FAAE Rapport du Comité
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Le rappel au réel : Le monde d’après le 24 février 2022
Introduction
Du 18 février au 2 mars 2023, une délégation de sept membres[1] du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (le Comité) s’est rendue à Stockholm, à Bruxelles, à Varsovie et à Helsinki. Dans ces quatre villes, les membres ont rencontré divers interlocuteurs, dont deux ministres des affaires étrangères, des parlementaires, des diplomates ukrainiens, des responsables de la Commission européenne et du Service européen pour l’action extérieure et des représentants du Conseil de l’Europe et de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), ainsi que des universitaires, des représentants de centres d’études et des membres de la société civile. La liste complète des participants à ces rencontres se trouve en annexe. La délégation a visité ces quatre villes afin d’obtenir de certains des plus proches alliés et partenaires du Canada leur point de vue sur la guerre d’agression illégale de la Russie contre l’Ukraine et ses conséquences pour la sécurité euroatlantique et l’ordre international fondé sur des règles. Forte des perspectives recueillies lors de ce voyage à l’étranger, la délégation fait suite, dans le présent rapport, au rapport provisoire soumis à la Chambre par le Comité le 14 février 2023[2].
Le voyage de la délégation a coïncidé avec le premier anniversaire du déclenchement de la guerre. Pendant cette année de guerre, l’agression de la Russie a forcé le déplacement de millions de civils et causé la mort de dizaines de milliers de personnes. Les forces russes ont commis des atrocités et son artillerie a rasé des villes et villages entiers dans l’Est et le Sud de l’Ukraine[3]. Quelques semaines après le retour de la délégation à Ottawa, la Cour pénale internationale a délivré un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine, président de la Russie, et Maria Alekseïevna Lvova-Belova, commissaire aux droits de l’enfant au sein du Cabinet du président, qui seraient responsables du crime de guerre de déportation et de transfert illégaux d’enfants, et ce, de zones occupées de l’Ukraine vers la Russie[4].
La date du déclenchement par la Russie de son invasion à grande échelle, le 24 février 2022, évoque maintenant deux idées bien différentes : la conquête, et la résistance. En Europe, on a dit à de nombreuses reprises à la délégation qu’il fallait comprendre correctement l’enjeu de l’agression de la Russie et ce qu’elle représente. Il ne s’agit pas d’un « conflit » territorial localisé ni d’une affaire qui ne concernerait pas les autres pays – ceux qui sont éloignés du front. La délégation a entendu sans cesse pendant ses rencontres une triste réalité, reconnue par ses interlocuteurs : la guerre s’est réinvitée en Europe, et les gouvernements démocratiques doivent en prendre acte dans leurs politiques.
En attaquant ainsi sans provocation son voisin, un pays souverain, la Russie tente de ramener l’Europe à l’époque où les « grandes puissances » faisaient la loi, l’intimidation dictait les lignes politiques, et la carte était dessinée par la force. Par contre, l’Ukraine, par sa résistance face à des attaques visant sciemment à saper le courage de la population, fait montre de sa force comme État et nation et de sa détermination à rester maîtresse de son avenir.
La première partie du présent rapport énonce les enjeux de ce conflit et explique pourquoi on croit que la guerre a atteint un tournant. La seconde partie dépeint avec plus de recul les conséquences globales du conflit, et notamment son impact sur la conjoncture mondiale. À ce sujet, les avis ne manquent pas, certains disant que l’après-24 février 2022 représente un « ébranlement historique[5] » (Zeitenwende), d’autres voyant dans ce conflit un autre chapitre de cette « décennie critique » de défis stratégiques qui marque la fin définitive de « l’ère de l’après‑Guerre froide[6] ». L’OTAN, dont le Canada est membre fondateur, reconnaît qu’elle doit se préparer à un monde « marqué par la conflictualité et l’imprévisibilité[7] ». La gestion de cette nouvelle ère de transition et de bouleversement – les rencontres de la délégation en Europe l’ont souligné – exigera de l’investissement dans les capacités, et pas seulement de défense.
Lorsque le Comité voyage à l’étranger, ses travaux ne font pas l’objet de transcriptions officielles : les rencontres sont considérées comme informelles, et certaines se déroulent sous la règle de Chatham House, selon laquelle les opinions exprimées ne sont pas attribuées à leur auteur. Le présent rapport doit donc être vu comme une compilation des principaux points avancés par les interlocuteurs, et un résumé des impressions que la délégation en a tiré. Lorsque c’est justifié, des citations externes sont utilisées pour expliciter le contexte ou compléter l’information. Le Comité exprime sa sincère reconnaissance à tous les interlocuteurs que la délégation a rencontrés, ainsi qu’au personnel des missions canadiennes qui ont beaucoup fait pour faciliter son travail.
Le rappel au réel
Les rencontres de la délégation ont été l’occasion de réitérer les raisons pour lesquelles, comme on l’admet largement, l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie menace gravement l’ordre international fondé sur les règles. Les interlocuteurs ont souligné que la Russie est, avec seulement quatre autres États, un membre permanent du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU). La Charte des Nations Unies qui l’a vu naître, adoptée dans le sillage des violences et perturbations inouïes causées par la Deuxième Guerre mondiale, vise « à préserver les générations futures du fléau de la guerre[8] ». Elle exige des 193 États membres qu’ils respectent l’égalité souveraine de chacun, règlent leurs différends pacifiquement et s’abstiennent de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État[9]. Le Charte confie au Conseil de sécurité la responsabilité de maintenir la paix et la sécurité internationale, mais la Russie use de son veto pour contrer ce mandat et agir avec impunité[10].
La Russie est l’un des seuls (cinq seulement) « États dotés d’armes nucléaire » reconnus aux termes du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, pierre angulaire du régime de désarmement atomique. Les États-Unis et la Russie, à eux seuls, posséderaient près de 90 % des ogives nucléaires du monde[11]. On s’attend des États qui appartiennent à ce groupe select qu’ils témoignent éminemment de retenue et du sens de la responsabilité. Or, depuis son invasion de l’Ukraine – un pays qui a retourné à la Russie les ogives nucléaires déployées sur son territoire à la fin de la Guerre froide, contre des garanties de sécurité –, Moscou multiplie les déclarations les plus imprudentes sur un éventuel recours à l’arme atomique. De même, la Russie ne cache pas qu’elle se croit autorisée à diriger ses armes conventionnelles contre un État (plus petit qu’elle) grâce à la protection que lui confère son arsenal nucléaire.
Le président Poutine a une vision du monde qui accorde plus d’importance au pouvoir et aux prétentions historiques qu’au droit, aux normes et aux règles. S’il exprime ses positions sans ambages depuis le 24 février 2022, elles étaient évidentes bien avant cette date. On a rappelé à la délégation que, en décembre 2021, la Russie avait rendu publics deux projets de documents, un « traité » de sécurité avec les États-Unis, et un « accord » avec l’OTAN[12]. Ces deux instruments ne réclamaient rien de moins que le démantèlement de l’ordre établi en Europe en matière de sécurité depuis la fin de la Guerre froide: l’objectif était d’imposer à l’OTAN une structure l’obligeant à traiter les alliés différemment les uns des autres selon la situation (adhésions, déploiements défensifs) existant en 1997[13], et à fermer la porte à toute adhésion future. À environ la même époque, des membres de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), dont la Suède et la Finlande, ont été sommés par le Kremlin de clarifier officiellement leur position sur cette vision russe de la sécurité[14]. Cette tentative de diviser l’Europe en deux « sphères d’influence » – sortie tout droit, selon un interlocuteur, de « l’âge des empires » – a essuyé un refus.
On a expliqué à la délégation que la situation s’inscrit dans une « crise russe » systémique, dont la manifestation la plus violente est la guerre en Ukraine. En effet, l’attitude antagoniste actuelle de Moscou remonte à bien des années : dès 2007, dans un discours à la Conférence de Munich sur la sécurité, le président Poutine a condamné le soi-disant « monde unipolaire » qu’on tenterait maintenant de proposer dans le sillage de la Guerre froide, laquelle aurait laissé, « pour ainsi dire, des obus non explosés[15] ». L’année suivante, la Russie a envahi la Géorgie, puis a continué de soutenir deux territoires séparatistes à l’intérieur des frontières internationalement reconnues de ce pays. Moins de 10 ans plus tard, en 2014, la Russie a occupé puis annexé la Crimée, un territoire appartenant à Kiev, avant d’envahir et de déstabiliser l’Est de l’Ukraine. Comme on l’a expliqué à la délégation, le message reçu pendant toutes ces années était on ne peut plus clair, mais l’Occident, à l’époque, lui a fait la sourde oreille.
Certains analystes, souhaitant mettre en contexte le comportement du régime Poutine jusqu’au 24 février 2022, ont mis l’accent sur des facteurs externes, soit ses craintes et ses ambitions géostratégiques. Sous cet angle, la Russie chercherait à modifier en profondeur l’équilibre des forces internationales et à contester non seulement l’autorité des États-Unis mais aussi le système d’alliances et de partenariats orchestré par Washington. D’autres interlocuteurs ont porté leur analyse sur les facteurs internes : ce seraient les insécurités du régime de Poutine qui l’auraient décidé à attaquer l’Ukraine. Selon cette interprétation, qui tient compte des liens historiques entre les deux pays, le régime se serait senti menacé par la démocratisation – certes imparfaite – de l’Ukraine et par son rapprochement avec l’Europe, puisqu’il voyait ainsi un autre pays slave opter pour une voie politique différente de la sienne.
Que l’Ukraine soit au cœur des visées révisionnistes du Kremlin, ou qu’elle n’en soit que le prologue, il ne faisait pas de doute pour les interlocuteurs interrogés qu’on ne reviendrait plus au monde d’avant, dans lequel de nombreux pays européens, dans l’Ouest à tout le moins, voyaient dans la Russie un acteur stable et prévisible. Les opinions étaient partagées quant au potentiel d’endurance du « poutinisme », qui est un système très personnaliste, mais ce qui est certain, c’est que la montée du totalitarisme en Russie et le retour de la guerre en Europe ont été, pour les partenaires et les alliés au Canada, un rappel à la réalité.
