PACP Rapport du Comité
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VACCINS CONTRE LA COVID-19
Principaux constats de la vérificatrice générale du Canada
- Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) avait obtenu un approvisionnement suffisant en doses de vaccins pour le Canada.
- Santé Canada avait accéléré l’autorisation des vaccins.
- L’Agence de la santé publique du Canada (ASPC ou l’Agence) a équitablement réparti les doses de vaccins entre les provinces et les territoires et a distribué les doses demandées en temps opportun.
- L’ASPC n’a pas réussi à réduire le gaspillage de vaccins.
- Malgré des problèmes d’échange de données, l’ASPC et Santé Canada ont réagi aux données de surveillance des vaccins[1].
Sommaire des recommandations du Comité et échéances
Tableau 1 — Sommaire des recommandations du Comité et échéances
Recommandation |
Mesure recommandée |
Échéancier |
Recommandation 1 |
L’Agence de la santé publique du Canada doit présenter au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport décrivant les progrès réalisés à l’égard A) de sa gestion globale des stocks de vaccins contre la COVID-19; B) de ses efforts visant à réduire le gaspillage de vaccins; et C) le nombre de doses données, à qui et une explication des raisons pour lesquelles certaines ne l’ont pas été. Un rapport final doit aussi être présenté. |
1) 30 septembre 2024 2) 28 février 2025 |
Recommandation 2 |
L’Agence de la santé publique du Canada doit présenter au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport sur l’état de ConnexionVaccin. |
30 septembre 2024 |
Recommandation 3 |
Le gouvernement du Canada doit suive la directive de l’Organisation mondiale de la santé voulant qu’il lui communique des données détaillées sur les cas d’effets secondaires suivant l’immunisation contre la COVID-19. |
N/d |
Recommandation 4 |
Le gouvernement du Canada doit présenter au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport compréhensif sur l’état d’avancement de la Stratégie pancanadienne de données sur la santé. |
30 septembre 2024 |
Recommandation 5 |
Le gouvernement du Canada doit présenter au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport compréhensif sur l’état d’avancement de la version actualisée et infonuagique du Système canadien de surveillance des effets secondaires suivant l’immunisation. Un rapport final doit aussi être présenté. |
1) 30 septembre 2024 2) 31 décembre 2024 |
Recommandation 6 |
Le gouvernement du Canada doit veiller à ce qu’un système amélioré de communication et de consultation soit établi entre tout groupe consultatif (p. ex. le Groupe de travail sur les vaccins contre la COVID-19), l’Agence de la santé publique du Canada, Santé Canada, Services publics et Approvisionnement Canada et toute autre entité fédérale participant à la gestion des vaccins, et un rôle plus précis, connu du public, doit être assigné à chaque entité |
N/d |
Recommandation 7 |
Le gouvernement du Canada doit veiller à ce que Services publics et Approvisionnement Canada soit plus diligent dans son rôle d’examen critique à l’égard de la manière dont gestion des quantités et de la livraison des vaccins approuvés sont administrés. |
N/d |
Recommandation 8 |
Que le gouvernement du Canada veille à ce que tous les contrats attribués pendant une pandémie ou une autre crise sanitaire offrent une certaine souplesse, tout en assurant une reddition de compte et l’optimisation des ressources |
N/d |
Recommandation 9 |
Le gouvernement du Canada doit s’assurer que les entités fédérales responsables maintiennent une compréhension approfondie du marché international des vaccins. |
N/d |
Recommandation 10 |
Le gouvernement du Canada doit exiger que toutes les entités fédérales responsables procèdent à un examen approfondi de leur état de préparation à de futures pandémies, incluant la réalisation d’une analyse comparative des pays de l’OCDE et doit en faire rapport au Comité permanent des Comptes publics de la Chambre des communes. |
31 janvier 2025 |
Recommandation 11 |
Le gouvernement du Canada doit 1) entreprendre un examen de la capacité nationale de fabrication de vaccins au Canada; 2) examiner comment il peut améliorer l’ensemble de ses politiques et de programmes pour stimuler cette capacité à l’échelle nationale.; 3) fournir un rapport final au Comité permanent des Comptes publics de la Chambre des communes. |
31 janvier 2025 |
Contexte
Selon le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG), l’évolution rapide de la pandémie de COVID‑19 et « la grande demande en vaccins dans le monde entier ont pressé le gouvernement fédéral pour qu’il intervienne rapidement concernant l’approbation, l’approvisionnement, la distribution et la surveillance des vaccins contre la COVID‑19[2] ». Dans cette optique, « [l]’objectif du Plan de vaccination du Canada contre la COVID‑19 : sauver des vies et protéger les moyens de subsistance, mis en place par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux en décembre 2020, était de permettre au plus grand nombre possible de Canadiennes et de Canadiens d’être vaccinés le plus rapidement possible contre la COVID‑19, tout en veillant à ce que les populations à haut risque soient prioritaires[3] ».
Le 27 juillet 2021, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il avait reçu plus de 66 millions de doses de vaccins contre la COVID‑19, soit suffisamment pour vacciner entièrement chaque personne au Canada qui était admissible à ce moment-là (à savoir toute personne âgée de 12 ans et plus). Ainsi, « [l]’objectif du gouvernement fédéral de fournir des vaccins à toutes les personnes qui en désiraient avant l’automne 2021 était atteint[4] ».
Par ailleurs, selon l’évaluation du BVG, « le gouvernement du Canada avait dépensé environ 5 milliards de dollars pour les 169 millions de doses de vaccins livrées entre décembre 2020 et mai 2022[5] ».
Au Canada, l’approbation et le déploiement de la vaccination contre la COVID-19 se sont déroulés selon le calendrier suivant :
- en décembre 2020 pour les adultes;
- en mai 2021 pour les adolescents;
- en novembre 2021 pour les enfants de 5 ans à 11 ans;
- en juillet 2022 pour les enfants de 6 mois à 5 ans[6].
Au Canada, la santé publique est une responsabilité partagée entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires, et la logistique de la distribution des vaccins relève normalement des provinces et des territoires. La campagne de vaccination du Canada contre la COVID‑19 a toutefois nécessité une collaboration entre tous les ordres de gouvernement, « les organisations autochtones, les administrations municipales, les spécialistes de la santé publique et de la logistique, les compagnies de vaccins et la population canadienne[7] ». Le tableau 1 résume les différents rôles et responsabilités liés à l’approbation, à l’acquisition et à la distribution des vaccins contre la COVID-19.
