OGGO Rapport du Comité
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DOTER LES FORCES ARMÉES ET LA GARDE CÔTIÈRE CANADIENNES D’ÉQUIPEMENT ADÉQUAT : RAPPORT PROVISOIRE
Introduction
Le 1er février 2022, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes (le Comité) a adopté les motions suivantes :
Que, conformément à l’article 108(2) du Règlement, en ce qui concerne les projets d’approvisionnement en défense aérienne, le comité entreprenne une étude sur les objectifs d’approvisionnement et la réalisation de ces objectifs, incluant le processus d’appel d’offres relatif au remplacement de la flotte de CF‑18 et d’autres équipements nécessaires à la défense aérienne nationale, et reçoive une mise à jour sur les capacités opérationnelles actuelles; que le Comité tienne compte du deuxième rapport du Comité permanent de la défense nationale intitulé « Le Canada et la défense de l’Amérique du Nord : NORAD et la disponibilité opérationnelle des forces aériennes » déposé en 2016, des témoignages publics fournis avant sa publication, et la politique de défense du Canada « Protection, Sécurité, Engagement »; que le Comité fasse rapport de ses conclusions à la Chambre.
Que, conformément à l’article 108(2) du Règlement, le Comité entreprenne une étude concernant la Stratégie nationale de construction navale par rapport à l’état de la situation actuelle; que le Comité invite la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, la ministre de la Défense nationale, ainsi que des fonctionnaires pour faire le suivi de cet enjeu et, pour ce faire, que le Comité tienne un minimum de cinq rencontres; que le Comité fasse rapport de ses constatations et recommandations à la Chambre; que conformément à l’article 109 du Règlement, le Comité demande au gouvernement de déposer une réponse globale au rapport; que le comité tienne compte du sixième rapport du Comité permanent de la défense nationale intitulé « La disponibilité opérationnelle des forces navales du Canada » déposé en 2017, des témoignages publics fournis avant sa publication, et la politique de défense du Canada « Protection, Sécurité, Engagement[1] ».
Le Comité a convenu d’étudier les deux sujets simultanément.
Durant la période comprise entre le 15 février et le 3 mai 2022, le Comité a tenu huit rencontres pour ces études et a entendu 20 témoins, dont les porte-parole du Bureau du vérificateur général, des représentants de ministères et de chantiers navals ainsi que des spécialistes de l’approvisionnement en matière de défense, y compris des universitaires. La liste complète des témoins se trouve aux annexes A et B. Le présent rapport provisoire est le reflet des témoignages livrés au Comité durant cette période.
À la suite des réunions, le Comité a poursuivi son étude et entend la mener à terme à l’automne 2022. Il présentera alors un rapport final assorti de recommandations à l’intention du gouvernement fédéral sur les moyens d’améliorer le processus d’approvisionnement en matière de défense afin de doter les Forces armées canadiennes (FAC) et la Garde côtière canadienne (GCC) du bon équipement en temps opportun tout en assurant un rendement optimal des deniers publics dépensés.
Processus d’approvisionnement en matière de défense
Contexte
Au cours des deux études, les témoins ont exprimé leur point de vue sur le processus d’approvisionnement en matière de défense du Canada. Ils ont également souligné plusieurs problèmes pour lesquels ils ont proposé des solutions afin d’améliorer ledit processus. Ce chapitre présente les principaux problèmes recensés par les témoins.
Selon le rapport publié le 11 mars 2022 par le directeur parlementaire du budget, en décembre 2021, le ministère de la Défense nationale (MDN) envisageait de consacrer 164 milliards de dollars à 348 projets d’immobilisation d’ici 2036‑2037 dans le cadre de la politique de défense du Canada Protection, Sécurité, Engagement[2]. Cette dernière comporte des initiatives d’investissements à long terme pour renforcer les capacités des FAC, comme les projets d’approvisionnement en matière de défense aérienne et la Stratégie nationale de construction navale (SNCN). Troy Crosby, sous-ministre adjoint, Groupe des matériels, MDN, a dit au Comité en mars 2022 que le MDN administre 74 gros projets d’approvisionnement, et que le budget total pour 13 d’entre eux s’élève à 100 milliards de dollars.
Quelques témoins ont fait valoir que le Canada dispose d’un équipement militaire déficient, car il n’a pas accordé la priorité à l’approvisionnement en matière de défense depuis la fin de la guerre froide (autour de 1990). Ils ont préconisé une augmentation des dépenses en capital et la mise à niveau de l’équipement militaire pour qu’il puisse répondre aux besoins militaires modernes. Les témoins estiment que ces deux éléments sont capitaux vu la conjoncture internationale marquée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie[3].
Le processus d’achat de biens et services liés à la défense varie en fonction du contrat. L’organisation contractante — le MDN ou la GCC — est tenue dans pratiquement tous les cas de collaborer avec Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) pour faire l’acquisition d’équipement de défense.
Tout d’abord, l’entité concernée au sein des FAC définit ses besoins opérationnels[4]. L’équipe de projet propose ensuite une date limite et analyse les options. À partir des besoins définis, le MDN ou la GCC effectue un examen interne des projets d’approvisionnement à l’aune de critères tels que les capacités et les coûts. Il faut ensuite demander au ministre concerné ou au Conseil du Trésor l’autorisation de dépenser pour les projets approuvés à l’interne, selon les coûts prévus[5].
Par la suite, SPAC cherche un fournisseur qui pourra lui fournir le bien ou le service demandé. Sauf exception, les organisations acheteuses sont tenues de lancer un appel d’offres dans le cadre d’un processus concurrentiel public[6]. SPAC évalue les soumissions (s’il y en reçoit) et passe un marché avec le fournisseur retenu. SPAC fait également le suivi du contrat jusqu’à sa fin. Le MDN, la GCC et les FAC ont la possibilité de mettre à l’essai l’équipement complexe et de demander des modifications avant la livraison finale.
Les achats du MDN et de la GCC dont la valeur excède 100 millions de dollars et qui ne sont pas assujettis aux accords commerciaux sont quand même assujettis à la Politique des retombées industrielles et technologiques d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE), qui oblige les entreprises retenues pour de gros projets de défense à investir une somme égale à la valeur du contrat dans des secteurs préétablis au Canada[7].
Selon M. Crosby, le gouvernement fédéral
renouvel[le] et rempla[ce] les flottes d’équipement de base pour soutenir la force de défense polyvalente et apte au combat du Canada […] Nous sommes déterminés à fournir aux Forces armées canadiennes l’équipement moderne dont elles ont besoin, mais nous assurons également la meilleure valeur possible pour les contribuables canadiens. Nous participons à la création d’emplois, nous soutenons l’innovation technologique canadienne et nous contribuons à la croissance économique à long terme dans tout le pays.
M. Crosby a également fait observer qu’en raison de leur complexité, les projets d’approvisionnement en matière de défense ont des échéanciers extrêmement variables. Il a témoigné que le gouvernement fédéral a démontré, avec les achats liés à la COVID‑19, qu’il pouvait accélérer le processus pour répondre à des besoins opérationnels. Selon lui, le gouvernement fédéral a réalisé des progrès dans le maintien des flottes en service et par rapport aux projets entrepris dans le cadre de la politique Protection, Sécurité, Engagement depuis l’annonce de celle-ci en 2017.
David Perry, président, Institut canadien des affaires mondiales, a affirmé que le gouvernement fédéral a « réalisé des progrès appréciables dernièrement dans plusieurs [grands projets d’approvisionnement en matière de défense] », notamment de défense aérienne. En revanche, Elinor Sloan, professeure au Département de science politique, Université Carleton, a signalé que, malgré les problèmes constatés, le gouvernement fédéral n’a pas modifié sa stratégie d’approvisionnement en matière de défense depuis 2014. À son avis, cette stratégie n’a permis aucun progrès, et il est temps de la revoir.
M. Crosby a déclaré que, depuis 2020, la pandémie a eu une incidence sur les processus d’acquisition du gouvernement fédéral et le secteur de la défense au Canada en raison du télétravail, de la production réduite ou interrompue, des restrictions de voyage et la fermeture des frontières, du roulement du personnel ainsi que des problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement. La situation a donc donné lieu à des inefficiences, à une pénurie de ressources, à des retards et à des hausses de coûts.
Collaboration interministérielle
Le Canada a une approche multiministérielle en ce qui concerne l’approvisionnement en matière de défense. Les principales entités qui interviennent son : SPAC, le MDN, la GCC (par l’entremise de Pêches et Océans Canada), et ISDE[8]. Le Conseil du Trésor et son Secrétariat sont chargés d’élaborer les politiques générales d’approvisionnement du gouvernement, d’autoriser le financement des grands projets approuvés par le Cabinet et d’en faire le suivi[9].
Simon Page, sous-ministre adjoint, Approvisionnement maritime et de défense de SPAC, a soutenu que la structure de gouvernance en vigueur se rapproche « beaucoup d’un modèle centralisé ». Il a dit que SPAC « travaill[e] en étroite collaboration avec le ministère de la Défense nationale et [ses] autres partenaires fédéraux pour [s’]assurer d’offrir un soutien en matière d’approvisionnement nécessaire pour fournir le bon équipement et les bons services aux Forces armées canadiennes en temps opportun ». Selon les explications de M. Page, cette approche permet à SPAC et aux ministères clients d’harmoniser leurs objectifs et leurs actions, et aussi de tenir compte de certaines variables, comme la stratégie d’approvisionnement, l’approvisionnement social et la participation des Autochtones dès le début du processus d’acquisition. Ainsi, tous les ministères participants peuvent dès lors « faire des avancées plus rapidement ».