Le retournement des perceptions n’est peut-être nulle part plus évident qu’en Suède et en Finlande : ces deux pays ont abandonné des décennies de neutralité militaire lorsqu’ils ont décidé le 18 mai 2022 de faire une demande d’adhésion à l’OTAN. On a expliqué à la délégation que, avant le 24 février 2022, la proportion des Finlandais favorables à l’accession à l’OTAN n’avait jamais excédé 25 % de la population. Quatre jours à peine après l’invasion, ce taux était passé à 51 %. Deux semaines après, il dépassait 70 %.
La Suède et la Finlande ont clairement expliqué, dans les rapports de leurs gouvernements et lors des débats tenus dans leurs parlements, pourquoi ils désiraient maintenant l’adhésion dans l’OTAN. Par exemple, le gouvernement de la Suède a fait observer que l’invasion de l’Ukraine par la Russie suscitait « une importante détérioration structurelle et durable de la sécurité en Europe et dans le monde », et « nous appelait à réfléchir aux mesures que doit prendre la Suède pour garantir optimalement sa sécurité nationale[16] ». Pour le gouvernement suédois, l’agression de la Russie contre son voisin souverain et les mesures prises par l’OTAN en réponse faisaient ressortir « la différence entre les pays protégés par la garantie de défense de l’OTAN et ceux qui ne peuvent l’invoquer[17] ».
La décision de la Suède et de la Finlande de demander l’adhésion à l’OTAN a été décrite par les interlocuteurs comme un revirement historique. Au moment de la visite de la délégation, seules restaient en suspens la date des deux dernières ratifications nécessaires à l’achèvement du processus d’accession[18] – celles de la Hongrie et la Turquie – et la possibilité que la Finlande soit admise en premier si la Turquie continuait d’exiger de la Suède des garanties anti-terroristes[19]. Le 27 mars 2023, le parlement hongrois a achevé le processus de ratification pour la Finlande[20], et quelques jours plus tard, le parlement turc a fait de même[21], ce qui a permis à la Finlande de devenir le 31e membre de l’Alliance de l’OTAN le 4 avril 2023[22].
Pour ce qui est de la Suède, les interlocuteurs ont dit que ce pays avait rempli sa partie du protocole trilatéral du 28 juin 2022 mis en place pour répondre aux préoccupations de sécurité de la Turquie[23]. On a aussi dit à la délégation que l’OTAN avait autant à gagner de ces nouvelles adhésions que les deux pays eux-mêmes: la Finlande et de la Suède sont deux démocraties qui, en plus de partager les valeurs de l’Alliance, possèdent une armée du niveau de l’OTAN et des industries de pointes.
De bien des manières, la guerre de la Russie contre l’Ukraine a déclenché ce que les interlocuteurs ont appelé le « réveil stratégique » de l’Union européenne (UE)[24]. Au moyen de mécanismes comme la Facilité européenne pour la paix, l’UE et divers gouvernements européens apportent une aide militaire à l’Ukraine, renversant ainsi leurs politiques de longue date consistant à ne pas fournir d’équipement militaire directement dans une zone de conflit. Par ailleurs, l’UE a mis sur pied une mission visant à fournir un entraînement à 30 000 soldats ukrainiens d’ici la fin de 2023[25], et ses 27 États membres ont imposé 10 séries de sanctions à la Russie afin d’affaiblir sa capacité de poursuivre la guerre[26]. Enfin, l’UE est la première source d’aide financière à Kiev[27] : elle lui verse environ 1,5 milliard d’euros par mois pour l’aider à payer les salaires et les pensions, à restaurer l’infrastructure critique et à maintenir les services publics essentiels[28]. Selon les interlocuteurs, par sa réponse à la guerre, l’UE a montré qu’elle était prête, en coopération avec ses partenaires, à utiliser les outils à sa disposition pour défendre la sécurité en Europe[29].
Un tournant dans la guerre
La délégation était en Europe plus de trois mois après la libération par l’Ukraine de la ville de Kherson, dans le Sud. À ce stade du conflit, les observateurs se demandaient si les forces en présence n’étaient pas dans une impasse. Des combats intenses et incessants continuaient dans l’Est du pays, y compris à Bakhmout et près de Vouhledar, mais la ligne de front qui traverse le pays sur 1 500 km était largement immobile. On a dit à la délégation que l’Ukraine avait libérée environ 50 % des territoires occupés par Moscou, mais que jusqu’à 350 000 soldats russes se trouvaient toujours sur le territoire ukrainien.
Certains pensent que la Russie prépare une guerre d’usure. Le président Poutine a dit publiquement que la guerre – qu’il persiste à appeler une « opération militaire spéciale » – pourrait durer longtemps[30]. Si le grand objectif de la Russie – s’emparer de l’Ukraine – semble maintenant inatteignable, on craint que la Russie se satisfasse de continuer à déstabiliser et à détruire le pays. La délégation a entendu dire que la menace permanente qui pèse sur l’Ukraine rendait impossible tout effort de reconstruction significative.
La Russie a mobilisé des troupes supplémentaires et a mis son économie sur le pied de guerre. Elle espère ainsi l’emporter non pas par l’excellence de ses manœuvres militaires, mais en faisant crouler Kiev sous la masse de ses soldats et de son équipement. Cependant, si l’offensive russe a permis quelques gains tactiques sur le champ de bataille, elle n’avait pas, au début mars 2023, d’impact stratégique sur le cours de la guerre.
Cela dit, rien n’indique que la Russie se préparer à battre en retraite : au contraire, il semble qu’elle entende poursuivre ses opérations militaires sur le territoire ukrainien. Malgré les pertes et les échecs majeurs qu’il a essuyés[31], le régime de Poutine, selon les interlocuteurs, ne se croit pas battu. Si la décision de lancer une invasion à grande échelle a montré que le président Poutine surestimait la capacité militaire de son armée et sous-estimait l’efficacité des forces de l’Ukraine, la cohésion de sa société et la solidité de son État, on ne voit pas – pour l’instant – qu’il se soit trompé sur sa capacité de tenir les leviers du pouvoir au Kremlin et de réprimer les opposants à l’intérieur du pays. Comme l’a dit un des interlocuteurs, l’agression externe et la répression interne qu’exerce Poutine se renforcent mutuellement, et la Russie n’a jamais été aussi éloignée de la démocratie ces trente dernières années qu’elle ne l’est aujourd’hui.
On a rappelé à la délégation que l’optique occidentale ne suffit pas pour comprendre les pressions politiques et économiques en Russie. En effet, la prospérité économique de toute la population n’est pas nécessaire au succès du régime de Poutine, puisque dans la Russie d’aujourd’hui – que certains qualifient d’État « clientéliste » ou « kleptocrate » –, les élites ne seraient rien sans Poutine, et beaucoup d’entre elles semblent croire qu’il assure au moins une certaine stabilité. De plus, la ville de Moscou ne souffre guère des rigueurs de la guerre, et les régions rurales, d’où viennent bon nombre des soldats russes, étaient pauvres bien avant le début du conflit. Ainsi, le régime a non seulement militarisé la société, il a aussi atomisé le peuple.
Les gouvernements occidentaux se disent résolument prêts à aider l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire. Pendant que la délégation était en Europe, le président des États‑Unis, Joe Biden, s’est arrêté à Varsovie après s’être rendu à Kiev. Il a fait la déclaration suivante : « il ne doit pas y avoir de doutes. Notre soutien à l’Ukraine ne faiblira pas; l’OTAN ne sera pas divisée, et nous ne nous relâcherons pas[32] ». Les pays de l’UE et ceux du G7, dont le Canada, ont fait la même promesse[33].
Cela dit, outre qu’il n’est pas aisé pour les politiciens de convaincre le public qu’il faut continuer de verser des milliards de dollars en aide financière[34], il faut aussi composer avec des difficultés pratiques, notamment sur le plan militaire. En effet, le « rappel au réel » évoqué par les interlocuteurs portait notamment sur la production et l’approvisionnement dans le secteur de la défense. Depuis le début de la guerre, ce sont des milliers d’obus qui sont tirés chaque jour, tantôt plus tantôt moins, par les deux camps. Peu avant le départ de la délégation pour l’Europe, le secrétaire général de l’OTAN a parlé d’une « course logistique », l’Ukraine consommant une quantité de munitions « largement supérieure à notre rythme de production actuel[35] ».
Par ailleurs, des voix se lèvent pour mettre en garde contre les risques d’escalade. Les interlocuteurs ont exprimé des avis divergents sur cette question. Dans l’ensemble, les plus prudents évoquent le considérable arsenal nucléaire de la Russie et l’obligation de prévenir le déclenchement d’une guerre beaucoup plus vaste qui pourrait embraser l’Europe, voire le monde. À l’autre extrême, des interlocuteurs ont fait valoir qu’en continuant de renforcer quantitativement et qualitativement les capacités militaires de l’Ukraine, on la menait à la victoire, laquelle mettrait un terme à tout risque d’escalade puisqu’elle empêcherait la Russie de tenter de nouvelles agressions au-delà de ses frontières. Cette perspective, défendue le plus ardemment en Pologne, se fonde à la fois sur un fait, qui est que la Russie parle de « lignes rouges » et joue sur la menace de représailles pour susciter la peur, et sur une conviction, qui est que l’aide militaire, fournie sans hésitation ni délai indu, peut seule assurer la défaite visible, tangible et indéniable de la Russie. À l’appui de cette idée, on a signalé à la délégation que la fourniture d’armements considérés par le passé comme tabous – chars d’assaut, canons modernes – est maintenant acceptée, et que la décision de fond – celle de fournir du matériel létal – a été prise bien peu de temps après le début du conflit.
Les forces ukrainiennes ont prouvé leur valeur sur le champ de bataille, que ce soit au début, lorsqu’elles ont défendu Kiev, ou par la libération subséquente de territoires importants à Kharkiv et à Kherson. Elles ont montré qu’elles peuvent apprendre rapidement à utiliser efficacement l’équipement standard de l’OTAN qu’on leur donne. Leurs opérations, qui se fondent sur le droit inhérent de l’Ukraine de se défendre[36], ciblent des forces russes qui cherchent à terroriser la population et à occuper le territoire de l’Ukraine tel qu’il est reconnu par la communauté internationale.
