Les procédures financières / Travaux des subsides

Phase législative : budget principal des dépenses; forme du budget et recevabilité d’un crédit

Débats, p. 19778–19779

Contexte

Le 25 mai 2018, Daniel Blaikie (Elmwood—Transcona) invoque le Règlement relativement à la forme du budget principal des dépenses 2018-2019 et plus particulièrement au crédit 40 du Conseil du Trésor. Selon M. Blaikie, ce crédit, aussi désigné comme étant le « crédit d’exécution du budget », ne fournit pas suffisamment d’information concernant les plans de dépenses du gouvernement. Il fait également valoir que les dépenses prévues par le gouvernement auraient dû être ventilées dans le budget plutôt qu’en annexe aux documents budgétaires. Le Président prend la question[1]. Plus tard dans la séance, Pierre Poilievre (Carleton) et Candice Bergen (Portage—Lisgar) invoquent le Règlement relativement au rappel au Règlement soulevé plus tôt sur le même sujet. M. Blaikie intervient également de nouveau sur la question. Après avoir longuement écouté les députés sur le rappel au Règlement, le Président évoque la règle selon laquelle il peut déterminer le moment où il a entendu suffisamment d’arguments pour se prononcer sur une question donnée. Il rappelle également qu’on ne peut contester une décision de la présidence sans une motion présentée en ce sens. Il réitère avoir pris la question en délibéré[2].

Résolution

Le 29 mai 2018, le Président rend sa décision. Il rappelle aux députés le processus budgétaire et le mandat conféré aux comités dans l’étude des crédits. Il explique que son rôle dans la détermination d’irrégularités dans le budget des dépenses se limite aux questions procédurales et que le propos de M. Blaikie relève davantage d’un désaccord politique. Il stipule que le gouvernement a la responsabilité d’établir la forme que prendra sa demande de fonds et que le rôle de la présidence est de s’assurer du respect du processus d’affectation des crédits. Le Président conclut que le crédit 40 n’est pas contraire au Règlement.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à me prononcer sur le rappel au Règlement soulevé le 25 mai 2018 par le député d’Elmwood—Transcona concernant la forme du Budget principal des dépenses 2018-2019.

Le député d’Elmwood—Transcona a exprimé des réserves à l’égard du crédit 40 sous la rubrique « Secrétariat du Conseil du Trésor », qu’on appelle aussi « crédit d’exécution du budget ». Le crédit, qui s’élève à 7,04 milliards de dollars, autorise le Conseil du Trésor à ajuster d’autres crédits pour appuyer des initiatives annoncées dans le budget du 27 février 2018.

Selon le député, le crédit n’est pas rédigé dans les formes habituelles et ne détaille pas suffisamment les plans de dépenses du gouvernement. À son avis, bon nombre des initiatives que le crédit 40 peut permettre de financer sont absentes des différents plans de dépenses des ministères, qui sont présentés dans la partie III du Budget des dépenses. Toujours selon le député, il est inapproprié d’avoir inséré la ventilation des dépenses envisagées dans une annexe des documents budgétaires plutôt que dans le Budget des dépenses lui-même.

La leader parlementaire de l’opposition, qui a appuyé le rappel au Règlement du député d’Elmwood—Transcona, a fait valoir que, lorsque le Règlement a été modifié pour reporter le dépôt du Budget principal des dépenses, c’était en vue de recevoir des renseignements plus complets et exacts. Selon elle, ce n’est pas ce qui s’est produit dans le cas du crédit 40, et elle craint que le libellé du crédit permette au gouvernement d’attribuer des fonds sans que le Parlement ait eu le loisir d’étudier suffisamment la question.

Lorsque la question a été abordée, je me suis demandé s’il était avisé de soulever le rappel au Règlement à ce moment précis. Je reconnais que les questions ayant trait au Budget des dépenses sont parfois complexes et que mes prédécesseurs ont à quelques reprises accepté d’entendre des observations à cet égard tôt dans le processus pour se donner le temps de les étudier convenablement. Bien que le Budget des dépenses soit encore à l’étude au comité, je suis prêt dès maintenant à rendre ma décision sur le rappel au Règlement.