M. Page a également fait la déclaration suivante :
SPAC préside les comités de gouvernance interministériels mis sur pied dans le cadre de la Stratégie d’approvisionnement en matière de défense afin de réunir tous les principaux intervenants fédéraux pour examiner de façon transparente les compromis liés aux capacités, aux coûts, à la livraison de l’équipement et à la prestation des services en temps opportun, ainsi qu’aux avantages économiques pour le Canada.
M. Crosby a fait remarquer l’étroite collaboration entre les ministères fédéraux qui participent à l’approvisionnement en matière de défense « pour régler diverses questions et [demander] l’avis de l’industrie au besoin ». Il a relevé qu’au MDN, la vaste majorité des activités d’approvisionnement sont de nature moins complexe et portent sur les acquisitions de faible valeur, et que le Ministère les gère tout seul. Par contre, d’autres ministères, dont SPAC, appuient le MDN lorsqu’il s’agit de projets d’approvisionnement en matière de défense plus complexes entraînant des dépenses importantes.
Centralisation de la structure de gouvernance
Plusieurs témoins ont parlé de la centralisation de la structure de gouvernance associée à l’approvisionnement en matière de défense et de la création d’une seule et unique organisation responsable de ce type d’approvisionnement, à l’instar de certains pays. D’ailleurs, la lettre de mandat de 2019 de la ministre de SPAC faisait état d’un engagement à collaborer avec le ministre de la Défense nationale ainsi qu’avec la ministre des Pêches, des Océans et de la GCC pour la présentation d’analyses et d’options visant la création d’un ministère responsable de l’approvisionnement en matière de défense. Cet engagement n’a cependant pas été renouvelé dans la lettre de mandat de 2021 de la ministre de SPAC.
Alan Williams, président du Williams Group, a précisé que, contrairement à tous ses proches alliés, le Canada est le seul pays doté d’une approche multiministérielle en ce qui concerne l’approvisionnement en matière de défense. Les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie n’ont qu’un seul ministre (ou son équivalent) et qu’un seul ministère responsable en la matière. M. Williams a souligné qu’au Canada, l’inefficience de l’approvisionnement en matière de défense tient à une responsabilité ministérielle diffuse, qui empêche de bien encadrer les processus, d’établir un plan inscrit dans une perspective d’avenir, de mesurer les résultats et d’apporter des modifications. À son avis,
il y a un chevauchement et un dédoublement excessifs entre le rôle du ministre de la Défense nationale et celui du ministre de Services publics et Approvisionnement Canada. Tant que l’approvisionnement en matière de défense ne sera pas la responsabilité d’un seul ministère, elle ne sera jamais aussi efficiente et efficace qu’elle le devrait.
Certains témoins ont convenu que l’absence d’une structure de gouvernance adéquate pour l’approvisionnement en matière de défense provoque des obstacles[10]. Ils ont suggéré de confier l’approvisionnement en matière de défense à un seul ministre pour améliorer le processus et ses résultats. Toutefois, tous les témoins n’étaient pas d’accord avec cette suggestion.
Selon Jeffrey Collins, professeur associé à Université de l’Île-du-Prince-Édouard, la création d’une organisation spécialement pour l’approvisionnement en matière de défense permettrait de développer une expertise particulière sur le plan des ressources humaines et un savoir institutionnel. Il a indiqué que, la dernière fois que le Canada a acquis rapidement une grande quantité d’équipement, il était doté d’un ministère distinct chargé de l’approvisionnement en matière de défense, appelé ministère de la Production de la défense et supprimé en 1969. Avertissant que la réorganisation de cet approvisionnement pendant l’exécution de plusieurs grands projets s’avérerait probablement difficile, il a également précisé qu’il y a déjà un bureau centralisé responsable de la SNCN.
M. Williams est d’avis que confier l’approvisionnement en matière de défense à une organisation sous la responsabilité d’un seul ministre ne résoudrait pas tous les problèmes d’acquisition, mais cela permettrait de renforcer la reddition de comptes, de simplifier le processus et de faire des économies.
Selon Christian Leuprecht, professeur au Collège militaire royal, Université Queen’s, le gouvernement fédéral devrait s’inspirer des approches d’autres pays en ce qui concerne l’approvisionnement en matière de défense. Il a évoqué la Suisse, qui, après avoir voté une enveloppe budgétaire pour un projet de défense, laisse le ministère de la Défense décider des achats à effectuer avec ladite enveloppe tout en respectant les mécanismes procéduraux du gouvernement. Il a aussi mentionné l’idée de nommer « un ministre de l’industrie de la défense dévoué, à l’instar de l’Australie, pour que le secteur bénéficie d’une plus grande attention et d’une meilleure expertise politiques ».
Or, Kim Nossal, professeur émérite à l’Université Queen’s, a précisé que l’Australie a mis sur pied un ministère distinct pour l’approvisionnement en matière de défense, mais qu’elle l’a démantelé ultérieurement et a confié cette responsabilité au ministre de la Défense. Il a donc suggéré qu’au lieu de créer une organisation distincte d’approvisionnement en matière de défense, il faudrait rendre le ministre de la Défense nationale l’unique responsable de l’approvisionnement en matière de défense et des dépenses liées à la défense nationale.
Participation des Autochtones
La lettre de mandat de 2021 de la ministre de SPAC fait entre autres état de l’engagement de « [d]iriger la mise en œuvre de l’exigence, pour les ministères et organismes fédéraux, de veiller à ce qu’au moins 5 % de la valeur totale des contrats fédéraux soit attribuée à des entreprises autochtones ».
D’après les explications de M. Page, le gouvernement fédéral tient compte de facteurs autres que le coût (approvisionnement social, approvisionnement écologique et participation des Autochtones, par exemple) quand il s’agit de se procurer du matériel et de l’équipement. Il a ajouté que, selon la structure de gouvernance dans la stratégie d’approvisionnement en matière de défense, SPAC collabore avec d’autres ministères et organismes, dont Services aux Autochtones Canada, pour accorder des marchés à des entreprises autochtones. Il a cité en exemple un contrat d’entretien et de soutien en service du Système d’alerte du Nord donné à l’entreprise inuite Nasittuq Corporation.
M. Crosby a admis que le gouvernement fédéral n’a pas encore atteint sa cible de 5 %. Il reste toutefois optimiste : le dialogue continu avec les communautés autochtones ouvrira d’autres débouchés pour celles-ci, qui s’inscriront dans les processus d’acquisition. Il a informé le Comité que, dans le cadre d’une analyse comparative entre les sexes Plus (ACS Plus), le gouvernement fédéral dialogue avec les diverses parties intéressées, dont les communautés autochtones, afin de bien prendre en considération les différentes perspectives et de bien intégrer les débouchés dans les processus d’acquisition. De plus, le gouvernement fédéral crée des possibilités de perfectionnement professionnel et d’emploi partout au pays où l’équipement de défense sera utilisé.
Autres difficultés et possibilités du processus d’approvisionnement en matière de défense
Des témoins ont recensé plusieurs difficultés du processus d’approvisionnement en matière de défense : la transparence et la reddition de comptes au niveau fédéral; la politisation du processus; la complexité de celui-ci; les ressources humaines et l’expertise; l’acquisition de produits clés en main; les retombées industrielles et technologiques (RIT); les besoins et capacités opérationnels. Ils ont également relevé des solutions pour résoudre certains de ces problèmes.
Transparence et reddition de comptes
Certains témoins ont fait part de leur avis sur la transparence et la reddition de comptes dans le processus d’approvisionnement en matière de défense. M. Williams, M. Perry, le professeur Collins et Peter Kasurak, membre du Centre d’études sur la politique internationale et de défense de l’Université Queen’s, ont tous dénoncé le peu d’informations données à la population ou au Parlement sur les grands projets de défense, ce qui complique la tâche d’évaluer les coûts et de contester des décisions en temps voulu et en connaissance de cause. Le professeur Leuprecht a néanmoins précisé qu’une transparence renforcée a tendance à se traduire par une plus grande aversion pour le risque ainsi que par la bureaucratisation et le ralentissement du processus.
Richard Shimooka, agrégé supérieur, Institut Macdonald-Laurier, a mis le manque de transparence sur le compte de l’approche multiministérielle en approvisionnement en matière de défense, qui pousse les ministères à fonctionner en toute collégialité et à ne pas discuter ouvertement des problèmes avec la population. Andy Smith, sous-commissaire, Construction navale et matériel, GCC, a expliqué que, pour tirer avantage de la position de négociation du Canada, le gouvernement rend publics certains coûts associés à des projets uniquement après avoir signé des contrats.
Robert Huebert, professeur agrégé au Département de science politique, Université de Calgary, et le professeur Nossal ont affirmé que les comités parlementaires devraient être investis du pouvoir de prendre connaissance d’informations secrètes sur l’approvisionnement en matière de défense. M. Williams a indiqué qu’il est difficile d’obtenir des résultats sans disposer de mesures de rendement rendues publiques. Il a proposé d’établir des mesures de rendement concernant les coûts et les échéances pour comprendre les causes de la hausse des coûts et des retards ainsi que pour améliorer à terme le processus d’acquisition.
Politisation du processus
Des témoins ont fait observer que l’approvisionnement en matière de défense a été politisé aussi bien par le gouvernement que par l’opposition depuis plusieurs années. Cette politisation a entraîné des retards, des dépassements de coûts et des capacités réduites en matière de défense, et a miné la réputation du Canada. Le Comité a été informé que d’autres pays sont aux prises avec le même problème[11].
M. Kasurak a noté que la neutralité politique et la stabilité des hauts fonctionnaires représentent de grands atouts au Canada — ce qui n’est pas le cas aux États-Unis — car ces personnes, fortes de leur savoir institutionnel, demeurent en poste malgré les gouvernements successifs.