Par ailleurs, les rencontres tenues par la délégation ont bien montré qu’il n’est pas dans l’intérêt de l’Ukraine que la ligne de front s’immobilise selon son tracé actuel. En effet, cette guerre coûte cher à l’Ukraine, et pas seulement en vies humaines. Si, selon un des interlocuteurs, le produit intérieur brut (PIB) de la Russie a diminué d’environ 2 % en 2022, la production économique de l’Ukraine, elle, aurait chuté de quelque 30 %; de fait, le pays dépend maintenant dans une large mesure de l’aide extérieure.
Selon les interlocuteurs, l’immobilisation de la ligne de front exposerait l’Ukraine à des menaces et à un chantage constants. Que ce soit par ses violations récentes du droit de la guerre ou le mépris flagrant qu’elle affiche depuis 2014 pour la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, la Russie montre qu’on ne saurait lui faire confiance. Pourtant, elle pourrait en tout temps mettre fin à la guerre si elle retirait ses troupes des territoires occupés, comme l’exigent 141 des États membres des Nations Unies, mais elle s’y refuse[37]. Les interlocuteurs ont donc fait valoir à la délégation qu’un cessez-le-feu qui laisserait la ligne de front où elle est actuellement ne serait qu’une fausse paix : l’occupation en sortirait renforcée, et la Russie profiterait du répit pour reconstituer ses bataillons décimés et se préparer à lancer de nouvelles attaques au moment opportun. Selon les interlocuteurs, une paix juste et durable ne sera possible pour l’Ukraine que lorsque l’agresseur saura qu’il ne peut espérer aucun gain par l’usage de la force. En termes simples, la paix sera durable à la seule condition que l’Ukraine triomphe sur le champ de bataille.
Compte tenu de ces pressions et de la réalité des intentions de la Russie, l’Ukraine ne veut pas être forcée à gérer la ligne de front actuelle. Ce qu’elle souhaite, c’est recevoir l’équipement nécessaire pour passer à l’offensive et libérer son territoire. Certes, les sacrifices à faire pour briser les retranchements russes et repousser des centaines de milliers de soldats risquent d’être élevés. Mais la population ukrainienne est prête à payer ce prix et veut persévérer – c’est sa volonté démocratique. En effet, selon les interlocuteurs, les Ukrainiens disent clairement à leurs dirigeants élus qu’ils ne souhaitent aucunement renoncer à une partie de leur territoire légitime ni tolérer la perpétuation de la présence militaire russe à l’intérieur de leurs frontières. L’Ukraine exige la restauration de la totalité de son territoire selon les frontières internationalement acceptées de 1991, lesquelles incluent le Donbass et la Crimée.
L’Ukraine exprime toute sa gratitude pour l’aide militaire qu’elle reçoit de ses partenaires, grâce aux engagements de quelque 65 milliards d’euros pris par les membres de l’OTAN[38] : les armes antichars, drones, obusiers de pointe et systèmes de défense aérienne qu’on lui livre ont un impact majeur sur l’issue des batailles, impact encore amplifié par l’entraînement que diverses armées occidentales donnent aux soldats ukrainiens au Royaume‑Uni, en Allemagne et en Pologne. Cela dit, il faut du temps et de la coordination pour réunir et livrer cet équipement, procéder à l’entraînement des troupes et mettre sur pied les nouvelles unités militaires.
Bien que l’aide militaire promise à l’Ukraine atteigne maintenant des proportions peut‑être impensables il y a un an, son ampleur et la vitesse de sa livraison restent des facteurs cruciaux. En plus de fournir du matériel, depuis de simples obus jusqu’à des véhicules de combat d’infanterie de pointe, les partenaires de l’Ukraine, dont l’Allemagne, la Belgique, le Canada, le Danemark, les États-Unis, la Finlande, la Norvège, la Pologne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède, ont accepté d’envoyer à l’Ukraine des chars datant de l’époque soviétique mais remis à neuf, ainsi que plus de 150 chars de combat principaux tirés de leurs bataillons nationaux[39]. Par contre, comme les interlocuteurs l’ont dit, ce n’est qu’à la fin de janvier 2023 qu’on a décidé de commencer à livrer ces chars d’assaut modernes[40]. L’Ukraine a besoin de recevoir ces véhicules et les autres armements aussi rapidement que possible; elle réclame en outre beaucoup plus de chars que ce qu’on lui a promis jusqu’à présent[41]. Elle veut aussi des avions de chasse et des canons à longue portée. Un objectif clair sous-tend ces demandes ainsi que les livraisons attendues : l’Ukraine veut profiter de la situation sur le terrain pour lancer une contre‑offensive majeure en 2023. Elle croit que la victoire n’est qu’une question de temps, mais les interlocuteurs ont précisé que, si elle ne reçoit pas l’équipement nécessaire, l’élan de sa contre-attaque sera freiné, et elle essayera des pertes accrues. En bref, Kiev demande aux partenaires de l’Ukraine de faire preuve de patience stratégique tant que la guerre dure, mais d’agir avec fermeté pour qu’elle prenne fin.
Dans ce contexte, on a aussi rappelé à la délégation qu’il ne faut pas perdre le sens des proportions. Certes, l’Ukraine demande beaucoup de soutien, mais les dizaines de milliards de dollars versés jusqu’à présent sont une somme bien modeste par comparaison à la totalité du budget militaire et civil des principaux partenaires de l’Ukraine. De plus, les Ukrainiens ne demandent pas qu’on livre bataille à leur place ou que d’autres endurent les attaques. Par ailleurs, les conséquences stratégiques qui s’ensuivraient si on permettait à la Russie de profiter de sa guerre d’agression seraient bien plus coûteuses que le soutien actuel à l’Ukraine. En effet, ce serait revenir à une époque qu’on espérait révolue, et acquiescer au démantèlement de l’ordre fondé sur des règles qui a demandé tant d’efforts au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Certains interlocuteurs ont rappelé que des régimes autoritaires comme celui de la Chine observent de près les actions de la Russie et la réponse occidentale, et que l’issue de la guerre en Ukraine pourrait se répercuter bien au-delà de l’Europe de l’Est.
On admet largement que le régime de Poutine a sous-estimé la force des pays démocratiques, et que c’est l’une des principales erreurs de calcul qu’il a faites avant de déclencher l’invasion du 24 février 2022. Le régime semble avoir présumé que les pays du monde ne réagiraient à l’agression russe que lentement et sans cohésion, et que leur aide ne durerait guère. Au contraire, leur soutien à l’Ukraine a été immédiat et coordonné, et il ne se démentit pas[42]. Depuis un an, les démocraties font front commun dans leurs annonces de soutien, et certains actes de leadership individuels – comme la décision publique de la Pologne de fournir des chars à l’Ukraine et d’appeler les autres gouvernements à faire de même – encouragent les partenaires à continuer à aller de l’avant, motivés non pas par la peur mais par leurs principes communs.
Reconstruire, renforcer et réimaginer les capacités
Dans le contexte de la guerre en Ukraine, les rencontres de la délégation en Europe ont fait ressortir l’importance, pour les alliés et le Canada, d’investir dans la défense, mais aussi dans l’aide internationale et la capacité diplomatique. Le rôle crucial de ces trois piliers fait l’objet des pages suivantes.
Dissuasion et défense
L’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie accélère pour l’OTAN un recentrage sur ce qui est sa mission d’origine, soit la dissuasion et la défense collective. Comme on l’a dit à la délégation pendant ces rencontres, ce recentrage a commencé en 2014, lorsque la Russie a annexé la Crimée et envahi l’Est de l’Ukraine. Il faisait suite à une période, après la Guerre froide, pendant laquelle l’Alliance avait dirigé maintes activités de gestion de crises et mené des opérations à l’extérieur de son territoire, la principale étant son intervention de près de 20 ans en Afghanistan.
Pour le secrétaire général de l’OTAN, les mesures prises depuis 2014 constituent « le plus vaste renforcement de [la] défense collective [de l’Alliance] depuis une génération[43] ». Leur importance et leur urgence n’en sont devenues que plus évidentes après le 24 février 2022. Plus de 40 000 soldats, ainsi que des ressources aériennes et navales, relèvent maintenant directement du commandement de l’OTAN. En outre, le nombre de ses groupements tactiques multinationaux, qui était de quatre à l’origine (en Estonie, et Lettonie, et Lituanie et en Pologne), est passé à huit (il s’en trouve maintenant aussi en Bulgarie, en Hongrie, en Roumanie et en Slovaquie). L’Alliance a révisé ses plans de défense, un nombre accru de ses forces sont en disponibilité opérationnelle élevée, et du matériel et de l’équipement supplémentaires sont prépositionnés sur le flanc est[44].
Ces efforts crédibles de dissuasion permettent aux membres de l’OTAN – y compris certains des petits États à l’est – de transférer individuellement une partie importante de leurs ressources militaires à l’Ukraine. Par ailleurs, le soutien à Kiev fait aussi l’objet d’une coordination dans le cadre du Groupe consultatif sur la défense de l’Ukraine (le « processus de Ramstein »), qui réunit plus de 50 pays dont le Canada.
En 2014, les membres de l’OTAN ont pris un « engagement en matière d’investissements de défense » aux termes duquel ceux d’entre eux qui ne consacraient pas 2 % de leur PIB à la défense s’engageaient à le faire d’ici 2024[45]. Étant donné la décision prise par l’Alliance de répondre aux menaces qu’elle cerne aujourd’hui, on croit de plus en plus au sein de l’OTAN que cette consigne de 2 % est un minimum bien plus qu’un maximum. On a fait remarquer à la délégation que, lorsque certains membres ne contribuent pas à une mission de l’OTAN à l’extérieur de sa zone de responsabilité, c’est le succès de la mission qui est compromis. Mais quand les alliés ne respectent pas leurs engagements de base, c’est l’Alliance elle-même qui est en danger. En effet, les engagements déterminent les capacités et les déploiements, lesquels seuls permettre de défendre concrètement « chaque pouce » du territoire de l’OTAN.
