FAAE Rapport du Comité
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La situation des défenseurs des droits de la personne, des journalistes et des médias
Introduction
Les journalistes et autres défenseurs des droits de la personne (DDP) jouent un rôle essentiel dans la protection des droits de la personne, tant à l’échelle nationale qu’internationale. Non seulement ils attirent l’attention sur les problèmes liés aux droits de la personne dans le monde entier, mais ils transmettent aussi de l’information sur ces droits et militent pour une meilleure protection de ceux-ci pour leurs communautés et pour les personnes dont les voix sont ignorées. Toutefois, leur travail peut causer des frictions avec ceux qui ont du pouvoir et de l’influence, ce qui les expose alors eux aussi à des violations de leurs droits fondamentaux. Pour les femmes journalistes et défenseures des droits de la personne (FDDP), les risques sont encore plus grands. Non seulement elles courent les mêmes dangers que leurs homologues masculins, mais elles peuvent aussi être la cible de harcèlement et d’intimidation précisément à cause de leur sexe et subir diverses formes de violence fondée sur le genre.
C’est dans cet esprit que, le 14 février 2022, les membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (le Sous-comité) a convenu :
[de mener] une étude sur les défenseurs des droits de la personne qui sont attaqués, en particulier les journalistes et les organisations médiatiques, et sur la façon dont le Canada peut appuyer leurs efforts [de faire porter l’étude] sur les droits de la personne dans les États répressifs et [de communiquer les résultats recueillis] au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international[1].
Le Sous-comité a tenu deux réunions sur le sujet et entendu 11 témoins venant des quatre coins du monde, dont des journalistes et des représentants d’organismes de la société civile et de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).
Le Sous-comité a appris que les droits des journalistes et des autres DDP sont menacés dans toutes les régions du monde, peu importe le régime politique ou le niveau de développement économique des pays. Bon nombre des témoins ont établi un lien entre l’augmentation des risques auxquels sont confrontés les journalistes et autres défenseurs des droits de la personne et la montée de l’autoritarisme à l’échelle mondiale, qui menace non seulement les démocraties et les droits de la personne dans certaines régions, mais qui affaiblit aussi l’ordre international fondé sur des règles. Au nombre des stratégies employées pour censurer les journalistes et autres DDP figurent le harcèlement et l’intimidation, l’emprisonnement et les assassinats. Le Sous-comité a appris que certains gouvernements profitent aussi des crises mondiales, comme la pandémie de COVID-19, les conflits, ainsi que les menaces de terrorisme et les menaces pesant sur la sécurité nationale, pour adopter des lois répressives dont ils se servent ensuite pour cibler leurs détracteurs, notamment les journalistes et autres DDP.
Le présent rapport résume les constatations du Sous-comité et contient 12 recommandations qui pressent le gouvernement du Canada de prendre des mesures pour prévenir et contrer les atteintes aux droits de la personne des journalistes et des DDP, particulièrement ceux qui sont injustement persécutés, et de demander des comptes aux gouvernements. Il se divise en trois sections : Types de violations des droits de la personne et stratégies; Défis propres aux journalistes et aux autres défenseurs des droits de la personne; et Hommage aux défenseurs des droits de la personne.
Types de violations des droits de la personne et stratégies
Les journalistes et autres DDP jouent un rôle essentiel dans les efforts nationaux et internationaux en vue de protéger et de défendre les droits de la personne. En rendant l’information accessible, ils donnent à la population la possibilité de vérifie de près les activités gouvernementales et les politiques publiques, d’en débattre et de s’en faire une idée. Ils peuvent également exprimer les préoccupations de la population auprès des gouvernements et contribuer à l’atteinte d’un consensus sur les questions d’intérêt public. Cet échange est particulièrement important dans les pays démocratiques, où les gouvernements sont tenus de rendre des comptes aux élections générales. En fait, le travail des journalistes et des autres DDP est inextricablement lié au bon fonctionnement des mécanismes de protection et de sauvegarde de la démocratie. Comme Rachael Kay, directrice exécutive adjointe d’IFEX (auparavant l’International Freedom of Expression Exchange), l’a déclaré, « [l]es démocraties ne peuvent survivre et prospérer sans des médias libres, indépendants et pluralistes[2] ».
Par ailleurs, les autorités ne facilitent pas toujours le travail des journalistes et des autres DDP. Le Sous-comité a appris que les gouvernements cherchant à accroître leur emprise sur le pouvoir portent systématiquement atteinte aux droits des journalistes et des autres DDP en censurant leur travail et en érodant ce « contrepoids à leur autorité[3] ». Le chef de la Division de la liberté d’expression et de la sécurité des journalistes à l’UNESCO, Guilherme Canela de Souza Godoi, a informé le Sous-comité que son organisme venait de publier le rapport Tendances mondiales en matière de liberté d’expression et de développement des médias, dans lequel on constate que « le recul de la liberté de la presse a concerné environ 85 % de la population mondiale[4] ».
Des témoins ont raconté au Sous-comité que les gouvernements cherchant à étendre leur pouvoir emploient une gamme de tactiques pour censurer les journalistes et autres défenseurs des droits de la personne, bafouant au passage leurs droits. Ces tactiques incluent l’intimidation et le harcèlement, l’emprisonnement et les assassinats. Des témoins ont dit au Sous-comité que la situation pouvait être particulièrement précaire pour les femmes journalistes et autres femmes défenseures des droits de la personne (FDDP) qui subissent en outre diverses formes de violence fondée sur le genre.
Intimidation et harcèlement
L’intimidation et le harcèlement peuvent certes prendre plusieurs formes, mais les témoins font généralement référence à deux stratégies courantes : la stigmatisation et la violence verbale, ainsi que la guerre du droit (ou, comme l’UNESCO l’appelle, les poursuites stratégiques contre la mobilisation publique), soit le recours aux tribunaux pour censurer les journalistes et autres défenseurs des droits de la personne[5].
Stigmatisation et violence verbale
La stigmatisation des journalistes et des autres DDP peut entraîner de profondes répercussions sur leur travail. Elle peut miner leur crédibilité et monter la population contre eux, les exposant ainsi à encore plus d’intimidation et de harcèlement, voire à de la violence. L’une des façons de les stigmatiser consiste à les qualifier de traîtres et de terroristes et à décrire leur travail comme s’il s’agissait de « fausses nouvelles[6] ». Fait inquiétant, Rachael Kay a expliqué que cette stratégie a été normalisée par certaines autorités politiques, même dans les pays démocratiques, et qu’elle conduit à « des attaques verbales et physiques, qui sont menées en toute impunité contre les médias[7] ».
Une témoin a raconté au Sous-comité qu’en Inde, par exemple, le premier ministre du pays lance des attaques personnelles contre ceux qui critiquent publiquement les politiques de son gouvernement[8]. L’année dernière, il a qualifié des manifestants pacifiques de « parasites », ce qui, selon une témoin, est « représentatif » de l’approche du gouvernement « à l’égard de quiconque exprime une opinion dissidente sur ses politiques[9] ». Le Sous-comité a aussi été informé que ce type de langage est employé contre les minorités et les groupes de la société civile et qu’il exacerbe la division au sein du pays à des fins politiques[10].
Le Sous-comité a aussi entendu Mark Clifford, président du Committee for Freedom in Hong Kong, qui figure parmi les nombreuses personnes « attaquées » par deux journaux étatiques de Hong Kong, le Wen Wei Po et le Ta Kung Pao. Selon lui, ces attaques s’inscrivent dans la « tendance » des médias à citer « des experts de la Chine continentale, qui commencent par attaquer une personne ou une organisation. Si cette personne ou cette organisation ne cesse pas ses activités, ne se désiste pas ou ne fuit pas le territoire, ces attaques prennent alors la forme d’une guerre juridique[11] ».
