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NDDN Rapport du Comité

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En première ligne de la démocratie : Le Canada et l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord répondent à l’agression de la Russie en Europe

Introduction

Entre le 19 et le 27 août 2023, sept membres[1] du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes (membres du Comité ou membres) se sont rendus au Royaume-Uni, en Lettonie, en Estonie et en Pologne dans le cadre d’une étude sur les menaces auxquelles le Canada est exposé et sur l’état de préparation opérationnelle des Forces armées canadiennes (FAC)[2]. Le présent rapport vient donc consolider le Rapport provisoire sur la défense du Canada dans un contexte de menace en évolution, qui a été présenté à la Chambre des communes le 16 juin 2022[3].

Au moment du voyage, la guerre entamée par la Russie contre l’Ukraine entrait dans son 18e mois. En Europe, les membres du Comité se sont fait dire à plusieurs reprises que la Russie avait ramené la guerre en Europe et que le régime autoritaire, révisionniste et agressif du président russe, Vladimir Poutine, s’était attaqué à un voisin souverain pacifique sans provocation. C’est là une réalité accablante qui a des implications militaires et politiques pour les États membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et les gouvernements démocratiques du monde entier. Tout au long des réunions des membres, on a reconnu que la Russie représentait une menace existentielle pour l’Europe ainsi que pour les États membres de l’OTAN. On s’entendait aussi sur le fait que le comportement hostile de la Russie sur l’échiquier mondial avait semé la mort et la destruction en Ukraine, en plus de provoquer peur, insécurité, instabilité et tensions dans ce pays et ailleurs sur la planète. On a rappelé aux membres l’importance de l’unité et de la défense collective de l’OTAN contre la menace russe, ainsi que de la nécessité d’investir dans la défense nationale, de renforcer les capacités de l’OTAN et de défendre ses pays membres.

Le Comité a rencontré des membres du personnel des FAC déployés en Europe dans le cadre des opérations REASSURANCE et UNIFIER, et ont pu constater leur professionnalisme et le travail indispensable qu’ils y accomplissent. Lancée en 2014, l’Opération REASSURANCE se veut la contribution des FAC aux mesures de défense et de dissuasion de l’OTAN en Europe centrale et orientale. Pour sa part, l’Opération UNIFIER, créée en 2015, est la mission d’entraînement et de renforcement des capacités militaires des FAC à l’appui des Forces armées ukrainiennes[4]. Les membres ont pris connaissance des retombées de ces deux opérations sur la sécurité en Europe centrale et orientale ainsi que des difficultés se dressant sur leur chemin. De plus, les membres ont pu se faire une idée juste de l’appui continu du Canada à l’Ukraine et de la contribution de notre pays à la sûreté et à la sécurité d’autres États membres et partenaires de l’OTAN en Europe.

Au cours du voyage, les membres du Comité ont visité trois des groupements tactiques de la présence avancée renforcée (PAR) de l’OTAN en Europe de l’Est : le groupement tactique dirigé par le Canada en Lettonie, le groupement tactique dirigé par le Royaume-Uni en Estonie, et le groupement tactique dirigé par les États-Unis en Pologne. Les membres ont interagi avec des militaires des pays hôtes et de divers États membres de l’OTAN prenant part à ces groupements tactiques. Cela leur a permis de juger de leur état de préparation et de leurs capacités, et d’en apprendre plus sur leur contribution à la sécurité du flanc oriental de l’OTAN en Europe et à la protection des pays hôtes.

En outre, les membres du Comité ont visité le Centre d’excellence pour la cyberdéfense en coopération de l’OTAN en Estonie et le Centre d’excellence pour la communication stratégique de l’OTAN en Lettonie. Ils ont été informés de l’expertise et du travail en cours dans les domaines de la cybersécurité, de la cyberguerre, de la guerre cognitive et des communications stratégiques, ainsi que des menaces que les actes de la Russie et d’autres pays posent en relation avec la cyberguerre et la guerre cognitive. Il a aussi été question, à cette occasion, de la menace russe et de la situation complexe en matière de sécurité en Europe de l’Est, ainsi que de la nature et de la portée des contributions du Canada et d’autres pays membres de l’OTAN aux groupements tactiques en Estonie, en Lettonie et en Pologne. Enfin, les membres ont pris connaissance des efforts de ces trois pays pour augmenter les dépenses de défense, investir dans leurs forces armées, renforcer leurs capacités de défense et contribuer à la défense collective de l’OTAN.

Le présent rapport résume certaines des principales questions examinées lors du voyage des membres du Comité en Europe. La première section porte sur l’appui que le Canada et d’autres pays membres de l’OTAN apportent à l’Ukraine en entraînant des membres des Forces armées ukrainiennes et en leur fournissant des armes et d’autres types d’équipement militaire. La deuxième section décrit les mesures de défense et de dissuasion de l’OTAN en Europe de l’Est ainsi que les contributions des groupements tactiques de la PAR de l’OTAN en Estonie, en Lettonie et en Pologne à la sécurisation de l’Europe et à la dissuasion de la Russie sur le flanc oriental de l’OTAN. Elle décrit également les contributions du Canada par l’entremise des FAC, qui exécutent l’Opération REASSURANCE et dirigent le groupement tactique en Lettonie. La troisième section brosse un portrait de la situation de la sécurité en Estonie, en Lettonie et en Pologne. Elle décrit les moyens que prennent ces pays pour se réarmer et investir dans leurs capacités de défense, qu’il s’agisse de mieux se protéger ou de renforcer leur apport à la défense collective de l’OTAN, dans un contexte de vives tensions avec la Russie et où l’environnement de sécurité international évolue rapidement. La dernière section contient les observations finales des membres.

Au cours du voyage, les membres du Comité ont assisté à des réunions officieuses sans transcription ou organisées selon la règle de Chatham House, ce qui veut dire que le rapport n’attribue pas les commentaires à des sources en particulier. Par conséquent, le rapport se veut un amalgame de points de vue et d’impressions; le cas échéant, il cite des sources externes pour fournir un contexte et des renseignements supplémentaires. Sauf indication contraire dans une note de bas de page, les renseignements figurant dans le rapport reflètent ce que les membres ont entendu lors de réunions et de visites au Royaume-Uni, en Lettonie, en Estonie et en Pologne.

Opération UNIFIER et autre soutien à l’effort de guerre de l’Ukraine

Aide militaire à l’Ukraine

La Russie et l’Ukraine sont impliquées dans un conflit armé depuis environ 10 ans. Ce qui a commencé, en mars 2014, comme une invasion et une occupation illégale russes de la Crimée en Ukraine s’est transformé en un conflit gelé entre les forces armées ukrainiennes et les mouvements séparatistes orchestrés par la Russie — armés, équipés, dirigés et renforcés par la Russie — dans la région du Donbass, en Ukraine orientale (oblasts de Donetsk et Louhansk). Le tout a fini par se muer en une guerre à part entière le 24 février 2022, lorsque la Russie a envahi l’Ukraine.

Depuis 2014, le Canada soutient l’Ukraine dans son conflit contre la Russie. De concert avec d’autres États membres de l’OTAN, des partenaires de l’Union européenne et des membres de la communauté internationale, le Canada a fermement condamné l’annexion illégale de la Crimée par la Russie, ses actes d’agression contre l’Ukraine dans la région du Donbass et ailleurs, ainsi que son invasion de l’Ukraine et sa guerre contre celle-ci. À l’instar d’autres pays membres de l’OTAN, le Canada a imposé des sanctions diplomatiques et économiques à l’encontre de particuliers et d’entités russes en réponse à la guerre en Ukraine. De plus, le Canada et d’autres pays offrent un soutien direct au gouvernement et aux Forces armées de l’Ukraine, notamment en matière financière, militaire, humanitaire, de développement, de sécurité, de stabilisation et d’immigration[5].

En septembre 2023, le gouvernement du Canada a annoncé que l’appui total accordé par le Canada à l’Ukraine depuis le début de 2022 dépassait 9,5 milliards de dollars, dont plus de 2,4 milliards en aide militaire[6]. On retrouve, parmi les systèmes d’armes et autres équipements militaires que le Canada a livrés ou est en train de livrer à l’Ukraine : des missiles de défense aérienne; des bombes aériennes; des chars de combat et des véhicules blindés; des obusiers; des armes antichars; des lance-roquettes; des fusils d’assaut, mitrailleuses, pistolets, fusils de tireur d’élite et autres armes de petit calibre; des grenades à main; de l’artillerie et des munitions pour armes légères de divers calibres; des caméras haute résolution pour drones; des services d’imagerie et de communication par satellite; et de l’équipement de protection individuelle[7]. Le Canada a également déployé des aéronefs de transport de l’Aviation royale canadienne à Prestwick, en Écosse, pour livrer de l’aide militaire à l’Ukraine en provenance du Canada et d’autres pays alliés. Selon le ministère de la Défense nationale (MDN), entre mars 2022 et janvier 2024, le détachement aérien de l’Aviation royale canadienne à Prestwick a livré plus de 15 millions de livres de marchandises militaires[8].

Au cours du voyage, les membres du Comité ont entendu parler de l’aide militaire que des pays membres de l’OTAN comme le Canada, l’Estonie et la Lettonie, entre autres, fournissent à l’Ukraine. Par exemple, la Lettonie a donné à l’Ukraine un soutien militaire, humanitaire et autre évalué à plus de 1 milliard d’euros. Par ailleurs, on a fait valoir aux membres qu’il fallait augmenter la production d’obus d’artillerie et de munitions au Canada et dans d’autres États membres de l’OTAN, à la fois pour continuer à approvisionner l’Ukraine, puisque la guerre contre la Russie se poursuit, et pour aider les pays membres de l’OTAN à reconstituer leurs stocks de munitions.

Entraînement des membres des Forces armées ukrainiennes

Dans le cadre de l’Opération UNIFIER, le Canada coopère avec d’autres pays de l’OTAN pour fournir un entraînement militaire aux membres des Forces armées ukrainiennes[9]. Les membres du Comité ont entendu dire que plus de 300 membres du personnel des FAC étaient actuellement déployés en Lettonie, en Pologne et au Royaume-Uni pour donner de la formation. Selon le MDN, depuis le début de l’Opération UNIFIER en septembre 2015, le personnel des FAC a formé plus de 39 000 militaires et membres des forces de sécurité ukrainiens[10].

Au cours du voyage, les membres du Comité ont été informés qu’entre septembre 2015 et février 2022, toujours dans le cadre de l’Opération UNIFIER en Ukraine, le personnel des FAC a donné 726 cours et formé 33 789 militaires et membres des forces de sécurité ukrainiens[11]. La majeure partie de la formation s’est donnée dans l’ouest de l’Ukraine, au Centre international de sécurité et de maintien de la paix, à Yavoriv, près de la frontière polonaise, et par le biais d’équipes de formation mobiles dans une dizaine d’autres endroits. Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les activités de formation ont été temporairement suspendues et les militaires canadiens qui étaient en Ukraine ont été brièvement relocalisés en Pologne[12].

