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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 096 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 13 juin 2023

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Bienvenue à la 96e réunion du Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 2 mai 2023 et à la motion adoptée le 7 mars 2023, le Comité se réunit pour discuter de l'état actuel du financement vert, des investissements verts, du financement de la transition, ainsi que de la transparence, des normes et de la taxonomie.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Des députés sont présents dans la salle et d'autres participent à distance à l'aide de l'application Zoom.
     J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône de microphone pour activer votre micro. Veuillez mettre votre micro en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
    En ce qui concerne l'interprétation pour ceux qui sont sur Zoom, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser leur oreillette pour sélectionner le canal souhaité.
    Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Les députés présents dans la salle sont priés de lever la main s'ils souhaitent prendre la parole. Les députés qui participent sur Zoom doivent utiliser la fonction « Lever la main ». Le greffier et moi-même ferons de notre mieux pour gérer l'ordre des interventions. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
     J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins.
     Parmi nous, à titre personnel, nous accueillons la présidente et directrice générale de l'University Pension Plan Ontario, Barbara Zvan.
     D'Environmental Defence Canada, nous avons Julie Segal, responsable de programme en matière de finance climatique.
     De Greenpeace Canada, nous accueillons Keith Stewart, stratège principal en matière d'énergie.
     Pour le Conseil d'action pour la finance durable, nous accueillons sa présidente, Kathy Bardswick.
     Enfin, de la RealClear Foundation, nous accueillons Rupert Darwall, agrégé supérieur.
     Bienvenue à tous nos témoins. Nous allons vous permettre de présenter d'abord vos déclarations liminaires aux membres avant de passer aux questions.
    Nous commencerons par Mme Barbara Zvan, s'il vous plaît.
    Bonjour à tous. Je m'appelle Barb Zvan. Je suis présidente et cheffe de la direction de l'University Pension Plan. Je préside le groupe d'experts techniques sur la taxonomie du Conseil d'action en matière de finance durable et j'ai été membre du Groupe d'experts du Canada sur la finance durable.
     J'ai déjà comparu devant ce comité pour parler de votre rapport de février 2020, « Idées canadiennes: Tirer parti de nos atouts », qui contenait 92 recommandations, dont la première était que le gouvernement « [a]dopte les recommandations du Groupe d'experts sur les finances durables qui relèvent de la compétence fédérale et soutiennent les autres juridictions et le secteur privé à faire de même ».
     Les recommandations du Groupe d'experts comprenaient la création du Conseil d'action en matière de finance durable et la réunion des principales parties prenantes pour élaborer des taxonomies vertes et de transition canadiennes. Comme nous l'avons noté en 2019, sans les éléments essentiels, « l'évolution des marchés et l'investissement dans ce domaine continueront à être en retard, et la finance durable demeurera un simple complément des activités principales sur les marchés financiers ».
     Aujourd'hui, je suis ici en tant que représentante du milieu de la finance pour parler du besoin urgent pour le Canada de mettre en œuvre une taxonomie verte et de transition et de l'immense risque économique de ne pas financer la transition vers un monde résilient et carboneutre.
     Je commencerai par un chiffre considérable: 115 milliards de dollars. C'est l'ampleur du déficit d'investissement annuel que le Canada doit combler pour respecter ses engagements en matière de transition vers la carboneutralité, selon les données fournies par le secrétariat du Conseil d'action en matière de finance durable et confirmées dans le budget de l'année dernière.
     Alors, où trouver 115 milliards de dollars chaque année? Le gouvernement ne peut combler ce besoin à lui seul. Les acteurs financiers nationaux ne peuvent pas le faire seuls. Nous devons attirer des investisseurs privés du Canada et de l'étranger, désireux de financer des projets compatibles avec les objectifs de carboneutralité.
     L'intérêt et la demande sont là, comme en témoigne la croissance de produits tels que les obligations vertes, mais nous devons de toute urgence clarifier et orienter la transition du Canada afin d'accélérer le flux de capitaux pour la soutenir et, en retour, créer de nouveaux emplois bien rémunérés et faire croître l'économie canadienne.
     La marche à suivre existe déjà. Dans le monde entier, plus de 30 taxonomies sont déjà en place ou en cours d'élaboration, généralement axées exclusivement sur les activités vertes, chacune étant adaptée à un pays ou à une région spécifique afin de relier les marchés mondiaux des capitaux à leur trajectoire respective vers la carboneutralité. Une taxonomie canadienne renforcerait la confiance des investisseurs et soutiendrait la croissance du marché canadien de la finance durable. C'est essentiel pour garantir que les entreprises canadiennes ont accès à une source fiable de capitaux au fil du temps afin de soutenir des plans crédibles de transition vers l'économie carboneutre et de nouvelles possibilités économiques.
     Le gouvernement fédéral dispose du rapport du Conseil d'action en matière de finance durable sur la feuille de route de la taxonomie vers des instruments verts et sur la transition depuis novembre 2022. Ce rapport fournit non seulement des orientations sur la normalisation de la classification des activités vertes, une étape importante pour atténuer l'écoblanchiment, mais fait unique au Canada, il comprend également une classification de la transition qui est cruciale pour décarboniser les activités à forte intensité d'émissions et assurer la compétitivité économique du Canada dans une transition mondiale vers une économie faible en carbone.
     Cette catégorie de transition comprend la décarbonisation de la production de combustibles fossiles d'une manière crédible et efficace. Sean Kidney, PDG de la Climate Bonds Initiative, une ONG internationale qui s'efforce de mobiliser des capitaux pour l'action climatique, a décrit la proposition du CAFD de créer une catégorie de transition comme un exemple pour les autres pays.
     Alors que d'autres pays mettent en œuvre des cadres de mobilisation des capitaux, le Canada est laissé pour compte. Les entreprises et les investisseurs sont prêts à investir dès maintenant dans le pays ou la région qui offre non seulement les meilleurs débouchés, mais aussi la certitude que l'investissement sera harmonisé avec la transition du pays vers la carboneutralité. Le Canada ne peut pas se permettre d'être à la traîne. Il ne peut pas se permettre que d'autres régions définissent la transition sans lui ou à sa place.
    Je vous remercie de votre attention et je suis impatiente de répondre à vos questions.
(1105)
    Merci, madame Zvan.
     Nous passons maintenant à Mme Julie Segal. Allez‑y, je vous en prie.
    Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître.
     Je m'appelle Julie Segal et je dirige un programme de politiques en matière de finance climatique à Environmental Defence Canada. Je suis l'auteure d'une feuille de route stratégique pour un système de finance durable au Canada que nous avons publiée en novembre dernier. J'ai également apporté une contribution publique essentielle au projet de taxonomie durable et à la loi sur le financement de la lutte contre le changement climatique qui est actuellement à l'étude au Sénat.
     Des milliers d'entreprises, de banques et de caisses de retraite, y compris toutes les grandes banques canadiennes et environ 60 % des plus grandes entreprises mondiales, se sont engagées volontairement à atteindre la carboneutralité. Sur ce groupe, seuls 4 % ont satisfait aux exigences de base pour respecter leurs propres engagements, comme la publication d'un plan ou la fixation d'objectifs intermédiaires à court terme. Cela signifie que la majorité des groupes ne progressent pas dans la réalisation de leurs propres engagements en matière de réduction des émissions. Ils reconnaissent que l'action est importante, mais en faire la démonstration concrète.
     Si les groupes ont promis de faire quelque chose d'important, mais que la majorité d'entre eux ne le font pas, la politique de financement vert devrait intervenir pour les mettre sur la bonne voie.
     Par souci de cohérence avec les engagements climatiques du Canada au titre de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité et de l'Accord de Paris mondial, il est important d'adopter des règles visant à harmoniser le secteur de la finance avec les engagements climatiques. D'autres secteurs de l'économie canadienne sont soumis à des règles de réduction des émissions. Une orientation complémentaire est nécessaire pour le secteur de la finance, au‑delà des mesures incitatives en vigueur, afin de mobiliser les investissements verts.
     Les règles relatives au financement de la lutte contre le changement climatique sont également importantes pour rester au diapason de nos alliés mondiaux. Je vous invite à vous concentrer sur le Royaume-Uni et l'Union européenne, qui ont décrété l'obligation d'instaurer un système financier carboneutre et qui ont mis en place des règles permettant directement au secteur de la finance de progresser dans la mise en oeuvre des engagements climatiques. Comme les lois européennes sur la finance durable touchent déjà plus de 1 300 entreprises canadiennes, il est logique que le Canada s'aligne sur la trajectoire mondiale. Cela nécessite une politique explicite sur le financement de la lutte au changement climatique.
     C'est pourquoi je suis très heureuse que le comité des finances mène cette étude. La récente motion qui a été déposée et qui stipule que le gouvernement devrait utiliser tous les outils législatifs et réglementaires à sa disposition pour harmoniser le système financier du Canada avec l'Accord de Paris est un pas dans la bonne direction. Cette motion a été déposée à la Chambre. Je suis ravie de l'appui multipartite apporté à cette motion et je félicite nombre d'entre vous et de vos collègues qui l'ont appuyée.
     Je vais présenter quelques mesures stratégiques spécifiques que le Parlement peut prendre pour donner suite à cette motion.
    Tout d'abord, une taxonomie de la finance durable devrait être instaurée par voie législative. Ses catégories et ses paramètres doivent être basés sur ce qui est scientifiquement nécessaire pour maintenir le réchauffement climatique à 1,5 degré. Nous souscrivons à l'étape suivante, à savoir une consultation beaucoup plus large sur la taxonomie, avec la participation d'experts du climat, y compris de la société civile. Plus important encore, nous demandons que le produit final soit converti en un règlement et qu'il soit lié à des exigences de divulgation, comme c'est le cas dans l'Union européenne.
    L'établissement d'une définition de la transition est une entreprise délicate. Nous souscrivons à l'adoption d'une telle définition. Des secteurs comme l'acier et le ciment ont des émissions élevées aujourd'hui, mais ils créent des matériaux qui sont importants pour une économie à faibles émissions. Je tiens à souligner que la capture du carbone pour les activités pétrolières et gazières ne devrait pas être considérée comme une transition durable.
     Deuxièmement, nous suggérons d'exiger des plans de transition climatique crédibles pour toutes les institutions financières, entreprises et sociétés d'État sous réglementation fédérale. Un plan de transition climatique crédible consiste à suivre la voie de ce qui est scientifiquement nécessaire pour limiter le réchauffement à 1,5 degré, ce qui signifie de veiller que les émissions de chaque institution atteignent leur maximum d'ici 2025 et qu'elles diminuent de moitié d'ici 2030. Telle est l'exigence d'un plan de transition climatique crédible.
     La réglementation peut imposer ces exigences relatives aux plans de transition climatique crédibles à l'ensemble de l'économie canadienne. Les plans de transition des entreprises peuvent être exigés en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Les sociétés d'État peuvent être soumises à la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité. En ce qui concerne les institutions financières sous réglementation fédérale, nous avons eu des conversations constructives avec le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, dans le cadre d'une relation de travail continue. Nous sommes d'avis que le BSIF peut promouvoir des plans de transition climatique crédibles pour les institutions financières sous réglementation fédérale.
     Le Canada a subi des pertes assurables de plus de 5 000 milliards de dollars au cours des deux dernières années. À l'avenir, plus de 100 milliards de dollars d'actifs canadiens risquent de perdre de leur valeur en raison de la lenteur des institutions financières à opérer la transition climatique.
(1110)
    La meilleure façon de réduire ces pertes financières liées au climat est d'atténuer le changement climatique. Exiger des plans de transition climatique crédibles dans l'ensemble du secteur financier est un moyen très important d'y parvenir. Pour construire une économie abordable pour les habitants de tout le Canada et un climat à l'abri des catastrophes telles que les incendies de forêt qui font rage dans chacune de nos provinces, il est essentiel d'avoir un système financier aligné sur le climat.
    Je vous encourage tous à promulguer des politiques qui garantissent que les institutions financières sous réglementation fédérale réduisent les émissions et renforcent la résilience face au changement climatique.
    Merci, madame Segal.
     Nous entendrons maintenant le porte-parole de Greenpeace Canada, M. Keith Stewart, si vous voulez bien.
    Je vous remercie de m'offrir l'occasion de m'adresser à vous.
     Je m'appelle Keith Stewart et je suis stratège principal en matière d'énergie chez Greenpeace Canada. Je suis aussi chargé de cours à l'Université de Toronto, où j'enseigne la politique énergétique et environnementale.
    Bien que les finances et les taxonomies vertes puissent sembler être des domaines de politique particulièrement obscurs, ils sont incroyablement importants à l'heure actuelle. La finance est l'élément vital de l'industrie des combustibles fossiles, et lorsque ce genre d'argent et de pouvoir entre en jeu, il y a forcément de la politique. C'est ainsi que le monde fonctionne.
     Dans le temps qui m'est imparti, je voudrais souligner que nous ne pouvons pas comprendre la situation actuelle de la finance verte sans tenir compte de certaines de ces politiques.
     La semaine dernière, Greenpeace Canada a publié un rapport intitulé Désengagement climatique: que faire face à la « démission silencieuse » des banques canadiennes? Des exemplaires vous ont été distribués.
     Lorsque j'ai commencé à travailler sur ce rapport, il était axé sur le fait que les cinq grandes banques canadiennes ne respectaient pas les critères scientifiques de l'ONU en matière de carboneutralité, et ce, malgré qu'elles soient membres de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero, dont les critères d'adhésion ont été définis par les Nations unies. Une campagne de l'ONU, Objectif zéro, fixe des critères pour plusieurs initiatives volontaires de ce type prises par des municipalités, des entreprises, des banques et des investisseurs. Ces critères comprennent l'arrêt immédiat du financement de projets d'expansion de l'exploitation de combustibles fossiles et la réduction de moitié des émissions financées d'ici 2030.
     Pour les banques canadiennes, la pente est raide. Leur soutien aux combustibles fossiles s'est en fait accru depuis la signature de l'Accord de Paris. L'an dernier, la RBC a été le plus grand bailleur de fonds des combustibles fossiles parmi les banques mondiales. Les quatre autres grandes banques se sont toutes classées parmi les 15 premières banques mondiales à cet égard. Collectivement, la part des cinq grandes banques canadiennes dans le financement des combustibles fossiles parmi les 60 plus grandes banques du monde est passée de 14 % en 2016 à plus de 20 % en 2022. En fait, nous jouons un rôle plus important qu'avant dans le financement des combustibles fossiles.
    L'ONU a adopté une ligne dure contre ce qu'elle appelle l'écoblanchiment et a donné aux membres de la GFANZ jusqu'au 15 juin 2023 — soit dans deux jours — pour satisfaire aux critères de l'ONU ou risquer d'être exclus de la campagne Objectif zéro, de sorte que les banques se sont retirées discrètement.
     En octobre dernier, la GFANZ a modifié ses critères d'adhésion, passant de « tous les membres de la GFANZ doivent s'aligner sur les critères de la campagne Objectif zéro » à « prendre note des avis et orientations de la campagne Objectif zéro ». Autrement dit, les grands argentiers peuvent désormais faire ce qu'ils veulent et appeler cela « Objectif zéro » sans avoir de normes globales à respecter.
     Ce changement a été motivé par la menace de politiciens républicains et des gouvernements de certains États américains de poursuivre les membres de la GFANZ en vertu de la loi antitrust pour s'être entendus contre les combustibles fossiles. Pour être clair, ces politiciens n'utilisent pas les lois antitrust pour poursuivre les géants de la technologie ou les fabricants de médicaments qui abusent de leur position sur le marché, mais ils visent les banques et les gestionnaires d'investissements susceptibles de réduire les investissements dans les combustibles fossiles.
     On pourrait être tenté de dire: « Ah, encore ces folles guerres culturelles américaines ». Ce serait naïf.
     Lorsque le New York Times a examiné plus de 10 000 pages de documents et de courriels relatifs à la montée du mouvement anti-ESG, il a découvert que c'étaient les compagnies pétrolières, charbonnières et gazières et leurs associations industrielles qui avaient militarisé — c'est l'expression du New York Times, pas la mienne — les trésoriers des États républicains contre le désinvestissement des combustibles fossiles. Dans de nombreux cas, ce sont les mêmes organisations, comme le Heartland Institute, qui étaient au coeur des campagnes antérieures de déni du changement climatique et qui mènent aujourd'hui la charge contre les critères ESG et la finance verte.
     En fait, il faut voir la campagne contre la finance verte comme la plus récente incarnation du déni du changement climatique. Il s'agit d'une campagne bien financée et orchestrée visant à défendre les intérêts et les profits de l'industrie des combustibles fossiles en retardant la transition vers les énergies propres. Nous ne devrions toutefois pas tomber dans le panneau une nouvelle fois.
     J'aimerais vous faire valoir qu'en présentant les engagements volontaires envers la carboneutralité comme une collusion, le lobby des combustibles a trop présumé de ses forces. Cette attitude a mis à nu les limites de l'autorégulation de l'industrie.
(1115)
    Si une initiative comme celle de la GFANZ devait changer vraiment quoi que ce soit au statu quo, les membres seront poursuivis pour collusion — la moitié des compagnies d'assurances membres de la GFANZ ont quitté le navire à cause de cette crainte — et pourtant, vous ne pouvez pas être accusé de collusion pour avoir respecté des exigences réglementaires. La seule voie viable à l'heure actuelle est que les gouvernements établissent et appliquent des règles claires qui harmoniseront le financement privé avec nos engagements climatiques. Les banques n'aimeront pas ça, mais le public, oui. Selon un sondage réalisé par Greenpeace Canada, 70 % des Canadiens souscrivent à une réglementation visant à harmoniser le financement avec nos engagements climatiques.