Des témoins ont informé le Sous-comité que les femmes journalistes et autres FDDP sont beaucoup plus exposées au harcèlement et à la stigmatisation que leurs collègues masculins. Comme l’ont expliqué des représentantes de la Canadian Women Leaders’ Digital Defence Initiative :
[d]e plus en plus de recherches montrent que, partout dans le monde, les femmes politiciennes et journalistes sont la cible d’attaques en ligne vicieuses et de campagnes de désinformation sexistes qui les présentent comme intrinsèquement indignes de confiance, inintelligentes, trop émotives ou sexualisées, et qui sont souvent menées avec une intention malveillante et de manière coordonnée[12].
Non seulement les femmes sont plus stigmatisées que les hommes, mais cette stigmatisation peut être amplifiée et conduit souvent à de l’autocensure[13]. Maria Ressa, directrice générale et présidente de Rappler (un média d’information en ligne établi aux Philippines), a par exemple confié au Sous-comité que l’UNESCO a fait une étude sur elle, entre autres, et a constaté qu’elle avait été la cible de près d’un demi-million d’attaques sur les médias sociaux. Selon elle, 60 % de ces attaques visaient à miner sa crédibilité, et 40 %, son moral[14].
À la lumière de ces défis, le Sous-comité recommande
Recommandation 1
Que le gouvernement du Canada tente d’obliger les plateformes en ligne à recueillir et à rendre publiques des données sur les cas de harcèlement et d’incitation à la violence contre les journalistes et autres défenseurs des droits de la personne, ainsi que de l’information sur la manière dont ces cas sont traités.
Guerre du droit
Dans certains pays, les gouvernements recourent de manière abusive aux lois et aux procédures civiles pour censurer les journalistes et autres défenseurs des droits de la personne. Certains témoins qualifient cette stratégie de « guerre du droit[15] ». À propos du Venezuela, Farida Deif, directrice de Human Rights Watch Canada, explique que dans le cadre de cette stratégie,
le gouvernement contrôle les tribunaux, recourt à des accusations de diffamation et de fraude, avec les lourdes amendes qui s’y rattachent, dans le cadre d’un plus vaste mouvement qui consiste pour les gouvernements à tenter de museler les médias dissidents et à mener une campagne de stigmatisation et de répression contre eux[16].
Le Sous-comité a appris que dans de nombreux cas, la simple menace d’imposition de ces mesures peut conduire à de l’autocensure et saboter la liberté d’expression des journalistes et des autres défenseurs des droits de la personne. Mark Clifford a expliqué que dans le contexte de la Chine, ces « tactiques juridiques sont les plus efficaces, parce qu’elles font en sorte que les dirigeants des organisations centrent leur attention sur les menaces d’emprisonnement ou de faillite[17] ». Il a ajouté qu’à la suite de ces attaques, on a « vu des dizaines d’organisations de la société civile se dissoudre[18] ».
Dans d’autres cas, les gouvernements utilisent à mauvais escient les lois contre les journalistes et autres défenseurs des droits de la personne. Matthew Leung, ancien journaliste au Ming Pao Daily de Hong Kong, a raconté au Sous-comité que les médias d’information de Hong Kong sont accusés de tenir des « propos séditieux » en vertu d’une loi antérieure à 1997 qui visait à empêcher tout « propos séditieux envers la Reine[19] ». Il a ajouté que « [l]e problème avec les autorités, c’est que si elles ne trouvent pas la bonne loi, elles en trouvent une qui fait leur affaire, peu importe qu’elle soit ancienne ou quoi que ce soit[20] ». Dans le même ordre d’idées, le Sous-comité a été informé que le gouvernement de l’Inde se sert « d’allégations de fraude fiscale motivée par des considérations politiques pour cibler quiconque exprim[e] ses préoccupations de façon indépendante au sujet des violations des droits de la personne dans le pays », y compris les militants, les journalistes, les manifestants pacifiques et même les poètes et les acteurs[21].
Le Sous-comité a été informé que la guerre du droit sert aussi à retarder ou à interrompre le travail des médias en les submergeant de diverses plaintes civiles. Maria Ressa, par exemple, a raconté au Sous-comité que le gouvernement du président Rodrigo Duterte, aux Philippines, ne cesse de déposer des accusations au civil contre son organisme d’information, Rappler. En 2016, après que Rappler a exposé les conséquences brutales de la guerre contre la drogue menée par le gouvernement, ce dernier a tenté de révoquer son permis d’exploitation, ce qui a entraîné la perte de 49 % de ses revenus publicitaires[22]. Au cours des trois derniers mois seulement, Rappler a reçu 22 nouvelles plaintes qui sont toutes susceptibles de mener à des poursuites judiciaires. Quelques jours avant la comparution de Maria Ressa devant le Sous-comité, Rappler a reçu huit assignations à comparaître en un seul jour[23]. Mme Ressa a expliqué que l’une des poursuites avait été intentée par un secrétaire du Cabinet en exercice, tandis que « la Cour suprême a reçu une pétition du solliciteur général alléguant des théories de conspiration non fondées contre [l’organisme][24] ».
Emprisonnement
Des témoins ont informé le Sous-comité que les journalistes et autres DDP sont souvent accusés et emprisonnés, et qu’il s’agit d’une manière de restreindre leur liberté d’expression. Par exemple, Farida Deif a raconté au Sous-comité comment, « [a]ux Émirats arabes unis, des dizaines d’activistes, d’universitaires et d’avocats purgent de longues peines à la suite de procès injustes découlant d’accusations vagues et générales[25] ». D’autres ont fait des affirmations semblables au sujet de l’Arabie saoudite, où le blogueur saoudien Raïf Badawi a purgé une peine de prison de 10 ans « pour avoir insulté l’islam en ligne » et fait maintenant face à une interdiction de voyager tout aussi longue qui l’empêche de venir rejoindre son épouse et ses enfants au Canada[26]. Le Sous‑comité a appris que le cas de M. Badawi « illustre bien les dangers auxquels font face les journalistes dans les régimes répressifs […] partout dans le monde[27] ». Clayton Weimers, directeur adjoint du Bureau de Reporters sans frontières à Washington D.C., a laissé entendre que le Canada pouvait venir en aide à Raïf Badawi en lui accordant la citoyenneté canadienne en raison de ses liens avec le Canada.
À cette fin, le Sous-comité recommande
Recommandation 2
Que le gouvernement du Canada accorde la citoyenneté canadienne à Raïf Badawi et fasse le nécessaire pour que M. Badawi retrouve sa famille au Canada.
Par ailleurs, il arrive que des journalistes et d’autres DDP soient simplement emprisonnés sans que des accusations ne soient déposées contre eux ni qu’un procès n’ait lieu. Le Sous-comité a appris que
ce que nous voyons au Nicaragua, c’est une énorme concentration du pouvoir autour du président Ortega […] Le gouvernement commet en toute impunité des abus généralisés et flagrants contre ceux qui le critiquent. Des groupes armés progouvernement répriment brutalement des manifestants anti-gouvernement et tuent des centaines de personnes. Des détentions arbitraires y sont observées, et le gouvernement nicaraguayen intensifie assurément sa répression contre la société civile et la liberté de presse[28].
