SRSR Rapport du Comité
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Rapport complémentaire du Bloc Québécois
Le Bloc Québécois tient à remercier le personnel de la Bibliothèque du Parlement, les greffiers ainsi que les interprètes pour tout le travail effectué dans le cadre de cette étude. Il tient également à saluer l’apport essentiel des témoins pour leurs présentations éclairantes.
La présente opinion complémentaire vise à faire part des préoccupations du Bloc Québécois à l’égard de certaines recommandations du rapport. Nous sommes d’avis que le présent rapport soulève de graves préoccupations à l’égard de la liberté académique, en termes de définitions et qu’il entretient une confusion sur ses objectifs.
Liberté académique
Les recommandations numéro deux et quatre sont frontalement en opposition avec la liberté académique, et pourraient, à terme, brimer la possibilité de certains chercheurs d’effectuer leur travail.
Nous estimons que le comité ne devrait pas recommander au gouvernement d’élaborer des politiques scientifiques qui se fondent sur des motifs de discrimination, tels la race, la couleur, le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap. Les seuls critères qui devraient guider l’octroi de subventions de recherche doivent être la qualité et la pertinence des projets de recherche. Ce ne sont pas les scientifiques ou les chercheurs qui doivent être évalués, mais leurs propositions de recherche. Ainsi, les critères qui sont relatifs aux personnes que sont les chercheurs plutôt qu’à leurs idées devraient être rejetés.
De surcroît, l’utilisation par le gouvernement fédéral de son pouvoir de dépenser est en soi une intrusion dans un champ de compétence exclusif du Québec et des provinces. Si le gouvernement peut financer la recherche scientifique, il n’a en rien le pouvoir de dicter des conditions qui influencent le milieu de l’éducation et les activités académiques. Ainsi, le gouvernement fédéral devrait minimalement s’assurer que son action publique s’exécute dans le respect des prérogatives du Québec et des provinces, à commencer par le respect de la loi.
Le 3 juin 2022, l’Assemblée nationale du Québec a adopté la Loi sur la liberté académique dans le milieu universitaire.
La loi comporte les éléments qui suivent :
L’article 1 stipule que la mission des établissements d’enseignement de niveau universitaire « comprend la production et la transmission de connaissances par des activités de recherche, de création et d’enseignement et par des services à la collectivité ».
L’article 2 définit de manière technique les établissements concernés, alors que l’article 3 définit la liberté universitaire en suivant de près la formulation adoptée par l’UNESCO en 1997 :
« 3. Le droit à la liberté académique universitaire est le droit de toute personne d’exercer librement et sans contrainte doctrinale, idéologique ou morale, telle la censure institutionnelle, une activité par laquelle elle contribue à l’accomplissement de la mission d’un établissement d’enseignement.
Ce droit comprend la liberté :
1° d’enseignement et de discussion ;
2° de recherche, de création et de publication ;
3° d’exprimer son opinion sur la société et sur une institution, y compris l’établissement duquel la personne relève, ainsi que sur toute doctrine, tout dogme ou toute opinion ;
4° de participer librement aux activités d’organisations professionnelles ou d’organisations académiques.
Il doit s’exercer en conformité avec les normes d’éthique et de rigueur scientifique généralement reconnues par le milieu universitaire et en tenant compte des droits des autres membres de la communauté universitaire. »
Le financement fédéral de la recherche scientifique devrait respecter les lois du Québec, le principe de la liberté académique et l’autonomie universitaire.
Un problème de définitions
Le présent rapport maintient une forme de confusion intellectuelle par son incapacité à définir les termes qu’il utilise. Soulignons que plusieurs témoins ont affirmé qu’il était impossible de définir ce qu’étaient « le savoir et les connaissances autochtones », notamment en raison de l’existence de nombreuses communautés autochtones distinctes. Nous partageons également ce constat, au regard des nombreuses définitions soumises par les témoins. Il ne semble pas, pour le moment, se dégager un consensus sur ce que constituent les savoirs autochtones. Cette confusion est exacerbée par le fait que les termes sciences, connaissances, savoir, croyance ont été utilisés par de nombreux témoins sans être définis. Par conséquent, la recommandation 3 : « d’examiner la représentation des détenteurs de savoirs autochtones au sein de leurs comités d’examen » au sein des conseils subventionnaires fédéraux mériterait d’être approfondie et mieux définie avant d’être poursuivie. Dans la situation actuelle, on est en droit de se demander quelle méthode est utilisée pour définir s’il s’agit d’une croyance ou d’un savoir.
Toujours en lien avec les définitions, certains témoins ont appuyé la nécessité de ne pas donner d’ethnicité, de religion ou de nationalité à la science et aux connaissances scientifiques. Il y a des chercheurs de différentes origines, avec des cultures qui leur sont propres, mais les faits scientifiques et la recherche, eux, une fois confirmés, sont universels, et peuvent donc en principe profiter à tous. Les connaissances, qui découlent d’un processus rigoureux et scientifique, afin de valider ce qui était au départ une croyance, une opinion, bénéficient à toutes et tous et dépassent les clivages sociologiques et géographiques. Ce processus, lui-même établi par la communauté scientifique, et validé par la Cour suprême, ne fait pas de différence entre les types de savoirs, qu’ils soient traditionnels ou non. Nous sommes d’avis qu’il faut soutenir les scientifiques issus de la communauté autochtone, et cela peut être fait sans donner une nature ethnique à la science elle-même.
Objectifs du rapport
Le rapport entretient l’ambiguïté entre deux entreprises de nature différente : la première, politique, qui vise la valorisation et la perpétuation de la culture des différentes communautés autochtones et la seconde, scientifique, qui cherche à faire reconnaitre les savoirs autochtones comme étant égaux ou de même valeur que le discours scientifique moderne. Si le Bloc Québécois, dans une perspective de réconciliation, souscrit pleinement au premier objectif, nous sommes d’avis que le second est de nature épistémique et que ce comité ne possède ni la compétence ni l’autorité pour trancher une telle question. Nous maintenons qu’il est préférable que cette seconde question soit débattue par la communauté scientifique. À cet égard, la recommandation 10 mériterait d’être clarifiée pour définir ce que signifie « la participation des autochtones à l’élaboration de politiques », dans le cadre d’une étude portant sur le savoir et les connaissances scientifiques autochtones. Comme l’a dit un témoin : il n’existe pas de science « occidentale » ou « autochtone » ou mais simplement des sciences validées par les chercheurs de différentes origines sociales, ethniques et géographiques.
Nous reconnaissons les nombreux obstacles qui se dressent devant les chercheurs issus des communautés autochtones. C’est pourquoi nous appuyons les initiatives qui permettront de faire tomber ces barrières systémiques, afin que les individus qui souhaiteront participer à la discussion aient une possibilité réelle de le faire en ayant accès aux ressources scientifiques nécessaires. À ce titre, le rapport 13 du comité permanent des affaires autochtones et du Nord (INAN) : L’éducation comme outil de guérison : une trajectoire pour améliorer les taux de diplomation et les résultats scolaires des étudiants autochtones contient de nombreuses recommandations importantes que le gouvernement devrait s’empresser de mettre en œuvre.