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FOPO Rapport du Comité

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Rapport supplémentaire des députés du Parti conservateur du Canada

« Répartition des ressources à la Commission des pêcheries des Grands Lacs »

Novembre 2023

 

La pêche dans les Grands Lacs est une ressource binationale qui crée des retombées économiques de plus de sept milliards de dollars par année pour les Canadiens et les Américains qui œuvrent dans le secteur. Ces retombées proviennent de la pêche publique, commerciale et autochtone en soi et d’autres secteurs comme le tourisme, les forfaits de pêche, la construction de navires et les services connexes ainsi que la transformation du poisson, pour n’en nommer que quelques-uns.

Pour les pêcheurs et les collectivités de la région, la pêche dans les Grands Lacs est un moteur économique qui permet d’exercer des activités lucratives, d’assurer leur sécurité alimentaire et de créer des emplois. Depuis des milliers d’années, les communautés autochtones comptent sur les ressources halieutiques pour se nourrir ainsi que pour perpétuer leur culture et leurs traditions.

Sur le plan de la superficie, les Grands Lacs constituent le plus grand groupe de lacs d’eau douce de la planète. La pêche dans ces eaux est tributaire de la santé des écosystèmes qu’elles abritent, mais elle y contribue également. Pour assurer la pérennité de la pêche dans les Grands Lacs et des avantages qu’elle procure, il faut préserver les écosystèmes et la biodiversité par une série de mesures, dont la gestion des espèces aquatiques envahissantes telles que la lamproie marine.

En 1954, le Canada et les États-Unis ont adopté la Convention sur les pêcheries des Grands Lacs (la Convention), qui a permis d’établir officiellement les balises de la coopération transfrontalière et de la coordination des efforts de conservation, dans le but de renforcer et d’appuyer le secteur de la pêche. La Convention prévoyait notamment la création de la Commission des pêcheries des Grands Lacs (la Commission). L’article VIII de la Convention précise de quelle manière les parties à la Convention doivent verser des cotisations pour couvrir les dépenses de la Commission.

Les conservateurs tenaient à ce que le Comité mène une étude sur les ressources et la gouvernance de la Commission en réponse aux plaintes qui dénoncent le sous‑financement de la Commission par le gouvernement du Canada ainsi que la structure de l’appareil gouvernemental, qui est à la source de ce sous‑financement. Lors de sa comparution à titre de témoin, Robert Lambe, secrétaire exécutif de la Commission, a déclaré que le gouvernement du Canada avait sous-financé la Commission de 2000 à 2022[1]. M. Lambe a ajouté que le sous-financement de la Commission par le gouvernement du Canada découle d’un conflit d’intérêts au sein du ministère des Pêches et des Océans (MPO). En effet, le MPO est responsable du financement de la Commission, au nom du Canada, et des activités de lutte contre la lamproie marine de la Commission[2].

Lors de sa comparution comme témoin le 8 juin 2023, Mme Debbie Dingell, membre du Congrès des États-Unis représentant le Michigan, a expliqué que les problèmes structurels de l’appareil gouvernemental du Canada ont causé des décennies de sous-financement. Ainsi, la dernière réunion de la Commission remonte à plus d’une année et l’organisation n’a pas de programme régulier depuis 2021[3]. Mme Dingell a souligné que les lacunes considérables sur le plan du financement ont été comblées dans le budget de 2022 du gouvernement du Canada, mais que rien n’a été fait pour corriger le mécanisme qui permet au MPO de retenir les fonds alloués à la Commission dans le budget fédéral[4].

Les représentants de la Commission et les députés qui ont participé à l’étude du Comité ont reconnu que le MPO se trouve en situation de conflit d’intérêts à l’égard de ses responsabilités envers la Commission. Ce conflit d’intérêts a été confirmé par un avis juridique obtenu par la Commission en juin 2022 auprès de Fasken Martineau DuMoulin LLP[5].

Cependant, les représentants du MPO et du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (MAECD) ont déclaré qu’un tel conflit d’intérêts n’existait pas et que cette position a été confirmée par un avis juridique produit par des avocats du gouvernement. Lorsque les fonctionnaires ont été priés de fournir au Comité l’avis juridique étayant leur position, Niall Cronin, du MAECD, a fait la déclaration suivante : « L’avis fourni par nos avocats est différent. C’est pourquoi je me suis engagé à consulter le ministère pour voir les renseignements que nous pouvons transmettre par écrit au Comité[6]. »

Or, le Comité n’a jamais reçu l’avis juridique évoqué par les représentants du MPO et du MAECD. Le 21 juin 2023, le MPO a plutôt envoyé une réponse écrite, qui a été transmise aux membres du Comité et qui indiquait simplement que l’avis juridique du ministère de la Justice, produit en réponse à celui à de Fasken, ne peut pas être fourni, car il est assujetti au secret professionnel de l’avocat[7].

Les conservateurs sont grandement préoccupés à l’idée que les représentants du gouvernement aient omis de fournir au Comité l’assise juridique sur laquelle reposent les politiques et les décisions qui ont provoqué l’apparent conflit d’intérêts du MPO, un conflit qui aurait permis au ministère de sous‑financer la Commission pendant plus de deux décennies. Le sous‑financement prolongé de la Commission par le gouvernement du Canada a miné la confiance de nos partenaires américains envers l’engagement du Canada auprès de la Commission, limité le travail de la Commission pour protéger les eaux des Grands Lacs et causé des tensions et des dysfonctionnements inutiles au sein de la Commission.