Voici un autre exemple flagrant, celui du journaliste suédois d’origine érythréenne Dawit Isaak, qui est emprisonné en Érythrée depuis 20 ans. M. Isaak a été arrêté après la publication par le journal indépendant pour lequel il travaillait d’« une lettre ouverte critiquant la concentration du pouvoir et réclamant une réforme démocratique et le rétablissement des droits de la personne en Érythrée, qui avait été signée par 15 membres du gouvernement du président Isaias Afwerki[29] ». Depuis, il « n’a eu absolument aucun accès à la protection consulaire. Il n’a eu absolument aucun contact avec un avocat ou sa famille. Il n’a vu personne, et pas même la lumière du jour » et « n’a bénéficié d’aucun semblant de justice et de dignité humaine[30] ». Le Sous-comité se dit très inquiet par le traitement qui lui est réservé et par les conséquences de sa détention sur les journalistes et les DDP du monde entier. Comme l’a expliqué Judith Abitan, directrice exécutive du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne :
Le cas de M. Isaak est non seulement emblématique des assauts contre la sécurité des journalistes, mais aussi contre un ordre international fondé sur des règles. Il est représentatif des assauts contre la liberté de la presse par des régimes autoritaires à l’échelle mondiale dont l’immunité disculpatoire continue de s’intensifier, les auteurs de ces assauts ne cessant d’être enhardis par la pandémie mondiale d’impunité[31].
Le Sous-comité abonde dans le sens du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne pour dire que, en ce qui concerne Dawit Isaak, le gouvernement du Canada devrait, à titre de coprésident de la Coalition pour la liberté des médias[32], mobiliser les autres membres à sa cause, diriger une enquête au Conseil des droits de l’homme et imposer les sanctions coordonnées prévues dans la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (Loi de Sergueï Magnitski) contre les hauts fonctionnaires érythréens impliqués dans des actes de corruption et la violation des droits de M. Isaak et de ses collègues.
Pour cette raison, le Sous-comité recommande
Recommandation 3
Que le gouvernement du Canada demande au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et à la Coalition pour la liberté des médias d’enquêter sur le cas de Dawit Isaak et d’organiser une campagne de pression internationale pour demander sa libération immédiate.
Recommandation 4
Que le gouvernement du Canada mobilise ses partenaires internationaux pour imposer les sanctions coordonnées prévues dans la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (Loi de Sergueï Magnitski) contre les hauts fonctionnaires érythréens impliqués dans la violation des droits de Dawit Isaak et de ses collègues.
Le Sous-comité a appris que dans certains pays, l’emprisonnement équivaut essentiellement à une peine de mort tellement les prisons sont surpeuplées, que les conditions d’hygiène y sont mauvaises et que les approvisionnements y sont insuffisants. Dans ces établissements, les effets de la pandémie ont été amplifiés, exposant les journalistes et autres DDP à d’autres formes de violations des droits de la personne[33]. En outre, les témoins ont déclaré que les prisonniers, dans certains pays, sont victimes de torture et d’autres formes de mauvais traitements. En Iran, « Amnistie internationale a documenté le fait que les autorités iraniennes n’ont pas rendu de comptes pour au moins 72 détenus décédés depuis janvier 2010, malgré les rapports crédibles selon lesquels ces décès sont dus à la torture, à de mauvais traitements ou encore à des fonctionnaires utilisant des armes à feu et du gaz lacrymogène[34] ». Yonah Diamond, conseiller juridique pour le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, a raconté au Sous-comité que Baktash Abtin, célèbre poète et cinéaste iranien, est décédé dans une prison iranienne après le refus des autorités de l’envoyer à l’hôpital malgré la détérioration de son état de santé après qu’on lui a diagnostiqué la COVID‑19[35].
Des témoins ont confié au Sous-comité que l’emprisonnement, pour les femmes journalistes et les autres FDDP, comporte des risques et des défis particuliers. Dans certains pays, comme l’Iran, les personnes qui défendent les droits des femmes sont soumises à des peines disproportionnées. Nazanin Boniadi, ambassadrice d’Amnesty International United Kingdom, a déclaré que
les peines en Iran sont infiniment plus lourdes pour les femmes que pour les hommes. Par exemple, une femme qui fait campagne contre le hidjab obligatoire peut recevoir une peine d’emprisonnement de 18 ans, tandis qu’un homme qui tue sa fille en invoquant le « crime d’honneur » peut être condamné à quelques mois ou quelques années. Il n’y a pas vraiment de justice pour les femmes[36].
Par ailleurs, le Sous-comité a appris que Narges Mohammadi, une défenseure iranienne des droits de la personne, « a passé près de 13 ans en prison pour avoir défendu pacifiquement les droits de la personne. Elle s’est retrouvée en isolement à quatre reprises. La dernière fois, elle y a passé 64 jours, dont 40 jours entièrement sans communications, sans accès à un avocat, rien[37]. » Le Sous-comité a aussi appris que les femmes qui défendent les droits de la personne et qui sont emprisonnées peuvent être soumises à diverses formes de violence sexuelle. Un témoin a déclaré qu’avant son décès en détention en Iran, Zahra Kazemi, photojournaliste indépendante qui avait la double nationalité iranienne et canadienne, « avait été victime de torture et de viol brutaux[38] ».
Dans bon nombre de cas, les journalistes et autres DDP continuent de travailler sous la menace d’emprisonnement, même durant leur incarcération. Malheureusement, le prix à payer est énorme, tant pour eux que pour leur famille. Le Sous‑comité croit fermement que, compte tenu de leurs sacrifices, il ne faut ménager aucun effort pour s’assurer que leur voix continue de se faire entendre. Il abonde dans le même sens que Yonah Diamond : le but ultime devrait être leur libération, et le Canada peut apporter sa pierre en prenant leur défense à l’échelle internationale, en mobilisant vigoureusement les organismes de la société civile et en mettant stratégiquement à profit ses voies diplomatiques[39]. Pour cette raison, le Sous-comité recommande
Recommandation 5
Que le gouvernement du Canada forme une coalition internationale de pays aux vues similaires pour sensibiliser la population à la situation des journalistes et des autres défenseurs des droits de la personne emprisonnés partout autour la planète et obtenir la libération. Le gouvernement du Canada devrait également confier à son personnel diplomatique le mandat de travailler avec les familles et les organismes de la société civile en vue de coordonner les efforts visant la libération de ces prisonniers. Dans la mesure du possible, il devrait aussi leur demander d’insister pour rencontrer ces derniers afin de faire entendre encore plus fort leur voix.
Assassinats
La violence commise contre les journalistes et autres DDP dépasse l’intimidation et l’emprisonnement. Le Sous-comité a appris que le taux d’assassinat de journalistes et de DDP dans le monde est inquiétant. Selon Reporters sans frontières, « [p]lus d’un millier de journalistes et de professionnels des médias ont été tués dans l’exercice de leur profession au cours des 15 dernières années[40] ». Au cours des quatre dernières années seulement, l’UNESCO a « répertorié 400 assassinats de journalistes », tandis que le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne a indiqué au Sous-comité qu’au cours de la dernière année, « une initiative mondiale a permis de documenter au moins 358 assassinats de défenseurs des droits de la personne[41] ». Le Sous‑comité a aussi appris que la majorité des assassinats ne font pas l’objet d’une enquête et restent impunis. Guilherme Canela de Souza Godoi, par exemple, a déclaré que neuf meurtres de journalistes sur dix « demeurent non résolus dans le système judiciaire, de sorte que les taux d’impunité sont très élevés en ce qui concerne la sécurité des journalistes[42] ».
Des témoins ont indiqué qu’il arrive que des autorités gouvernementales fassent assassiner des journalistes et d’autres DDP à cause de leur travail. Maria Ressa a confié au Sous-comité qu’aux Philippines, en date du mois d’août 2021, le gouvernement Duterte avait fait assassiner plus de 420 militants des droits de la personne. Parmi ceux-ci se trouvaient neuf dirigeants syndicaux et militants des droits de la personne tués dans des descentes de police exécutées simultanément lors d’une journée qu’on appelle maintenant le « dimanche sanglant[43] ». Un de ses anciens collègues, Jess Malabanan, a aussi été « tué par une balle à la tête » par des assaillants inconnus après avoir « collaboré à la série sur les guerres antidrogue de Reuters, qui a remporté le prix Pulitzer[44] ».