Lorsque le gouvernement présente le Budget des dépenses à la Chambre, chaque crédit indique une somme d’argent et sa destination, laquelle décrit les fins auxquelles servira la somme demandée. Dans certains cas, la description est très détaillée; dans d’autres, elle est plutôt générale. Cela dit, le budget des dépenses est renvoyé en comité précisément pour permettre aux députés de les étudier plus en détail, par exemple en citant des témoins à comparaître ou en demandant un complément d’information sur les intentions du gouvernement. Si les comités ne sont pas en mesure de modifier la destination des dépenses — une telle chose irait à l’encontre du droit de la Couronne de présenter des demandes de dépenses —, ils ont en revanche le pouvoir de réduire, voire de rejeter, le montant d’un crédit si les renseignements qui leur ont été transmis ne les satisfont pas.

Le pouvoir d’intervenir du Président comme le demande l’honorable député d’Elmwood—Transcona est plus limité que ce dernier pourrait le souhaiter ou le croire. En fait, dans le passé, lorsque la présidence constatait des irrégularités dans le Budget des dépenses sur le plan de la procédure, il s’agissait généralement de cas où les fonds demandés dépendaient d’autorisations nécessitant une loi habilitante.

Dans le cas qui nous occupe, le député demande au Président de juger le crédit 40 irrecevable parce qu’il ne fournit pas suffisamment de renseignements à propos des dépenses envisagées. Il ne s’agit pas vraiment d’une question de procédure que la présidence peut trancher, mais plutôt d’un désaccord politique avec le gouvernement sur la manière dont les fonds en question sont demandés.

Dans le présent cas, les réserves du député à l’égard du crédit 40 semblent tenir principalement au fait qu’il s’agit d’un fonds central consenti au Conseil du Trésor, qui est alors habilité à affecter des sommes d’argent à divers ministères.

J’admets que le recours ici à un crédit d’exécution du budget est inhabituel et je peux comprendre pourquoi les députés auraient préféré que ces fonds soient demandés différemment, pour chacun des ministères par exemple. Toutefois, il mest impossible de conclure que ce que prévoit le crédit 40 est contraire au Règlement. Il existe de nombreux précédents où des fonds ont été affectés à un fonds central, le plus connu étant le crédit 5 sous la rubrique Conseil du Trésor pour les dépenses éventuelles du gouvernement.

Au bout du compte, c’est le gouvernement qui détermine la forme que prendra sa demande de fonds. Le gouvernement a effectivement la responsabilité de fournir au Parlement tous les renseignements dont il a besoin pour prendre une décision éclairée, mais je ne crois pas qu’il revienne à la présidence d’établir si les explications données pour une demande en particulier sont suffisamment détaillées ou si la destination proposée est celle qui convient le mieux. Ce sont là des éléments dont les députés doivent tenir compte lorsqu’ils étudient le Budget des dépenses et se prononcent sur celui-ci.

Le rôle du Président se borne à déterminer si la forme de la demande de fonds nécessite ou non une autorisation distincte de la part du législateur et si elle respecte les contraintes du processus d’affectation des crédits. Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu pour la présidence de conclure que le crédit 40 est contraire au Règlement.

Je remercie les honorables députés de leur attention.

Post-scriptum

Après la période des Questions orales du vendredi 25 mai 2018, M. Blaikie soulève la question de privilège au sujet du droit des députés d’invoquer le Règlement et d’exposer en détail des arguments[3]. Le Président conclut, dans sa décision du 4 juin 2018, que la présidence peut informer le député lorsqu’elle considère disposer des informations nécessaires pour se prononcer ou prendre l’affaire en délibéré[4]. (Note de la rédaction : on trouvera la décision à la page 123).

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[1] Débats, 25 mai 2018, p. 19671–19675.

[2] Débats, 25 mai 2018, p. 19676–19677.

[3] Débats, 25 mai 2018, p. 19692.

[4] Débats, 4 juin 2018, p. 20170–20171.