Complexité du processus
Le Comité a été informé de la complexité du processus d’approvisionnement en matière de défense et de possibles améliorations. Le professeur Collins a dit que, selon le MDN, « il faut en moyenne 15 ans pour livrer un nouvel équipement aux FAC. Il s’agit toutefois d’une moyenne, et cela peut souvent prendre plus de temps. » Pour sa part, la professeure Sloan a souligné qu’une culture d’aversion pour le risque entoure le processus d’approvisionnement en matière de défense et que la bureaucratie et la paperasse ralentissent l’avancement des projets.
Selon le professeur Leuprecht :
Dans tout approvisionnement, il y a trois objectifs. On veut obtenir le matériel qu’on achète dans les délais et selon le budget prévus, et que ce matériel soit doté des capacités dont on a besoin. Il semble que nous ayons beaucoup de difficulté, au Canada, à remplir l’un ou l’autre de ces trois critères d’approvisionnement, sans parler des trois. Je pense qu’un processus approprié pourrait nous permettre de nous rapprocher beaucoup de ces trois objectifs.
Le professeur Leuprecht a laissé entendre que le gouvernement fédéral doit soit consacrer davantage de fonds et de personnel au processus d’approvisionnement en matière de défense, soit simplifier les procédures qui monopolisent une grande partie du personnel. Il a prôné la simplification et l’harmonisation des exigences d’approvisionnement en matière de défense pour une utilisation optimisée des fonds alloués. Malgré les sous-effectifs et le sous-financement chroniques des FAC, le MDN n’a pas pu dépenser 5 % de son budget global en 2020‑2021. Selon le professeur Leuprecht, ce fait montre un décalage entre le financement et les procédures. Interrogé par un membre du Comité, M. Crosby a expliqué que, puisque le gouvernement fédéral paie ses fournisseurs à la réception du matériel, certains fonds pour l’approvisionnement en matière de défense n’ont pas été dépensés en 2020-2021 à cause de retards de livraison.
M. Perry a affirmé que bien des raisons expliquent l’inefficience apparente de l’approvisionnement en matière de défense au Canada par rapport à d’autres pays. Le processus canadien diffère à bien des égards de celui d’autres pays, ce qui rend la comparaison difficile à établir. D’après M. Kasurak, tous les pays démocratiques peinent à consacrer les deniers publics à diverses priorités concurrentes dans un contexte de restrictions budgétaires. Selon lui, l’Australie a amélioré ses processus d’approvisionnement en matière de défense plus efficacement que le Canada ces dernières années, et ce, malgré des problèmes non résolus.
Toujours de l’avis de M. Kasurak, la rigidité du processus d’approvisionnement en matière de défense a un côté positif : il est possible de suivre l’évolution dudit processus. Abondant dans le même sens, le professeur Nossal a déclaré que les règles de l’approvisionnement en matière de défense sont généralement raisonnables et qu’elles permettent suffisamment de souplesse. Le professeur Collins a signalé que d’autres pays doivent également gérer des projets complexes d’approvisionnement en matière de défense.
Ressources humaines et expertise
M. Shimooka a souligné que, contrairement aux États-Unis et au Royaume-Uni, le Canada ne dispose pas de programmes ou de cours destinés aux fonctionnaires afin de développer une expertise en approvisionnement en matière de défense. Selon lui, les possibilités d’emploi dans les FAC et la fonction publique fédérale ne sont pas bien connues, et la rémunération proposée pour certaines compétences spécialisées n’est pas concurrentielle avec celle offerte dans le secteur privé. Nicholas Swales, directeur principal, Bureau du vérificateur général, M. Perry, M. Williams et la professeure Sloan ont tous relevé une pénurie d’expertise au sein du gouvernement fédéral qui limite l’obtention de résultats en matière d’approvisionnement. La professeure Sloan a conseillé de rebâtir les compétences en gestion de projets en défense perdues « depuis le milieu des années 1990 », en confiant cette tâche à une seule personne.
Acquisition de produits clés en main
D’après le professeur Collins, le risque d’acheter de l’équipement de défense clés en main tient au fait que les entreprises et les pays fabriquent des produits selon leurs propres spécifications, malheureusement différentes de celles du Canada. Par conséquent, il faut modifier des conceptions complexes par nature et les adapter à l’environnement canadien. Selon le professeur Collins, l’acquisition de produits clés en main a pour avantages une livraison plus rapide et des coûts inférieurs, qui pourraient être perdus une fois la conception modifiée, surtout si l’équipement est fabriqué au Canada.
Retombées industrielles et technologiques
Plusieurs témoins ont discuté des problèmes liés à la politique sur les RIT par laquelle le gouvernement garantit des retombées socioéconomiques au Canada découlant de grands projets de défense. Selon M. Perry, il est difficile d’évaluer les coûts de cette politique, mais il faut néanmoins le faire à l’aune des retombées nettes sur le plan de la productivité économique. M. Williams a fait observer que le recours à la politique sur les RIT pour retenir une offre est « tout à fait inacceptable » et que les conditions de cette politique pourraient pousser à « sacrifier les solutions optimales à des emplois théoriques ». Par ailleurs, le professeur Leuprecht a précisé qu’« il n’existe pas de méthodologie généralement reconnue par les économistes de la défense pour mesurer [les RIT]. Les avantages sont ce que nous disons qu’ils sont. » Il a suggéré de modifier l’approche de façon à ce que le principal avantage soit un investissement dans la viabilité de l’industrie canadienne, afin de maintenir une capacité en matière de haute technologie dans le secteur de la défense, plutôt que la création d’un certain nombre d’emplois dans une circonscription.
Besoins et capacités opérationnels
De l’avis de M. Shimooka, le Canada aborde souvent l’approvisionnement en matière de défense en se concentrant sur la plateforme et en négligeant d’autres facteurs, comme l’évolution du contexte stratégique ou technologique. Cette approche n’est pas optimale. Selon lui, elle est problématique et inefficace dans le nouveau contexte technologique et de menaces, car l’équipement aura « une utilité limitée au regard des nouveaux défis qui pourraient survenir » et « le Canada met l’accent sur des capacités uniques pour relever des défis à multiples facettes ». Le professeur Huebert a indiqué que le Canada se concentre sur des modèles d’équipement en particulier au lieu d’évaluer ses besoins pour répondre aux menaces navales de la part de la Chine ou de la Russie.
M. Shimooka a déclaré au Comité que « [l]’un des plus grands défis […] est essentiellement d’essayer de réaliser des capacités logicielles, c’est‑à‑dire la prochaine génération de capacités qui sont vraiment essentielles pour la connaissance de la situation, et l’identification et la poursuite des cibles ».
Projets canadiens d’approvisionnement en matière de défense aérienne
Contexte
Le présent chapitre résume le point de vue que divers témoins ont exprimé sur les grands projets canadiens d’approvisionnement en matière de défense aérienne. La section qui suit fournit de l’information contextuelle sur le Projet de capacité des futurs chasseurs (PCFC) et sur les projets visant à acheter de l’équipement de défense aérienne basé au sol et à renforcer les capacités du NORAD (Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord).
Remplacement des chasseurs Hornet CF-18 du Canada
Le gouvernement du Canada participe depuis 1997 à des projets sur les chasseurs de la prochaine génération en vue de remplacer la flotte de chasseurs Hornet CF‑18 (les CF‑18) vieillissants du Canada. Lorsque le Canada a fait l’acquisition de ces chasseurs au début des années 1980, leur durée de vie utile tournait autour de 20 ans. Or, ces chasseurs sont toujours utilisés aujourd’hui, car leur durée de vie a été prolongée grâce à des modifications.
En 2008, le gouvernement fédéral a annoncé son intention de faire l’acquisition de 65 chasseurs de cinquième génération pour environ 9 milliards de dollars. Le MDN a recommandé à SPAC d’acheter les F‑35 Lightning II (F‑35) – des avions auxquels le Canada a accès dans le cadre du partenariat du Programme d’avions de combat interarmées (ACI) F‑35 – sans tenir de processus concurrentiel, car il s’agissait des seuls appareils de cinquième génération disponibles. Or, le Bureau du vérificateur général a indiqué dans un rapport rendu public en 2012 que le MDN avait sous-estimé les coûts liés au cycle de vie des F‑35 et que SPAC avait approuvé la proposition du MDN de tenir un processus d’attribution à candidat unique sans la documentation requise[12]. Le gouvernement fédéral a par la suite bloqué l’acquisition et a analysé d’autres options offertes dans le secteur[13].
Projet de capacité des futurs chasseurs
En décembre 2017, le gouvernement a lancé le PCFC, un processus concurrentiel ouvert pour l’achat de 88 chasseurs sophistiqués qui remplaceront les chasseurs CF‑18 du Canada. En juillet 2019, le gouvernement a envoyé une demande de propositions aux fournisseurs admissibles et il a terminé l’analyse des soumissions en décembre 2021. Il a retenu deux options pour les avions de chasse :
- le Gripen E, fourni par le gouvernement de la Suède et SAAB AB (publ) Aeronautics, avec Diehl Defence GmbH & Co. KG, MBDA UK Ltd. et RAFAEL Advanced Defence Systems Ltd.;
- le F-35 Lightning II, fourni par le gouvernement des États-Unis et Lockheed Martin, avec Pratt and Whitney[14].
Le 28 mars 2022, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il allait entamer de nouvelles négociations avec le fournisseur le mieux classé, le gouvernement des États-Unis, qui propose le F-35. Paul Thompson, sous-ministre, SPAC, a déclaré que les négociations pouvaient « prendre jusqu’à un an ». Si ces négociations échouent, le gouvernement pourra tout de même revenir au gouvernement suédois, qui propose le Gripen E de Saab. Le fournisseur retenu est censé livrer le premier avion dès 2025 et conclure le projet au début des années 2030[15]. Selon les estimations du gouvernement, l’acquisition des avions et de l’équipement, ainsi que leur mise en place, coûtera de 15 à 19 milliards de dollars[16]. Cependant, on ne dispose pas de détails sur le coût estimé de l’achat, l’exploitation et l’entretien de chaque modèle.
