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PROC Rapport du Comité

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Question de privilège concernant la campagne d’intimidation contre le député de Wellington—Halton Hills et d’autres députés : Rapport supplémentaire du Parti conservateur

Le présent rapport supplémentaire renferme les opinions des députés conservateurs qui siègent au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre (le comité PROC) : Michael Cooper (vice-président du Comité, St. Albert—Edmonton), Luc Berthold (Mégantic—L’Érable), Blaine Calkins (Red Deer—Lacombe), et Eric Duncan (Stormont—Dundas—South Glengarry).

Introduction

Les conservateurs sont d’accord avec la conclusion du rapport du Comité selon laquelle Wei Zhao doit être reconnu coupable d’outrage au Parlement pour avoir orchestré les efforts de la République populaire de Chine (RPC) en vue d’intimider le député Michael Chong et d’autres députés. Toutefois, le rapport du Comité est incomplet. En effet, il ne rend pas suffisamment compte de la défaillance de l’appareil gouvernemental, sous le premier ministre Justin Trudeau, qui a permis à cet incident de se produire. De plus, il ne reconnaît pas deux faits qui ont eu une incidence significative sur la capacité du Comité à accomplir son travail dans le cadre de cette étude. D’une part, le ministre Bill Blair n’a manifestement pas été tout à fait franc dans son témoignage devant le Comité et, d’autre part, les députés libéraux ont multiplié les efforts pour empêcher le Comité d’ordonner la production de documents pertinents et ont ainsi privé ce dernier de certains faits utiles.

Le présent rapport supplémentaire détaille ce que les conservateurs considèrent comme un compte-rendu détaillé de la défaillance de l’appareil gouvernemental qui a conduit à cet outrage au Parlement. Il présente également la preuve que le ministre Blair a livré un témoignage trompeur et commente les efforts déployés par les députés libéraux pour faire obstruction à l’étude en empêchant le Comité d’ordonner la production de documents pertinents.

Défaillance de l’appareil gouvernemental sous l’égide de Justin Trudeau

L’ampleur de la défaillance de l’appareil gouvernemental sous l’égide de Justin Trudeau, en ce qui concerne l’objet de la question de privilège, n’est pas suffisamment abordée dans le rapport du Comité. Nous exposons donc en détail les manquements importants de Justin Trudeau, du ministre de la Sécurité publique de l’époque, Bill Blair, et de certains dirigeants du gouvernement Trudeau. Ces manquements ont eu pour conséquence que le député Michael Chong a été laissé dans l’ignorance pendant deux ans alors que lui et sa famille à Hong Kong étaient ciblés par la RPC.

La responsabilité ultime de ces manquements incombe à Justin Trudeau. En tant que premier ministre, Justin Trudeau est le seul responsable de l’organisation de l’appareil gouvernemental. Ainsi, il est investi de responsabilités particulières en matière de sécurité nationale[1]. Ces responsabilités particulières l’obligent à organiser le gouvernement de manière à ce que les décideurs disposent des informations et des renseignements dont ils ont besoin.

Il est évident qu’il y a eu une rupture du flux d’informations et de renseignements au sein du gouvernement de Justin Trudeau. La preuve en est qu’au moins deux notes du SCRS avertissant que la RPC ciblait le député Chong et d’autres députés ont été envoyées à de nombreux responsables aux plus hautes sphères du gouvernement de Justin Trudeau, mais sont restées sans réponse. Le député Chong serait probablement encore dans l’ignorance, et aucune mesure n’aurait été prise en réponse à cette ingérence de la RPC, si le Globe and Mail n’en avait pas fait état pour la première fois le 1er mai 2023. Ce n’est qu’à ce moment-là que le député Chong a été informé par le SCRS et la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre, et que Wei Zhao a été expulsé du Canada.