Tableau 2 — Rôles et responsabilités relativement aux vaccins contre la COVID-19
ASPC |
Organisme fédéral responsable de faciliter les approches nationales en matière de santé publique en collaboration avec les agences ou les ministères de la santé provinciaux et territoriaux. En ce qui concerne les vaccins contre la COVID‑19, l’Agence est chargée de déterminer les besoins, de payer les compagnies de vaccins, de répartir les vaccins et de les distribuer aux provinces et aux territoires et d’en assurer la surveillance. |
Santé Canada |
Ministère responsable d’autoriser les vaccins avant qu’ils soient rendus disponibles au Canada. Avant d’autoriser un vaccin en particulier, le Ministère détermine si les bienfaits du vaccin surpassent les risques possibles. Il continue également de surveiller l’innocuité et l’efficacité des vaccins après le début de leur utilisation. |
SPAC |
Ministère chargé d’acheter des biens et des services au nom des ministères et organismes fédéraux. Il était responsable de diriger les négociations avec les compagnies de vaccins contre la COVID‑19 et d’établir des ententes avec elles au nom de l’Agence de la santé publique du Canada. |
Gouvernements provinciaux et territoriaux |
Autorités responsables d’établir les priorités pour la distribution des vaccins selon les populations et de gérer l’administration des doses initiales et subséquentes au sein de leur administration respective, en tenant compte des avis donnés par le gouvernement fédéral. Ils sont également responsables de demander la quantité adéquate de doses et les types de vaccins nécessaires à la vaccination de leur population, et de fournir au gouvernement fédéral des renseignements sur la couverture et l’innocuité des vaccins au sein de ces populations. |
Source : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir d’informations obtenues du Bureau du vérificateur général du Canada, Les vaccins contre la COVID-19, rapport 9 des Rapports de 2022 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 9.4 à 9.8.
En 2022, le BVG a publié un audit qui visait à déterminer si SPAC avait fourni un soutien adéquat en matière d’approvisionnement pour l’obtention de vaccins contre la COVID‑19, si l’ASPC et Santé Canada avaient efficacement donné accès aux vaccins contre la COVID‑19, et si la surveillance exercée par l’ASPC et Santé Canada à l’égard des vaccins contre la COVID‑19 avait été effectuée de façon efficace et en temps utile[8].
Le 6 février 2023, le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes (le Comité) a tenu une audience sur cet audit. Les personnes suivantes y ont participé :
- BVG : Karen Hogan, vérificatrice générale du Canada; Susan Gomez, directrice principale; Nadine Cormier, directrice
- ASPC : Dr Harpreet S. Kochhar, président; Luc Gagnon, sous-ministre adjoint et dirigeant principal, Direction générale de la transformation numérique; Stephen Bent, vice-président, Groupe de travail sur la vaccination contre la COVID-19
- Santé Canada : Stephen Lucas, sous-ministre; Celia Lourenco, sous-ministre adjointe déléguée par intérim, Direction générale des produits de santé et des aliments; Supriya Sharma, conseillère médicale en chef et conseillère médicale principale, Direction générale des produits de santé des aliments
- SPAC : Arianne Reza, sous-ministre déléguée; Michael Mills, sous-ministre adjoint, Direction générale de l’approvisionnement[9].
En outre, deux autres audiences ont eu lieu dans le cadre de cette étude : une audience publique tenue le 23 mars 2023 avec des représentants de divers fabricants de vaccins qui avaient conclu des ententes d’achat anticipé (EAA) avec le gouvernement du Canada; une audience à huis clos tenue le 1er mai 2023 avec des représentants de SPAC au sujet de ces EAA. Les discussions menées lors de ces deux réunions en particulier seront présentées plus loin dans le présent rapport.
Définitions
Voici la définition des termes employés dans le présent rapport :
Tableau 3 — Définitions
Maladie à coronavirus (COVID‑19) |
Maladie causée par le coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SRAS-CoV-2). |
Ententes d’achat anticipé |
Ententes d’achat qui comportent les obligations d’un contrat, mais qui sont structurées de façon à offrir une certaine flexibilité, compte tenu des incertitudes liées à la mise au point de nouveaux vaccins. Ces ententes permettent essentiellement d’acheter un bien qui n’existe pas encore. |
Répartition et distribution équitables |
Principe selon lequel la répartition et la distribution équitables des vaccins se font, de façon générale, en fonction de la taille de la population. Cette méthode devrait prendre en considération le nombre de personnes faisant partie des populations à haut risque ciblées par le Comité consultatif national de l’immunisation du Canada. |
Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) |
Processus analytique qui fournit une méthode rigoureuse pour évaluer les inégalités systémiques ainsi qu’un moyen de déterminer les répercussions potentielles des politiques, des programmes et des initiatives sur divers groupes de personnes, dont les femmes, les hommes et les personnes de diverses identités de genre. Le signe « plus » dans ACS+ est là pour reconnaître que l’analyse comparative entre les sexes ne se limite pas aux différences biologiques (sexe) et socioculturelles (genre) et prend en compte de nombreux autres facteurs identitaires comme la race, l’origine ethnique, la religion, l’âge et les capacités physiques ou mentales. |
Signal relatif à la sécurité des vaccins |
Élément d’information provenant d’une ou de plusieurs sources qui indique un nouveau lien de causalité́ potentiel entre une vaccination et une manifestation ou une série de manifestations connexes, ou qui révèle un nouvel aspect d’une réaction indésirable connue (augmentation de la gravité ou de la fréquence), et qui est jugé assez préoccupant pour justifier une vérification ainsi que des mesures correctives, s’il y a lieu. |
Effets secondaires suivant l’immunisation |
Tout événement médical fâcheux qui se produit à la suite de l’administration d’un vaccin et qui n’a pas nécessairement de lien causal avec celle‑ci. Un effet secondaire suivant l’immunisation peut donc correspondre à un signe défavorable ou non intentionnel, à un résultat de laboratoire anormal, à un symptôme ou à une affection. |
Source : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir d’informations obtenues du Bureau du vérificateur général du Canada, Les vaccins contre la COVID-19, rapport 9 des Rapports de 2022 de la vérificatrice générale du Canada, Définitions.
Constats et recommandations
Les efforts infructueux de l’ASPC pour réduire le gaspillage de vaccins
L'ASPC savait que les ententes d’achat anticipé étaient susceptibles d’entraîner des surplus de doses et avait cerné ce risque à l’été 2020. Pour atténuer ce risque, elle avait prévu faire don des doses excédentaires à d’autres pays et collaborer avec les fabricants pour gérer l’approvisionnement en vaccins[10].
Au 31 mai 2022, l’usage de six vaccins sur les sept vaccins potentiels avait été autorisé au Canada. Chaque nouvelle autorisation d’un vaccin impliquait l’obligation d’acheter une quantité déterminée de doses et, pour toutes les ententes à l’exception d’une, l’option d’acheter des doses supplémentaires. Ceci a occasionné un surplus de doses de vaccins[11].
En achetant des doses optionnelles auprès de Pfizer et de Moderna, l’Agence a accru les surplus, ce qui a entraîné un gaspillage de vaccins, puisqu’un certain nombre de doses ont atteint leur date de péremption avant de pouvoir être utilisées ou données. Des fonctionnaires de l’Agence ont expliqué qu’en raison de la nature évolutive de la pandémie, « il était nécessaire de continuer à acheter des doses optionnelles afin d’étendre la couverture vaccinale, d’accélérer les livraisons, de remédier à la baisse de l’immunité et de s’adapter aux changements dans les lignes directrices sur l’administration des vaccins, comme des intervalles plus courts entre les doses de rappel et la recommandation d’utiliser un certain type de vaccin émise par le Comité consultatif national de l’immunisation[12] ».