Projet de capacité des chasseurs provisoires et Projet de prolongation du cycle de vie des chasseurs Hornet
Jusqu’à ce que le PCFC soit mené à bien, l’Aviation royale canadienne (ARC) a besoin d’avions et d’équipements provisoires pour compléter sa flotte de CF‑18. En 2016, le Canada a décidé d’acheter à l’Australie 18 chasseurs F/A-18 en état de voler et sept autres qui ne l’étaient pas (pour leurs pièces de rechange et l’entraînement). Ce projet est maintenant en voie d’être réalisé; le dernier chasseur a été livré en avril 2021. Les chasseurs devraient être entièrement opérationnels d’ici décembre 2022. Le MDN estime que le coût d’achat des chasseurs F/A‑18 s’élève à 339,3 millions de dollars[17].
Étant une initiative distincte, le Projet de prolongation du cycle de vie des chasseurs Hornet, qui vise à prolonger la vie de la flotte de CF‑18, coûtera environ 1,3 milliard de dollars. Il est maintenant en voie d’être réalisé, car il est prévu que les CF‑18 soient entièrement opérationnels d’ici 2025.
Projets du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD)
Quelques projets d’approvisionnement des FAC (le PCFC, par exemple) renforceront certes la capacité du Canada à respecter ses obligations liées au NORAD, mais le Canada coordonne toujours avec les États-Unis les efforts de modernisation du NORAD pour la bonne harmonisation des investissements[18]. La Déclaration conjointe sur la modernisation du NORAD faite en août 2021 priorise les investissements dans la connaissance de la situation, les systèmes de commandement et de contrôle modernisés et les infrastructures, les capacités de dissuasion ainsi que la recherche, le développement et l’innovation[19].
Projets de défense aérienne basée au sol
Comme son Programme des capacités de la Défense le décrit, le Canada procède au renouvellement de son système de défense aérienne basée au sol[20]. Ce système, par lequel l’armée détectait les avions volant à basse altitude, avait été mis hors service en 2012, mais il est en cours d’être remis à neuf pour répondre aux nouvelles menaces aériennes[21]. Ce nouveau système, annoncé dans la politique Protection, Sécurité, Engagement, est censé comprendre :
une ou des plateformes effectrices (canons, missiles, systèmes d’armes à énergie dirigée, guerre électronique ou combinaison de ce qui précède), des munitions, un ensemble de capteurs, un logiciel de contrôle de tir et un système en réseau intégré de C4ISR [commandement, contrôle, communications, informatique, renseignement, surveillance et reconnaissance][22].
Les projets de défense aérienne basée au sol proposés se composeront surtout de technologies clés en main et coûteront entre 250 millions et 499 millions de dollars[23].
Difficultés et possibilités des projets canadiens d’approvisionnement en matière de défense aérienne
Le Comité a entendu des témoignages sur les difficultés et les possibilités que présentent les grands projets d’approvisionnement en matière de défense aérienne pour le gouvernement fédéral et les FAC. Plusieurs thèmes sur le processus d’approvisionnement en matière de défense aérienne du Canada ont été abordés, notamment les échéanciers des FAC, des problèmes de ressources humaines, les besoins en infrastructure ainsi que les besoins et les capacités opérationnels.
Échéanciers
Quelques témoins ont exprimé leur inquiétude sur la célérité des projets canadiens d’approvisionnement en matière de défense aérienne. M. Williams a indiqué qu’en 2000, les approvisionnements prenaient en moyenne 16 ans, mais que dès 2011, le gouvernement a réussi à écourter ses échéanciers.
Le professeur Collins a déclaré que « le processus d’achat d’équipement pour les principaux projets de défense aérienne reste entravé de manière frustrante par la politisation des projets et par un processus lourd, fondé sur le statu quo et partagé entre les agences centrales et la bureaucratie des achats d’équipement de la défense ». Il a précisé que la priorité accordée par les pouvoirs politiques, la structure du processus et les échéanciers écourtés ont aidé d’autres pays, comme le Danemark, la Finlande et la Suisse, à prendre des décisions rapidement. D’après M. Shimooka, les États-Unis et le Royaume-Uni peuvent mettre au point un nouveau système dans le temps qu’il faut au Canada pour acheter de l’équipement commercial.
Ressources humaines et formation
Andrew Hayes, sous-vérificateur général, Bureau du vérificateur général, a expliqué qu’« il ne suffit pas d’acheter des avions de chasse additionnels; il faut aussi se doter d’un plan pour avoir assez de techniciens et de pilotes pour exploiter la flotte ». Dans son rapport de 2018 sur la force aérienne de combat du Canada, le Bureau du vérificateur général a signalé une pénurie de pilotes et de techniciens, qui empêche le pays de respecter ses engagements dans le cadre du NORAD et de l’OTAN en même temps. Selon M. Swales et M. Kasurak, un rapport publié dernièrement par le MDN révèle que la moitié des postes militaires ne sont pas pourvus, faute de personnel, et que « la disponibilité du matériel aérospatial est d’environ 55 % ». M. Hayes et M. Swales ont expliqué que, même s’il parvient à recruter 200 pilotes et 200 techniciens, le MDN pourrait toujours éprouver des problèmes de ressources, car les départs des employés ou l’âge des avions du Canada ne sont pas pris en considération.
M. Hayes a indiqué que les pénuries de personnel tiennent peut-être aux problèmes de recrutement dans les FAC et au nombre de vieux avions qui nécessitent de l’entretien. Il a également dit que les divers programmes de l’ARC ont peut-être des conséquences néfastes pour le nombre d’employés et le degré de formation, et que la pandémie de COVID‑19 a rendu le recrutement encore plus difficile. James Fergusson, directeur adjoint, Centre d’étude sur la défense et la sécurité, Université du Manitoba, a ajouté qu’il est compliqué de recruter des pilotes pour piloter des avions plus vieux. Le professeur Huebert a déclaré que le Canada perd des pilotes et qu’il ne s’est pas penché sur la nécessité de remplacer ceux qui sont décédés ou blessés au combat, deux faits soulignant la nécessité d’avoir un surplus de pilotes.
En revanche, M. Crosby et M. Williams ont déclaré que ni l’ARC ni le MDN ne peinent à attirer des employés compétents. Sylvain Ménard, chef, Capacité de chasseurs, ARC, MDN, a également fait observer que l’ARC accorde la priorité à son personnel « en mettant l’accent sur des stratégies globales de maintien en poste, sur les familles et sur la qualité de vie de ses membres, alors que nous nous concentrons sur le changement de culture ».
Sur le plan de la formation, M. Ménard a signalé que le Canada fait des investissements en vue de l’acquisition du chasseur de remplacement dans le cadre du PCFC, mais qu’il est difficile de former des employés sans savoir quel chasseur le Canada achètera. M. Page a ajouté que le Canada a lancé en février 2022 des demandes de propositions pour le Programme de formation du personnel navigant de l’avenir. Or, le professeur Collins a déclaré que l’administration de deux programmes de formation pour les CF‑18 et les F-35 sera complexe et coûteuse.
Infrastructure
D’après les explications de M. Crosby, le Canada réalise des avancées dans la conception des infrastructures et la préparation des sites pour les bases des Forces canadiennes à Bagotville et à Cold Lake afin d’accueillir les escadrons de combat tactique et l’escadron de formation pour l’avion retenu dans le cadre du PCFC. M. Ménard et lui ont ajouté que ces sites sont adaptés pour l’un ou l’autre des avions envisagés dans le cadre du PCFC et conçus dans le respect des normes de carboneutralité et des considérations découlant d’une ACS Plus.
Le professeur Huebert a cependant fait une mise en garde : l’infrastructure utilisée pour le déplacement des avions canadiens et américains dans les hangars, et leur atterrissage dans les quatre bases d’opérations avancées, surtout en hiver, « pose problème ». Le Canada aura par ailleurs besoin d’une infrastructure de réapprovisionnement située encore plus au nord lorsque le radar transhorizon sera construit.
Besoins opérationnels et capacités en matière de défense aérienne
M. Shimooka a insisté sur le fait que les conflits récents, en particulier l’invasion de l’Ukraine par la Russie, font ressortir l’importance de renforcer les défenses aériennes du Canada. M. Huebert et le professeur Fergusson ont fait valoir que, de nos jours, le climat de sécurité aérienne – qui donne désormais lieu à un système de menaces – devrait guider le développement des capacités du Canada. Il a exhorté le gouvernement fédéral à donner aux membres des FAC « le meilleur équipement possible, l’équipement le plus moderne, afin de contribuer à la défense du continent nord-américain, du Canada et de nos alliés ».
M. Ménard et M. Collins ont précisé que les capacités de l’ARC sont décidées, dans une large mesure, selon l’interopérabilité avec les alliés du Canada au NORAD, à l’OTAN et au sein du Groupe des cinq. Le professeur Fergusson a toutefois fait remarquer que le gouvernement fédéral prend des décisions sur les projets d’approvisionnement en matière de défense aérienne, dont le PCFC et le remplacement du Système d’alerte du Nord, en fonction « des intérêts cloisonnés [plutôt que d’]une perspective stratégique globale sur les exigences de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord ».
Selon le professeur Huebert, la puissance aérienne compte de plus en plus, mais le Canada n’opérera probablement pas dans un climat où il jouit d’une supériorité aérienne. Autrement dit, l’ARC pourrait essuyer des pertes dans les futurs conflits. Il faut donc voir à remplacer les capacités en cas de pertes. Il a ajouté que la politique Protection, Sécurité, Engagement ne fait pas état de défense antimissile hypersonique et qu’il faut posséder des radars perfectionnés et des moyens de défense contre les missiles balistiques pour faire face à la technologie de missiles russe et chinoise. Le professeur Huebert a également soutenu que les technologies antimissiles actuelles servent surtout à dissuader. Or, la menace d’une guerre nucléaire tactique implique que le Canada doit disposer d’un bouclier et d’une épée, c’est-à-dire être en mesure d’abattre des missiles et des bombardiers étrangers.