En août 2022, le MDN a annoncé que l’entraînement des membres des Forces armées ukrainiennes sous l’Opération UNIFIER reprendrait au Royaume-Uni. En octobre 2022 et en mai 2023, le MDN a indiqué que d’autres militaires canadiens se déployaient en Pologne et en Lettonie, respectivement, en soutien à cette formation. En juin 2023, le gouvernement du Canada a annoncé la prolongation de l’Opération UNIFIER jusqu’en mars 2026[13]. Selon le MDN, entre août 2022 et novembre 2023, le personnel des FAC déployé en Lettonie, en Pologne et au Royaume-Uni sous l’Opération UNIFIER a entraîné plus de 5 000 membres des Forces armées ukrainiennes[14].

Les membres du Comité ont appris qu’il se donnait divers types de formation aux militaires ukrainiens sous l’Opération UNIFIER. Par exemple, le personnel des FAC déployé au Royaume-Uni entraîne des recrues (depuis août 2022), et les Canadiens déployés en Pologne et en Lettonie offrent une formation militaire plus spécialisée (depuis octobre 2022 et mai 2023, respectivement). Selon ce que le Comité a appris, l’entraînement en Pologne comprend l’instruction du génie de combat (depuis octobre 2022), l’entraînement d’équipages pour les chars Leopard 2 (depuis février 2023), l’entraînement de personnel médical (depuis mars 2023) et l’entraînement à l’entretien d’obusiers M777 (depuis août 2023). Depuis mai 2023, en coopération avec les Forces armées lettonnes, les militaires canadiens donnent en Lettonie une formation de perfectionnement aux officiers subalternes des Forces armées ukrainiennes. Avec l’intensification des initiatives de formation en Lettonie, en Pologne et au Royaume-Uni, le nombre de militaires canadiens déployés dans le cadre de l’Opération UNIFIER est passé de 191 en septembre 2022 à 340 en juillet 2023[15].

Entraînement des recrues ukrainiennes au Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, les membres du Comité ont visité la base d’entraînement militaire de Lydd, où environ 180 militaires canadiens déployés dans le cadre de l’Opération UNIFIER travaillent avec leurs homologues du Royaume-Uni et d’autres forces alliées pour entraîner des recrues ukrainiennes[16]. Au cours d’un voyage en Europe en septembre 2017, certains membres du Comité NDDN avaient visité le Centre international de sécurité et de maintien de la paix à Yavoriv, en Ukraine, où des militaires canadiens déployés dans le cadre de l’Opération UNIFIER entraînaient des membres des Forces armées de l’Ukraine[17]. Les membres participant au voyage d’août 2023 qui s’étaient rendus en Ukraine en 2017 ont souligné à quel point la formation donnée sous l’Opération UNIFIER avait changé depuis que la Russie avait envahi l’Ukraine, en février 2022. Par exemple, la formation se déroule maintenant ailleurs qu’en Ukraine, comme au Royaume-Uni et dans d’autres pays membres de l’OTAN, et le type de personnel militaire ukrainien formé est différent. En 2017, une formation spécialisée était offerte aux membres des Forces armées ukrainiennes qui avaient déjà suivi la formation de base, et beaucoup combattaient des groupes séparatistes soutenus par la Russie dans la région du Donbass depuis 2014. Maintenant, le personnel des FAC donne un entraînement de base aux jeunes recrues ukrainiennes, dont la plupart n’ont aucune compétence militaire et très peu d’expérience du maniement d’armes légères et d’autres armes. Essentiellement, les instructeurs canadiens transforment des civils ukrainiens en soldats et leur fournissent les outils et les connaissances de base dont ils ont besoin pour combattre et survivre sur le champ de bataille, une fois qu’ils seront rentrés en Ukraine.

Au Royaume-Uni, les recrues ukrainiennes sont formées dans le cadre de l’Opération INTERFLEX, qui est une initiative de formation multinationale. L’objectif de l’Opération INTERFLEX est d’entraîner les membres des Forces armées ukrainiennes de manière à accroître leur capacité de survie, leur létalité et leur efficacité au combat. Il a été expliqué aux membres du Comité que l’Opération INTERFLEX était dirigée par le Royaume-Uni en partenariat avec un certain nombre de pays de soutien, dont le Canada[18], et que, collectivement, ces pays fournissent des équipes qui forment les membres des Forces armées de l’Ukraine. Plus de 1 300 militaires du Royaume-Uni et des pays de soutien contribuent à l’Opération INTERFLEX; ce nombre devait dépasser 1 780 avant la fin de décembre 2023.

Les membres du Comité ont appris que l’Opération INTERFLEX formait environ 200 militaires ukrainiens par jour, ce qui signifie que plus de 20 028 Ukrainiens ont été formés entre juin 2022 et juin 2023. On s’attend à ce que 15 099 autres membres reçoivent une formation d’ici décembre 2023. En novembre 2023, le ministère de la Défense du Royaume-Uni a annoncé que l’Opération INTERFLEX avait atteint — à l’avance — son objectif de formation de 30 000 recrues ukrainiennes[19]. Entre août 2022 et la visite du Comité à la base militaire de Lydd, le personnel des FAC a formé environ 2 600 recrues ukrainiennes dans le cadre de l’Opération UNIFIER, et 1 600 autres recrues devraient être formées d’ici janvier 2024; en date du 23 janvier 2024, plus de 4 000 recrues avaient été formées[20].

Lors de leur passage à la base militaire de Lydd, les membres du Comité ont été informés que, parallèlement à l’instruction fournie dans le cadre de l’Opération INTERFLEX, les soldats ukrainiens étaient formés par d’autres pays de l’OTAN et des alliés européens, comme la France, l’Allemagne, la Pologne et l’Espagne. Les membres ont su qu’au total, 34 pays membres et non membres de l’OTAN contribuaient à l’entraînement des soldats ukrainiens, et qu’environ 85 000 soldats avaient été formés au cours de l’année écoulée[21].

Selon ce qui a été indiqué aux membres du Comité, la tranche d’âge des recrues ukrainiennes formées au Royaume-Uni se situe entre 18 et 59 ans, avec un âge moyen d’environ 34 ans. Les femmes représentent environ 5 % des recrues dans chaque cohorte de formation; la plupart des recrues sont des conscrits et environ 55 % ont fréquenté un collège ou une école de commerce technique. Soixante-neuf pour cent ont déjà de l’expérience du maniement d’un fusil ou d'un autre type d’arme; 39 % ont reçu une formation militaire avant leur arrivée au Royaume-Uni et 11 % ont une certaine expérience du combat. De plus, on a expliqué aux membres que les recrues ukrainiennes au Royaume-Uni étaient accompagnées de sous-officiers formés des Forces armées ukrainiennes, selon un ratio d’environ 20 sous-officiers pour 120 recrues ukrainiennes.

Les membres du Comité ont été informés qu’à leur arrivée au Royaume-Uni, chaque recrue ukrainienne recevait 60 kilos de matériel, dont un fusil d’assaut AR-M9F, un casque, un gilet pare-balles et divers autres articles d’équipement personnel. L’entraînement de base, d’une durée de cinq semaines, comprend 16 heures d’activités par jour. Les membres ont entendu dire que cette formation de base était de bonne qualité, mais qu’on ne pouvait la comparer aux normes de l’OTAN en matière d’entraînement de base, en grande partie à cause du manque de temps. En effet, en raison de la guerre, les recrues ukrainiennes doivent être formées rapidement, puis envoyées sur le champ de bataille. L’entraînement de base dans les armées de la plupart des pays membres de l’OTAN dure plus de cinq semaines. Par exemple, il dure environ 14 semaines dans l’Armée britannique, 13 semaines dans le Corps des Marines des États-Unis, 12 semaines dans l’Armée canadienne, 11 semaines dans l’Armée lituanienne et 10 semaines dans l’Armée américaine.

De même, il a été indiqué aux membres du Comité que l’objectif actuel était d’enseigner rapidement les normes de combat aux recrues ukrainiennes, et de s’assurer qu’elles se souviennent de leur formation et qu’elles maîtrisent les éléments de base afin de pouvoir fonctionner et survivre sur le champ de bataille en Ukraine. Pour accélérer le processus d’entraînement, les éléments qui sont normalement inclus dans la formation de base, mais qui sont jugés moins essentiels ont été retirés du programme. On retrouve parmi les éléments exclus l’entraînement physique, l’instruction sur le renseignement électromagnétique ainsi que tout ce qui touche à la guerre chimique, biologique, radiologique et nucléaire. Le programme se veut intensif, mais sans excès : si les recrues se fatiguent trop, elles ne pourront retenir la totalité des connaissances de base qu’elles ont apprises, ce qui pourrait avoir des conséquences catastrophiques sur le champ de bataille.

L’entraînement des recrues ukrainiennes comprend des exercices de tir réel ainsi que des cours sur des sujets comme le maniement d’armes, les premiers soins sur le champ de bataille, les tactiques de patrouille, les techniques de campagne, la lutte contre les engins explosifs, les compétences en matière de commandement et de leadership, et le droit des conflits armés. En particulier, on a précisé au Comité que le droit des conflits armés était une composante du programme que l’on enseigne dans chaque cours de l’Opération UNIFIER. On rappelle aux recrues ukrainiennes qu’en dépit des crimes de guerre commis par les Russes en Ukraine, les membres des Forces armées ukrainiennes doivent continuer à respecter le droit des conflits armés et ne doivent pas commettre de crimes de guerre contre les Russes.

Il a aussi été expliqué aux membres du Comité que, suivant les leçons apprises et l’expérience opérationnelle acquise sur les champs de bataille en Ukraine, on avait modifié l’entraînement des recrues ukrainiennes en vue de l’améliorer. On a notamment ajouté un entraînement supplémentaire en génie, une formation médicale améliorée, un entraînement de nuit, un entraînement psychologique et un « aguerrissement »[22], ainsi qu’un entraînement supplémentaire sur les véhicules blindés de combat, les drones et les systèmes de tranchées. Le programme est constamment examiné et amélioré de façon à répondre aux besoins opérationnels : celui-ci fera une plus grande place à l’aguerrissement et aux drones, comprendra un entraînement de nuit supplémentaire et misera davantage sur les obstacles défensifs, la guerre de tranchées et les exercices de tir réel.

À la base militaire de Lydd, les membres du Comité ont pu observer le personnel des FAC entraîner des recrues ukrainiennes et ont pris conscience que ces recrues seraient bientôt sur les champs de bataille de l’Ukraine — à combattre les Russes, défendre leur patrie et protéger leurs concitoyens — et que certaines d’entre elles pourraient ne pas rentrer chez elles. Les membres ont conclu que l’entraînement offert par les FAC aux recrues ukrainiennes au Royaume-Uni était extrêmement utile.

Par ailleurs, il a été question de certains problèmes psychologiques et troubles de santé mentale auxquels le personnel des FAC fait face lorsqu’il forme des recrues ukrainiennes. Les membres des FAC savent qu’ils forment les recrues d’une armée en guerre, que ces recrues devront aller affronter les Russes sur les champs de bataille de l’Ukraine quelques semaines plus tard, et que certaines d’entre elles pourraient être tuées, ce qui peut être difficile à accepter mentalement. On a indiqué aux membres du Comité que, pour favoriser la résilience en santé mentale, les FAC demandent au personnel déployé dans le cadre de l’Opération UNIFIER de traiter de façon amicale et professionnelle les recrues ukrainiennes, sans tisser toutefois de liens d’amitié, et d’éviter de garder le contact avec les recrues après qu’elles ont quitté le Royaume‑Uni pour se rendre en Ukraine. Les FAC fournissent aussi des services de soutien en santé mentale à leur personnel qui participe à l’Opération UNIFIER.