De décembre 2020 à la fin du mois de mai 2022, le Canada a payé pour obtenir environ 169 millions de doses de vaccins, dont quelque 124,9 millions lui ont été livrées. (L’ASPC a indiqué que la majorité de ces doses ont été administrées à des personnes au Canada[13].) Il restait ensuite près de 32,5 millions de doses dans les réserves fédérales, provinciales et territoriales. À la fin de la période visée par l’audit, la majorité de ces doses restantes n’avaient pas atteint la fin de la durée de conservation et pouvaient être utilisées lors de campagnes de rappel ou données à l’étranger; toutefois, la plupart allaient devenir périmées à la fin de l’année 2022, si elles n’avaient pas été utilisées. Le BVG a évalué que les 32,5 millions de doses en stock à la fin du mois de mai 2022 valaient environ un milliard de dollars, en se fondant sur le coût moyen par dose qu’il a estimé à partir de renseignements publics et non classifiés[14].
Enfin, l’Agence n’était pas en mesure d’assurer un suivi adéquat des vaccins excédentaires et gaspillés une fois que les vaccins étaient livrés aux provinces et aux territoires, faute d’ententes d’échange de données avec ceux-ci. Cela signifiait que l’ASPC s’appuyait sur les déclarations volontaires des autres administrations. En outre, la capacité de l’Agence à prévoir les besoins en approvisionnement et à planifier les dons s’en est trouvée réduite[15].
Par conséquent, le BVG a recommandé qu’afin « de réduire davantage le gaspillage, l’Agence de la santé publique du Canada [s’appuie] sur les leçons tirées de sa gestion de l’approvisionnement en vaccins contre la COVID‑19 et [travaille] avec les autres organisations fédérales et parties prenantes concernées pour ajuster sa gestion des stocks excédentaires de vaccins contre la COVID‑19[16] ».
Dans son document intitulé Réponse et plan d’action de la direction, l’ASPC se dit d’accord avec cette recommandation et ajoute qu’elle examinera les leçons apprises et collaborera avec d’autres ministères et les intervenants concernés afin d’optimiser la gestion de l’approvisionnement en vaccins contre la COVID-19 et de réduire les surplus et le gaspillage de doses de vaccins contre la COVID-19 tout au long de la durée des contrats. Cette démarche servira aussi à orienter la planification de l’approvisionnement en vaccins pour les futures pandémies[17].
L’Agence s’est aussi engagée à atteindre les jalons suivants :
- Travailler avec les provinces et les territoires à la planification et à la prévision de la demande d’approvisionnement en vaccins contre la COVID-19 au moyen de divers comités consultatifs et de gouvernance au sein du Réseau pancanadien de santé publique (en cours);
- Donner instruction à SPAC, en sa qualité d’autorité contractante, de travailler avec les fournisseurs de vaccins pour modifier les engagements contractuels et les calendriers de livraison, dans la mesure du possible (en cours);
- Travailler avec Affaires mondiales Canada et COVAX pour que les doses excédentaires puissent être données et, ainsi, contribuer à l’atteinte des objectifs en matière de santé mondiale et d’équité vaccinale (en cours);
- Continuer d’évaluer les processus internes, de déterminer les leçons apprises et d’apporter des ajustements à l’approche afin d’optimiser la gestion de l’approvisionnement en vaccins (en cours);
- Préparer un document sur les « leçons tirées » de la réponse sanitaire de l’ASPC, notamment en ce qui concerne l’approvisionnement en vaccins (décembre 2024)[18].
Au cours de l’audience du 6 février 2023, des membres du Comité étaient préoccupés par le grand nombre de doses périmées qui n’ont pas pu être données et qui ont donc été gaspillées. Harpreet Kochhar, président de l’ASPC, a fourni l’explication suivante :
[Je] vais essayer de préciser pourquoi le gaspillage est inévitable dans tout programme d’immunisation. Lorsque nous avons commencé la campagne de vaccination, le gaspillage inévitable était d’environ 3 %. Par exemple, lorsqu’on ouvre la fiole, il faut utiliser le vaccin dans les 24 heures, car il ne peut plus être entreposé.
À mesure que notre campagne de vaccination avançait, la demande diminuait. Il y avait d’autres facteurs qui ont contribué à augmenter le gaspillage. À vrai dire, il y a eu des moments où les vaccins étaient très complexes, au début du déploiement. Comme je l’ai dit, il faut les décongeler et on dispose d’un temps limité pour les utiliser. De plus, à mesure que nous passions à d’autres vaccins, les données sur la stabilité se sont améliorées, de sorte que nous disposions de jusqu’à neuf mois pour utiliser le vaccin. Comme Santé Canada a autorisé une augmentation de la durée de conservation en fonction de ce qui lui a été présenté, nous avons continué à faire des prévisions en fonction de la période de neuf mois…
De multiples facteurs sont survenus : ruptures de la chaîne du froid, perforation de la fiole ou incapacité de l’entreposer à une température donnée. Ces divers facteurs ont contribué au gaspillage, ce qui est inévitable[19].
En réponse à une question qui cherchait précisément à savoir pourquoi seulement 8 millions de doses sur 21,7 millions avaient été données et ce qu’il était advenu des 13 autres millions de doses, Stephen Bent, vice-président du Groupe de travail sur la vaccination contre la COVID-19 de l’ASPC, a répondu ce qui suit :
[Il faut absolument souligner] que ces doses ont été offertes à certains pays et que ces pays ne se sont pas montrés intéressés à les prendre. Ce n’est pas tant qu’elles étaient inaccessibles aux pays, c’est que le programme COVAX n’est pas parvenu à trouver preneur. C’est une situation différente de celle qu’on voyait au début de la pandémie, alors que la demande était très forte et que l’offre était rare[20].
Le Comité recommande donc :
Recommandation 1
Que, d’ici 30 septembre 2024, l’Agence de la santé publique du Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport décrivant les progrès réalisés à l’égard A) de sa gestion globale des stocks de vaccins contre la COVID-19; B) de ses efforts visant à réduire le gaspillage de vaccins; et C) le nombre de doses données, à qui et une explication des raisons pour lesquelles certaines ne l’ont pas été. Un rapport final devra aussi être présenté d’ici le 28 février 2025.
Les retards dans la mise en œuvre d’un système informatique de gestion des vaccins
Dans son audit de 2021 portant sur la préparation en cas de pandémie, la surveillance et les mesures de contrôle aux frontières, le BVG avait relevé des lacunes de longue date dans l’infrastructure de technologie de l’information (TI) que l’Agence a utilisée pour le stockage, le traitement et l’analyse des données de surveillance sanitaire transmises par les provinces et les territoires. En fait, plus de dix ans avant la pandémie de COVID‑19, l’Agence avait aussi décelé des faiblesses dans son infrastructure de TI existante, sans toutefois mettre des solutions en œuvre pour l’améliorer[21].
