TRAN Rapport du Comité
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RAPPORT COMPLÉMENTAIRE
DU NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE DU CANADA
Transport aérien accessible pour les personnes en situation de handicap
Les néo-démocrates du Canada dénoncent avec indignation les traitements inacceptables infligés aux personnes en situation de handicap par les compagnies aériennes canadiennes. Lors de l’étude du Comité, des témoins ont témoigné sans équivoque que ces abus sont bien plus répandus que les compagnies ne le laissent entendre. Certains ont même rapporté des problèmes majeurs lors de 95 % de leurs voyages. Les compagnies aériennes ont démontré leur incapacité à prendre, de leur propre chef, des mesures concrètes pour permettre aux personnes en situation de handicap de voyager avec dignité et en toute sécurité. Il est plus que temps que le gouvernement fédéral mette en place une politique rigoureuse et un mécanisme de contrôle efficace pour garantir un accès équitable au transport aérien au Canada.
Le NPD appuie les conclusions et recommandations formulées par le Comité dans le cadre de son étude sur le traitement des personnes en situation de handicap par les compagnies aériennes canadiennes. Nous saluons l’intégration de recommandations cruciales issues de témoignages poignants. Ce rapport complémentaire met en lumière des propositions supplémentaires suggérées par les témoins pour renforcer la protection des droits, de la sécurité et de la dignité des personnes handicapées voyageant à bord des compagnies aériennes canadiennes.
1. Que le gouvernement du Canada adopte une loi étendant l’application de la législation sur les droits de la personne à un équipement d’accessibilité, en précisant que tout dommage causé à l’équipement d’accessibilité constitue une violation des droits de la personne.
Les témoins ont souligné que leurs équipements d’accessibilité sont traités comme de simples bagages, alors qu’ils représentent une extension de leur corps. Leur perte ou endommagement entraîne des conséquences graves, tant physiques que psychologiques. C’est pourquoi les témoins ont affirmé que la législation sur les droits de la personne doit être élargie pour inclure l’équipement d’accessibilité.
« Les droits dont je jouis en tant que personne doivent être accordés à mon fauteuil roulant, ce qui signifierait que lorsqu’il est endommagé — lorsqu’un équipement d’accessibilité est endommagé —, ce serait essentiellement une situation qui relève des droits de la personne. Pour cette seule raison, les compagnies aériennes et l’industrie du voyage doivent reconnaître le fait que lorsque je confie à une personne une chose qui remplace essentiellement mes jambes, il faut lui accorder le même respect qu’à un être humain. » – Max Brault, expert-conseil
Le NPD estime qu’il s’agit d’une question fondamentale en ce qui concerne le traitement des personnes en situation de handicap par les compagnies aériennes canadiennes. Ces équipements sont plus que de simples bagages ; ils permettent aux personnes en situation de handicap de participer pleinement à la vie sociale. Chaque atteinte à ces équipements doit être considérée comme une atteinte aux droits de la personne. Comme l’a affirmé M. Lupien devant le Comité :
« Je ne pense pas que, si on coupait les pieds d’une personne qui marche, on se contenterait de s’excuser de lui avoir coupé les pieds par accident, en lui disant qu’elle devra passer ses vacances sans ses pieds. Briser notre fauteuil, c’est comme nous enlever nos jambes. » – Paul Lupien, président, COPHAN
2. Que le gouvernement du Canada étende immédiatement la politique « une personne, un tarif » (1P1F) aux vols internationaux en provenance et à destination du Canada.
Depuis 2008, cette politique est appliquée aux vols intérieurs, puis intégrée en 2019 au Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées. Toutefois, elle exclut encore les vols internationaux, créant une barrière financière pour les personnes nécessitant un siège supplémentaire (p. ex. : accompagnateur, animal d’assistance, ou pour leur taille). Selon le mouvement « le handicap sans pauvreté », les personnes en situation de handicap au Canada sont deux fois plus susceptibles de vivre sous le seuil de pauvreté que les autres. De plus, le directeur parlementaire du budget a indiqué que leur seuil de pauvreté est estimé 30 % plus élevé en raison de coûts additionnels, tels que la réservation de sièges supplémentaires sur les vols. Pendant des années, l’OTC et le gouvernement fédéral ont affirmé que les obligations internationales les empêchaient d’étendre le programme 1p1t aux vols internationaux. Cependant, les obligations internationales souvent invoquées par le gouvernement ne justifient en rien l’abandon de sa responsabilité d’assurer des transports accessibles à tous.