Note de mai 2021 du SCRS

La première note du SCRS avertissant que la RPC ciblait le député Chong et d’autres députés est une note d’information relative à la gestion des enjeux, datée de mai 2021, envoyée au ministre de la Sécurité publique de l’époque, Bill Blair, à la cheffe de cabinet du ministre Blair, au sous-ministre de la Sécurité publique et au conseiller à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre par le biais du Réseau canadien très secret (RCTS). Cette note mentionnait expressément que le député Chong était ciblé par la RPC, notamment par Wei Zhao. Selon le directeur du SCRS, David Vigneault, une note d’information relative à la gestion des enjeux, comme celui-ci est préparée par le SCRS pour porter à l’attention des décideurs des informations « très importantes »[2].

M. Vigneault a expliqué au Comité que la note avait été envoyée au ministère de la Sécurité publique « en lui donnant la directive très précise de la communiquer au ministre [de la Sécurité publique][3] ». Pourtant, le ministre Blair prétend qu’il n’a jamais reçu la note en question. Il a même dit qu’il n’avait pas accès au terminal sécurisé où elle se trouvait. Ce terminal était situé sur le même étage que le bureau du ministre Blair, dans le bureau du sous-ministre de la Sécurité publique.

Devant le Comité, le ministre Blair a blâmé le directeur du SCRS de ne pas l’avoir informé personnellement de la note d’information relative à la gestion des enjeux. Il a expliqué qu’il comptait sur le directeur du SCRS pour lui communiquer personnellement les informations importantes. Il a dit :

« C’est le directeur du SCRS qui a décidé des renseignements à transmettre au ministre. Ces renseignements ont été imprimés et le directeur du SCRS m’a rencontré dans un lieu sécurisé pour m’informer[4] ».

Le témoignage du ministre Blair a été contredit par M. Vigneault, qui a reconnu « qu’une grande partie des renseignements que le SCRS communique au ministre proviennent directement de moi ou de l’un de mes hauts fonctionnaires ». Toutefois, M. Vigneault a ajouté :

« Cependant, je pense qu’il est important de souligner ici que nous transmettons beaucoup de documents également. Comme je l’ai déjà mentionné, cela se fait principalement par voie électronique avec le ministère, afin que les documents puissent être imprimés et mis à la disposition du ministre[5] ».

C’est ainsi que la note a été transmise au ministre Blair. Il est inquiétant que le ministre Blair n’ait pas fait part de ce moyen courant de transmission d’informations par le SCRS. Il semble qu’il s’agisse d’une omission commode de la part du ministre Blair pour se soustraire à ses responsabilités.

Selon le sous-ministre de la Sécurité publique de l’époque, Rob Stewart, il revenait au ministre Blair « de décider quels breffages il [voulait] recevoir ou pas[6] ». Lorsqu’on a demandé au ministre Blair s’il avait ordonné à ses fonctionnaires de porter à son attention la note de gestion des enjeux, il n’a pas répondu[7]. Il est inquiétant que le ministre Blair n’ait pas voulu confirmer s’il avait donné instruction à ses fonctionnaires de porter à son attention des questions jugées « très importantes » par le SCRS. Voilà qui n’incite pas à la confiance dans l’exercice par le ministre Blair de ses fonctions de ministre de la Sécurité publique. En fait, la question se pose : quels autres sujets « très importants » signalés par le SCRS le ministre Blair a-t-il manqués?

Dans son témoignage, le ministre Blair a également expliqué que sa cheffe de cabinet, Zita Astravas, n’avait jamais lu la note. De même, ni M. Stewart ni le conseiller à la sécurité nationale et au renseignement de l’époque, Vincent Rigby, n’avaient lu la note en question, malgré le fait qu’elle contenait des informations que le SCRS jugeait « très importantes » et qu’elle avait été transmise expressément à leur attention. La note s’est en fait retrouvée dans un « trou noir ».

Note de juillet 2021 du SCRS

Le deuxième document est une note contenant du renseignement produit par le SCRS en juillet 2021 (note de juillet), qui a été transmise au sous-ministre de la Sécurité publique, au sous-ministre des Affaires étrangères, au sous-ministre de la Défense nationale et au conseiller à la sécurité nationale et au renseignement. Cette note signalait que certains députés étaient ciblés par la RPC. Même si le député Chong n’était pas expressément nommé, la note contenait des détails — notamment sur la famille de M. Chong à Hong Kong — qui auraient permis aux personnes connaissant le dossier que le député Chong faisait partie des personnes ciblées.

