Les affaires émanant des députés / Limitations financières
Recommandation royale : hausse des coûts de fonctionnement
Débats, p. 12937–12938
Contexte
Le 22 novembre 2012, Alexandre Boulerice (Rosemont—La Petite-Patrie) invoque le Règlement au sujet du projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières), inscrit au nom de Russ Hiebert (Surrey-Sud—White Rock—Cloverdale). M. Boulerice fait valoir que le projet de loi exigerait de l’Agence du revenu du Canada (ARC) qu’elle produise de nouveaux rapports financiers et acquière un nouveau système informatique, ce qui engendrerait des dépenses de fonds publics selon des modalités qui n’étaient pas permises à ce moment. Par conséquent, soutient M. Boulerice, le projet de loi devrait être accompagné d’une recommandation royale. D’autres députés font des observations à ce sujet ce jour-là et lors de séances subséquentes à la Chambre. Le Président prend l’affaire en délibéré[1].
Résolution
Le Président rend sa décision le 6 décembre 2012. Il explique que, bien que l’adoption du projet de loi C-377 pourrait se traduire par un alourdissement de la charge de travail et des coûts de fonctionnement de l’ARC, les changements proposés cadrent avec le mandat de l’ARC et n’entraînent donc pas de dépenses découlant d’une nouvelle fonction. Par conséquent, le Président conclut que le projet de loi C-377 n’a pas besoin d’être accompagné d’une recommandation royale.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé le 22 novembre 2012 par l’honorable député de Rosemont—La Petite-Patrie concernant la nécessité d’accompagner d’une recommandation royale le projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières) inscrit au nom de l’honorable député de Surrey-Sud—White Rock—Cloverdale.
Je remercie le député de Rosemont—La Petite-Patrie d’avoir soulevé la question, ainsi que l’honorable secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes; l’honorable leader de l’Opposition officielle à la Chambre et les députés de Saint-Lambert, de Cape Breton—Canso et de Surrey-Sud—White Rock—Cloverdale de leurs interventions.
Lorsqu’il a soulevé la question, le député de Rosemont—La Petite-Patrie a expliqué que les dispositions de l’article 1 du projet de loi entraîneraient des dépenses de fonds publics selon des modalités et à des fins qui ne sont pas permises actuellement. Plus précisément, il a indiqué qu’il faudrait créer une nouvelle entité au sein de l’Agence du revenu du Canada chargée de l’application et du contrôle de l’application des dispositions du projet de loi, et qu’il y aurait des coûts liés à l’installation d’un nouveau système informatique conforme aux exigences de la mesure législative. Le député a conclu que ces coûts seraient « nouveaux et distincts » et qu’il serait donc nécessaire d’obtenir une recommandation royale.
De même, le député de Cape Breton—Canso a soutenu que le projet de loi conférait une nouvelle fonction et un nouveau rôle à l’Agence du revenu du Canada et que, par conséquent, les conditions de la recommandation royale qui autorise les dépenses actuelles de l’Agence seraient modifiées. Il a aussi fait valoir que le projet de loi C-377, parce qu’il régit les affaires internes des syndicats et les relations entre ceux-ci et leurs membres, confère à l’Agence une nouvelle fonction en matière de relations de travail.
Pour sa part, le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes a rejeté ces arguments, déclarant plutôt que le pouvoir de dépenser aux fins prévues dans le projet de loi était compris parmi les pouvoirs généraux conférés par des dispositions de portée générale de la Loi de l’impôt sur le revenu, ainsi que parmi les pouvoirs généraux de l’Agence prévus dans la Loi sur l’Agence du revenu du Canada. À titre d’exemple, il a évoqué les passages de la Loi de l’impôt sur le revenu qui portent sur les exigences en matière de rapport applicables aux œuvres de bienfaisance. Il a aussi indiqué que, si des fonds supplémentaires s’avéraient nécessaires, le gouvernement en ferait la demande auprès du Parlement en présentant un projet de loi de crédits visant à couvrir les charges d’exploitation.
La question qui nous occupe consiste à savoir si la mise en œuvre du projet de loi C-377 constituerait une nouvelle affectation, auquel cas une recommandation royale serait nécessaire, ou si les coûts sont de nature administrative et relèvent du mandat permanent de l’Agence du revenu du Canada.