« Ces préoccupations concernant les engagements internationaux du Canada sont dénuées de tout fondement. Le Canada a non seulement le droit, mais aussi l’obligation d’imposer aux compagnies aériennes desservant son territoire depuis l’étranger qu’elles respectent l’article 9 de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées et le droit à un transport accessible qui y est enchâssé. » – Gabor Lukacs, président, Droits des voyageurs
3. Que le gouvernement du Canada interdise l’obligation de fournir des documents médicaux pour accéder aux aménagements, sauf si cela est jugé indispensable pour des raisons de sécurité.
Les néo-démocrates estiment qu’il est essentiel de lever tous les obstacles qui freinent l’accès des personnes en situation de handicap au système de transport canadien. Parmi les barrières les plus frustrantes, les témoins ont dénoncé les exigences de formulaires médicaux imposées par les compagnies aériennes. Chaque compagnie ayant ses propres formulaires et critères, les voyageurs doivent remplir cette documentation à chaque déplacement, car les informations ne sont jamais conservées. Ce processus, coûteux, chronophage et souvent humiliant, est un véritable calvaire pour bon nombre d’entre eux. Comme l’a confié un témoin au Comité :
« Chez WestJet, lorsqu’une personne dépasse la largeur du siège auquel elle a droit selon la notion d’une personne, un tarif — dans le cadre de cette bataille juridique, l’obésité était considérée comme un handicap —, elle doit se soumettre à un processus dégradant qui consiste à mesurer son fessier. Les mesures doivent être mises sur papier. Un médecin doit les approuver — il faut d’abord essayer de trouver un médecin — et il faut ensuite les envoyer. WestJet a un algorithme pour lequel elle a dépensé beaucoup d’argent et dont elle a la propriété exclusive. Ces mesures servent à décider si un siège supplémentaire sera oui ou non attribué à la personne. C’est humiliant, embarrassant et coûteux, et c’est pourquoi beaucoup de personnes handicapées ne voyagent plus, parce qu’elles ont été blessées. Elles sont lésées par le processus. » – Heather Walkus, présidente nationale, Conseil des Canadiens avec déficiences
Dans un contexte où de moins en moins de Canadiennes et Canadiens ont accès à un médecin de famille, exiger qu’une personne en situation de handicap trouve un médecin pour remplir, à ses frais, les formulaires de chaque compagnie, tout en sacrifiant sa vie privée, est à la fois injuste et inutile. Cela constitue non seulement une barrière discriminatoire, mais également une violation de leur droit à la vie privée.
4. Que l’Office des transports du Canada impose aux compagnies aériennes et exploitants d’aéroports qu’un seul employé, formé pour accompagner les passagers en situation de handicap, prenne en charge chaque personne de l’arrivée à l’aéroport jusqu’à l’embarquement, et du débarquement jusqu’à leur sortie de l’aéroport.
Plusieurs témoins ont dénoncé le traitement indigne et inefficace qu’ils subissent dans les aéroports, où ils sont transférés d’un employé à un autre comme un colis, sans suivi ni continuité. Cette pratique, décrite comme une source de stress et d’abandon, les laisse souvent sans aide pendant de longues périodes : incapables d’accéder aux toilettes, sans savoir quand ou si quelqu’un viendra leur prêter assistance. À chaque étape, ils doivent répéter leurs besoins spécifiques, ce qui aggrave leur frustration et leur sentiment de vulnérabilité.
« J’ai moi-même attendu quatre heures devant une porte d’embarquement. Personne n’est venu me voir. Je n’avais aucun moyen de communiquer avec quelqu’un, par exemple pour aller aux toilettes ou pour avoir quelque chose à manger. Je ne pouvais pas utiliser les services aéroportuaires. On nous trimballe comme des bagages d’un bout à l’autre de l’aéroport. » – Heather Walkus, présidente nationale, Conseil des Canadiens avec déficiences
« Chaque fois que nous passons d’une personne à une autre, nous devons décrire à nouveau nos bagages. Nous devons répéter les divers services dont nous avons besoin ou les choses que nous devons faire. Nous devons réexpliquer le tout aux gens pour qu’ils sachent de quel genre d’aide nous pourrions avoir besoin. Nous avons affaire à des gens qui ont différents niveaux de compétence et de formation.[…] Il n’y a rien de plus frustrant que d’être confié à un autre employé après avoir franchi les contrôles de sécurité et de ne pas être en mesure de lui dire où se trouvent vos affaires parce que vous ne savez pas à quel terminal les agents de sécurité ont déplacé vos bagages pour les vérifier, d’autant plus que vous ne connaissez pas la disposition des lieux. » – Robert Fenton. président du conseil d’administration, Institut national canadien pour les aveugles
Il est inacceptable que des voyageurs soient ainsi exposés à des situations humiliantes et à des risques pour leur sécurité. La solution est claire : le gouvernement doit exiger que chaque personne en situation de handicap bénéficie d’un accompagnement continu par un employé dédié, formé pour répondre à leurs besoins, afin de leur garantir un voyage digne et respectueux, du début à la fin.
