LANG Rapport du Comité
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Opinion dissidente — Bloc québécois — 18 octobre 2024
Le membre du Bloc Québécois et deuxième vice-président du Comité permanent des langues officielles présente respectueusement l’opinion dissidente suivante :
Cette opinion dissidente du Bloc québécois ne vise pas tant le compte rendu des témoignages ou des rapports présentés au Comité des langues officielles que l’échec du rapport à respecter des orientations énoncées à l’article 2 de la nouvelle Loi sur les langues officielles, notamment :
b) d’appuyer le développement des minorités francophones et anglophones en vue de les protéger, tout en tenant compte du fait qu’elles ont des besoins différents ;
b.1) de favoriser, au sein de la société canadienne, la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais, en tenant compte du fait que le français est en situation minoritaire au Canada et en Amérique du Nord en raison de l’usage prédominant de l’anglais et qu’il existe une diversité de régimes linguistiques provinciaux et territoriaux qui contribuent à cette progression dans la société canadienne, notamment la Charte de la langue française du Québec qui dispose que le français est la langue officielle du Québec ;
b.2) de favoriser l’existence d’un foyer francophone majoritaire dans un Québec où l’avenir du français est assuré ;
Aux pages 7 et 8, le document du Comité LANG énonce effectivement ce qui suit : « Le rapport tient compte de la nouvelle approche asymétrique de la Loi sur les langues officielles, soit que le français est en situation minoritaire au Canada et en Amérique du Nord, en raison de l’usage dominant de l’anglais, et que la minorité anglophone du Québec et les minorités francophones des autres provinces et territoires ont des besoins différents. »
De plus à la partie VII de la LLO, on mentionne que les mesures positives « sont prises tout en respectant : « (i) la nécessité de protéger et promouvoir le français dans chaque province et territoire, compte tenu du fait que cette langue est en situation minoritaire au Canada et en Amérique du Nord en raison de l’usage prédominant de l’anglais. »
Le Comité ne peut plaider l’ignorance des nouvelles dispositions de la LLO, puisqu’il les réaffirme dans le préambule du rapport. Rien, cependant, ne démontre que ces orientations aient été prises en compte dans les conclusions et recommandations du rapport en ce qui concerne :
- la protection et la promotion du français au Québec ; et
- le statut privilégié de la collectivité anglo-québécoise, davantage une extension de la majorité anglo-canadienne en terre québécoise qu’une minorité au même titre que les autres CLOSM.
La réalité, amplement démontrée par les recensements fédéraux et reconnue par le gouvernement canadien, c’est que le français décline partout au Canada, y compris au Québec, et que l’anglais progresse ou se maintient partout au Canada, y compris au Québec. Peu importe les critères utilisés (langue maternelle, langue d’usage, même la suspecte, première langue officielle parlée, PLOP), la communauté anglophone du Québec demeure en constante progression, alors que les minorités de langue française subissent des reculs partout, étant même menacées de disparition par endroits.
La proposition de PERT voulant dépeindre à l’aide de statistiques taillées sur mesure une communauté anglo-québécoise appauvrie ne tient pas la route, mais semble être encore appuyée par le gouvernement fédéral, y compris le bureau du Commissaire fédéral aux langues officielles. L’utilisation par PERT du revenu médian d’emploi, s’ajoutant à l’inclusion de près de 270 000 non-anglophones moins rémunérés dans ses calculs, ternit abusivement le portrait d’une collectivité qui trône toujours au sommet de la pyramide économique du Québec.
Dans son témoignage, Pierre Serré explique que le recours à la PLOP ajoute au total de la communauté historique anglophone quelque 267 000 personnes provenant en bonne partie de « milieux immigrants allophones » et ayant des revenus « largement inférieurs à la moyenne ». Leur présence statistique fait chuter le revenu médian annuel des « anglophones » de 4000 $ (11,1 %) et le revenu moyen annuel de 4130 $ (7,8 %). Le recours plus réaliste au revenu moyen et aux chiffres de la langue d’usage à la maison pour définir la collectivité anglo-québécoise que propose M. Serré offre un portrait plus réaliste de la situation où les anglophones gagnent en moyenne 6000 $ de plus par année au travail que les francophones du Québec.
Dans le contexte d’une collectivité anglo-québécoise privilégiée depuis la Confédération, jouissant d’un statut socioéconomique plus qu’enviable et en progression démographique accélérée grâce aux transferts linguistiques d’allophones, et même de francophones, on aurait pu s’attendre que le Comité LANG pèse l’opportunité de limiter les fonds attribués aux Anglo-Québécois dans le cadre des programmes du Plan d’action 2023-2028, quand ces derniers servent à angliciser le Québec, ou que, tout au moins, le rapport évoque des mesures — financières ou autres — pour protéger et promouvoir le français au Québec dans le respect des compétences de l’État québécois, en conformité avec l’article 2 de la LLO.
En ne s’interrogeant pas sur l’accès de la collectivité anglo-québécoise aux mêmes programmes économiques que les francophones des autres provinces, le rapport du Comité LANG écarte le fait que les anglophones du Québec fassent aussi partie de la majorité anglo-canadienne, se comportent comme tel et en tirent largement profit. À cet égard, le Comité, en conformité avec cette asymétrie qu’il dit défendre, aurait pu considérer la majorité franco-québécoise comme une CLOSM pour l’ensemble du Canada, et lui offrir à ce titre, dans le respect des compétences québécoises, accès aux programmes du Plan d’action sur les langues officielles 2023-2028, dans le but de « favoriser l’existence d’un foyer francophone majoritaire dans un Québec où l’avenir du français est assuré ».
Au contraire, certaines des recommandations du rapport violent l’esprit et la lettre de la Loi 101 du Québec et font fi des compétences constitutionnelles du Québec. La recommandation 10, demandant que le gouvernement du Canada sensibilise et encourage « les municipalités à devenir bilingues », feint d’ignorer qu’au Québec, le choix d’obtenir un statut bilingue est limité aux municipalités ayant une majorité d’habitants de langue maternelle anglaise. Par ailleurs, l’enjeu de l’immigration francophone est abordé dans le rapport sans tenir compte des conséquences pour le Québec, ni des données sur l’anglicisation des immigrants et de leurs enfants à l’extérieur du Québec.