Aucune mesure n’a été prise par les destinataires de la note de juillet. Lors de sa comparution devant le Comité, Jody Thomas, qui était conseillère à la sécurité nationale et au renseignement au moment de son témoignage, a reconnu que la note était tombée dans « un trou noir[8] ».

À titre de sous-ministre de la Défense nationale à ce moment, Mme Thomas était l’une des destinataires de la note de juillet. Or, elle ne l’a jamais lu, parce qu’elle était en vacances lorsque le ministère de la Défense nationale l’a reçue et parce que la note avait déjà été détruite avant son retour, conformément aux règles de destruction des documents du ministère[9]. Même si Mme Thomas était la seule personne autorisée, au sein du ministère, à étudier la note, il n’y avait pas de protocole en place pour s’assurer que la note ne soit pas détruite avant son retour de vacances.

Mme Thomas a ajouté qu’il « incombe aux sous-ministres [ayant reçu la note] d’informer [leurs] ministres[10] ». Elle a confirmé que la note envoyée aux trois sous-ministres n'a jamais fait l'objet d'une action. Aucun des ministres respectifs n’en a été informé. Voilà qui en dit long sur la culture de sécurité nationale et sur la diffusion de l’information et du renseignement au sein du gouvernement de Justin Trudeau.

Selon Mme Thomas, la note a été « présentée » au conseiller à la sécurité nationale et au renseignement seulement en août 2021, même si elle avait été envoyée en juillet. À ce moment, il y avait un roulement constant au sein du poste de conseillère à la sécurité nationale et au renseignement. En juillet 2021, le premier ministre avait un conseiller intérimaire, Mike MacDonald. La note n’a pas été lue à ce moment. Lorsqu’elle a été « présentée » en août 2021, le premier ministre avait un nouveau conseiller, David Morrison.  

Dans son témoignage, M. Morrison a indiqué que la note de juillet se trouvait dans son dossier de lecture du 17 août 2021. Par contre, il a déclaré ceci : « [J]e ne me souviens pas de l’avoir reçu ou de l’avoir lu à ce moment‑là[11]. » Il a déclaré qu’il croit l’avoir lu éventuellement, « lorsque la poussière de l’Afghanistan est retombée ». Malgré le contenu alarmant de cette note, M. Morrison a tenté d’en minimiser l’importance, en affirmant que le document « n’a jamais été conçu pour inciter les lecteurs à agir[12] ». Il n’a pourtant pas pu expliquer comment la note aurait pu être rédigée de manière à susciter une intervention. À notre avis, une note indiquant que la RPC « a pris des mesures concrètes pour cibler des députés canadiens[13] » devrait amener immédiatement le conseiller à la sécurité nationale et au renseignement à agir.

La désinvolture de M. Morrison à l'égard du mémo de juillet est d’autant plus déconcertant vu que Justin Trudeau avait déclenché des élections fédérales deux jours avant l’insertion de la note dans le dossier de lecture de M. Morrison. À ce moment, M. Morrison était aussi l’un des cinq membres du groupe chargé d’administrer le Protocole public en cas d’incident électoral majeur (PPCIEM), lequel a été établi afin de contrer les menaces publiques d’ingérence étrangère durant les élections fédérales et de les signaler au public.

On pourrait s’attendre raisonnablement à ce que M. Morrison, vu ce double rôle, soit encore plus préoccupé par le contenu de la note. En fait, le manque d’intérêt de M. Morrison pour une note signalant l’ingérence de la RPC auprès de députés remet en question la capacité de jugement de ce dernier et son aptitude à exercer son rôle en tant que conseiller à la sécurité nationale et au renseignement et membre du groupe chargé d’administrer le PPCIEM. La question se pose aussi en ce qui concerne son rôle actuel de sous-ministre des Affaires étrangères. Nous notons également que l’approche désinvolte de M. Morrison laissait présager le défaut du groupe chargé d’administrer le PPCIEM d’intervenir face à ce qui s’est révélé plus tard une stratégie sophistiquée employée par la RPC pour s’ingérer dans les élections de 2021 afin d’aider les libéraux de Justin Trudeau et de défaire certains candidats conservateurs.