Par ailleurs, des DDP sont assassinés au hasard pendant des manifestations pacifiques. Les forces de sécurité iraniennes, par exemple, ont tué « des manifestants et tir[é] de la grenaille pour écraser des manifestations massives dénonçant les pénuries d’eau dans les provinces du Khuzestan et du Lorestan. Ce massacre s’est soldé par 11 morts et une foule de blessés[45]. »
Le Sous-comité a appris que l’impunité induisait un cycle sans fin de violations des droits de la personne des journalistes et des défenseurs des droits de la personne. Les témoins étaient catégoriques : tant et aussi longtemps que les gouvernements intimideront, harcèleront, emprisonneront et même assassineront des journalistes et des DDP sans craindre d’être punis, ces crimes ne cesseront pas.
Le Sous-comité, à l’instar de Judith Abitan du Centre Raoul Wallenberg, croit que la « responsabilisation s’applique dans les États démocratiques, comme dans les régimes autocratiques[46] ». Nazanin Boniadi a renchéri en disant que :
Ce n’est pas seulement un impératif moral d’accorder la priorité aux droits de la personne dans notre politique étrangère; c’est à notre avantage que nous ne laissions pas nos intérêts géopolitiques, économiques et autres les éclipser[47].
Le Sous-comité convient également que « le Canada doit être visible en demeurant connecté et engagé à l’égard des mécanismes internationaux, en s’engageant dans des coalitions, en finançant et en reconnaissant les avantages que les institutions internationales tirent du maintien de la liberté de la presse, ainsi qu’en étant présent et en appuyant énergiquement leurs efforts[48] ». C’est pourquoi le Sous-comité recommande
Recommandation 6
Que le gouvernement du Canada redouble d’efforts pour venir en aide aux journalistes et aux autres défenseurs des droits de la personne en prenant des mesures concrètes contre les gouvernements qui violent leurs droits. Il devrait ainsi travailler avec les pays aux vues similaires afin d’imposer les sanctions coordonnées prévues dans la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (Loi de Sergueï Magnitski) contre les dirigeants responsables et, dans les cas les plus graves, saisir la Cour pénale internationale des violations commises. Le gouvernement du Canada devrait profiter de toutes les occasions qui se présentent à lui sur la scène internationale pour condamner les pays, alliés ou non, qui violent les droits des journalistes et des autres défenseurs des droits de la personne.
Défis propres aux journalistes et aux autres défenseurs des droits de la personne
Des témoins ont informé le Sous-comité que certains gouvernements tirent profit des circonstances et emploient diverses stratégies pour justifier la violation des droits de la personne des journalistes et des autres DDP. Le Sous-comité a notamment appris que des gouvernements ont tiré parti de la pandémie de COVID‑19 pour serrer la vis à l’opposition, mettre en œuvre des lois qui entravent le travail des journalistes et des autres DDP sous prétexte d’assurer la sécurité nationale, utiliser des technologies de surveillance et de propagande, et délibérément propager de la mésinformation et de la désinformation. De plus, selon les témoins, les journalistes et autres DDP courent le risque de graves violations de leurs droits, voire la mort, dans les situations de conflit.
COVID-19
La pandémie de COVID-19 a incité les gouvernements de la plupart des pays à mettre œuvre des mesures et à se doter de pouvoirs d’urgence spéciaux pour juguler cette menace unique et urgente à la santé publique. Or, pour certains dirigeants, elle a été l’occasion de consolider leur pouvoir en appliquant des mesures qui limitent l’opposition, contrôlent les messages transmis à la population et réglementent lourdement l’activité citoyenne, ce qui a entraîné selon une témoin « une érosion mondiale de [la liberté des médias][49] ». Comme l’a décrit Farida Deif, « [a]lors que les infections et les décès augmentaient en flèche, certains dirigeants répressifs ont menacé, réduit au silence ou même emprisonné quiconque ayant critiqué l’échec de leur réponse, y compris les travailleurs de la santé[50] ». Yonah Diamond a pour sa part constaté que la pandémie avait « exacerbé » la répression, contribuant ainsi à la montée de l’autoritarisme et au recul des démocraties dans le monde entier[51]. Enfin, Guilherme Canela de Souza Godoi a dit des deux dernières années de pandémie qu’elles avaient « créé une tempête parfaite pour réduire la liberté d’expression et la liberté de la presse », les enjeux datant d’avant la pandémie, comme les limites réglementaires, la visibilité des médias et les campagnes de désinformation, ayant « malheureusement contribué tous ensemble à miner la liberté de la presse[52] ».
Le Sous-comité a été informé que la pandémie avait servi de prétexte à la consolidation du pouvoir de certains gouvernements et à la limitation de la liberté d’expression[53]. Par exemple, Farida Deif a décrit comment le gouvernement du Venezuela a instrumentalisé l’état d’urgence décrété pendant la pandémie pour accuser des journalistes d’incitation à la haine et d’autres crimes, comme la publication ou la communication, sur les médias sociaux, d’information remettant en question leurs politiques sur la COVID-19[54]. Dans la même veine, Mark Clifford a expliqué que la Chine appliquait les limites aux rassemblements sociaux pendant la COVID-19 de manière arbitraire aux dissidents politiques et aux défenseurs des droits de la personne. Il a donné un exemple : trois personnes manifestant ensemble contre l’invasion de l’Ukraine en Chine seraient arrêtées pour avoir contrevenu aux règles de distanciation sociale qui limitent les rassemblements à deux personnes, alors que « des centaines de personnes peuvent faire la queue pour acheter une nouvelle montre, et cela ne pose pas de problème[55] ».
Loi sur la sécurité nationale
La pandémie a certes servi de prétexte, pour bon nombre de gouvernements, au renforcement de leur influence et à la répression de la liberté d’expression, mais ces gouvernements se sont aussi attaqués aux DDP et aux journalistes en les qualifiant de menaces terroristes et en recourant à des lois sur la sécurité nationale pour les accuser. Farida Deif a observé
une tendance vraiment inquiétante de la part des gouvernements à invoquer des lois antiterroristes à mauvais escient, à poursuivre des personnes et des défenseurs des droits de la personne pour leurs activités. En autant qu’ils réussissent à présenter ces activités comme une menace à la sécurité nationale, ils parviennent à véritablement miner et menacer leur travail[56].
Guilherme Canela de Souza Godoi a souligné que le « recours au droit pénal pour s’attaquer à la liberté d’expression […] va complètement à l’encontre des normes internationales et des recommandations du Conseil des droits de l’homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques[57] ».
La Loi de la République populaire de Chine sur la sauvegarde de la sécurité nationale dans la Région administrative spéciale de Hong Kong (loi sur la sécurité nationale) nous offre un exemple clair. Cette loi, qui a été adoptée par le Parlement de Hong Kong en 2020, a fait l’objet de nombreuses critiques à l’échelle internationale en raison des pouvoirs étendus qu’elle accorde aux gouvernements centraux de la Chine et de Hong Kong et a donné lieu à ce que Mark Clifford décrit comme étant une « attaque généralisée contre la société civile[58] ». Ce dernier a aussi fait valoir que la loi criminalise « toute critique du Parti communiste chinois ou de l’État chinois » et a donc entraîné la fermeture de la majorité des journaux prodémocratie de Hong Kong. Par ailleurs, Matthew Leung a fait observer que la loi a permis le gel des actifs des médias, ce qui a anéanti le journalisme encore plus rapidement que les arrestations et les descentes dans les bureaux[59]. Enfin, Mark Clifford a expliqué au Sous-comité comment, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi, un bon nombre de ses anciens collègues du secteur des médias à Hong Kong ont été jetés en prison sans avoir subi de procès ni avoir été condamnés, et font partie des milliers d’autres personnes détenues en raison de leur participation à des activités antigouvernementales[60].
