Recueil de décisions du Président John Fraser 1986 - 1994
Le processus législatif / Divers
Projets de loi d’intérêt public : dépôt à l’étape du rapport; recevabilité des amendements
Débats, p. 18306-18309
Contexte
Le 15 août 1988, au moment de la reprise du débat à l’étape du rapport du projet de loi C‑130 concernant l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, le Président rend sa décision finale au sujet du regroupement et du choix des motions à l’étape du rapport. À la suite de cette décision, qui porte sur 102 motions, l’hon. Lloyd Axworthy (Winnipeg—Fort Garry) invoque le Règlement au sujet de certaines motions. Il fait valoir que des amendements à l’annexe du projet de loi ont été autorisés par une décision antérieure en comité, alors que le Président vient de déclarer ce genre d’amendements irrecevables puisqu’ils visent à modifier l’Accord et non pas le projet de loi[1]. M. Steven Langdon (Essex—Windsor) invoque également le Règlement par la suite au sujet des motions nos 18 et 26 qu’on juge à tort, selon lui, irrecevables. Il prétend que la motion no 26, jugée irrecevable parce qu’elle a déjà été présentée en comité, doit être admise puisque, comme elle s’insère maintenant à un endroit différent du projet de loi, ce n’est plus le même amendement. Il prétend également que, bien qu’elle ait déjà été proposée en comité, la motion no 18 doit être admise parce qu’elle renferme un nouvel élément, et se demande si de légères modifications de forme changent l’objet des motions[2]. Le Président rend une décision sur le rappel au Règlement de M. Axworthy puis rend une nouvelle décision à la suite des commentaires de M. Langdon. Le texte intégral de la décision portait sur les 102 motions, y compris leur sélection et regroupement pour le débat ainsi que la marche à suivre pour les votes. Voici le texte de la décision touchant les motions déclarées non recevables.
Décision de la présidence
M. le Président : Avant que je communique la délicate décision sur les amendements, on m’informe qu’on en a distribué le texte dans les deux langues officielles. J’espère que c’est bien le cas. Nous sommes en mesure de le faire parce que nous avons eu quelques jours supplémentaires pour charger les traducteurs d’une tâche dont tous les députés doivent comprendre la difficulté. Les députés attendent sûrement de moi que je dise à nos traducteurs que nous sommes conscients de la tâche ardue que nous leur imposons et que nous leur sommes reconnaissants de tout ce qu’ils font pour nous.
Je suis maintenant prêt à rendre une décision finale sur les motions qui tendent à modifier le projet de loi C‑130, visant la mise en œuvre de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis d’Amérique.
Le Feuilleton des avis contient 102 motions qui tendent à modifier le projet de loi C‑130, Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Comme le savent les honorables députés, j’ai rendu une décision préliminaire sur les trois premiers groupes vendredi dernier. Les députés me permettront, j’en suis sûr, de me prononcer sur toutes les motions dans cette décision finale parce que je voudrais qu’elle soit aussi complète que possible.
…
J’ai de sérieuses réserves au sujet de la motion no 2, car il s’agit d’un amendement qui vise à ajouter au projet de loi une définition des industries culturelles. C’est donc un amendement de fond, puisqu’il n’est pas du tout question des industries culturelles dans le projet de loi.
Je reporte l’honorable député au commentaire 773(10) de la cinquième édition de Beauchesne, page 239 :
Il n’est pas dans l’ordre de proposer une modification de fond sous forme de modification de l’article « interprétation » du projet de loi.
Je me réfère aux Journaux du 21 mai 1970, page 835. Je déclare donc l’amendement irrecevable.
J’éprouve certains doutes au sujet de la motion no 3. Son auteur a l’intention de modifier l’Accord tel qu’il est publié dans le Recueil des traités du Canada en vertu du paragraphe (2), pour exclure explicitement les exportations massives d’eau douce. Je voudrais rappeler aux députés que le pouvoir de conclure des traités relève de la prérogative de la Couronne, et l’Accord proprement dit ne peut donc être modifié. On consultera à ce sujet le commentaire 778 de la cinquième édition de Beauchesne :
Dans le cas où l’objet du projet de loi serait la ratification d’un accord, ledit accord étant annexé au projet de loi et formant avec lui un document complet, on ne saurait modifier cette annexe. Mais la modification des articles d’un [projet de loi] en vue d’interdire l’application législative du document paraissant en annexe serait au contraire dans l’ordre, comme le seraient les propositions d’amendement relatives aux articles qui intéressent [des] questions étrangères à celles qui visent ledit document.