Qui plus est, à la base militaire de Lydd, les membres du Comité ont assisté à un cours sur la détection des mines donné à des recrues ukrainiennes et rencontré certains des sous-officiers ukrainiens accompagnant les recrues. On leur a dit que l’Ukraine était reconnaissante du soutien militaire et politique du Canada et qu’elle appréciait la façon dont ce soutien aidait l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie.

Opération REASSURANCE et mesures de défense et de dissuasion de l’OTAN

Groupement tactique de la présence avancée renforcée de l’OTAN en Lettonie

Après leur passage au Royaume-Uni, les membres du Comité se sont rendus en Lettonie pour rencontrer le personnel des FAC affecté à l’Opération REASSURANCE[23]. Dans la foulée de l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et de son soutien actif aux séparatistes de l’Est de l’Ukraine, en 2015, les pays membres de l’OTAN ont convenu d’accroître leurs déploiements de défense et de dissuasion sur le flanc oriental de l’OTAN dans quatre « pays hôtes » : l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne. Lors du sommet de l’OTAN à Varsovie, en juillet 2016, on a annoncé que le Canada, l’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis agiraient en tant que « pays-cadres », chacun dirigeant un groupement tactique multinational de la PAR en Lettonie, en Lituanie, en Estonie et en Pologne, respectivement[24]. Ces groupements tactiques ont été mis en place au premier semestre de 2017 et tous étaient pleinement opérationnels à l’été 2017. Basé au camp Adazi, près de Riga (capitale de la Lettonie), le groupement tactique dirigé par le Canada est devenu opérationnel le 19 juin 2017[25].

À la suite de la dernière invasion de l’Ukraine par la Russie en mars 2022, l’OTAN a annoncé son intention de renforcer ses quatre groupements tactiques de la PAR et de constituer quatre autres groupements tactiques multinationaux en Bulgarie, en Hongrie, en Roumanie et en Slovaquie, doublant ainsi effectivement le nombre de militaires sur le flanc est de l’OTAN. En outre, lors du sommet de l’OTAN à Madrid, en juin 2022, les États membres ont convenu de déployer du personnel supplémentaire et de grossir les rangs des quatre groupements tactiques de la PAR en les faisant passer de la taille bataillon à la taille brigade[26].

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, le gouvernement du Canada a annoncé de nouveaux soutiens dans le cadre de l’Opération REASSURANCE, notamment des mesures pour renforcer le groupement tactique de l’OTAN en Lettonie. Le 22 février 2022, le gouvernement a annoncé son intention d’affecter 460 militaires de plus aux quelque 800 membres déjà déployés auprès de ce groupement tactique. Il a également précisé que le Canada fournirait au groupement tactique une batterie de pièces d’artillerie M777 ainsi que des observateurs avancés et une troupe de guerre électronique au nombre d’environ 155 membres des FAC. De plus, si l’OTAN l’exige, environ 3 400 membres des FAC, toutes branches confondues (armée, marine, aviation et forces spéciales) ont été autorisés à se joindre à la Force de réaction de l’OTAN[27]. Le 9 mars 2023, le gouvernement a déclaré que le Canada ferait l’acquisition de systèmes portatifs de missile anti-X, de systèmes de défense contre les aéronefs sans pilote et de systèmes portatifs de défense aérienne de très courte portée. L'objectif était de répondre à des « besoins opérationnels urgents » et « améliorer l’autoprotection des militaires déployés en Europe de l’Est dans le cadre de l’Opération REASSURANCE[28] ». Le 16 juin 2023, le gouvernement a annoncé le déploiement en Lettonie d’un escadron de chars de l’Armée canadienne composé de 15 chars de combat principaux Leopard 2, accompagnés de 130 membres du personnel des FAC et d’équipement de soutien[29]; en novembre 2023, tous les chars étaient arrivés[30]. Le 10 juillet 2023, le gouvernement a déclaré que le Canada procéderait au « renouvellement et à l’élargissement de l’Opération REASSURANCE pendant trois ans », ajoutant que le pays contribuerait jusqu’à 2 200 membres des FAC qui « seront affectés de façon continue, soit plus que le double du nombre de soldats en cours de déploiement[31] ».

Le 15 décembre 2023, le gouvernement du Canada a annoncé que, à compter de l’été 2024, les FAC déploieront quatre hélicoptères CH-146 Griffon auprès du groupement tactique en Lettonie. À partir de 2025, il déploiera également périodiquement des hélicoptères CH-147 Chinook en Lettonie. Selon le MDN, avec l’affectation de ces actifs aériens, ce sera « la première fois que le Canada déploie en permanence des capacités d’aviation tactique en Europe depuis les opérations en Bosnie et au Kosovo à la fin des années 1990 et au début des années 2000[32] ». Le gouvernement a également déclaré que le Canada avait récemment déployé des capacités de radar à moyenne portée en Lettonie, qui constituent « le fondement de la capacité de défense aérienne de la brigade multinationale[33] ».

Selon ce que les membres du Comité ont entendu, parmi les huit groupements tactiques de l’OTAN déployés dans les pays hôtes d’Europe de l’Est, c’est celui de la Lettonie qui est le plus multinational. Au moment de la visite du Comité, ce groupement tactique comprenait plus de 1 700 militaires canadiens et de 10 autres pays membres de l’OTAN : l’Albanie, la Tchéquie, l’Islande, l’Italie, le Monténégro, la Macédoine du Nord, la Pologne, la Slovaquie, la Slovénie et l’Espagne[34]. Environ 1 000 militaires des FAC font partie de ce groupement tactique, ce qui en fait le plus grand déploiement militaire du Canada en Europe depuis la fin de la Guerre froide dans les années 1990[35]. Les membres ont appris que le groupement tactique comprenait actuellement de l’artillerie, des chars, de l’infanterie mécanisée, du soutien au combat, du soutien logistique au combat ainsi que des composantes de guerre électronique, et qu’il était entièrement intégré à la Brigade d’infanterie mécanisée des Forces terrestres lettonnes.

Par ailleurs, au moment de la visite des membres du Comité, le groupement tactique comprenait environ 540 véhicules militaires, dont 24 chars de combat principaux (CCP), 63 véhicules de combat d’infanterie (VCI) et 21 systèmes de pièces d’artillerie. Ces véhicules militaires comprenaient : des VCI à roues VBL-6 et des véhicules blindés de patrouille à roues VBTP (Canada); des CCP Ariete, des VCI chenillés Dardo et des véhicules blindés de reconnaissance à roues Centauro (Italie); des CCP PT-91 (Pologne); des véhicules de transport de troupes blindés à roues Valuk (Slovénie); ainsi que des CCP Leopard 2 et des VCI chenillés Pizarro (Espagne). Le groupement tactique était également doté de M777 et d’autres types d’obusiers tractés, d’obusiers automoteurs à roues Zuzana et d’obusiers automoteurs à chenilles M-109. Parmi les autres capacités, on compte des sapeurs de combat, des tireurs d’élite, des systèmes d’aéronefs sans équipage et une gamme de camions militaires spécialisés et d’équipement lourd.

On a expliqué aux membres du Comité que le groupement tactique disposait d’un certain nombre de capacités que les groupements tactiques n’ont pas habituellement, comme la défense aérienne, ainsi que des capacités de guerre chimique, radiologique, bactériologique et nucléaire. De nouvelles capacités s’ajouteront bientôt au groupement tactique, dont des CCP Leopard 2 canadiens. Les membres se sont fait dire que la force du groupement tactique résidait à la fois dans la vaste gamme de compétences de son personnel et dans ses capacités militaires; il est en effet équipé, par exemple, de l’arsenal et du matériel militaire les plus modernes et les plus aptes au combat dont l’OTAN dispose.

De plus, les membres du Comité ont pris connaissance du fait que, dans son rôle de « pays-cadre », le Canada coordonne les aspects de « l’emploi d’une force » du groupement tactique, mais qu’il n’a pas la responsabilité de demander aux pays membres de l’OTAN ce qu’ils peuvent fournir au groupement tactique. Il incombe en effet aux pays de décider de ce qu’ils veulent fournir, décisions qui se prennent aux niveaux supérieurs de l’OTAN. On a dit aux membres que le Canada, en tant que responsable du groupement tactique, jouissait d’une bonne visibilité au sein de l’OTAN.

Les membres du Comité qui s’étaient rendus au camp Adazi en septembre 2017, quelques mois seulement après l’entrée en fonction du groupement tactique, et en août 2023 ont pu constater à quel point la base avait grossi et renforcé ses capacités en six ans[36]. Par exemple, en 2017, le camp Adazi était beaucoup plus petit et comprenait surtout de vieilles casernes et de vieux bâtiments de l’ère soviétique. le personnel des FAC vivait dans des tentes en terrain découvert. En 2023, le camp Adazi avait triplé en taille et s’était bonifié d’infrastructures considérables : routes, casernes multifonctions, entrepôts d’équipement, bâtiments pour l’entretien des véhicules, un centre de conditionnement physique de pointe et diverses autres installations pour soutenir le groupement tactique et son quartier général. La base sera bientôt quatre fois plus grande qu’elle ne l’était lors de sa création et se prépare à accueillir le personnel et l’équipement supplémentaires de l’OTAN qu’il faudra pour faire passer le groupement tactique de la taille d’un bataillon à celle d’une brigade d’ici quelques années. Par exemple, une salle à manger pour 5 000 personnes sera achevée autour de 2026, et des casernes multifonctions seront construites pour accueillir des conscrits lettons.

Diverses infrastructures financées par le Canada sont également en cours de construction. Par exemple, le 15 décembre 2023, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il affecterait plus de 15 millions de dollars à une partie de l’infrastructure nécessaire pour convertir le groupement tactique en brigade. Ces fonds serviront à construire des installations d’entreposage pour les CCP Leopard 2 du Canada, à améliorer les conditions de vie, à agrandir les installations de soutien actuelles du camp Adazi et à construire des logements ainsi que des espaces de travail à la base militaire de Ceri, près de Riga, qui sera le quartier général de la brigade[37].

Les membres du Comité ont su que la conversion du groupement tactique en brigade devrait se traduire par une augmentation significative du personnel. Au moment de la visite des membres, environ 5 000 membres du personnel letton et d’autres pays membres de l’OTAN vivaient au camp Adazi, dont environ 3 500 membres de la Brigade d’infanterie mécanisée des Forces armées lettonnes et des membres des divers contingents du groupement tactique de la PAR. Après la conversion, les effectifs devraient doubler, pour se chiffrer à environ 10 000 membres, ce qui explique pourquoi on a besoin d’infrastructures supplémentaires.

Les membres du Comité ont visité le centre de conditionnement physique de pointe et l’une des nouvelles casernes du camp Adazi, et ont constaté que la modernité des installations contribuait au moral et à la qualité de vie des troupes. Pour les membres, les récents investissements dans les infrastructures du camp Adazi traduisent un sentiment de permanence et la volonté de l’OTAN à défendre son flanc oriental avec la Russie. Ils donnent à penser que le groupement tactique est prêt au combat et qu’il restera en Lettonie aussi longtemps qu’il le faudra.