M. Morrison a déclaré qu’après l’avoir lu (des mois après son insertion dans le dossier de lecture), la note de juillet avait « suffisamment suscité [son] intérêt pour [qu’il] commande un document de suivi […] afin d’obtenir le portrait le plus complet possible de l’ingérence étrangère de la Chine au Canada[14] ». Ce document a été finalisé seulement en janvier 2022 — soit cinq mois après que M. Morrison a eu la note dans son dossier de lecture. M. Morrison ne savait pas si le premier ministre avait eu connaissance du document de suivi et ne pouvait pas dire que ce qui en était advenu au sein du gouvernement[15]. Or, étant donné que le député Chong a appris qu’il était la cible de la RPC en lisant un article du Globe and Mail, il est évident que rien n’a été fait pour informer les députés, dont M. Chong, des activités de la RPC à leur encontre et les en protéger.

Le ministre Blair a trompé le Comité

Nous estimons que le ministre Blair a délibérément trompé le Comité à sa comparution du 1er juin 2023, lorsqu’il a parlé des circonstances ayant fait en sorte qu’il n’avait pas lu la note d’information relative à la gestion des enjeux ou n’avait pas été informé de son contenu. La note en question contenait du renseignement indiquant que le député Chong et sa famille étaient ciblés par la RPC.

Cette note a été transmise le 31 mai 2021, à l’attention du ministre Blair. Or, ce dernier a affirmé qu’il n’en avait pas eu connaissance et qu’il avait seulement été informé de la situation de M. Chong lorsque The Globe and Mail a publié un article à ce sujet le 1er mai 2023.

Devant le Comité, lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas pris connaissance de la note, le ministre Blair a déclaré à plusieurs reprises que le directeur du SCRS avait pris la décision de ne pas lui communiquer l’information contenue dans ce document. Il a affirmé qu’il s’agissait d’une « décision opérationnelle » du directeur. Voici quelques passages pertinents du témoignage du ministre Blair à ce sujet :

[Le directeur du SCRS] a déterminé qu’il n’était pas nécessaire que je sois informé, alors on ne m’a jamais parlé de l’existence de ces renseignements, et on ne me les a jamais transmis.
[…]
Dans le cas qui nous occupe, cet organisme [le SCRS] a déterminé que les renseignements n’avaient pas à être communiqués au ministre et il ne me les a pas transmis.
[…]
Dans cette situation en particulier, le SCRS a pris une décision opérationnelle sur les renseignements qui devaient être transmis au gouvernement. Il a déterminé qu’il n’était pas nécessaire de communiquer l’information. Deux ans plus tard, lorsque la presse a eu vent de cette information, elle m’a été transmise[16].

À première vue, le témoignage du ministre Blair est absurde. Pourquoi le SCRS aurait-il transmis au ministre Blair une note d’information relative à la gestion des enjeux contenant des renseignements sur la base desquels on avait pris la « décision opérationnelle » de ne pas l’informer de la situation. Cela défit le bon sens et manque de crédibilité.

Par ailleurs, le témoignage du ministre Blair contredit directement celui du directeur du SCRS, David Vigneault, qui a déclaré que le SCRS avait préparé une note d’information relative à la gestion des enjeux à l’intention du ministre Blair pour l’informer que le député Chong et sa famille étaient ciblés par la RPC. Comme l’a indiqué M. Vigneault,

Je pense que le fait que nous ayons rédigé une note sur la gestion des enjeux montre bien que nous voulions mettre l’accent sur ces renseignements[17].