5. Que le gouvernement du Canada oblige les compagnies aériennes et les aéroports à :
(a) installer et maintenir des systèmes vidéo pour surveiller en permanence la manipulation des équipements d’accessibilité lorsqu’ils ne sont pas entre les mains de leurs propriétaires ;
(b) partager automatiquement les enregistrements vidéo avec le passager concerné et les autorités réglementaires en cas de dommage ou de perte.
En octobre 2024, le ministère américain des Transports a infligé une amende record de 50 millions de dollars à American Airlines. Cette sanction faisait suite à une enquête déclenchée par une vidéo largement partagée, où des employés manipulaient de manière négligente le dispositif de mobilité d’un passager. Sans cette preuve vidéo, capturée par un témoin, cette enquête, qui a révélé des milliers de cas similaires de dispositifs endommagés, n’aurait peut-être jamais eu lieu. Trop souvent, les personnes en situation de handicap se voient séparées de leurs équipements, que les compagnies aériennes perdent ou abîment sans fournir d’explication. Il est urgent d’instaurer plus de transparence et de responsabiliser les compagnies aériennes quant au traitement des équipements d’accessibilité. Le NPD soutient pleinement cette recommandation, formulée par l’Alliance pour la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario:
« Les compagnies aériennes et les aéroports devraient être tenus d’installer et de maintenir une surveillance vidéo efficace de l’ensemble de la manipulation d’un fauteuil roulant ou d’un autre appareil d’aide à la mobilité, depuis le moment où les passagers aériens en situation de handicap le leur remettent jusqu’à celui où l’appareil est restitué. En cas d’incident au cours duquel l’appareil est endommagé, cette vidéo doit être automatiquement partagée avec le passager et l’organisme de réglementation compétent. » – Mémoire de l’Accessibility for Ontarians with Disabilities Act Alliance
6. Que le gouvernement du Canada exige des compagnies aériennes qu’elles offrent une formation obligatoire sur les handicaps à leurs cadres supérieurs et aux membres de leur conseil d’administration pour transformer les pratiques capacitistes.
Les agents en contact direct avec les passagers ne sont pas les seuls responsables des mauvais traitements infligés aux personnes en situation de handicap dans le secteur aérien canadien. Le véritable changement doit venir des hauts dirigeants et des conseils d’administration des compagnies aériennes, qui définissent les politiques internes. Les témoignages des PDG d’Air Canada et de WestJet illustrent clairement un manque de compréhension de la gravité et de la prévalence des problèmes d’accessibilité dans leur secteur, ainsi que des préjudices infligés à leurs clients en situation de handicap.
« Tout d’abord, permettez-moi de dire que chaque fois que les cas dont vous avez parlé se produisent, cela nous affecte tout autant que les personnes à qui cela arrive. » – M. Alexis von Hoensbroech, PDG, WestJet
Le fait que le PDG d’une grande compagnie aérienne affirme que les mauvais traitements envers les personnes en situation de handicap sont « tout aussi graves » pour l’entreprise que pour les victimes elles-mêmes, qui ont raconté des récits bouleversants de blessures physiques, d’humiliations et de traitements dégradants, témoigne d’une méconnaissance fondamentale de la question. Ce manque de compréhension a également été relevé par les témoins :
« Les représentants d’Air Canada nous ont dit aujourd’hui qu’ils font du bon travail, qu’ils ont mis en place les mesures nécessaires pour régler les problèmes, que ces derniers sont rares ou peu fréquents, et que tout ce qu’il faut vraiment, c’est davantage d’éducation ou de formation pour leur personnel. Toutes ces affirmations sont fausses, et le fait qu’elles soient véhiculées par la direction d’Air Canada prouve que nous avons besoin de solutions beaucoup plus systémiques. » – David Lepofsky, président, Accessibility for Ontarians with Disabilities Act Alliance
Pour garantir une réelle transformation, les décideurs en poste, qui influencent les politiques de leurs employés, doivent impérativement suivre une formation de sensibilisation afin de comprendre les enjeux et les besoins des passagers en situation de handicap.
7. Que le gouvernement du Canada indemnise les personnes en situation de handicap pour leurs services de consultation et exige que toutes les parties du secteur aérien, y compris les compagnies aériennes, les aéroports et l’ACSTA, les rémunèrent équitablement pour leur expertise.