J’aimerais rappeler à la Chambre dans quelles circonstances une recommandation royale est exigée. Comme l’a indiqué le député de Rosemont—La Petite-Patrie dans son intervention, les projets de loi qui autorisent de nouveaux prélèvements à des fins non prévues dans le Budget des dépenses doivent être accompagnés d’une recommandation royale. À la page 833 de La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition, il est écrit ceci :
Le prélèvement ainsi créé doit être « nouveau et distinct »; autrement dit, il ne doit pas être prévu autrement par une autorisation générale.
L’Agence du revenu du Canada est déjà responsable de l’application de divers régimes de prélèvements et d’avantages fiscaux, ainsi que d’une vaste gamme d’autres programmes et activités. Aussi, l’article 5 de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada prévoit que l’Agence est chargée de fournir l’appui nécessaire à l’application et au contrôle d’application de la législation fiscale. La présidence a examiné la documentation fournie par la députée de Saint-Lambert, qui fait mention de renseignements détaillés sur les coûts produits par l’Agence en réponse à des questions du Comité permanent des finances. On y mentionne également l’article 220 de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui est libellé de la manière suivante :
(1) Le ministre assure l’application et l’exécution de
la présente loi. Le commissaire du revenu peut exercer les pouvoirs et fonctions conférés au ministre en vertu de la présente loi.
(2) Sont nommés ou employés de la manière autorisée par la loi les fonctionnaires, commis et préposés nécessaires à l’application et à l’exécution de la présente loi.
À l’examen attentif de la question, il apparaît à la présidence que les dispositions du projet de loi — en particulier celles prévoyant que l’Agence doit imposer aux organisations ouvrières de nouvelles exigences en matière de dépôt et rendre les renseignements publics — pourraient entraîner une augmentation de la charge de travail ou des charges d’exploitation, mais qu’il n’y aurait pas de dépense découlant d’une nouvelle fonction proprement dite. En d’autres mots, dans le cadre de son mandat actuel, l’Agence impose déjà des exigences en matière de dépôt et diffuse déjà des renseignements au public. On peut donc dire que les exigences créées par le projet de loi C-377 sont déjà comprises dans le pouvoir de dépenser de l’Agence.
Dans une décision rendue le 23 février 2007, à la page 7261 des Débats, le Président Milliken avait déclaré ce qui suit au sujet du projet de loi C-327, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion (réduction de la violence à la télévision) :
Le projet de loi C-327 aura peut-être pour effet d’augmenter la charge de travail au CRTC, mais les activités qu’il propose font partie du mandat du CRTC. Si du personnel ou des ressources supplémentaires s’avéraient nécessaires pour exercer ces activités, cela ferait l’objet d’un projet de loi de crédit distinct qui serait alors soumis au Parlement.
La présidence estime qu’une chose semblable se produirait si le projet de loi C-377 était adopté. Pour cette raison, la décision de mon prédécesseur est fort pertinente et directement applicable dans les circonstances de l’espèce.
Une deuxième décision du Président Milliken, en date du 3 décembre 2010, qui se trouve à la page 6803 des Débats, concernant le projet de loi C-568, Loi modifiant la Loi sur la statistique (questionnaire complet de recensement obligatoire) s’avère également utile. Dans cette décision, il est apparu à la présidence que le projet de loi proposé n’ajoutait ou n’élargissait pas le mandat de Statistique Canada et que, par conséquent, le projet de loi en question ne nécessitait pas de recommandation royale.
En conséquence, la présidence conclut que le projet de loi C-377 dans sa forme actuelle n’a pas besoin d’être accompagné d’une recommandation royale pour poursuivre son cheminement législatif.
Je remercie les honorables députés de leur attention.
Post-scriptum
Le projet de loi C-377 a franchi toutes les étapes du processus législatif lors de séances subséquentes de la Chambre et du Sénat au cours de la première session de la 41e législature, a été rétabli puis a reçu la sanction royale le 30 juin 2015, pendant la deuxième session de la 41e législature.
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[1] Débats, 22 novembre 2012, p. 12356–12358, 27 novembre 2012, p. 12490–12491, 28 novembre 2012, p. 12585–12589, 29 novembre 2012, p. 12608–12609, 30 novembre 2012, p. 12713.