Le privilège parlementaire / Droits des députés

Entrave au travail des députés — intimidation et immunité : prétendue tentative d’intimidation d’un député par la distribution et la publication d’un communiqué contenant des renseignements erronés

Débats, p. 18272

Contexte

Le 14 juillet 1988, Mme Claudy Mailly (secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national) soulève une question de privilège et soutient qu’on a tenté de l’intimider et qu’on a placé son nom sur une « liste noire », à la suite de la diffusion d’un communiqué contenant des renseignements erronés émis par l’Alliance de la Fonction publique du Canada et de la publication d’un article à ce sujet ultérieurement. Mme Mailly explique que le syndicat représentant les professeurs de langue du gouvernement fédéral a organisé une manifestation à son bureau de circonscription, et a diffusé un communiqué précisant qu’elle n’appuie pas les professeurs dans leurs négociations avec le Conseil du Trésor, alors qu’elle les appuie en fait et qu’elle leur a dit qu’elle interviendrait pour eux auprès du président du Conseil du Trésor[1]. Le Président prend l’affaire en délibéré et rend sa décision le 12 août 1988. Cette dernière est reproduite intégralement ci-dessous.

Décision de la présidence

M. le Président : Le jeudi 14 juillet 1988, la secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national a soutenu que ses privilèges de députée avaient été violés à l’occasion de la rédaction d’un communiqué de presse émanant de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, dont la teneur avait ensuite été publiée dans l’hebdomadaire Le Dimanche Outaouais. Le communiqué, en date du 6 juillet 1988, qui a été déposé au bureau de la députée le 7 juillet 1988, se rapportait à la grève des professeurs de langues du gouvernement fédéral et à une démonstration d’appui aux grévistes qui devait avoir lieu le 6 juillet 1988 au bureau de circonscription de la députée. Le communiqué de presse, dont la présidence a reçu copie, affirme que la députée n’a pas appuyé les professeurs à l’occasion de leurs négociations avec le Conseil du Trésor.

La députée a expliqué qu’elle avait, de fait, appuyé la cause des professeurs et qu’elle leur avait dit qu’elle allait intervenir pour eux auprès du président du Conseil du Trésor au sujet de leurs revendications au niveau des heures de préparation d’enseignement de la langue, dans ces négociations. Elle a ajouté que l’information contenue dans le communiqué était fausse et que la diffusion de ce dernier et sa publication ultérieure dans un journal local constituaient une tentative d’intimidation à son égard, en sa qualité de députée dans l’exercice de ses fonctions, et qu’il s’agissait là d’une violation de privilège.

Je conviens que la députée peut avoir un grief légitime et elle peut certes contester les faits ainsi rapportés. Ce que la présidence doit trancher, plus précisément, c’est la question de savoir si la rédaction et la publication de cette information au sujet d’un député donne à première vue ouverture à la question de privilège, selon l’interprétation traditionnelle. Les précédents en la matière ont un caractère extrêmement restrictif; ils exigent généralement, pour qu’il y ait matière à la question de privilège, la démonstration d’indications évidentes qu’on a fait obstacle ou nuit à un député dans l’exercice de ses fonctions.

Le Président Jerome, ayant eu à statuer sur un cas semblable le 23 juin 1977, a décidé que « […] les représentants élus jouissent exactement de la même protection judiciaire que les autres citoyens, ni plus ni moins, contre toute publicité injustifiée ou excessive, même s’il s’agit d’insultes ou de publicité diffamatoire. » Il ajoutait ceci : « En tant que représentants élus, nous devons nous attendre à être la cible de critiques diverses. Lorsque celles-ci sont insultantes, il est normal, à mon avis, que la Chambre ait la politesse de donner au député en cause l’occasion d’expliquer cette situation à ses collègues ». Et il concluait que « […] lorsque ce genre de problème se pose, si les critiques sont non seulement insultantes mais également diffamatoires au sens légal du terme, il est tout à fait normal que les députés saisissent les tribunaux de l’affaire[2]. »

Par le passé, les Présidents ont systématiquement soutenu que la liberté de presse était l’un des droits fondamentaux de notre société, auxquels on ne devait toucher que si l’on était clairement en présence d’un cas d’outrage à la Chambre. Les députés qui ont des plaintes à formuler au sujet de la façon dont leurs positions ou leurs activités sont rapportées devraient intenter des poursuites devant les tribunaux.

Dans le cas soulevé par la députée de Gatineau, je dois décider que l’affaire dont il s’agit ne constitue pas une question de privilège; mais, si elle estime qu’on a fait tort à sa réputation, la députée peut se prévaloir des recours judiciaires indiqués dans les circonstances. Je remercie la députée d’avoir soulevé cette question et j’espère que cette décision lui aura été utile, ainsi qu’aux autres députés.

F0120-f

33-2

1988-07-12

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[1] Débats, 14 juillet 1988, p. 17554-1755.

[2] Débats, 23 juin 1977, p. 7044-7045.