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SECU Rapport du Comité

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Des communautés plus sûres : Concentrer les ressources là où elles peuvent faire une réelle différence

Introduction

Ce rapport a été rédigé par les députés conservateurs du Comité permanent de la sécurité publique et nationale afin de complémenter le rapport du comité intitulé : La voie à suivre pour réduire la violence par arme à feu. Cette étude exhaustive a examiné les causes et les facteurs contribuant à la violence à main armée et a analysé les tactiques policières, les ramifications juridiques et leurs impacts sociétaux. Le rapport final contient une multitude de recommandations, dont beaucoup sont soutenues par des députés issus de tous les partis.

Cependant, quelques recommandations n’étaient pas conformes aux preuves importantes présentées au comité. Plus particulièrement, la recommandation de mettre en œuvre un rachat obligatoire des armes à feu interdites en vertu du décret du gouvernement du Canada de mai 2020 (et des ajouts subséquents au décret) et de l’interdiction provinciale sur les armes de poing proposées par le gouvernement du Canada n’a pas reçu un appui suffisant de la part des témoins pour justifier une recommandation au gouvernement de poursuivre la mise en œuvre du programme de rachat.

Qui plus est, le Comité a entendu que les importantes ressources des contribuables pour financer le rachat et l’interdiction des armes de poing auraient un plus grand impact sur la réduction de la violence à main armée au Canada si ces ressources étaient redirigées vers des programmes de prévention et de déjudiciarisation pour les jeunes et les jeunes adultes.

De plus, le Comité a appris que le projet de loi C-5 du gouvernement, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qui mettra fin aux peines minimales obligatoires pour les personnes reconnues coupables de crimes violents commis avec des armes à feu, aurait un impact négatif sur la réduction de la violence à main armée.

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada révoque le décret de mai 2020 interdisant les armes à feu, abandonne le programme de rachat obligatoire et renonce à l’interdiction provinciale proposée sur les armes de poing.

Le Comité a entendu de nombreux témoignages d’experts, notamment des représentants des forces de l’ordre, des universitaires et des organisations communautaires, qui ont contesté l’efficacité et la faisabilité du programme de rachat obligatoire des armes à feu et de l’interdiction provinciale des armes de poing proposée par le gouvernement. Il est important de noter que le comité a entendu que la violence à main armée est principalement causée par l’activité des gangs et des criminels, et non celle des propriétaires d’armes à feu respectueux de la loi, et que, par conséquent, les efforts pour combattre la violence à main armée doivent être adaptés en conséquence.

Le Comité a appris qu’environ 80 % des armes à feu utilisées pour commettre des crimes violents à Toronto sont importées illégalement des États-Unis. Par exemple, le chef adjoint du service de police de Toronto, Myron Demkiw, a expliqué que :

L’expérience de la ville de Toronto est que les armes à feu utilisées à des fins criminelles n’appartiennent pas à des citoyens respectueux de la loi. Il s’agit d’armes à feu importées illégalement depuis les États-Unis. Les personnes qui manipulent ces armes à feu ne sont pas des propriétaires d’armes à feu respectueux de la loi et ne détiennent pas de permis pour ces armes ; ce sont des criminels sans permis de port d’arme.

De plus, Marcell Wilson, fondateur et président de One-by-One Movement Inc., une organisation fondée par d’anciens membres de gangs, des extrémistes et des membres du crime organisé pour aider à identifier, aborder et étudier des stratégies afin d’établir des programmes sociaux efficaces pour les jeunes, a expliqué que « lorsque nous parlons de contrôle des armes à feu, lorsque nous entendons l’expression, elle devrait toujours être synonyme de crime commis avec des armes à feu obtenues illégalement, car plus de 80 % des crimes à main armée sont commis avec des armes à feu illégales importées des États-Unis. »

Evelyn Fox, fondatrice de Communities for Zero Violence, a déclaré que « toute la violence commise au niveau communautaire est perpétrée par des gens qui ne sont pas autorisés à posséder ou à utiliser des armes à feu. »

