Recueil de décisions du Président Geoff Regan 2015 - 2019
Les procédures financières / Travaux des subsides
Phase législative : budget principal des dépenses et projet de loi portant affectation de crédits; forme du projet de loi portant affectation de crédits
Débats, p. 20984–20985
Contexte
Le 14 juin 2018, Kelly McCauley (Edmonton-Ouest) invoque le Règlement relativement à la forme du projet de loi portant affectation des crédits. Plus précisément, il affirme que le crédit 40 du Conseil du Trésor à l’annexe 1 du projet de loi comprend des éléments nouveaux ne figurant pas au budget principal des dépenses 2018-2019. M. McCauley fait valoir que le gouvernement n’a pas le pouvoir de modifier le libellé du projet de loi portant affectation de crédits d’une manière qui est contraire aux décisions de la Chambre[1]. Plus tard dans la séance, Kevin Lamoureux (secrétaire parlementaire de la leader du gouvernement à la Chambre des communes) déclare que le projet de loi est fondé sur le budget principal des dépenses et qu’il est en bonne et due forme. La vice-présidente adjointe (Carol Hughes) prend la question en délibéré[2].
Résolution
Le vice-président (Bruce Stanton) rend sa décision plus tard le même jour. Il affirme que le libellé du crédit 40 dans le projet de loi portant affectation de crédits est différent de celui qui figure au budget principal des dépenses en raison de l’ajout d’un passage dont il fait la lecture à la Chambre. Il explique que le montant et les objectifs du crédit sont toutefois les mêmes. Il affirme que ce nouveau libellé est conforme à l’information qui se trouve ailleurs dans le budget principal des dépenses et qu’il n’est donc pas possible de conclure que le projet de loi portant affectation de crédits ne s’inspire pas dudit budget des dépenses.
Décision de la présidence
Le vice-président : Je suis prêt maintenant à me prononcer sur le rappel au Règlement soulevé plus tôt aujourd’hui par l’honorable député d’Edmonton-Ouest concernant la forme du projet de loi de crédits qui doit être étudié plus tard aujourd’hui.
Je remercie le député d’avoir soulevé la question, ainsi que le secrétaire parlementaire de la leader du gouvernement à la Chambre des communes, l’honorable whip en chef de l’opposition et l’honorable député d’Elmwood—Transcona de leurs observations à ce sujet.
L’honorable député d’Edmonton-Ouest a fait valoir que certaines dispositions du projet de loi de crédits ne correspondent pas au contenu du Budget principal des dépenses transmis à la Chambre par Son Excellence le 16 avril 2018. Plus précisément, il s’est dit préoccupé par le fait que le libellé du crédit 40 sous la rubrique Secrétariat du Conseil du Trésor, le crédit d’exécution du budget, contient de nouveaux éléments qui ne figurent pas dans le Budget principal des dépenses. Il estimait que cela était inacceptable, car le comité permanent n’avait pas pu examiner le nouveau libellé, lequel ne sera pas approuvé quand la Chambre se prononcera sur le budget plus tard aujourd’hui. Selon le député, en modifiant le libellé du projet de loi, le gouvernement invente une nouvelle autorisation et de nouveaux objectifs par rapport à ceux que Son Excellence avait transmis à la Chambre quand le budget avait été présenté.
L’honorable secrétaire parlementaire a déclaré que, comme le prévoit le Règlement, le projet de loi de crédits doit s’inspirer du budget. Il a indiqué qu’un libellé semblable est utilisé à l’article 83(4) du Règlement concernant les projets de loi fondés sur des motions de voies et moyens. Selon lui, il est clair que le projet de loi s’inspire du Budget principal des dépenses.
L’honorable député d’Elmwood—Transcona fait valoir que chaque poste du Budget principal des dépenses précise un montant et une destination, lesquels sont décrits dans le libellé du crédit. Puisque le libellé du crédit énonce l’objet de la dépense et les conditions qui la régissent, le député d’Elmwood—Transcona soutient que le gouvernement peut seulement y apporter des modifications dans le cadre du Budget supplémentaire des dépenses ou d’une autre mesure législative. Il estime que le gouvernement n’a pas le pouvoir de changer la forme de sa demande, surtout vu que le comité l’a déjà examinée et approuvée.