Certains membres de l’Alliance ont des plans ambitieux. Ainsi, la Pologne, qui consacre 2,42 % de son PIB à la défense (et est l’un des sept alliés qui, selon les estimations, respectaient cette consigne de l’OTAN en 2022[46]), veut faire passer ce pourcentage à 4 % en 2023[47] et doubler la taille de son armée (qui compte actuellement 150 000 soldats) d’ici 2035[48]. Le dernier membre en date de l’Alliance, la Finlande, consacre dès à présent 1,96 % de son PIB à la défense[49]. Bien qu’elle ne soit pas encore membre, la Suède, selon ce qu’on a dit à la délégation, vise l’atteinte du seuil de 2 % d’ici 2026. Les alliés de l’OTAN devraient décider des paramètres futurs de l’engagement en matière d’investissements de défense lors du sommet de juillet 2023 à Vilnius.
Le Canada a l’un des budgets de défense globaux les plus élevés de l’Alliance, et ses contributions aux structures et aux missions de l’OTAN sont loin d’être négligeables. Cela dit, le Canada arrivait 25e sur 29 pour ce qui est de la proportion de son PIB qu’il consacre à la défense (1,29 %)[50], et il était l’un des rares alliés en 2022 (il y en avait trois autres) dont les dépenses d’équipement n’atteignaient pas 20 % des dépense de défense, ce qui est une autre consigne de l’OTAN[51]. En tant que chef du groupement tactique multinational de l’OTAN en Lettonie, le Canada doit maintenant – alors qu’il transfère une partie considérable de son arsenal à l’Ukraine – être prêt à faire sa part, au besoin, pour que le groupement tactique (comptant quelque 1 300 soldats) puisse être converti en brigade (composée de 3 500 à 5 000 militaires), comme on l’a décidé au sommet de Madrid en 2022[52]. Cet élargissement exigera aussi de l’équipement supplémentaire, dont des systèmes de défense aérienne.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a mis en lumière deux faits : la lenteur des projets d’acquisition de matériel militaire n’est pas sans conséquences, et la logistique et le maintien en puissance demeurent de la première importance. Ainsi, des interlocuteurs ont signalé à la délégation, par exemple, que la guerre révélait les limites des modèles – stockage, fabrication juste à temps – employés en temps de paix, et montrait que l’industrie de la défense, pour investir dans la capacité de production nécessaire, doit savoir clairement quelle sera à long terme la demande d’armements des États[53]. Il faudra aussi dorénavant agir à ce que des interlocuteurs ont appelé la « vitesse de pertinence », c’est-à-dire aligner la vitesse de l’investissement militaire sur celle de l’innovation. On a aussi expliqué à la délégation que, pour que l’Alliance dispose toujours d’un arsenal de pointe lorsqu’elle en a besoin, il faudra inévitablement trouver un juste milieu entre garantir l’intégrité des processus d’approvisionnement et assurer une livraison rapide de l’équipement.
Les batailles en Ukraine sont livrées dans les tranchées et dans les rues, les deux côtés font pleuvoir des pluies d’obus sur le champ de bataille, et les forêts et les chemins sont le théâtre d’embuscades. Ces éléments classiques de la guerre, dont certains rappellent la Première Guerre mondiale, reçoivent le plus d’attention, mais ils ne doivent pas occulter le rôle des nouvelles technologies : celles-ci – drones de toutes tailles en réseau, logiciels d’intelligence artificielle, etc. – sont adaptées et combinées aux fins des combats. Le champ de bataille englobe même maintenant le secteur de l’information, où on assiste à une divulgation sans précédent de renseignement sur les préparatifs et les opérations militaires de la Russie, ainsi que le cyberespace. On a expliqué à la délégation que l’Ukraine a transféré ses fonctions gouvernementales dans le nuage informatique, ce qui a joué un rôle important au début de la guerre, lorsque la Russie a tenté, simultanément à ses opérations militaires, de neutraliser les réseaux du gouvernement. Depuis lors, le vaste réseau de satellites commerciaux Starlink en orbite terrestre basse permet à de nombreux Ukrainiens de rester connectés à Internet.
La résilience n’est pas importante seulement pour les États aux prises avec des menaces actives pour la sécurité sur leur territoire. On a fait comprendre à la délégation que la résilience, au niveau sociétal, est une forme de dissuasion : elle repose sur les libertés fondamentales, mais aussi sur l’investissement, par exemple dans la cybersécurité, la compétence médiatique ou l’éducation. Cet investissement, qui peut renforcer la cohésion sociale en cas de crise et atténuer l’impact des tactiques hybrides comme les campagnes de désinformation étatiques, ne peut toutefois pas se faire du jour au lendemain, et il exige la confiance de la population dans les institutions.
Envahie deux fois par l’Union soviétique dans les années 1940, la Finlande a beaucoup travaillé à renforcer sa culture de préparation et de résilience. C’est qu’elle reconnaît que sa survie comme État indépendant – elle ne compte que 5,5 millions d’habitants – dans un environnement géopolitique difficile exige une posture défensive qui se manifeste tangiblement. Grâce à son système de conscription et de service militaire, Helsinki dispose d’une force de réserve de quelque 900 000 citoyens, qu’elle pourrait convertir en temps de guerre en une armée de 280 000 soldats.
En Finlande, ce ne sont pas seulement les autorités gouvernementales mais aussi les entreprises, la société civile et les citoyens qui travaillent activement et collaborativement au maintien des fonctions essentielles à la société[54]. On peut citer en exemple le vaste réseau de bunkers qui a été construit pour que la population soit protégée en cas d’urgence majeure. Toute la société est appelée à contribuer à la sécurité, ce qui se reflète dans la composition du Comité de sécurité, un organe permanent dont les 24 membres sont chargés de la « planification d’urgence proactive[55] ». En effet, les présidents du Conseil d’approvisionnement d’urgence national et de la Croix-Rouge finlandaise siègent à ce comité, avec des représentants du gouvernement et des agences de sécurité[56].
Aide internationale
Ce sont les débats sur l’équipement militaire qui dominent les médias ces derniers temps, mais les répercussions de la guerre en Ukraine ne se limitent pas au champ de bataille. Dans le pays, des millions de civils sont durement affectés par le conflit, et ailleurs dans le monde, les tactiques de la Russie suscitent des perturbations et des hausses de prix dont se ressentent des populations vulnérables.
En Ukraine même, 17,6 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire : 6,9 millions n’ont pas quitté leur demeure pendant la guerre, 6,3 millions sont des personnes déplacées, et 4,4 millions sont revenues chez elles après un déplacement[57]. Comme on l’a dit à la délégation, les besoins du pays sont énormes, mais ils varient considérablement selon la gravité du bombardement ou de l’occupation subi, selon que la population a été libérée ou évacuée, et après quels délais. Dans les régions du Donbass où les combats se poursuivent sans relâche, certaines localités sont pratiquement abandonnées de tous leurs occupants, mais ceux qui ont choisi de rester dans leur maison malgré les dangers ou qui sont incapables de fuir sont souvent des personnes âgées ou handicapées[58].
Outre les personnes déplacées, on comptait plus de 8,1 millions de réfugiés ukrainiens en Europe au 11 avril 2023. Quelque 5 millions d’entre eux sont inscrits auprès de l’UE ou de pays individuels pour se prévaloir de mesures de protection[59]. Les hommes en âge de combattre étant restés au pays, la plupart des réfugiés sont des femmes, souvent accompagnées de jeunes enfants.
Le système multilatéral en place permet aux dons des pays comme le Canada d’être acheminés à ceux qui en ont besoin, mais la délégation reconnaît que ce sont avant tout les pays voisins de l’Ukraine qui ont accueilli le gros des réfugiés. En Pologne, où plus de 10,7 millions de personnes auraient traversé la frontière avec l’Ukraine, quelque 1,58 million de réfugiés ukrainiens ont réclamé officiellement la protection temporaire[60]. Pour leur venir en aide, la Pologne a décidé essentiellement de traiter les Ukrainiens comme des citoyens polonais : elle leur a ouvert son système d’aide sociale et de soins médicaux et les admet sur le marché du travail. Elle leur a aussi ouvert ses maisons : selon les réponses à un sondage, quelque 70 % de la population polonaise a aidé les réfugiés ukrainiens d’une manière ou d’une autre pendant les trois premiers mois de la guerre[61]; cette compassion continue aujourd’hui malgré, entre autres, la forte inflation qui sévit en Pologne.
La délégation a vu de ses yeux la générosité des partenaires de l’Ukraine et la résilience de ses habitants lorsqu’elle a visité une garderie-école et un immeuble résidentiel à Varsovie. Elle a aussi entendu les récits tragiques de femmes qui ont été forcées de fuir la guerre et la destruction.
Dès à présent, gouvernements, société civile et partenaires internationaux font le nécessaire pour que les Ukrainiens puissent rentrer chez eux et y reconstruire un pays viable et prospère. Mais les difficultés sont grandes. Selon une évaluation conjointe publiée en mars 2023 par l’Ukraine, le Groupe de la Banque mondiale, la Commission européenne et les Nations Unies, la guerre en Ukraine aurait causé, pendant sa première année, des dommages directs de plus de 135 milliards de dollars, principalement dans les régions de Donetsk, Kharkiv, Louhansk, Zaporijjia, Kherson et Kiev.
Selon le même rapport conjoint, la reconstruction de l’Ukraine coûtera 411 milliards de dollars américains sur dix ans. Cette estimation tient compte de ce que les auteurs du rapport appellent les « étapes critiques » qui permettront à l’Ukraine de devenir un « pays moderne, à faibles émissions, résilient au climat et aux catastrophes, aligné sur les politiques et les normes de l’Europe et prêt à se joindre à l’Union européenne », un pays où « les vulnérabilités de la population sont prises en charge et les habitants vivent dans la prospérité[62] ». Ce coût total représente 2,6 fois environ la valeur du PIB de l’Ukraine en 2022, ce qui donne une idée de son ampleur[63].
