Les comités / Mandat
Portée du mandat d’un comité permanent : motion invitant d’autres comités à étudier la teneur d’un projet de loi
Débats, p. 12609–12610
Contexte
Le 26 novembre 2012, Nathan Cullen (Skeena—Bulkley Valley) invoque le Règlement au sujet de l’examen, par le Comité permanent des finances, du projet de loi C-45, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d’autres mesures. M. Cullen avance que le Comité a outrepassé son mandat en adoptant une motion invitant d’autres comités à étudier la teneur du projet de loi et à lui envoyer des motions d’amendement, qui seraient ensuite réputées proposées. À son avis, puisque seule la Chambre a le pouvoir de renvoyer un projet de loi à un comité et puisque la Chambre a renvoyé le projet de loi C-45 uniquement au Comité permanent des finances, il fallait une motion d’instruction pour autoriser les autres comités à soumettre des amendements. Il demande au Président de déclarer le 13e rapport du Comité irrecevable. En réponse, Peter Van Loan (leader du gouvernement à la Chambre des communes) soutient que la façon de procéder du Comité n’est pas sans précédent et que celui-ci, en faisant preuve de souplesse dans la façon de procéder à son étude, n’a pas pour autant cédé sa compétence à l’égard du projet de loi. Scott Brison (Kings—Hants) invoque alors le Règlement du fait que pendant l’examen du projet de loi C-45, le président du Comité permanent des finances a décidé qu’une fois passée une échéance fixée par le Comité, celui-ci ne pouvait plus voter sur des motions d’amendement n’ayant pas encore été proposées. Le Comité a annulé cette décision et toutes les motions d’amendement qui avaient été mises en avis ont fait l’objet d’un vote, qu’elles aient été proposées ou non. M. Brison affirme que cette façon de procéder usurpe le droit des députés de ou de ne pas proposer des motions mises en avis. M. Van Loan réplique que le Comité n’a enfreint aucune règle en annulant la décision du président ou en mettant les amendements aux voix. Le Président prend les deux affaires en délibéré[1].
Résolution
Le Président rend sa décision le 29 novembre 2012. Il confirme que le Comité permanent des finances n’a pas outrepassé ses pouvoirs en invitant d’autres comités à proposer des amendements et que, malgré cette invitation, le Comité décidait de ce qu’il ferait des amendements proposés et conservait la capacité de les adopter ou de les rejeter, à sa discrétion. Le Président rappelle aussi à la Chambre que les comités jouissent d’une bonne marge de manœuvre et qu’en l’absence d’un rapport du Comité, la présidence n’est pas en position d’intervenir.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur les rappels au Règlement soulevés le 26 novembre 2012 par l’honorable leader à la Chambre de l’Opposition officielle et le député de Kings—Hants, qui découlent tous les deux des délibérations du Comité permanent des finances lors de son étude du projet de loi C-45, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d’autres mesures.
Je remercie de leurs interventions le leader à la Chambre de l’Opposition officielle et le député de Kings—Hants d’avoir soulevé la question, ainsi que l’honorable leader du gouvernement à la Chambre des communes et l’honorable secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes.
Lorsqu’il a invoqué le Règlement, le leader à la Chambre de l’Opposition officielle a affirmé que le Comité permanent des finances, en adoptant le 31 octobre 2012 une motion établissant le calendrier de ses travaux sur le projet de loi C-45, avait outrepassé son mandat et avait usurpé l’autorité de la Chambre en invitant d’autres comités permanents à examiner certains articles du projet de loi C-45 et à lui transmettre les amendements qu’ils proposeraient. Il a particulièrement insisté sur la partie de la motion du Comité permanent des finances prévoyant que les amendements proposés par les autres comités seraient réputés être proposés au Comité permanent des finances et seraient ainsi examinés dans le cadre des délibérations de celui-ci, au même titre que les amendements proposés par ses membres. Il a soutenu que, parce que la Chambre avait confié le projet de loi expressément et uniquement au Comité permanent des finances et n’avait pas adopté de motion d’instructions autorisant d’autres comités à étudier des parties précises du projet de loi et à en faire par la suite rapport à la Chambre de la manière habituelle, le 13e rapport du Comité sur le projet de loi C-45 devrait être jugé irrecevable.
