FAAE Rapport du Comité
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Rapport complémentaire dans le cadre de l’étude sur les droits sexuels et reproductifs dans le monde, tenue par le comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes
Le Bloc Québécois soumet très respectueusement une opinion complémentaire au rapport du comité des affaires étrangères et du développement international concernant l’étude sur les droits sexuels et reproductifs dans le monde. Cette dernière, longtemps attendue, a mis en lumière le travail très important qu’il reste à fournir pour que le Canada passe de la parole aux actes en ce qui regarde sa politique étrangère féministe.
Premièrement, il était étonnant d’entendre de la part des témoins que près de 7 années après son annonce, la politique étrangère féministe du Canada n’est toujours pas définie par l’intermédiaire d’un document qui expose en détail les principes, les objectifs et les lignes directrices de la mise en œuvre. Ce qui peut potentiellement expliquer pourquoi le partage des résultats en la matière semble difficile pour Affaires mondiales Canada. D’un côté, nous avons donc AMC qui annonce pendant l’étude que « le Canada réalise des progrès notables en ce qui concerne le respect de ses engagements actuels[1] ». De l’autre côté nous avons la vérificatrice générale qui affirme que la politique d’aide internationale féministe du Canada comporte des engagements décrivant la façon de dépenser les fonds, « sans aucun objectif lié aux améliorations précises apportées aux circonstances des personnes bénéficiant des fonds[2] ».
Il y a donc une réflexion à avoir sur l’élaboration de la politique internationale féministe par Affaires mondiales, des objectifs aux résultats, et de la manière dont l’argent du contribuable québécois et canadiens sert effectivement à faire progresser les droits des femmes et l’égalités des genres à travers le monde.
Deuxièmement, l’Afrique est un espace où la question des droits sexuels fait l’objet de vifs débats, nous avons pu le constater en entendant plusieurs témoins qui ont discuté des différences culturelles, et de la nécessité pour le Canada de travailler dans cette région du monde. Une statistique résume la problématique reliée à la question des droits reproductifs : la région de l’Afrique subsaharienne comptait pour quelque 70 % des décès maternels en 2020[3]. Le Canada se doit de supporter les pays qui cherchent à avancer en matière de droit à l’avortement et en termes d’accès à des soins de santé de qualité – la COVID-19 ayant imposée, dans certains pays, des difficultés supplémentaires d’accès aux soins de santé, notamment en ce qui concerne la distance[4].
Alors que le développement d’un « plan africain » par le gouvernement est en en cours, il est déterminant que le développement international, la question de l’égalité des genres, l’accès aux services de santé, soient des piliers de cette stratégie.
Aussi, alors que des membres du comité ont dénoncé, pendant les séances du comité[5], certaines lois de certains pays allant à l’encontre des droits fondamentaux des personnes au regard de leur sexualité. Alors que Mme Théroux-Séguin, du Centre d'étude et de coopération internationale, lors de son témoignage, espérait que le Canada puisse soutenir les dispositifs législatifs, et qu'il favorise les recommandations visant l'amélioration de la santé sexuelle et reproductive[6]. Nous souhaitons ainsi que le gouvernement du Canada, par l’intermédiaire de déclaration, ou dans des forums internationaux, prenne l’initiative de saluer le développement de projets permettant un plus grand accès à l’avortement et aux services de santé reproductive dans le monde. Bien qu’il soit hors de question de s’ingérer dans les processus de politiques nationales d’autres pays, le Canada doit tout de même se montrer vocal et proposer son aide aux pays qui en font la demande pour permettre le développement de services essentiels en matière de soins de santé reproductive.
Troisièmement, le financement est un enjeu central, et plusieurs témoins, dont Oxfam-Québec, Oxfam-Canada, Action Canada, ont évoqué leur inquiétude concernant l’engagement du gouvernement à consacrer 700 millions de dollars par année pour appuyer la santé et les droits sexuels et reproductifs, en particulier, sur quatre aspects négligés : la planification familiale et la contraception; les services d’avortement sécuritaires et légaux et les soins après l’avortement; l’éducation complète en matière de sexualité; et les activités de promotion en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs. Ces quatre enjeux ont bénéficié de 104 millions de dollars par rapport au financement total de 489 millions sur cette même année[7].
Si le rapport du comité recommande avec justesse le besoin pour le gouvernement de respecter son engagement d’investir au moins 700 millions de dollars dans la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes à l’échelle mondiale d’ici la fin de l’exercice 2023–2024, nous demandons que le gouvernement augmente sensiblement son financement dans les quatre sujets négligés.
Quatrièmement, nous avons pu entendre le témoignage poignant de la députée ukrainienne, Mme Lesia Vasylenko[8], qui a évoqué les tactiques des violences sexuelles comme arme de guerre par l’armée russe. Une barbarie sans nom qui doit aboutir par la criminalisation des coupables. Ce comité a déjà recommandé au gouvernement, dans son rapport sur la situation en Ukraine, qu’il « travaille avec l’Ukraine et d’autres partenaires internationaux pour intenter des poursuites contre les principaux responsables du crime d’agression commis par la Russie contre l’Ukraine en soutenant la création d’un tribunal spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine ou d’un autre mécanisme semblable ». Dans la quête de justice, les violences sexuelles ne pourront être ignorées au moment de condamner la Russie. Et malheureusement, ces situations sont fréquentes puisque que comme l’indique le Partenariat canadien pour la santé des enfants et des femmes, « les femmes et les filles continuent de subir de plein fouet les conséquences des déplacements forcés, en particulier dans les zones de conflit où elles sont confrontées à des niveaux élevés de violence sexuelle[9] ».
Ainsi, nous nous attendons à ce que dans le prochain plan d’action national sur les femmes, la paix et la sécurité, le gouvernement du Canada augmente son financement alloué aux programmes permettant aux filles et femmes, victimes de violences sexuelles dans les zones de conflit, d’obtenir la justice qu’elles méritent.
En conclusion il est nécessaire que le gouvernement du Canada fasse une mise à jour de sa politique étrangère féministe. La COVID-19, les multiples conflits, et les catastrophes naturelles causées par les changements climatiques, sont des facteurs qui réécrivent l’ordre du monde et les priorités de l’heure. Le Canada, en tant que pays du G7, doit assumer son rang et passer des paroles aux actes.
[1] Propos tenus par affaires mondiales Canada le 16 février 2023 devant le comité FAAE.
[2] Rapport vérificatrice générale, Rapport 4 — L’aide internationale pour appuyer l’égalité des genres.
[3] Voir: Trends in maternal mortality 2000 to 2020: Estimates by WHO, UNICEF, UNFPA, World Bank Group and UNDESA/Population Division, p. 14.
[4] Mémoire du partenariat canadien pour la santé des enfants et des femmes.
[5] Séance du comité FAAE du 7 mars 2023.
[6] Ibid.
[7] Affaires mondiales Canada, L’Engagement de 10 ans en matière de santé et de droits dans le monde – rapport annuel 2020–2021.
[8] Séance du comité FAAE du 21 mars 2023.
[9] Op. cit. Mémoire du partenariat canadien pour la santé des enfants et des femmes