L’état de préparation est la priorité du groupement tactique, bien que l’interopérabilité soit également importante. Selon ce qu’ont entendu les membres du Comité, le groupement tactique en Lettonie innove en ramenant l’interopérabilité au niveau des pelotons, une nouvelle approche pour l’OTAN. Cette approche n’est pas sans difficulté, notamment parce qu’on y parle une dizaine de langues différentes. Les membres ont également appris que les autres groupements tactiques multinationaux de l’OTAN en Europe de l’Est ne s’entraînent pas et ne fonctionnent pas de manière à être interopérables au niveau des pelotons.

On a indiqué aux membres du Comité que le personnel des différents pays membres de l’OTAN contribuant au groupement tactique travaille bien ensemble, coopère étroitement et s’entraîne régulièrement ensemble, en Lettonie ou dans les pays voisins membres de l’OTAN. Les exercices interarmées favorisent la collaboration, l’interopérabilité et la préparation au combat au sein des forces des pays membres de l’OTAN et entre celles-ci. Les membres se sont également fait dire que les relations entre le groupement tactique et les forces armées des pays baltes — Estonie, Lettonie et Lituanie — et divers autres groupements tactiques de l’OTAN en Europe de l’Est sont solides, et qu’ils exécutent régulièrement des exercices militaires interarmées.

Bien que le camp Adazi soit le plus grand champ d’entraînement militaire de la région de la mer Baltique, il est petit par rapport à ceux d’autres pays membres de l’OTAN. Les membres du Comité ont noté que le personnel avait besoin d’un plus grand champ d’entraînement, et que la Saeima lettonne (Parlement) avait justement adopté récemment une loi portant création d’un nouveau champ d’entraînement. Selon ce que les membres ont appris, l’adoption en moins de deux semaines de cette loi démontre le consensus multipartite au sein de la Lettonie quant à l’importance de la défense nationale et de la collaboration avec les autres pays membres de l’OTAN.

Le nouveau champ d’entraînement militaire de 25 000 hectares, le double de la superficie actuelle, sera situé à Selonia, une région au sud de Riga[38]. Les membres du Comité ont été informés que la zone, qui est actuellement une forêt nationale appartenant à l’État et qui a été acquise à des fins d’entraînement militaire, devrait être prête pour des exercices d’entraînement d’ici la fin de 2024. Le groupement tactique restera basé au camp Adazi, et le personnel se rendra au terrain d’entraînement de Selonia avec de l’équipement quelques semaines à la fois.

La création du champ d’entraînement de Selonia coïncide avec la décision prise au sommet de l’OTAN à Madrid de déployer du personnel supplémentaire et de faire passer les groupements tactiques en service en Europe de l’Est de la taille de bataillons à celle de brigades. Le 29 juin 2022, les gouvernements du Canada et de la Lettonie ont signé la Déclaration commune entre le ministère de la Défense de la République de Lettonie et le ministère de la Défense nationale du Canada concernant la présence augmentée en Lettonie[39]. Entre autres engagements, le Canada a accepté de continuer à diriger le groupement tactique de la PAR en Lettonie et de travailler avec la Lettonie et d’autres pays membres de l’OTAN pour transformer le groupement tactique en une brigade apte au combat d’ici trois ans. Le 11 juillet 2023, les gouvernements du Canada et de la Lettonie ont signé la Feuille de route — Transformation en brigade du groupement tactique de la présence avancée renforcée (PAR) en Lettonie[40]. La Feuille de route décrit l’approche progressive du Canada pour accroître la taille du groupement tactique.

La transformation en brigade a été amorcée. En janvier 2023, les FAC ont déployé l’Élément de commandement avancé en Lettonie pour « se préparer à l’intégration du quartier général de la brigade dirigée par le Canada à la Division multinationale Nord et à l’arrivée future des capacités et des troupes de la brigade »[41]. Selon la Feuille de route, la brigade devrait mener son premier exercice à l’automne 2024 et avoir atteint la taille voulue d’ici 2025, « ce qui entraînera une augmentation importante du nombre de soldats des Forces armées canadiennes et multinationales déployées de façon persistante sur le terrain en Lettonie, ainsi que des forces supplémentaires en disponibilité opérationnelle élevée affectées depuis leur pays d’origine au renforcement de la Lettonie[42] ». La Feuille de route indique également que « le Canada aura mis en œuvre l’intégralité des capacités de la brigade déployée de façon persistante en Lettonie » d’ici 2026, après quoi « jusqu’à 2 200 membres des Forces armées canadiennes seront déployés de façon persistante dans le cadre de la présence avancée renforcée et des éléments d’appui en Lettonie, et le Canada sera prêt à en déployer des centaines d’autres en cas de besoin[43] ». Avec ces effectifs supplémentaires, la contribution actuelle du Canada au groupement tactique aura doublé.

Lors de leur passage au camp Adazi, les membres du Comité ont entendu parler des défis qui pourraient survenir au cours de la transformation progressive du groupement tactique en brigade. Par exemple, le Canada devra créer un quartier général et assurer le leadership de cet effort multinational. On a aussi dit aux membres que les pays de l’OTAN qui fournissent du personnel et de l’équipement au groupement tactique devront savoir s’adapter, se montrer souples et coordonner leurs décisions militaires et politiques.

Il faudra aussi maintenir le niveau multinational de la brigade. Au moment de la visite des membres du Comité, on ne pouvait quantifier avec précision les contributions des pays membres de l’OTAN à la transformation du groupement tactique en brigade; on s’attend toutefois à ce que le sujet soit abordé lors d’une prochaine conférence sur la mise sur pied d’une force. Cela dit, on a informé les membres que d’autres pays membres de l’OTAN pourraient contribuer à la brigade dirigée par le Canada. Par exemple, au moment de la visite des membres, on disait que le Danemark était en discussion pour déterminer les capacités militaires qu’il pourrait fournir[44]. En outre, selon un article de presse du 20 décembre 2023, si la Suède rejoint l’OTAN, elle pourrait à son tour contribuer à la brigade[45].

Parmi les autres défis à relever, on a parlé aux membres du Comité de la nécessité de standardiser et de stabiliser la structure de la brigade. Cela servira à garantir l’interopérabilité entre les pays membres de l’OTAN concernés relativement à leur équipement, leurs capacités de commandement, de contrôle et de communication, leurs langues, leurs instructions permanentes d’opérations et leur soutien logistique complet au combat, entre autres domaines. Il importe aussi de disposer de capacités modernes et interopérables de commandement et de contrôle numériques au niveau de la brigade, afin que le groupement tactique puisse fonctionner dans un environnement numérique multilingue où la technologie évolue rapidement et où la Russie et d’autres États hostiles font peser des cybermenaces et commettent des cyberattaques. Selon ce que les membres ont appris, des mesures sont en place pour accroître les capacités de la brigade, notamment par l’introduction de nouvelles unités de combat mécanisées, de véhicules blindés et d’artillerie automotrice, ainsi que par le développement de capacités ISTAR (renseignement, surveillance, acquisition d’objectifs et reconnaissance), de génie, de commandement et de contrôle, et de soutien logistique du combat.

De plus, il a été observé aux membres du Comité que la population lettonne était heureuse d’accueillir le Canada et d’autres États membres de l’OTAN dans leur pays, qu’elle appréciait la façon dont le Canada dirigeait le groupement tactique et que les liens entre la Lettonie et le Canada se renforçaient chaque jour.

Groupement tactique de la présence avancée renforcée de l’OTAN en Estonie

Après leur voyage en Lettonie, les membres du Comité se sont rendus en Estonie, où ils ont visité, à Tapa, le groupement tactique de la présence avancée renforcée (PAR) de l’OTAN, qui est dirigé par le Royaume-Uni. L’Estonie accueille ce groupement tactique — formé de personnel venant du Danemark, de la France, de l’Islande et du Royaume-Uni — depuis 2017.

Lors de la visite du Comité, le personnel du groupement tactique comprenait 670 Britanniques et 349 Français, de même que 196 membres de personnel du soutien, pour la plupart des Danois. Le commandement et la structure de contrôle du groupement étaient assurés en grande partie par le Royaume-Uni et la France. Certains éléments étaient placés sous la responsabilité du Danemark et d’autres États membres de l’OTAN. Le groupement tactique disposait de 600 véhicules dont 230 véhicules de combat, comme des CCP Challenger et des VCI chenillés Warrior du Royaume-Uni, de même que des véhicules blindés de combat AMX-10, des VCI sur roues Griffon et des obusiers automoteurs CAESAR de la France. Il possédait également des capacités antichars et logistiques, de génie, de défense aérienne et de tireurs d’élite, ainsi que d’autres capacités militaires. Le contingent français fonctionne comme un petit groupement tactique au sein du plus grand groupement de la PAR dirigé par le Royaume-Uni.

Les membres du Comité ont appris que le contingent britannique du groupement tactique a pour mission de maintenir l’état de préparation élevé du groupement et de défendre l’Estonie. Le groupement tactique est établi à proximité de la frontière russo-estonienne et est surveillé par la Russie, surtout durant les entraînements et les exercices.

L’entraînement est un élément important des activités du groupement tactique. Il a été expliqué aux membres du Comité que l’Estonie est le seul pays hôte de groupement tactique à autoriser les entraînements sur les terres publiques et privées. L’entraînement est d’ailleurs essentiel au maintien de la préparation du groupement tactique au combat. Les membres ont aussi appris que le groupement tactique est prêt au combat et que ses unités d’infanterie et de chars peuvent être déployées dans un délai de six heures en cas d’urgence en matière de sécurité, se maintenir sur le terrain pendant une période maximale de 30 jours et être renforcées par une brigade du Royaume-Uni.

Le groupement tactique s’entraîne régulièrement avec les Forces armées estoniennes, qui harmonisent leurs activités et leurs exercices avec ceux du groupement tactique et des forces d’autres pays membres de l'OTAN dans la région de la Baltique. Selon ce qui a été expliqué aux membres du Comité, les Forces armées estoniennes sont professionnelles et « farouchement indépendantes », et que les Estoniens appuient fermement la présence du groupement tactique dans leur pays, la Russie étant perçue comme une menace existentielle : le groupement tactique procure un sentiment de sécurité.

Il a aussi été indiqué aux membres du Comité que le groupement tactique s’entraîne régulièrement avec d’autres groupements tactiques de l’OTAN et d’autres forces armées dans la région de la Baltique. Par exemple, lors de la visite des membres, un fort contingent du groupement tactique a récemment été déployé au Camp Adazi pour participer à des exercices de tir réel et à des entraînements, notamment avec des ingénieurs et des tireurs d’élite canadiens. Par comparaison au Camp Adazi, la zone centrale d’entraînement de Tapa est petite, très boisée et couverte de marais. La zone d’entraînement est une réplique d’un réseau de tranchées russe, formé d’environ 3 000 mètres de tranchées, de fortifications et de terrains d’obstacles antichars en dents de dragon.

On a indiqué aux membres du Comité que le programme d’entraînement tient compte des leçons retenues sur les champs de bataille d’Ukraine et que la doctrine de l’OTAN a été ajustée en conséquence. Parmi ces leçons, notons l’importance critique de la logistique, l’utilisation croissante des drones, l’évolution rapide des technologies de guerre et le fait d’avoir pris conscience que les chars et les véhicules blindés demeurent essentiels sur le champ de bataille en dépit de leur vulnérabilité aux attaques de drones.