En réponse à ces arguments, le leader du gouvernement à la Chambre des communes a souligné que le Comité permanent des finances n’avait jamais cédé de son autorité sur les travaux du comité concernant le projet de loi C-45, car il avait simplement invité d’autres comités à présenter des propositions de modification au texte de loi. En outre, il a informé qu’il existait une pratique établie selon laquelle le comité chargé d’étudier un projet de loi peut consulter d’autres comités en les invitant à se pencher sur un sujet particulier abordé dans le projet de loi et à faire part de leurs commentaires.
Le rappel au Règlement soulevé par le député de Kings—Hants portait sur la façon dont le Comité a étudié les amendements qu’il avait lui-même soumis à titre de membre du Comité. Il a souligné que la motion adoptée par le Comité le 31 octobre 2012 prévoyait que, après la date et l’heure précisées, « le président met aux voix sur-le-champ et successivement, sans autre débat ni amendement, toute question nécessaire pour disposer de l’étude article par article du projet de loi », et que, en conséquence, le président du Comité avait jugé que les amendements dont il aurait été donné avis mais qui n’auraient pas été présentés avant le délai fixé ne seraient pas mis aux voix.
Le député de Kings—Hants a soutenu que le Comité, en annulant la décision de son président, avait forcé la mise aux voix de tous les amendements dont il avait été donné avis, même ceux qui n’avaient pas encore été présentés. Il a fait valoir que, le fait d’être privé de son pouvoir discrétionnaire de décider des amendements qu’il présenterait, jumelé à l’annulation de la décision bien fondée sur le plan de la procédure du président, constituait un abus des procédures du Comité.
Le leader du gouvernement à la Chambre a commencé ses observations en soulignant que, étant donné que les comités sont maîtres de leurs travaux, de telles questions devraient être réglées en comité. Il a par la suite avancé qu’il fallait donner à la motion adoptée par le Comité permanent des finances une interprétation large afin que les motions prévoyant de telles pratiques soient interprétées de la même manière dans les comités et à la Chambre. Il a soutenu que, en annulant la décision de son président, le Comité n’avait enfreint aucune règle et que le fait de mettre aux voix tous les amendements dont il avait été donné avis ne privait pas le député de ses droits.
On demande donc à la présidence de répondre à deux questions. La première : le Comité permanent des finances a-t-il outrepassé son autorité en adoptant une motion établissant le calendrier de ses travaux dans laquelle il était notamment demandé à d’autres comités permanents de se pencher sur différentes parties du projet de loi C-45 et de proposer des amendements possibles?
La seconde : le comité, en annulant la décision de son président, ce qui a fait en sorte que tous les amendements dont il avait été donné avis — y compris tous les amendements de l’honorable député de Kings—Hants — ont été réputés avoir été présentés lors de l’étude article par article, a-t-il porté atteinte aux droits du député?
Le leader du gouvernement à la Chambre et le secrétaire parlementaire ont tous les deux soutenu que la façon de procéder du Comité permanent des finances, à savoir faire appel à d’autres comités permanents pour étudier la teneur d’un projet de loi, n’est pas inhabituelle. À l’appui de cet argument, le secrétaire parlementaire a évoqué une motion du 28 avril 2008, où le Comité permanent des finances avait procédé d’une manière semblable en demandant au Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration d’examiner certaines dispositions du projet de loi C-50, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 26 février 2008 et édictant des dispositions visant à maintenir le plan financier établi dans ce budget.
Bien qu’il soit exagéré de dire qu’il s’agit d’un « usage établi », il est vrai que les usages des comités admettent une souplesse et une fluidité considérables. Le leader de l’Opposition à la Chambre l’a lui-même reconnu lorsqu’il a parlé de l’importance, pour les comités, de respecter des limites claires et distinctes, mais il a aussi déclaré, et je le cite : « lorsque [la Chambre] lui confie un dossier, c’est en grande partie au comité de décider quand et comment faire son travail. »
En ce qui a trait au cas qui nous intéresse, il apparaît important de souligner que même si les autres comités ont été invités à soumettre des suggestions d’amendement, c’est le Comité des finances lui-même qui a décidé de procéder de cette manière. Il a également décidé de la manière dont il allait procéder avec ces suggestions d’amendement et a conservé le droit de décider si ces amendements allaient être adoptés ou non.