     Dans notre récent rapport, nous soulignons le travail de ma collègue, Julie Segal, d'Environmental Defence, sur la manière d'entamer ce processus dans le cadre des lois en vigueur. Nous indiquons aussi comment nous pouvons l'approfondir grâce à une loi comme celle proposée par la sénatrice Rosa Galvez.
    Monsieur Stewart, vous devez conclure, s'il vous plaît.
    Très bien.
     Nous avons été particulièrement encouragés par l'appui récent de tous les partis au recours à tous les outils législatifs et réglementaires à leur disposition. Nous espérons que nous pourrons nous atteler à la tâche.
     Je vous remercie de votre attention.
    Merci, monsieur Stewart. Nous aurons tout le temps d'approfondir ce point lors des questions des députés.
     Nous passons maintenant au Conseil d'action en matière de finance durable et à Kathy Bardswick.
(1120)
     Je vous remercie de m'offrir l'occasion de m'exprimer.
    Je vous parle aujourd'hui en ma qualité de présidente du Conseil d'action en matière de finance durable, que je désignerai dorénavant le CAFD. J'ai près de 40 ans d'expérience dans le secteur de l'assurance nationale et internationale, où j'aide des particuliers, des entreprises et des gouvernements à évaluer et à gérer les risques. C'est dans cette optique que j'en suis venue à mesurer les défis et les occasions indéniables créés par le changement climatique.
     Je vous félicite pour votre examen de l'état de la finance durable au Canada et, je l'espère, pour l'engagement qui en résultera de prendre des mesures supplémentaires lorsque cela sera justifié. Je félicite aussi le gouvernement fédéral d'avoir donné suite à une recommandation clé du rapport du Groupe d'experts sur la finance durable en créant le CAFD. Je suis convaincue que ces deux actions témoignent de notre volonté commune de concrétiser une vision pour le Canada qui définit le rôle constructif que notre pays a joué et continuera de jouer à mesure que le monde se décarbonise, tout en reconnaissant que la mise en oeuvre fructueuse de cette vision exige désormais une collaboration et des niveaux de coopération sans précédent.
     Le CAFD est l'une de ces collaborations. Tout d'abord, il a officiellement réuni 25 institutions financières représentant des investisseurs, des prêteurs et des assureurs, une occasion exceptionnelle d'harmoniser les points de vue des différents sous-secteurs du système financier privé. Cela s'est révélé inestimable pour mieux comprendre et soutenir les rôles essentiels que le secteur financier privé doit jouer pour réaliser les objectifs économiques du Canada.
    Ensuite, il a permis de réunir autour d'une même table les dirigeants de la finance fédérale, provinciale et territoriale, qui ont travaillé aux côtés du CAFD par l'entremise du groupe de coordination sectorielle officiel, ce qui a permis une compréhension et un soutien mutuellement bénéfiques des objectifs de l'un et de l'autre.
    Par ailleurs, il a fourni de nombreuses occasions de faire participer une liste beaucoup plus large de parties prenantes, tant au Canada qu'à l'étranger, tandis que le CAFD s'emploie à s'acquitter de son mandat. Cette liste comprend l'industrie, la société civile et le milieu universitaire, en plus des activités de sensibilisation et des collaborations internationales que nous avons mises à profit.
    Enfin, le travail que nous avons accompli jusqu'à présent a un impact, est fortement soutenu par une part très importante du système financier privé du Canada et mérite d'être poursuivi.
     Vous avez entendu ma collègue, Barbara Zvan, dont les commentaires portaient sur un examen plus approfondi du rôle crucial des taxonomies dans les économies du monde entier et de l'importance cruciale d'établir et de mettre en œuvre une taxonomie au Canada. Vous avez aussi entendu des voix internationales qui ont lancé un appel à l'action pour que le Canada continue d'exercer son influence sur le discours mondial et la renforce à certains égards.
     Dans un rapport remis au gouvernement au début de février, les équipes chargées d'autres volets du travail du CAFD ont souligné la nécessité de faire des progrès en matière de divulgation des données climatiques sur les marchés publics et privés, en s'harmonisant avec l'évolution et la situation internationales. Notre travail actuel consiste à déterminer comment augmenter le flux de capitaux privés vers les investissements de transition canadiens au moyen d'une série d'études de cas axées sur des secteurs sélectionnés et conçues pour formuler des recommandations hautement prioritaires afin d'aplanir les obstacles. Nous prévoyons de terminer ce rapport d'ici la fin de l'année.
     Tout cela, et bien plus encore, est nécessaire si nous voulons renforcer la capacité du Canada en matière de finance durable et nous assurer d'attirer les niveaux accrus de capitaux nationaux et internationaux nécessaires pour continuer à prospérer au fur et à mesure que le monde se transforme. Il est vraiment gratifiant de constater la mobilisation et la contribution des membres du CAFD au cours des deux dernières années, dans le but commun d'aider le Canada à prospérer dans les années à venir. Les membres du Conseil ont fait preuve d'un grand leadership et ont consacré beaucoup de temps et de ressources aux tâches à accomplir. J'espère sincèrement que ces efforts seront récompensés par un niveau élevé et soutenu de collaboration de la part des décideurs politiques afin de faire progresser ce travail essentiel.
     Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci, madame Bardswick.
     C'est maintenant le tour de M. Rupert Darwall de la Realclear Foundation.
     Je suis Rupert Darwall de la Realclear Foundation. [Difficultés techniques]
    Monsieur Darwall, je crois que la transmission vient de bloquer.
     Nous allons essayer de le récupérer. Nous allons communiquer avec M. Darwall pour voir si nous pouvons régler le problème rapidement.
     Pour l'instant, mesdames et messieurs, afin de ne pas perdre de temps avec nos excellents témoins, nous allons passer directement aux séries de questions.
     Au premier tour...
(1125)
    Monsieur le président, je suis désolé. L'application Zoom m'a simplement lâché. Si vous avez un moment, puis‑je...
    Pouvez-vous nous entendre?
    Oui, je vous entends très bien, monsieur le président.
    D'accord, vous avez la parole. Allez‑y, monsieur Darwall.
    Merci beaucoup.
     Le financement de la transition énergétique peut être décomposé en deux flux de capitaux: l'augmentation des immobilisations dans la production d'énergie renouvelable et les sorties de capitaux dues à la forte réduction des investissements dans le secteur du pétrole et du gaz. L'objectif de la transparence et de la divulgation des indicateurs liés au climat est en grande partie d'influencer sur ces deux flux. Comme M. Mark Carney l'a dit, ce qui est mesuré est géré et c'est pourquoi la communication de données financières liées au climat est essentielle si nous voulons parvenir à la carboneutralité.
     Bien que l'afflux de capitaux dans les énergies renouvelables n'est pas conditionnel à la sortie de capitaux du secteur pétrolier et gazier, bien des gens estiment que cette sortie de capitaux est un élément clé de la transition énergétique.
     Si vous me le permettez, j'aimerais limiter mes commentaires au deuxième élément, à savoir la réduction des investissements dans la production de pétrole et de gaz.
     Ce point de vue a été renforcé en mai 2021 lorsque l'Agence internationale de l'énergie a publié « Net Zero by 2050: A Roadmap for the Global Energy Sector ». Selon l'énoncé principal de cette feuille de route, aucune prospection de combustibles fossiles n'est nécessaire, dans un scénario misant sur la carboneutralité, et aucun nouveau gisement de pétrole ou de gaz n'est nécessaire en dehors de ceux dont l'exploitation a déjà été approuvée.
     Le moment choisi pour cet énoncé était stratégique, puisqu'il arrivait à la veille de la conférence sur le climat COP26 à Glasgow, qui avait été reportée. Si cette conférence portait sur un sujet, c'était bien sur la finance. Comme nous le savons, cette conférence a abouti à la formation de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero. Alors qu'il était chancelier de l'Échiquier, Rishi Sunak avait expliqué que la Glasgow Financial Alliance for Net Zero a pour but de rassembler des actifs financiers d'une valeur de plus de 130 000 milliards de dollars. Il a ajouté que notre troisième action consiste donc à recâbler l'ensemble du système financier mondial en vue d'atteindre la carboneutralité.
     Cela soulève une importante question philosophique ou, peut-être, idéologique, car cela implique la socialisation de l'épargne privée et l'affectation de capitaux privés à des objectifs établis dans des politiques publiques. Une façon de contourner ce problème a été de prétendre qu'il n'y a pas de conflit ou de tension entre la réalisation des objectifs des politiques publiques et le devoir des fiduciaires de maximiser les rendements ajustés au risque pour les bénéficiaires, parce que l'investissement ESG offre des rendements plus élevés. Comme le dit Wall Street, « faire de bonnes affaires en faisant une bonne action ».
    Cependant, aussi beau que cela puisse paraître, cette approche est en contradiction avec la théorie moderne du portefeuille et Tim Buckley, le directeur général de Vanguard, le deuxième gestionnaire d'actifs au monde, l'a rejetée au début de l'année, en joignant le geste à la parole: Vanguard a elle aussi quitté l'initiative des gestionnaires d'actifs carboneutres, qui fait partie de la GFANZ.
    Lorsque des investisseurs qui respectent les critères d'ESG adoptent le point de vue de l'Agence internationale de l'énergie, ou AIE, selon lequel il ne faut pas investir dans de nouveaux gisements de pétrole et de gaz, nous n'avons pas à trancher cette question philosophique, pour la raison que je vais expliquer maintenant.
     La première chose à comprendre est que le point de vue de l'AIE sur l'absence d'investissement dans de nouveaux gisements de pétrole et de gaz découle de son hypothèse selon laquelle la supériorité des énergies renouvelables réduit la demande de pétrole et de gaz naturel. Cette hypothèse se reflète dans les prévisions de l'AIE concernant les prix bas et en baisse du pétrole et du gaz, favorables à la carboneutralité. Pour être clair, l'AIE n'a pas préconisé une voie vers la carboneutralité fondée sur la limitation de la production de pétrole et de gaz et la destruction de la demande par des augmentations de prix stratosphériques. Pourtant, les données de la feuille de route de l'AIE vers la carboneutralité démontrent l'infériorité et l'inefficacité des énergies renouvelables en tant que substituts du pétrole et du gaz.
     D'ici 2030, l'AIE affirme que la transition énergétique emploiera près de 25 millions de travailleurs supplémentaires et utilisera 16,5 billions de dollars de capitaux en plus pour produire 7 % d'énergie en moins. L'inefficacité de la transition énergétique implique une chute de 33 % de la production d'énergie par employé dans le secteur de l'énergie — c'est‑à‑dire plus de terrains, de travail et de capitaux pour produire moins. C'est l'antithèse de l'économie de la croissance. En effet, la propre analyse de l'AIE contredit sa présomption de la supériorité économique des énergies renouvelables.
(1130)
     En 2022, dans son « World Energy Outlook », l'AIE a averti que la réduction de l'offre de pétrole et de gaz n'est pas un substitut à la réduction de la demande. Elle précise que:
La réduction des investissements dans les combustibles fossiles avant la mise en œuvre d'une politique et des investissements dans les énergies propres visant à réduire la demande d'énergie, ou en remplacement de telles mesures, ne conduirait pas aux mêmes résultats que le scénario misant sur la carboneutralité. Si l'offre devait évoluer plus rapidement que la demande, avec une baisse des investissements dans les combustibles fossiles précédant une montée en puissance des technologies énergétiques propres, cela engendrerait des prix beaucoup plus élevés, peut-être pour une période prolongée...
    Monsieur Darwall, vous devez conclure.
    Oui.
     Je dirais que cela laisse très peu de marge de manoeuvre aux investisseurs qui respectent les critères ESG en ce qui concerne les sociétés pétrolières et gazières, puisque leur seul levier est d'interdire les investissements dans de nouveaux gisements de pétrole et de gaz.
    Je vous remercie de votre indulgence.
    Merci, monsieur Darwall.
    Merci à tous nos témoins pour leurs déclarations liminaires.
    Nous allons maintenant passer aux questions des députés. Au cours du premier tour, chaque parti disposera d'au plus six minutes pour vous interroger. Nous commençons par les conservateurs.
    Monsieur Morantz, vous disposez de six minutes, je vous en prie.
     Je remercie tous les témoins de leur présence. Nous avons tenu plusieurs réunions sur la finance verte. Je dois dire que c'est très, très intéressant.
     Madame Zvan, je veux vous adresser ma première question. Vous êtes la présidente et cheffe de direction de l'Ontario University Pension Plan. Sur votre site Web, on peut lire que l'objectif déclaré de votre caisse de retraite est d'investir dans des activités économiques qui contribuent de manière substantielle à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ou à l'adaptation au changement climatique.
    Je suppose que ce que j'essaie de comprendre, c'est qu'en tant que gestionnaire d'une caisse de retraite, votre objectif principal est normalement de maximiser les rendements pour les investisseurs qui en font partie. Après tout, c'est leur retraite qui en dépend. Je me demande si vous avez des données sur les activités économiques dans lesquelles vous investissez pour savoir si elles offrent ou non un rendement équivalent à celui d'actifs qui ne seraient pas définis ainsi.
    Si nous revenons en arrière pour les besoins de l'UPP, nous versons des pensions. Nous sommes un fiduciaire pour nos membres, y compris probablement Keith Stewart ici présent. Notre objectif est d'assurer un rendement ajusté au risque pour faire face à nos engagements en matière de retraite. C'est dans cette optique que nous prenons en compte de nombreux facteurs, notamment environnementaux, sociaux et de gouvernance. Une documentation et des recherches bien établies de la Stern School of Business, de Harvard et d'Oxford montrent que lorsque vous incluez des facteurs ESG matériels, non pas immatériels, mais matériels, ceux‑ci améliorent vos résultats en matière de risque et de rendement. C'est cette optique que nous appliquons au portefeuille de l'University Pension Plan.
    Nous pensons que cela fait de nous de meilleurs investisseurs et de meilleurs gestionnaires du risque, et cela nous amène à penser à l'avenir, puisqu'en réalité, nous sommes des investisseurs générationnels. Nous investissons pour 80 ans, depuis le moment où un membre adhère à notre régime jusqu'à celui où nous lui versons son dernier chèque de pension.
    En dehors de ces études, la pratique a‑t‑elle montré que ces investissements sont équivalents ou supérieurs à ceux qui ne répondent pas à la définition?
    Avant de travailler à l'University Pension Plan, j'ai travaillé environ 25 ans au Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario comme cheffe du groupe Stratégie et risque. J'ai probablement participé à toutes les réunions des comités d'investissement au cours de ma carrière là‑bas. C'est un facteur dans de nombreux investissements lorsque vous pensez à la durée pour laquelle vous investissez dans des actifs privés, en particulier à long terme. Ce sont des facteurs que nous prenons en compte dès le départ, qu'il s'agisse de facteurs environnementaux, sociaux ou de gouvernance.
     Je vous renvoie à certaines des dernières nouvelles rendues publiques concernant Blackstone et son investissement dans le travail des enfants aux États-Unis...
    Je suis désolé, je n'ai pas beaucoup de temps. La réponse devrait être assez simple.
     Je veux simplement savoir si les investissements dans les activités que vous décrivez comme des activités économiques qui contribuent de manière substantielle à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ont un rendement similaire ou supérieur aux investissements qui ne le font pas. Une réponse brève ferait l'affaire, et...
(1135)
    Tout à fait.
    ... si vous ne le savez pas, vous pouvez le dire. Si c'est oui, vous pouvez le dire.
    Oui, tout à fait.
    Monsieur Darwall, vous semblez avoir un point de vue différent sur la question, je pense. Dans l'article que vous avez publié en décembre dernier, vous avez dit que l'année 2022 était l'année qui a ramené sur terre l'investissement fondé sur des critères ESG et vous avez souligné les pertes sectorielles majeures. Êtes-vous d'accord avec Mme Zvan lorsqu'elle dit que, selon son expérience, ces investissements ont un rendement égal ou supérieur, ou les données empiriques sont-elles différentes?
    Je dirais simplement que sa définition de ce qui est matériel demande beaucoup de travail parce que ce qui est matériel évolue.
     Je renvoie également le Comité à Tim Buckley, le chef de la direction de Vanguard, qui a expressément rejeté le point de vue avancé par votre collègue.
    Vous avez poursuivi en disant qu'en limitant les investissements et la production de pétrole et de gaz dans les pays occidentaux, les principes ESG accroissent l'emprise sur le marché des producteurs non occidentaux, ce qui permet à Poutine de militariser ses fournitures d'énergie. La carboneutralité est devenue l'alliée de Poutine.
     Pourriez-vous nous en dire plus sur cette affirmation? Elle semble très inquiétante.
    Bien sûr. Si nous prenons la feuille de route de l'AIE vers la carboneutralité pour le secteur de l'énergie, elle prévoit qu'à la fin de la période, l'OPEP détiendra 52 % du marché du pétrole. Si nous supposons alors que les sociétés pétrolières occidentales, l'Occident, se conforment à la norme de la carboneutralité, mais le reste du monde ne le fait pas, cette part de marché passe à 82 %. Essentiellement, si vous limitez les investissements des sociétés pétrolières occidentales dans le pétrole et le gaz, vous ne déplacez pas la demande, vous ne faites que pousser l'offre vers des régions très fragmentées du monde et vers de mauvais acteurs comme la Russie.
    Merci, monsieur le président. Je n'ai pas d'autres questions pour l'instant.
    Merci, monsieur Morantz.
    Nous cédons la parole aux libéraux. Madame Chatel, allez‑y, je vous en prie.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les excellents témoins d'être ici avec nous aujourd'hui.
    J'aimerais particulièrement vous remercier, mesdames Bardswick et Zvan, pour votre excellent travail sur la création d'une feuille de route sur la taxonomie. J'ai lu avec grand intérêt votre rapport et vos belles recommandations. Vous avez fait un travail extraordinaire, tout en tenant compte des changements qui ont lieu à cet égard sur la scène internationale. Je pense notamment au travail que fait l'Union européenne à cet égard.
    J'ai bien aimé aussi ce que Mme Zvan a dit. Il y avait deux choses. Premièrement, si nous n'agissons pas maintenant, nous risquons de nous retrouver derrière les autres pays, qui pourraient définir pour nous ce qu'est la finance de transition, ce que nous ne voulons pas. Nous voulons avoir notre mot à dire là-dessus. Il y a des changements qui s'en viennent. Cette année, l'Union européenne a mis en vigueur ses normes sur la finance durable et la finance verte. Le G20, comme vous le savez, a sa propre feuille de route. Vous avez mentionné 30 pays.
    Parmi vos 10 recommandations, quelles sont celles que le gouvernement canadien devrait mettre en œuvre cette année ou le plus tôt possible?
    Ensuite, quels obstacles voyez-vous à leur mise en œuvre?