M. Vigneault a ensuite expliqué en quoi la transmission de renseignements au moyen d’une note d’information relative à la gestion des enjeux est importante, précisant que le SCRS diffuse un tel document « lorsque nous constatons que quelque chose de très important ». Voici ce qu’il a indiqué :

Nous avons mis en place ce processus qu’on appelle la note de gestion de l’information. La note serait communiquée pour attirer l’attention des gens sur quelque chose en particulier. C’était là l’objectif de cette note. Il s’agissait de la porter à l’attention des personnes auxquelles elle était destinée[18].

Il n’est pas nécessaire de s’en tenir au témoignage de M. Vigneault pour y voir clair. Des documents récents du SCRS, transmis en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, viennent confirmer le témoignage de ce dernier. Une copie de la note en question, telle que transmise par le SCRS et soumise par les conservateurs au Comité, se trouve en annexe.

Le ministre Blair a comparu une deuxième fois devant le Comité, et on lui a demandé à cette occasion des précisions sur son témoignage précédent. Voici ce qu’il a dit : « J’ai supposé que si le directeur ne me transmettait pas l’information, il n’était pas nécessaire qu’elle soit portée à mon attention.[19] ».

Nous ne sommes pas satisfaits de cette explication. De toute évidence, le ministre Blair a tenté d’éviter toute responsabilité pour avoir transmis des informations fausses et inexactes lors de sa comparution du 1er juin 2023. Le ministre ne s’est pas seulement mal exprimé; il a activement induit le Comité en erreur.

Voici nos observations à l’appui de cette conclusion. Le ministre Blair a utilisé des mots très précis, déclarant notamment qu’une « décision opérationnelle » avait été prise par le SCRS. Ses propos à ce sujet sont sans équivoque. En outre, le ministre Blair a fait cette affirmation à plusieurs reprises, ce qui montre qu’il a choisi délibérément ses mots et ne s’est pas mal exprimé.

Il est ahurissant de penser que le ministre Blair n’était pas au courant de renseignements indiquant que le député Chong était ciblé par la RPC, renseignements que le SCRS lui avait spécifiquement transmis dans une note pour l’informer de « quelque chose de très important ». C’est là une grave rupture dans la chaîne de transmission de l’information et du renseignement, qui s’est produite sous l'autorité du ministre Blair. En tant que ministre, M. Blair est responsable de cette défaillance. Or, au lieu d’en accepter la responsabilité, il a pointé du doigt le directeur du SCRS, en supposant qu’on avait pris une « décision opérationnelle » de ne pas l’informer. Il l’a affirmé, même s’il a dû savoir sans doute qu’une telle décision n’avait jamais été prise. Le témoignage subséquent du ministre Blair, indiquant qu’il avait « supposé » que le directeur ne jugeait « pas nécessaire [que cette information] soit portée à [son] attention », confirme ce que nous pensons. Ces propos sont très différents de ceux que le ministre avait tenus le 1er juin 2023, lorsqu’il avait parlé d’une « décision opérationnelle » du directeur du SCRS.

Le ministre Blair était tenu de dire la vérité pendant son témoignage, mais il ne l’a pas fait. Il a transmis des informations trompeuses au Comité, cherchant à sauver sa peau et à éviter la responsabilité d’une grave défaillance survenue alors qu’il était ministre de la Sécurité publique.

Induire un comité parlementaire en erreur est très grave; un tel comportement peut être considéré comme un outrage au Parlement. On ne peut pas fermer les yeux. Pour cette raison, nous signalons à la Chambre des communes le témoignage trompeur de M. Blair. Étant donné qu’une question de privilège est peut-être en jeu, nous donnons ainsi l’occasion à la Chambre de se pencher sur la question.

Des députés libéraux ont empêché la production de documents pertinents

Le Comité n’a pas pu obtenir tous les documents et témoignages pertinents en raison de la campagne soutenue des membres libéraux du Comité en vue de dissimuler de l’information. Sont entre autres visées la note d’information relative à la gestion des enjeux et la note de service de juillet.

