Le privilège parlementaire / Droits des députés

Affiliation à un parti : désignation des députés dans les documents de la Chambre

Débats, p. 16705-16706

Contexte

Le 26 septembre 1990, M. François Gérin (Mégantic—Compton—Stanstead) soulève une question de privilège afin de demander que des corrections soient apportées aux diverses listes des membres des comités, aux documents officiels de la Chambre et à la désignation électronique des députés. M. Gérin déclare qu’il a mis un terme à son affiliation au Parti progressiste-conservateur le 18 mai 1990, mais que diverses listes de députés précisent toujours qu’il est associé à ce parti. Le Président assure le député que les corrections nécessaires seront apportées.

M. Gérin demande ensuite que ces corrections témoignent qu’il est maintenant affilié au Bloc québécois. L’hon. Jean Lapierre (Shefford) appuie les arguments du député et ajoute que les députés du Bloc québécois, en plus d’être désignés comme tels dans les documents de la Chambre, ont aussi demandé à être reconnus pour les différentes procédures de la Chambre et pour les déclarations ministérielles. À ce moment-là, M. Jim Hawkes (whip en chef du gouvernement) et d’autres députés proposent que la question soit renvoyée au Comité permanent des privilèges et des élections. Toutefois, le Président, bien qu’il convienne que le renvoi de cette question au Comité permanent puisse constituer « la façon la plus logique de procéder », signale qu’un certain nombre de questions ont été soulevées et que le mandat du Comité se devait d’être assez clair. Pour cette raison, le Président propose de reporter l’étude de cette question jusqu’à ce que les députés aient eu l’occasion d’en discuter entre eux. M. Gérin accepte[1].

Le 1er octobre, M. Gérin invoque le Règlement afin de donner avis de son intention de reprendre le débat sur cette question le jour suivant, après les Questions orales[2]. Toutefois, cette question de privilège n’a jamais été discutée de nouveau à la Chambre.

Le 10 octobre, M. Jack Shields (Athabasca) invoque le Règlement afin de demander des éclaircissements quant à la façon dont les députés du Parti réformiste et du Bloc québécois étaient reconnus à la Chambre[3]. Le Président signale que la question est à l’étude.

Le 21 novembre, M. Pat Nowlan (Annapolis Valley—Hants) soulève une question de privilège et demande à être dorénavant reconnu comme « conservateur indépendant » et inscrit comme tel dans les documents de la Chambre. Après de brèves interventions de la part d’autres députés, la présidence indique qu’elle a déjà été saisie de cette question, que celle-ci faisait l’objet de discussions, et qu’elle espère qu’elle sera résolue bientôt[4].

M. Nowlan prend de nouveau la parole le 10 décembre afin de discuter de la question du statut des députés indépendants et de demander à être reconnu comme « conservateur indépendant ». D’autres députés participent également à cet échange[5]. Leurs observations sont résumées dans la décision rendue par le Président le 13 décembre 1990 et reproduite au complet dans les lignes qui suivent.

Décision de la présidence

M. le Président: Le député d’Annapolis Valley—Hants a déclaré à la Chambre, le 21 novembre 1990, qu’il était un conservateur indépendant et qu’il voulait être reconnu et être inscrit officiellement comme tel.

Le député de Calgary-Ouest (M. Jim Hawkes) est intervenu pour faire valoir qu’à l’annexe du Hansard du mercredi les députés sont inscrits soit comme membres d’un parti politique, conformément à la Loi électorale du Canada, soit comme indépendants et qu’il n’y avait pas d’autres possibilités.

La présidence a alors indiqué que cette question faisait l’objet de discussion en dehors de la Chambre et elle a dit espérer qu’elle pourrait être résolue de façon satisfaisante.

Nos discussions ultérieures sur la question n’ont pas été concluantes et n’ont pas permis de régler le point en litige, et avant que la [présidence] ait pu faire rapport de cette situation à la Chambre, le député d’Annapolis Valley—Hants est intervenu de nouveau à la Chambre, le 10 décembre 1990, pour insister qu’on le reconnaisse comme conservateur indépendant.

Dans l’appel passionné qu’il a fait à la Chambre, le député nous a signalé de nombreux cas où des députés élus sous une étiquette avaient déclaré avoir changé d’affiliation et avaient été reconnus en conséquence.

