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PROC Rapport du Comité

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Rapport sur le rapport de la commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour la province du Manitoba, 2022

Introduction

Le 2 février 2023, conformément au mandat que lui confèrent le sous-alinéa 108(3)a)(vi) du Règlement et l’article 22 de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales (la Loi)[1], le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre (le Comité) a entrepris l’examen de l’opposition déposée par un député de la Chambre des communes au sujet du Rapport de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour la province du Manitoba (le rapport et la Commission).

Après chaque recensement décennal, le nombre de députés et la représentation des provinces à la Chambre des communes sont rajustés selon les règles énoncées aux articles 51 et 51A de la Loi constitutionnelle de 1867.

Le directeur général des élections (DGE) est chargé de calculer le nombre de députés attribué à chaque province. Il s’agit d’un calcul mathématique, et le DGE n’exerce aucun pouvoir discrétionnaire en la matière.

Dans chaque province, une commission de délimitation des circonscriptions électorales indépendante et neutre, composée de trois membres, procède au redécoupage des circonscriptions électorales. Le mandat de ces commissions est d’étudier, en vue d’en faire rapport, la division de leur province en circonscriptions électorales[2], la description des limites et le nom de chaque circonscription.

La Loi énonce les règles applicables à la division d’une province en circonscriptions électorales. La population de chaque circonscription doit se rapprocher le plus possible du quotient électoral de la province, c’est-à-dire la population de celle-ci divisée par le nombre de députés à la Chambre des communes qui lui est attribué en vertu de l’article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867.

En établissant les limites d’une circonscription électorale, chaque commission est légalement tenue de prendre en compte la communauté d’intérêts, la spécificité et l’évolution historique de la circonscription dans la province. De plus, la taille des circonscriptions électorales doit être raisonnable, en particulier s’il s’agit de régions peu peuplées, rurales ou nordiques.

Une commission peut s’écarter de plus ou moins 25 % du quotient électoral d’une province pour tenir compte de la communauté d’intérêts, de la spécificité et de l’évolution historique d’une circonscription, ou pour veiller à ce que la taille des circonscriptions peu densément peuplées soit raisonnable. Dans des circonstances jugées extraordinaires par une commission, l’écart par rapport au quotient électoral peut être supérieur à 25 %.

Après la formulation d’une proposition initiale concernant les circonscriptions électorales de leur province, les commissions doivent tenir au moins une séance publique pour entendre les observations des intéressés. Après la tenue des audiences publiques, chacune des commissions rédige son rapport sur les limites et les noms des circonscriptions électorales de la province. Le rapport de chaque commission est déposé à la Chambre et renvoyé au Comité.

Les députés disposent alors de 30 jours civils pour déposer des oppositions aux propositions contenues dans le rapport auprès du greffier ou de la greffière du Comité.

Une opposition doit être présentée sous forme de motion écrite, préciser les dispositions du rapport auxquelles le député s’oppose, motifs à l’appui, et être signée par au moins 10 députés.

Le Comité dispose ensuite de 30 jours de séance pour étudier les oppositions des députés, à moins que la Chambre lui accorde plus de temps. Les rapports du Comité sur les oppositions des députés, de même que les oppositions, les procès-verbaux et les témoignages entendus par le Comité, sont renvoyés à la commission concernée, qui a 30 jours civils pour étudier le bien-fondé de toutes les oppositions et rédiger son rapport définitif.

Une fois que tous les rapports des commissions ont pris leur forme définitive, le DGE rédige un projet de décret de représentation électorale, exposant les limites et les noms des nouvelles circonscriptions électorales. Le tout est envoyé au gouverneur en conseil, qui doit en faire la proclamation dans les cinq jours suivants. Le décret de représentation prend effet sept mois après sa proclamation et s’applique à toute élection générale déclenchée après cette date.

Oppositions

Le Rapport de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour la province du Manitoba a été déposé à la Chambre des communes et renvoyé au Comité le 6 décembre 2022. La greffière du comité a reçu deux avis d’opposition avant l’échéance de la période de 30 jours.

A.  Modifications aux limites des circonscriptions électorales

1.   Niki Ashton, députée de Churchill—Keewatinook Aski, et James Bezan, député de Selkirk—Interlake—Eastman

Niki Ashton, députée de Churchill—Keewatinook Aski, et James Bezan, député de Selkirk—Interlake—Eastman, ont formulé une opposition conjointe aux limites proposées pour les circonscriptions de Churchill—Keewatinook Aski et de Selkirk—Interlake—Eastman. Ils se sont opposés plus précisément à la proposition de la Commission d’intégrer deux communautés adjacentes de Premières Nations, soit la Première Nation de Little Saskatchewan et un secteur aménagé récemment par la Première Nation de Lake St. Martin appelé Obushkudayang, dans la circonscription proposée de Selkirk—Interlake—Eastman. À l’heure actuelle, ces deux communautés sont situées presque entièrement dans la circonscription de Churchill—Keewatinook Aski. Selon Mme Ashton et M. Bezan, leur intégration proposée dans Selkirk—Interlake—Eastman les séparerait d’autres communautés avec lesquelles elles ont une identité et des intérêts communs. Mme Ashton et M. Bezan ont recommandé de revoir les limites électorales pour que ces deux communautés continuent de faire partie de Churchill—Keewatinook Aski.

