Recueil de décisions du Président John Fraser 1986 - 1994
Le programme quotidien / Questions orales
Recevabilité des questions; nominations par décret déférées à des comités
Débats, p. 1997-1999
Contexte
Le 6 novembre 1986, l’hon Don Mazankowski (vice-premier ministre et président du Conseil privé) invoque le Règlement pour s’opposer au fait que des députés aient pu, au cours des dernières semaines, interroger lors des Questions orales des ministres sur certaines nominations par décret déférées à des comités permanents. Il soutient que de telles questions sont irrecevables étant donné qu’elles portent sur des sujets à l’étude par des comités. Des députés expriment des réserves sur les propos du vice-premier ministre[1]. Le Président prend l’affaire en délibéré et rend sa décision le 11 décembre 1986. Celle-ci est reproduite intégralement ci-dessous.
Décision de la présidence
M. le Président : Le 6 novembre 1986, le vice-premier ministre, invoquant le Règlement, a demandé s’il était acceptable, au cours de la période des questions, d’interroger les ministres au sujet des nominations par décret, que les comités permanents sont en train d’étudier en vertu de l’article 103 du Règlement. Le vice-premier ministre a soutenu, plus précisément, que des questions comme celles-là sont irrecevables lorsqu’un comité en est saisi ou a la possibilité de les étudier.
Le député de Kamloops—Shuswap (M. Nelson Riis) a exprimé des réserves quant à la possibilité d’appliquer le commentaire 357 de Beauchesne au cas qui nous occupe. Il ne partage pas l’opinion selon laquelle certaines questions ne doivent pas être abordées à la Chambre pendant la période des questions si un comité peut en être saisi.
Bien que l’honorable député d’Ottawa—Vanier (M. Jean-Robert Gauthier) reconnaisse la possibilité de duplication, il a mentionné que certaines questions quant au comportement et à la conduite de délégués font partie du domaine public et, par conséquent, peuvent être des sujets convenables pour la période de questions.
On trouve dans le rapport du Comité spécial de la réforme de la Chambre, publié en juin 1985, [à la page 36,] cette phrase aux accents prophétiques qui convient parfaitement ici :
En présentant des recommandations au sujet de l’examen et de la confirmation de certaines nominations, nous nous aventurons sur un terrain inexploré.
La présidence est parfaitement d’accord. Il ne serait pas inutile, au début de cette décision, de passer en revue les articles 103 et 104.
L’article 103 du Règlement exige qu’un ministre de la Couronne dépose, suite à leur publication dans la Gazette du Canada, copie de nominations par décret en-dedans de cinq jours de séance. Au moment de leur dépôt, elles sont renvoyées devant un comité permanent déterminé pour une période ne devant pas excéder 30 jours.
L’article 104 dispose que le comité doit, s’il le juge approprié, convoquer pour une période d’au plus 10 jours de séance les personnes nommées ou dont on propose la nomination. Le même article dit clairement que le comité doit examiner les titres, les qualités et la compétence de ces personnes. De l’avis de la présidence, les pouvoirs d’examen du comité sont étroitement circonscrits et ne portent que sur les qualités de ces personnes et leur capacité d’exécuter les fonctions du poste en cause; les questions posées au comité et les rapports de celui-ci doivent porter strictement sur les titres, les qualités et les compétences et sur l’exécution des fonctions.
La présidence se doit d’ajouter qu’il n’est pas impératif pour un comité de réviser ces nominations par décret lorsqu’elles leur sont renvoyées puisque l’article 104 du Règlement laisse explicitement à la discrétion du comité de décider quelle nomination par décret sera révisée, s’il y a lieu.
Pour aborder le problème des questions posées pendant la période des questions sur les personnes nommées par décret, il me semble utile de faire ressortir une analogie avec le mandat précis de deux autres comités. [L’article] 96(3)f) dispose que tous les rapports du vérificateur général sont réputés renvoyés en permanence au Comité des comptes publics dès leur dépôt à la Chambre. [L’article] 96(4)a) prévoit que le rapport annuel du commissaire aux langues officielles est réputé renvoyé en permanence au Comité mixte permanent des langues officielles dès qu’il est déposé.