Dans le rapport, on estime que 14 milliards de dollars américains seront nécessaires dès cette année, notamment pour restaurer les services essentiels; ce montant englobe les priorités mises en œuvre et financées par l’État, mais aussi le financement d’entreprises et mécanismes étatiques qui pourront « soutenir l’investissement privé et en atténuer le risque[64] ». Ce n’est qu’une fois clarifiés de nombreux facteurs, dont la trajectoire de la guerre, qu’on saura quand tous les défis de reconstruction pourront être relevés. Si l’estimation des dommages se concentre habituellement sur l’infrastructure et l’environnement bâti, la dimension humaine aussi est importante : on estime dans le rapport que la guerre a jeté 7,1 millions de personnes dans la pauvreté et a effacé 15 ans de développement et de progrès en Ukraine[65]. Les interlocuteurs ont aussi rappelé à la délégation que l’immense stress et les traumatismes causés par le conflit entraîneraient une forte demande de services psychologiques.
Compte tenu des coûts estimés de la reconstruction, du nombre d’acteurs qu’elle impliquera et de l’échéancier probable, on a expliqué à la délégation que les donateurs devront agir avec coordination tout le long du processus. C’est à cette fin que, en décembre 2022, les dirigeants du G7 ont établi une « plateforme de coordination des donateurs d’organisations multiples[66] », laquelle sera coprésidée par l’UE, l’Ukraine et les États-Unis; son secrétariat sera doté d’un bureau à Bruxelles ainsi qu’à Kiev[67]. Cela dit, les organisations de la société civile ont souligné que la reconstruction ne devrait pas être l’affaire des seuls donateurs : elle devra refléter les priorités du peuple ukrainien, viser à soutenir la capacité locale et s’accompagner d’une supervision démocratique. Étant donné les problèmes que représentent de longue date la corruption et le besoin de réforme des institutions en Ukraine, des mécanismes de supervision et des critères clairs seront nécessaires.
L’inclusion jouera également un rôle essentiel, si on veut que la reconstruction soit juste est équitable. On a signalé à la délégation que, même si les décisions doivent parfois être prises dans un contexte de crise, les grands principes et engagements ne doivent pas être négligés face à la guerre. Or, la participation est l’un des piliers de l’initiative pour les femmes, la paix et la sécurité, laquelle s’applique à toutes les situations de conflit armé. Cette initiative – approuvée par plus d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU et prônée notamment par le Canada et les autres alliés de l’OTAN – englobe aussi la conception et la mise en œuvre de l’aide humanitaire et des efforts de reconstruction après un conflit. Elle postule que la participation des femmes est essentielle à l’établissement d’une paix durable, et insiste sur l’importance des perspectives et des analyses selon le sexe. Selon les interlocuteurs de la délégation, les objectifs en la matière pourraient, dans le contexte de la reconstruction de l’Ukraine, passer par l’utilisation adéquate de la budgétisation fondée sur le sexe, entre autres.
Les besoins humanitaires sont immenses en Ukraine, et la reconstruction du pays sera des plus coûteuse et complexe. Pourtant, les interlocuteurs ont dit à plusieurs reprises à la délégation que l’Ukraine ne pouvait pas devenir le seul objet de l’aide occidentale. En effet, bien que le financement des donateurs ait atteint un record en 2022, on a informé la délégation que les besoins exprimés par les appels d’aide humanitaire internationale ont augmenté de 461 % de 2012 à 2022[68]. Les besoins sont extrêmes dans de nombreux pays, de l’Afghanistan au Yémen. De fait, selon ce qu’on a dit à la délégation, si on réunissait toutes les personnes qui ont besoin de soutien humanitaire, le pays ainsi formé arriverait au troisième rang des pays les plus peuplés du monde.
Soucieuse de fissurer la solidarité mondiale en faveur de l’Ukraine, la Russie répand des accusations selon laquelle l’Occident abandonnerait ou négligerait les pays du Sud. De fait, certains estiment que l’intérêt considérable accordé à la guerre en Ukraine se traduit par un relâchement de l’attention et des efforts consacrés à la crise climatique et à la pauvreté extrême. D’autres encore affirment que cette guerre serait essentiellement un conflit territorial, ou qu’elle ne serait guère différente des autres situations où, par le passé, on a vu des grandes puissances mener des interventions militaires.
Selon les interlocuteurs, il faut, en réponse à ces affirmations, souligner que des principes de base – la souveraineté et l’intégrité territoriale – sont en jeu, et encourager l’Ukraine à diffuser ce message par la voix de ses diplomates dans les pays du Sud. Mais aussi, il faudrait montrer que l’aide à l’Ukraine ne se fait pas au détriment des efforts de développement international ou du système d’aide humanitaire. À titre d’exemple, les interlocuteurs ont expliqué que, en empêchant l’interruption des exportations de céréales en provenance de l’Ukraine, on avait contribué à la sécurité alimentaire dans le monde. Il semble pourtant que ce message ne soit pas communiqué avec assez de clarté ni d’uniformité. Car, comme les interlocuteurs l’ont signalé, et contrairement à ce que d’aucuns laissent entendre, c’est avec des ressources additionnelles que l’UE aide l’Ukraine, et la Finlande n’a pas – jusqu’à présent – pigé dans ses programmes d’aide existants (une élection approchait toutefois dans ce pays). Quoi qu’il en soit, il faudrait peut-être mieux communiquer, par la diplomatie publique, ce qu’il en est vraiment de la question de l’aide humanitaire.
Du côté de la Suède, le gouvernement formé en octobre 2022 a décidé d’opter pour une approche régionale du développement international : il prônera « avant tout une politique étrangère suédoise et européenne, où les intérêts et les valeurs démocratiques de la Suède sont au cœur de cette politique[69] ». Dans ce contexte, il est estimé que l’Ukraine deviendra « le premier bénéficiaire d’aide bilatérale en provenance de la Suède[70] ». Par ailleurs, la Suède a décidé d’intégrer « la politique de coopération internationale au développement et la politique commerciale[71] »; elle entend transférer l’aide des organisations multilatérales vers la société civile, mais aussi renforcer le soutien face au changement climatique, et continuer à soutenir l’égalité des sexes et la santé sexuelle et reproductive.
L’ambition du gouvernement de la Suède de « rendre la coopération internationale au développement plus ciblée, pertinente, efficace et plus transparente » et d’établir les objectifs « en fonction de la qualité et des résultats[72] » aura des répercussions budgétaires. Ainsi, l’aide de la Suède sera désormais une somme forfaitaire, au lieu d’être liée comme avant au revenu national brut du pays; les dépenses étatiques devraient en conséquence passer d’environ 1 % à 0,88 % du PIB[73]. Malgré cette diminution, la Suède resterait un des principaux pays donateurs du monde; elle resterait en tout cas probablement bien devant le Canada, dont l’aide s’est chiffrée à 0,37 % du PIB en 2022[74]. Quant à la Finlande, qui consacre de 0,4 % à 0,5 % de son PIB à l’aide internationale, elle s’est engagée à atteindre la cible fixée par l’ONU – 0,7 % –, mais elle n’a pas expliqué clairement comment elle s’y prendrait pour le faire d’ici 2030, horizon d’atteinte prévu des objectifs de développement durable de l’ONU.
Diplomatie
Les interlocuteurs ont parlé de l’importance, non seulement de la défense et du développement, mais aussi de la capacité diplomatique, terme qui englobe à la fois les éléments intellectuels et institutionnels et les ressources.
C’est ce qu’illustre notamment la question de la réponse politique à ce qui sera la prochaine phase de la guerre de la Russie contre l’Ukraine. La Russie refuse de retirer ses troupes du territoire ukrainien, ce qui signifie, comme l’ont dit les interlocuteurs, que la conjoncture n’est pas propice actuellement à un règlement négocié du conflit qui soit acceptable à l’Ukraine ou conforme aux principes fondamentaux de l’ordre international. S’il importe pour l’instant de donner à l’Ukraine le soutien qu’il lui faut pour se défendre et faire des gains sur le terrain, il viendra nécessairement un moment où la diplomatie devra entrer en jeu. Cela dit, on a fait remarquer à la délégation que les gouvernements occidentaux ne s’entendent pas actuellement sur ce qu’il faut viser comme issue de la guerre, outre la victoire voulue par l’Ukraine. De fait, les partenaires évoquent le respect d’objectifs généraux comme la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale, mais ils ne nomment pas spécifiquement les territoires qui devront être libérés.
Dans la formule en 10 points qu’elle propose pour établir une paix complète, juste et durable, l’Ukraine réclame le respect des principes fondamentaux ci-dessus – ce qui implique le retrait complet des troupes russes du territoire ukrainien –, mais exige aussi que l’on fasse justice des responsables pour les destructions qu’ils ont causées et, entre autres, que l’on fasse le nécessaire pour empêcher de nouvelles agressions contre l’Ukraine[75] et restaurer la sécurité nucléaire, alimentaire, énergétique et écologique du pays[76]. L’Ukraine demande au Canada – et aux autres partenaires – d’endosser la mise en œuvre de ce plan. Il est peut-être plus urgent que jamais d’appuyer la vision du président Zelensky maintenant que d’autres propositions voient le jour, y compris celle de Beijing. La Chine appelle à la cessation des hostilités et au règlement politique de ce qu’elle nomme la « crise d’Ukraine », mais ne reconnaît pas qu’il y a eu agression et n’exige pas le retrait des troupes russes[77].
Les interlocuteurs ont aussi signalé que la situation au sortir de la guerre devait être durable et, par conséquent, alignée sur les autres aspirations de l’Ukraine, sur sa modernisation et sur le renforcement de sa démocratie. L’Ukraine a obtenu le statut de candidat à l’UE en juin 2022, mais le processus d’adhésion sera sans doute long vu les strictes conditions politiques, juridiques et institutionnelles que tout État candidat doit respecter. L’UE et l’OTAN ne fonctionnent pas de la même façon et poursuivent des buts différents, mais on peut peut-être tirer une leçon de ce qui s’est produit à partir de 2008. En effet, au sommet de l’OTAN à Bucarest en 2008, les alliés ont déclaré que l’Ukraine et la Géorgie deviendraient des États membres, mais ils n’ont ni établi l’échéancier, ni précisé quelles seraient les étapes du processus[78]. Selon certains, c’était exposer ces pays au danger.