Par ailleurs, les membres du Comité ont rencontré des membres britanniques et français du personnel du groupement tactique et ont pu voir une partie de leurs armes et d’autres équipements militaires. Ils ont pu constater que le personnel est professionnel, qu’il a un moral élevé et qu’il est prêt au combat.

À l’instar du groupement tactique mené par le Canada en Lettonie, le groupement tactique d’Estonie sera accru pour devenir une brigade au cours des prochaines années. Les membres du Comité ont pris connaissance de l’aménagement d’infrastructures destinées à accueillir la plus grande somme de personnel et de matériel qui seront établis à Tapa. D’autres installations sont également prévues, dont un centre de conditionnement physique semblable à celui du Camp Adazi.

Groupement tactique de la présence avancée renforcée de l’OTAN en Pologne

Outre les groupements tactiques situés en Lettonie et en Estonie, le Comité a rendu visite au groupement tactique d’Orzysz (Pologne), qui est dirigé par les États-Unis. Orzysz est située assez près de la frontière polono-lituanienne, au sud de l’oblast de Kaliningrad — l’enclave russe sur la mer Baltique —, et se trouve non loin du corridor de Suwalki. Le corridor de Suwalki, une étroite bande de terre longeant la frontière polono-lituanienne et séparant le Bélarus — allié de la Russie — de l’oblast de Kaliningrad, est un « passage obligé » qui est perçu comme ayant une importance militaire stratégique depuis que la Pologne et les pays baltes se sont joints à l’OTAN en 1999 et en 2004, respectivement. Il est possible que, dans l’éventualité d’une guerre ou d’une autre urgence en matière de sécurité, la Russie et le Bélarus tentent de s’emparer du corridor de Suwalki afin d’établir un pont entre le Bélarus et Kaliningrad, ce qui priverait l’OTAN de tout accès terrestre à l’Estonie, à la Lettonie et à la Lituanie et mettrait en péril la capacité de l’OTAN de défendre ces trois pays baltes. Le regain des tensions entre l’OTAN et la Russie depuis 2014 ont poussé l’OTAN à renforcer sa présence militaire dans la région. Le groupement tactique d’Orzysz et le groupement tactique de la PAR à Rukla (Lituanie), qui est dirigé par l’Allemagne, sont situés à des distances comparables du corridor de Suwalki et jouent un rôle de dissuasion.

Lors de la visite du Comité, le groupement tactique situé en Pologne comptait plus de 1 000 membres du personnel. Ses contingents et son équipement provenaient de la Croatie, de la Roumanie, du Royaume-Uni et des États-Unis[46]. Les États-Unis, premier partenaire du groupement tactique, fournissaient alors le gros des, capacités d’infanterie blindée et mécanisée, y compris 29 CCP M1A2 Abrams, 16 VCI chenillés M3 Bradley, un nombre non divulgué d’obusiers automoteurs chenillés M-109 Paladin et d’autres types de véhicules militaires et de systèmes d’armes. La contribution de la Croatie comprenait une batterie d’artillerie équipée d’obusiers automoteurs chenillés PZH-2000, tandis que la Roumanie a fourni une unité de défense aérienne munie de véhicules automoteurs chenillés d’artillerie antiaérienne Gepard. Un contingent britannique — un escadron de cavalerie légère utilisé pour la reconnaissance — faisait aussi partie du groupement tactique. Le groupement tactique était appuyé par des unités de mortier, de génie de combat et de maintenance, des unités médicales et logistiques et d’autres unités. Il fonctionne en étroite collaboration avec la 15e Brigade d’infanterie mécanisée polonaise.

Les membres du Comité ont visité la base d’Orzysz, ont pris connaissance de quelques-unes des capacités du groupement tactique et ont appris que ce dernier devait s’employer sans relâche à maintenir son niveau de préparation, d’interopérabilité et de discipline afin de rester une force apte au combat. Les entraînements et les exercices revêtent une importance critique à cet égard, et les leçons retenues de la guerre en Ukraine sont intégrées rapidement au programme d’entraînement. D’après les renseignements offerts aux membres, le personnel du groupement tactique pratique régulièrement ses capacités de projection pour assurer le maintien de sa capacité de se déployer dans un délai de 6,5 heures dans diverses régions de l’Europe, tout en ayant un ravitaillement suffisant pour rester autosuffisant pendant un nombre de jours donné sur le terrain. En outre, le groupement tactique s’entraîne et tient couramment des exercices avec des unités militaires de la Pologne et d’autres États membres de l’OTAN; des unités militaires de pays membres de l’OTAN qui ne font pas partie du groupement tactique s’entraînent aussi régulièrement à la base d’Orzysz.

Les membres du Comité ont également appris que la population polonaise voit d’un bon œil la présence du groupement tactique — et du personnel des États-Unis et de l’OTAN — sur son territoire, mais que les efforts se poursuivent pour renforcer les liens. Par exemple, le groupement tactique est lié à la 15e Brigade d’infanterie mécanisée polonaise et s’entraîne souvent avec elle, mais la brigade est établie à plusieurs kilomètres de la base. Contrairement à la Lettonie et à l’Estonie, où le personnel venant du pays hôte est plus intégré au groupement tactique et tend à s’établir lui aussi sur la base, les membres de la 15e Brigade d’infanterie mécanisée polonaise ne sont pas intégrés au groupement tactique. Cela dit, la brigade et d’autres unités des Forces armées polonaises visitent la base d’Orzysz fréquemment et s’entraînent régulièrement avec le groupement tactique.

Les membres du Comité ont entendu dire que, même si le moral des membres du groupement tactique est élevé, des améliorations sont possibles. Il y a notamment lieu de résoudre certaines difficultés relatives à la langue, à la concurrence pour obtenir les ressources et à l’interopérabilité. De plus, le Comité s’est fait dire que, même si le groupement tactique travaille sans relâche à améliorer l’interopérabilité, des problèmes pratiques, techniques et procéduraux se posent à cet égard; des efforts sont déployés dans l’espoir de régler les lacunes observées au moyen des instructions permanentes d’opérations. Par ailleurs, comme ils utilisent des types différents de systèmes d’armes et d’autres équipements militaires, les Forces armées polonaises et chacun des États membres de l’OTAN participant au groupement tactique ont de la difficulté à échanger des pièces et des composantes, ce qui peut compliquer les tâches logistiques.

La question du carburant a aussi été abordée : de nombreux véhicules du groupement tactique fonctionnent au diesel, alors que les CCP M1A2 et les VCI M3 Bradley des États-Unis marchent au carburéacteur JP-8. Les CCP M1A2 sont propulsés par des turbines à gaz qui consomment une grande quantité de carburant, et le meilleur carburant pour ces types de moteurs est le carburéacteur d’aviation; comme il est plus léger que le diesel, le carburéacteur JP-8 fait du CCP M1A2 un véhicule plus manœuvrable et plus performant que les chars similaires fonctionnant au diesel. Cela dit, les membres ont pu constater que le carburant ne représente pas un nouveau problème d’interopérabilité pour l’OTAN, qui utilise divers types de carburant depuis des dizaines d’années, sans que sa puissance, sa préparation au combat ou son efficacité s’en ressentent.

Selon ce que les membres du Comité ont entendu, mis à part certaines difficultés relatives à l’interopérabilité, les États membres de l’OTAN qui participent au groupement tactique collaborent très bien. Même si elles ne peuvent pas toujours s’échanger des pièces et des composantes, les forces armées des pays concernés apportent des capacités différentes au groupement tactique et partagent des équipements. Par exemple, le groupement tactique dispose de camions roumains capables de transporter des CCP M1A2 américains.

Rôle des unités d’intégration des forces de l’OTAN

En cas d’urgence en matière de sécurité, l’OTAN s’appuie non seulement sur ses groupements tactiques de la PAR, mais aussi sur la vitesse et la puissance de ses forces de réaction rapide, ainsi que — si nécessaire — sur sa stratégie de renfort rapide pour que ses groupements tactiques puissent profiter du soutien de la Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation (VJTF), de la Force de réaction de l’OTAN et d’autres forces à haut niveau de préparation. On a indiqué aux membres du Comité que, pour s’assurer que ces forces à haut niveau de préparation puissent se déployer rapidement et efficacement sur son flanc oriental, l’Alliance a créé un réseau de huit unités d’intégration des forces de l’OTAN (NFIU) en Europe de l’Est. Les NFIU sont situées en Bulgarie, en Estonie, en Hongrie, en Lettonie, en Lituanie, en Pologne, en Roumanie et en Slovaquie.

Il a été expliqué au Comité que les NFIU sont des quartiers généraux de commandement de petite taille dont les rôles principaux consistent à faciliter le déploiement rapide des forces de l’OTAN sur le flanc oriental de l’Alliance, à contribuer à la planification de la défense collective, à assurer la connaissance de la situation et à participer à la coordination des entraînements et des exercices. Afin que les déploiements des forces à haut niveau de préparation de l’OTAN soient les plus efficaces possible, les NFIU travaillent aussi en collaboration avec les pays hôtes pour définir les réseaux logistiques, les routes de transport et l’infrastructure de soutien.

Lors de la visite du Comité, la NFIU de l’Estonie, située à Tallinn, comptait une quarantaine de membres du personnel, dont la moitié provenait de l’Estonie et l’autre moitié, d’autres pays membres de l’OTAN, dont le Canada. Le rôle principal de la NFIU de l’Estonie, établie en 2015, consiste à faciliter le déploiement rapide de la VJTF et d’autres forces de réaction à déploiement rapide et à haut niveau de préparation de l’OTAN afin d’améliorer sa capacité de réponse aux défis émergents en sécurité. Par ailleurs, selon ce que le Comité a entendu, l’OTAN devrait déployer rapidement du personnel sur le flanc oriental en cas d’invasion de l’Estonie par la Russie. Or, le ravitaillement en personnel et en équipement par voies terrestre, aérienne et maritime serait compliqué pour deux raisons : des avions et des sous-marins militaires russes sont stationnés à proximité; et l’Estonie peut être atteinte par des tirs d’artillerie provenant du territoire russe. La mobilisation et le déploiement rapides des forces de réaction rapide de l’OTAN devraient alors être planifiés, coordonnés et exécutés de la bonne façon; la NFIU de l’Estonie et les autres NFIU auraient un rôle important à jouer à cet égard.

Il a été expliqué aux membres du Comité que, entre autres capacités, les NFIU participent aux fonctions suivantes : connaissance de la situation, entraînement, élaboration de la doctrine, planification des opérations, soutien des exercices, gestion des bases de données de renseignements et coordination avec les commandements des pays hôtes. De plus, elles recueillent et gèrent des renseignements et les communiquent aux forces armées des États membres de l'OTAN en collaborant avec diverses organisations militaires et civiles à l’échelle locale. Par exemple, pour déplacer rapidement des chars et des forces mécanisées d’un pays à l’autre, le personnel a besoin de renseignements préliminaires, adéquats et opportuns sur les infrastructures locales, comme la capacité de charge des ponts et l’état des routes.