Qui plus est, le Comité a entendu de nombreux experts de la police et des organisations communautaires affirmer qu’il est très peu probable qu’un criminel qui a obtenu ou possède une arme à feu illégale participe à une interdiction sur les armes à feu ou soit affecté par celle-ci. Par conséquent, un programme de rachat ou une interdiction sur les armes de poing ne risque pas de retirer une seule de ces armes à feu illégales des mains des criminels et n’aura donc aucun réel impact sur la réduction de la violence à main armée, tout en coûtant des milliards de dollars aux contribuables.

Par exemple, le chef Evan Bray, de l’Association des chefs de police, a déclaré « qu’une interdiction n’est valable qu’aux yeux des personnes prêtes à la respecter. J’ai dit au chef McFee que nous avons une interdiction des meurtres au Canada et pourtant, malheureusement, nous avons encore des homicides qui se produisent régulièrement. »

Kevin Walker, directeur intérimaire de la Bear Clan Patrol, une organisation communautaire de sécurité dirigée par des autochtones à Winnipeg, a déclaré ce qui suit : « Je pense que les personnes qui utilisent ces armes à des fins criminelles ne sont pas près de les remettre à qui que ce soit. »

Le Dr Caillin Langmann, médecin urgentologue, professeur universitaire et chercheur de premier plan au Canada sur l’impact des mesures gouvernementales en matière de contrôle des armes à feu appartenant à des propriétaires d’armes à feu autorisées sur la prévalence de la violence à main armée, a rédigé plusieurs études sociologiques évaluées par les pairs sur cette question. En un mot, le Dr Langmann a fait part au comité de ce qui suit :

Aucune association bénéfique statistiquement significative n’a été trouvée entre le projet de loi sur les armes à feu et les homicides commis à l’aide d’armes à feu, ainsi que les homicides entre conjoints et une accusation criminelle de décharge d’une arme à feu avec intention. L’interdiction sur les armes à feu d’apparence militaire, des fusils et des armes de poing semi-automatiques, des armes de poing à canon court et des émissions spéciales du samedi soir dans les années 1990 n’a entraîné aucune réduction connexe des taux d’homicide.

Recommandation 2

Que les ressources des contribuables affectées à l’administration du programme obligatoire de rachat des armes à feu prohibées et à l’interdiction provinciale proposée sur les armes de poing soient réaffectées à l’augmentation des opérations de lutte contre la contrebande à nos frontières, à l’augmentation des ressources des services de police et au financement des programmes de prévention et de déjudiciarisation des gangs de jeunes et de jeunes adultes

On estime que le programme de rachat pourrait coûter plus de trois milliards de dollars aux contribuables, et le gouvernement du Canada a déclaré qu’il fournirait un milliard de dollars supplémentaires pour mettre en œuvre une interdiction provinciale proposée des armes de poing. Les témoins du comité se sont prononcés à plusieurs reprises en faveur de la réorientation des ressources destinées au rachat et à l’interdiction proposée des armes de poing vers des domaines plus efficaces pour réduire la violence à main armée, comme l’augmentation des opérations de lutte contre la contrebande à la frontière canado-américaine, l’augmentation des ressources destinées aux services de police et le financement des programmes de prévention et de déjudiciarisation des gangs de jeunes et de jeunes adultes.

Le Comité a également entendu des témoins dire que l’Agence des services frontaliers du Canada dispose de ressources limitées pour lutter contre les opérations de contrebande d’armes à feu. Par exemple, Mark Weber, du Syndicat des douanes et de l’immigration de l’Agence des services frontaliers du Canada, a expliqué que les agents frontaliers sont confrontés à des défis importants pour protéger la frontière entre le Canada et les États-Unis, qui est la plus longue frontière non défendue entre pays du monde. M. Weber a déclaré : que « non seulement la capacité du Canada à empêcher la contrebande fait défaut, mais sa capacité à recueillir des données fiables et justes est également inadéquate » et « qu’il n’y a presque aucune chance qu’une arme illégale entrant dans le pays par voie ferroviaire soit un jour trouvé. »