Je déclare donc l’amendement irrecevable.
J’ai également des doutes quant à la recevabilité de la motion no 4. Cette motion vise à modifier l’article 3 du projet de loi, qui indique que le projet de loi a pour objet d’énoncer les objectifs de l’Accord dans des termes identiques à ceux qui figurent à l’article 102 de l’Accord. La présidence est d’avis que cette motion modifie la portée des objectifs tels qu’ils figurent dans l’Accord, et elle la juge donc irrecevable.
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Les motions nos 7, 18, 26, 27 et 34 ont été proposées en comité. Les motions nos 26 et 27 ont été jugées irrecevables, tandis que les motions nos 7, 18 et 34 ont été présentées, débattues et rejetées en comité. Les légères modifications de forme qu’elles ont subies n’en modifient pas l’objet. Par conséquent, aux termes [de l’article] 114(10) du Règlement, je ne les choisis pas pour les fins du débat.
J’éprouve certains doutes au sujet des motions nos 9, 10, 12, 13 et 14. On ne trouve rien, dans le projet de loi ni dans l’Accord, au sujet des revendications des Autochtones et des différents programmes dont ces motions font état. En revanche, elles ont pour objet de limiter l’application de cette loi dans les domaines visés. J’accorderai donc le bénéfice du doute à leur auteur en lui permettant de les présenter à la Chambre. En outre, l’honorable député de Winnipeg—Fort Garry m’a convaincu, après consultation, de l’importance de la motion no 11 qui, bien qu’ayant été débattue et rejetée en comité, mérite d’être étudiée de nouveau.
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J’ai des réserves au sujet des motions [nos] 15 et 35. Ces motions voudraient que les gouvernements provinciaux soient libres d’exercer certains pouvoirs, nonobstant les dispositions de l’Accord. Or, on ne trouve rien dans le projet de loi qui impose aux provinces des restrictions ou des obligations dans les domaines sur lesquels portent les motions. Le projet de loi et l’Accord attribuent au gouvernement du Canada la responsabilité de la mise en œuvre de l’Accord. Ces motions outrepassent l’objet du projet de loi et sont donc irrecevables.
La motion no 16 inquiète la présidence parce qu’elle vise à limiter les pouvoirs dévolus au gouvernement fédéral et de légiférer à l’avenir au sujet de l’Accord en cause, de la façon décrite à l’article 6 du projet de loi. Une telle motion outrepasse à mon avis la portée du projet de loi parce qu’elle y introduit un nouveau concept. C’est pourquoi je la déclare irrecevable.
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Les motions nos 28 et 29 empiètent sur les prérogatives financières de la Couronne, puisque la création d’une telle commission ou commission d’enquête entraînerait la dépense de fonds publics. Je reporte les députés aux commentaires 540 et 773(7) de la cinquième édition de Beauchesne. Ces motions sont donc irrecevables.
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La motion no 36 préoccupe la présidence en raison de sa disposition dérogatoire qui porte sur le droit d’exiger des engagements de résultat des fabricants de véhicules automobiles. Il semble que l’objet de cette motion soit de permettre au Canada de fixer ses propres règles, indépendamment de tout engagement pris dans l’Accord. Puisque l’objet du projet de loi est la mise en œuvre de l’Accord et que le chapitre 10 inclut le commerce des produits automobiles, je dois donc déclarer cette motion irrecevable.
J’ai de graves réserves au sujet des motions nos 37 et 49A, pour deux raisons. La motion no 37 s’insère mal dans la Partie II, « Commission de révision des marchés publics », et elle vise à modifier l’Accord. Je renvoie les honorables députés aux raisons que j’ai avancées pour déclarer irrecevable la motion no 3. La motion no 49A vise également à modifier l’Accord. C’est pourquoi je dois déclarer ces motions irrecevables.