Voilà donc pourquoi le Sous-comité recommande
Recommandation 7
Que le gouvernement du Canada impose les sanctions prévues dans la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski) contre les dirigeants de Hong Kong qui bafouent les droits de la personne des journalistes et des autres défenseurs des droits de la personne de Hong Kong en invoquant la Loi de la République populaire de Chine sur la sauvegarde de la sécurité nationale dans la Région administrative spéciale de Hong Kong.
Des témoins ont informé le Sous-comité que les lois muselant l’opposition gouvernementale sont souvent formulées de manière vague, ce qui permet aux gouvernements de cibler sans discernement les activités des journalistes et des autres défenseurs des droits de la personne. Par exemple, Farida Deif a expliqué que la « loi [du Venezuela] contre la haine », qui prévoit une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 20 ans pour la diffusion de messages d’intolérance et de haine, a servi à poursuivre ceux qui remettent en question les politiques du gouvernement[61]. De la même manière, aux Philippines, les journalistes et autres DDP qui expriment des réserves quant à la guerre antidrogue du gouvernement sont arrêtés et détenus sans mandat jusqu’à 24 jours en vertu de la loi de 2020 sur la lutte contre le terrorisme[62]. Maria Ressa a affirmé que la loi sur les journalistes et autres DDP a eu « l’effet d’une douche froide, pire que froide, glaciale[63] ».
Certaines lois sur la sécurité nationale portent sur la question du financement étranger des organisations nationales et servent d’alibi pour le dépôt de poursuites contre les organismes de défense des droits de la personne et les entreprises médiatiques qui reçoivent des fonds d’ailleurs. Par exemple, en 2012, la Russie a adopté une loi sur les agents étrangers qui s’applique aux organisations non gouvernementales recevant des fonds d’ailleurs. Plus récemment, le gouvernement a élargi la définition d’agent étranger pour que la loi coupe court aux travaux de l’organisation des droits de la personne Memorial présente depuis longtemps en Russie[64]. En outre, la loi russe sur les agents indésirables cible les organisations internationales et permet au gouvernement d’intenter des poursuites criminelles contre les défenseurs russes des droits de la personne ayant des liens avec ces organisations. Anastasia Chevtchenko, membre de l’organisme de la société civile prodémocratie Open Russia, qui est établi au Royaume‑Uni, a été la première personne visée par une poursuite criminelle en vertu de cette loi[65]. Par ailleurs, le Sous-comité a appris qu’en Inde, le gouvernement s’est servi de la loi portant sur le financement étranger des organisations non gouvernementales pour fermer les organismes de la société civile et cibler les médias[66].
Une des témoins a expliqué au Sous-comité que la répression des journalistes et des autres DDP peut également prendre la forme de désignations terroristes. Elle a ajouté qu’en Israël, le gouvernement a qualifié les organismes de la société civile palestinienne d’entités terroristes, ce qui lui a permis de saisir leurs actifs, d’arrêter leurs employés et membres affiliés, de fermer leurs bureaux et de les faire disparaître complètement[67].
Justifier la criminalisation du travail des journalistes et des autres DDP en se fondant sur des préoccupations en matière de sécurité nationale peut avoir de profondes répercussions. Non seulement cela réduit au silence les personnes visées par la loi, mais cela entraîne inévitablement une autocensure et peut freiner une plus grande participation aux affaires publiques. Mark Clifford décrit la position précaire dans laquelle se trouvent les journalistes visés par ce type de lois en disant que « [n]aturellement, pour éviter les ennuis, les gens ont tendance à être de plus en plus prudents[68] ».
Pour cette raison, le Sous-comité recommande
Recommandation 8
Que le gouvernement du Canada collabore avec ses alliés internationaux et soutienne les initiatives internationales visant à établir et à former des instances judiciaires indépendantes pour mieux traiter les cas concernant les journalistes et autres défenseurs des droits de la personne. Ce faisant, qu’il demande une plus grande transparence des procédures judiciaires les concernant.
Technologie
Les journalistes et autres DDP sont de plus en plus confrontés à la façon dont les différentes technologies sont utilisées pour restreindre divers droits, notamment la liberté d’expression et la vie privée. Le Sous-comité a appris, par exemple, que les Émirats arabes unis continuent « de développer des capacités de surveillance, en utilisant à mauvais escient des logiciels espions pour accéder aux communications privées et chiffrées de journalistes, de militants et de dirigeants mondiaux[69] ». Selon Farida Deif, Pegasus, une technologie de surveillance logicielle développée par le groupe NSO établi en Israël, est une technologie de premier plan à cet égard. Des gouvernements s’en sont servis pour « pirater les appareils de journalistes, de porte‑parole de l’opposition et de militants dans 45 pays, y compris un membre du personnel de […] Human Rights Watch. On a permis à cette entreprise de fonctionner en toute impunité, en dépit de preuves accablantes d’abus[70] ».
Les journalistes et autres DDP peuvent également être victimes de harcèlement sur les plateformes de médias sociaux. Selon Guilherme Canela de Souza Godoi, la violence numérique contre les journalistes, en particulier les femmes, s’inscrit dans une tendance de plus en plus marquée. Par ailleurs, Mme Ressa a expliqué que la violence numérique est souvent autorisée sous prétexte qu’il s’agit de « liberté d’expression » et qu’« on s’en sert pour museler les femmes et faire taire des voix vulnérables[71] ». Le Sous-comité a été peiné d’entendre que le problème est d’ordre mondial et que « [l]e Canada, comme les États‑Unis, a maintenant un grave problème avec les attaques qui visent les femmes en politique et en journalisme[72] ». Des témoins ont souligné que la violence numérique peut prendre la forme d’« attaques plus avancées », notamment « au moyen de robots ou de la technique du doxing[73] », cette dernière se caractérisant par la publication des renseignements personnels ou identificatoires d’une personne sur Internet[74].
Certains témoins ont reconnu que la technologie peut être un outil utile pour les journalistes et autres défenseurs des droits de la personne, en particulier pour recueillir de l’information sur les violations des droits de la personne et les abus, enquêter sur ces violations et abus et les communiquer; par contre, d’autres ont réclamé une plus grande réglementation de ces technologies[75]. Farida Deif, par exemple, a souligné qu’« il est également urgent de réglementer le commerce mondial des technologies de surveillance » pour empêcher le déploiement de logiciels espions commerciaux par des États répressifs qui bafouent les droits de la personne. De son côté, Maria Ressa a déclaré qu’il fallait accroître la transparence des algorithmes des médias sociaux[76].
Les plateformes de médias sociaux sont intrinsèquement liées au problème croissant de mésinformation, de désinformation et de fausses nouvelles qui discréditent et compliquent le travail des journalistes publiant des nouvelles fondées sur des faits. Au moyen du modèle de « capitalisme de surveillance » de Shoshana Zuboff, Maria Ressa a expliqué que les plateformes de médias sociaux ont pour but de manipuler nos pensées afin d’engranger des profits. Selon elle :
L’apprentissage automatique atomise nos expériences personnelles, en recueille les éléments et les réorganise par l’intelligence artificielle afin d’accroître les profits des entreprises. Ces opérations de microciblage très rentables sont conçues pour miner la volonté humaine. Elles causent une modification du comportement semblable à l’expérience des chiens de Pavlov, mais en temps réel, et les conséquences en sont désastreuses.
[…] Ces matrices, conçues par les entreprises technologiques américaines, produisent des algorithmes dont la structure incitative, qui n’est en fait que leur opinion en code, lancée à une échelle que nous n’aurions jamais pu imaginer, façonne notre avenir de façon insidieuse en encourageant les pires comportements humains[77].