Les autorités policières de tout le Canada ont témoigné du fait que leurs ressources sont limitées et qu’il est très difficile de suivre le rythme de la violence croissante des gangs et du trafic de drogue au Canada qui contribue à la violence à main armée. Le recrutement et le maintien en poste des agents de police et le manque de ressources suffisantes ont une incidence sur la capacité de la police à répondre aux appels de service et à prendre des mesures préventives. Par conséquent, les services de police connaissent l’épuisement professionnel et la fatigue. Ces problèmes contribuent à remettre en question le rôle vital que jouent les services de police dans la lutte contre la violence à main armée au Canada.

Le Comité a entendu des policiers dire que le détournement des ressources policières limitées pour mettre en œuvre un programme de rachat d’armes à feu inefficace ne fera qu’exacerber la pression sur les services de police et nuire à leur capacité de se concentrer sur la lutte contre les activités des gangs qui sont à l’origine de la plupart des actes de violence armée au Canada. Les témoins de la police qui ont comparu devant le Comité ont déclaré, à maintes reprises, que les milliards de dollars des contribuables qui seront dépensés dans le cadre du programme de rachat d’armes à feu du gouvernement auraient plus d’impact sur la réduction de la violence à main armée si ces ressources étaient affectées à l’augmentation des services de police pour le recrutement d’un plus grand nombre d’agents, la mise à niveau de la technologie et de l’équipement, et la sensibilisation des collectivités.

Par exemple, Brian Sauvé, président de la Fédération nationale des policiers, a expliqué que : « Les difficultés que nous rencontrons avec le programme de rachat consistent à accroître une fois de plus le mandat d’un service de police débordé qui n’a pas assez d’officiers sur le terrain pour faire ce qu’il fait actuellement. »

Le Comité a entendu dire que les programmes de prévention des gangs et de déjudiciarisation pour les jeunes et les jeunes adultes qui créent des environnements favorables et positifs au niveau communautaire et qui tiennent compte des différences culturelles peuvent empêcher efficacement les jeunes de se joindre à nouveau à un gang de rue. Le comité a entendu dire que si un enfant peut être déjudiciarisé, la probabilité qu’il mène une vie de crime et contribue à la croissance de la violence à main armée est considérablement réduite. Actuellement, ces programmes sont extraordinairement sous-financés.

Par exemple, le Service de police de Winnipeg n’a qu’un seul employé à temps plein pour effectuer ce travail et Maurice Sabourin, président de l’Association des policiers de Winnipeg, a expliqué que son service « pourrait bénéficier de plus de ressources dans la rue et pour les programmes sociaux, parce que si nous pouvons atteindre rapidement ces jeunes, cela les empêche d’intégrer un gang ou de continuer à s’impliquer dans un gang. Je pense que le financement de ce programme de rachat devrait être détourné vers ces programmes sociaux. »

Des groupes communautaires comme le Bear Clan¸le One By One Movement inc. et Communities for zero violence (un groupe fondé par la mère d’un fils adolescent tué par la violence à main armée qui cherche à créer et à accroître les efforts de sensibilisation à la crise de la violence à main armée à Toronto et dans la région du Grand Toronto) ont convenu que les ressources des contribuables consacrées au rachat et à l’interdiction des armes à feu auraient peu d’impact sur la réduction de la violence à main armée et que ces ressources pourraient avoir plus d’impact si elles étaient utilisées pour soutenir les jeunes à risque au niveau communautaire.