Compte tenu de ces lacunes, l’ASPC a dû rapidement mettre sur pied un système de gestion des vaccins pendant la pandémie. En janvier 2021, les services de Deloitte ont été retenus pour développer un système informatique national de gestion des vaccins (qui se nomme maintenant « ConnexionVaccin »). À l’aide de données provenant de l’ASPC, des provinces et des territoires, le système devait « fournir des renseignements en temps opportun sur la distribution, la couverture et l’innocuité des vaccins. Certaines fonctions devaient être en place avant février 2021 pour appuyer le traitement des commandes, la visibilité de la chaîne d’approvisionnement, le suivi des stocks et le suivi de la couverture vaccinale[22]. »
Alors que ConnexionVaccin était en partie opérationnel en juin 2021, l’ASPC a retardé le développement de certaines capacités clés du système qui auraient facilité la prise de décisions et la prévention du gaspillage (p. ex. le suivi des dates de péremption). La valeur estimative totale du contrat était de 59,1 millions de dollars; 37,4 millions de dollars avaient été consacrés à ConnexionVaccin à la fin de la période visée par l’audit[23].
Par la suite, l’Agence a retardé la mise en œuvre des capacités clés du système, qui n’étaient pas prêtes comme prévu en février 2021. L’ASPC avait élaboré des procédures de rechange et effectué manuellement le suivi des dates de péremption, du gaspillage et de toutes les données à partir du début de la campagne de vaccination jusqu’en juin 2021 au moyen de tableurs. Toutefois, le BVG a constaté que, bien que certains éléments du système étaient fonctionnels en juin 2021, l’Agence et les provinces et territoires ne les utilisaient pas tous, et l’Agence continuait à assurer le suivi des données à l’aide de tableurs[24].
L’ASPC avait mis peu de procédures en place pour la vérification de la qualité des données, tant pour le suivi manuel que pour ConnexionVaccin. Ceci a entraîné des lacunes dans les données de gestion des stocks fournies et un risque d’erreur. Le BVG a constaté, par exemple, que 150 000 doses semblaient avoir été livrées après leur date de péremption, alors qu’elles n’étaient pas encore périmées.
Par conséquent, le BVG a recommandé que l’Agence de la santé publique termine la mise en œuvre de ConnexionVaccin, qui devrait inclure des procédures pour assurer la qualité des données[25].
Dans son plan d’action, l’Agence s’est ralliée à cette recommandation et a ajouté qu’elle travaillait activement à l’avancement de la mise en œuvre des trois modules de ConnexionVaccin, à savoir la Chaîne d’approvisionnement intelligente (CAI), le Système d’information sur l’immunisation (SII) et la Gestion du programme d’immunisation (GPI), et de leurs procédures connexes de contrôle de la qualité des données. L’Agence continuera de faire participer ses partenaires des autres ordres de gouvernement au recensement des lacunes et des besoins en matière de services en vue de faciliter l’intégration future des systèmes[26].
L’Agence a aussi établi les jalons suivants :
- La version 2.0 du module Chaîne d’approvisionnement intelligente (CAI) a été lancée à l’automne 2022. Cette version a offert une expérience utilisateur simplifiée ainsi que des capacités de production de rapports supplémentaires aux responsables de projet. D’autres améliorations prioritaires, y compris la collecte, l’analyse et l’interprétation des données sur le gaspillage et l’inventaire pour la gestion de l’approvisionnement et de la demande actuelles et futures, seront apportées d’ici le 31 mars 2023.
- Le SII est en train de se transformer en une plateforme renouvelée pour les transferts de données de surveillance des vaccins entre les provinces, les territoires et l’ASPC. La version infonuagique du SCSESSI, une composante du SII, évolue afin de remplacer le Système canadien de surveillance des effets secondaires suivant l’immunisation (SCSESSI), qui atteindra bientôt sa fin de vie opérationnelle, et il est prévu qu’un produit minimum viable (PMV) soit fonctionnel au début de 2023 (T4 2022–2023). Cette version comprendra des fonctions demandées par les utilisateurs relatives à l’interopérabilité intergouvernementale automatisée et de nouveaux outils de surveillance des vaccins. Les versions subséquentes, PMV+2 et PMV+3, y compris les fonctionnalités supplémentaires, sont prévues pour le premier trimestre de 2023 et le deuxième trimestre de 2023 respectivement, sous réserve de l’obtention de fonds supplémentaires.
- L’ASPC achèvera la validation parallèle de la version infonuagique du SCSESSI et des procédures liées à la qualité des données afin d’éclairer la décision concernant le moment de la transition complète du SCSESSI existant à la version infonuagique (date d’achèvement : le 30 novembre 2023)[27].
Lors de l’audience du 6 février 2023, en réponse à une question sur les 21,7 millions de dollars restants du contrat de développement de ConnexionVaccin (c.-à-d. la différence entre le coût total de 59,1 millions de dollars et les 37,4 millions de dollars déjà payés), Harpreet Kochhar a fourni l’explication suivante :
Le contrat a été passé avec une entreprise qui nous fournissait ces services. Le reste de l’argent a en fait été dépensé pour s’assurer que nous avions l’infrastructure nécessaire pour fonctionner[28].
Le Dr Kochhar a aussi confirmé que l’Agence « travaille activement à la mise en œuvre complète de ConnexionVaccin » et que, depuis novembre 2022, « le système comporte un module plus récent pour le suivi centralisé des commandes et des stocks afin de soutenir la gestion de la chaîne d’approvisionnement[29] ».
Par conséquent, le Comité recommande :
Recommandation 2
Que, d’ici 30 septembre 2024, l’Agence de la santé publique du Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport sur l’état de ConnexionVaccin.
La persistance des problèmes d’échange de données
Le BVG a constaté la persistance de certains des problèmes relatifs à l’échange des données de surveillance qui avaient été signalés dans plusieurs audits antérieurs, dont l’audit de 2021 sur la préparation en cas de pandémie, la surveillance et les mesures de contrôle aux frontières. Le plus récent audit a révélé que ces problèmes de longue date ont nui à la capacité de l’Agence de communiquer avec efficacité des données détaillées et désagrégées sur la surveillance de l’innocuité des vaccins à Santé Canada, à l’Organisation mondiale de la Santé et aux fabricants de vaccins. Ces problèmes ont aussi nui à la capacité de l’ASPC de recueillir des données désagrégées sur la couverture vaccinale en fonction des caractéristiques des populations (p. ex. l’origine ethnique)[30].
Selon l’ASPC, le Canada est le seul pays du G7 qui ne suit pas la directive de l’Organisation mondiale de la Santé voulant que les pays lui communiquent des données détaillées sur les cas d’effets secondaires suivant l’immunisation contre la COVID‑19. L’Agence communique plutôt des données sommaires[31].