Fait inquiétant, le Sous-comité a appris que des pays se servent de ce modèle à des fins géopolitiques, qu’il s’approprie des sources d’information crédibles pour orienter le discours. Selon Maria Ressa, « [u]ne partie de notre problème à l’heure actuelle est le fait que les puissances géopolitiques ont exploité ces cloisonnements. Ces réseaux forment maintenant un système nerveux mondial de ce que j’appelle les “boues toxiquesˮ et qui est alimenté par des pays comme la Chine et la Russie[78]. » D’ailleurs, elle a souligné que la Chine et la Russie emploient ces réseaux de façon importante, tout en insistant sur le fait que, dans certains cas, ces canaux passaient par des sites Web établis au Canada[79].
Maria Ressa a aussi fait valoir que les messages créés par les algorithmes de ces technologies ne reposent souvent pas sur des faits, ce qui nous entraîne dans une voie dangereuse. Comme elle l’a si bien dit, « [s]ans les faits, il n’y a pas de vérité. Sans vérité, il n’y a pas de confiance. Sans ces deux valeurs, nous n’avons pas de réalité commune, pas de primauté du droit et pas de démocratie[80]. » Clayton Weimers, de Reporters sans frontières, a renchéri en disant que les « fausses nouvelles » pèsent lourd dans les algorithmes des plateformes numériques comme Google et Facebook[81]. Voilà qui limite considérablement la capacité des journalistes à atteindre leurs publics cibles et celle des citoyens à accéder à de l’information fondée sur des faits.
Pour accentuer le problème de la désinformation, les compétences médiatiques de la population en général sont insuffisantes et trop faibles pour y faire face. Guilherme Canela de Souza Godoi a mentionné au Sous-comité que l’une des priorités de l’UNESCO consiste justement à donner aux citoyens de tous âges les moyens de faire face à la mésinformation, à la désinformation, aux discours haineux et aux théories du complot en ligne[82]. Dans le même ordre d’idées, Rachel Pulfer a souligné qu’il fallait former les journalistes et professionnels des médias à « dénoncer en toute sécurité les campagnes de désinformation » et à les rendre publiques[83]. C’est pourquoi elle a demandé au gouvernement du Canada « de consacrer jusqu’à 1 % de son soutien au développement international à ce genre de travail de développement des médias » pour aider le journalisme indépendant, affirmant que cette aide est nécessaire si l’on veut « financer le genre de travail holistique de réseautage et de renforcement des capacités à l’échelle du secteur, qui permet à ceux qui subissent ces conflits d’avoir accès à des renseignements fiables sur ce qui se passe pendant le conflit et au‑delà, en particulier pour ce qui est des droits de la personne[84] ». Par conséquent, le Sous-comité recommande
Recommandation 9
Que le gouvernement du Canada soutienne les efforts d’acquisition de compétences médiatiques au Canada et dans le monde entier. En outre, qu’il augmente la part de son budget en matière de développement international qui est consacrée au développement des médias et qu’une partie de cette somme soit réservée à la formation des journalistes à la dénonciation des campagnes de désinformation et des violations des droits de la personne.
Conflit et guerre
Les journalistes et autres DDP jouent un rôle essentiel pendant un conflit en publiant « des renseignements fiables sur ce qui se passe pendant le conflit et au‑delà, en particulier pour ce qui est des droits de la personne[85] ». Or, ils s’exposent à des risques inédits. Selon Clayton Weimers, les journalistes présents en Syrie et en Ukraine « ont essuyé des tirs, ou ont été harcelés et détenus », et ils ont été délibérément ciblés, ce qui a entraîné de nombreux décès[86]. Ces risques sont encore plus grands pour les journalistes citoyens travaillant dans des zones de conflit, puisque ceux-ci « n’ont pas accès aux nombreuses ressources dont peuvent bénéficier leurs collègues des grands médias », notamment de l’équipement de protection, des trousses de premiers secours et une accréditation de presse[87]. M. Weimers a attiré l’attention sur les retombées du Centre de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières à Lviv, en Ukraine, qui offre aux journalistes un espace pour échapper au conflit et se procurer l’équipement de protection dont ils ont besoin.
Par ailleurs, les journalistes couvrant le conflit au Tigré, en Éthiopie, subissent aussi l’oppression directe des autorités. Farida Deif a raconté au Sous-comité comment des responsables du gouvernement éthiopien ont accusé un média de soutenir le Front de libération du peuple du Tigré (rebelle) et ont temporairement suspendu ses activités. Les journalistes sont également victimes d’intimidation et menacés d’expulsion et d’arrestation pour leur couverture du conflit dans le pays[88].
Les journalistes et autres DDP font également partie de ceux qui fuient les conflits et qui s’exposent souvent à des risques en raison de leur travail. Le Sous-Comité a appris qu’en Afghanistan, par exemple, des centaines de femmes journalistes et d’autres FDDP ont dû soit fuir le pays soit y rester coincées à la suite de la prise du pouvoir par les talibans en 2021. Elles risquent, à cause de leur travail très médiatisé de couverture et de défense des droits de la personne, d’être reconnues, ciblées et persécutées par les autorités en place[89]. Rachel Pulfer a fait valoir qu’il fallait accorder l’asile aux journalistes visés par des hommes forts populistes qui décident de dénigrer sans ménagement les journalistes qui les critiquent, de manière à inciter leurs partisans à les attaquer avec violence[90]. Puisque le Sous-comité partage ces préoccupations, il recommande
Recommandation 10
Que le gouvernement du Canada veille à ce que le Centre de la liberté de la presse en Ukraine dispose de gilets pare-balles, de gilets pare-éclats, de casques, de garrots et de trousses de premiers secours pour protéger les journalistes couvrant le conflit.
Recommandation 11
Que le gouvernement du Canada augmente le nombre de places offertes aux défenseurs des droits de la personne en danger, y compris les journalistes et autres professionnels des médias, dans son volet réservé aux réfugiés.
Conclusion
De nombreux dirigeants sur la planète cherchent à consolider leur pouvoir en imposant des limites à l’opposition, avec pour résultat la montée de l’autoritarisme et le recul de la démocratie. Les principales victimes sont les journalistes et autres DDP qui sont sur la première ligne de défense. Si l’information fondée sur des faits ne circule pas, les dirigeants ne peuvent pas répondre et ne répondront pas de leurs actes. Ce qui vient encore aggraver le problème est la façon avec laquelle ces gouvernements utilisent les technologies pour surveiller leurs détracteurs, diffuser de la fausse information, ainsi que harceler et intimider les journalistes et autres défenseurs des droits de la personne. Les répercussions sont particulièrement profondes pour les femmes journalistes et autres FDDP, qui sont victimes de diverses formes de violence fondée sur le genre. Le Sous-comité s’en inquiète et croit fermement que le Canada peut jouer un plus grand rôle de chef de file dans la protection et la défense des journalistes et des autres défenseurs des droits de la personne. Grâce aux recommandations qu’il formule ici, il croit que tous peuvent tirer profit de l’amélioration du respect et de la promotion du travail des journalistes et des autres DDP qui, à l’échelle mondiale, défendent la démocratie et demandent des comptes aux gouvernements et aux autres personnes en position d’autorité.
Hommage aux défenseurs des droits de la personne
Les journalistes et autres DDP jouent un rôle indispensable dans le mouvement des droits de la personne en défendant et en protégeant ces droits dans leur pays et à l’étranger. Ils cherchent à tenir les gouvernements et autres entités puissantes responsables de leurs obligations en la matière, et le prix à payer est parfois énorme, tant pour eux que pour leur famille. Au cours de l’étude, le Sous-comité a entendu le nom de nombreux journalistes et DDP qui ont été harcelés, emprisonnés et parfois même assassinés à cause de leur travail de défense des droits de la personne. La présente section leur rend hommage.