Par exemple, M. Wilson a affirmé que : « Nous ne voyons certainement pas assez de ressources consacrées aux mesures préventives. Comme nous le savons tous, le bon sens, la déduction logique et la prévention sont beaucoup moins coûteux pour les contribuables que l’intervention. »

Mme Fox a déclaré que : « chaque cas de violence comporte un point d’intervention qui a été négligé ou qui n’a pas fait l’objet d’un suivi adéquat, soit par les personnes les plus proches de la personne ciblée, soit par les prestataires de services, soit par les personnes en position d’autorité dont le travail consiste à intervenir », que « nous avons des communautés traumatisées qui ne sont jamais en mesure de guérir en raison de la persistance de la violence et du manque de ressources pour les soutenir » et que « nous n’avons pratiquement aucun service qui s’occupe de la violence communautaire… il est très difficile de trouver des ressources propres aux cultures. »

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada annule le projet de loi C-5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances qui vise à éliminer les peines minimales obligatoires pour les crimes graves commis à l’aide d’une arme à feu et les accusations de trafic de drogue important, et permettre le maintien des peines minimales obligatoires pour ces crimes odieux.

Le rapport La voie à suivre ne fait aucune recommandation concernant l’abrogation imminente par le gouvernement du Canada des peines minimales obligatoires pour plusieurs crimes graves commis avec des armes à feu, notamment le vol et l’extorsion à l’aide d’une arme à feu, et le fait de tirer avec une arme à feu dans l’intention de blesser, malgré le fait que de nombreux témoins ont fait valoir que ces peines devraient être maintenues afin d’empêcher les criminels violents d’entrer dans les communautés. Étant donné que le comité avait pour tâche d’étudier la meilleure façon de réduire la violence à main armée au Canada, il est contradictoire que le rapport La voie à suivre n’offre pas de recommandations au gouvernement du Canada concernant les préoccupations légitimes que suscite le fait que les criminels qui commettent des crimes violents avec des armes à feu ne soient pas condamnés à des peines d’emprisonnement obligatoires et ne soient donc pas retirés de la société, à la suite de l’adoption prévue du projet de loi C-5.

M. Sabourin a exprimé de sérieuses inquiétudes à ce sujet :

Avec l’introduction du projet de loi C-5 et la proposition de supprimer les peines minimales, je crains que cela n’ait un effet négatif sur la sécurité publique ici, à Winnipeg. En tant que député de notre unité des crimes contre les biens et de notre unité des voitures volées, j’ai vu les avantages de la supervision intensive ainsi que de l’incarcération et des membres de l’élément criminel qui sont placés en incarcération et en détention préventive.

L’inspecteur en chef David Bertrand du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a suggéré que « les discussions sur les peines minimales dans certaines situations d’utilisation et de possession d’armes à feu devraient être réactualisées. » De plus, Matthew Hipwell, un retraité de la GRC, craint qu’en réduisant les peines minimales obligatoires, « nous ne tenions pas les gens et les individus responsables de leurs actes. »

Conclusion

Ce rapport complémentaire s’écarte du rapport La voie à suivre en ce qui concerne les recommandations susmentionnées, que les députés conservateurs du Comité considèrent comme essentielles pour réduire la violence à main armée au Canada. Ces recommandations reflètent mieux les témoignages d’experts entendus par le Comité ainsi que les réalités et les défis liés à la réduction de la violence à main armée au Canada.

Les preuves sont catégoriques : les ressources des contribuables affectées à un programme de rachat obligatoire des armes à feu et à l’interdiction proposée sur les armes de poing ne réduiront pas de manière efficace la violence à main armée parce qu’elles ne s’attaquent pas à la base du problème : les gangs et les activités criminelles. Les ressources des contribuables devraient plutôt être consacrées à l’intensification des opérations de lutte contre la contrebande à la frontière canado-américaine, à l’augmentation des services de police et aux programmes de prévention et de déjudiciarisation des gangs destinés aux jeunes et aux jeunes adultes. L’affectation de ressources adéquates à ces trois secteurs clés aura un impact beaucoup plus important sur la réduction de la violence à main armée au Canada.

Nous espérons que le gouvernement du Canada agira rapidement pour mettre en œuvre les recommandations contenues dans ce rapport complémentaire.