rigueur dans le cadre du projet d’IGDPS de Chalk River, que le ministère de l’Environnement et des Changements climatiques et l’Agence canadienne d’évaluation d’impact procèdent à une étude environnementale régionale dans les plus brefs délais.    
  6.    Le Comité recommande que le gouvernement du Canada applique les recommandations de la Commission Seaborn; que les modifications réglementaires et législatives qui découleraient de l’application des recommandations de la Commission soient élaborées et mises à l’étude sans tarder.
  7.    Le Comité recommande que le gouvernement du Canada travaille activement, dès cette année, avec la Société de gestion des déchets nucléaires (SGDN) pour assurer que le choix de l’emplacement du site de dépôt géologique en profondeur (DGP), annoncé avant la fin de 2023, fasse l’objet de consultations rigoureuses auprès de communautés affectées; que Ressources naturelles Canada planifie dans le renouvellement en cours de sa Politique-cadre sur la gestion des déchets nucléaires, une collaboration spécifique avec Énergie atomique du Canada Ltée (EACL) dans le but de cartographier les lieux propices spécifiquement pour les déchets radioactifs de moyenne activité.
  8.    Le Comité recommande que le ministère des Ressources naturelles, dans le but de remédier à l’absence de planification en ce qui concerne la sécurisation des stocks de déchets de faible activité, exige de la Société de la couronne EACL et des LNC, une étude sur les meilleures pratiques internationales en matière d’enfouissement permanent de cette catégorie de déchet.
  9.    Le Comité recommande que le gouvernement du Canada, dans le but d’assurer la stabilité des ententes de non-prolifération et d’éviter les risques sécuritaires qui sont associés avec la pratique du retraitement des substances radioactives, interdise par voie réglementaire ou législative tout retraitement de combustible usé de même que l’extraction de plutonium.

[2] « CNSC Kebaowek First Nation (KFN) Request for Stop of NSDF Hearing Schedule », lettre du 31 janvier 2022 dénonçant la procédure de la CCSN pour les audiences publiques : https://nuclearsafety.gc.ca/fra/the-commission/pdf/LetterFromKFN-RequestAdjournHearing.pdf

[4] Voir les interventions à 11h38 – 15 février 2022 :  https://www.noscommunes.ca/DocumentViewer/fr/44-1/ENVI/reunion-3/temoignages et ce constat de Gordon Edwards, Ph.D. à 11h44, le 15 février, « Il est manifeste … que les porte-parole de l'industrie souhaitent plus chanter les louanges de l'énergie nucléaire et vendre l'idée de nouveaux réacteurs que dire quoi que ce soit d'utile sur les déchets nucléaires. »

[7] AIEA - Voir Addenda II « Guidance and Data Needs for Site Investigation and Site Characterization” dans Safety Standards – Near Surface Disposal Facilities for Radioactive Waste, AIEA, pp. 88 à 101. https://www-pub.iaea.org/MTCD/publications/PDF/Pub1637_web.pdf

[8] ENVI, Témoignages, 15 février 2022, 1245 (le chef Reg Niganobe); et ENVI, Témoignages, 15 février 2022, 1330 (le chef Reg Niganobe).

[9] En 1983, EACL a publié des actes de colloques (438 pages) intitulés « Geophysical and Related Geoscience Research at Chalk River, Ontario » où il est précisé (p.39) « …since their formation, the fractures have been repeatedly reactivated by subsequent tectonic events. A detailed assessment of reactivation history is a prerequisite for any future long-term stability analyses », – https://inis.iaea.org/collection/NCLCollectionStore/_Public/23/066/23066580.pdf

[10] AIEA - Idem

[14] « Des déchets radioactifs de faible activité? », Gilles Provost, Le Devoir, 13 juin 2020. https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/580766/des-dechets-radioactifs-de-faible-activite. Aussi signalé par Canadian Environmental Law Association https://cela.ca/wp-content/uploads/2020/06/Sham-Regulation-of-Radioactive-Waste-in-Canada-For-Distribution.pdf

[15] Les questions :  1) Quel revenu touchent les Laboratoires nucléaires canadiens pour le stockage des sources de cobalt‑60 qui sont importées? 2) Combien de cobalt‑60 rapatrié de l'étranger y a-t-il au Canada et à quel endroit ces déchets seront-ils entreposés? 1er mars 2022 - https://www.noscommunes.ca/DocumentViewer/fr/44-1/ENVI/reunion-6/temoignages#Int-11548844

[16] Nuclear Energy Insider utilise une terminologie précise : «…a benign regulatory environment » en 2018, à l’occasion d’un sommet annuel; tenu à Atlanta. Les LNC présentent un mémoire intitulé « Future SMR deployment in Canada ». Mémoire disponible ici : https://concernedcitizensnet.files.wordpress.com/2020/12/smr-webinar_report-copy.pdf

[20] Idem

[21] Reg Niganobe, chef élu du Grand conseil de la nation Anishinabek et membre du clan Sturgeon – il représente 39 des 133 Premières Nations de l’Ontario.

[23] Organisation des Nations Unies, 2007, Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, disponible https://www.un.org/development/desa/indigenouspeoples/wp-content/uploads/sites/19/2018/11/UNDRIP_F_web.pdf

[24] Un seul exemplaire correspond à un document original qui n’est pas reproduit (copié et collé) par une multitude de membres d’une organisation donnée. Les Comités reçoivent régulièrement des lettres – et non des mémoires - qui sont des copies identiques les unes des autres.