Le Comité recommande donc :
Recommandation 3 — sur le suivi des lignes directives de l’OMS
Que le gouvernement du Canada suive la directive de l’Organisation mondiale de la santé voulant qu’il lui communique des données détaillées sur les cas d’effets secondaires suivant l’immunisation contre la COVID-19.
En outre, l’ASPC a mis en place le Système canadien de surveillance de la couverture vaccinale contre la COVID‑19 au début de la pandémie. Dans un premier temps, elle a compilé manuellement les données soumises sur une base volontaire par les provinces et les territoires, mais en juin 2021, elle traitait ces données de façon électronique. Toutefois, un examen des données a montré que certaines caractéristiques de la population (p. ex. l’ethnicité ou le statut d’Autochtone) n’étaient pas incluses, car les provinces et les territoires ne recueillent ou ne divulguent pas toujours ces renseignements. Selon le BVG, sans ce type de données désagrégées, l’ASPC disposerait de moins d’informations pour adapter ses programmes ou ses communications aux groupes susceptibles de présenter un risque plus élevé[32].
Depuis octobre 2020, l’ASPC et Santé Canada ont mené des travaux avec des partenaires, notamment les provinces, les territoires et des organismes autochtones, sur la Stratégie pancanadienne de données sur la santé. Cette stratégie vise à renforcer les efforts déployés pour améliorer la collecte, l’échange et l’utilisation des données sur la santé. Toutefois, dans « un rapport de 2021, l’administratrice en chef de la santé publique du Canada faisait observer que la mise en œuvre de la Stratégie n’était pas prévue avant 2030 et encourageait l’accélération de sa mise en œuvre[33] ».
Le BVG en a donc conclu qu’étant donné « l’urgence et l’importance d’améliorer l’accès opportun à des données de qualité pour les partenaires de la santé, l’Agence de la santé publique du Canada et Santé Canada devraient accélérer leurs travaux avec les provinces et les territoires pour mettre en œuvre la Stratégie pancanadienne de données sur la santé[34] ».
Dans son plan d’action, l’ASPC a indiqué que Santé Canada et elle travaillent avec les provinces et les territoires depuis décembre 2020 pour élaborer conjointement la Stratégie et que celle-ci « permettra de s’attaquer aux problèmes persistants qui nuisent à la capacité du Canada de recueillir, de diffuser, d’accéder et d’utiliser les données sur la santé[35] ». Elle a aussi ajouté ce qui suit :
La série d’engagements et d’actions proposés par la Stratégie pour améliorer l’infrastructure des données en santé du Canada permettra d’améliorer les résultats en santé et les interventions en santé publique pour les personnes, les collectivités et la société canadienne, grâce à des systèmes de santé apprenants.
La mise en œuvre, qui s’étendra sur plusieurs années, sera orientée par des politiques et des cadres harmonisés ainsi que par un plan de travail intégré. Un examen est prévu tous les trois ans. Le rythme de la mise en œuvre tiendra compte des capacités et de l’état de préparation de chaque administration, et des possibilités d’accélérer la mise en œuvre par la collaboration et la récupération de l’expertise[36].
Par ailleurs, dans son plan d’action, Santé Canada indique qu’il continuera de travailler avec l’ASPC et les provinces et territoires pour faire progresser l’élaboration et la mise en œuvre de la Stratégie, et qu’il s’engage à franchir les jalons suivants d’ici la fin de 2023 :
- Les ministres approuveront la Stratégie pancanadienne de données sur la santé en tant que vision à long terme pour une meilleure gestion des données sur la santé, guidée par la Charte des données sur la santé;
- Les ministres prendront position en faveur des normes d’interopérabilité pour permettre l’accès aux données et l’échange de données;
- Les ministres conviendront d’objectifs communs pour appuyer les approches des administrations en matière d’accès aux données sur la santé et d’échange de données, notamment au moyen de mesures politiques ou législatives;
- Les représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux confirmeront la structure de gouvernance, les priorités et les plans de mise en œuvre[37].
Lors de l’audience du 6 février 2023, la vérificatrice générale du Canada, Karen Hogan, a décrit quelques-unes des difficultés inhérentes à la gestion des stocks de vaccins avec les provinces et les territoires :
C’est une des questions que nous essayions de soulever. C’est que le gouvernement fédéral perd en fait un peu la trace des doses une fois qu’elles ont été livrées aux provinces et aux territoires.
ConnexionVaccin devait aider à savoir où ces doses étaient utilisées, administrées ou périmées. Le problème de longue date de l’absence d’ententes de partage des données, c’est que cela ne permet tout simplement pas aux provinces et aux territoires de faire savoir au gouvernement fédéral où se trouve l’information, qui l’a et comment la communiquer.
Il y a longtemps qu’un accord doit être en place : depuis 1999[38].
Questionné sur l’état d’avancement de la Stratégie en cours d’élaboration, Stephen Lucas, sous-ministre, Santé Canada, a expliqué ce qui suit :
Au cours de la pandémie, l’Agence de la santé publique du Canada et Santé Canada ont travaillé très fort avec les provinces et les territoires pour appuyer et faciliter le partage de l’information, notamment en travaillant avec eux à l’établissement de normes communes d’interopérabilité afin que les systèmes de données puissent communiquer entre eux dans le pays.
Nous avons travaillé avec les provinces, les territoires et d’autres intervenants, sous l’éclairage des conseils d’un groupe consultatif d’experts présidé par le Dr Vivek Goel, à l’élaboration d’une stratégie pancanadienne de données sur la santé pour faciliter la collecte, le partage, l’utilisation et la déclaration publique des données sur la santé[39].
M. Lucas a ajouté que ce travail s’est poursuivi avec les responsables de la santé et que des éléments de la stratégie seraient discutés lors de la réunion de travail des premiers ministres du 7 février 2023[40].
Par conséquent, le Comité recommande :
Recommandation 4 — sur la Stratégie pancanadienne de données sur la santé
Que, d’ici 30 septembre 2024, le gouvernement du Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport compréhensif sur l’état d’avancement de la Stratégie pancanadienne de données sur la santé.
Le BVG a également recommandé que « l’Agence de la santé publique du Canada, en collaboration avec Santé Canada et les provinces et territoires, élimine les obstacles afin :
- d’assurer une meilleure communication des renseignements sur la surveillance des vaccins entre eux;
- de fournir à Santé Canada un accès au Système canadien de surveillance des effets secondaires suivant l’immunisation;
- de fournir rapidement à l’Organisation mondiale de la Santé et aux fabricants de vaccins des données de surveillance, y compris des données sur les cas, au besoin[41] ».