[Traduction]

    Je crois que votre question s'adresse à moi, mais avec votre indulgence, monsieur le président, comme Mme Zvan a dirigé le volet des travaux sur la taxonomie pour le CAFD, je pourrais peut-être lui demander de donner des précisions sur les 10 recommandations que son équipe de travail a examinées.
    Dans le rapport, nous avons défini la phase suivante. Si vous prenez les travaux que nous avons effectués, il s'agissait en fait de créer une feuille de route. Nous n'avons pas créé le matériel nécessaire à l'élaboration de la taxonomie et les détails.
     Il y a deux parties à cela. La première consiste à mettre en place la structure de gouvernance. Notre recommandation est d'élargir la représentation au sein de cette structure de gouvernance pour qu'elle provienne majoritairement des pouvoirs publics et minoritairement du secteur de la finance, de la société civile et des titulaires de droits autochtones. C'est essentiel pour que la surveillance de la taxonomie soit crédible et reconnue à l'échelle internationale.
    La deuxième consiste à désigner les gardiens, qui sont en réalité les créateurs de la taxonomie. Il doit s'agir de personnes ayant des connaissances sur le climat et l'environnement qui peuvent aussi travailler avec des groupes d'experts techniques qui mettent à contribution l'industrie, le secteur financier, afin de régler les détails. Sans ces détails, sans la clarté et la cohérence qu'ils apportent, il serait impossible d'attirer des capitaux là où nous en avons besoin. Le Canada est confronté à une transition particulièrement difficile et, sans clarté, nous n'obtiendrons pas les capitaux des marchés internationaux.
    Ce serait les deux priorités immédiates.
(1140)

[Français]

     Merci beaucoup.
    J'ai examiné brièvement le projet de loi S‑243, qui a été déposé en seconde lecture au Sénat.
    Avez-vous eu l'occasion d'examiner ce projet de loi pour voir de quelle façon il s'insère dans votre feuille de route?

[Traduction]

     J'ai examiné attentivement le projet de loi. Je pense que son objectif est plus large que les recommandations relatives à la taxonomie qui sont propres à la mise en oeuvre d'un cadre de taxonomie pour le pays, alors que le projet de loi du Sénat envisage un engagement plus large et un régime législatif qui ferait intervenir plus largement les exigences réglementaires et législatives associées au fonctionnement plus général du secteur de la finance.
    Je ferais une distinction très nette entre ce que nous suggérons de mettre en oeuvre comme cadre taxonomique et les attentes beaucoup plus larges et inclusives que le projet de loi créerait.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Nous venons finalement d'adopter une loi de mise en œuvre du budget, ce qui n'a pas été facile.
    Deux mesures particulières ont été annoncées dans le budget. La première est la divulgation sur le climat pour les institutions réglementées par le gouvernement fédéral, entre autres pour les régimes de pension également réglementés par le gouvernement fédéral. La deuxième concerne le financement du bureau de Montréal du Conseil des normes internationales d'information sur la durabilité.
    J'aimerais entendre vos commentaires sur ces deux mesures.