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La présidence a certaines réserves au sujet de la motion no 66 qui vise à réserver au gouverneur en conseil le pouvoir d’établir certains décrets plus d’une fois en-deçà d’une période définie. L’Accord précise cependant que chaque partie n’exerce pas les pouvoirs en question plus d’une fois au cours de ladite période. Comme l’honorable député se montre permissif dans sa motion, je vais lui accorder le bénéfice du doute et accepter sa motion qui fera l’objet d’un débat et d’un vote distincts.
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La motion no 69 inquiète la présidence à cause de sa disposition dérogatoire relative au droit du Canada d’exercer certains pouvoirs. Il semble que cette motion vise à assurer que le Canada puisse continuer d’établir ses propres règlements en la matière, quels que soient les engagements pris en vertu de l’Accord. Comme l’objet du projet de loi est de mettre en œuvre l’Accord, je dois déclarer la motion irrecevable.
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La motion no 94 outrepasse la portée de l’article qu’elle tend à modifier et est donc irrecevable. L’article porte sur la Loi sur le transport du grain de l’Ouest, et sur les ports de la Côte-Ouest et l’amendement en cause vise à y ajouter les ports de la Côte-[Est], ce qui est irrecevable.
Les motions nos 97 et 98 sont irrecevables parce qu’elles visent à assujettir les dispositions relatives à l’entrée en vigueur du projet de loi à des conditions qui échappent au processus législatif. À cet égard, je reporte les honorables députés à la vingtième édition de l’ouvrage de Erskine May, page 557, paragraphe (10).
…
Je répète, pour l’information des députés et de ceux qui suivent nos délibérations, que le projet de loi dont nous sommes saisis a pour objet de mettre en œuvre l’Accord entre le Canada et les États-Unis et que, par conséquent, la majeure partie de ses dispositions propose de modifier des lois publiques existantes, mais qu’il renferme d’autres dispositions qui ont leur importance.
Les députés savent que le Règlement oblige à rejeter comme inacceptables les amendements qui visent à modifier les termes mêmes de l’Accord, mais à certaines conditions d’autres qui se rapportent aux dispositions du projet de loi même ont été jugés acceptables et sont évidemment mentionnés dans la décision. Je signale aux députés et au public que, à la fin de la journée, jeudi, la présidence avait été saisie de 102 amendements dont 77 pourront être débattus. Les députés les retrouveront dans [26] groupes différents.
Je tiens à remercier tous les députés qui ont soumis des amendements de leur coopération avec les services du greffier. Comme les députés s’en doutent, Je grand nombre d’amendements a compliqué la tâche, mais j’espère que les députés seront satisfaits du soin qu’on a mis à les étudier. […]
Je remercie le député d’Essex—Windsor de ses bonnes paroles, car je sais que tous ceux qui ont travaillé avec acharnement à cette tâche les apprécient à leur juste valeur.
La ligne de conduite que nous avons adoptée il y a quelque temps a donné de bons résultats : étant donné les longues consultations tenues avant le dépôt des amendements, la présidence a jugé que, dans la majorité des cas, il n’a pas été nécessaire d’en discuter davantage. Comme les députés, cependant, je sais que c’est une question importante. Toute question soulevée à la Chambre est importante, et celle-ci l’est particulièrement à cause du nombre d’amendements que la présidence a dû étudier. C’est pourquoi j’ai écouté attentivement les observations du député de Winnipeg—Fort Garry et du député d’Essex—Windsor. Je leur sais gré du concours supplémentaire qu’ils ont accordé à la présidence.
Au sujet des deux motions dont le député d’Essex—Windsor m’a parlé, je vais de nouveau examiner la motion no 26 avec les greffiers et ces derniers communiqueront avec lui. Quant à la motion no 18, je peux trancher la question immédiatement. Je m’en souviens très bien et j’ai demandé au greffier de me l’apporter.
Je comprends parfaitement pourquoi le député l’a proposée, mais je dois m’en tenir à la procédure. De l’avis de la présidence, le changement mentionné par le député ne change rien au fait qu’elle est irrecevable. Je comprends pourquoi le député a présenté l’amendement, mais je ne peux, hélas, rien faire pour l’aider.
F0514-f
33-2
1988-08-15
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