Difficultés propres aux projets
Outre les problèmes généraux évoqués plus tôt, les témoins ont indiqué au Comité des forces et faiblesses des projets d’approvisionnement en matière de défense aérienne. La section qui suit résume les témoignages sur les diverses initiatives : le PCFC, le Projet de capacité des chasseurs provisoires, le Projet de prolongation du cycle de vie des chasseurs Hornet, le renouvellement de la défense aérienne basée au sol et la modernisation du NORAD.
Projet de capacité des futurs chasseurs
Difficultés du modèle d’approvisionnement
Au moment où le Comité a entendu le témoignage des fonctionnaires à propos du PCFC, le Canada n’avait pas encore annoncé qu’il entamait les négociations finales sur l’achat de F‑35 avec le gouvernement américain. Les fonctionnaires fédéraux n’étaient pas en mesure de fournir des détails sur les soumissions. M. Page a néanmoins souligné que le processus d’acquisition demeurait juste, ouvert et transparent, que le gouvernement était satisfaisait des réalisations récentes et qu’il y avait eu peu d’insatisfaction. Il a ajouté que les fournisseurs restants répondaient tous deux aux critères de capacité, de coûts et de valeur. M. Page a expliqué comment le gouvernement atténuait les risques par le dialogue avec l’industrie à toutes les étapes du processus mais, de l’avis de M. Crosby, la complexité du PCFC et le dialogue avec l’industrie ont prolongé la durée du processus d’acquisition.
Selon le professeur Nossal, même si le processus concurrentiel du PCFC avait été juste pour tous, « [l]e choix du F‑35 est tout à fait logique […] C’est en partie pour cela que tant d’autres constructeurs ont tout simplement dit qu’ils n’allaient pas prendre part au processus. » Dans la même optique, M. Shimooka a précisé que le F-35 et le Gripen E constituent les derniers modèles de chasseur et la participation du Canada au Programme d’ACI faisait du F-35 l’option privilégiée. En 2010, ce processus aurait été, selon lui, « un gaspillage de l’argent des contribuables », puisque le F-35 représentait l’option idéale. Il a ajouté ce qui suit :
Passons maintenant à 2015 et au Projet de capacité future en matière d’avions chasseurs, le PCF[C]. [En 2015], il a fallu modifier les critères d’évaluation pour que d’autres options puissent devenir concurrentielles. On n’avait aucun moyen de livrer une concurrence équitable dans de nombreux domaines de capacité ou dans celui des retombées industrielles, ou du moins de laisser aux autres une chance plausible de l’emporter.
M. Williams a estimé que le processus d’approvisionnement de chasseurs pourrait prendre 12 ans au Canada et a affirmé que le processus concurrentiel aurait donc dû se tenir plus tôt. Il a aussi soutenu que le gouvernement n’aurait jamais dû essayer de contourner le processus d’acquisition pour retenir un seul fournisseur d’avions :
[E]ntre 2010 et 2014, l’histoire du F‑35 a surtout été une perte importante de confiance dans cet approvisionnement, et dans l’approvisionnement en matière de défense en général. J’espère que la version actuelle du mode d’approvisionnement permettra de rétablir une grande confiance dans le processus. C’est différent, et c’est un avion différent. Il a eu 12 ans pour prendre de la maturité et évoluer.
En revanche, le professeur Nossal a fait valoir que certains alliés du Canada, notamment l’Australie et les États-Unis, ont décidé d’attribuer le contrat des F-35 à un fournisseur exclusif. Toutefois, « [l]e problème posé par [cette] décision [du Canada], c’est [qu’elle n’] a pas [été] très bien expliquée ».
Toutefois, le professeur Huebert a soutenu que l’équité dans les processus concurrentiels ainsi que le « temps et l’argent qu’elle nous coûte » ne constituent pas des facteurs à considérer lorsqu’il s’agit de la sécurité du Canada. Il est plus important pour lui de privilégier la compétitivité à long terme pour mieux contrer les menaces géopolitiques.
Négociations avec le gouvernement américain
Le professeur Fergusson a jugé déconcertante la décision d’entamer les négociations finales avec le gouvernement américain, car personne ne savait si Lockheed Martin avait déjà remporté le processus et parce qu’une stratégie de même nature adoptée dans les années 1970 avait retardé l’acquisition de CF‑18. Qui plus est, il a demandé ce qu’il restait à négocier, puisque divers détails sont déjà convenus dans le cadre du Programme d’ACI. Selon son hypothèse, le Canada cherche à établir une capacité de réparation et de révision au pays. M. Shimooka a laissé entendre que le Canada pourrait négocier les délais de livraison. D’après le professeur Fergusson et lui, le Canada fera probablement partie des clients du bloc de production IV, dont la livraison est prévue d’ici 2025.
M. Williams s’est dit stupéfait d’apprendre que les négociations pourraient durer plus de sept mois à compter de la date de l’annonce, alors que les soumissionnaires doivent déjà remplir toutes les conditions pour répondre aux demandes de propositions. Il a également dit que les négociations sur le F-35 devraient aller rondement. En effet, « [i]l y a trop d’argent en jeu, et les conditions et modalités sont tellement précises ». Dans l’éventualité où les négociations avec le gouvernement américain n’aboutissent pas, le Canada pourra toujours négocier avec les Suédois, qui proposent le Gripen E de SAAB. Cependant, selon M. Williams, il devra reprendre le processus depuis le début si les négociations avec les deux fournisseurs échouent.
Capacités opérationnelles des chasseurs
M. Ménard a expliqué qu’il faut 88 chasseurs selon le gouvernement pour remplir les missions du NORAD, de l’OTAN et celle pour la souveraineté dans l’Arctique. M. Crosby et lui s’accordaient pour dire que le Canada cherchait par son processus de sélection à trouver un avion polyvalent pour maximiser les capacités de sa petite force aérienne. M. Kasurak a ajouté que l’achat d’un deuxième type d’avion exigerait trop d’efforts sur le plan de la formation et de la maintenance.
De l’avis de M. Perry, « [l]e F‑35 est le chasseur le plus perfectionné qui soit sur le marché ». Il a poursuivi en précisant que ce chasseur permettrait au Canada d’être mieux à même de défendre le continent et de soutenir NORAD en améliorant sa capacité de surveillance, de partage d’informations et d’interception. Ce chasseur accroîtrait aussi sa capacité à travailler avec d’autres avions et d’autres ressources au sol ou en mer.
D’après le professeur Nossal, le seul facteur que le Canada devrait considérer dans sa sélection d’un avion de chasse est le modèle employé par les États-Unis, à savoir le F‑35 en ce moment. Dans la même optique, M. Perry a noté que de nombreux proches alliés du Canada disposent de F-35 et que le pays pourrait donc profiter de leur expérience. Le professeur Huebert et M. Perry ont relevé que « plusieurs pays arctiques » – la Norvège, la Finlande, le Danemark et les États-Unis (en Alaska) – en ont déjà achetés. Le professeur Huebert a aussi déclaré n’avoir aucune inquiétude à propos des capacités arctiques des F-35.
Le professeur Leuprecht a indiqué que le F-35 (un chasseur de cinquième génération) est l’unique avion capable de neutraliser les défenses aériennes russes. M. Kasurak a par ailleurs ajouté qu’un chasseur de quatrième génération ne survivrait pas longtemps dans un combat contre les forces russes.
En revanche, le professeur Leuprecht a souligné que, vu la place prépondérante de la plateforme de données dans le F-35, le gouvernement a besoin de moderniser son réseau et d’élaborer une stratégie des données à l’intention du MDN. Selon M. Kasurak, le F-35 a environ sept ou huit carences critiques qui changent constamment. La correction d’une carence peut en engendrer une autre. Cela dit, le professeur Collins a expliqué que les chercheurs règlent de mieux en mieux les problèmes logiciels et mécaniques à tous les nouveaux blocs de production. M. Perry a déclaré que l’achat du F-35 à cette étape de son perfectionnement signifie que davantage de carences ont été réglées qu’auparavant.
Coûts
Le Comité a été informé du coût des avions du PCFC. De l’avis de M. Ménard, le budget de haut niveau du Canada a contribué à dicter les besoins opérationnels. Le professeur Fergusson a toutefois affirmé que l’estimation des coûts « convenu[e] en 2012 par le ministère de la Défense nationale et le Bureau du vérificateur général pour l’achat de 65 aéronefs était plus élevé[e] que [les] 19,1 milliards de dollars [annoncés] pour l’acquisition d’un plus grand nombre d’avions ».
M. Williams a également déclaré au Comité que les 19 milliards de dollars affectés au PCFC ne suffisaient pas, et qu’il faut prévoir d’autres fonds pour les opérations et la maintenance. M. Kasurak a fait observer que les coûts de soutien du F-35 ne cessent d’augmenter et que ce facteur posera un énorme problème pour le gouvernement lors de la détermination des coûts liés à ces avions. Il a ajouté que l’estimation des coûts de maintenance et de réparation de ces nouveaux avions n’est pas rendue publique, mais qu’elle serait sans doute trop faible. Selon le professeur Leuprecht, les retards entraînent une forte augmentation des coûts d’un projet de défense en raison de l’inflation dans le secteur de la défense. En effet, pour ce type de projet, l’inflation de coûts est deux fois plus élevée (12 % par an) que pour les autres projets d’approvisionnement public (6 % par an).