Ce n’est pas la première fois que les travaux d’un comité suscitent des questions d’ordre procédural à la Chambre et des inquiétudes quant à la création de précédents. La présidence se voit rappeler une décision rendue par le Président Fraser le 26 mars 1990, qui se trouve à la page 9757 des Débats de la Chambre des communes, concernant des incidents particulièrement controversés survenus en comité :
Je tiens cependant à mettre en garde les députés qui considéraient cette affaire comme un précédent. Ce qui s’est produit ne consiste qu’en une série d’événements et de décisions prises en comité par la majorité. Ni la Chambre, ni le Président n’ont accordé à ces incidents quelque valeur de précédent en matière de procédure. On doit faire preuve de circonspection avant d’attacher à de tels faits et incidents la qualité de balises en matière de procédure.
L’affaire en question n’était pas nécessairement analogue à celle qui nous intéresse aujourd’hui, mais cette citation du Président Fraser se veut un rappel utile que les usages des comités s’inscrivent dans un flux continu et qu’il est important d’examiner chaque cas dans son contexte.
Comme les députés le savent, l’usage établi veut que les comités doivent faire rapport d’une question à la Chambre avant que le Président puisse en être saisi. Dans une décision rendue le 27 novembre 2002 aux pages 1949 et 1950 des Débats de la Chambre des communes, le Président Milliken a déclaré :
En ma qualité de Président, je suis conscient de la responsabilité qui m’incombe de défendre les droits de tous les députés et en particulier ceux des députés qui représentent les points de vue minoritaires à la Chambre. Par contre, il existe une tradition bien établie dans cette enceinte qui veut que les comités soient maîtres de leurs travaux. En temps normal, la Chambre n’est saisie d’une question concernant un comité que si le comité lui en fait rapport en expliquant la situation à examiner.
Dans la même décision, il avait également affirmé ceci, et je cite :
Cela dit, il est aussi vrai que les comités jouissent d’une plus grande latitude dans la conduite de leurs travaux que ce qui se passe à la Chambre. Or, il peut arriver dans des circonstances particulières que la meilleure façon de procéder ne soit pas toujours évidente et, en fin de compte, la décision ultime est laissée à la discrétion du comité lui-même.
Même les décisions du président d’un comité peuvent être portées en appel devant le comité en entier. Le comité peut, s’il le juge indiqué, annuler la décision du président.
Aujourd’hui, je suis appelé à me prononcer — en l’absence d’un rapport du Comité — sur la question de savoir si, en l’espèce, celui-ci a outrepassé les limites de ses pouvoirs dans une mesure justifiant une intervention de la présidence. D’après ce que je constate, la Chambre a renvoyé le projet de loi au Comité pour qu’il l’examine. Le Comité a procédé à l’examen de la manière qui a été décrite, puis a fait rapport du projet de loi à la Chambre sans amendement. La Chambre n’a été saisie d’aucun autre rapport du Comité.
En d’autres mots, je ne vois pas comment la présidence pourrait intervenir dans les travaux du Comité des finances pour réparer un tort, alors que ce dernier n’a pas présenté de rapport faisant état de doléances ou décrivant une série d’événements. Par conséquent, je n’ai pas de preuves suffisantes pour conclure que le Comité permanent a outrepassé les limites de son mandat ou de ses pouvoirs lors de l’examen du projet de loi C-45.
La présidence est consciente que certains députés sont frustrés de la manière dont les travaux se sont déroulés au Comité, eux qui croyaient être sans recours. Or, j’ai beau admettre ces frustrations, il reste qu’on n’a rien rapporté de ce qui s’est passé au Comité permanent des finances à la Chambre pour examen. Pour cette raison, conformément à l’usage habituel de la Chambre à cet égard, la présidence n’est pas en mesure d’approfondir la question davantage.
Enfin, la présidence conclut que la Chambre est dûment saisie du 13e rapport du Comité permanent des finances concernant le projet de loi C-45 et, en conséquence, le projet de loi peut poursuivre son cheminement dans le processus législatif.
Je remercie les députés de leur attention.
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[1] Débats, 26 novembre 2012, p. 12451–12461, 27 novembre 2012, p. 12534–12535.