Si l’établissement d’une paix complète, juste et durable pour l’Ukraine est la grande priorité, certains facteurs complexifient la donne. Par exemple, il faudra déterminer le mécanisme adéquat pour poursuivre en justice les dirigeants russes responsables du crime d’agression; établir dans quelles conditions les actifs gelés des entités étatiques ou des oligarques russes sanctionnés pourraient être saisis et consacrés à la reconstruction de l’Ukraine[79]; et explorer comment on pourrait soutenir la jeunesse – qui semble moins favorable aux politiques du régime de Poutine – et les autres éléments démocrates de la société russe. Par ailleurs, avant d’établir des politiques efficaces, il faudra comprendre avec exactitude la puissance de la Russie, ce qui veut dire non seulement évaluer les conditions sur le champ de bataille, mais aussi procéder à une analyse solide des sources de cette puissance, qu’il s’agisse par exemple de l’industrie de la défense de la Russie, de sa capacité de mobilisation militaire, ou de ses liens avec la Chine et l’Iran.
Les sanctions sont le principal outil dont disposent les gouvernements occidentaux pour limiter la capacité de la Russie de tabler sur ces atouts pour mener une guerre à long terme contre l’Ukraine. On a tellement augmenté leur porté et leur nombre que les sanctions peuvent aujourd’hui être considérées comme complètes, mais les interlocuteurs ont dit à la délégation qu’il reste du travail à faire sur le plan de l’application : notamment, il faut renforcer proportionnellement le personnel, l’expertise et les mécanismes de surveillance et de déclaration si l’on souhaite que les mesures annoncées aient l’impact souhaité.
Le problème de l’évitement des sanctions[80] mérite une plus ample étude, mais les interlocuteurs ont mis en lumière le rôle à ce sujet des pays tiers. On considère globalement que, pour que les sanctions soient les plus efficaces possible, il faut qu’elles soient décidées et appliquées par la plus grande coalition d’États possible. Sur ce point, on a donc déploré le resserrement des liens commerciaux de la Russie avec des pays voisins comme la Géorgie, la Turquie et le Kazakhstan. D’autres grandes économies mondiales, dont le Brésil, la Chine et l’Inde, ne participent d’ailleurs pas au régime de sanctions du G7 et de l’UE.
La délégation a concentré ses travaux sur les enjeux liés à la guerre, mais on lui a constamment rappelé d’autres questions à l’ordre du jour international qui concernent elles aussi le Canada. À Stockholm, par exemple, la délégation a discuté du rôle de premier plan que joue la Suède dans les processus multilatéraux de non-prolifération et de désarmement nucléaires, processus que le nouveau gouvernement du pays s’est engagé à maintenir. Cela dit, à l’arrivée de la délégation à Bruxelles, le président Poutine avait annoncé que Moscou suspendait sa participation au seul traité russo-américain de contrôle des armes nucléaires qui existe encore, le traité New START[81].
Et les défis ne se limitent pas à la Russie et à son révisionnisme, ni même à la Chine et à la puissance qu’elle hésite de moins à moins à afficher. Car les rencontres de la délégation ont aussi touché au programme nucléaire iranien, à la ténacité de l’autoritarisme au Venezuela, à l’aide humanitaire dont ont tant besoin les Afghans mais qui risque de tomber entre les mains du gouvernement taliban, et à la dévastation causée par les séismes en Turquie et en Syrie. À Varsovie, la délégation a également discuté de la renaissance des relations bilatérales et des implications du déplacement vers l’est du centre de gravité en Europe, ainsi que des préoccupations que soulèvent l’État de droit et le respect des droits des femmes en Pologne. Une fois la délégation arrivée à la dernière étape de son voyage, Helsinki, la sécurité de l’Arctique était devenue un thème de discussion fréquent. Tout au long du voyage, la délégation a parlé des rôles actuels et potentiels du Canada, y compris comme partenaire pouvant aider l’Europe à devenir et à demeurer pleinement indépendante de l’énergie russe, tout en continuant sa transition écologique.
Pour gérer ces défis et saisir ces occasions, il faudra non seulement de l’habileté diplomatique, mais aussi un réseau de ressources complètes et bien adaptées à la nouvelle conjoncture internationale. On a rappelé à la délégation, tout au long de ses rencontres et dans ses conversations avec les experts en diplomatie du Canada, que rien ne saurait remplacer les perspectives des gens qui se trouvent sur le terrain.
Cela dit, toute l’expertise ne doit pas nécessairement venir du gouvernement. En Suède, en Finlande et, dans une moindre mesure, en Pologne, les interlocuteurs ont dit à la délégation qu’il y a souvent collaboration et mobilité des experts entre les ministères et les centres de recherche externes. En Suède, par exemple, les ministères sont de taille relativement modeste[82], et ils ont depuis longtemps l’habitude de se tourner vers les travaux de groupes externes. Souvent, ces travaux sont financés par l’État et réalisés par des fonctionnaires à qui on accorde un congé à cette fin. Ainsi, certains des principaux directeurs et chercheurs de l’Institut des affaires internationales de la Suède alternent au cours de leur carrière entre le gouvernement et leur organisme de recherche. Autre exemple, quelque peu différent : le Groupe expert des études sur l’aide, un petit organisme qui, au sein du gouvernement, évalue et analyse en toute indépendance « l’orientation, la gouvernance et la mise en œuvre de l’aide au développement officielle de la Suède, sous l’angle spécifique de l’efficacité et des résultats[83] ». Ce groupe, dont la tâche principale serait de fournir une « base de preuves » pour la gestion de l’aide suédoise[84], a déjà analysé les considérations relatives au financement et à l’organisation de la reconstruction de l’Ukraine[85].
En Finlande, dans le cadre de ses activités de recherche et de planification des politiques, le ministre des Affaires étrangères collabore avec des partenaires finlandais et étrangers à des études qu’il publie ensuite sur son site Web[86]. De même, l’Institut finlandais des affaires internationales, créé en 2006 par une loi du Parlement, reçoit un financement de base du gouvernement finlandais pour ses activités de recherche, qui sont autonomes[87]. En Pologne, l’Institut des affaires internationales est un organisme lié à l’État qui publie beaucoup sur la politique étrangère et la sécurité, en plus de conseiller le gouvernement[88]. Un rapport récent, remis à la délégation par des chercheurs de l’Institut, explore d’ailleurs comment le Canada et la Pologne pourraient resserrer leur partenariat stratégique[89].
La délégation étant composée de parlementaires, elle ne peut conclure la présente partie du rapport, qui porte sur la capacité diplomatique, sans dire un mot sur l’importance de la responsabilité devant le Parlement. En Suède, la délégation est arrivée peu après que le ministre des Affaires étrangères, Tobias Billström, avait lu la Déclaration de politique étrangère, un document qui, chaque février, expose les priorités du gouvernement pour l’année et donne le coup d’envoi à un débat sur la politique étrangère au Riksdag (le Parlement suédois[90]). Cette déclaration s’inscrit dans l’approche qui, au Riksdag, vise à susciter un consensus sur les affaires étrangères. Sa meilleure illustration est peut-être le Conseil consultatif sur les affaires étrangères, un organe composé du Président du Riksdag et de neuf députés, sous la présidence du roi. Aux termes de l’Instrument de gouvernement – l’une des quatre lois constitutionnelles de la Suède – le gouvernement suédois est tenu de « tenir sans délai le Conseil consultatif des affaires étrangères informé de toute question afférente aux relations étrangères qui peut toucher aux intérêts du royaume[91] ». On a expliqué à la délégation que, sur tout point important de politique étrangère, le gouvernement confère si possible avec le Conseil avant de prendre une décision[92].
En Finlande aussi, le Parlement joue un rôle robuste dans l’élaboration de la politique sur les affaires étrangères et la sécurité. Notamment, les ministres comparaissent fréquemment devant les comités parlementaires. Par ailleurs, la société civile n’est pas en reste : le ministre des Affaires étrangères a l’habitude de consulter une vaste gamme de représentants de la société avant chaque séance du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies[93]. Enfin, une fois par législature, le gouvernement finlandais dépose au Parlement un rapport dans lequel il « analyse l’environnement d’exercice de la politique de la Finlande en matière de sécurité et d’affaires étrangères, et définit les buts et priorités que poursuivra le pays au cours des prochaines années[94] ». Ce rapport, et les réactions qu’il suscite au Parlement, « définissent la politique de la Finlande en matière de sécurité et d’affaires étrangères[95] ».
Conclusion
Des rappels des leçons de l’histoire ont ponctué le voyage de la délégation. Au Parlement de la Pologne, le Sejm, une grande plaque, posée sur un mur de marbre, commémore les députés de la Deuxième République qui ont perdu la vie pendant la Deuxième Guerre mondiale. La liste des noms est bouleversante par sa longueur. Ceux qui la voient ne peuvent s’empêcher de s’arrêter et de réfléchir à ce que le passé nous apprend sur les conséquences des agressions militaires.
Par l’évocation de divers moments historiques, on peut mieux conceptualiser ce qui se passe en Ukraine, déterminer les réponses à apporter et envisager leurs conséquences éventuelles. Ce sont là de complexes questions de guerre et de paix, mais une vieille fable, racontée à la délégation, mérite d’être rappelée ici. C’est l’histoire de deux loups qui, dès leur naissance, luttent l’un contre l’autre. Le premier représente tous les maux de la terre, et le second, le contraire. À la fin de l’histoire, on demande à l’auditeur lequel des deux l’emportera. La réponse est bien simple : c’est celui qu’on nourrira le plus.
En plus du « rappel au réel » reçu par l’Occident le 24 février 2022, la délégation a dégagé certains thèmes récurrents de ses rencontres. Le premier est l’importance du réalisme, lequel doit imprégner notre appréciation des intentions et des menaces et orienter nos efforts de préparation, ce qui peut impliquer d’agir aujourd’hui en vue de scénarios qui ne se produiront peut-être que des années plus tard. Le deuxième des grands thèmes perçus est que le monde n’est pas statique : les adversaires s’adaptent, les pressions politiques et économiques évoluent, et la technologie progresse sans cesse. Troisièmement, le monde démocratique est fort lorsqu’il est uni et agit avec décision. Et enfin, cette force est amplifiée par l’investissement – dans les relations, les valeurs et les idées, mais aussi dans la capacité de les défendre.