Vu la quantité de personnel — ainsi que le nombre et les types de véhicules et d’autres équipements — concerné par les déploiements militaires, la planification et la logistique ont une importance capitale. Les membres du Comité ont pris connaissance d’un exercice d’entraînement appelé « Tractable 19 », qui prévoit le déploiement, à la façon de la VJTF, d’un contingent d’au moins 180 véhicules militaires — dont 100 véhicules lourds chenillés — par voies maritime et terrestre du Royaume-Uni à l’Estonie, via l’Allemagne, la Pologne et les autres États baltes. Ils ont aussi entendu parler de la manière dont les NFIU facilitent ces déploiements; le rôle que celles-ci jouent en matière de planification et de logistique est d’ailleurs appelé à s’accroître dans les prochaines années. Au sommet de Madrid, l’OTAN a adopté un nouveau modèle de forces, qui doit lui permettre d'intervenir à une plus grande échelle et à un plus haut niveau de préparation que c’est le cas actuellement. On a indiqué au Comité que la Force de réaction de l’OTAN a présentement un personnel d’environ 40 000 membres, qui peuvent être déployés en 15 jours si nécessaire. Conformément au nouveau modèle, au moins 300 000 membres du personnel des domaines terrestre, maritime, aérien et cyberspatial seront maintenus à un niveau de préparation élevé; le personnel et l’équipement seront affectés au préalable à des plans précis de défense des pays membres de l’OTAN. L’OTAN pourra déployer 100 000 membres du personnel (forces de niveau 1) dans un délai maximal de 10 jours, environ 200 000 dans un délai allant de 10 à 30 jours (forces de niveau 2) et au moins 500 000 dans un délai allant de 30 à 180 jours (forces de niveau 2)[47].

Selon ce qu’ont appris les membres du Comité, les activités de planification et de coordination des NFIU s’ajoutent à celles des groupements tactiques de la PAR. En outre, l’OTAN est capable de mobiliser et de déployer rapidement des contingents militaires importants sur son flanc oriental dans l’éventualité d’une urgence en matière de sécurité.

Efforts de réarmement en Europe centrale et en Europe de l’Est

Efforts de réarmement en Lettonie

Le Comité s’est informé au sujet des efforts de réarmement de la Lettonie et du soutien offert par le pays aux engagements pris par l’OTAN au sommet de Madrid et à celui de Vilnius, en juillet 2023, qui concernaient le renforcement du flanc oriental de l’Alliance[48]. Depuis la première invasion de l’Ukraine par la Russie, en 2014, et surtout depuis l’invasion à grande échelle de 2022, les pays d’Europe centrale et d’Europe de l’Est ont mis en œuvre plusieurs mesures — de manière indépendante ou dans le cadre d’initiatives de l’OTAN — afin de renforcer leurs capacités de défense.

La Lettonie, l’Estonie et la Pologne font partie des États membres de l’OTAN qui consacrent plus de 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) à la défense nationale, conformément à l’engagement pris au sommet de l’OTAN tenu au pays de Galles en septembre 2014[49]. Selon l’OTAN, les dépenses du Canada en défense en 2023 ont représenté un pourcentage estimé de 1,38 % du PIB du pays. À plusieurs occasions au cours du voyage, la question des dépenses du Canada en défense et de ce que le pays pourrait faire pour respecter l’engagement pris au sommet du pays de Galles a été soulevée.

Selon l’OTAN, les dépenses de la Lettonie en matière de défense sont passées de 0,94 % du PIB du pays (294 millions de $ US) en 2014 à un pourcentage estimé de 2,27 % du PIB (1,03 milliard de $ US) en 2023[50]. On a indiqué au Comité que la Lettonie est l’un des quatre pays membres de l’OTAN à avoir adopté une loi exigeant que le gouvernement affecte au moins 2 % du PIB aux dépenses en défense. Le pays prévoit consacrer au moins 2,5 % de son PIB à la défense d’ici 2025[51]. Une partie des dépenses accrues en défense a été affectée à l’amélioration des infrastructures militaires et à l’acquisition de nouvelles capacités militaires, notamment en matière de défense aérienne, de défense côtière et de systèmes d’artillerie à longue portée[52].

Jusqu’en 2007, la Lettonie appliquait la politique du service militaire obligatoire; la pratique a été abolie à la suite de l’accession du pays à l’OTAN et à l’Union européenne. Cependant, le 6 avril 2023, la Saeima de la Lettonie a adopté un projet de loi rétablissant le « service de défense de l’État », autrement dit le service militaire obligatoire. En 2023, l’accent a été mis sur l’enrôlement volontaire, et la Lettonie a pris plusieurs mesures pour inciter les jeunes à s’engager. Au printemps et au début de l’été 2023, le ministère letton de la Défense a remarqué que le nombre de volontaires pour cette première phase du service militaire avait dépassé les attentes[53].

À l’avenir, le service militaire sera obligatoire pour les hommes lettons âgés entre 18 et 27 ans et durera 11 mois dans les forces régulières. Le service militaire obligatoire peut faire l’objet d’un sursis selon différents critères, comme les études, et il est assujetti à certaines exceptions, dont les personnes ayant des problèmes de santé et les chefs de famille monoparentale. Les femmes ne seront pas assujetties au service militaire obligatoire, mais elles peuvent choisir volontairement de s’enrôler. Elles constituent 16 % des Forces armées lettones, une proportion semblable à celle observée au Canada[54].

Le Comité a pris connaissance du fait que la population lettone soutient largement le rétablissement du service militaire obligatoire, et que cette mesure renforcera la volonté et la capacité de la Lettonie de contribuer à la défense collective de l’OTAN. Le recours au service militaire obligatoire signifie que l’Armée lettone évite les problèmes de recrutement et de maintien des effectifs auxquels font face les armées d’autres pays.

Les membres du Comité ont aussi pu constater que la défense nationale est une responsabilité qui incombe à l’ensemble de la société lettone. Le pays a adopté une approche de « défense globale » par laquelle toutes les sphères de la société — le gouvernement, la population, le secteur privé et les ONG — contribuent de diverses façons à résister à une éventuelle invasion. La Lettonie s’emploie à maintenir son niveau de préparation en assurant la collaboration entre les forces armées et la garde nationale — et en prenant des mesures en matière de cybersécurité —, l’objectif consistant à neutraliser les types de menaces « hybrides » auxquelles l’Ukraine fait face depuis 2014[55].

Par ailleurs, les membres du Comité ont appris que le souvenir de l’occupation de la Lettonie par l’Allemagne nazie et l’Union soviétique se reflète toujours dans la politique de défense du pays. Comme le principe de défense collective suivi par l’OTAN est un aspect important de ses plans de défense, la Lettonie a reconnu, dans le document State Defence Concept, publié en 2020, que « la protection du pays ne peut se faire que par le peuple letton lui-même, qui doit se tenir prêt à défendre son pays[56] » [traduction].

Efforts de réarmement en Estonie

Lors de son passage en Estonie, le Comité a pris connaissance de l’approche adoptée par le pays en matière de défense et de sécurité, et il a pu voir comment l’expérience des occupations subies au XXe siècle se fait encore sentir fortement sur la politique de défense. Par exemple, l’approche qu’applique actuellement l’Estonie pour mobiliser une force de réserve lors d’un conflit — plutôt que de maintenir une grande force permanente — a été utilisée pour la première fois durant la guerre d’indépendance du pays, il y a plus d’un siècle.

Selon l’OTAN, les dépenses de l’Estonie en défense sont passées de 1,93 % du PIB du pays (514 millions de $ US) en 2015 à un pourcentage estimé de 2,73 % du PIB (1,17 milliard de $ US) en 2023[57]. Dans son document intitulé National Security Concept, publié en janvier 2023, le gouvernement de l’Estonie indique son intention d’affecter 3 % du PIB aux dépenses en défense dans les prochaines années[58].

Les membres du Comité ont été informés à propos de certains équipements militaires acquis par l’Estonie, dont ceux qui procurent des capacités létales. En 2022, par exemple, l’Estonie a signé un contrat avec les États-Unis pour acheter des systèmes de roquettes d’artillerie à grande mobilité (HIMARS)[59]. L’Armée estonienne prévoit aussi faire l’acquisition de systèmes de défense aérienne et d’artillerie, de systèmes de défense maritime et côtière ainsi que de véhicules aériens sans pilote auprès de divers fournisseurs étrangers. Grâce à ces acquisitions, l’Estonie devrait être capable de dissuader un adversaire potentiel en faisant augmenter les « coûts » d’une invasion.

L’achat de munitions fait aussi partie des priorités de l’Estonie en matière de défense. Le gouvernement du pays a annoncé qu’il consacrerait 339,5 millions d’euros à l’accroissement des stocks de munitions entre 2022 et 2025[60]. Le Comité a constaté l’importance de s’assurer que tous les États membres de l’OTAN augmentent leur capacité, individuellement et collectivement, de produire des munitions.

Par ailleurs, le Comité s’est renseigné concernant l’approche de l’Estonie relativement au service militaire obligatoire, qui est en vigueur depuis que le pays a obtenu son indépendance de l’Union soviétique en 1991. Le service militaire obligatoire est réservé aux hommes de 18 à 26 ans et dure de huit à onze mois, selon la profession militaire et les types de compétences exigées. À l’occasion d’une visite de la base militaire de Tapa, les membres ont pu voir des recrues estoniennes à l’entraînement et constater le large consensus dans la population estonienne au sujet de l’importance du service militaire obligatoire.

Les Estoniennes peuvent s’enrôler volontairement dans les forces armées[61]. En 2021, le ministre de la Défense du pays a indiqué que les forces armées étaient composées à 10 % de femmes[62]. Le Comité a appris que la plupart des femmes qui s’enrôlent deviennent des officiers et des sous-officiers.

Après leur service initial, les conscrits estoniens deviennent des réservistes et doivent participer périodiquement à des entraînements. Aux dires du ministère estonien de la Défense, le pays dispose de plus de 40 000 réservistes à différents niveaux de préparation, qui peuvent être mobilisés rapidement en cas de crise. Le ministère tient en outre un registre de 230 000 personnes — soit 20 % de la population du pays — capables d’être mobilisées en temps de guerre[63].

Selon ce qui a été expliqué au Comité, l’Estonie pourrait, en cas de guerre, être entièrement mobilisée en seulement trois jours. La force mobilisée serait non capable de défendre l’intégrité territoriale du pays, mais elle serait aussi responsable de faciliter l’arrivée du personnel des États membres de l’OTAN par voies aérienne, terrestre et maritime[64].

À l’instar de la Lettonie, l’Estonie a une approche de défense nationale qui fait intervenir toutes les sphères de la société. Selon la version la plus récente du document National Security Concept, le gouvernement national, les gouvernements locaux, l’armée, le secteur privé, les organisations non gouvernementales, les collectivités et le public sont tous responsables de la sécurité de l’État[65].

D’après ce que le Comité a entendu, l’adhésion de l’Estonie à l’OTAN et la présence du groupement tactique dirigé par le Royaume-Uni sont essentielles à la sécurité du pays. Le National Security Concept indique que « l’Estonie juge que sa sécurité et celle de ses alliés sont indissociables », tout en notant que le pays est responsable de sa propre sécurité[66].

Par ailleurs, le Comité a appris que la cyberdéfense fait partie de l’approche de l’Estonie en matière de défense et de sécurité, ce qui s’explique notamment par la cyberattaque à grande échelle perpétrée contre le pays en 2007. Depuis, l’Estonie a adopté de nombreuses mesures pour renforcer sa cyberrésilience. Par exemple, elle a une « ambassade de données » au Luxembourg, grâce à laquelle elle peut veiller à ce que l’État estonien garde le contrôle des données gouvernementales importantes — et l’accès à ces données — en cas d’attaque cybernétique ou militaire[67].