Cette campagne avait parfois le soutien des députés néo-démocrates et bloquistes. Résultat : le Comité n’a pas pu examiner pleinement la question de privilège touchant le député Chong et d’autres députés ciblés par le RPC. Les conclusions et recommandations contenues dans le rapport du Comité sont donc fondées sur des informations incomplètes, ce qui est inacceptable.

De toute évidence, en raison d’une grave défaillance de l’appareil gouvernemental, pendant deux ans, le député Chong n’a pas été informé que lui et sa famille étaient ciblés par la RPC. Le Président de la Chambre des communes a déterminé qu’il y avait un outrage fondé de prime abord aux privilèges de M. Chong en tant que député. Par suite de cette décision de la présidence, la Chambre a adopté à l’unanimité une motion demandant au Comité de se pencher sur cette affaire.

Le Comité avait le mandat d’examiner en profondeur les circonstances entourant les activités de la RPC ciblant le député Chong, et le fait que le gouvernement de Justin Trudeau a négligé d'informer ce dernier de la situation. Pour que le Comité puisse s’acquitter de son mandat, il était essentiel que des documents soient produits. Le député Chong a d’ailleurs souligné l’importance de la production de documents lors de sa comparution devant le Comité, déclarant qu’il était nécessaire pour le Comité d’« obtenir les documents et les dossiers de suivi » afin de dégager les « problèmes systémiques » ayant occasionné la défaillance de l’appareil gouvernemental qui l’avait laissé dans l’ignorance[20].

Par conséquent, les conservateurs ont présenté de multiples motions afin d’exiger la production de tous les documents pertinents. Or, ces efforts ont été contrecarrés à toutes les étapes par les députés libéraux, sans doute sous la direction de Justin Trudeau et du Cabinet du premier ministre.

Après des mois d’obstruction par les députés libéraux, le député Chong a jugé nécessaire d’écrire au Comité afin de le prier d’exercer ses pouvoirs sans entraves et d’obtenir tous les documents pertinents concernant la campagne d’intimidation de la RPC. Comme l’a fait observer ce député :

Sans cette information, le Comité ne sera pas mesure de comprendre pleinement ce qui s’est passé et de présenter des recommandations à la Chambre en vue d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise, tant pour moi que pour d’autres députés[21] ».

Les députés libéraux ont fait fi de la lettre de M. Chong, encore une fois sans doute sous la direction de Justin Trudeau et du Cabinet du premier ministre. Ils ont plutôt décidé de conclure l’étude et de préparer un rapport sans avoir demandé ou examiné les documents pertinents. Par conséquent, le Comité s’est retrouvé dans une situation intenable : rédiger un rapport et formuler des recommandations en se fondant sur des informations incomplètes. Incroyablement, The Globe and Mail, le premier à rapporter que le député Chong et sa famille étaient la cible de la RPC, a eu accès à des documents que les députés libéraux ont empêché le Comité d’obtenir.

Les députés libéraux ont prétendu qu’ils empêchaient le Comité d’obtenir ces documents pour des raisons de sécurité nationale, ce qui est sans fondement. Les motions présentées par les conservateurs en vue de la production des documents pertinents prévoyaient un mécanisme qui aurait permis au légiste et conseiller parlementaire d’expurger des informations à des fins de protection de la sécurité nationale. Il est important de noter que cette personne a une cote de sécurité de niveau très secret. Autrement dit, la production des documents pertinentes ne risquait pas, de manière crédible, de porter atteinte à la sécurité nationale.

Les députés libéraux ont plutôt utilisé la sécurité nationale comme un prétexte, toujours sous la direction de Justin Trudeau et du Cabinet du premier ministre, et ce pour protéger M. Trudeau et ses ministres de toute responsabilité à l’égard de cette grave défaillance de l’appareil gouvernemental.

Ces actions font partie d’une campagne d’obstruction et de dissimulation menée par le gouvernement libéral de Justin Trudeau. On ne peut pas faire confiance à ce gouvernement pour dire la vérité et transmettre avec transparence de l’information au Parlement. Au contraire, il a déployé des efforts sans précédent pour cacher la vérité.