[Traduction]

    Ces deux mesures se rapportent très directement à une série de recommandations que le CAFD a présentées au ministère des Finances fédéral et à ECCC, les deux ministères qui parrainent le CAFD. Nous avons recommandé d'accepter et d'intégrer un régime de divulgation beaucoup plus inclusif et obligatoire pour le pays, en veillant non seulement à ce qu'il s'adresse aux institutions financières et au rôle qu'elles jouent, mais aussi à ce qu'il englobe une stratégie élargie, fondée sur l'économie. Cette recommandation prend en compte le fait qu'en dernière analyse, la capacité effective des institutions financières à mettre en place des cibles de transition dépend largement de leur capacité à mesurer et à suivre les activités économiques de la clientèle qu'elles servent.
     Pour que les institutions financières se conforment de manière plus régulière ou plus efficace, y compris en déposant des cibles appropriées et des plans de transition provisoires, cela dépend fortement de la mesure dans laquelle nous sommes capables de mettre en œuvre les stratégies dans l'ensemble de l'économie en ce qui concerne la divulgation.
    Merci.
    Merci, madame Chatel.
    Monsieur Garon, bienvenue au sein de notre comité. Vous avez la parole pour six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins.
    Je vais adresser ma première question à Mme Zvan.
    D'abord, bonjour, madame Zvan. Je me suis intéressé à votre feuille de route sur la taxonomie.
    Dans les documents préliminaires qui ont été publiés et transmis au Comité, il est question de ce que vous qualifiez d'activités de transition. Par exemple, on envisagerait de réduire l'intensité des émissions de gaz à effet de serre, ou GES, par baril de pétrole, notamment au moyen de la capture du carbone. Ainsi, les petites centrales nucléaires modulaires pourraient produire davantage de pétrole en produisant moins d'émissions par baril, ce qui serait considéré comme une activité de transition.
    Or, si on diminue de 10 % les émissions de GES par baril et qu'on augmente la production de pétrole de 30 %, on augmente en fait nos émissions de GES, il me semble, sauf erreur, vu que les cibles canadiennes sont établies en émissions totales. En fait, la planète en a peu à faire des émissions par baril, puisqu'il s'agit d'émissions totales.
    Ce type de taxonomie ne pourrait-il pas s'apparenter à de l'écoblanchiment, dans la mesure où on pourrait laisser croire au public qu'on est en transition alors qu'en réalisé, on augmente passablement nos émissions de GES?
(1145)

[Traduction]

    Je vous remercie de votre question.
     Je vais peut-être donner un peu plus de détails sur la catégorie de transition. Il s'agit de reconnaître que nous devons nous attaquer aux activités à forte émission de gaz à effet de serre. Pour bénéficier de l'étiquette de transition, un projet doit remplir trois critères stricts qui sont alignés sur la science pour un scénario de 1,5 °C, soit des réductions d'émissions significatives; une durée de vie limitée alignée sur une voie vers la carboneutralité; et éviter ce que l'on appelle la dépendance excessive au carbone, ce qui empêche d'autres investissements. Tout projet favorisant l'expansion du pétrole ou du gaz par de nouveaux projets d'extraction a été considéré comme non viable en raison des multiples scénarios climatiques existants qui ne concordent pas avec cette étiquette. Les seuils de cette catégorie de transition évolueront au fil du temps, de sorte que ce qui est acceptable en 2025 ne le sera pas forcément en 2035.
     Si nous prenons des éléments tels que le CUSC, la taxonomie est censée être appliquée projet par projet, et non comme un feu rouge ou vert pour toute une catégorie d'activités. Si un projet de CUSC peut remplir ces trois critères stricts établis par le gardien et approuvés par le Conseil, il sera inclus. Dans le cas contraire, il ne le sera pas.
     En conséquence, je pense que cela envoie un message très clair à l'industrie et aux marchés sur ce qu'est réellement un projet de CUSC transitoire. Je pense qu'il y a un grand manque de clarté dans ce domaine, et la taxonomie peut apporter la clarté nécessaire. J'aimerais aussi souligner que dans le rapport de l'AIE, l'un des cinq principaux éléments de la réduction des émissions pour 2050 comprend le CUSC.

[Français]

     Je vous remercie.
    Je vais maintenant m'adresser à M. Stewart, de Greenpeace Canada.
    On semble fonder de grands espoirs sur la capture du carbone. Il y a deux approches. Selon moi, la capture du carbone représente une espèce d'espoir lorsqu'il ne reste plus que quelques tonnes métriques extrêmement difficiles à éliminer en bout de piste. Il y a aussi une autre approche, qui semble être l'approche canadienne: on se dit que la capture du carbone est une politique industrielle qui va nous permettre de ne pas changer notre industrie et de ne pas procéder à la transition, tout en laissant entendre qu'on est en transition.
    Je comprends toutes les nuances, et je salue vraiment le travail qui a été fait sur le plan de la taxonomie. Cependant, il me semble que l'ambiguïté entourant cette taxonomie peut renforcer l'approche canadienne, qui vise à augmenter la production en laissant croire qu'on réduit les émissions.
    Êtes-vous d'avis qu'il s'agit d'une mauvaise approche?
    Je vous remercie de votre question.
    Je vais y répondre en anglais, parce que je ne connais pas tous les termes techniques français.

[Traduction]

    La question de la finance de transition est d'une grande complexité. Le Canada est le seul pays à avoir établi cette catégorie. Du point de vue de Greenpeace, je crois que la question centrale est celle de savoir si les émissions sont bloquées ou non, ce qui est très difficile à définir. Une de nos craintes est que le feu vert s'allume dès qu'on parle de captage et de stockage du dioxyde de carbone, ou CSC. Si vous lisez bien, ce n'est pas ce qui est écrit, mais je crois que c'est une interprétation assez courante. Il y aura beaucoup de controverses quant à l'interprétation exacte.
    Je pense que les technologies de CSC sont viables dans certains domaines. Comme l'a évoqué ma collègue, Mme Segal, des secteurs comme celui du ciment et certaines activités liées à la production d'acier — quoique les progrès technologiques soient impressionnants dans le domaine de l'acier vert — pourraient nécessiter le recours au CSC. Cela dit, j'ai l'impression que l'industrie des sables bitumineux a beaucoup trop monopolisé le débat au Canada, alors que c'est un secteur dans lequel le CSC peut au mieux réduire les émissions de 10 % au cours du cycle de vie. La question qui se pose est la suivante: le déploiement de technologies de CSC dans ce secteur permettra-t‑il vraiment d'envisager l'avenir avec optimisme?
    Un des projets à l'étude est celui de Cenovus, qui propose de prolonger la durée utile de la plus importante installation d'exploitation in situ de sables bitumineux jusqu'à 2079. Cenovus a également fait une étude, dont les détails n'ont pas été publiés, sur l'utilisation de technologies de CSC dans le cadre de ce projet. À notre avis, le recours au CSC ne suffit pas pour légitimer la prolongation de la durée utile de cette installation de 2023 jusqu'à 2079 parce que les critères ne sont pas remplis.
    L'utilisation du CSC peut effectivement servir de prétexte pour maintenir le statu quo. L'autre préoccupation que nous avons est qu'une étiquette verte soit apposée sur ce genre de projet. La tendance à interpréter largement les facteurs ESG parce que c'est plus payant est souvent problématique. Les gens sont prêts à exploiter tous les angles et le moindre détail pour faire des profits. C'est dans l'ordre des choses. À mes yeux, ce n'est rien de surprenant. C'est pourquoi les règles doivent être très claires.
    Nous pensons que l'application à une source d'énergie qui produit autant d'émissions de carbone que le pétrole est très problématique. Au moment où le déploiement sera possible, d'autres options existeront peut-être. Il y a à peine cinq ans, personne n'aurait imaginé l'évolution fulgurante à laquelle nous avons assisté dans le domaine des véhicules électriques. C'est le jour et la nuit. Nous sommes à des années-lumière des prévisions…
(1150)
    Merci, monsieur Stewart.

[Français]