Mme Ashton et M. Bezan ont dit au Comité que, suite au précédent redécoupage des circonscriptions, la réserve no 48 de la Première Nation de Little Saskatchewan et les réserves no 49 et 49A de la Première Nation de Lake St. Martin ont été ajoutées à la circonscription de Churchill—Kewwatinook Aski; elles faisaient auparavant partie de Selkirk—Interlake—Eastman. Dans son rapport, la Commission suggère de réintégrer la réserve no 48 de Little Saskatchewan en entier dans la circonscription de Selkirk—Interlake—Eastman, ce qui la dissocierait de communautés autochtones voisines qui demeureraient dans Churchill—Keewatinook Aski. Les limites proposées sépareraient aussi la réserve no 49 de Lake St. Martin du village d’Obushkudayang, ce dernier étant également placé dans Selkirk—Interlake—Eastman.

Mme Ashton et M. Bezan craignent que les changements répétés de circonscriptions affaiblissent la participation électorale dans les communautés concernées, se soldant en un exercice réduit de leurs droits démocratiques. Mme Ashton a affirmé que, depuis 2015, beaucoup d’énergie a été déployée pour convaincre les citoyens des sept Premières Nations de l’est de la région d’Interlake d’exercer leur droit de vote et pour les informer sur la circonscription dont ils font partie et sur l'emplacement des bureaux et des services. Selon les députés, le fait de placer deux des sept Premières Nations dans une circonscription distincte pourrait causer de la confusion et de la méfiance, d’autant plus que la proposition initiale de la Commission ne prévoyait pas ce changement et que les communautés concernées n’ont pas été consultées. Par conséquent, il a été impossible de défendre le maintien des sept Premières Nations de l’est de la région d’Interlake dans la même circonscription lors des audiences publiques. Les députés ont jugé que la modification proposée par la Commission était « injuste » et « peu respectueuse » envers les communautés touchées.

Mme Ashton et M. Bezan ont souligné qu'au cours des deux dernières décennies, les communautés concernées ont dû faire face à d'importants bouleversements et déplacements causés par des inondations. Ils ont dit au Comité que la scission de la communauté de Lake St. Martin entre deux circonscriptions nuirait aux efforts destinés à assurer sa stabilité et sa continuité. Pour ce qui est de la Première Nation de Little Saskatchewan, le fait de séparer la réserve des Premières Nations voisines de Pinaymootang, de Dauphin River et de Lake St. Martin (excepté Obushkudayang) contreviendrait au principe de maintien des communautés d’intérêts dans la même circonscription. Il a été souligné que les membres de ces communautés entretiennent des liens familiaux étroits, qu’ils participent à des célébrations et utilisent des services communs. De plus, ces nations font toutes parties du Conseil tribal des réserves de la région des lacs.

Les députés ont également indiqué que l’élu représentant Churchill—Keewatinook Aski devra quand même transiter par la Première Nation de Little Saskatchewan et par la communauté d’Obushkudayang pour se rendre dans les communautés autochtones avoisinantes.

Les députés proposent la solution de rechange suivante :

  • maintenir la réserve no 48 de Little Saskatchewan et la réserve d’Obushkudayang dans la circonscription de Churchill—Keewatinook Aski;
  • diviser la municipalité rurale de Grahamdale de la manière suivante :
que la limite de la municipalité rurale de Grahamdale coïncide avec la limite entre les circonscriptions de Selkirk—Interlake—Eastman et de Churchill—Keewatinook Aski à partir de la réserve de Fairford no 50, vers le nord suivant le chemin Fairford (chemin municipal 49W); de là vers le nord suivant le chemin Kotelnyk (chemin municipal 49W) et toujours vers le nord suivant la réserve pour le chemin municipal 49W à une latitude d’environ 51o67271 N jusqu’au chemin provincial 513; de là vers l’est suivant le chemin provincial 513 jusqu’à la limite ouest d’Obushkudayang; de là vers le nord, l’est et le sud de ladite Première Nation jusqu’à la limite nord des réserves no 49 et 49A de la Première Nation de Lake St. Martin.