Bon nombre des journalistes et des autres DDP emprisonnés qui ont été nommés pendant l’étude sont des citoyens canadiens. Ils revêtent un intérêt particulier pour le Sous‑comité, et c’est pourquoi celui-ci recommande :
Recommandation 12
Que le gouvernement du Canada nomme un envoyé spécial pour les défenseurs des droits de la personne détenus à l’étranger, qui travaillera à sensibiliser la population à leur situation et à défendre leur liberté.
Anastasia Chevtchenko, militante des droits de la personne, Russie
Anastasia Chevtchenko, ancienne coordonnatrice du mouvement prodémocratie Open Russia, a été arrêtée en février 2019 en vertu de la loi sur les « organisations indésirables ». Elle a été condamnée à une peine de prison de quatre ans en février 2021[91].
Atena Daemi, militante des droits de la personne, Iran
Atena Daemi a fait campagne contre la peine de mort, ainsi que pour les droits des enfants et des femmes en Iran. Elle a été arrêtée en 2014 et accusée « de rassemblement et de complot contre la sécurité nationale », ainsi que de « diffusion de propagande[92] ». Elle est demeurée en prison jusqu’en janvier 2022[93].
Baktash Abtin, Association des écrivains iraniens, Iran
Baktash Abtin, poète et cinéaste iranien, a été accusé et emprisonné en 2019 pour « rassemblement illégal et complot contre la sécurité nationale », ainsi que pour diffusion de « propagande contre l’État[94] ». Il est mort en prison en 2021 des suites d’une infection présumée à la COVID-19[95].
Carole Cadwalladr, journaliste, Royaume-Uni
Carole Cadwalladr est une journaliste d’enquête britannique qui a été victime de violence et de harcèlement en ligne en raison de son travail de dénonciation de la violation de la confidentialité des données de Facebook et de Cambridge Analytica[96].
Chan Pui-man, Yeung Ching-kee, Fung Wai-kong, Lam Man-chung, journalistes, Apple Daily, Hong Kong
Chan Pui-man, Yeung Ching-kee, Fung Wai -kong et Lam Man-chung travaillaient tous pour le journal prodémocratie Apple Daily à Hong Kong. Ils ont été arrêtés en juillet 2021 en vertu de la loi sur la sécurité nationale de Hong Kong et sont détenus depuis sans que des accusations aient été déposées contre eux[97].
Cheung Kim-hung, Next Digital, Hong Kong
Cheung Kim-hung a été arrêté en juin 2021 parce qu’il était président-directeur général de l’entreprise médiatique Next Digital à Hong Kong, et des accusations ont été portées contre lui au titre de la loi sur la sécurité nationale. Il est détenu sans possibilité de libération sous caution en attendant son procès[98].
Dawit Isaak, journaliste, Érythrée
Dawit Isaak est un journaliste suédois d’origine érythréenne qui travaillait pour un journal indépendant en Érythrée. En 2001, le journal a publié une lettre ouverte signée par 15 députés du gouvernement qui demandaient des réformes démocratiques. À la suite de la publication de la lettre, plusieurs personnes ont été arrêtées, dont Dawit Isaak, qui est détenu en Érythrée depuis 2002[99].
Frenchie Mae Cumpio, journaliste, Philippines
Frenchie Ma Cumpio est une journaliste et militante des droits de la personne qui a été arrêtée aux Philippines lors d’une série de descentes menées en 2020. Elle a été accusée de possession illégale d’armes à feu, des accusations qu’elle nie. Elle est détenue depuis son arrestation en attendant son procès[100].
Huseyin Celil, militant des droits des Ouïghours, Xinjiang, Chine
Huseyin Celil est un citoyen canadien d’origine chinoise et militant des droits des Ouïghours qui a fui la Chine en 2001. Il a été arrêté en Ouzbékistan en 2006 et renvoyé en Chine, où il a été condamné à la prison à perpétuité[101].
Idris Hasan, militant des droits des Ouïghours, Maroc
Idris Hasan a fui la Chine pour se réfugier en Turquie après avoir été harcelé par la police pour son militantisme en faveur des droits des Ouïghours. Il a de nouveau fui, vers le Maroc cette fois, après plusieurs arrestations et détentions. Il est actuellement détenu au Maroc, où la Chine demande son extradition[102].
Jamal Khashoggi, journaliste, Arabie saoudite
Jamal Khashoggi a quitté l’Arabie saoudite pour aller vivre aux États-Unis en 2017, où il rédigeait une chronique hebdomadaire pour le Washington Post dans laquelle il dénonçait le régime saoudien. Il a été assassiné alors qu’il se trouvait dans le consulat de l’Arabie saoudite à Istanbul en 2018[103].
Jesus « Jess » Malabanan, journaliste, Philippines
Jess Malabanan travaillait comme journaliste aux Philippines pour le Manila Standard. Il avait collaboré à un projet qui dénonçait la guerre antidrogue menée aux Philippines, qui a remporté le prix Pulitzer en 2018. Il a été tué par balle en 2021 par des assaillants inconnus[104].
Jimmy Lai, Next Digital, Hong Kong
Jimmy Lai, militant prodémocratie de longue date à Hong Kong et fondateur de l’entreprise médiatique Next Digital, a été arrêté à plusieurs reprises en vertu de la loi sur la sécurité nationale et a été condamné à plusieurs peines d’emprisonnement depuis avril 2021. Ses avoirs ont aussi été gelés, ce qui a mis fin aux activités de son entreprise[105].
Katira Ahmadi, journaliste, Afghanistan
Katira Ahmadi a été présentatrice de télévision pour la chaîne Zan à Kaboul, en Afghanistan, de 2017 à 2021. Elle a fui le pays lorsque les talibans se sont emparés du pouvoir en 2021 et se cache depuis[106].
Lazhar Zouaïmia, militant des droits de la personne, Algérie
Lazhar Zouaïmia est un Canadien d’origine algérienne qui a participé au mouvement prodémocratie Hirak en Algérie, en 2019. En février 2022, il a été arrêté dans ce pays alors qu’il s’apprêtait à embarquer à bord d’un vol en direction de Montréal, où il réside. Il est demeuré en détention jusqu’en mai 2022[107].
Sénatrice Leila Norma Eulalia Josefa Magistrado de Lima, politicienne, Philippines
Leila Norma Eulalia Josefa Magistrado de Lima a été nommée sénatrice aux Philippines en 2016. Elle a été arrêtée en 2017 peu de temps après avoir lancé une enquête sur la guerre antidrogue du président Duterte. Elle est détenue depuis sans que des accusations aient été déposées contre elle[108].
Maria Ressa, journaliste, Philippines
Maria Ressa est journaliste et fondatrice de Rappler, une entreprise de médias numériques des Philippines. Elle a reçu de nombreux éloges au fil des ans, dont le prix Nobel de la paix en 2001. Elle se montre très critique envers l’administration du président Duterte. Elle s’est vu imposer plusieurs amendes et a été arrêtée à de nombreuses reprises. Les dernières accusations portées contre elle pourraient lui valoir l’emprisonnement à perpétuité[109].
Masih Alinejad, journaliste, Iran
Masih Alinejad est une journaliste américaine d’origine iranienne et militante des droits des femmes bien connue qui vit aux États-Unis. Bien qu’elle n’habite plus en Iran, le gouvernement de l’Iran s’en prend à elle à cause de son travail; il a d’ailleurs arrêté et jeté en prison son frère en Iran[110].
Mehdi Yahyanejad, concepteur d’applications, Iran
Mehdi Yahyanejad est un entrepreneur américain d’origine iranienne dans le domaine de la technologie qui vit aux États-Unis. Il a fondé le site Web de partage de nouvelles en perse Balatarin.com qu’a bloqué le gouvernement iranien. Il a aussi cofondé NetFreedom Pioneers, un organisme sans but lucratif qui offre des solutions aux communautés ayant un accès limité à Internet[111].