     Merci, monsieur Garon.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer au NPD et à son représentant, M. Blaikie.
    Madame Segal, vous avez mentionné que la plupart des institutions financières qui ont pris l'initiative de se donner des objectifs climatiques ne font pas grand-chose dans les faits, et qu'il y aurait lieu, et même qu'il serait justifié d'édicter une réglementation publique à cet égard.
    J'aimerais approfondir cette idée avec vous, en prenant un angle un peu différent. Ne pensez-vous pas que sur le plan des relations publiques… Je crois que c'est Mme Zvan qui a parlé de la certitude recherchée par les investisseurs. Ne croyez-vous pas qu'il faut commencer par les politiques? Il faut des politiques sur lesquelles les investisseurs pourront fonder leurs décisions. L'inaction justifie une intervention publique, certes, mais n'est‑il pas vrai que ces acteurs attendent cette intervention pour investir?
    J'aimerais vous entendre au sujet du lien entre les engagements volontaires, l'inaction et le rôle de la réglementation publique à cet égard.
    Oui, avec plaisir. Merci de poser cette question, monsieur Blaikie.
    Si vous me le permettez, je vais ajouter un peu de précisions sur l'information que j'ai donnée. Cette information vient du projet Oxford Net Zero, mené par une équipe qui fait un suivi des engagements en matière de carboneutralité à l'échelle mondiale. C'est cette équipe qui a révélé que 4 % seulement des engagements pris par des sociétés dans le monde ont donné lieu à des mesures concrètes.
    Je comprends très bien l'idée comme quoi la certitude réglementaire faciliterait les choses pour les investisseurs sur la voie inévitable de la transition verte. C'est clair quand on voit l'enthousiasme du Conseil d'action en matière de finance durable et de mes collègues ici présents qui militent pour une taxonomie de la transition verte et qui insistent sur l'importance de rassurer les investisseurs et de clarifier ce qu'est un investissement vert pour tous les acteurs du marché.
    Je pense que la réglementation est essentielle notamment parce que l'amalgame changement climatique et finance est immensément complexe. L'établissement de règles globales, qui définissent ce qui constitue un investissement fiable, peut vraiment rassurer les institutions et les amener sur la bonne voie.
    L'autre point important, dont mon collègue, M. Stewart, a aussi parlé concerne la préoccupation des différents organismes eu égard aux conséquences d'opter pour une direction ou une autre. La réglementation clarifierait la direction à prendre. Elle leur indiquerait qu'on attend d'eux qu'ils réduisent leurs émissions et qu'ils visent la résilience climatique, et que c'est d'ailleurs dans leur intérêt.
    Du point de vue du coût d'opportunité, c'est très important si le Canada veut attirer les investissements nécessaires pour continuer de développer des industries pendant la transition verte et fournir des emplois aux Canadiens partout au pays. Nous aurons besoin d'un cadre réglementaire stable, comme celui que les gouvernements du Royaume-Uni et de l'Union européenne ont établi, pour attirer des capitaux dans les secteurs en plein essor de l'économie verte.
    Merci.
    Madame Zvan, dans le dernier budget et dans le dernier énoncé économique de l'automne, le gouvernement a annoncé une série de crédits d'impôt à l'investissement censés encourager les investissements privés dans l'économie des nouvelles énergies. Le hic, c'est que le Canada n'a pas de taxonomie claire et définie par une loi.
    Selon vous, dans quelle mesure est‑il important que le gouvernement adopte une taxonomie qui sera dûment mise en œuvre, de concert avec la réglementation et les orientations qu'il est censé publier prochainement sur les crédits d'impôt à l'investissement, pour éviter un décalage entre les critères qui seront applicables à ces crédits par rapport à la taxonomie qui serait éventuellement adoptée? Quelle est l'incidence pour les investisseurs de ne pas savoir si la taxonomie et les définitions associées aux crédits d'impôt à l'investissement concorderont avec la taxonomie verte que certains d'entre nous ici attendent avec impatience?
(1155)
    Merci de poser cette question.
    Je vais commencer… Tout d'abord, une taxonomie est un outil, mais il n'est pas complet. C'est un outil qui fait partie de ce qui est absolument fondamental pour la lutte au changement climatique.
    Dans la terminologie du Fonds monétaire international, on parle de divulgation des données sur l'architecture climatique. C'est une taxonomie qui doit servir de fondement à toutes les autres règles et exigences. Il a été question du Royaume-Uni et de l'Union européenne plus tôt. Elles sont établies à partir de leurs règles sur la divulgation des données et de leur taxonomie.
    Sans cette clarté et sans la crédibilité que confèrent la surveillance et l'adéquation avec les connaissances scientifiques… La clarté et la cohérence attirent les capitaux. Sans ces deux éléments clés, il sera impossible d'attirer des investissements étrangers directs et les acteurs nationaux dont nous avons absolument besoin.
    Je vais donner l'exemple des obligations vertes. En 2018, elles représentaient 3 % du marché obligataire. Actuellement, je crois que cette proportion a grimpé à 18 %. Il existe une demande pour ce type d'investissements et il faut en tirer parti. De toute évidence, la clarté et la cohérence sont essentielles pour assurer l'efficacité d'un programme ou d'un règlement.
    Pensez-vous que la définition des crédits d'impôt à l'investissement donne une belle occasion au gouvernement de donner les précisions sur une taxonomie plus large qui permettront aux investisseurs de s'assurer que leur préparation ou celle de leurs clients en vue de nouveaux projets énergétiques sera conforme à la taxonomie qui sera éventuellement adoptée en matière de finance verte? De cette façon, on évitera que les investisseurs restent dans le vague et qu'ils prennent des dispositions en fonction de règles différentes de celles qui seront éventuellement adoptées.
    Je vous demanderais de répondre brièvement, madame Zvan.
    Oui.
    Est‑ce assez bref?
    Des voix: Ha, ha!
    Mme Barbara Zvan: Oui, tout à fait.
    C'est ce que j'appelle une réponse brève. Merci beaucoup.
    Mesdames et messieurs, nous amorçons la seconde série de questions. Les cinq premières minutes sont allouées au Parti conservateur.
    Monsieur Lawrence, à vous la parole.
    Merci, monsieur le président.
    La plupart de mes questions s'adressent à M. Darwall.
    Comme le montrent les recherches universitaires, le Canada est aux prises avec une crise de productivité et de croissance économique. Depuis 10 ans, la croissance économique a stagné à 0,8 % par habitant. Elle n'avait jamais été aussi faible depuis la Grande Dépression. La raison est relativement claire et assez bien connue, même si les médias en parlent trop peu à mon avis. Je crois qu'il n'y a pas suffisamment d'investissements de capitaux. Nous n'avons pas de cadre applicable en matière d'innovation. C'est franchement décevant de voir que même si on trouve au Canada des travailleurs parmi les plus vaillants et les plus intelligents dans le monde, la productivité n'est pas au rendez-vous.
    Le secteur canadien de l'énergie a une contribution 10 fois plus élevée que la moyenne au produit intérieur brut, le PIB, par habitant. Est‑ce que quelqu'un ici pourrait me dire, parce que je n'ai jamais vu ces chiffres, quelle est la contribution de l'industrie verte au PIB par habitant? Je suis à peu près certain qu'elle est beaucoup moins importante que celle du secteur de l'énergie.
    Monsieur Darwall, vous avez parlé avec beaucoup d'intelligence de la différence entre réduction de l'offre et réduction de la demande. Si l'offre est réduite de manière trop importante et qu'elle est plafonnée artificiellement par la réglementation gouvernementale ou autrement, je suis sincèrement convaincu que les Canadiens les plus vulnérables écoperont. Nous subissons les effets des politiques économiques libérales depuis huit ans. La fréquentation des banques alimentaires a doublé et nous faisons face à une crise de l'abordabilité, ce qui ne s'était pas vu depuis des décennies.
    Monsieur Darwall, si on fait abstraction pour l'instant de notre volonté ou non d'opérer une transition, ne pensez-vous pas que si elle n'est pas faite dans les règles de l'art et sur une période suffisamment longue, cette transition risque de nuire considérablement à notre productivité et à notre PIB par habitant, et d'aggraver une situation déjà très précaire?
(1200)
    Merci beaucoup.
    D'après ses perspectives énergétiques mondiales pour 2022, l'AIE serait tout à fait d'accord avec vous sur le fait que la demande doit diminuer plus rapidement que l'offre. L'inverse entraînera une hausse des prix. C'est un problème sérieux pour toutes les économies occidentales actuellement.
    L'autre certitude selon l'AIE est que la transition énergétique a un effet régressif sur la productivité. Il faudrait 25 millions de personnes de plus, et un apport de capitaux de 16,5 mille milliards de dollars.
    J'entends beaucoup parler de courses à gagner et de l'Europe. Ce serait une erreur de chercher à imiter l'économie européenne. Je vous le déconseille fortement. C'est l'autre chose que je tiens à souligner.
    Merci beaucoup.
    Pour réitérer certains de vos propos en termes un peu plus simples, pour que l'économie tourne, il faut des travailleurs et des capitaux et il faut être en mesure de produire des biens de manière efficiente et efficace. Selon l'étude de l'AIE, pour produire la même quantité d'énergie — vous avez même parlé de 6 ou 7 % de moins, je crois —, il faudra beaucoup plus de capitaux et de ressources humaines. Or, le Canada est aux prises avec des pénuries de capitaux et de main-d'œuvre, et une diminution de la productivité… Est‑ce que j'ai bien résumé, ou simplifié vos propos?
    Oui, tout à fait. J'ajouterai qu'il y aura inévitablement une baisse des salaires. Les salaires sont plus élevés dans le secteur des hydrocarbures que dans celui des énergies renouvelables. Ce n'est pas sorcier!
    Pour réitérer, encore une fois, ce que vous venez de dire, j'ai dit plus tôt que le PIB par habitant était de plus de 600 $ l'heure par travailleur. La moyenne canadienne se situe, je crois, à un peu plus de 50 $. C'est donc 10 fois plus.
    La productivité, comme nous le savons, est la capacité d'un pays à fournir des services et à fabriquer des biens. C'est la valeur réelle. On peut imprimer de l'argent, mais c'est une fausse bonne solution, un moyen artificiel qui mène exactement là où nous sommes aujourd'hui.
    Est‑ce que je résume bien, et n'hésitez pas à me le dire si j'ai tort, en disant que la transition, surtout si elle n'est pas faite dans les règles de l'art et si la réduction de l'offre prime sur la gestion de la demande, risque d'appauvrir le Canada?
    Oui, les Canadiens seront plus pauvres. Il faut aussi s'attendre à ce que la transition énergétique entraîne d'importantes incidences macroéconomiques, à des contrecoups structurels énormes de l'inflation due à la poussée des coûts.
    Encore là, si nous regardons vers l'Est, de l'autre côté de l'Atlantique, le pays dont le Canada devrait s'inspirer selon moi est la Norvège. À l'instar du Canada, c'est un pays qui a beaucoup de ressources naturelles, et une des choses à laquelle elle n'a pas renoncé est l'exploitation du pétrole et du gaz. En Norvège, on estime avoir besoin du pétrole et du gaz pour effectuer la transition énergétique, qui exige énormément d'énergie et de matériaux.
    Merci, monsieur Darwall.
    Merci, monsieur Lawrence.
    Nous passons maintenant au Parti libéral. Madame Dzerowicz, à vous la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie chacun de nos témoins.
    À mes yeux, cette étude est d'une très grande importance. J'aurais deux observations à formuler avant de poser mes questions.
    Je suis heureuse de voir que nos collègues conservateurs se soucient de la productivité. Je serais ravie qu'ils nous proposent d'étudier ensuite la réduction des obstacles au commerce interprovincial pour stimuler la croissance économique et la productivité.
    L'intervention suivante sera plutôt d'ordre général. Je suis une fervente militante pour le climat. Le sujet de la finance verte m'intéresse énormément. J'ai lu le rapport sur la durabilité dès sa publication il y a quelques années. Je dois dire toutefois que chaque fois que nous parlons de ce sujet, je dois me refamiliariser avec la terminologie.
    Nous utilisons un langage qui peut être difficile à comprendre pour le commun des mortels. C'est un commentaire général. J'essaie le plus possible de trouver des façons pour que mes électeurs comprennent ce que je fais et les discussions auxquelles je prends part, mais le langage ne m'aide vraiment pas. J'essaie de comprendre ce qu'on entend par taxonomie. Est‑ce qu'il s'agit d'outils, est‑ce plus que des outils? On parle maintenant d'architecture, de trois aspects différents… C'est loin d'être facile à comprendre.
    Le message que j'aurais pour nous tous est que plus nous utiliserons un vocabulaire simple, plus nous aurons de chances de rallier les gens à la cause.
    Ma première question sera pour Mme Bardswick.
    À titre de présidente du CAFD, vous nous avez parlé du fait qu'il rassemble 21 établissements financiers et 3 échelons de gouvernement, et qu'il mobilise des parties prenantes à l'échelle nationale et internationale. De votre point de vue, existe‑t‑il une compréhension commune de ce qui doit être fait et un accord commun entre ces parties prenantes?
(1205)
    Avant de répondre à la question, monsieur le président, j'aurais quelque chose à ajouter à la réponse donnée à la question précédente. Oui, la production du secteur canadien des sables bitumineux a augmenté de 27 % de 2014 à 2021, mais l'emploi y a reculé de 20 %. En 2022, une nouvelle baisse de 6 % du nombre d'emplois a été enregistrée dans ce secteur. J'avancerai donc qu'il n'y a pas forcément de lien direct entre la réduction de la production et la réduction des emplois puisque, apparemment, une production accrue peut aussi générer une baisse des emplois.
    Je tenais à donner cette précision relativement à la question précédente.
    Pour ce qui est de la question sur l'alignement, je dois dire que j'ai accepté la présidence du Conseil d'action en matière de finance durable en grande partie parce qu'il offre une occasion unique de réunir les trois sous-secteurs du système financier privé et de favoriser l'unification de ce groupe. Il faut comprendre qu'il n'y a pas nécessairement d'alignement… Historiquement, il n'y a pas vraiment eu d'alignement sur plusieurs de ces questions dans le secteur bancaire comparativement au secteur de l'investissement ou des fonds de pension, ou au secteur de l'assurance-vie, de biens et de dommages. Avant tout, nous voulions réunir ces gens autour de la même table, en même temps, pour qu'ils discutent des mêmes questions et qu'ils arrivent à s'aligner, à s'entendre et à donner leur accord avant de soumettre un rapport aux ministères responsables.
    Nous collaborons aussi avec le groupe de coordination du secteur public pour nous assurer à tout le moins de comprendre les positions, les domaines d'intérêt et les priorités de ces organismes et du secteur public, et d'en tenir compte dans notre réflexion. Personne ne s'attend à un alignement total du point A au point Z, mais c'est essentiel pour nous, dès le départ, de comprendre et d'écouter tous les points de vue quand nous nous acquittons de nos mandats respectifs.
    Avec le recul, je peux affirmer qu'au cours des dernières années, ce que j'ai observé et ce dont j'ai fait l'expérience, c'est que notre travail a été bonifié dans chacun de nos domaines en raison de cet effort accru de compréhension, de réflexion et d'écoute.
    Merci. Je vous remercie également d'avoir donné votre point de vue sur la question du pétrole et du gaz.
    Ma prochaine question sera pour Mme Zvan.
    En réponse à la question sur les crédits d'impôt liés à l'économie verte, vous avez mentionné qu'il faut des mécanismes de divulgation des données sur la concordance avec les connaissances scientifiques. Je crois que vous avez parlé aussi de clarifier la réglementation.
    Pouvez-vous nous parler de la divulgation des données plus en détail? Quelle est la situation actuellement? Existe‑t‑il des lacunes dans les données? Sommes-nous sur la bonne voie? Que faudrait‑il faire de plus?
    Madame Zvan, je vous demanderais une réponse brève.
    Je vais aussi parler des travaux du CAFD. Ils comportent un volet sur les données. Plusieurs lacunes dans les sources de données ont été relevées concernant l'adaptation aux risques matériels et les mesures d'atténuation des changements climatiques liés aux émissions. Il s'agit de s'aligner sur le Conseil des normes internationales d'information et son travail en vue de l'adoption des normes du Sustainability Accounting Standards Board — à la demande des investisseurs, pour un total de 85 000 milliards de dollars — et du Groupe de travail sur l'information financière relative aux changements climatiques. Ce sont deux piliers essentiels, et c'est pourquoi ils ont été au cœur des travaux du groupe d'experts et du CAFD.
    Merci, madame Dzerowicz.
    Nous revenons à M. Garon.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à Mme Segal.
    La difficulté qu'ont les pays à se coordonner pour agir ensemble a souvent été un catalyseur important d'inaction. On l'a vu à une certaine époque dans le domaine de l'évasion fiscale, par exemple. Les pays disaient que, s'ils agissaient, le capital irait ailleurs. Finalement, il y a eu des initiatives individuelles de la part de certains pays, lesquelles ont mené aux listes noires de l'OCDE, et ainsi de suite. On s'est rendu compte que le leadership avait une valeur. Je me demande si ce n'est pas un peu la même situation pour ce qui est des questions de finance climatique. On attend toujours que le prochain agisse et, finalement, il y a beaucoup d'inaction.
     Voici donc ma question: le Canada pourrait-il jouer un rôle de chef de file plus important en matière de finance climatique?
    Je sais que vous appuyez le projet de loi de la sénatrice Galvez, tout comme le Bloc québécois, d'ailleurs. J'aimerais que vous preniez le temps de nous dire quels éléments de ce projet de loi, pourraient mettre le Canada dans une posture de chef de file qui pourrait inspirer certains de nos partenaires commerciaux.
(1210)
    Je vous remercie beaucoup de votre question, monsieur Garon.

[Traduction]

    C'est certainement un bon moment pour prendre le leadership en matière de politiques sur le financement de l'action climatique. J'ai mentionné d'autres pays qui se sont engagés dans cette direction, dont bon nombre comptent parmi les principaux partenaires commerciaux du Canada.
    Avant tout, c'est important de reconnaître que le Canada a pris du retard sur d'autres pays relativement à l'adoption d'une réglementation sur le financement de l'action climatique. Le BSIF, le principal organe fédéral de réglementation en matière financière, a instauré il y a quelques mois la ligne directrice B‑15 pour exiger, essentiellement, la communication des données sur les émissions des grandes institutions financières fédérales. À l'annonce de cette ligne directrice, il a été reconnu que ce premier volet d'un régime réglementaire sur le financement de l'action climatique nous place de trois à cinq ans derrière d'autres pays pour ce qui est de la surveillance financière dans ce domaine.
    Le BSIF a adopté une approche axée principalement sur le risque. Quels risques le changement climatique fait‑il peser sur les institutions financières? Il a été reconnu que ce premier pas, qui a été franchi au prix d'un effort considérable, nous place là où d'autres pays se trouvaient il y a trois ou cinq ans. Si le Canada veut s'imposer comme un leader dans ce dossier et attirer les capitaux nécessaires à la transition verte… Avant d'être reconnu comme un leader, le Canada a beaucoup de pain sur la planche. Mes collègues et moi avons donné seulement un aperçu de tout ce qui reste à faire.
    Je souligne notamment le projet de loi sur la finance alignée sur le climat, une mesure très complète qui énonce en détail ce qui doit être fait pour aligner le système financier canadien, nos banques et nos régimes de retraite sur les engagements du Canada au titre de l'Accord de Paris. Quand elle a rédigé le projet de loi, la sénatrice Galvez…
    Excusez-moi, mais est‑ce que vous m'entendez bien?

[Français]

     Encore une fois, je remercie le député de sa question.