Le NPD appuie la recommandation du Comité selon laquelle toutes les parties du secteur aérien, y compris le gouvernement, les compagnies aériennes, les aéroports et l’ACSTA, doivent consulter les personnes en situation de handicap. Cependant, exiger qu’elles offrent leur expertise gratuitement est injuste, d’autant plus qu’elles dénoncent les mêmes problèmes depuis des années.
“Ce n'est pas nouveau. Nous avons tout essayé pour changer l'industrie. […] Chaque fois que des gens doivent organiser une autre campagne ou une autre contestation judiciaire, cela les éloigne de leur famille et de leur vie normale, et toutes ces personnes font cela de façon bénévole. Nous ne sommes pas payés pour faire cela. Je suis la présidente de la plus grande et de la plus ancienne organisation de défense des droits des personnes handicapées au pays, une organisation vieille de 48 ans. Nous avons été et sommes dirigés principalement par des bénévoles, et nous avons fait de grands progrès pour nous rendre là où nous sommes, mais nous avons besoin de vous.” – Heather Walkus, présidente nationale, Conseil des Canadiens avec déficiences
Autre chose, à propos des comités consultatifs des compagnies aériennes et de l'Office. C'est une excellente idée. Ils réunissent des personnes handicapées, qui sont appelées à répondre à des questions. Mais il s'agit ici de problèmes récurrents. Je ne dis rien que les personnes handicapées — et, je crois, les compagnies aériennes — ne savent pas depuis des années, voire des décennies. Nous n'avons rien de nouveau à dire aux compagnies aériennes. Ce sont elles qui doivent passer à l'action. – David Lepofsky, président, Accessibility for Ontarians with Disabilities Act Alliance
Pendant des années, les défenseurs des droits des personnes handicapées ont fourni au gouvernement et au secteur aérien, ainsi qu’à l’ACSTA, les informations nécessaires pour améliorer les pratiques. Sachant que ces personnes vivent, pour beaucoup, sous le seuil de pauvreté, comme nous l’avons vu plus haut dans ce rapport complémentaire, elles doivent être rémunérées équitablement pour leur contribution.
8. Que le gouvernement du Canada rende obligatoires les services de sauvetage et de lutte contre les incendies d’aéronefs dans tous les aéroports canadiens accueillant du trafic aérien commercial, afin d’assurer une intervention d’urgence complète. Ces services doivent respecter les normes établies par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), notamment en matière de délais d’intervention et de formation accréditée pour le personnel des SSLIA, et le gouvernement doit garantir les ressources nécessaires pour atteindre ces objectifs.
La réglementation canadienne en matière de sauvetage et de lutte contre les incendies d’aéronefs (SSLIA) est gravement insuffisante par rapport aux exigences de l’OACI. En particulier, le mandat actuel des SSLIA au Canada exclut explicitement les services de sauvetage, malgré leur caractère obligatoire dans les normes internationales. Cette lacune met en péril les passagers en situation de handicap, qui peuvent rencontrer des difficultés majeures à évacuer un avion en cas d’urgence. En l’absence de secouristes qualifiés et formés spécifiquement au sauvetage aéronautique, ces passagers doivent compter sur un personnel aérien mal équipé ou sur l’aide de passagers non formé.
“Il ne suffit pas de garantir la sécurité et la dignité au moment de l’embarquement et pendant le vol; il est primordial d’offrir une garantie raisonnable qu’une procédure d’évacuation sécuritaire sera mise en œuvre au besoin. […] Les citoyens canadiens s’attendent à ce que tout soit mis en œuvre pour que les procédures d’intervention d’urgence soient élaborées en partant du principe qu’il faut miser sur toutes les possibilités de sauver des vies humaines. J’ai constaté que cette attente ne n’applique pas tout à fait à toutes les vies humaines, mais plutôt aux personnes qui sont en mesure de se rendre à la sortie de l’avion de façon autonome.” – Mémoire de la Coalition of Persons with Disabilities Newfoundland and Labrador
Il est inadmissible que les personnes en situation de handicap soient exposées à un tel niveau de danger dans les situations d’urgence. Le Canada doit impérativement moderniser sa réglementation pour respecter ses obligations envers l’OACI et assurer la sécurité de tous.
Conclusion
L’état catastrophique de l’accessibilité dans le secteur de l’aviation de passagers au Canada oblige les personnes en situation de handicap à risquer leur sécurité, leur dignité et leurs droits fondamentaux chaque fois qu’elles montent à bord d’un avion canadien. Il est manifeste que les acteurs du secteur ne prennent pas les mesures nécessaires pour résoudre ces problèmes. Le moment est venu pour le gouvernement fédéral d’agir fermement, en adoptant et en appliquant des règlements, des lois et des politiques ambitieuses. Les personnes en situation de handicap doivent pouvoir voyager au Canada en toute sécurité et avec la dignité qu’elles méritent.