Retombées industrielles des avions de combat interarmées
Divers témoins ont indiqué au Comité les avantages et inconvénients de l’accord sur les retombées économique du Programme d’ACI. Selon M. Perry, les trois finalistes du processus concurrentiel du PCFC proposent certes tous « un vaste éventail d’avantages économiques répartis dans tout le pays », mais les avantages du F-35 forment une classe à part, car ils encouragent « la participation à une flotte mondiale de produits de défense ». M. Crosby a confirmé que le Programme d’ACI a généré à peu près 2 milliards de dollars américains au chapitre des retombées industrielles pour les entreprises canadiennes. M. Perry a par contre précisé que l’acquisition de F-35 décidée plus tôt dans le processus se serait traduite par davantage de travail.
Le professeur Fergusson a ajouté que la plupart des retombées économiques ne se font pas sentir tout de suite et que la majorité des entreprises créées en raison de ces politiques disparaissent peu après à moins d’être intégrées dans la chaîne d’approvisionnement des États-Unis. Or, ce n’est pas le cas avec le Programme d’ACI, car les entreprises ont accès à la technologie et aux spécifications de Lockheed Martin, ce qui leur permet de s’intéger rapidement à la chaîne d’approvisionnement.
De l’avis du professeur Collins, l’inconvénient demeure que, selon les modalités du Programme d’ACI, il est difficile, voire impossible, pour Lockheed Martin de gagner des points pour les retombées économiques dans un processus concurrentiel ouvert. M. Kasurak et lui ont aussi fait remarquer que, puisqu’il est difficile de quantifier les retombées économiques, la population canadienne « devrait savoir comment les compagnies peuvent potentiellement bénéficier du projet en conservant les sommes au pays ».
Projet de capacité des chasseurs provisoires et Projet de prolongation du cycle de vie des chasseurs Hornet
Le Comité a également eu une mise à jour sur le Projet de capacité des chasseurs provisoires. M. Crosby a indiqué ce qui suit :
Le ministère a reçu les 18 avions [F/A-18 Hornet de l’Australie destinés à un usage provisoire], dont 6 ont maintenant été remis à l’Aviation royale canadienne. Les travaux sur les autres avions progressent, et le 18e appareil devrait être remis en service d’ici juin 2023.
M. Crosby a confirmé que le coût de ce projet (339 millions de dollars) comprend la « canadianisation » indispensable des avions pour respecter les exigences réglementaires.
En ce qui a trait au Projet de prolongation du cycle de vie des chasseurs Hornet, M. Ménard a expliqué que la flotte de CF‑18 du Canada est en train d’être mise à niveau pour une capacité de combat, notamment l’ajout de nouveaux systèmes de radar et d’armes modernes, et que cette capacité permettra de « soutenir [les] engagements envers le NORAD et l’OTAN, tout en assurant la transition vers la capacité [du PCFC] ». Cette modernisation comprend des activités de formation conjointe axées sur la flotte de CF‑18.
Modernisation du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD)
Le Comité a aussi pris connaissance des témoignages sur la contribution possible des projets d’approvisionnement du NORAD à la défense aérienne de l’Amérique du Nord. De l’avis du professeur Fergusson, c’est le NORAD qui élabore ces projets au lieu des ministères de la Défense du Canada ou des États-Unis. M. Perry a expliqué que diverses initiatives du NORAD à l’étude répondent à plusieurs enjeux, notamment « améliorer notre infrastructure dans l'Arctique, améliorer la fonctionnalité de nos emplacements d'opérations avancés, en en installant un autre plus au nord, par exemple, et remplacer le Système d'alerte du Nord par une gamme de systèmes modernes ». D’après lui, le Canada doit améliorer sa capacité de surveiller, suivre et intercepter les missiles hypersoniques pour contrer la menace qu’ils posent.
Défense aérienne basée au sol
Plusieurs témoins ont parlé au Comité des projets de défense aérienne basée au sol du Canada. M. Shimooka a affirmé que la défense aérienne basée au sol est essentielle « si nous voulons protéger nos soldats contre les menaces aériennes sur le champ de bataille, comme les véhicules aériens sans pilote », mais il faudra attendre au moins huit ans avant que le Canada ne mette en service ce genre de système de défense. En comparaison, les États-Unis ont mis au point et en service des systèmes comparables à peine de trois ans. Selon M. Shimooka, le Canada devrait voir aux « éléments habilitants fondamentaux, comme le réseautage et les liens de données, avant de [s’]intéresser aux capteurs et aux missiles ».
Le professeur Leuprecht et le professeur Fergusson ont fait savoir que le Canada a abandonné la défense aérienne systématique, notamment parce qu’aucune menace aériennene pesait sur les FAC en Afghanistan ou en Iraq, et que le Canada combat au sein d’une coalition. Cependant, les conflits qui font rage en Europe font ressortir que la défense aérienne basée au sol revêt désormais davantage d’importance. Le professeur Leuprecht a averti que la reconstitution de cette capacité exigerait beaucoup de personnel et de ressources. D’après M. Crosby, les investissements dans la défense aérienne basée au sol font partie de la politique Protection, Sécurité, Engagement, et l’estimation des coûts, qui varieraient de 250 à 499 millions de dollars, se précisera à mesure que les plans prendront davantage forme.
Stratégie nationale de construction navale du Canada
Contexte
À ce jour, le Comité a entendu des témoignages convaincants sur les avancées réalisées dans le cadre de la Stratégie nationale de construction navale (SNCN) et les problèmes liés à cette dernière[24]. Le chapitre qui suit résume certains thèmes choisis qui sont ressortis durant ces discussions.
En juin 2010, le gouvernement du Canada a annoncé la SNCN en vue de renouveler les flottes de la Marine royale canadienne (MRC) et de la GCC au cours des 20 à 30 prochaines années, tout en créant du travail prévisible, stable et à long terme pour les chantiers navals canadiens. La SNCN repose sur trois piliers :
- la construction de grands navires (ceux dont le déplacement est supérieur à 1 000 tonnes);
- la construction de petits navires (ceux navires dont le déplacement est inférieur à 1 000 tonnes);
- les projets de réparation, de radoub et d’entretien des navires.
En octobre 2011, à l’issue d’un processus concurrentiel de demandes de propositions, le gouvernement a désigné deux chantiers qui seront des partenaires stratégiques pour la construction de grands navires dans le cadre de la SNCN : le chantier d’Irving Shipbuilding Inc. à Halifax (Irving) pour les navires de combat et le chantier de Vancouver de Seaspan Shipyards Co. (VSY) pour les navires non destinés au combat. Chaque chantier retenu a ensuite conclu une entente-cadre avec le gouvernement, selon laquelle celui-ci accordera des marchés pour la conception, la définition et la construction de navires depuis 2012-2013. En 2019, au terme d’une nouvelle invitation à se qualifier, le gouvernement a annoncé que le chantier Davie s’est préqualifié comme troisième partenaire stratégique et qu’il passera à l’étape de la demande de propositions et de l’évaluation. Ce processus n’est pas encore terminé.
Le tableau 1 montre les progrès réalisés à ce jour sur de grands projets dans le cadre de la SNCN.
Tableau 1 – Grands projets dans le cadre de la Stratégie nationale
Type de navire |
Nombre de navires |
Budgeta |
Livraison du premier navireb |
Chantier naval |
Navires hauturiers de science halieutique (terminés) |
3 |
788,5 millions de dollars |
2019 |
Seaspan (Vancouver) |
Navires de combat de surface canadiens |
15 |
De 56 à 60 milliards de dollarsc |
2030‑2032 |
Irving (Halifax)e |
Navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctiqued |
6 |
4,3 milliards de dollars |
2020 |
Irving (Halifax) |
Navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctiqued |
2 |
1,5 milliard de dollars (à réviser)e |
2026 |
Irving (Halifax) |
Navires de soutien interarmées |
2 |
4,1 milliards de dollars |
2023 |
Seaspan (Vancouver) |
Navires polyvalents |
Jusqu’à 16 |
À déterminere |
À déterminer |
Seaspan (Vancouver) |
Navire hauturier de science océanographique |
1 |
966,5 millions de dollars |
2024 |
Seaspan (Vancouver) |
Brise-glaces polaires |
2 |
À déterminerf |
Avant 2030 |
Seaspan (Vancouver) et Davie (Lévis [Qc], sous réserve du processus de sélection) |
Notes : a. Les budgets des projets sont des estimations du gouvernement fédéral et peuvent changer. Sauf indication contraire, ils n’incluent pas les coûts relatifs aux taxes, au personnel, aux opérations, à la maintenance ou au service (normalement calculés selon des périodes de 20 à 30 ans).
b. Les dates indiquées sont des estimations du gouvernement fédéral et peuvent changer. La date de livraison du premier navire peut être des mois, voire des années avant la livraison des navires subséquents.
c. Dans son rapport de février 2021, le directeur parlementaire du budget (DPB) estimait le coût des navires de combat de surface canadiens à 77,4 milliards de dollars.
d. Selon le gouvernement du Canada, le « contrat de construction modifié avec Irving Shipbuilding Inc. prévoit la livraison de six navires. Il sera modifié à nouveau pour l’approvisionnement de deux variantes de navires pour la Garde côtière canadienne. »
e. Selon un document parlementaire de mars 2021, le coût des deux navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique (NPEA) pour la Garde côtière canadienne a augmenté en raison de la COVID‑19. Dans un communiqué du premier ministre paru en 2019, on estimait le coût total des deux NPEA de la Garde côtière canadienne et des 16 navires polyvalents à 15,7 milliards de dollars.
f. Dans son rapport de décembre 2021, le DPB estimait le coût du Projet de brise-glaces polaires à 7,25 milliards de dollars.
Source : Tableau préparé à partir de données tirées de Gouvernement du Canada, Projets de construction de grands navires.