[Traduction]

    Oui, mais votre temps est écoulé, madame Segal. Vous pourrez peut-être poursuivre si un autre député revient à ce sujet.
    D'accord. Merci.
    C'est au tour de M. Blaikie. Vous disposez de deux minutes et demie.
    Merci beaucoup.
    Madame Bardswick, j'aimerais revenir à quelque chose que vous avez dit. Beaucoup de Canadiens qui s'intéressent seulement au débat politique sur le secteur pétrolier et gazier pensent qu'il est impossible, comme il nous arrive de l'entendre dans certaines parties de la Chambre, de faire approuver un projet dans ce secteur au Canada et de trouver des investisseurs parce que c'est devenu trop compliqué.
    Pourtant, selon ce que j'en ai compris, les banques canadiennes investiraient plus que jamais dans le pétrole et le gaz, et les activités d'extraction seraient en hausse malgré le recul de l'emploi. Est‑ce que c'est bien ce qui a été dit aujourd'hui? Voudriez-vous ajouter quelque chose sur la situation actuelle dans le secteur du pétrole et du gaz au Canada?
    Je n'ai rien à ajouter. Tout ce que vous avez dit est exact.
    Merci beaucoup. Je crois que c'est un aspect qui a été souvent négligé dans le débat politique. Il est intéressant de savoir, au vu des faits et des chiffres réels du point de vue pécuniaire, que le portrait est très différent de celui que les débats à la Chambre des communes peuvent véhiculer aux Canadiens.
    Monsieur Stewart, j'aimerais revenir à ce que vous avez dit au sujet des accusations de collusion contre l'industrie des combustibles fossiles. Existe‑t‑il des exemples où des acteurs de la communauté financière — si on peut utiliser ce terme —, ont adopté des objectifs qui ne visaient pas uniquement la maximalisation des profits et une mobilisation des efforts axée sur des résultats comme des gains de productivité… En fait, ce que je veux savoir, c'est s'il y a eu des accusations de collusion même si l'objectif n'était pas le profit à court terme.
(1215)
    Franchement, je ne le sais pas. Cela dit, même si beaucoup d'experts pensent que ce genre d'action est voué à l'échec, il s'agit d'une menace, et la seule idée de se retrouver devant les tribunaux peut être inquiétante.
     La Commission européenne a expliqué que, selon son interprétation de la loi, ce ne serait pas une violation de la loi, mais c'est une opinion. La Commission n'est pas un organe législateur. Toutefois, elle a jugé la question suffisamment préoccupante pour émettre une opinion selon laquelle, dans ce type de conditions, il n'y a pas collusion, mais que des règles sont nécessaires pour faire connaître les attentes de la société à l'égard du domaine de la finance. L'urgence climatique ne nous donne pas vraiment le choix de moderniser ces règles pour faire de la finance une partie intégrante de la solution et du projet social qui, nous le comprenons maintenant, doit intégrer l'accès à une qualité de vie décente.
    Merci, monsieur Blaikie.
    Je laisse maintenant la parole à M. Chambers.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais profiter du temps de parole qui m'est alloué pour présenter officiellement une motion d'étude qui a déjà été communiquée aux députés. Comme je ne veux pas prendre trop de temps, je ne vais pas lire le texte au complet, mais je précise que la motion propose au Comité d'étudier le recours à un système bancaire ouvert et aux paiements réels pour réduire l'inflation et les coûts pour les consommateurs.
    Je vais maintenant poser mes questions.
    Madame Zvan, quand je regarde la liste des 10 premières sociétés selon l'indice ESG pondéré de l'agence S&P…
    Monsieur Chambers, juste pour être certain, voulez-vous présenter votre motion ou en donnez-vous avis?
    Je suis désolé. Je voulais simplement en donner avis officiellement et m'assurer qu'elle sera jointe au compte rendu de la réunion.
    D'accord. Merci.
    J'ai sous les yeux la liste des 10 premières sociétés de portefeuille selon l'indice ESG de l'agence S&P. Je suis très surpris que la société ExxonMobil en fasse partie. Elle arrive au huitième rang.
    Pouvez-vous m'expliquer comment une société comme ExxonMobil se retrouve parmi les chefs de file au regard des principes ESG?
    Je ne peux pas commenter le travail de S&P dans ses détails, mais en ce qui concerne l'effort de taxonomie, nous avons essayé très fort de reconnaître que les secteurs à fortes émissions font partie de la transition, et qu'ils doivent procéder à la décarbonisation. Ce désinvestissement est problématique, car il élimine votre voix de la table.
     Au Canada, nous avons actuellement 37 institutions financières canadiennes qui traitent avec les 40 plus grands émetteurs dans le but d'avoir un dialogue avec le même message cohérent: « Pensez à votre stratégie à long terme, à votre gouvernance, à vos objectifs. »
     Nous essayons de les aider dans leur transition et de les informer de ce dont nous avons besoin. C'est pourquoi nous avons cru qu'il était prioritaire d'inclure la transition dans le cadre du travail sur la taxonomie, afin de ne pas les exclure.
    Y a‑t‑il un élément ESG qui est plus important que les autres? Par exemple, l'environnement est‑il plus important que la durabilité? Est‑il plus important que la gouvernance? On voit des exemples d'entreprises qui ont de mauvais antécédents en matière d'environnement, mais qui obtiennent peut-être de meilleurs résultats pour les autres facteurs, et qui se retrouvent tout d'un coup les chouchous du mouvement ESG.
    Je dirais que chaque investisseur choisit le domaine sur lequel il veut se concentrer. Certains investisseurs ont peut-être mis davantage l'accent sur la gestion des risques environnementaux, d'autres sur les risques sociaux ou, au fil des ans, sur la gouvernance.
     Par exemple, la Coalition canadienne pour une bonne gouvernance a commencé, il y a plus de 20 ans, à travailler sur les questions de gouvernance au Canada, qui se sont largement améliorées.
     Il me serait difficile de parler au nom de l'industrie. Chaque investisseur accordera son propre poids à ces facteurs.
    En tant qu'opinion, pensez-vous que c'est bizarre que Tesla ne soit pas parmi les 10 premiers dans l'indice ESG de S&P?
     Il me serait difficile de dire pourquoi Tesla est exclu.
    J'ai en fait la citation qui explique pourquoi. Tesla a été exclue en raison d'un « manque de stratégie de réduction du carbone » — cela me semble un peu bizarre, car l'entreprise ne construit que des véhicules électriques — et de « codes d'éthique commerciale ».
     Je crois que ce que nous voulons dire ici, c'est que le facteur ESG signifie tout un tas de choses différentes pour tout un tas de personnes différentes. Le fait est que, même au cours des deux ou trois dernières années, les fonds les plus performants dans l'espace ESG possédaient tous des sociétés pétrolières et gazières.
     Si nous ne comprenons pas ce que signifie le facteur ESG et que nous l'appliquons à tout, nous n'atteindrons pas les objectifs, ce qui, je crois, est également ce que voulait dire M. Stewart.
(1220)
    Je dis simplement que les données en matière d'ESG sont ce que les investisseurs demandent. C'est à eux d'interpréter ces renseignements. Ce n'est pas différent des ventes, des revenus ou d'autres facteurs. Si l'on examine ces renseignements, on peut voir des analystes qui recommandent les uns l'achat et d'autres la vente, en s'appuyant sur les mêmes données. C'est la même chose pour l'ESG en ce qui concerne la manière dont les investisseurs interprètent les renseignements. C'est leur choix et cela fait partie de leurs responsabilités.
    Enfin, j'espère pouvoir obtenir une réponse de vous tous à cette question, mais peut-être que quelqu'un d'autre vous la posera également.
    Croyez-vous en un avenir où il n'y aura plus d'extraction de pétrole et de gaz au Canada?
    Je crois que ce que nous devons faire pour avancer vers le 1,5 °C, c'est peaufiner la taxonomie. Encore une fois, nous sommes l'un des rares pays à essayer de s'attaquer à la transition, y compris dans le secteur des combustibles fossiles. L'Australie et la région asiatique nous ont manifesté leur intérêt. Je crois que c'est une indication manifeste de l'intérêt qu'il y a à se demander comment nous pouvons faire évoluer le changement dans ce secteur à l'avenir.
     Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Chambers.
     Monsieur Turnbull, bienvenue dans notre comité. Vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Merci aux témoins d'être ici aujourd'hui. Je vous suis reconnaissant de votre leadership dans ce domaine et de votre contribution experte à cette conversation.
     C'est une question qui me tient à cœur et que je veux faire avancer ardemment. Je suis heureux que mes collègues ici présents aient proposé une motion sur la tenue de cette étude en premier lieu. Je vous remercie de votre présence.
     Madame Zvan, je vais commencer par vous ou Mme Bardswick, selon celle que vous jugez la mieux placée pour répondre.
     Si j'ai bien compris ce que nous avons entendu aujourd'hui, les institutions financières se sont fixé des objectifs volontaires ambitieux, ce qui, je crois que nous convenons tous, est une bonne chose. Certains témoins nous ont dit aujourd'hui — et je crois que vous ne l'avez pas contesté — que certaines d'entre elles n'ont pas forcément respecté ces engagements jusqu'à présent. Ce que je trouve intéressant, c'est que le Conseil d'action en matière de finance durable et ses membres rassemblent en fait toutes les plus grandes institutions financières du Canada, pour autant que je sache. Cela semble presque incohérent.
     Le fait qu'elles aient essentiellement créé cette taxonomie et travaillé en collaboration pour la mettre au point et qu'elles disent qu'elle est nécessaire et que nous devons la mettre en œuvre maintenant ne met‑il pas en évidence la nécessité d'une intervention gouvernementale?
    Je vais d'abord répondre à cette question.
     Écoutez, j'ai occupé le poste de PDG d'une grande institution financière qui a intégré des engagements de durabilité dans sa stratégie. Ce n'est pas facile. C'est un travail difficile. D'après ce que j'ai entendu autour de la table au Conseil d'action en matière de finance durable, ces organisations ont fourni des ressources très haut placées. Elles se sont engagées à travailler pendant plus de deux ans. Aucune de ces personnes haut placées n'a pris congé de son travail pour participer. Je parle de directeurs juridiques et de directeurs des risques qui sont venus à cette table. Il y a un processus d'apprentissage. Certains sont plus avancés que d'autres, mais je crois qu'il y a eu un véritable effort concerté pour contribuer à la constitution d'un écosystème financier plus robuste et plus efficace, plus percutant et plus durable dans ce pays.
     Leur avenir, leur capacité en tant qu'organisations à continuer à prospérer, à gérer correctement les risques et à s'aligner sur ce qui se passe dans le monde — ce sont des acteurs mondiaux — dépendent certainement de leur capacité à adopter efficacement ce qu'ils représentent dans leurs propres stratégies.
    Merci beaucoup.
     Il me semble que ne pas avoir de taxonomie en place présente un risque. Ce risque peut en fait être plus grand que le risque de ne pas disposer d'une taxonomie parfaite à ce moment précis. Je crois que vous avez tous reconnu qu'un travail supplémentaire continu s'impose pour que la taxonomie soit toujours d'actualité.
     Pouvez-vous m'indiquer quels sont les risques réels liés au fait de ne pas mettre en oeuvre une taxonomie le plus rapidement possible?
    Dans la feuille de route, nous avons cité les avantages. Fondamentalement, nous ne serons pas en mesure de tirer parti de ces avantages en tant que pays, et c'est assez grave. Si l'on prend en compte l'incapacité d'être une cible attrayante pour les investissements directs étrangers, l'incapacité pour nos acteurs nationaux d'arriver à une interprétation commune de ce qu'est véritablement la transition et de la mettre en oeuvre, notre capacité en tant que pays de garantir que nous dirigeons le montant approprié de capitaux vers les bonnes cibles dans les bons délais, et notre capacité de mesurer avec efficacité et précision nos progrès et de prendre des mesures correctives lorsqu'elles s'imposent, tout cela est en jeu sur le plan des risques.
(1225)
    Votre rapport sur la feuille de route parle d'un élément essentiel de l'infrastructure financière. Je crois que c'est ainsi que vous l'avez appelé. Il me semble que cela soutient et augmente la crédibilité à l'endroit de tous les produits financiers qui sont émis dans notre économie et qui prétendent être verts ou en transition.
     Cette crédibilité, la clarté et la cohérence dont a parlé Mme Zvan, sont-elles vraiment en jeu ici?
    Oui, absolument. Je ne saurais mieux dire.
    D'accord. C'est très bien.