Les conclusions du Comité spécial de parlementaires, qui a examiné les documents du laboratoire de Winnipeg, abondent dans le même sens. Formé de députés de tous les partis reconnus et de trois juges à la retraite, le Comité a déterminé que la décision du gouvernement de Justin Trudeau de ne pas transmettre les documents du laboratoire de Winnipeg « visait surtout à protéger le gouvernement de l’embarras » et que les préoccupations relatives à la sécurité nationale n’étaient pas légitimes[22].

Compte tenu de ses antécédents en matière de dissimulation et des questions de sécurité nationale non fondées soulevées par les députés libéraux, il est clair que tous ces efforts avaient réellement pour but de protéger Justin Trudeau d’une situation politique embarrassante. Le fait que les députés libéraux siégeant au Comité ont priorisé les intérêts politiques de Justin Trudeau, plutôt que de chercher à savoir exactement pourquoi le député Chong avait été laissé dans l’ignorance pendant deux ans, démontre qu’ils abdiquent leur responsabilité et remet en question la crédibilité du rapport du Comité, surtout vu le manque d’information.

Conclusion

Les circonstances entourant cette question de privilège révèlent une grave défaillance de l’appareil gouvernemental. En tant que premier ministre, Justin Trudeau en est l’ultime responsable. Il ressort clairement de la conduite des membres libéraux du Comité que leur objectif premier dans le cadre de cette étude était de protéger Justin Trudeau d’une situation embarrassante sur le plan politique. Ils ont priorisé cet objectif plutôt que d’examiner en profondeur ce qui s’est produit et de demander des comptes au gouvernement.

Pour terminer, nous tenons à souligner, comme nous l’avons fait observer, que le ministre Blair a intentionnellement transmis des informations trompeuses et inexactes au Comité durant son témoignage afin de se protéger et de se dégager de toute responsabilité pour ne pas avoir lu la note que le SCRS lui avait transmise en lui indiquant qu’elle était de grande importance. Nous estimons que cette conduite pourrait constituer un outrage au Parlement et nous demandons que la question soit renvoyée à la Chambre pour examen.

Annexe

De : [expurgé]

À : [expurgé]

Cc : [expurgé]

Objet : Débriefings défensifs pour deux députés concernant les activités d’ingérence étrangère de la RPC

Classification : Très secret//Réservé aux Canadiens

Restriction d’accès : AR

Numéro de dossier : [expurgé]

Bonjour,

Le SCRS voudrait partager les informations suivantes.

Veuillez noter que la distribution est confinée uniquement au : sous-ministre de la Sécurité publique, au ministre de la Sécurité publique, MIN PS CoS, et au conseiller à la sécurité nationale et au renseignement.

Note d’information relative à la gestion des enjeux du SCRS

Sujet/Contexte

Débriefings défensifs pour deux députés concernant les activités d’ingérence étrangère de la RPC

Clients

BCP et SP

Date de la demande s.o.

Date de la réponse

Le 31 mai 2021

Source originale

SCRS

Avertissement : distribution restreinte

Ce rapport contient des informations sensibles. La distribution doit être confinée uniquement au :

Sous-ministre de la Sécurité publique, ministre de la Sécurité publique, CD MIN SP, et conseiller à la sécurité nationale et au renseignement

TRÈS SECRET//CEO

QUESTION : SCRS organisera des débriefings défensifs pour les députés Michael CHONG et Kenny CHIU afin de les sensibiliser aux menaces d’ingérence étrangère posées par la République populaire de Chine (RPC).

CONTEXTE : La RPC s’intéresse activement aux députés CHONG et CHIU. Le SCRS estime que [expurgé] des acteurs de la menace de l’ingérence étrangère de la RPC.

Le SCRS estime que CHONG et CHIU présentent un intérêt immédiat pour la mission de la RPC en raison de leur participation au Sous-comité des droits internationaux de la personne de la Chambre des communes ainsi que de leurs positions respectives au sein du Parlement. CHONG a également été personnellement associé à de nombreux efforts visant à mettre en lumière les activités de menace de la RPC à l’encontre du Canada, et CHIU est le député d’une circonscription présentant un grand intérêt pour la RPC. Le SCRS [expurgé] dans les deux députés de la part de plusieurs acteurs de la menace de la RPC, y compris le ministère de la Sécurité de l’État (MSS).