Dans son plan d’action, l’ASPC reconnaît que l’échange d’information est une composante importante du système canadien de surveillance de l’innocuité des vaccins, qui est le fruit d’une collaboration entre les provinces et les territoires, l’Agence, Santé Canada et les fabricants de vaccins, et affirme qu’elle continuera de favoriser un meilleur échange de renseignements avec ses partenaires[42]. Elle s’est aussi fixé plusieurs jalons (voir l’annexe A).
À l’audience du 6 février 2023, Stephen Lucas a réitéré que Santé Canada souscrivait à la recommandation du BVG et a ajouté que le Ministère poursuivrait sa collaboration avec l’ASPC et les provinces et territoires dans le cadre de la Stratégie pancanadienne sur les données sur la santé ainsi que des travaux en cours visant à offrir un meilleur accès au Système canadien de surveillance des effets indésirables après la vaccination[43].
Le Comité recommande donc :
Recommandation 5 — sur le Système canadien de surveillance des effets secondaires suivant l’immunisation
Que, d’ici 30 septembre 2024, le gouvernement du Canada présente au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes un rapport compréhensif sur l’état d’avancement de la version actualisée et infonuagique du Système canadien de surveillance des effets secondaires suivant l’immunisation. Un rapport final devra aussi être présenté d’ici le 31 décembre 2024.
Autres questions relatives à CanSino, Medicago et Pfizer
CanSino
Au cours de l’audience du 6 février 2023, des membres ont posé plusieurs questions au sujet des démarches entreprises par le gouvernement pour s’approvisionner en vaccins auprès de l’entreprise CanSino. En réponse, les témoins représentant SPAC et Santé Canada ont indiqué qu’aucune EAA n’avait été négociée avec cette entreprise et que leur ministère respectif n’était pas en mesure de répondre à ces questions; toutefois, ils ont tous deux avancé qu’Innovation, Sciences et Développement économique Canada serait peut-être en mesure de le faire[44].
En réponse à une autre question concernant une entente conclue entre CanSino et le Conseil national de recherches du Canada et les raisons pour lesquelles il n’en était pas question dans l’audit, Karen Hogan a fourni l’explication suivante :
Nous en avons parlé au début de la vérification, lorsque nous avons décidé de la portée, mais comme je l’ai mentionné, ce n’était pas un contrat qui a abouti à une entente d’achat anticipé de vaccins pour le pays, si bien qu’il n’a pas été inclus dans la portée de notre vérification[45].
Medicago
Des questions ont également été posées au sujet de Medicago, fabricant canadien d’un vaccin contre la COVID-19 (le Covifenz), et de son rôle actuel, de ses capacités et de ses obligations, étant donné que sa société mère, Mitsubishi Chemical Group, a récemment annoncé qu’elle cesserait d’en appuyer les activités. Par exemple, à l’audience du 6 février 2023, en réponse à une question sur une commande de 20 millions de doses de Covifenz, Arianne Reza, sous-ministre déléguée de SPAC, a précisé ce qui suit :
[Compte] tenu des dernières nouvelles de Mitsubishi et de Medicago, conjuguées au niveau de demande et à notre examen constant des contrats, des négociations sont en cours pour voir s’il y a moyen de rajuster le prix des 20 millions de doses[46].
De plus, questionnée sur les raisons pour lesquelles la procédure d’approbation du vaccin Covifenz avait été plus longue que celle des autres vaccins, Celia Lourenco, sous-ministre adjointe déléguée par intérim à Santé Canada, a fourni l’explication suivante :
Pour les vaccins de Pfizer et Moderna, il nous a fallu de deux à trois mois pour évaluer toutes les données et approuver les vaccins.
Pour ce qui est du vaccin de Medicago, cela a pris beaucoup plus de temps, parce que l’entreprise a beaucoup tardé à transmettre toutes les données. L’évaluation a commencé en avril 2021. Nous avons reçu les données de la phase 3 seulement en décembre 2021, et nous avons autorisé le vaccin de Medicago en février 2022[47].
Après l’audience du 6 février 2023, le Comité a reçu de l’information supplémentaire des organismes fédéraux; les Annexes B et C contiennent des informations spécifiques choisies sur Medicago.
Enfin, lors d’une audience tenue avec des représentants de l’industrie pharmaceutique le 23 mars 2023, à une question portant sur l’EAA de 20 millions de doses jamais fabriquées que la société a conclue, Toshifumi Tada, président et chef de la direction de Medicago Inc., a répondu ceci :
Bien que nous ayons obtenu l’approbation de Santé Canada en février de l’année dernière et que nous préparions le lancement du produit, nous avons eu des problèmes inattendus sur le plan de la qualité. Pendant que nous réglions ces problèmes, les besoins du marché ont évolué vers des vaccins bivalents. Notre vaccin est monovalent. Par conséquent, nous… Le vaccin approuvé n’était pas pertinent, compte tenu de l’évolution du marché[48].
Pfizer
Lorsqu’on lui a demandé pourquoi le Canada n’avait signé d’EAA avec Pfizer qu’en octobre 2020, alors que les États-Unis avaient signé un contrat en juillet de la même année, Fabien Paquette, leader des vaccins, Gamme des vaccins à ARNm et antiviraux, Pfizer Canada, a fourni les explications suivantes :
La première entente a été signée et communiquée en août 2020. C’est la première que Pfizer a signée. C’était une entente anticipée visant à jeter les bases d’une entente plus détaillée devant être signée plus tard. Elle a été signée quelques semaines après celle conclue avec les États‑Unis et c’est l’une des premières à avoir été signée dans le monde, après les États‑Unis[49].
Par ailleurs, lorsqu’on lui a demandé pourquoi la distribution des vaccins de Pfizer au Canada avait pris du retard par rapport à celle des États-Unis, M. Paquette a expliqué qu’« en 2021, Pfizer a livré plus de 55 millions de doses au Canada, ce qui est bien au‑delà de la quantité initialement prévue dans le contrat. Autrement dit, Pfizer a été en mesure de livrer une plus grande quantité de vaccins plus rapidement au Canada que ce qui était initialement prévu au contrat[50] ».
Autres Considérations
Le 1 mai 2023, le Comité a tenu une audience à huis clos avec des représentants de SPAC en vue d’examiner les contrats d’approvisionnement en vaccins contre la COVID-19 non caviardés (c.-à-d. les EAA). La présente section comprend de l’information sur le programme COVAX; elle porte également sur d’autres questions qui ont fait l’objet de discussions lors de cette audience et pour lesquelles des recommandations ont été formulées.
Le Comité souhaite souligner que la mesure extraordinaire consistant à inclure des témoignages entendus à huis clos est due à la nature de la pandémie de COVID-19. Certains membres ont jugé que les témoignages entendus à huis clos sont d’une importance primordiale pour cette étude et qu’ils relèvent du mandat du Comité.
Programme COVAX
Selon l’Organisation mondiale de la Santé, le COVAX est le pilier des vaccins dans le cadre du dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la COVID‑19 (Accélérateur ACT), qui consiste en « une nouvelle collaboration mondiale novatrice visant à accélérer la mise au point et la production de produits de diagnostic, de traitements et de vaccins contre la COVID-19 et à en assurer un accès équitable[51] ».