[1] La délégation était composée d’Ali Ehsassi, président du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international (FAAE), du vice-président Stéphane Bergeron et des membres suivants : l’honorable Michael D. Chong, Randy Hoback, Heather McPherson, l’honorable Robert Oliphant et Randeep Sarai.
[2] FAAE, La guerre d’agression illégale de l’État russe contre l’Ukraine, 10e rapport, 44e législature, 1re session, février 2023.
[3] Pour plus d’information, voir Report of the Independent International Commission of Inquiry on Ukraine, Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, A/HRC/52/62, 15 mars 2023.
[4] Cour pénale internationale, Situation en Ukraine : les juges de la CPI délivrent des mandats d’arrêt contre Vladimir Vladimirovitch Poutine et Maria Alekseïevna Lvova-Belova, communiqué de presse, 17 mars 2023.
[5] Allemagne, Le gouvernement fédéral, Déclaration gouvernementale du Chancelier fédéral de la République fédérale d’Allemagne Olaf Scholz, membre du Bundestag allemand, « Résolument engagés pour la paix et la sécurité » le 27 février 2022, 27 février 2022; et Olaf Scholz, « The Global Zeitenwende: How to Avoid a New Cold War in a Multipolar Era », Foreign Affairs, 5 décembre 2022 [traduction].
[6] États-Unis, Maison-Blanche, National Security Strategy, octobre 2022, p. 6 [traduction].
[7] Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), OTAN 2022 Concept stratégique, adopté par les chefs d’État et de gouvernement au Sommet de l’OTAN, à Madrid, le 29 juin 2022.
[8] Nations Unies, Charte des Nations Unies (version intégrale), Préambule.
[9] Ibid., article 2.
[10] Nations Unies, ONU Info, Russia blocks Security Council action on Ukraine, 26 février 2022; et Nations Unies, ONU Info, Russia vetoes Security Council resolution condemning attempted annexation of Ukraine regions, 30 septembre 2022.
[11] Hans M. Kristensen et Matt Korda, « 10. World nuclear forces », SIPRI Yearbook 2022: Armaments, Disarmament and International Security, Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), 13 juin 2022.
[12] Russie, ministère des Affaires étrangères, Traité entre les États-Unis d’Amérique et la Fédération de Russie sur les garanties de sécurité, 17 décembre 2021; et Russie, ministère des Affaires étrangères, Accord sur les mesures garantissant la sécurité de la Fédération de Russie et des États membres de l’Organisation du Traité de l'Atlantique, 17 décembre 2021.
[13] Depuis 1997, 15 pays sont devenus membres de l’OTAN. Voir OTAN, Pays membres, 5 avril 2023.
[14] Russie, ministère des Affaires étrangères, De l’indivisibilité de la sécurité – Message du ministre des Affaires étrangères de la Russie, M. Sergueï Lavrov, aux ministres / secrétaires d’État chargés des affaires étrangères aux États-Unis, au Canada et dans plusieurs pays d’Europe, 1er février 2022.
[15] Président de la Russie, Discours et discussion subséquente à la Conférence de Munich sur la sécurité, 10 février 2007.
[16] Bureaux du gouvernement de la Suède, ministère des Affaires étrangères, Deterioration of the security environment – implications for Sweden, 13 mai 2022, p. 5 [traduction].
[17] Ibid., p. 31 [traduction].
[18] La Suède et de la Finlande ont été invités à se joindre à l’Alliance lors du sommet que les dirigeants de l’OTAN ont tenu à Madrid le 29 juin 2022. Le 5 juillet 2022, tous les membres de l’OTAN ont signé les protocoles sur l’adhésion, ce qui a conféré à la Finlande et à la Suède le statut de « pays invité » : elles pouvaient désormais participer aux discussions de l’OTAN et s’intégrer aux structures politiques et militaires de l’Alliance. Du 5 juillet au 14 octobre 2022, les alliés – à l’exception de la Hongrie et de la Turquie – ont procédé à la ratification nationale des protocoles d’accession; le premier à le faire a été le Canada.
[19] Pendant le séjour de la délégation à Helsinki, le Parlement de la Finlande a approuvé par une écrasante majorité le projet de loi sur l’accession du pays à l’OTAN, sous réserve de la ratification du processus par tous les membres de l’Alliance. Voir Parlement de la Finlande, Parliament approved Finland's accession to NATO by a vote of 184-7, 1er mars 2023. Le Parlement de la Suède a fait de même. Voir Riksdag, Yes to Sweden's NATO accession, 22 mars 2023.
[20] Justin Spike, « Hungarian parliament approves Finland’s bid to join NATO », Associated Press, 27 mars 2023.
[21] Suzan Fraser, « Turkey’s parliament ratifies Finland’s membership in NATO », Associated Press, 30 mars 2023
[22] OTAN, La Finlande devient le 31e pays membre de l’OTAN, communiqué de presse, 4 avril 2023.
[24] 22 des États membres de l’Union européenne (UE) sont aussi membres de l’OTAN.
[25] Commission européenne, Déclaration de la Présidente von der Leyen lors de la conférence de presse conjointe avec le Premier ministre canadien Trudeau, 7 mars 2023.
[26] Commission européenne, Sanctions adopted following Russia’s military aggression against Ukraine.
[27] Kiel Institute for the World Economy, Ukraine Support Tracker, mis à jour le 4 avril 2023. Du 24 janvier 2022 au 24 février 2023, les organes de l’UE se sont engagés à verser une aide financière de 30,3 milliards d’euros à l’Ukraine, ce qui dépasse les 24,5 milliards d’euros promis par les États-Unis. Par contre, Washington reste de loin le premier fournisseur d’aide militaire, ses engagements en la matière se chiffrant à 43,2 milliards d’euros.
[28] Commission européenne, La Commission propose un train de mesures de soutien stable et prévisible, d’un montant maximal de 18 milliards d’euros, en faveur de l’Ukraine pour 2023, communiqué de presse, 9 novembre 2022.
[29] Pour plus de contexte, voir UE, Une boussole stratégique en matière de sécurité et de défense, mars 2022. Ce document ne se voulait pas à l’origine une réponse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, puisqu’il était l’aboutissement d’un processus de réflexion de deux ans, mais il exprime les ambitions stratégiques de l’UE en matière de sécurité et de défense sur les 5 à 10 prochaine années.
[30] Natalia Abbakumova et Ellen Francis, « Putin says Ukraine war may be ‘long process’ but cites ‘serious’ gains », The Washington Post, 8 décembre 2022.
[31] Au début de novembre 2022, le général américain Mark Milley a dit que « bien plus » de 100 000 soldats russes étaient morts ou avaient été blessés, et que le nombre est probablement le même du côté de l’Ukraine. Voir Général Mark A. Milley, président, Instance collégiale des chefs d’état-major, Allocution, The Economic Club of New York, 9 novembre 2022. Au début de février 2023, les médias déclaraient que, selon des sources, les pertes de la Russie atteignaient les 200 000 morts et blessés. Voir Ann M. Simmons et Nancy A. Youssef, « Russia’s Casualties in Ukraine Near 200,000 », The Wall Street Journal, 4 février 2023.
[32] La Maison-Blanche, Discours du président Biden à l’approche du premier anniversaire de l’invasion brutale et non provoquée de l’Ukraine par la Russie, Le Palais royal à Varsovie, Varsovie, Pologne, 21 février 2023.
[33] Conseil européen, Conseil de l’Union européenne, Déclaration des membres du Conseil européen, 23 février 2023; et Premier ministre du Canada, Justin Trudeau, Déclaration des dirigeants du G7, 24 février 2023.
[34] Pour en savoir plus sur l’opinion publique envers la guerre et l’aide militaire à l’Ukraine, voir Léger, War in Ukraine – One Year In, rapport, sondage Postmedia-Léger, 22 février 2023; Amina Dunn, As Russian invasion nears one-year mark, partisans grow further apart on U.S. support for Ukraine, Pew Research Center, 31 janvier 2023; et Peter Baker, « Biden Challenged by Softening Public Support for Arming Ukraine », The New York Times, 1er mars 2023.
[35] OTAN, Pre-ministerial press conference: by NATO Secretary General Jens Stoltenberg ahead of the meetings of NATO Defence Ministers, 14 février 2023 [traduction].
[36] Nations Unies, Charte des Nations Unies (version intégrale), article 51.
[37] Assemblée générale des Nations Unies, Principes de la Charte des Nations Unies sous-tendant une paix, A/RES/ES‑11/6, 2 mars 2023.
[38] OTAN, Doorstep statement by NATO Secretary General Jens Stoltenberg ahead of the meeting of the Foreign Affairs Council of the European Union with Defence Ministers, 10 mars 2023.
[39] États-Unis, département de la Défense, Opening Remarks by Secretary of Defense Lloyd J. Austin III at the Ninth Ukraine Defense Contact Group (As Delivered), 14 février 2023; Christoph Trebesch, et al., The Ukraine Support Tracker: Which countries help Ukraine and how?, document de travail, no 2218, Kiel Institute for the World Economy, février 2023, p. 41; et États-Unis, département de la Défense, Secretary of Defense Lloyd J. Austin III and Chairman of the Joint Chiefs of Staff Army General Mark A. Milley Hold a Press Conference Following Ukraine Defense Contact Group Virtual Meeting, transcription, 15 mars 2023.
[40] États-Unis, Maison-Blanche, Remarks by President Biden on Continued Support for Ukraine, discours, 25 janvier 2023; et Allemagne, Le gouvernement fédéral, Government question time in the Bundestag: “We have shown what we are made of,” 25 janvier 2023.