L’article 81(21) du Règlement prévoit ce qui suit :
L’adoption d’une motion visant l’adoption d’un ou plusieurs postes des prévisions budgétaires constitue un ordre de la Chambre visant la présentation d’un ou de plusieurs projets de loi qui s’en inspirent.
Cette disposition revêt une importance particulière étant donné la façon dont la Chambre examine les crédits. Le Budget principal des dépenses établit les plans de dépenses du gouvernement. Ces plans sont d’abord déposés, puis les comités les examinent sur une période de plusieurs semaines. Ils contiennent un appendice où figurent les postes devant être inclus dans l’annexe de la loi de crédits. Le projet de loi de crédits est, selon les règles, étudié à toutes les étapes dans une seule séance, généralement sans débat et sans possibilité d’amendement. Un tel processus n’est légitime que si le projet de loi de crédits est conforme au Budget principal des dépenses. D’ailleurs, la pratique qui consiste à distribuer le projet de loi de crédits au début du dernier jour désigné, plutôt qu’au moment de la première lecture, a vu le jour, en partie, parce que le projet de loi est basé sur le Budget principal des dépenses. De même, le fait de permettre à un député de l’opposition officielle de demander, durant les délibérations du comité plénier, si le projet de loi est présenté dans sa forme habituelle constitue une autre occasion de rassurer la Chambre que le projet de loi ne contient pas de surprises.
La question essentielle qui se pose alors est de savoir ce que signifie l’expression « qui s’en inspirent ». Comme l’a signalé le secrétaire parlementaire, un libellé semblable est utilisé à l’article 83(4) du Règlement concernant les projets de loi fondés sur des motions de voies et moyens. Le whip en chef de l’opposition a fait valoir qu’il ne s’agit pas d’une comparaison juste. Par contre, dans chaque cas, la Chambre doit adopter une motion, soit une motion de voies et moyens ou une motion d’adoption des crédits, avant la présentation d’un projet de loi qui s’en inspire.
Le Président Jerome, dans une décision où il interprétait ce qui aujourd’hui est l’article 83(4) du Règlement, a déclaré aux pages 224 et 225 des Journaux du 18 décembre 1974 :
Il faut présumer que, si l’on avait voulu que les bills soient identiques à la motion, l’article l’aurait précisé.
Il a ajouté :
Enfin, la procédure idéale serait de s’en tenir strictement aux dispositions de la motion et il faudrait interpréter la moindre déviation avec la plus grande rigueur.
Dans cette affaire, le Président Jerome avait déclaré que le taux et l’incidence de la taxe, dans la motion des voies et moyens et le projet de loi connexe, étaient les mêmes et qu’aucune des dispositions du projet de loi ne semblait aller au-delà de ce que prévoyait la motion de voies et moyens.
Je crois que ces précédents sont instructifs dans le cas dont nous sommes saisis aujourd’hui. Le libellé du crédit 40 dans le Budget principal des dépenses diffère de celui qui se trouve dans le projet de loi de crédits du fait de l’ajout du passage suivant : « […] figurant à cet appendice pour ce ministère ou cet organisme, d’un montant qui ne peut excéder celui mentionné en regard de cette initiative […] ». Le montant du crédit est le même. Les objectifs du crédit sont les mêmes. Le passage ajouté impose des conditions au financement.
Bien que je sois d’accord avec le député d’Elmwood—Transcona que le gouvernement ne dispose pas d’un vaste pouvoir lui permettant de modifier les modalités de la dépense proposée, dans le cas qui nous occupe, le nouveau passage m’apparaît conforme à l’information qui se trouve ailleurs dans le Budget principal des dépenses. Par exemple, la description du crédit 40 à la partie II, page 242 du Budget principal des dépenses précise qu’il vise des mesures approuvées et présentées dans le tableau A2.11 du budget fédéral, des mesures qui, en gros, se trouvent à l’annexe du budget des dépenses principales pour l’exercice en cours. J’ai donc de la difficulté à conclure que le projet de loi ne s’inspire pas du budget principal des dépenses.
Par conséquent, vu les circonstances actuelles, je conclus que le projet de loi est recevable. Bien sûr, pour reprendre les propos du Président Jerome, il serait préférable que le projet de loi s’en tienne strictement, dans la mesure du possible, au Budget principal des dépenses. Si les différences avaient été plus importantes, la conclusion de la présidence aurait très bien pu être différente.
Je remercie les honorables députés de leur attention.
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[1] Débats, 14 juin 2018, p. 20922–20923.