En réponse à une question sur la participation du Canada au programme COVAX, un représentant de SPAC a déclaré ce qui suit :
En septembre 2020, nous avons signé une entente avec le COVAX et versé un paiement initial de 53 millions de dollars américains afin d’avoir accès à tout au plus 15 millions de doses. Nous avons finalement obtenu cinq millions de doses dans le cadre de cette entente. De celles‑ci, nous avons reçu 900 000 doses au Canada et avons fait don du reste[52].
À la question de savoir si la tenue de négociations distinctes avec sept fabricants (Moderna, Novavax, Medicago, Pfizer-BioNTech, Sanofi et GlaxoSmithKline, Johnson & Johnson (Janssen) et AstraZeneca) allait à l’encontre de l’esprit du programme COVAX, le même représentant a répondu ce qui suit :
Je ne dirais pas qu’il était question de signer des ententes parallèles. Nous avions pour stratégie d’acquérir une gamme de vaccins parmi les candidats les plus prometteurs, s’ils étaient approuvés, et de permettre aux Canadiens d’y avoir accès rapidement. Nous ne considérions pas qu’il s’agissait d’ententes parallèles; nous estimions qu’elles s’inscrivaient dans le cadre de notre stratégie[53].
Enfin, en ce qui concerne la participation du Canada au processus de don du programme, le représentant de SPAC a apporté les précisions suivantes :
Je crois que pendant toute la durée de la pandémie, nous avons essayé de favoriser les dons, ce qui fut tout un défi, car l’offre et la production à l’échelle mondiale étaient plus élevées que le taux de vaccination[54].
Recommandations
Compte tenu des nombreuses questions traitées lors de l’audience à huis clos du 1 mai 2023, le Comité formule les recommandations suivantes pour aider le gouvernement du Canada à mieux se préparer à de futures pandémies sur le plan de l’approvisionnement en vaccins :
A. Amélioration des communications et des consultations dans l’ensemble du gouvernement
Des discussions ont eu lieu sur la nécessité de mieux comprendre le rôle de chaque entité participant au processus décisionnel fédéral en matière d’approvisionnement en vaccins. Par exemple, le représentant de SPAC, a affirmé ce qui suit :
Je dirais que le groupe de travail ferait des recommandations. Ces recommandations seraient transmises [à l’ASPC]. Le président [de l’ASPC] prendrait une décision fondée sur les conseils du groupe de travail, de ses propres fonctionnaires et probablement de Santé Canada […]
Je pense que si l’on veut tirer des leçons de tout cela, il est important d’examiner en détail le rôle du groupe de travail, sa responsabilité, son mandat et son incidence sur les décisions. Je reconnais qu’il s’agit de questions clés à examiner[55].
C’est pourquoi le Comité recommande ce qui suit :
Recommandation 6 — sur l’amélioration de la coordination dans l’ensemble du gouvernement
Que le gouvernement du Canada veille à ce qu’un système amélioré de communication et de consultation soit établi entre tout groupe consultatif (p. ex. le Groupe de travail sur les vaccins contre la COVID-19), l’Agence de la santé publique du Canada, Santé Canada, Services publics et Approvisionnement Canada et toute autre entité fédérale participant à la gestion des vaccins, et qu’un rôle plus précis, connu du public, soit assigné à chaque entité.
B. Fonction d’examen critique de l’approvisionnement
L’expiration d’une grande partie des vaccins achetés avant qu’ils ne puissent être utilisés ou donnés a suscité des questions sur le fait que l’on a commandé plus de doses alors que l’on en avait de grandes quantités. Certains membres ont estimé que si l’agent contractuel, en l’occurrence SPAC, avait davantage son mot à dire dans le processus, il serait possible de mieux communiquer sur ce qui a déjà été acheté, sur ce qui a été utilisé et sur ce que les provinces disent au sujet de leur approvisionnement; cela pourrait contribuer à réduire les stocks excédentaires de vaccins qui risquent de ne pas être utilisés[56].
Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit :
Recommandation 7 — sur la fonction d’examen critique de l’approvisionnement
Que le gouvernement du Canada veille à ce que Services publics et Approvisionnement Canada soit plus diligent dans son rôle d’examen critique à l’égard de la manière dont gestion des quantités et de la livraison des vaccins approuvés sont administrés.
C. Souplesse prévue dans les contrats
Des questions ont été soulevées sur la structure des EAA et sur la mesure dans laquelle le Canada était obligé d’acheter des vaccins. Ces ententes prévoyaient l’achat de certaines quantités de vaccins à certains prix, à différents moments de la pandémie, notamment pour réapprovisionner un vaccin existant ou pour tenter d’obtenir une nouvelle version ciblant des variants, etc. Malgré les conditions difficiles dans lesquelles le gouvernement s’est procuré des vaccins, certains membres ont estimé que les sociétés pharmaceutiques auraient pu tirer parti de la situation[57].
Bien que les témoins de SPAC aient déclaré que les contrats et les sociétés offraient une certaine souplesse, le Comité recommande néanmoins ce qui suit :
Recommandation 8 — sur la souplesse contractuelle pendant une pandémie
Que le gouvernement du Canada veille à ce que tous les contrats attribués pendant une pandémie ou une autre crise sanitaire offrent une certaine souplesse, tout en assurant une reddition de compte et l’optimisation des ressources.
D. Marché international des vaccins
Certains membres ont exprimé des préoccupations quant à la manière dont le Canada devait négocier avec les fabricants de vaccins sur le marché mondial. En réponse à une question sur les raisons pour lesquelles certaines sociétés hésitaient à entamer des négociations avec le Canada (p. ex. AstraZeneca), le représentant de SPAC a fourni les explications suivantes :
[Elles] hésitaient parce qu’elles se concentraient sur le Royaume-Uni, où elles étaient en train de se déployer. Là encore, dans le contexte de la concurrence mondiale, elles négociaient des accords avec d’autres pays et cherchaient également à adhérer à un accord de coopération mondiale sur les vaccins.
Si l’on tient compte de ces deux éléments, nous n’étions pas seulement engagés dans une négociation avec une entreprise, mais aussi dans le contexte de ses négociations et de ses intérêts commerciaux avec d’autres pays[58].
À la lumière des enseignements tirés de cette pandémie, notamment en ce qui concerne les difficultés auxquelles le Canada a dû faire face pour négocier avec les fabricants de vaccins dans le contexte mondial, le Comité recommande ce qui suit :
Recommandation 9 — sur la compréhension du marché international des vaccins
Que le gouvernement du Canada s’assure que les entités fédérales responsables maintiennent une compréhension approfondie du marché international des vaccins.