Serait-il par conséquent contraire à nos règles que des députés interrogent le gouvernement, pendant la période des questions, sur les rapports du vérificateur général et du commissaire aux langues officielles, tout simplement parce que ces rapports sont automatiquement renvoyés à des comités permanents de la Chambre dès qu’ils sont déposés et que ces comités ont la possibilité de les examiner? Bien qu’il n’y ait pas de décisions portant précisément sur ce point, nous n’avons pas constaté, à l’examen des précédents, que des députés se soient plaints de questions posées au sujet de tels rapports, au cours de la période des questions. En fait, on constate plutôt, en lisant le Hansard que de nombreuses questions sont effectivement posées à ce sujet, après le renvoi des rapports en cause aux comités compétents.
L’honorable député de Kamloops—Shuswap a remarqué avec précision que les nouveaux comités permanents de la Chambre ont maintenu une autorité si vaste que presque toutes les questions de la période des questions seraient irrecevables si elles avaient la possibilité d’être revues par un comité permanent.
Dans la déclaration qu’il a faite à la Chambre le 14 avril 1975, au sujet de la période des questions, M. le Président Jerome a dit :
On a beaucoup parlé des précédents au sujet des restrictions, des rejets ou des atteintes portées au droit des députés de poser des questions. Ce n’est pas de cette façon que je préfère m’y prendre pour tenter d’établir une façon de procéder rationnelle et pour comprendre comment la période des questions devrait se dérouler. Je préfère adopter une attitude positive et arriver à une déclaration de principe qui précise les circonstances dans lesquelles on peut poser des questions, et réduire au minimum les conditions négatives qui pourraient limiter le droit d’un député à en poser[2].
Guidée par ce principe, la présidence décide donc qu’en général, les questions posées au gouvernement au sujet des nominations par décret sont admissibles, surtout si elles ressortissent à la compétence administrative du gouvernement. Par ailleurs, je dois dire à la Chambre, comme je l’ai fait le 6 novembre, que, par souci de bienséance et d’équité, et sans empêcher les députés de s’occuper avec diligence des questions d’intérêt public, je n’hésiterai pas à déclarer irrecevables des questions qui, à mon avis, dépassent les bornes.
La présidence souhaite remercier le vice-premier ministre pour avoir soulevé la question. Elle remercie également de leurs contributions le député de Kamloops—Shuswap et le député d’Ottawa—Vanier. Je dois ajouter que la présidence se sent rassurée du fait que la nouvelle procédure d’examen des nominations par décret créera des précédents qui renforceront ultimement les articles 103 et 104 du Règlement.
Par souci d’équité, je voudrais aussi ajouter que les personnes qui comparaissent devant les comités n’ont probablement jamais auparavant été soumis à une procédure semblable. Il incombe à tous les députés de reconnaître que ces personnes ont été nommées pour servir leur pays et que les questions les concernant, qui peuvent parfaitement être posées au comité, devraient être formulées avec une certaine délicatesse. Comme je l’ai dit, la plupart des gens, s’ils ont un peu de chance, n’ont jamais à comparaître devant un comité habilité à leur poser toutes sortes de questions auxquelles ils ne s’attendent pas, dans certains cas.
Les députés qui ont une certaine expérience de la procédure judiciaire, comme plaideurs ou comme membres du Barreau, savent certainement combien il peut être éprouvant pour une personne de comparaître comme témoin devant un tribunal. Je voudrais donc demander à tous les députés de prendre bien soin, lorsque des citoyens sont nommés à une charge publique par le gouvernement du Canada, de les traiter en tout temps avec courtoisie et équité pendant leur comparution au comité.
Je voudrais, une fois de plus, remercier Je vice-premier ministre pour avoir porté cette question à l’attention de la présidence. J’espère que ces observations aideront les députés et les comités à traiter de façon appropriée les citoyens qui viennent témoigner devant eux.
Post-scriptum
À la suite de la décision du Président, le ministre M. Mazankowski a invoqué le Règlement pour demander s’il devait conclure que, en vertu de cette décision, pendant qu’une personne comparaît devant un comité aux termes des articles 103 et 104 du Règlement, le Président acceptera quand même que des questions soient posées à son sujet en Chambre. Le Président a indiqué que, en général, on ne doit pas empêcher les députés de poser des questions en Chambre, mais qu’il jugera chacune de ces questions en tenant compte du contexte particulier.
F0308-f
33-2
1986-12-11
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[1] Débats, 6 novembre 1986, p. 1151-1153.