Il a soutenu que « le système politique de notre pays est basé sur l’élection d’individus » dont l’affiliation politique est d’importance secondaire. D’autre part, le député de Calgary-Ouest a continué de maintenir que ce serait une grave erreur d’inventer une affiliation politique qui ne figure pas dans la Loi électorale du Canada pour demander au Parlement d’approuver la désignation de cette affiliation politique dans ses comptes rendus écrits alors qu’il n’existe pas de bannière sous laquelle un candidat puisse participer à des élections au Canada.

Le député de Kingston et les Îles (M. Peter Milliken) a soutenu que le député de Calgary-Ouest tentait de modifier le Règlement qui a toujours présidé au fonctionnement de cette Chambre, en se reportant à des modifications qui ont été apportées à la loi électorale dans les années 70. Il concluait que compte tenu des précédents, le député d’Annapolis Valley—Hants devrait avoir le droit de choisir son appellation et d’insister pour que celle-ci soit inscrite à l’annexe du Hansard du mercredi.

La présidence a conclu cet échange de vues en demandant si un député pouvait faire savoir à la présidence, s’il y avait quelque obstacle légal à ce que le député se déclare conservateur indépendant à la Chambre. On n’en a relevé aucun.

La présidence a promis de revenir à la Chambre avec une réponse motivée et elle est prête à le faire maintenant.

Il est peut-être paradoxal que l’affiliation politique d’un député, qui est tellement fondamentale pour déterminer comment il se définit, ne soit exprimée que de façon marginale dans nos documents officiels. Pour ce qui est de la Chambre, l’affiliation politique des députés n’est indiquée que dans l’appendice hebdomadaire des Débats et dans les appendices des Journaux et des volumes reliés des Débats. Ces mentions ont, bien sûr, d’autres applications: par exemple, dans le Hansard électronique et dans diverses listes des députés. Mais on peut dire en quelque sorte qu’il s’agit d’applications dérivées du fait qu’elles dépendent ou sont tirées des listes qui figurent à l’appendice hebdomadaire des Débats. C’est donc sur la mention de l’affiliation politique faite dans les Débats que nous devons d’abord porter notre attention.

En toute déférence pour ceux qui soutiennent l’opinion contraire, la présidence doit faire savoir à la Chambre qu’elle n’a pu relever aucune prescription qui restreindrait les désignations d’affiliation politique inscrites à l’annexe du Hansard aux seuls partis reconnus officiellement comme tels aux termes de la Loi électorale du Canada.

L’absence de prescription limitative de cet ordre doit être mise en balance avec le poids combiné de la pratique suivie par cette Chambre et à cet égard par le passé et de notre tradition de longue date qui veut que nous respections la parole et les revendications légitimes à l’autodéfinition des simples députés.

Cette mise en balance, qu’elle a effectuée avec énormément d’attention et un très grand soin dans le cas présent, a convaincu la présidence de se rendre à la demande du député d’Annapolis Valley—Hants. En conséquence, la présidence donne instruction de l’inscrire comme conservateur indépendant à l’annexe du Hansard du mercredi, dans les annexes des volumes reliés du Hansard et des Journaux ainsi que dans tous les documents et circonstances rattachés à ces annexes, le cas échéant.

Ce n’était pas une décision des plus facile à prendre, le processus ayant nécessité de longues discussions, et j’espère qu’elle conviendra à la Chambre.

Post-scriptum

Peu de temps après que le Président eût rendu sa décision sur la question de privilège de M. Nowlan, M. Lapierre invoque le Règlement afin de demander des éclaircissements quant à la procédure que devraient suivre les députés du Bloc québécois pour informer officiellement la Chambre qu’ils voudraient être désignés comme tels. Le Président renvoie le député aux greffiers au Bureau[6].

F0131-f

34-2

1990-12-13

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[1] Débats, 26 septembre 1990, p. 13456-13459.

[2] Débats, 1er octobre 1990, p. 13633.

[3] Débats, 10 octobre 1990, p. 13987.

[4] Débats, 21 novembre 1990, p. 15526-15529.

[5] Débats, 10 décembre 1990, p. 16493-16499.

[6] Débats, 13 décembre 1990, p. 16707. Le système administratif interne exige que le député qui souhaite qu’on change sa désignation transmette un avis écrit à cet effet au greffier de la Chambre. Cet arrangement n’est pas mentionné dans les documents officiels de la Chambre.