E. Préparation en cas de pandémie
Le Comité a appris que d’autres pays s’étaient penchés sur les enseignements à tirer de la pandémie et la manière dont ils pourraient mieux se préparer à celles à venir. Par exemple, un second représentant de SPAC, a indiqué ce qui suit :
Je sais qu’aux États-Unis, un important rapport sur les « enseignements tirés de la pandémie » a été rédigé. Il n’émane pas officiellement du Congrès, mais d’un certain nombre de groupes de réflexion. C’est le genre de ressources que nous aimons pour nous assurer que nous sommes au fait des leçons apprises ailleurs et que nous en profitons… et nous allons aller de l’avant avec notre apprentissage collectif, notamment en faisant progresser la stratégie de biofabrication et en améliorant notre préparation pour la prochaine fois[59].
Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit :
Recommandation 10 — sur la préparation en cas de pandémie
Que le gouvernement du Canada exige que toutes les entités fédérales responsables procèdent à un examen approfondi de leur état de préparation à de futures pandémies, incluant la réalisation d’une analyse comparative des pays de l’OCDE et qu’il en fasse rapport au Comité permanent des Comptes publics de la Chambre des communes d’ici le 31 janvier 2025.
F. Fabrication nationale et financement de la recherche
Plusieurs points ont été soulevés concernant le fait que le Canada n’avait pas la capacité, à l’échelle nationale, de fabriquer suffisamment de vaccins pour faire face à la pandémie de COVID-19. Par exemple, en réponse à une question sur les investissements fédéraux dans Medicago, le premier représentant de SPAC a répondu ce qui suit :
L’investissement dans l’usine de fabrication était à venir. Nous espérions que certaines doses y seraient fabriquées. Ce fut l’un des enseignements tirés de la première partie de la pandémie : nous devons avoir la capacité de fabriquer des vaccins au Canada. Cet investissement a été consenti dans le but de disposer d’une telle capacité à l’avenir, avec en prime la possibilité de fabriquer certaines doses du vaccin contre la COVID[60].
Paul Thompson a ajouté plus tard qu’en « l’absence d’une solide capacité au Canada, c’est notre position de négociation qui en a souffert. Les règles du jeu auraient été différentes si nous avions disposé d’une importante capacité de fabrication à l’échelle nationale[61] ».
Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit :
Recommandation 11 — sur la capacité nationale de fabrication de vaccins et le financement de la recherche
Que le gouvernement du Canada 1) entreprenne un examen de la capacité nationale de fabrication de vaccins au Canada; 2) examine comment il peut améliorer l’ensemble de ses politiques et de programmes pour stimuler cette capacité à l’échelle nationale; et 3) qu’il fournisse un rapport final au Comité permanent des Comptes publics de la Chambre des communes d’ici le 31 janvier 2025.
Conclusion
Le Comité conclut que, bien que le gouvernement du Canada ait réussi à obtenir des quantités suffisantes de vaccins contre la COVID-19, sa gestion de l’approvisionnement comportait des lacunes à plusieurs égards. Il reste encore beaucoup à faire pour faciliter le transfert sécurisé et efficace des données sanitaires essentielles entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces et des territoires.
Dans ce rapport, le Comité formule 11 recommandations pour aider le gouvernement fédéral à améliorer sa gestion des vaccins dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et de celles à venir.
[1] Bureau du vérificateur général du Canada (BVG), Les vaccins contre la COVID-19, rapport 9 des Rapports de 2022 de la vérificatrice générale du Canada, Survol et paragr. 9.27.
[2] BVG, Les vaccins contre la COVID-19, rapport 9 des Rapports de 2022 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 9.1.
[3] Ibid., paragr. 9.2.
[4] Ibid., paragr. 9.25.
[5] Ibid., paragr. 9.26.
[6] Ibid., paragr. 9.3.
[7] Ibid., paragr. 9.4.
[8] Ibid., paragr. 9.9.
[9] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes (PACP), Témoignages, 1re session, 44e législature, 6 février 2023, réunion no 48.
[10] BVG, Les vaccins contre la COVID-19, rapport 9 des Rapports de 2022 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 9.51.
[11] Ibid., paragr. 9.52.
[12] Ibid., paragr. 9.53.
[13] Ibid., paragr. 9.54.
[14] Ibid.
[15] Ibid., paragr. 9.55.
[16] Ibid., paragr. 9.57.
[17] Agence de la santé publique du Canada (ASPC), Réponse et plan d’action de la direction, p. 1 et 2.
[18] Ibid.
[19] PACP, Témoignages, 1re session, 44e législature, 6 février 2023, réunion no 48, 1215.
[20] Ibid., 1255.
[21] BVG, Les vaccins contre la COVID-19, rapport 9 des Rapports de 2022 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 9.58.
[22] Ibid., paragr. 9.59.
[23] Ibid., paragr. 9.60.
[24] Ibid., paragr. 9.61.
[25] Ibid., paragr. 9.63.
[26] ASPC, Réponse et plan d’action de la direction, p. 2.
[27] Ibid.
[28] PACP, Témoignages, 1re session, 44e législature, 6 février 2023, réunion no 48, 1125.
[29] Ibid., 1110.
[30] BVG, Les vaccins contre la COVID-19, rapport 9 des Rapports de 2022 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 9.72.
[31] Ibid., paragr. 9.74.
[32] Ibid., paragr. 9.77.
[33] Ibid., paragr. 9.78.
[34] Ibid., paragr. 9.79.
[35] ASPC, Réponse et plan d’action de la direction, p. 3.
[36] Ibid. [traduction].
[37] Santé Canada, Réponse et plan d’action de la Direction, p. 1.
[38] PACP, Témoignages, 1re session, 44e législature, 6 février 2023, réunion no 48, 1145.
[39] Ibid., 1130.
[40] Ibid.; Voir aussi Cabinet du premier ministre du Canada, Itinéraire du premier ministre pour le mardi 7 février 2023.
[41] BVG, Les vaccins contre la COVID-19, rapport 9 des Rapports de 2022 de la vérificatrice générale du Canada, paragr. 9.80.
[42] ASPC, Réponse et plan d’action de la direction, p. 3.
[43] PACP, Témoignages, 1re session, 44e législature, 6 février 2023, réunion no 48, 1115.
[44] Ibid., 1125 et 1130.
[45] Ibid., 1150.
[46] Ibid., 1210.
[47] Ibid., 1230.
[48] PACP, Témoignages, 1re session, 44e législature, 23 mars 2023, réunion no 54, 1645.
[49] Ibid., 1845.
[50] Ibid., 1850.
[52] PACP, BLEUS, 1re session, 44e législature, 23 mars 2023, réunion no 61, 1120 [traduction].
[53] Ibid. [traduction].
[54] Ibid., 1220 [traduction].
[55] PACP, BLEUS, 1re session, 44e législature, 1er et 4 mai 2023, réunion no 61, 1750/8750 [traduction].
[56] Ibid., 8730–8735.
[57] Ibid., 8810–8815.
[58] Ibid., 1130 [traduction].
[59] Ibid., 1225 [traduction].
[60] Ibid., 1150 [traduction].
[61] Ibid., 1200 [traduction].