     En ce qui concerne l'ancrage juridique — c'est une question que je me pose depuis un certain temps déjà —, je note que vous avez cerné un modèle de gouvernance à trois niveaux, que j'accepte et que je crois être intéressant. Ce que je me demande, du point de vue du gouvernement ou du point de vue de l'élaboration des politiques, c'est quel est l'ancrage juridique le plus important pour la taxonomie. Avez-vous un avis à ce sujet, madame Zvan ou madame Bardswick? Je poserai ensuite la question aux autres témoins.
    Oui, une réponse courte, s'il vous plaît.
    Je crois que nous ne nous sommes pas prononcés sur l'ancrage juridique exactement. Nous avons dit que le rapport contenait des objectifs ou des exigences. Nous devons maintenir l'intégrité scientifique, ce qui signifie qu'il ne doit pas y avoir d'influence politique ou d'influence indue de la part d'une partie prenante. C'est une exigence clé dans la structure de cette organisation.
    Je vous remercie.
     Merci, monsieur Turnbull.
     Mesdames et messieurs les députés et les témoins, nous passons à notre troisième série de questions. Nous commençons par les conservateurs.
     Monsieur Hallan, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Cette question s'adresse à tous les témoins. Croyez-vous que le Canada devrait cesser sa production de pétrole et de gaz?
     On peut commencer par vous, madame Zvan.
    Comme nous l'avons indiqué dans nos efforts de taxonomie, nous avons explicitement inclus l'industrie des combustibles fossiles. Elle a contribué à décarboniser la production actuelle. Je crois que c'est un indicateur que nous ne demandons pas le...
    Juste un oui ou un non. Au fil du temps, pensez-vous que le Canada devrait cesser sa production de pétrole et de gaz?
    Nous avons noté qu'il faut s'aligner sur le scénario de 1,5 °C. Cela changera et évoluera avec le temps.
    Cela inclut‑il le secteur du pétrole et du gaz ou non?
    Tous les secteurs du Canada seront concernés.
    D'accord.
    Ma réponse est semblable. Je crois que nous devons aligner nos activités économiques sur un scénario de 1,5 °C pour assurer une prospérité continue. Cela inclut un alignement par le secteur du pétrole et du gaz.
    Monsieur Stewart.
    Nous regardons le scénario de 1,5 °C du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat et de l'Agence internationale de l'énergie et nous disons que c'est la trajectoire que nous devons suivre. L'AIE prévoit que la production mondiale de pétrole et de gaz diminuera de 25 % d'ici 2050. Je crois que le pétrole et le gaz seront progressivement éliminés au cours de la vie de mes enfants, mais peut-être pas au cours de la mienne. Aussi, je suis dans la cinquantaine, alors prenez cela avec ce que vous voulez.
    C'est assez juste.
     Quelqu'un d'autre?
    Il y a Mme Segal et M. Darwall.
    La réponse est non, ce serait un acte de suicide économique. De plus, à moins que la demande de pétrole et de gaz ne diminue à l'échelle mondiale, tout ce que vous ferez, c'est transférer des richesses à d'autres acteurs dans le monde, en particulier au Moyen-Orient et en Russie.
    Bravo!
    Merci. Je tiens à exprimer mon plus grand respect aux personnes qui, dans les collectivités, ont consacré leur vie à ces industries jusqu'à présent. J'insiste sur la nécessité de s'aligner sur la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C pour limiter la dévastation causée par les incendies de forêt et d'autres catastrophes climatiques dans bon nombre de ces mêmes collectivités. Je renvoie aux conclusions de l'AIE et du GIEC pour savoir comment y parvenir.
    Madame Segal, vous avez évoqué les incendies de forêt. Pouvez-vous me donner deux exemples directs de la manière dont le financement vert permettra d'arrêter ces incendies de forêt?
    Je dirais que la ligne claire ici est que les risques liés au climat se produisent en plus grand nombre à mesure que les températures continuent d'augmenter. Les températures continuent d'augmenter en raison de l'augmentation des émissions.
     En orientant le secteur financier dans la bonne direction pour qu'il investisse dans une trajectoire qui réduit les émissions — les émissions du Canada et les émissions mondiales —, nous resterons sur la voie d'un monde plus sûr avec un réchauffement moins important.
     Je crois que l'autre élément vraiment important à garder à l'esprit est l'investissement dans la résilience liée au climat, en veillant à ce que les investissements dans la finance verte servent à construire des infrastructures qui sont elles-mêmes résilientes face à l'augmentation des dommages liés au climat et qui protègent les habitants du Canada de ces dommages.
(1230)
    Je n'ai pas entendu d'exemples directs dans cette réponse, mais je vais poursuivre.
     Madame Bardswick, à Calgary, il y a eu de grosses tempêtes de grêle en 2020. Je me demande si vous pouvez donner deux exemples de la façon dont le financement vert pourrait aider à les arrêter et combien de temps cela prendrait.
    Tout d'abord, je vous encourage à saisir l'occasion de parler avec un groupe de scientifiques qui travaillent depuis 30 ou 40 ans avec le secteur de l'assurance et de la réassurance dans le monde entier.
    Nous avons suivi l'effet des changements climatiques sur ces événements. Il ne fait aucun doute que la gravité et la fréquence augmentent. Vous me demandez d'associer un cas particulier à un développement vert et je ne peux pas le faire, en partie parce que je ne suis pas qualifiée pour le faire et en partie parce qu'il s'agit d'une détérioration systématique au fil du temps.
     Il y a un certain degré de dévastation climatique intégré que nous ne pourrons pas éviter. Je suis donc d'accord avec Mme Segal lorsqu'elle dit que nous devons nous concentrer sur la résilience et l'adaptation.
     J'encourage vraiment le Comité à se pencher sur le travail considérable réalisé par le secteur mondial de l'assurance et de la réassurance.
    C'est tout le temps que vous avez.
     Merci, monsieur Hallan.
     Nous revenons maintenant aux libéraux.
     Nous avons M. Turnbull.
    Merci, monsieur le président.
     Je voulais entendre d'autres témoins, en particulier Mme Segal, de Environmental Defence.
     Je me demande si vous pouvez parler de la dernière question que j'ai posée à Mme Zvan sur l'ancrage juridique de la taxonomie. Voyez-vous une voie particulière à suivre et une démarche précise à laquelle le gouvernement devrait travailler en partenariat avec le Conseil d'action en matière de finance durable afin d'ancrer la taxonomie?
    Je pense que je vais donner une réponse en deux parties. Tout d'abord, une structure de gouvernance adéquate et une consultation plus large que celle du Conseil d'action en matière de financement durable sont très importantes pour la définition d'une taxonomie. Je crois que les questions soulevées par mes collègues ici sur la nécessité de veiller à ce que le produit final s'aligne sur ce qui est convenu scientifiquement plutôt que d'être biaisé par un intérêt particulier sont importantes, d'où l'importance d'une consultation plus large de la gouvernance. Cela étant dit, je vais donner des exemples internationaux sur la manière dont, à mon avis, cela pourrait être intégré dans le droit canadien.
     L'introduction d'une taxonomie dans le droit canadien est très importante parce qu'il s'agit d'une initiative volontaire. Elle n'aurait pas la même crédibilité ni la même certitude pour les investisseurs au Canada et pour ceux qui cherchent à investir au Canada. Ce que d'autres pays ont fait, c'est intégrer formellement la taxonomie dans leur processus stratégique, de sorte que la définition d'une taxonomie, les catégories soulignées, soit formellement intégrée dans le règlement. C'est certainement ce que je recommanderais, à titre personnel.
     Ensuite, cette structure taxonomique réglementée est liée aux rapports des institutions financières et des fonds. Cela permet de s'attaquer à ce qui est considéré comme de l'écoblanchiment, ce à quoi un fonds pourrait prétendre être aligné, à ce que d'autres personnes ont souligné comme étant une définition très fluide de l'ESG et, en fait, cela nettoie les choses parce qu'une taxonomie est introduite dans la loi.
     Tout d'abord, il s'agit de réglementer une taxonomie, puis de la lier aux exigences de divulgation des groupes pour qu'ils indiquent quel pourcentage de leurs investissements est aligné sur cette taxonomie réglementée.
    Merci beaucoup. C'est une très bonne réponse, très complète, je crois.
    Madame Bardswick et madame Zvan, je reviendrai à vous deux parce que je suis intéressé par votre modèle de gouvernance à trois niveaux, qui, je crois, représente peut-être un changement par rapport à la façon dont le Conseil d'action en matière de finance durable a fonctionné jusqu'à présent. Je m'intéresse à la manière dont cela nous aide à faire évoluer la taxonomie.
     Je note que, dans votre rapport sur la feuille de route, vous avez précisé que ce qui est considéré comme un investissement de transition aujourd'hui ne le sera plus nécessairement dans cinq ou dix ans. Le fait qu'il change pour nous permettre de respecter l'engagement de 1,5 °C que nous avons pris est vraiment important. Il est important pour nous d'inclure la science du climat et d'autres parties prenantes dans ces débats et, au fur et à mesure que ces débats se déroulent, prendre ensemble ces décisions. Pouvez-vous peut-être expliquer un peu plus en détail pourquoi le modèle de gouvernance que vous avez structuré est si important?
(1235)
    Les principales exigences du modèle de gouvernance sont vraiment l'intégrité de la science du 1,5 °C et la large participation, je dirais, du gouvernement fédéral et des parties prenantes provinciales, des détenteurs de droits autochtones, de la société civile et des acteurs financiers. Si l'on examine les 30 efforts de la taxonomie, on constate que le secteur gouvernemental est souvent composé de l'organe de réglementation financière ou des banques centrales, parce qu'elles sont les plus proches du secteur financier pour ce qui est du travail avec ce dernier et de sa surveillance.
     Elles doivent constituer la majeure portion de la partie centrale de cette structure gouvernementale pour avoir une crédibilité à l'échelle internationale. Je crois que pour le Canada, il est impératif d'inclure les détenteurs de droits autochtones et la société civile, et les acteurs financiers doivent être présents en minorité pour aider à la mise en oeuvre pragmatique de la taxonomie.
     Nous travaillons actuellement sur les détails. Nous les présenterons au Conseil d'action en matière de finance durable le 4 juillet. Ils contiendront ces éléments. Ils contiendront également trois formulaires consultatifs pour les parties prenantes, un pour les gouvernements provinciaux et territoriaux et les détenteurs de droits autochtones, un pour la société civile et enfin un pour le groupe consultatif du secteur financier, en essayant d'intégrer des groupes permanents pour apporter ces perspectives, visant également la participation au Conseil.
    Mais s'agirait‑il, si j'ai bien compris, d'une série de structures informelles très collaboratives ou existeraient-elles au sein d'une organisation dotée d'une identité morale? Quel serait le statut juridique de cette nouvelle forme de modèle de gouvernance? Dans quelle structure s'inscrirait‑il?
    Nous n'avons pas défini de structure à ce stade, en grande partie parce que nous pensons — et je crois que Julie a mentionné ce point — qu'il faut bien définir les principes. Nous devons nous engager plus largement sur ce qui est logique. Nous avons travaillé à ce processus d'engagement jusqu'à présent en veillant à nous pencher sur l'approche provisoire avant d'arriver à une sorte de structure finale qui nous permettra de respecter l'engagement approprié.
    Merci, monsieur Turnbull.
     Nous passons maintenant à M. Garon.
     Allez‑y, s'il vous plaît.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je vais adresser mes dernières questions à M. Stewart.
    Beaucoup d'encre a coulé au sujet de la transparence des banques. Certaines personnes demandent que les banques fassent des rapports publics ou, à tout le moins, au Bureau du surintendant des institutions financières, sur leurs investissements dans les hydrocarbures. Cela a été encouragé, évidemment, par les nouvelles qui entourent la RBC, qui serait un des investisseurs les plus importants, sans compter le fait que, pour obtenir ces données sur la RBC et sur d'autres banques, on a dû faire appel à des sources secondaires, indirectes et autres.
    Ma question se décline en trois points et vous aurez environ une minute et demie pour y répondre. Les critiques envers les banques concernant leur transparence sont-elles justifiées? Quel rôle pourrait jouer le Bureau du surintendant des institutions financières pour améliorer cette transparence? L'approche volontaire en matière de transparence est-elle crédible?
    Je vous remercie de votre question.