[41] Certains des chars promis par l’Allemagne, la Pologne et le Royaume-Uni sont arrivés en Ukraine, et l’Espagne devrait procéder à la livraison d’une partie de ses véhicules prochainement. Voir Laura Pitel, « First German Leopard 2 tanks delivered to Ukraine », Financial Times, 28 mars 2023. Lorsqu’il a annoncé, le 24 février 2023, l’envoi de quatre autres chars de combat principaux Leopard-2, le premier ministre du Canada a précisé que les quatre chars annoncés antérieurement « ont été livrés à la Pologne, et une équipe de formateurs des Forces armées canadiennes forme actuellement les équipages des chars ukrainiens ». Voir Premier ministre du Canada, Justin Trudeau, Soutenir l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra, 24 février 2023.
[42] Par exemple, pendant son voyage en Europe, la délégation a été informée que la Suède et la Finlande venaient d’annoncer des envois de matériel militaire d’une valeur supérieure à ceux qu’ils avaient faits jusque-là. Voir Finlande, ministère de la Défense, Finland to deliver more defence materiel to Ukraine, communiqué de presse, 20 janvier 2023; Bureaux du gouvernement de la Suède, Allocution du ministre des Affaires étrangères Tobias Billström à l’Atlantic Council, discours, 8 décembre 2022.
[43] OTAN, Rapport annuel du secrétaire général, 2022, p. 7.
[44] Ibid., p. 16 et 17.
[45] OTAN, Le financement de l’OTAN, 20 mars 2023.
[46] OTAN, Les dépenses de défense des pays de l'OTAN (2014-2022), 21 mars 2023. Les chiffres de 2022 sont des estimations.
[47] Alexandra Fouché, « Poland boosts defence spending over war in Ukraine », BBC News, 30 janvier 2023.
[48] Matthew Karnitschnig et Wojciech Kość, « Meet Europe’s coming military superpower: Poland », Politico, 21 novembre 2022.
[49] Finlande, ministère de la Défense, Defence Expenditure as a Percentage of GDP.
[50] En 2022, l’Alliance de l’OTAN comptait 30 membres, mais l’Islande n’a pas de forces armées.
[51] OTAN, Les dépenses de défense des pays de l'OTAN (2014-2022), 21 mars 2023, p. 3.
[52] Pour plus de contexte, voir Défense nationale, Le Canada et la Lettonie signent une déclaration commune visant à augmenter la présence avancée renforcée de l’OTAN en Lettonie, communiqué de presse, 29 juin 2022.
[53] L’OTAN procède actuellement à un « inventaire hors-cycle extraordinaire » des stocks de munitions des alliés et prévoit d’accroître les cibles des États membres en la matière dans le cadre de son processus de planification de défense. Voir OTAN, Pre-ministerial press conference: by NATO Secretary General Jens Stoltenberg ahead of the meetings of NATO Defence Ministers, 14 février 2023. Des États membres individuels, notamment les États-Unis, prennent actuellement des mesures pour accroître la production d’artillerie. Voir John Ismay et Eric Lipton, « Pentagon Will Increase Artillery Production Sixfold for Ukraine », The New York Times, 24 janvier 2023. De son côté, l’UE consacrera 2 milliards d’euros sur les 12 prochains mois à l’acquisition conjointe et à la livraison d’urgence à l’Ukraine de munitions d’artillerie. Voir Conseil européen, Conseil de l'Union européenne, Conseil des affaires étrangères, 20 mars 2023, Principaux résultats.
[54] Pour plus de contexte, voir Finlande, Comité de sécurité, Security Strategy for Society: Government Resolution, 2017.
[55] Finlande, Comité de sécurité, Operation and Responsibilities [traduction].
[57] Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (BCAH), Humanitarian Needs Overview: Ukraine – Humanitarian Programme Cycle 2023, décembre 2022, p. 5–6.
[58] Croix-Rouge canadienne, Humanitarian Crisis in Ukraine and Surrounding Countries, rapport des intervenants no 3, 31 décembre 2022, document fourni à la délégation du comité FAAE.
[59] Agence des Nations Unies pour les réfugiés, « Ukraine Refugee Situation », Portail opérationnel, consulté le 12 avril 2023.
[60] Ibid.
[61] Polish Economic Institute, How Polish society has been helping refugees from Ukraine, juillet 2022.
[62] Banque mondiale, gouvernement de l’Ukraine, Union européenne, et Nations Unies, Ukraine: Rapid Damage and Needs Assessment, February 2022 – February 2023, mars 2023, p. 9 [traduction].
[63] Ibid., p. 11.
[64] Ibid., p. 13-14 [traduction].
[65] Ibid., p. 21.
[66] Premier ministre du Canada, Justin Trudeau, Déclaration des dirigeants du G7, 12 décembre 2022.
[67] Commission européenne, Ukraine : le collège des commissaires se rend à Kiev pour renforcer le soutien et la coopération sectorielle de l'UE en faveur de ce pays, communiqué de presse, 2 février 2023.
[68] Au 21 novembre 2022, selon les données fournies au Financial Tracking Service du BCAH.
[69] Gouvernement de la Suède, Déclaration de politique étrangère 2023 de Tobias Billström, ministre des Affaires étrangères, à l’occasion du débat parlementaire sur la politique étrangère, 15 février 2023.
[70] Ibid.
[71] Ibid.
[72] Ibid.
[73] Anita Käppeli et Rachael Calleja, « The End of an Aid Superpower? What to Make of Sweden’s New Development Policy », Blog Post, Center for Global Development, 4 novembre 2022.
[74] Organisation de coopération et de développement économiques, L’aide publique au développement (APD). Les chiffres définitifs pour 2022 seront publiés en décembre 2023.
[75] Il faudra s’assurer que l’Ukraine continue d’avoir les moyens de se défendre, mais on discute actuellement des garanties de sécurité qu’on pourra lui offrir. L’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN ne peut pas faire consensus si, entre autres raisons, une partie de son territoire est sous occupation russe. Un interlocuteur a avancé que, même s’il n’obtient pas l’adhésion à l’OTAN, le peuple ukrainien pourrait accepter un règlement du conflit assujetti à certaines garanties de sécurité.
[76] Président de l’Ukraine, Speech by the President of Ukraine at the General Debate of the 77th session of the UN General Assembly, 22 septembre 2022; président de l’Ukraine, Ukraine has always been a leader in peacemaking efforts; if Russia wants to end this war, let it prove it with actions – speech by the President of Ukraine at the G20 Summit, 15 novembre 2022; et États-Unis, Département d’État, Secretary Antony J. Blinken at a Virtual Panel Session on “A Just and Lasting Peace in Ukraine”, 28 mars 2023.
[77] Ministère des Affaires étrangères de la République populaire de Chine, Position de la Chine sur le règlement politique de la crise ukrainienne, 24 février 2023.
[78] OTAN, Déclaration du Sommet de Bucarest : publiée par les chefs d’État et de gouvernement participant à la réunion du Conseil de l’Atlantique Nord tenue à Bucarest le 3 avril 2008.
[79] Plusieurs interlocuteurs ont félicité le gouvernement du Canada d’avoir été le premier à adopter une législation, entrée en vigueur en juin 2022, permettant la saisie ou le blocage et la confiscation et redistribution de biens situés au Canada et appartenant à des personnes visées par des sanctions. La législation permet, bien que ce ne soit pas encore arrivé, que le produit de la vente des biens confisqués serve à la reconstruction de l’État lésé, au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales et à l’indemnisation des victimes. Voir Décret concernant le blocage de biens situés au Canada (Roman Arkadyevich Abramovich) : DORS/2022-279, La Gazette du Canada, partie II, volume 157, no 1; et Loi sur les mesures économiques spéciales, L.C. 1992, ch. 17, article 5.
[80] Le Groupe de travail sur les élites, les mandataires et les oligarques russes (REPO) est un organe multilatéral de coordination et de mise en commun de l’information qui réunit l’Allemagne, l’Australie, le Canada, les États-Unis, la France, l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni et la Commission européenne. Dans son rapport de mars 2023, ce groupe a écrit que les sanctions collectives « ont abouti au gel de dizaines de milliards de dollars et au gel ou à la saisie de biens ou de propriétés de grande valeur », mais que « certaines élites russes sanctionnées et leurs réseaux financiers ont réussi à échapper aux sanctions et, dans certains cas, à conserver l’accès aux fonds ». De plus, « dans certains cas, les personnes et entités sanctionnées peuvent être en mesure de générer des revenus supplémentaires ou de se procurer des articles dont l’exportation est contrôlée et sanctionnée ». Voir Gouvernement du Canada, Conseil mondial sur le contournement des sanctions contre la Russie Publié conjointement par le Groupe de travail sur les élites, les mandataires et les oligarques russes (REPO), 9 mars 2023.
[81] Pour plus d’information, voir Shannon Bugos, « Russia Suspends New START », Arms Control Today, Arms Control Association, mars 2023.
[82] Regeringskansliet, Government Office employees, 22 avril 2022.
[83] Suède, Expertgruppen för biståndsanalys, Expert Group [traduction].
[84] Groupe expert des études sur l’aide, The EBA Aid Review 2022, p. 5 [traduction].
[85] Maria Perrotta Berlin et Anders Olofsgård, Back from the ashes: Swedish and global contribution to Ukraine’s reconstruction, Expertgruppen för biståndsanalys, mars 2023.
[86] Ministère des Affaires étrangères de Finlande, Research projects in the Ministry for Foreign Affairs.
[87] Institut finlandais des affaires internationales, Introduction.
[89] Balkan Devlen, Alexander Lanoszka et Paweł Markiewicz, The Canada-Poland Partnership Evolving Transatlantic Ties at a Strategic Crossroads for the Euro-Atlantic Community, Institut des affaires internationales de Pologne, janvier 2023.
[90] Sveriges Riksdag, Foreign policy.
[91] Voir The Instrument of Government, article 11 [traduction].
[92] Sveriges Riksdag, Foreign policy.
[93] Gouvernement de la Finlande, Views of civil society to Finland for spring session of UN Human Rights Council, communiqué de presse, 10 mars 2023.
[94] Gouvernement de la Finlande, ministère des Affaires étrangères, Government Report on Finnish Foreign and Security Policy 2020 – security and global responsibility sharing go hand in hand, 29 octobre 2020 [traduction].
[95] Gouvernement de la Finlande, Government Report on Finnish Foreign and Security Policy, 2020 [traduction].