Narges Mohammadi, militante des droits de la personne, Iran
Narges Mohammadi est directrice adjointe des Défenseurs du Centre pour les droits de la personne en Iran. Elle a été condamnée à la prison à plusieurs reprises à cause de son travail de défense des droits de la personne. Bien qu’elle se soit vu infliger une autre peine de huit ans et 70 coups de fouet en janvier 2022, elle continue de défendre les droits de la personne depuis la prison[112].
Nasrin Sotoudeh, avocate des droits de la personne, Iran
Nasrin Sotoudeh a représenté des femmes en tant qu’avocate des droits de la personne en Iran pendant de nombreuses années. Elle a été arrêtée en 2019 et a été condamnée à 38 ans de prison et à 148 coups de fouet « pour son soutien aux défenseurs des droits des femmes[113] ». Bien qu’elle soit actuellement en liberté sous condition et purge sa peine à domicile, sa santé est fragile à cause de « sa grève de la faim de 46 jours, qui l’a menée aux portes de la mort[114] ».
Raïf Badawi, militant blogueur, Arabie saoudite
Raïf Badawi est un militant blogueur saoudien qui a été arrêté en 2012 et condamné à 1 000 coups de fouet et à 10 ans de prison pour avoir insulté l’islam en ligne. Il a terminé sa peine en mars 2022, mais il lui est interdit de voyager pendant 10 ans, ce qui l’empêche d’être réuni avec sa femme et ses enfants au Canada[115].
Reza Eslami, professeur, Droits de la personne, Iran
Reza Eslami est un professeur de droit canadien d’origine iranienne qui enseignait à l’Université de Téhéran en 2021 lorsqu’il a été arrêté pour avoir « coopéré avec un État ennemi » après avoir suivi un cours de droit en République tchèque[116]. Il a été condamné à sept ans de prison[117].
Roland Carreño, journaliste, Venezuela
Roland Carreño est un journaliste vénézuélien et détracteur du gouvernement Maduro. Il a été arrêté en 2020 et accusé de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Il est détenu depuis sans avoir subi de procès[118].
Ruhollah Zam, journaliste, Iran
Ruhollah Zam était journaliste et dirigeait la chaîne antigouvernementale Amad News sur l’application de messagerie Telegram. Il s’est fait convaincre de revenir en Iran en 2019 après son exil en France, a été arrêté, jugé et forcé d’avouer qu’il avait attisé la dissidence publique à la télévision. Il a été exécuté en décembre 2020[119].
Ryan Law, Apple Daily, Hong Kong
Ryan Law, journaliste, était le rédacteur en chef du Apple Daily, un journal de Hong Kong. Il a été arrêté en juin 2021 en vertu de la loi sur la sécurité nationale et accusé d’avoir comploté avec des forces étrangères[120]. Il est détenu sans avoir subi de procès.
Wang Bingzhang, militant des droits de la personne, Chine
Wang Bingzhang, un Canadien d’origine chinoise, dirigeait le Mouvement pour la démocratie en Chine. Il a été enlevé au Vietnam et ramené en Chine en 2002, où il a été condamné à la prison à perpétuité en isolement pour des infractions comme la transmission de secrets militaires et le complot terroriste[121].
Zahra Kazemi, journaliste, Iran
Zahra Kazemi était une photojournaliste canadienne d’origine iranienne qui a été arrêtée et détenue en 2003 alors qu’elle prenait des photos des familles de prisonniers à l’extérieur de la prison Evin à Téhéran. Elle est décédée dans un hôpital militaire quelques semaines après des suites de blessures infligées par des enquêteurs[122].
[1] SDIR, Procès-verbal, 14 février 2022.
[2] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Rachael Kay, directrice exécutive adjointe, IFEX).
[3] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Farida Deif, directrice au Canada, Human Rights Watch).
[4] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Guilherme Canela de Souza Godoi, chef, Liberté d’expression et sécurité des journalistes, Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture); voir UNESCO, Le journalisme est un bien public : tendances mondiales en matière de liberté d’expression et de développement des médias.
[5] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Godoi).
[6] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Mark Clifford, président, The Committee for Freedom in Hong Kong); SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Deif); SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Maria Ressa, directrice générale et présidente, Rappler).
[7] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Kay).
[8] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Deif).
[9] Ibid.
[10] Ibid.
[11] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Clifford).
[12] Lucina Di Meco et Kristina Wilfore, White Paper: Canadian Women Leaders’ Digital Defence Initiative, 2021. Mémoire présenté au SDIR par Maria Ressa [traduction].
[13] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Kay).
[14] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Ressa).
[15] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Ressa); SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Clifford).
[16] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Deif).
[17] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Clifford).
[18] Ibid.
[19] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Matthew Leung, ancien journaliste, Ming Pao Daily, Hong Kong, à titre personnel).
[20] Ibid.
[21] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Deif).
[22] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Ressa).
[23] Ibid.
[24] Ibid.
[25] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Deif).
[26] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Clayton Weimers, directeur adjoint, Bureau de Reporters sans frontières à Washington D.C.).
[27] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Weimers).
[28] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Deif).
[29] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Judith Abitan, directrice exécutive, Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne).
[30] Ibid.
[31] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Abitan).
[32] La Coalition pour la liberté des médias est issue de la collaboration interrégionale de 52 pays et défend proactivement la liberté des médias au pays et à l’étranger. Pour de plus amples renseignements, voir : Media Freedom Coalition, About [disponible en anglais seulement].
[33] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Yonah Diamond, conseiller juridique, Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne).
[34] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Nazanin Boniadi, actrice et ambassadrice, Amnestie internationale du Royaume‑Uni, à titre personnel).
[35] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Diamond).
[36] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Boniadi).
[37] Ibid.
[38] Ibid.
[39] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Diamond).
[40] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Weimers).
[41] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Godoi); SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Diamond).
[42] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Godoi).
[43] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Ressa).
[44] Ibid.
[45] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Boniadi).
[46] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Abitan).
[47] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Boniadi).
[48] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Kay).
[49] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Rachel Pulfer, directrice exécutive, Journalists for Human Rights).
[50] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Deif).
[51] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Diamond).
[52] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Godoi).
[53] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Deif).
[54] Ibid.
[55] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Clifford).
[56] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Deif).
[57] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Godoi).
[58] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Clifford).
[59] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Leung).
[60] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Clifford).
[61] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Deif).
[62] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Ressa).
[63] Ibid.
[64] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Diamond).
[65] Ibid.
[66] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Deif).
[67] Ibid.
[68] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Clifford).
[69] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Deif).
[70] Ibid.
[71] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Ressa).
[72] Ibid.
[73] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Godoi).
[74] Ibid.
[75] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Deif); SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Boniadi); SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Ressa).
[76] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Deif).
[77] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Ressa).
[78] Ibid.
[79] Ibid.
[80] Ibid.
[81] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Weimers).
[82] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Godoi).
[83] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Pulfer).
[84] Ibid.
[85] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Pulfer).
[86] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Weimers).
[87] Ibid.
[88] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Deif).
[89] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Pulfer).
[90] Rachel Pulfer, « Emergency visas could help journalists in risky countries » The Globe and Mail, le 17 février 2022 [disponible en anglais seulement].
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[92] NIAC Action, « Atena Daemi Releases Video After Release from Prison », 7 février 2022 [disponible en anglais seulement].
[93] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Boniadi); NIAC Action, « Atena Daemi Releases Video After Release from Prison », 7 février 2022 [disponible en anglais seulement].
[94] Journalism Is Not A Crime, « Baktash Abtin », 18 févirer 2022 [disponible en anglais seulement].
[95] SDIR, Témoignages, 21 mars 2022 (Diamond); Journalism Is Not A Crime, « Baktash Abtin », 18 février 2022 [disponible en anglais seulement].
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[97] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Clifford).
[98] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Clifford).
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[120] SDIR, Témoignages, 28 mars 2022 (Clifford).
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