En 2008, à la suite de la cyberattaque perpétrée contre l’Estonie, l’OTAN a établi le Centre d’excellence pour la cyberdéfense en coopération (CCDCOE) dans le pays[68]. Le Comité a visité le CCDCOE. On lui a alors indiqué que, comme tous les centres d’excellence de l’OTAN, le CCDCOE est affilié à l’Alliance, sans toutefois faire partie de sa structure de commandement[69]. Les membres ont pris connaissance de certains des derniers développements dans le domaine de la cyberdéfense et de divers points de vue sur l’idée qu’une cyberattaque soit considérée ou non comme une « attaque » au sens du Traité de l’Atlantique Nord, ce qui, dans l’affirmative, entraînerait l’application de l’article 5, selon lequel une attaque contre l’un des membres de l’Alliance est considérée comme une attaque dirigée contre tous les États membres.

Les divers éléments de la politique de défense de l’Estonie — dont l’adhésion à l’OTAN, l’acquisition de nouveaux équipements militaires, le service militaire obligatoire, la capacité de mobiliser les réservistes rapidement, l’accent sur la cyberdéfense et la culture propice à une approche de sécurité faisant intervenir l’ensemble de la société — témoignent de l’attention que le pays accorde au principe de « dissuasion par interdiction ». Comme l’explique le document National Security Concept, la dissuasion par interdiction a pour objet de « convaincre l’agresseur qu’il lui sera impossible d’atteindre ses objectifs par des moyens militaires[70] ».

Efforts de réarmement en Pologne

La visite du Comité en Pologne s’est axée principalement sur le rôle du groupement tactique de la PAR dirigé par les États-Unis. Mais les membres ont également pris connaissance de l’approche de la Pologne en matière de défense nationale, y compris les efforts intensifs et rapides que déploie le pays, tant sur le plan du budget que sur ceux du personnel et de l’équipement, pour renforcer ses forces armées.

Adoptée en 2022, la « Loi sur la défense de la patrie » stipule que la Pologne doit affecter au moins 3 % de son PIB aux dépenses en défense[71]. Le budget de défense du pays en 2023 devrait correspondre à 3,9 % du PIB, ce qui équivaut à 29,1 milliards de dollars US, un montant près de 75 % supérieur à celui de 2022[72]. En pourcentage du PIB, la Pologne a le budget de défense le plus important parmi les 31 États membres de l’OTAN[73].

La Pologne a fait connaître son intention de multiplier par plus de deux la taille des Forces armées polonaises; elle propose de faire passer le personnel actif d’environ 114 000 à plus de 250 000 membres. Dans son énoncé de politique de défense le plus récent — le Defence Concept de 2016, qui couvre la période allant de 2017 à 2032 —, la Pologne dit avoir pour objectif de transformer son armée en « l’une des plus modernes et des plus nombreuses d’Europe » d’ici 2032[74].

De nombreux projets d’approvisionnement militaire de grande envergure sont en cours en Pologne. Par exemple, le pays a commencé à recevoir des CCP M1A2 des États-Unis, et il a annoncé son intention d’acquérir des chasseurs à réaction F-35A. En mai 2023, la Pologne a reçu sa première livraison de HIMARS des États-Unis[75].

Lors de sa visite au quartier général du groupement tactique à Orzysz, le Comité a entendu parler du renforcement de la relation entre la Pologne et les États-Unis en matière de défense. En octobre 2022, le département d’État américain a indiqué que quelque 10 000 militaires américains étaient stationnés en Pologne[76]. Le Comité a également pris connaissance de la relation de plus en plus étroite que la Pologne et la Corée du Sud entretiennent sur le plan de la défense. Conformément à une entente bilatérale d’exportation d’armes, la Pologne doit faire l’acquisition de plusieurs pièces d’équipement militaire, dont des chasseurs à réaction, des CCP et de l’équipement d’artillerie, de la Corée du Sud[77].

Enfin, les membres du Comité ont appris que, en dépit des profondes fractures que les élections législatives d’octobre 2023 ont ouvertes au sein de la population, l’importance de l’adhésion à l’OTAN et le renforcement de la capacité militaire du pays font toujours consensus en Pologne.

Conclusion

Au cours de leur voyage en Europe, les membres du Comité ont réaffirmé que la posture agressive de la Russie sur la scène internationale, et la guerre du pays contre l’Ukraine, provoquent de l’instabilité et de l’incertitude en Europe, de même que des tensions avec l’OTAN. Ils ont aussi pu constater que l’autoritarisme, l’agression et le révisionnisme de la Russie ont — encore une fois — plongé l’Europe dans la guerre et entraînent un climat de stress et d’insécurité pour de nombreuses populations, notamment celles des pays situés sur le flanc oriental de l’OTAN. L’invasion de la péninsule ukrainienne de la Crimée par la Russie en 2014, l’intervention de Moscou dans le conflit gelé qui déchire depuis 2014 la région du Donbass, dans l’est de l’Ukraine, ainsi que l’invasion à grande échelle de l’Ukraine en février 2022 ont ravivé, dans les populations de certains États membres de l’OTAN, le souvenir des forces russes et de la guerre, tout en rappelant la terreur et la douleur qui naissent du fait de vivre dans un pays envahi, conquis, occupé et brutalisé par une puissance étrangère voisine.

En Lettonie, le Comité a visité le Musée letton de l’occupation, situé à Riga. La visite a permis aux membres de se rappeler les atrocités commises contre les populations des pays baltes et les souffrances infligées à celles-ci pendant l’occupation de leurs territoires par l’Union soviétique (1940–1941 et 1944–1991) et l’Allemagne nazie (1941–1944), soit plus de 50 ans, avant qu’elles accèdent à l’indépendance en 1991. La cruauté de ces décennies d’occupation n’a pas été oubliée, et les populations des pays baltes connaissent très bien les conséquences de la perte de leur liberté. Plus de 30 ans après avoir retrouvé leur indépendance, à la fin de la Guerre froide, elles comprennent que la démocratie ne saurait être tenue pour acquise : elle doit être défendue, coûte que coûte. Elles savent aussi combien il est important de se souvenir de leur histoire pour que les générations futures aient connaissance des crimes commis par la Russie et d’autres puissances étrangères contre leur pays entre 1940 et 1991. À l’instar des pays baltes, la Pologne a été envahie et conquise par l’Allemagne nazie et l’Union soviétique en 1939. Bien qu’elle ait regagné son indépendance à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, en 1945, la Pologne est devenue un État vassal de l’Union soviétique, de l’autre côté du Rideau de fer, jusqu’à la fin de la Guerre froide.

Constatant que la Russie fait de nouveau preuve d’agressivité à l’égard de ses pays voisins en Europe, les membres du Comité reconnaissent que les gouvernements de la Pologne et des États baltes se réarment et investissent massivement dans leurs forces armées. Ces mesures sont prises avec l’assentiment des populations concernées, dont une grande partie se souvient de ce qu’était la vie durant la Guerre froide. Pour elles, il est nécessaire d’investir dans la sécurité nationale afin de protéger leur liberté, de préserver leur mode de vie et d’éviter une répétition possible de l’histoire.

En outre, les membres du Comité reconnaissent que les gouvernements et les populations de la Pologne et des pays baltes — dont les territoires se trouvent sur le flanc oriental de l’OTAN, ne sont pas loin des champs de bataille de l’Ukraine, et qu’ils sont situés à proximité de la Russie et de son allié bélarusse — comprennent parfaitement la menace existentielle que la Russie autoritaire du président Poutine et sa conduite agressive font peser sur les États membres de l’OTAN et les démocraties du monde entier. Les Polonais et les habitants des pays baltes ont également conscience du besoin urgent de renforcer leurs capacités de défense nationale, car le contexte international de sécurité continue de se détériorer rapidement en raison de la conduite de la Russie et d’autres États autoritaires. Ils comprennent aussi la valeur de la défense collective et l’importance prioritaire de renforcer l’OTAN et sa détermination à défendre les populations et les territoires des 31 États membres de l’Alliance contre les menaces que la Russie représente pour le monde entier.

Les membres du Comité se réjouissent des commentaires qu’ils ont entendus en Europe à propos de la gratitude de la Pologne et des États baltes à l’égard du Canada et d’autres pays membres de l’OTAN, qui déploient des forces militaires en Europe centrale et en Europe de l’Est afin de défendre le flanc oriental de l’Alliance. Un message clair est ainsi envoyé à la Russie : l’OTAN reste unie et prête à se battre pour protéger ses membres. Ces pays appuient sans réserve l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie, et ils lui fournissent de l’aide militaire, tout en contribuant à l’entraînement des Forces armées de l’Ukraine.

En outre, les membres du Comité sont heureux des évaluations franches qu’ils ont reçues concernant le contexte international de sécurité en Europe et la volonté ferme des États membres de l’OTAN de soutenir l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie. Leurs visites des groupements tactiques de la PAR en Estonie, en Lettonie et en Pologne ont mis en lumière la force, l’unité et la détermination des mesures de défense et de dissuasion prise par l’OTAN en Europe centrale et en Europe de l’Est. Le personnel des groupements tactiques est hautement qualifié et prêt au combat, et il dispose d’armes et d’équipement militaire de fine pointe.

En conclusion, grâce à leur voyage en Europe, les membres du Comité comprennent mieux la situation actuelle de la sécurité sur le flanc oriental de l’OTAN, ainsi que les activités de défense et de dissuasion de l’Alliance. En demeurant fermes devant la Russie et en appuyant l’Ukraine, le Canada et les autres États membres de l’OTAN envoient un message sans équivoque : les démocraties ont l’intention de rester fortes et unies contre les forces de l’autoritarisme, de l’agression et de la tyrannie dans le monde.


[1]              La délégation était composée des membres suivants du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes (NDDN) : l’honorable John McKay, C.P., député, président; James Bezan, député, vice-président; Christine Normandin, députée, vice-présidente; Pat Kelly, député; Lindsay Mathyssen, députée; Bryan May, député, secrétaire parlementaire de la ministre de la Défense nationale; et Charles Sousa, député.

[3]              NDDN, Rapport provisoire sur la défense du Canada dans un contexte de menace en évolution rapide, 44e législature, 1re session, juin 2022.

[4]              Voir ministère de la Défense nationale (MDN), Opération REASSURANCE; et MDN, Opération UNIFIER.

[6]              Bureau du premier ministre du Canada, Le Canada réaffirme son soutien indéfectible à l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra, 22 septembre 2023.

[8]              Ibid.

[9]              MDN, Opération UNIFIER.

[10]            Ibid.

[11]            Ibid.

[12]            Ibid.

[13]            Ibid.

[15]            Operation UNIFER Overview: Growth of JTF-U Since Sept 2022, document distribué aux membres du Comité NDDN lors de leur visite à la base militaire de Lydd, au Royaume-Uni, le 21 août 2023.

[16]            MDN, Opération UNIFIER.

[17]            NDDN, L’aide du Canada à l’Ukraine en période de crise et de conflit armé, 42législature, 1re session, décembre 2017, p. 2, 18–21.