[Traduction]

    Rapidement, je crois que l'approche volontaire ne suffit pas pour ce qui est de la transparence, parce que les gens établissent leurs propres règles. L'un des principaux problèmes actuels, par exemple, est que les banques utilisent des critères différents pour déterminer leurs émissions financières, et nous devons les normaliser afin que les investisseurs puissent les comparer et que le gouvernement puisse comparer des choses comparables.
     Quelle était la deuxième question?

[Français]

    Quel rôle pourrait jouer le Bureau du surintendant des institutions financières?

[Traduction]

    Le Bureau du surintendant des institutions financières devra jouer un rôle clé dans ce domaine parce qu'il est l'organisme de réglementation fédéral. Le problème actuel est que le BSIF se concentre sur les risques de la transition énergétique pour les banques et non sur les risques que les pratiques des banques représentent pour la transition énergétique. Je crois que nous avons besoin des deux moitiés. Le BSIF a déclaré qu'il n'était pas autorisé à le faire et que cela ne faisait pas partie de son mandat. Le commissaire fédéral à l'environnement et au développement durable a en fait soutenu dans son récent rapport que, compte tenu des récents changements réglementaires et législatifs, ils devraient en faire partie. C'est une question au sujet de laquelle le BSIF a été perçu comme coupant avec les deux côtés des ciseaux.
     Cela ressemble aux débats que nous avons et que j'entends sur l'offre et la demande. Ce n'est pas l'offre ou la demande: il faut faire les deux. Sinon, vous essayez de couper une feuille de papier avec une seule moitié des ciseaux. Ça ne marche pas. Il faut examiner le risque que le changement climatique fait peser sur le système financier et le risque que le système financier, tel qu'il fonctionne actuellement, fait peser sur notre climat, et nous devons traiter les deux en même temps et de manière cohérente.
(1240)
    Merci, monsieur Garon.
     Monsieur Blaikie, allez‑y.
    Merci, monsieur le président.
     Je vais commencer par prier nos témoins de m'excuser d'aborder un petit point des travaux du Comité.
     Comme l'a fait M. Chambers, je vais donner avis d'une motion, mais je vais lire celle‑ci, car les autres membres du Comité ne l'ont pas encore vue. Il s'agit à mon avis d'une question qui découle de notre étude du projet de loi C‑47. J'ai assisté à de nombreuses manœuvres d'obstruction et j'ai même participé à certaines d'entre elles, mais il y avait quelque chose qui me turlupinait à propos de celle‑ci et je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus, mais après un certain temps de réflexion, je pense avoir compris ce qui me dérangeait. J'espère que cette motion contribuera à résoudre le problème.
     Elle se lit comme suit:
Que: (a) le Comité reconnaisse que (i) M. Hallan a fait obstruction dans une large mesure au projet de loi C‑47 en comité, mais qu’il n’a pas été très assidu tout au long de la procédure, (ii) M. Lawrence a rempli les fonctions que l’on attendrait d’un vice-président de comité pour l’Opposition officielle, y compris (A) assister à la plupart des séances, (B) assurer le leadership des député(es) de son parti sur le parquet du comité, (C) recevoir les propositions de représentant(es) des autres partis pour mettre fin à l’obstruction et (D) négocier avec ces représentant(es) à cette fin, et; (b) que le vice-président Hallan ne jouit plus de la confiance du Comité permanent des finances et que, par conséquent, nous procédons immédiatement à l’élection d’un nouveau vice-président issu de l’Opposition officielle.
    Je considère que l'avis de cette motion a été donné. Je me réjouis d'avoir l'occasion d'en discuter longuement lorsque je la proposerai. Ce n'est pas un sujet pour aujourd'hui. Il est évident qu'il y a une clause de préavis de 48 heures, mais je ferai un suivi par écrit auprès du greffier. Nous devrions être en mesure de diffuser cette information dans les deux langues officielles d'ici la fin de la journée, monsieur le greffier.
     Je remercie nos témoins d'avoir accepté cette brève incursion de la part des travaux du Comité.
     Me reste‑t‑il un peu de temps, monsieur le président?
    Vous avez un peu plus d'une minute.
    Merci beaucoup.
     La prochaine question qui m'intéresse concerne l'importance d'aligner le Canada sur certains de nos principaux alliés qui prennent déjà des mesures dans ce domaine et ce que cela signifierait pour le Canada d'avoir une taxonomie unique particulière ou un régime de divulgation.
     Madame Zvan, vous voudrez peut-être intervenir à ce sujet.
    Je crois que la divulgation au sein d'un conseil national des normes de durabilité apportera cette cohérence à l'échelle mondiale. Cela prendra du temps, mais cela commence. En ce qui concerne la taxonomie, il y a une notion de collaboration ou d'interopérabilité. Celles‑ci se fondent sur certaines des hypothèses clés, à savoir, l'impératif absolu d'un alignement sur 1,5 °C et le principe de ne causer aucun dommage important. Ne pas mettre en péril d'autres objectifs environnementaux, par exemple, en réduisant les émissions. Ensuite, il y a des questions techniques, la façon dont on le structure.
     Dans le cadre de nos recherches, nous avons parlé avec Climate Bonds Initiative, ainsi qu'avec des personnes en Australie et en Asie. Je dirais que nous sommes tout à fait au diapason des normes mondiales en matière de transition verte, et il y a un très grand désir de collaboration pour aider à la définition mondiale de la transition. C'est pourquoi je crois qu'il est extrêmement important que nous les consultions en cours de route pour nous assurer qu'ils sont en harmonie avec notre orientation et qu'ils la soutiennent.
    Je vous remercie.
     Merci, monsieur Blaikie.
     Nous passons maintenant à M. Morantz.
    Monsieur le président, M. Lawrence va commencer le tour de table pour moi.
    J'aimerais répondre rapidement aux remarques de M. Blaikie.
     Les conservateurs travaillent en équipe et je suis fier de collaborer avec M. Hallan, M. Morantz et M. Chambers. Je crois que le travail en équipe ou en collaboration ne devrait jamais être considéré comme négatif. C'est d'autant plus surprenant que le NPD soutient les droits collectifs et que, franchement, M. Blaikie a toujours fait preuve d'une grande collaboration au cours de ses années de service ici, en essayant de travailler avec tous les partis. Je suis un peu déçu, M. Blaikie, mais les conservateurs continueront à travailler en équipe. Je suis très fier de travailler aux côtés de M. Hallan.
(1245)
    Monsieur le président, je voudrais rapidement me faire l'écho de ces sentiments.
     Ce fut un privilège de travailler avec M. Hallan, qui est un député remarquable, un membre exceptionnel de la collectivité indo-canadienne et une personne très respectée. Je suis assez surpris de voir le député néo-démocrate de ce comité s'en prendre à lui, en sa qualité de vice-président de ce comité, pour avoir simplement fait son travail.
     Sur ce, je passe la parole à M. Darwall.
     Monsieur Darwall, une petite question. Vous avez utilisé une expression tout à l'heure. Vous avez parlé de la socialisation du capital privé. Je me demande si vous pourriez préciser ce que vous entendez par là.
    Merci, monsieur Morantz.
     Le capital privé est‑il destiné aux bénéficiaires, aux fiduciaires, aux gestionnaires d'investissement, aux gestionnaires de fonds de pension, etc., qui ont le devoir primordial de maximiser le rendement ajusté en fonction du risque, ou le capital privé est‑il en fait un capital semi-socialisé qui devrait être utilisé pour atteindre les objectifs de la politique publique? Telle est, me semble-t‑il, la grande question.
     Je dois dire que je suis légèrement déconcerté par les propos tenus au sein de ce comité, selon lesquels nous avons besoin de ces règles pour attirer des capitaux au Canada afin de financer des investissements dans les énergies renouvelables. Si le rendement des investissements dans les énergies renouvelables est compétitif dans le monde entier, le Canada attirera des fonds. C'est ce qui s'est passé en Europe. Une grande partie de ces fonds ont été augmentés au détriment des consommateurs du Royaume-Uni, de l'Allemagne et d'autres pays où le coût de l'électricité est parmi les plus élevés au monde, mais fondamentalement, c'est une question de rendement. Si vous avez le bon rendement, vous attirerez les capitaux.
    À ce propos, je voudrais aborder avec vous l'aspect du rendement du capital investi, car, d'après ce que j'ai entendu dans toutes ces réunions sur la finance verte, les initiatives vertes et l'utilisation de capitaux privés à des fins sociales, personne ne semble parler le langage auquel je suis habitué depuis l'époque où je pratiquais le droit commercial et des sociétés, et où mes clients s'intéressaient au rendement du capital investi.
     Ce concept semble totalement étranger aux personnes qui sont aujourd'hui chargées de faire des investissements. Cela m'inquiète beaucoup, surtout lorsqu'il s'agit de personnes qui ont investi dans des pensions, lorsque les gestionnaires des pensions eux-mêmes ne sont pas intéressés outre mesure par la sécurité de leur retraite, mais plutôt par la poursuite de leurs propres objectifs idéologiques. Je me demande si vous pouvez nous en dire plus à ce sujet.
    Oui, je crois que vous avez mis le doigt exactement sur le gros problème que posent les investissements ESG et le mélange des objectifs de politique publique, ou objectifs politiques, et des intérêts financiers des bénéficiaires. C'est un problème. Il faut séparer les deux. Le gouvernement a un rôle à jouer, tout comme le capital privé, et il ne faut pas confondre les deux.
    Nous avons déjà abordé ce sujet, mais je me demande si vous pourriez parler des ramifications géopolitiques d'un Canada pauvre, en raison de la suppression de son industrie pétrolière et gazière, ce qui est en fin de compte l'objectif de ces politiques, et d'une Russie plus riche, par exemple, qui n'aura aucun problème à exploiter ses ressources naturelles pour son gain économique.
    Je crois qu'il suffit de regarder l'Europe pour voir le danger d'une absence de ressources naturelles et d'une forte consommation d'énergie, en particulier pour l'Allemagne, qui est l'un des plus grands exportateurs industriels du monde, avec une économie qui s'est rendue très dépendante de l'approvisionnement en gaz russe. Il s'agit là d'un défi de taille pour l'économie allemande, qui verra une grande partie de son industrie pétrochimique et de son secteur automobile confrontée à de très grands défis et à de fortes contractions à l'avenir.
    Merci, monsieur Morantz.
     Nous passons à Mme Chatel.
    Merci, monsieur le président.
     J'ai de nouveau une question à poser à Mme Bardswick.
     J'aimerais vraiment savoir, concrètement, quelles seraient la mesure ou les deux mesures que le gouvernement doit absolument prendre pour donner l'assurance que le gouvernement va de l'avant et que les investisseurs peuvent avoir confiance que le Canada sera un chef de file en matière de finance verte et de transition.
(1250)
    Eh bien, je commencerais par affirmer qu'on a fait du travail et accompli des progrès sur le plan d'une vision pour le Canada que je crois que nous, en tant qu'institutions financières, aspirerions certainement à voir comme une vision que partagent non seulement le gouvernement fédéral, mais aussi les dirigeants provinciaux, territoriaux et autochtones du pays, afin de s'assurer que l'alignement est là, parce que le temps presse et qu'aucun d'entre nous n'a de ressources excédentaires ou de temps à gaspiller.
     Cela dit, dans le contexte du Conseil d'action en matière de finance durable et du mandat qui nous a été confié, et que nous croyons et soutenons, il y a ici une construction fondamentale associée à la boîte à outils pour un écosystème durable robuste. Cette boîte à outils comprend la mise en place d'un cadre de divulgation pour le pays. Elle comprend la mise en oeuvre d'une taxonomie, et je dirais que même la Russie dispose d'une taxonomie, tout comme la Chine. Il s'agit également de veiller à ce que l'on continue à améliorer les exigences en matière de données, et les bases de données publiques existantes ont un rôle à jouer. Nous avons été frappés par la quantité des données qui sont hébergées à la fois au fédéral et au provincial et qui ajouteraient de la valeur à l'exercice si elles étaient régies et plus utilisables du point de vue des institutions financières.
     Je dirais que des progrès ont été accomplis, mais que nous devons nous engager à mettre en oeuvre les recommandations visant à développer cette capacité de manière beaucoup plus détaillée. Je ne dirai pas une seconde que les recommandations du CAFD doivent se suffire à elles-mêmes. Nous nous sommes également engagés à une consultation plus large et nous encourageons un engagement continu envers une consultation plus large afin d'amener les parties prenantes qui doivent être présentes à la table des négociations à agir.
    Il y a aussi le délai d'exécution de 12 mois, voire moins.
     Le mandat actuel du CAFD vient à échéance en mars 2024. Je ne voudrais pas que nous perdions l'élan que les institutions financières actuelles donnent à cet exercice. Si nous pouvions trouver un moyen de poursuivre un processus d'engagement qui garderait ces personnes à la table, je crois que ce serait vraiment bénéfique pour le pays.
    Nous parlons souvent d'une voie à suivre pour atteindre nos objectifs afin de garantir un contrôle du climat et la sécurité de nos collectivités, la sécurité des Canadiens — la protection des Canadiens contre les catastrophes climatiques —, mais pour moi, cela n'est pas du tout séparé de la croissance économique. Je crois qu'une économie prospère est une économie qui protège ses citoyens contre les catastrophes climatiques tout en développant l'économie de demain. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    Je voudrais souligner que les récents événements météorologiques survenus dans ce pays ont eu un impact considérable sur l'économie du pays, y compris sur notre tourisme, qui souffre actuellement du fait que les gens ne veulent pas venir dans le pays lorsque la qualité de l'air est si mauvaise. Il existe de nombreux exemples d'impacts économiques négatifs associés à ces événements météorologiques. Compte tenu de la détérioration du climat, il est de notre devoir de déployer des efforts considérables pour concevoir et mettre en oeuvre les stratégies d'adaptation dont nous savons qu'elles peuvent être mises en oeuvre.
     Nous avons les réponses; nous devons simplement porter notre attention sur l'exécution, et je terminerai sur cette note. Très franchement, la vision est la partie agréable, et l'alignement de la stratégie est agréable. L'exécution est difficile, et je crois que nous devons accepter de retrousser nos manches, de collaborer et de coopérer à l'exécution, parce qu'en fin de compte, c'est ce qui nous permettra d'obtenir les résultats dont nous avons besoin.
(1255)
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Chatel.
     Ces témoins ont été formidables. Nous avons cinq minutes, alors je crois que nous aurons une brève période de questions et réponses. Ce sera comme une période de questions pour nos témoins. Nous allons faire un tour de table. Allons‑y.
     Commencez-vous, monsieur Lawrence?
    Oui, je commence.
     Je cherche une réponse rapide, et pour montrer l'esprit de non-partisanerie et l'engagement de tous les partis dans la lutte contre les changements climatiques, je vais terminer mes questions avec vous, monsieur Stewart et Greenpeace.
     L'énergie nucléaire fait-elle partie de la solution au changement climatique? C'est pour un simple oui ou non.
    Le nouveau nucléaire ne l'est pas.
    C'est ça.
    Nous passons aux libéraux.
     Madame Dzerowicz, allez‑y.
    Ma question s'adresse à Mme Zvan.
     Vous avez dit que nous avions besoin de matériel pour créer la taxonomie. Vous avez parlé de gouvernance, puis de la conception de la taxonomie pour que nous puissions attirer des capitaux. Les investissements des entreprises en général ont baissé malgré des taux d'intérêt historiquement bas avant la pandémie. Je me demande si nous ne devons pas en faire un peu plus pour encourager l'investissement en capital. Je me demande si vous pouvez répondre à cette question.
    Je crois que la taxonomie n'est qu'un outil parmi d'autres. Je crois qu'il existe au Canada un quatrième axe de travail pour le Conseil d'action en matière de finance durable, soit étudier les obstacles à l'obtention de capitaux. Les différentes institutions financières fournissent des exemples concrets de ces obstacles, nous résumons donc ces thèmes et les présentons en retour.
     L'une des solutions souvent évoquées est le financement mixte, qui permet de s'assurer que l'investisseur ne finit pas avec un rendement compromis, que la première perte, structurellement, est fournie pour que les gros investisseurs, les investisseurs privés, puissent satisfaire à l'exigence fiduciaire en matière de risque et de rendement.
    Je vous remercie.
     Nous passons maintenant au Bloc.
    Monsieur Garon, allez‑y.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Je vais adresser mon unique question à Mme Bardswick.
    Je sais qu'au sein du Conseil d'action en matière de finance durable, vous avez réservé un siège à des groupes environnementaux et que c'est tout nouveau. J'aimerais savoir quel rôle vous entendez leur confier dans le cadre de vos opérations.

[Traduction]

    Je crois que vous faites référence à la structure de gouvernance de la taxonomie par opposition à la structure plus large du Conseil.
     En ce qui concerne la taxonomie, nous envisageons deux interventions importantes. La première consiste à mettre en place un groupe de travail plus large et plus inclusif pour influencer le travail au fur et à mesure de son élaboration. La seconde consiste à s'assurer qu'à la table du Conseil — et je le vois comme un conseil d'administration qui supervise la stratégie — il y a également une représentation à ce niveau.
    Je vous remercie.
     M. Blaikie aura notre dernière question.
    Compte tenu de l'état actuel de la finance verte au Canada, du point de vue de la lutte contre l'écoblanchiment et de l'attraction des investissements en capital, dans quelle mesure est‑il important que le gouvernement agisse en urgence pour mettre en place un cadre d'investissement?
    C'est urgent.
    Sur ce, nous allons remercier à nouveau nos témoins.
     Vous avez été formidables. Merci beaucoup pour tous vos témoignages sur la finance verte.
     Merci à Mme Chatel d'avoir présenté la motion.
     Nos analystes se préparent à rédiger leur rapport.
     La séance est levée.
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