Difficultés et possibilités de la Stratégie nationale de construction navale
Cadre de la Stratégie nationale de construction navale
Certains témoins ont énuméré les avantages et inconvénients du cadre de la SNCN. Selon le vam Craig Baines, commandant de la Marine royale canadienne, MDN, « [l]a Stratégie nationale de construction navale est le mécanisme par lequel la future flotte sera livrée et nous devons nous assurer qu’elle est positionnée pour le faire de la meilleure façon possible ». Toutefois, M. Perry a reconnu que « [l]a construction navale en particulier et de nombreux aspects de l’approvisionnement sont essentiellement une série de compromis visant à prendre les décisions les moins mauvaises ».
M. Page et M. Swales ont laissé entendre que le cadre est utile pour la sélection de partenaires stratégiques et pour occuper les chantiers navals dans diverses régions. M. Page a souligné que de petits et de grands chantiers reçoivent du travail dans le cadre de la SNCN. M. Page a également fait remarquer que les marchés accordés entre 2012 et 2021 ont contribué au PIB du Canada à hauteur de 21,2 milliards de dollars et au maintien de plus de 18 000 emplois par an. Cependant, Shaun Padulo, président de Heddle Shipyards, a déclaré au Comité que la plus grande province du Canada, l’Ontario, n’est pas incluse dans la SNCN « de manière significative ». Le Comité constate que le tout est dû en grande partie au fait que la province n’est pas proche des côtes.
De l’avis de plusieurs experts, la décision de favoriser la construction navale au Canada par l’intermédiaire de la SNCN était importante sur le plan stratégique[25]. Timothy Hiu‑Tung Choi, consultant, chercheur associé et doctorant à l’Université de Calgary, a reconnu que s’ils disposaient d’une capacité excédentaire, les chantiers navals canadiens pourraient fournir les alliés du pays. Il a ajouté que, grâce à la construction navale, le Canada a du poids auprès de ses alliés de l’OTAN et peut mieux appuyer ses communautés nordiques.
Comme il a été décrit dans le présent chapitre, les avis sont partagés sur la possibilité de répondre aux besoins opérationnels de la MRC et de la GCC dans le cadre de la SNCN. Les témoins ont signalé des problèmes indissociables liés à la livraison en temps utile et au coût de projets entrepris dans le cadre de la SNCN, à la transparence au niveau fédéral, à la capacité des chantiers navals, aux ressources humaines et à l’expertise, ainsi qu’à la conception de navires répondant aux besoins opérationnels du Canada.
Livraison en temps utile
Selon le rapport de 2021 du Bureau du vérificateur général du Canada, « la Stratégie nationale de construction navale avait tardé à livrer les navires de combat et autres navires dont le Canada a besoin ». M. Hayes et M. Swales croient que les retards sont provoqués par un manque de protections contractuelles, de plans réalistes et de stratégies d’atténuation des risques mesurables. Selon M. Perry, le gouvernement n’avait pas priorisé la livraison en temps utile des projets entrepris dans le cadre de la SNCN, et cela révèle un « problème systémique » dans l’acquisition de navires.
M. Page et M. Smith ont admis que les navires sont livrés plus lentement que prévu. Selon eux, les retards découlent d’un manque d’expertise aux chantiers navals et au gouvernement, avec ses différentes répercussions, ainsi que d’interruptions dues à la pandémie de COVID‑19 et aux problèmes qu’elle a causés au niveau des chaînes d’approvisionnement. M. Page et M. Perry n’ont pas été en mesure de dire jusqu’à quel point la pandémie de COVID‑19 et les problèmes d’approvisionnement ont perturbé les travaux. M. Page prévoit cependant qu’il faudra modifier les échéanciers de construction des navires qui n’ont pas encore été livrés.
Selon M. Kasurak, la SNCN cherche à « étirer les livraisons afin d’avoir une industrie de la défense continue et durable » et accumule donc les retards. Interrogé par un membre du Comité, il a répondu que l’établissement d’un partenariat stratégique avec un troisième chantier naval plus tôt aurait permis d’accélérer les livraisons. La professeure Sloan a laissé entendre que les délais pourraient être améliorés en adoptant un approvisionnement agile (à savoir l’application d’un modèle d’affaires aux marchés publics), en confiant l’approvisionnement en matière de défense au ministre de la Défense nationale et en embauchant davantage de personnel pour l’approvisionnement fédéral.
M. Hayes, M. Perry, M. Page et M. Crosby ont tous précisé qu’une livraison en temps utile contribuerait au renforcement des capacités et à la réduction des coûts. M. Hayes a ajouté que les facteurs les plus importants pour un chantier consistent à « atteindre l’état cible pour être en mesure de construire les navires dans le respect des exigences et des délais fixes ». Le vam Baines s’est dit inquiet du fait que les retards de livraison compliquent la transition entre les nouveaux navires et ceux qu’il faut remplacer.
Coûts
Selon M. Page et M. Smith, certains facteurs font hausser le coût des projets entrepris dans le cadre de la SNCN, notamment l’expérience limitée du Canada dans la planification des projets de construction navale, la complexité de la conception des navires, les « améliorations apportées aux exigences et aux plans de construction, des coûts d’inflation, des variations des taux de change, des taux de main-d’œuvre ou des coûts des matériaux, qui ont tous augmenté de manière considérable au cours de la dernière décennie ». M. Page a cependant fait remarquer que le gouvernement travaille de concert avec de tierces parties pour s’assurer que les coûts supplémentaires des chantiers navals sont justifiés. M. Kasurak, le professeur Collins et M. Choi ont par ailleurs souligné la difficulté d’estimer les coûts pour les navires de combat de surface canadiens.
M. Williams a déclaré qu’il était « financièrement impossible » pour le gouvernement de supporter le coût des navires de combat de surface pendant leur durée de vie utile, estimé à 240 milliards de dollars. Il a fait valoir que le gouvernement n’a pas respecté les bons principes d’acquisition et qu’il a accordé trop d’autonomie à Irving dans la prise de décisions sans imposer de contraintes budgétaires.
M. Kasurak et le professeur Collins sont tous deux d’accord pour dire que le gouvernement a fait des compromis quand il a choisi Irving comme principal fournisseur. Cependant, M. Kasurak attribue la hausse des coûts à « l’état initial du chantier naval, à la situation de notre main-d’œuvre et à la complexité du système d’armes que nous essayons de construire ». D’après les explications du professeur Collins, le prix des produits de base est à la hausse, car les alliés du Canada relancent en même temps leur capacité navale. M. Shimooka a signalé que ces alliés ont tous connu une hausse comparable des coûts de leurs programmes de frégates. Or, il a averti que les possibilités d’économiser se font rares et que des retards éventuels feraient augmenter les coûts.
Achille Fulfaro, vice-président principal des ventes, Fincantieri, a expliqué que son entreprise propose un prix fixe lors des appels d’offres en construction navale. À son avis, il s’agit d’une approche optimale, car elle permet aux soumissionnaires de définir l’ampleur des travaux, l’échéancier et la qualité du produit dès le début du projet. Il a ajouté que cette approche offre tout de même de la souplesse, car il est toujours possible de modifier le prix pendant la réalisation du projet.
Capacité des chantiers navals
Des témoins ont également discuté de la capacité des chantiers navals à réaliser les projets entrepris dans le cadre de la SNCN. La professeure Sloan, M. Hayes, M. Kasurak, M. Choi et M. Perry ont souligné l’importance de répartir le travail de manière équilibrée entre les chantiers navals partenaires. Il faut notamment disposer d’un nombre suffisant de chantiers navals et planifier assez de travail pour soutenir ces chantiers après la réalisation des projets en cours. M. Padulo a expliqué que l’intégration des chantiers navals Heddle Shipyards à la SNCN assurerait « une continuité de travail pour Heddle et l’Ontario, ce qui éliminera les cycles d’expansion et de ralentissement et permettra à Heddle de [continuer à être] un fournisseur capable de réaliser des projets dans les délais et les budgets impartis pour le Canada ».
Le professeur Huebert a fait observer que la SNCN ne porte pas sur l’infrastructure indispensable pour soutenir la construction navale. M. Perry a maintenu que le gouvernement a géré la SNCN comme s’il s’agissait d’une série de projets indépendants, plutôt que d’un programme de projets interdépendants, ratant ainsi l’occasion de gagner en efficience. Selon les explications de la professeure Sloan, le gouvernement ne disposait pas du personnel nécessaire pour être le fournisseur principal des navires de combat de surface. Il a ainsi dû confier cette responsabilité à Irving, ce qui a entraîné une hausse des coûts.
D’après M. Page, le gouvernement a adopté un modèle de gouvernance très strict, qui lui permet d’examiner le secteur de la construction navale sur le plan de la main-d’œuvre, des difficultés liées à la chaîne d’approvisionnement, des échéanciers et des coûts. Il fait cependant remarquer que certains facteurs sont indépendants de la volonté du gouvernement. M. Crosby et lui ont dit que le gouvernement discute régulièrement avec les responsables des chantiers navals et leurs principaux sous-traitants et qu’il les aide à régler les principaux problèmes, comme la génération d’économies d’échelle. De plus, M. Hayes a indiqué que le gouvernement cherchait à atténuer les contraintes de temps en modifiant l’ordre de construction donné aux chantiers navals et en ajoutant un troisième chantier partenaire. Selon M. Page, le gouvernement envisage continuellement de modifier la politique afin d’optimiser les résultats de la SNCN, notamment les possibilités offertes aux petits chantiers navals de contribuer davantage.
Ressources humaines et expertise
Les témoins ont également signalé la demande de compétences dans la construction navale et l’approvisionnement. Le professeur Collins a déclaré que les alliés du Canada souffrent tous d’un manque d’effectifs. Il a ajouté que le Canada n’est pas doté d’un programme de formation sur l’approvisionnement et que les problèmes de ressources humaines sont aggravés par les hauts et les bas du secteur. Le comité constate que la SNCN s’efforce de traiter ces cycles avec un calendrier de construction de navires clair et à long terme.