Les députés ont indiqué que si leur proposition était acceptée, la population de chaque circonscription serait la suivante, selon les données du recensement de 2021 :

  • a) Churchill—Keewatinook Aski : 82 737 habitants (écart de -13,7 % par rapport au quotient électoral de la province);
  • b) Selkirk—Interlake—Eastman : 98 624 habitants (écart de +2,87 % par rapport au quotient électoral de la province).

Craig Howse, préfet de la municipalité rurale de Grahamdale, a écrit une lettre appuyant l’opposition de Mme Ashton et de M. Bezan. Lors des audiences publiques, cette municipalité a exprimé son opposition à la proposition initiale, qui aurait partagé le hameau de Gypsumville entre les deux circonscriptions; elle s’est toutefois dite d’accord avec la solution de rechange ci‑dessus, proposée par M. Bezan et Mme Ashton.

Le Comité appuie l'opposition de M. Bezan et Mme Ashton et recommande à la Commission de délimitation des circonscriptions électorales pour la province du Manitoba de la considérer favorablement.

2.   Daniel Blaikie, député d’Elmwood—Transcona

Daniel Blaikie, député d’Elmwood—Transcona, s’est opposé aux limites proposées dans le rapport de la Commission pour la circonscription d’Elmwood—Transcona. Il s’est opposé plus précisément à l’agrandissement de la circonscription vers l’est et à l’inclusion de secteurs situés à l’extérieur du territoire de la Ville de Winnipeg.

M. Blaikie a expliqué que, dans le rapport de la Commission, la circonscription proposée d’Elmwood—Transcona s’agrandit vers l’est en y incorporant la communauté de Dugald, située dans la municipalité rurale de Springfield. Cette mesure aurait pour effet de transformer Elmwood—Transcona, une circonscription urbaine, en circonscription mixte urbaine‑rurale. M. Blaikie a jugé que la modification proposée plaçait des communautés aux priorités et aux intérêts divergents dans la même circonscription. De plus, il a affirmé que le changement proposé modifierait en profondeur le type de travail conféré au député d’Elmwood—Transcona; il devrait notamment établir des relations avec des députés provinciaux et des autorités de santé en région rurale, et avec le conseil de Springfield.

M. Blaikie a observé que, dans son rapport, la Commission justifie ces changements par la nécessité d’équilibrer la population d’Elmwood—Transcona avec celle de la circonscription adjacente de Provencher. La Commission a aussi mentionné l’existence de liens entre les communautés de Dugald et de Transcona.

M. Blaikie s’est cependant dit d’avis que les liens entre Transcona et Dugald sont ténus. À sa connaissance, le seul lien administratif existant de mémoire récente entre les deux communautés était l’ancien district scolaire de Transcona‑Springfield, démantelé en 2002. M. Blaikie a évoqué par ailleurs une tendance à créer une séparation administrative entre les communautés du nord-est de Winnipeg et celles de la municipalité rurale de Springfield. La proposition de la Commission irait en sens contraire de cette tendance.

M. Blaikie a dit au Comité que le nord-est de Winnipeg est l’un des secteurs de la ville en plus forte croissance. Il s’attend à ce que cet essor se poursuive, mais il n’avait pas de chiffres exacts à fournir au Comité. Il a ajouté que, dans les prochaines années, la population de la circonscription d’Elmwood—Transcona continuerait d’augmenter à l’intérieur des limites de la Ville de Winnipeg. Pour cette raison, il juge plus logique d’agrandir la circonscription adjacente de Kildonan—St. Paul, qui est déjà constituée d’un secteur urbain et d’un secteur rural, que d’intégrer des communautés rurales à Elmwood—Transcona. M. Blaikie a affirmé qu’il existe des similitudes entre certaines des communautés rurales qui font actuellement partie de Kildonan—St. Paul et les communautés rurales que la Commission propose d’ajouter à Elmwood—Transcona.

M. Blaikie a indiqué au Comité que, afin de compenser la diminution de population qui découlerait de sa proposition, la Commission pourrait modifier la limite nord proposée pour Elmwood—Transcona et incorporer à la circonscription une plus grande partie du quartier Kildonan‑Nord, qui partage, selon M. Blaikie, de nombreuses similarités démographiques, historiques et relatives aux services avec les communautés de sa circonscription actuelle.

Le Comité appuie l'opposition de M. Blaikie et recommande à la Commission de délimitation des circonscriptions électorales pour la province du Manitoba de la considérer favorablement.


[1]              Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, L.R.C. (1985), ch. E-3.

[2]              Il convient de noter que les termes « circonscriptions électorales » et « circonscriptions » sont utilisés de manière interchangeable dans le présent rapport du Comité.