[18]            Les 10 pays partenaires initiaux sont l’Australie, le Canada, le Danemark, la Finlande, la Lituanie, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni. En novembre 2023 et en janvier 2024, la Roumanie et l’Estonie ont annoncé respectivement leur participation à l’Opération INTERFLEX, portant le nombre de pays partenaires à 12. Voir « Operation INTERFLEX Overview », document distribué aux membres du Comité NDDN lors de leur visite à la base militaire de Lydd, au Royaume-Uni, le 21 août 2023. Pour plus d’informations sur la participation de l’Estonie et de la Roumanie, voir Estonie, ministère de la Défense, Estonia to Join Operation INTERFLEX to Train Ukrainian Forces [disponible en anglais seulement], 24 janvier 2024; Royaume-Uni, ministère de la Défense, 30,000 Ukrainian Recruits Trained in Largest UK Military training Effort Since Second World War, 10 novembre 2023 [disponible en anglais seulement].

[19]            Royaume-Uni, ministère de la Défense, « 30,000 Ukrainian Recruits Trained in Largest UK Military training Effort Since Second World War », 10 novembre 2023 [disponible en anglais seulement].

[21].           Par exemple, 24 pays membres de l’Union européenne (UE) contribuent à l’entraînement des Forces armées ukrainiennes dans le cadre de la Mission d’assistance militaire de l’UE en soutien à l’Ukraine (EUMAM Ukraine). Cette mission a été lancée en novembre 2022 dans le but initial de former 15 000 membres des Forces armées ukrainiennes à plusieurs endroits sur le territoire de l’UE. En novembre 2023, le Conseil européen a indiqué qu’après avoir formé plus de 34 000 membres, l’EUMAM Ukraine avait largement dépassé cet objectif initial. On s’attend à ce que, d’ici décembre 2023, la Mission ait formé plus de 35 000 membres. En novembre 2023, on a rapporté que les États-Unis avaient entraîné plus de 18 000 membres des Forces armées ukrainiennes en Europe au cours de la dernière année, principalement en Allemagne. Voir Union européenne, EU Military Assistance Mission in Support of Ukraine [disponible en anglais seulement]; Conseil européen, Ukraine : l’UE lance la mission d’assistance militaire, 15 novembre 2022; Conseil européen, Facilité européenne pour la paix : feu vert du Conseil à un financement supplémentaire pour la formation des forces armées ukrainiennes dans le cadre de l’EUMAM Ukraine, 28 novembre 2023; John Leicester, « Military Training Efforts for Ukraine Hit Major Milestones Even as Attention Shifts to Gaza », Associated Press, 13 novembre 2023 [disponible en anglais seulement]; et États-Unis, ministère de la Défense, Ukraine Defense Contact Group Members Remain Unified in Support to Kyiv, 18 juillet 2023 [disponible en anglais seulement].

[22]            « L’aguerrissement » se dit de l’entraînement visant à habituer le militaire au stress du combat et à d’autres opérations de guerre. L’entraînement se fait en conditions simulées, comme des tirs réels avec des armes réelles et le bruit du combat, pour aider le personnel à composer avec le stress afin qu’il soit plus résistant et mieux préparé à faire face à des situations de combat réelles.

[23]            En plus de leur contribution militaire au groupement tactique de la présence avancée renforcée (PAR) de l’OTAN en Lettonie, les FAC déploient des forces aériennes et navales dans le cadre de l’Opération REASSURANCE. Depuis 2014, les FAC déploient des navires de guerre en rotation permanente pour des exercices et des tâches opérationnelles dans les domaines de responsabilité du Commandement maritime de l’OTAN, ainsi que pour soutenir l’OTAN avec sa mission de police aérienne en Roumanie, en rotation non permanente, par le déploiement de chasseurs à réaction CF‑188 Hornet. De plus, en 2022, les FAC ont affecté un aéronef de patrouille à long rayon d’action CP-140 Aurora, qui survolait la zone euroatlantique sous le commandement et le contrôle de l’OTAN, ainsi que trois aéronefs de transport CC-130J Hercules dans le cadre du détachement de transport aérien tactique actuellement basé à Prestwick, en Écosse. L’Opération REASSURANCE est la plus grande opération militaire internationale actuelle du Canada. Voir MDN, Opération REASSURANCE.

[26]            OTAN, Dissuasion et défense.

[27]            Bureau du premier ministre du Canada, Le Canada annonce du soutien en réponse à la situation en Ukraine, 22 février 2022.

[30]            OTAN, Canada Deploys Tank Squadron to Reinforce NATO EFP Battlegroup Latvia, 9 novembre 2023 [disponible en anglais seulement].

[31]            Bureau du premier ministre du Canada, Le premier ministre augmente le soutien à une présence importante de l’OTAN, 10 juillet 2023.

[33]            Ibid.

[34]            République de Lettonie, ministère de la Défense, Canada Will Double the Number of Troops Deployed in Latvia, 10 juillet 2023 [disponible en anglais seulement].

[35]            MDN, Opération REASSURANCE.

[36]            NDDN, Le Canada et l’OTAN : une alliance cimentée par la force et la fiabilité, 42e législature, 1re session, juin 2018, p. 12, 52–53.

[38]            Lettonie, ministère de la Défense, Information about Selonia Military Training Area [disponible en anglais seulement].

[41]            MDN, Opération REASSURANCE.

[43]            Ibid.

[44]            De mai 2022 à mai 2023, les Forces armées danoises ont déployé un bataillon de combat et des unités de soutien en Lettonie. Selon le ministère danois de la Défense, « à partir de la mi-2024, le Danemark offrira à nouveau à l’OTAN un bataillon pour la défense des pays baltes » et « le bataillon sera déployé en Lettonie 4 à 6 mois par an et sera en état d’alerte au Danemark le reste du temps ». Voir Danemark, ministère de la Défense, Latvia — Securing the Eastern Flank of NATO [disponible en anglais seulement].

[45]            Voir Murray Brewster, « Sweden set to join Canadian-led brigade in Latvia once roadblocks to NATO membership end », CBC News, 20 décembre 2023 [disponible en anglais seulement].

[46]            Mis à part les rôles de direction et de contribution qu’ils apportent au groupement tactique de PAR à Orzysz (Pologne), les États-Unis maintiennent des forces militaires dans d’autres localités polonaises et ailleurs en Europe, notamment en Estonie, en Allemagne, en Italie, en Lettonie, en Lituanie, en Roumanie, en Espagne et au Royaume-Uni. En août 2023, un porte-parole des États-Unis a dit à Janes qu’environ 85 000 militaires américains avaient été déployés en Europe. Voir Nicholas Fiorenza, « Vilnius Waypoints », Janes Defence and Intelligence Review, vol. 2, no 10 (octobre 2023), p. 45 et 49.

[47]            Voir OTAN, New NATO Force Model, 2022 [disponible en anglais seulement]; OTAN, La présence militaire de l’OTAN dans la partie orientale de son territoire, 28 juillet 2023.

[48]            OTAN, Déclaration du sommet de Madrid, 29 juin 2022; et OTAN, Communiqué du sommet de Vilnius, 11 juillet 2023.

[49]            Voir : OTAN, Les dépenses de défense des pays de l’OTAN (2014–2023), 7 juillet 2023, p. 7; et OTAN, Déclaration du sommet du pays de Galles, 5 septembre 2014.

[50]            OTAN, Les dépenses de défense des pays de l’OTAN (2014–2023), 7 juillet 2023, p. 7.

[51]            La Saeima (parlement) de la Lettonie a adopté la Loi sur le financement de la défense nationale en 2014.Voir Lettonie, ministère de la Défense, Defence spending reaches 2.25% of Latvia’s gross domestic product, 10 mars 2023 [disponible en anglais seulement].

[52]            Lettonie, ministère de la Défense, Defence budget [disponible en anglais seulement].

[53]            Voir Lettonie, ministère de la Défense, Frequently asked questions about the State Defence Service [disponible en anglais seulement]; et Lettonie, ministère de la Défense, 488 Latvians have voluntarily joined the State Defence Service, 16 mai 2023 [disponible en anglais seulement].

[54]            Voir Lettonie, ministère des Affaires étrangères, Mission permanente de la République de Lettonie aux Nations Unies, Statement at the Ambassadorial-level Peacebuilding Commission, 14 décembre 2022 [disponible en anglais seulement]; et ministère de la Défense nationale, Statistiques sur les femmes dans les Forces armées canadiennes, juillet 2023.

[55]            Lettonie, ministère de la Défense, State Defence Concept, 2020, p. 12 [disponible en anglais seulement]. En octobre 2023, la Lettonie a adopté une nouvelle version du State Defence Concept. Voir Lettonie, ministère de la Défense, State Defence Concept, 2023 [disponible en anglais seulement].

[56]            Lettonie, ministère de la Défense, State Defence Concept, 2020, p. 5 [disponible en anglais seulement].

[57]            OTAN, Les dépenses de défense des pays de l’OTAN (2014–2023), 7 juillet 2023, p. 7.

[58]            Gouvernement de l’Estonie, The Government Updated the National Security Concept of Estonia, 24 janvier 2023 [disponible en anglais seulement].

[59]            Estonie, Centre for Defence Investments, Estonia purchases six HIMARS multiple rocket launcher systems from USA, 3 décembre 2022 [disponible en anglais seulement].

[60]            Estonie, Centre for Defence Investments, Defence Investments 2023–2027 [disponible en anglais seulement].

[61]            Estonie, Agence des ressources de la Défense, Women and Conscript Service [disponible en anglais seulement].

[62]            Estonie, Eesti Rahvusringhääling (ERR), Defense forces launch campaign to attract more female conscripts [disponible en anglais seulement].

[63]            Estonie, Forces de défense, Estonian Defence Forces [disponible en anglais seulement].

[64]            Ibid.

[65]            Estonie, ministère de la Défense, National Security Concept of Estonia, 22 février 2023, p. 5 [disponible en anglais seulement].

[66]            Ibid., p. 4 [traduction].

[67]            Estonie, E-Estonia, Data Embassy [disponible en anglais seulement].

[68]            Centre d’excellence pour la cyberdéfense en coopération de l’OTAN, About Us.

[69]            En juillet 2023, le gouvernement du Canada a annoncé que le Centre d’excellence OTAN pour le changement climatique et la sécurité serait établi à Montréal, au Québec. Voir Affaires mondiales Canada, Centre d’excellence OTAN pour le changement climatique et la sécurité.

[70]            Estonie, ministère de la Défense, National Security Concept of Estonia, 22 février 2023, p. 13 [traduction].

[71]            Pologne, Chancellerie du président du Conseil des ministres, More troops and more money for defence — the Council of Ministers adopted a draft Homeland Defence Act, 22 février 2022 [disponible en anglais seulement].

[72]            OTAN, Les dépenses de défense des pays de l’OTAN (2014–2023), 7 juillet 2023, p. 7.

[73]            Ibid.

[74]            Pologne, ministère de la Défense, The Defence Concept of the Republic of Poland, 2016, p. 45 [traduction].

[75]            Pologne, ministère de la Défense, The first Himars are already in Poland. They will go to the 16th Mechanized Division, 15 mai 2023 [disponible en anglais seulement].

[76]            États-Unis, département d’État, U.S. Security Cooperation with Poland, 31 octobre 2022 [disponible en anglais seulement].

[77]            Pologne, ministère de la Défense, Strengthening the capacity of the Polish Armed Forces as part of the Polish–Korean cooperation, 5 juin 2023 [disponible en anglais seulement].