Tous les secteurs d’activité souffrent d’une pénurie de main-d’œuvre. M. Perry a signalé la pénurie de travailleurs dans le secteur de la marine, aussi bien chez les cols bleus que chez les cols blancs. M. Page a expliqué que SPAC aide ce secteur à élaborer une nouvelle stratégie de ressources humaines. Dans la même optique, M. Swales a noté que certaines exigences liées aux RIT énoncées dans la SNCN obligent les chantiers navals et l’industrie de la défense à renforcer leur capacité en ressources humaines.
Dans la même veine, le professeur Leuprecht a déclaré que les FAC, en particulier la MRC, connaissent une pénurie dans certains métiers mais, selon M. Swales, la formation et le recrutement de personnel pour la MRC et la GCC ne font pas partie de la SNCN. Le vam Baines a tout de même indiqué que la MRC est en train de créer une culture institutionnelle animée par l’inclusivité et la diversité afin d’attirer du personnel et de les maintenir en poste.
Besoins opérationnels et conception de navires
Selon le vam Baines, les navires canadiens servent à de nombreux usages, notamment « l’aide humanitaire, les secours en cas de catastrophe, la diplomatie navale, la dissuasion ou le combat ». Compte tenu de ces divers besoins opérationnels et comme il est résumé dans la présente section, le Canada satisfait, d’après plusieurs témoins, les besoins opérationnels de la MRC et de la GCC grâce à la conception des navires.
M. Choi a fait une mise en garde : l’achat de produits clés en main « comporte beaucoup de détails infimes qui dictent l’échéancier et les coûts », et « dans certains cas, il est plus facile de commencer à zéro que de modifier un dessin existant ». De l’avis du vice-amiral à la retraite Mark Norman, l’achat de technologies clés en main peut parfois se dérouler plus rapidement, mais d’autres fois, les modifications indispensables pour satisfaire les besoins canadiens sont « un mal nécessaire ».
M. Williams a fait valoir que nombre des problèmes liés au programme de navires de combat de surface canadiens tiennent à la conception non éprouvée de ces derniers et qu’il est possible de demander des modifications à des systèmes mis à l’épreuve et plus aboutis. M. Perry a précisé que les modifications de grande envergure à la conception peuvent entraîner des changements à l’ensemble des systèmes de combat, et que cela pose des problèmes d’intégration. Le professeur Leuprecht a néanmoins avancé que les modifications apportées aux navires de combat de surface canadiens sont raisonnables. D’ailleurs, il a maintenu que la conception de navires canadiens devrait tenir compte de l’interopérabilité avec les navires des alliés du Canada et des besoins particuliers du pays. Il met toutefois en garde que les modifications exigent une surveillance adéquate et une reddition de comptes aux contribuables.
Le professeur Collins a fait ressortir que les pays conçoivent et construisent des navires avant tout pour eux-mêmes n’ont pas besoin d’apporter des modifications propres à eux. M. Swales a avancé que la conception complexe de navires gonfle certes les coûts, mais M. Hayes a prédit que le coût des navires de la même classe diminuera à mesure que les chantiers navals acquièrent de l’expérience dans leur construction.
M. Kasurak a indiqué que la décision de construire des navires au Canada dans le cadre de la SNCN correspondait à un choix stratégique et qu’il est probablement trop tard pour délocaliser la construction. Le professeur Collins a précisé que le Canada aurait des frais supplémentaires à verser dans l’éventualité où la production se ferait à l’étranger. Dans le même ordre d’idées, M. Choi et M. Norman ont laissé entendre qu’une production délocalisée ne serait pas idéale.
Enfin, M. Fulfaro a répondu à une question d’un membre du Comité en disant qu’en 2016, Fincantieri a envoyé une lettre à la ministre de SPAC pour exprimer son inquiétude quant à la gestion de la propriété intellectuelle au cours des diverses phases du programme de navire de combat de surface canadien. À son avis, ces phases ainsi que la répartition des responsabilités, dont le transfert de technologie, entre le principal fournisseur, les soumissionnaires et le gouvernement du Canada à chaque phase n’étaient pas claires. Le Comité constate que la soumission de Fincantieri pour le processus d’approvisionnement des navires de combat de surface canadiens a été rejetée parce qu'elle a été soumise en dehors du processus officiel d'appel d'offres.
Conclusion
Lors des huit premières réunions de ses deux études sur l’approvisionnement en matière de défense, le Comité a pris connaissance des nombreux problèmes qui influent sur la capacité du gouvernement fédéral d’acquérir de l’équipement militaire complexe et coûteux. Ce rapport provisoire résume les témoignages concernant les projets d’approvisionnement en matière de défense aérienne du Canada et la Stratégie nationale de construction navale. Le comité a hâte d’entendre les autres témoins, de délibérer et de présenter ses recommandations au gouvernement et à certains ministères quant à la façon d’améliorer ce processus à l’avenir.
[1] Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes [OGGO], Procès-verbal, 1er février 2022.
[2] Bureau du directeur parlementaire du budget, Dépenses en capital prévues au titre de la politique de défense du Canada Protection, Sécurité, Engagement : mise à jour de 2022, 11 mars 2022.
[3] OGGO, Témoignages, 29 mars 2022 (Christian Leuprecht, professeur, Collège militaire royal, Université Queen’s, 1705 et David Perry, président, Institut canadien des affaires mondiales, 1645); Témoignages, 1er avril 2022 (Peter Kasurak, membre, Centre d’études sur la politique internationale et de défense, Université Queen’s, 1420 et Jeffrey Collins, professeur adjoint, Université de l'Île-du-Prince-Édouard, 1300); et Témoignages, 5 avril 2022 (Robert Huebert, professeur associé, Département de sciences politiques, Université de Calgary, 1535).
[4] La Marine royale canadienne, l’Armée canadienne, l’Aviation royale canadienne et le Commandement des Forces d’opérations spéciales du Canada établissent le bien‑fondé d’un achat en démontrant qu’il existe « une lacune ou un besoin émergent » et que « du nouveau matériel ou de nouveaux services sont nécessaires ». Voir Ministère de la Défense nationale [MDN], Processus d’achat et de mise à niveau de la Défense.
[5] MDN, Processus d’achat et de mise à niveau de la Défense; Gouvernement du Canada, Directive sur la gestion de projets et programmes; et Services publics et Approvisionnement Canada [SPAC], Document d’information : Mise à l’essai d’un processus d’approbation simplifié des marchés de défense.
[6] L’obligation de lancer un appel d’offres sur des biens peut être levée dans les cas suivants :
a) les cas d’extrême urgence où un retard serait préjudiciable à l’intérêt public;
b) le montant estimatif de la dépense ne dépasse pas […] 25 000 $ […];
c) la nature du marché est telle qu’un appel d’offres ne servirait pas l’intérêt public;
d) le marché ne peut être exécuté que par une seule personne.
Cette obligation ne s’applique pas aux contrats visant à fournir provisoirement des biens ou services militaires ou à assurer une capacité logistique militaire. Règlement sur les marchés de l’État, DORS/87-402, al. 3(1)g) et art. 5 à 7.
[7] La politique est applicable de manière sélective aux achats de défense allant de 20 à 100 millions de dollars.
[8] Voir Martin Auger, Les organismes d’approvisionnement en matière de défense dans le monde : comparaison, publication no 2019-52-F, Services d’information, d’éducation et de recherche, Bibliothèque du Parlement, Ottawa, 28 avril 2020.
[9] Ibid.
[10] OGGO, Témoignages, 1er avril 2022 (professeur Collins, 1335); Témoignages, 5 avril 2022 (Elinor Sloan, professeure, Département de science politique, Université Carleton, 1645 et Richard Shimooka, agrégé supérieur, Institut Macdonald-Laurier, 1705); et Témoignages, 8 avril 2022 (Mark Norman, Vam (à la retraite), 1330).
[11] OGGO, Témoignages, 29 mars 2022 (professeur Leuprecht, 1635); Témoignages, 1er avril 2022 (M. Kasurak, 1310 et James Fergusson, directeur adjoint, Centre d’étude sur la défense et la sécurité, Université du Manitoba, 1400); Témoignages, 5 avril 2022 (professeur Huebert, 1535 et Kim Nossal, professeur émérite, Université Queen’s, 1535); et Témoignages, 8 avril 2022 (M. Norman, 1325).
[12] Bureau du vérificateur général, Le remplacement des avions de combat du Canada, chap. 2 dans Rapport du printemps 2012 du vérificateur général du Canada.
[13] SPAC, Rapport sommaire — Évaluation des options de remplacement de la flotte de CF‑18, 10 décembre 2014.
[15] Ibid.
[16] Ibid.
[17] Ibid.
[18] MDN, « 7. Engagement international en matière de défense », Protection, Sécurité, Engagement : La politique de défense du Canada.
[19] MDN, Déclaration conjointe sur la modernisation du NORAD, 14 août 2021.
[21] Ian Coutts, « Air Defence: Reacquiring a vital capability », Canadian Army Today, 27 juin 2019 [disponible en anglais seulement].
[23] Ibid.
[24] La Stratégie nationale de construction navale portait le nom de Stratégie nationale d’approvisionnement en matière de construction navale jusqu’en 2016.
[25] OGGO, Témoignages, 29 mars 2022 (M. Perry, 1725); Témoignages, 1er avril 2022 (professeur Collins, 1425); et Témoignages, 8 avril 2022, 1345 (Timothy Hiu‑Tung Choi, consultant, chercheur associé, candidat au doctorat, Université de Calgary, 1345 et M. Norman, 1350).