Les débriefings défensifs pour CHONG et CHIU sont destinés à :

[expurgé]

[expurgé]

CHIU est le député de Steveston–Richmond-Est, [expurgé]

Note

CES INFORMATIONS SONT COMMUNIQUÉES À VOTRE ORGANISATION À DES FINS DE RENSEIGNEMENT UNIQUEMENT ET NE PEUVENT ÊTRE UTILISÉES DANS LE CADRE D’UNE PROCÉDURE JUDICIAIRE. CE DOCUMENT NE PEUT ÊTRE RECLASSÉ, DIFFUSÉ OU DIVULGUÉ EN TOUT OU EN PARTIE SANS L’AUTORISATION ÉCRITE DE SCRS. CE DOCUMENT CONSTITUE UN DOCUMENT QUI PEUT FAIRE L’OBJET DE DÉROGATIONS EN VERTU DE LA LOI SUR L’ACCÈS À L’INFORMATION OU DE LA LOI SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS, OU EN VERTU DE LA LÉGISLATION PROVINCIALE OU TERRITORIALE APPLICABLE. SI UNE DEMANDE D’ACCÈS EST FAITE EN VERTU DE CES LOIS, L’ORGANISME DESTINATAIRE DOIT CONSULTER LE SCRS EN CE QUI CONCERNE L’APPLICATION DES DÉROGATIONS DISPONIBLES. EN OUTRE, LE SCRS PEUT PRENDRE TOUTES LES MESURES NÉCESSAIRES EN VERTU DE L’ARTICLE 38 DE LA LOI SUR LA PREUVE AU CANADA OU D’AUTRES LOIS POUR PROTÉGER CES INFORMATIONS. SI VOUS APPRENEZ QUE CES INFORMATIONS ONT ÉTÉ OU POURRAIENT ÊTRE DIVULGUÉES, QUE CES MISES EN GARDE N’ONT PAS ÉTÉ RESPECTÉES OU QUE VOUS N’ÊTES PAS EN MESURE DE RESPECTER CES MISES EN GARDE, INFORMEZ-EN IMMÉDIATEMENT SCRS.


[1] Justin Trudeau, Pour un gouvernement ouvert et responsable, p. 62, 27 novembre 2015.

[2] Témoignages : 13 juin 2023 (David Vigneault).

[3] Ibid.

[4] Témoignages : 1er juin 2023 (l’honorable Bill Blair).

[5] Témoignages : 13 juin 2023 (David Vigneault).

[6] Témoignages : 19 octobre 2023 (Rob Stewart).

[7] Témoignages : 24 octobre 2023 (l’honorable Bill Blair).

[8]  Témoignages, 1er juin 2023, (Jody Thomas).

[9]  Ibid.

[10] Ibid.

[11] Témoignages, 13 juin 2023 (David Morrison).

[12] Ibid.

[13] Chase, Steven; Fife, Robert. « CSIS head tells MP Michael Chong that he and Family were Targeted by China », The Globe and Mail, May 2, 2023 [traduction].

[14] Témoignages, 13 juin 2023 (David Morrison).

[15] Ibid.

[16] Témoignages, 1er juin 2023 (l’honorable Bill Blair).

[17] Témoignages, 13 juin 2023 (David Vigneault). 

[18] Ibid.

[19] Témoignages, 24 octobre 2023 (l’honorable Bill Blair).

[20] Témoignages, 16 mai 2023 (l’honorable Michael Chong).

[21] Témoignages, Lettre adressée au président du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, l’honorable Michael Chong, 4 décembre 2023 [traduction].

[22] Lettre adressée aux leaders parlementaires des partis reconnus à la Chambre des communes, Comité spécial de parlementaires, 19 février 2024 [traduction].