Les refus inexplicables du gouvernement du Canada de revoir l’appareil gouvernemental pour éliminer le conflit d’intérêts du MPO dans cette affaire sont très inquiétants. M. Cronin a déclaré que : « selon ce que nous comprenons, les décisions relatives aux changements dans le fonctionnement du gouvernement relèvent du Bureau du premier ministre. Je crois que ce qu’ont dit nos collègues du ministère des Pêches et des Océans la semaine dernière, c’est que l’analyse avait été entreprise dans l’ensemble du gouvernement et que la décision revenait au centre, c’est‑à‑dire au Bureau du Conseil privé ou au Bureau du premier ministre[8]. »

Lorsque Niall O’Dea, du MPO, a été prié de donner la date à laquelle la question du changement à l’appareil gouvernemental a été soulevée auprès du Bureau du premier ministre, il a déclaré que cette démarche ne relevait pas du MPO, qu’il ne disposait pas de cette information et qu’il en ferait la demande au MPO. Pourtant, lorsque le Comité a reçu la réponse écrite du MPO à cette question, il s’est une fois de plus heurté à un mur, puisqu’il a été informé que « le MPO ne fournit aucun conseil sur les changements à l’appareil gouvernemental et qu’il n’est donc pas en possession de cette information[9] ».

En ce qui concerne les cas où les représentants du MPO ont omis de fournir de l’information pertinente pour l’étude du Comité, il a été confirmé, grâce au portail du gouvernement ouvert en ligne, qu’une note d’information quant au changement à l’appareil gouvernemental a été envoyée au premier ministre le 12 avril 2022 pour qu’il prenne une décision[10]. Aucune trace de la décision demandée n’a pu être trouvée dans la base de données et les députés conservateurs n’ont aucune raison de croire que le premier ministre a pris une décision sur cette question depuis qu’elle a été soumise à son attention il y a plus d’un an et demi.

Malgré les demandes répétées de changement à l’appareil gouvernemental, dont une lettre signée par 43 députés du Parti libéral du Canada envoyée au premier ministre en mars 2023 pour lui demander d’enfin procéder à ce changement, le premier ministre n’a pas pris les mesures nécessaires pour trouver une solution permanente au sous-financement de la Commission par le Canada.

Les Grands Lacs sont une ressource économique et écologique inestimable pour le Canada et les États‑Unis, et il est impératif que le gouvernement du Canada respecte ses engagements au titre de la Convention. Il doit fournir un financement stable, juste et équitable pour soutenir le travail de la Commission visant à restaurer et à protéger les Grands Lacs pour les générations futures.

Les décennies de sous-financement de la part du gouvernement du Canada constituent une menace inutile et inappropriée pour la fonction et les activités de la Commission et la conservation des ressources des Grands Lacs. Le sous-financement a également érodé la confiance des partenaires américains envers le Canada et son engagement à l’égard des conditions et des objectifs de conservation fondamentaux énoncés dans la Convention sur les pêcheries des Grands Lacs.

La problématique relative à l’appareil gouvernemental du MPO ainsi que les répercussions de celle-ci sur la Commission n’ont rien de nouveau : il existe un fort appui de part de tous les partis pour que la situation soit résolue une fois pour toutes. Pourtant, la demande envoyée au premier ministre quant à la mise en œuvre d’une solution permanente à ce problème reste sans réponse.

La population canadienne et nos partenaires américains ont le droit de savoir pourquoi le premier ministre refuse toujours de prendre une décision à ce sujet. Le premier ministre a le devoir de réduire l’incertitude et d’offrir à la Commission la stabilité nécessaire pour mener ses travaux indispensables de restauration et de conservation des ressources irremplaçables et essentielles des Grands Lacs.

Recommandation

1) Que le premier ministre prenne immédiatement et publiquement une décision quant au ministère du gouvernement du Canada qui devra s’acquitter des fonctions d’appareil gouvernemental pour le compte de la Commission des pêcheries des Grands Lacs et qu’il explique les raisons de sa décision.


[1] Robert Lambe, secrétaire exécutif, Commission des pêcheries des Grands Lacs, Témoignages, 8 juin 2023.

[2] Ibid.

[3] Debbie Dingell, membre du Congrès, Chambre des représentants des États-Unis, Témoignages, 8 juin 2023.

[4] Debbie Dingell, membre du Congrès, Chambre des représentants des États-Unis, Témoignages, 8 juin 2023.

[5] Commission des pêcheries des Grands Lacs, Dossier de documentation, Mémoire présenté au Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, 7 juin 2023.

[6] Niall Cronin, directeur exécutif, Affaires transfrontières – États-Unis, ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, Témoignages, 12 juin 2023.

[7] MPO, Réponses écrites aux questions, présentées au Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, 21 juin 2023

[8] Niall Cronin, directeur exécutif, Affaires transfrontières – États-Unis, ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, Témoignages, 12 juin 2023.

[9] MPO, Réponses écrites aux questions, présentées au Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, 21 juin 2023 [traduction].

[10] Gouvernement du Canada, « Gouvernement ouvert, Divulgation proactive, Titres et numéros des notes d’information », TBD-PM-00494, consulté le 12 novembre 2023.